Rapport n° 487 (2014-2015) de M. André GATTOLIN , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 4 juin 2015

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N° 487

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne de Mme Catherine MORIN-DESAILLY et M. Gaëtan GORCE, présentée en application de l'article 73 quinquiès du Règlement, pour une stratégie européenne du numérique globale , offensive et ambitieuse ,

Par M. André GATTOLIN,

Sénateur

et TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mmes Nicole Duranton, Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Jean-Jacques Hyest, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Michel Mercier, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard .

Voir le numéro :

Sénat :

423 (2014-2015)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Conformément à l'article 73 quinquies du règlement du Sénat, votre commission des affaires européennes est chargée d'examiner la proposition de résolution européenne n° 423 (2014-2015) présentée le 4 mai 2015 par Mme Catherine Morin-Desailly et M. Gaëtan Gorce pour une stratégie européenne du numérique globale, offensive et ambitieuse.

Cette proposition s'inscrit dans la continuité des travaux menés au Sénat sur le numérique ces dernières années. Parmi ceux-ci, on peut notamment citer le rapport de la commission des affaires européennes sur l'Union européenne, colonie du monde numérique ? 1 ( * ) et le rapport de la mission d'information consacrée au nouveau rôle et à la nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'internet 2 ( * ) , présidée par Gaëtan Gorce, dont le rapporteur était Catherine Morin-Desailly et à laquelle votre rapporteur a pris part.

Cette proposition de résolution nous est transmise à un moment doublement important. Tout d'abord, tandis que son Président, Jean-Claude Juncker, avait fait de la stratégie numérique une des priorités de son mandat, la Commission européenne a publié le 6 mai 2015 une communication 3 ( * ) présentant ses propres propositions pour la stratégie numérique de l'Union européenne. Et c'est à l'aune de celles-ci que nous devons analyser le texte qui nous est soumis.

En outre, on assiste à une prise de conscience générale en France et en Europe du retard de notre continent dans l'innovation et la régulation numériques, mais également de notre faiblesse jusque-là vis-à-vis des grands acteurs privés de l'Internet. Face à des comportements contestables comme l'optimisation fiscale ou l'abus de position dominante, les pouvoirs publics paraissent moins enclins à la tolérance que par le passé.

Signe de ces changements, la Commission européenne semble déterminée à voir les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) respecter le droit Européen. L'activité de la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, a permis que l'enquête pour abus de position dominante ouverte contre Google en 2010 avance enfin, alors que des négociations bloquaient le processus. Apple est suspecté d'accords fiscaux avantageux avec l'Irlande et de pratiques anti-concurrentielles à l'égard de certaines maisons de disques. L'Union européenne n'est pas seule à agir, la France l'Italie et l'Espagne ont annoncé au début du mois d'avril l'ouverture d'enquêtes sur la police de confidentialité de Facebook. À cela, il convient d'ajouter la décision d'Amazon de modifier son optimisation fiscale et de payer des taxes sur les sociétés dans les pays où il dispose d'une filiale, décision qui a marqué les esprits et qui confirme qu'un changement d'approche est en cours en Europe.

Dans ce contexte, la Commission européenne a le mérite de proposer une approche globale et ambitieuse. Mais cette approche ne marque que le début du processus de réforme nécessaire à l'élaboration d'une politique industrielle pour le numérique en Europe et la proposition de résolution qui nous est soumise est l'occasion de rappeler les priorités du Sénat en ce domaine.

I. SOUTENIR LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR UNE STRATÉGIE DU MARCHÉ UNIQUE DU NUMÉRIQUE EN EUROPE

A. LES ORIENTATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE DE L'UNION : LA COMMUNICATION DU 6 MAI 2015

« Nous jetons aujourd'hui les bases de l'avenir numérique de l'Europe » a déclaré le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors de la présentation de la stratégie de la Commission pour un marché unique numérique en Europe.

Cette stratégie comprend 16 initiatives réunies en trois piliers :

- améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises ;

- créer un environnement propice et des conditions de concurrence équitables pour le développement des réseaux et services numériques innovants ;

- maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique.

Le premier pilier vise tout particulièrement à renforcer le marché unique européen. Cela comprend des initiatives comme faciliter le commerce électronique transfrontière, l'abaissement des frais de livraison des colis ainsi qu'à trouver une solution concernant le blocage géographique. Il envisage également de s'attaquer aux pratiques anticoncurrentielles. Il est également proposé de moderniser le droit d'auteur, la fiscalité et notamment la TVA, ainsi que la directive « satellite et câbles » pour améliorer la radiodiffusion.

La Commission européenne apparaît ici pleinement dans son rôle. Néanmoins, on peut légitimement se demander si certaines mesures ne sont pas l'illustration d'une certaine orientation idéologique plus qu'empreinte de réel. Comment imaginer, en effet, que la livraison d'un colis à Rambouillet coûtera le même prix selon qu'il est commandé en Lettonie ou dans la Manche ?

Le second pilier présente deux faces. La première consiste à un renforcement du bouclier législatif pour la protection des utilisateurs de l'Internet, que ce soit en ce qui concerne la sécurisation des données ou la cybersécurité, ainsi que dans l'analyse du rôle des plateformes en ligne dans le marché. Le second volet prévoit de moderniser deux législations importantes : la réglementation des télécommunications et l'encadrement des médias audiovisuels.

Moderniser deux législations antérieures à l'internet mobile est une nécessité. Sécurisation des données et cybersécurité sont indispensables pour assurer la confiance des citoyens et des entreprises dans le monde numérique. Enfin, la volonté de la Commission européenne de s'attaquer à la place des plateformes dans l'écosystème numérique marque une étape nouvelle dans la régulation de l'Internet qui mérite d'être encouragée.

Le troisième pilier, enfin, est le signe que le projet de la Commission européenne ne s'arrête pas à renforcer la législation existante et le marché intérieur, mais qu'elle a pris la mesure de l'importance de développer une industrie numérique européenne en ciblant notamment l'informatique en nuages et la libre circulation des données. En outre, la volonté de développer les compétences des citoyens dans le domaine numérique peut être analysée comme le signe d'une prise de conscience que l'ensemble de la société est affecté par la révolution numérique.

Enfin, lors de sa venue au Sénat et de sa rencontre avec Catherine Morin-Desailly et Jean Bizet, Robert Madelin, directeur général en charge de la DG Connect à la Commission européenne a insisté sur la volonté de la Commission d'agir rapidement. Il prévoit notamment que les 16 initiatives auront été prises avant la fin de 2016. Cet objectif est louable tant le retard de l'Europe et important et la rapidité avec laquelle le numérique transforme nos vies est grande.

Ainsi, la proposition de la Commission européenne donne une consistance à la priorité accordée au numérique. Toutefois, il convient de noter qu'elle marque simplement le début d'un processus et qu'il n'y a pour l'instant aucune avancée concrète. De plus, elle ne tranche pas entre les différentes approches du sujet en Europe: l'une libérale et l'autre plus volontariste.

Les 16 initiatives prévues par la Commission

Premier pilier: améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises

1. établir des règles visant à faciliter le commerce électronique transfrontière. Il s'agit notamment de règles harmonisées de l'UE concernant les contrats et la protection des consommateurs lorsque l'on achète en ligne, qu'il s'agisse de biens physiques comme des chaussures ou du mobilier, ou de contenus numériques tels que des livres électroniques ou des applications. Les consommateurs devraient bénéficier d'un éventail plus large de droits et d'offres, tandis que les entreprises pourront vendre plus facilement dans d'autres pays de l'UE. La confiance en sera renforcée pour acheter et vendre à l'étranger (voir les faits & chiffres dans la fiche d'information) ;

2. assurer le respect des règles de protection des consommateurs de manière accélérée et homogène, en réexaminant le règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs ;

3. veiller à des services de livraison des colis plus efficaces et moins onéreux. À l'heure actuelle, 62 % des sociétés essayant de vendre en ligne indiquent que le niveau trop élevé des frais de livraison des colis constitue un obstacle (voir la nouvelle édition de l'Eurobaromètre sur le commerce électronique) ;

4. en finir avec le blocage géographique -- une pratique discriminatoire injustifiée utilisée pour des raisons commerciales, qui permet à des vendeurs en ligne d'empêcher les consommateurs d'accéder à un site internet sur la base de leur localisation, ou de les rediriger vers un site de vente en ligne de leur pays qui affiche des prix différents. En raison de ce blocage, il peut arriver, par exemple, qu'une location de voiture depuis un État membre donné soit plus chère qu'une location effectuée depuis un autre État membre pour un véhicule identique au même endroit ;

5. identifier les problèmes de concurrence potentiels affectant les marchés du commerce électronique ;

6. donner un caractère moderne et plus européen à la législation sur le droit d'auteur: des propositions législatives suivront avant la fin de 2015 en vue de réduire les disparités entre les régimes de droits d'auteur et d'élargir l'accès en ligne aux oeuvres dans l'ensemble de l'UE, notamment par des mesures d'harmonisation supplémentaires. L'objectif est de faciliter l'accès au contenu culturel en ligne, favorisant ainsi la diversité culturelle, tout en offrant de nouvelles perspectives aux créateurs et à l'industrie du contenu. La Commission s'efforce en particulier de garantir que les utilisateurs qui achètent des films, de la musique ou des articles chez eux puissent également en profiter lorsqu'ils voyagent à travers l'Europe. La Commission examinera également le rôle des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les oeuvres protégées par le droit d'auteur. Elle renforcera l'application des mesures prises contre les infractions aux droits de propriété intellectuelle commises à une échelle commerciale ;

7. examiner la directive «satellite & câble» afin de déterminer si son champ d'application doit être étendu aux transmissions en ligne des organismes de radiodiffusion et d'étudier les moyens d'améliorer l'accès transfrontière aux services de radiodiffusion en Europe ;

8. réduire la charge administrative imposée aux entreprises par les différents régimes de TVA, afin que les vendeurs de biens physiques dans d'autres pays bénéficient également du système électronique d'enregistrement et de paiement unique; avec un seuil de TVA commun pour aider les jeunes entreprises de plus petite taille qui vendent en ligne.

Deuxième pilier: créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques innovants et des conditions de concurrence équitables

9. présenter une révision ambitieuse de la réglementation européenne en matière de télécommunications. Il s'agit notamment d'assurer une coordination plus efficace du spectre radioélectrique et de prévoir des critères communs à l'échelle de l'UE pour l'assignation des fréquences à l'échelon national; de créer des incitations à l'investissement dans le haut débit ultra-rapide; d'assurer des conditions de concurrence équitables pour tous les acteurs du marché, les anciens comme les nouveaux; et d'instaurer un cadre institutionnel efficace ;

10. réexaminer le cadre des médias audiovisuels pour l'adapter au 21 e siècle, en mettant l'accent sur le rôle des différents acteurs du marché dans la promotion des oeuvres européennes (chaînes de télévision, fournisseurs de services audiovisuels à la demande, etc.). La Commission réfléchira aussi aux moyens d'adapter les règles existantes (la directive «Services de médias audiovisuels») aux nouveaux modèles économiques pour la distribution de contenu ;

11. effectuer une analyse détaillée du rôle des plateformes en ligne (moteurs de recherche, réseaux sociaux, boutiques d'applications, etc.) dans le marché. Cet examen portera sur des questions telles que l'absence de transparence des résultats de recherche et des politiques tarifaires, la manière dont ces plateformes utilisent les informations qu'elles obtiennent, les relations entre plateformes et fournisseurs et la promotion leurs propres services au détriment des concurrents - pour autant que ces questions ne soient pas déjà couvertes par le droit de la concurrence. Il examinera également la manière de lutter au mieux contre les contenus illicites sur l'internet ;

12. renforcer la confiance et la sécurité dans les services numériques, notamment en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel. En s'appuyant sur les nouvelles règles de l'UE en matière de protection des données, dont l'adoption est prévue d'ici fin 2015, la Commission procédera à la révision de la directive « Vie privée et communications électroniques » ;

13. proposer un partenariat avec l'industrie sur la cybersécurité dans le domaine des technologies et des solutions pour la sécurité des réseaux en ligne.

Troisième pilier: maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique

14. proposer une initiative européenne en faveur de la libre circulation des données dans l'Union européenne. Il arrive parfois que de nouveaux services soient entravés par des restrictions liées à l'endroit où sont situées les données ou liées à l'accès aux données, restrictions qui sont souvent sans rapport avec la protection des données à caractère personnel. Cette nouvelle initiative abordera le problème de ces restrictions et encouragera ainsi l'innovation. La Commission lancera également une initiative européenne en faveur de l'informatique en nuage portant sur la certification des services en nuage, sur le changement de fournisseur de services d'informatique en nuage et sur un « nuage pour la recherche » ;

15. définir les priorités en matière de normes et d'interopérabilité dans des domaines cruciaux pour le marché unique numérique, tels que la santé en ligne, la planification des transports ou l'énergie (compteurs intelligents) ;

16. favoriser une société numérique inclusive dans laquelle les citoyens possèdent les compétences nécessaires pour profiter des possibilités qu'offre l'internet et augmenter leurs chances de trouver un emploi. Grâce également à un nouveau plan d'action pour l'administration en ligne, les registres du commerce dans toute l'Europe seront connectés, les différents systèmes nationaux pourront travailler les uns avec les autres, et les entreprises et les particuliers auront la possibilité de communiquer leurs données une fois pour toutes aux administrations publiques, qui pourront ainsi réutiliser les informations qu'elles possèdent déjà et ne devront plus les redemander à de multiples reprises. Cette initiative «une fois pour toutes» permettra de réduire les formalités administratives et pourrait permettre d'économiser environ 5 milliards d'euros par an d'ici à 2017. La passation électronique des marchés publics et l'interopérabilité des signatures électroniques connaîtront un déploiement plus rapide.

Source : Commission européenne

B. UNE VISION AMBITIEUSE DONT LA CONCRÉTISATION NÉCESSITERA LE SOUTIEN DE LA FRANCE

1. Une proposition bien accueillie en France

Lors de la table ronde sur la culture face au défi numérique qui s'est tenue au Sénat le 28 mai dernier, les différentes associations présentes ont salué la réforme du droit d'auteur telle qu'elle était annoncée par la Commission. Même si certaines ont émis un avis réservé la stratégie dans son ensemble, toutes ont exprimé un satisfecit quant aux orientations de la réforme du droit d'auteur.

La précédente Commission avait proposé de refondre profondément le droit d'auteur, au motif de favoriser le consommateur européen sans tenir compte de l'importance de ce système dans la création en Europe et le soutien qu'il apporte à l'industrie culturelle. Les annonces du Commissaire en charge du marché unique du numérique, Günther Oettinger, semblent plutôt orienter la réforme vers une limitation du géoblocage et vers la portabilité des droits d'un pays européen à un autre, tout en posant la question du rôle des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les oeuvres protégées par le droit d'auteur et des sanctions contre les atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

Au-delà, le Gouvernement français s'est unanimement félicité de l'annonce de la Commission :

- Pour Emmanuel Macron, « cette stratégie marque la prise de conscience européenne que le numérique est un enjeu économique essentiel. Il faut désormais aller plus loin, pour développer une stratégie équilibrée autour de trois piliers : un marché unique numérique, une régulation appropriée et une ambition industrielle assumée, notamment dans le cadre du plan Juncker » .

- Pour Harlem Desir, «le numérique est un enjeu majeur d'innovation, de croissance et d'emploi pour l'Europe. Il est essentiel d'avoir une filière européenne performante dans les technologies d'avenir. La France sera particulièrement attentive à la préservation du droit d'auteur, la mise en place d'une fiscalité adaptée et la régulation des plateformes numériques» .

- Pour Axelle Lemaire, « la stratégie de la Commission européenne démontre une prise de conscience de l'importance politique et économique des enjeux du numérique, et le document affiche une ambition réelle. Le Gouvernement français a beaucoup oeuvré à élever la barre de cette ambition, pour introduire le sujet des grandes plateformes en position monopolistique, l'importance d'une vision industrielle stratégique dans des secteurs-clés, et le soutien à la croissance des start up en Europe. Les années qui viennent seront décisives pour le réveil d'une Europe du numérique qui s'affirme dans la compétition internationale » .

L'empressement du Gouvernement - ces déclarations ont été faites le lendemain de la publication de la stratégie de la Commission - à approuver les aspects les plus ambitieux de la position de l'Exécutif européen, l'ambition industrielle pour le numérique et l'évaluation du rôle des plateformes, montre que ces orientations étaient loin d'être acquises. Si la France partage avec l'Allemagne et d'autres grands pays la nécessité de développer une stratégie industrielle pour le numérique, cette conviction se heurte à d'autres conceptions d'ordre plus libéral pour lesquelles, c'est d'abord en améliorant le fonctionnement du marché unique qu'on obtiendra développement économique et création d'emplois.

C'est pourquoi, il faut souligner l'importance des déclarations conjointes des gouvernements français et allemand durant les derniers mois afin que la Commission élabore une stratégie ambitieuse et globale qui ne sape pas les bien-fondés de l'identité européenne : la diversité culturelle et la protection des droits fondamentaux comme la propriété intellectuelle et le respect de la vie privée.

2. Le début d'un processus

Il convient ici de remettre les choses en perspective : la communication du 6 mai ne fait que présenter les orientations proposées par la Commission européenne pour parvenir à un marché unique du numérique en Europe. La Commission n'a pour l'instant présenté aucun texte de portée normative. Certes, elle a le mérite de mettre tous les sujets sur la table. Toutefois, elle ne tranche pas vraiment entre les deux lignes - libérale et volontariste - qu'incarnent les deux commissaires en charge du numérique.

Le vice-président Ansip, en charge de la stratégie numérique, s'est prononcé plusieurs fois pour la suppression des freins au commerce transfrontière, pour la fin du géoblocage, tout en prônant le renforcement du marché unique au profit des consommateurs. Le commissaire Oettinger, chargé de l'économie numérique, est lui plus proche de l'ambition industrielle franco-allemande et prône « des propositions équilibrants les intérêts des consommateurs et de l'industrie » .

Ces différences de sensibilité ont d'ailleurs pu être constatées par les membres de la commission des affaires européennes du Sénat lors de leurs rencontres successives avec Günther Oettinger à Bruxelles 4 ( * ) et avec Andrus Ansip à Strasbourg 5 ( * ) . Si le premier a insisté sur l'attention particulière à porter à la dimension industrielle du secteur numérique, le second a mis l'accent sur l'amélioration de la circulation des oeuvres et l'accès des consommateurs européens aux contenus numériques et à la fin du géoblocage.

C'est pourquoi, si la Commission a le mérite d'ouvrir les discussions sur l'ensemble des sujets, il appartiendra au législateur européen d'arbitrer sur chaque point lorsque seront présentées les différentes initiatives législatives. À ce stade, il importe de rappeler ce que sont les priorités pour le Sénat afin de concrétiser avec succès l'ambition numérique européenne.

La Commission européenne présentera sa stratégie aux chefs d'État et de gouvernement lors du sommet des 25 et 26 juin prochains. C'est la raison pour laquelle l'initiative de Catherine Morin-Desailly et Gaëtan Gorce permet d'affirmer dans une résolution une position claire du Sénat pour soutenir l'action du Gouvernement français dans les négociations qui vont débuter.

II. RAPPELER LES PRINCIPES DE LA RÉUSSITE D'UNE STRATÉGIE NUMÉRIQUE EUROPÉENNE

A. POUR UNE PRISE EN MAIN DE SON DESTIN PAR L'UNION EUROPÉENNE À L'ÈRE NUMÉRIQUE : LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Les travaux de la mission d'information sur laquelle s'appuient les auteurs de la proposition de résolution ont mis en exergue trois grandes faiblesses de l'Union européenne face à la révolution numérique.

La première d'entre elles est que la logique qui préside à l'économie numérique affecte la répartition de la valeur sur le sol européen au bénéfice des grands acteurs privés américains, les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple, auxquels on associe souvent aussi Microsoft), et au détriment des créateurs, des fournisseurs de contenus, des petites et moyennes entreprises innovantes européennes. En outre, plusieurs affaires montrent que ces grands acteurs adoptent parfois des comportements répréhensibles : abus de position dominante, optimisation fiscale, autant d'attitudes qui ne sont pas acceptables. C'est pourquoi les auteurs de la proposition de résolution appellent à juste titre à une régulation concurrentielle plus forte et à la mise en place d'outils fiscaux spécifiques au numérique.

La seconde nécessité, c'est une protection des droits fondamentaux des européens dans l'espace numérique. Cela concerne à la fois la protection des données personnelles et le droit d'auteur. Ces droits sont au coeur de l'industrie numérique d'aujourd'hui et de demain, lorsque se développeront l'informatique en nuage (le cloud ) et l'exploitation des mégadonnées ( big data ). Il s'agit non seulement d'assurer un niveau de protection des plus élevés pour les citoyens et les créateurs européens mais aussi de favoriser le développement d'un écosystème assis sur des fondamentaux solides.

Enfin, la troisième nécessité développée par la proposition de résolution consiste pour l'Union européenne à se doter d'une véritable ambition industrielle pour le numérique qui aille au-delà de la seule amélioration du marché unique. Les auteurs de la proposition visent ici l'importance d'une vision stratégique partagée par les Européens pour définir les investissements prioritaires, répondre aux difficultés de financement des entreprises innovantes et parvenir à l'émergence de champions européens.

Ces trois conditions, si elles sont remplies permettront en outre à l'Union européenne de mieux défendre ses valeurs et ses intérêts au-delà de ses frontières, que ce soit dans le cadre des négociations commerciales ou dans les grandes instances internationales ou se construisent les normes et protocoles qui dessinent l'avenir.

Votre rapporteur partage l'ensemble de ces objectifs. Cependant, il propose d'enrichir et de renforcer la proposition de résolution afin de rendre notre message plus fort et plus clair.

B. METTRE L'ACCENT SUR DEUX IMPÉRATIFS : UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE POUR LE NUMÉRIQUE EN EUROPE ET L'ÉTABLISSEMENT D'UNE CULTURE DE LA CYBERSÉCURITÉ

1. Renforcer le soutien du Sénat à une politique industrielle pour le numérique en Europe

Pour être efficace, la stratégie numérique européenne ne peut se contenter d'améliorer le marché unique, de faciliter le commerce transfrontière ou de moderniser la législation. Il lui faut non seulement créer un environnement réglementaire et financier favorable au développement du numérique, mais surtout disposer d'une vision stratégique et mettre l'ensemble des moyens dont l'Union européenne dispose au service de cette ambition. Bref, il s'agit pour l'Europe de développer une véritable politique industrielle pour le numérique.

C'est précisément la position des auteurs de la proposition de résolution affirmée dans le paragraphe 17, qui rappelle également l'importance pour l'Union européenne de défendre des conditions de concurrence équitables dans les négociations commerciales. Comme il a été rappelé, cette ligne volontariste est certes voulue par la France et l'Allemagne, mais elle n'est pas partagée par l'ensemble des Européens. Aussi, pour donner plus de force au message du Sénat et de la France en faveur d'une véritable politique industrielle pour le numérique en Europe, votre rapporteur propose de développer les deux sujets en deux paragraphes distincts : le premier appellera à une politique industrielle ; le second invitera l'Europe à mieux défendre son ambition numérique dans les négociations commerciales.

Par conséquent, votre rapporteur propose de modifier le paragraphe 17 et d'adopter la rédaction suivante :

Le Sénat « appelle à une véritable politique industrielle en faveur du numérique dans l'Union européenne, grâce à un pilotage stratégique et une plus grande cohérence entre la politique de concurrence de l'Union et sa politique industrielle, en assouplissant le régime des aides d'État, en mobilisant le fonds européen d'investissement stratégique du plan Juncker, en encourageant le développement du capital-risque dans l'Union, en promouvant l'adoption de normes communes en matière industrielle dans l'objectif de faciliter le développement et la croissance des entreprises innovantes du numérique et de soutenir des projets industriels d'envergure européenne - traitement des données de masse, services sécurisés mais ouverts d'informatique en nuage » .

En outre, votre rapporteur soutient également la volonté des auteurs de la proposition que l'Europe défende mieux ses valeurs, ses intérêts et son ambition numérique dans les négociations commerciales en cours et tout particulièrement en ce qui concerne le traité transatlantique. C'est pourquoi, il propose l'ajout d'un paragraphe rédigé comme suit :

Le Sénat « souligne l'importance pour l'Union européenne de défendre son ambition numérique dans les négociations commerciales en cours, tant en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité publique que l'établissement de conditions de concurrence équitable et non discriminatoire entre opérateurs européens et américains. »

2. Développer la cybersécurité en Europe

Selon une étude du Forum économique mondial, si les Gouvernement et les entreprises ne développent pas rapidement une défense adéquate contre les cyber-attaques, celles-ci pourraient entraîner des pertes pour l'économie pouvant aller jusqu'à 3 000 milliards de dollars en 2020, soit près de 2 700 milliards d'euros au taux actuellement en vigueur.

La seule année 2015 a vu la multiplication des cyber-attaques terroristes contre les médias (Charlie Hebdo, Le Monde et TV5 Monde en France, Le Soir en Belgique) et les attaques mafieuses contre des banques et des grands groupes privés. Il n'est pas inutile de rappeler que certains États n'hésitent pas non plus à attaquer des administrations étrangères, même lorsque celles-ci sont dans un pays allié.

Ces attaques ont montré la vulnérabilité de nos systèmes d'information, les limites de nos moyens de protection et la faiblesse de nos capacités. Or, il ne pourra y avoir de réelle évolution numérique en Europe que si les acteurs, publics ou économiques, ont confiance dans la sécurité du système. Il est d'ailleurs tout à fait regrettable que la proposition de directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau commun élevé de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union, en discussion depuis 2013, n'ait à ce jour toujours pas été adoptée, malgré les demandes répétées du Sénat.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur propose d'enrichir la proposition de résolution par un paragraphe consacré à la cybersécurité et qui serait ainsi rédigé :

Le Sénat « insiste sur la nécessité de renforcer la cybersécurité en Europe et sur l'importance stratégique de développer des compétences et des capacités publiques et privées dans ce secteur au sein de l'Union européenne » .

EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le jeudi 4 juin 2015 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur M. André Gattolin, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet, président. - Je remercie notre collègue pour son travail. Je crois qu'il était opportun d'enrichir la proposition de résolution qui nous est soumise. Les trois amendements qui sont proposés me paraissent tout à fait pertinents et je les soutiens.

Mme Colette Mélot. - Je travaille moi-même sur cette question du numérique, que ce soit à la commission de la culture sur le droit d'auteur ou avec André Gattolin à la suite des attentats de janvier dernier.

La gouvernance de l'Internet s'affirme de plus en plus comme un sujet majeur. Les révélations d'Edward Snowden et l'utilisation d'Internet par des terroristes ont conduit les pays européens à se positionner sur les enjeux de la sécurité sur Internet. Il est temps que l'Europe s'y intéresse et que la Commission eureopéenne s'empare du sujet. Je soutiens donc l'amendement sur la cybersécurité.

Au-delà de la sécurité, Internet a changé le mode de vie des citoyens et des consommateurs. Et si nous ne sommes encore qu'au début du processus, les Européens doivent prendre toute leur place. Et, dans ce contexte, il est important d'affirmer nos priorités. Je soutiens donc l'ensemble des amendements proposés.

M. Éric Bocquet. - Nous sommes tout à fait favorables tant à l'esprit qu'à la lettre de la proposition de résolution, ainsi qu'aux amendements présentés par André Gattolin.

J'aurai une simple question pour notre rapporteur : le paragraphe 14 évoque une coopération renforcée « pour parvenir à une taxation effective des revenus générés par l'activité numérique au sein de l'Union européenne » . N'irait-on pas à l'encontre de l'unanimité qui s'impose aux questions fiscales en faisant cela ?

M. François Marc. - Je suis également favorable à ce qui nous est soumis. Je soutiens en particulier activement le paragraphe 18 en faveur d'une stratégie industrielle pour le numérique.

On a aujourd'hui un besoin très grand d'avancer sur ce terrain. On sait que quand deux emplois sont supprimés dans l'industrie classique, il y en a cinq qui se créent dans l'industrie numérique. C'est dire à quel point on est en train de changer de modèle !

Dans cette montée en puissance si rapide, l'Union européenne a besoin de plus de cohérence et de synergie. C'est la raison pour laquelle je soutiens très fortement ce point particulier qui me semble essentiel.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je suis pleinement d'accord avec l'analyse de notre rapporteur. Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que nous n'avons pas, en Europe, de grand acteur de niveau mondial comme les « GAFA ».

Nous en avions parlé avec les commissaires Ansip et Oettinger qui soutiennent l'émergence de ces grands ensembles. Mais pour y parvenir, il va falloir revoir la politique de la concurrence dans l'Union européenne. Pour moi, c'est une priorité.

Un autre problème, c'est que des sociétés qui se créent en Europe partent ailleurs pour se développer parce que l'environnement y est plus favorable. Je considère qu'il y a comme une pesanteur. Je rappelle que l'Europe concentre 6 % de la population mondiale, 20 % de la richesse et 50 % de l'action sociale. Je suis d'accord pour dire que c'est un modèle social qu'il faut préserver, mais il faut constater qu'il nous empêche de développer ces grands ensembles.

M. André Gattolin. - Pour répondre à Éric Bocquet, je dirais qu'il est exact que la règle de l'unanimité continue à prévaloir en matière de fiscalité. Mais la question qui se pose est aussi politique. C'est un choix de souveraineté nationale : Mme Merkel, reprise par le Président Hollande, a parlé d'un Internet européen. À un moment donné, l'Union européenne doit donner la possibilité d'agir à des États stratèges.

J'évoque souvent les crédits d'impôt sectoriel qu'utilisent des pays d'Amérique du Nord et d'Asie pour attirer sur leur territoire des entreprises européennes sans condamnation de l'OMC. À côté de ça, en Europe, nous nous fixons des règles de concurrence plus contraignantes ! Je pense qu'il faudrait que l'Union européenne reconnaisse aux États membres la possibilité d'établir un crédit d'impôt pour des secteurs définis comme stratégiques.

Je rappelle que le développement de l'Internet dans les années 90 s'est fait aux États-Unis sous l'administration Clinton qui lui avait apporté un fort soutien. Là, la Commission semble prendre conscience qu'il faut dépasser la vision traditionnelle européenne de la politique de concurrence, qui se fait soi-disant au bénéfice du consommateur. On se rend compte que la partie productive a toujours été négligée. Nous sommes un grand marché, et c'est normal de faire payer un impôt aux « GAFA », mais nous ne sommes pas que ça. Il faut aussi penser aux emplois qu'on peut créer avec ces industries.

Le principe est le même avec la question du haut et du très haut débit. Les grands acteurs américains en demandent toujours plus, de façon à fournir une offre plus attractive. Les États paient pour l'amélioration des infrastructures et les revenus générés par la publicité vont aux grands groupes, mais pas aux États.

En Europe, nous avons un autre problème, c'est le multilinguisme : c'est une richesse culturelle incomparable, mais c'est un handicap pour un développement à l'échelle du continent et l'anglais pratiqué sur les sites américains finit par s'imposer partout.

Concernant la livraison de colis, je me suis un peu renseigné et, visiblement, il semble y avoir des abus sur les tarifs postaux dans des zones proches des frontières. C'est en partie cela que la Commission veut corriger.

Enfin, on sait que l'enveloppe budgétaire du plan Juncker ne sera pas très importante. En complément, il faut que les règles européennes autorisent les États membres à défendre leur industrie ! L'exception culturelle, la seule autorisée jusqu'à présent, a été plutôt efficace, y compris sur les jeux vidéo. Mais dans d'autres secteurs, il faut avouer que beaucoup d'entreprises très performantes sont parties au Canada ou aux États-Unis, comme l'a rappelé Yves Pozzo di Borgo.

C'est pourquoi je pense que notre proposition de résolution sera bienvenue.

M. Jean Bizet, président. - Je mets aux voix la proposition de résolution européenne dans la rédaction proposée par le rapporteur.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée à l'unanimité.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 18 décembre 2012, « Une stratégie numérique pour l'Europe: faire du numérique un moteur de la croissance européenne » COM(2012) 784 final,

Vu les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013,

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 6 mai 2015, « Stratégie pour un marché unique du numérique en Europe », COM(2015) 192 final,

Considérant que l'Union européenne ne peut se contenter d'être un espace unifié de consommation de biens et produits numériques mais doit prendre une place de leader dans l'économie numérique pour assurer la croissance et les emplois de demain, mais aussi pour garantir en ligne l'identité européenne à travers le pluralisme et la diversité culturelle ;

Jugeant nécessaire de revoir la répartition de la valeur dans l'écosystème numérique sur le sol européen afin de garantir la viabilité et le développement des acteurs européens, sans remettre en cause la neutralité de l'Internet ;

Déplorant les insuffisances de la régulation concurrentielle ex post et le temps pris à mettre fin aux abus de position dominante dans l'économie numérique, dont la vitesse d'évolution rend irréversible l'éviction de certains acteurs du marché ;

Estimant que l'érosion fiscale qui accompagne la numérisation de l'économie menace de saper les ressources fiscales et, à terme, de remettre en cause la survie de notre modèle social et la possibilité de l'action publique ;

Insistant sur les enjeux en termes de sécurité et de protection de la vie privée que revêt pour l'Union européenne la maîtrise des données circulant en ligne ;

Reconnaissant la nécessité d'adapter le droit d'auteur à l'ère numérique tout en préservant le financement de la création culturelle, élément clef du rayonnement européen ;

Plaide pour une stratégie numérique européenne offensive, ambitieuse et globale, qui appréhende toutes les conséquences de la transformation numérique, notamment le bouleversement des chaînes de valeur, et qui ne se limite pas à la construction d'un marché unique numérique ;

Défend la nécessité d'améliorer l'efficacité du droit européen de la concurrence et d'adopter de nouvelles règles destinées à encadrer spécifiquement les plateformes numériques structurantes pour l'économie, afin de rééquilibrer les relations entre ces plateformes et les tiers proposant des services, applications ou contenus et d'assurer le libre accès des usagers aux services, applications et contenus de leur choix ;

Appelle, sans attendre la lente finalisation des travaux en cours à l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques, à prendre tout moyen, y compris le recours à la coopération renforcée, pour parvenir à une taxation effective des revenus générés par l'activité numérique au sein de l'Union européenne, tant en matière de fiscalité directe qu'indirecte, grâce à la création d'une taxe ad hoc assise sur une assiette rattachée au territoire de l'activité effectivement réalisée ;

Soutient la modernisation du droit d'auteur et son adaptation à l'ère numérique pour améliorer l'accès aux oeuvres mais en assurant, par une assise territoriale préservée et le recours à de nouvelles formes contractuelles, la juste rémunération des auteurs et le financement de la diversité culturelle, afin de valoriser le potentiel de l'industrie créative européenne ;

Rappelle que la numérisation de la consommation culturelle doit être soutenue par un alignement des taux de TVA applicables aux livres numériques et à la presse en ligne sur ceux applicables aux produits physiques correspondants ;

Renouvelle son soutien à une adoption rapide du règlement sur la protection des données, socle nécessaire pour encadrer la collecte et l'exploitation de données sur le sol européen dans le respect de la vie privée et de la sécurité publique, et invite à garantir l'effectivité de ces nouvelles règles européennes à travers les négociations transatlantiques en cours ;

Appelle à une véritable politique industrielle en faveur du numérique dans l'Union européenne, grâce à un pilotage stratégique et une plus grande cohérence entre la politique de concurrence de l'Union et sa politique industrielle, en assouplissant le régime des aides d'État, en mobilisant le fonds européen d'investissement stratégique du plan Juncker, en encourageant le développement du capital-risque dans l'Union, en promouvant l'adoption de normes communes en matière industrielle dans l'objectif de faciliter le développement et la croissance des entreprises innovantes du numérique et de soutenir des projets industriels d'envergure européenne - traitement des données de masse, services sécurisés mais ouverts d'informatique en nuage ;

Insiste sur la nécessité de renforcer la cybersécurité en Europe et sur l'importance stratégique de développer des compétences et des capacités publiques et privées dans ce secteur au sein de l'Union européenne ;

Souligne l'importance pour l'Union européenne de défendre son ambition numérique dans les négociations commerciales en cours, tant en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité publique que l'établissement de conditions de concurrence équitable et non discriminatoire entre opérateurs européens et américains ;

Insiste enfin sur l'enjeu pour l'Union européenne d'être présente et impliquée dans les enceintes techniques internationales où s'élaborent les normes et protocoles qui dessinent l'avenir.

TABLEAU COMPARATIF

Texte de la proposition de résolution
____

Texte adopté par la commission
____

(1) Le Sénat,

(1) Sans modification

(2) Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(2) Sans modification

(3) Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 18 décembre 2012, « Une stratégie numérique pour l'Europe: faire du numérique un moteur de la croissance européenne, » COM(2012) 784 final,

(3) Sans modification

(4) Vu les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013,

(4) Sans modification

(5) Vu la Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 6 mai 2015, « Stratégie pour un marché unique du numérique en Europe », COM(2015) 192 final,

(5) Considérant que l'Union européenne ne peut se contenter d'être un espace unifié de consommation de biens et produits numériques mais doit prendre une place de leader dans l'économie numérique pour assurer la croissance et les emplois de demain, mais aussi pour garantir en ligne l'identité européenne à travers le pluralisme et la diversité culturelle,

(6) Sans modification

(6) Jugeant nécessaire de revoir la répartition de la valeur dans l'écosystème numérique sur le sol européen afin de garantir la viabilité et le développement des acteurs européens, sans remettre en cause la neutralité de l'Internet,

(7) Sans modification

(7) Déplorant les insuffisances de la régulation concurrentielle ex post et le temps pris à mettre fin aux abus de position dominante dans l'économie numérique, dont la vitesse d'évolution rend irréversible l'éviction de certains acteurs du marché,

(8) Sans modification

(8) Estimant que l'érosion fiscale qui accompagne la numérisation de l'économie menace de saper les ressources fiscales et, à terme, de remettre en cause la survie de notre modèle social et la possibilité de l'action publique,

(9) Sans modification

(9) Insistant sur les enjeux en termes de sécurité et de protection de la vie privée que revêt pour l'Union européenne la maîtrise des données circulant en ligne,

(10) Sans modification

(10) Reconnaissant la nécessité d'adapter le droit d'auteur à l'ère numérique tout en préservant le financement de la création culturelle, élément clef du rayonnement européen,

(11) Sans modification

(11) Plaide pour une stratégie numérique européenne offensive, ambitieuse et globale, qui appréhende toutes les conséquences de la transformation numérique, notamment le bouleversement des chaînes de valeur, et qui ne se limite pas à la construction d'un marché unique numérique,

(12) Sans modification

(12) Défend la nécessité d'améliorer l'efficacité du droit européen de la concurrence et d'adopter de nouvelles règles destinées à encadrer spécifiquement les plateformes numériques structurantes pour l'économie, afin de rééquilibrer les relations entre ces plateformes et les tiers proposant des services, applications ou contenus et d'assurer le libre accès des usagers aux services, applications et contenus de leur choix,

(13) Sans modification

(13) Appelle, sans attendre la lente finalisation des travaux en cours à l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques, à prendre tout moyen, y compris le recours à la coopération renforcée, pour parvenir à une taxation effective des revenus générés par l'activité numérique au sein de l'Union européenne, tant en matière de fiscalité directe qu'indirecte, grâce à la création d'une taxe ad hoc assise sur une assiette rattachée au territoire de l'activité effectivement réalisée,

(14) Sans modification

(14) Soutient la modernisation du droit d'auteur et son adaptation à l'ère numérique pour améliorer l'accès aux oeuvres mais en assurant, par une assise territoriale préservée et le recours à de nouvelles formes contractuelles, la juste rémunération des auteurs et le financement de la diversité culturelle, afin de valoriser le potentiel de l'industrie créative européenne,

(15) Sans modification

(15) Rappelle que la numérisation de la consommation culturelle doit être soutenue par un alignement des taux de TVA applicables aux livres numériques et à la presse en ligne sur ceux applicables aux produits physiques correspondants,

(16) Sans modification

(16) Renouvelle son soutien à une adoption rapide du règlement sur la protection des données, socle nécessaire pour encadrer la collecte et l'exploitation de données sur le sol européen dans le respect de la vie privée et de la sécurité publique, et invite à garantir l'effectivité de ces nouvelles règles européennes à travers les négociations transatlantiques en cours,

(17) Sans modification

(17) Souligne l'importance d'accompagner la croissance des entreprises européennes du numérique en visant, dans la négociation des accords commerciaux en cours, l'établissement de conditions de concurrence équitable et non discriminatoire entre opérateurs européens et américains, en encourageant le développement du capital-risque dans l'Union européenne, en promouvant l'adoption de normes communes en matière industrielle, et en soutenant des projets industriels d'envergure européenne - traitement de données de masse, services sécurisés mais ouverts d'informatique en nuage - notamment grâce à une plus grande cohérence entre la politique de concurrence de l'Union européenne et sa politique industrielle,

(18) Appelle à une véritable politique industrielle en faveur du numérique dans l'Union européenne, grâce à un pilotage stratégique et une plus grande cohérence entre la politique de concurrence de l'Union et sa politique industrielle, en assouplissant le régime des aides d'État, en mobilisant le fonds européen d'investissement stratégique du plan Juncker, en encourageant le développement du capital-risque dans l'Union, en promouvant l'adoption de normes communes en matière industrielle dans l'objectif de faciliter le développement et la croissance des entreprises innovantes du numérique et de soutenir des projets industriels d'envergure européenne
- traitement des données de masse, services sécurisés mais ouverts d'informatique en nuage,

(19) Insiste sur la nécessité de renforcer la cybersécurité en Europe et sur l'importance stratégique de développer des compétences et des capacités publiques et privées dans ce secteur au sein de l'Union européenne,

(20) Souligne l'importance pour l'Union européenne de défendre son ambition numérique dans les négociations commerciales en cours, tant en ce qui concerne la protection de la vie privée et la sécurité publique que l'établissement de conditions de concurrence équitable et non discriminatoire entre opérateurs européens et américains,

(18) Insiste enfin sur l'enjeu pour l'Union européenne d'être présente et impliquée dans les enceintes techniques internationales où s'élaborent les normes et protocoles qui dessinent l'avenir.

(21) Sans modification


* 1 Rapport du Sénat n° 443 (2012-2013), L'Union européenne, colonie du monde numérique ? par Mme Catherine Morin-Desailly.

* 2 Rapport du Sénat n° 696 (2013-2014), L'Europe au secours de l'Internet : démocratiser la gouvernance de l'Internet en s'appuyant sur une ambition politique et industrielle européenne , par M. Gaëtan Gorce, président, et Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la mission commune d'information « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l'Union européenne de la gouvernance mondiale de l'Internet.

* 3 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 6 mai 2015, « Stratégie pour un marché unique du numérique en Europe » , COM(2015) 192 final.

* 4 Rapport du Sénat n° 419 (2014-2015), Rencontre avec les institutions : mieux identifier certains défis de l'agenda europée, par MM. Jean Bizet, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Yves Leconte, Yves Pozzo di Borgo, Mme Patricia Schillinger, MM. Simon Sutour et Richard Yung.

* 5 Rapport du Sénat n° 485 (2014-2015), Les rencontres avec les institutions à Strasbourg, coeur de l'Europe , par MM. Jean Bizet, Michel Billout, Mme Fabienne Keller, MM. Yves Pozzo di Borgo, Claude Kern, Michel Raison et André Reichardt.

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