II. LES ENJEUX DE LA PROPOSITION DE LOI : APPORTER UNE RECONNAISSANCE SYMBOLIQUE ET FAIRE RECULER LA DISCRIMINATION SYSTÉMIQUE

À l'évidence, les personnes en situation de précarité ou de pauvreté peuvent faire l'objet de stigmatisations, voire de discriminations, qui aggravent leur exclusion .

En conséquence, la présente proposition de loi demande l' ajout d'un vingt-et-unième critère de discrimination dans le code pénal, fondé sur la précarité sociale . Elle propose également d'insérer ce critère dans le code du travail, dans la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les délits et dans le droit de la presse.

A. UNE RECONNAISSANCE SYMBOLIQUE POUR PERMETTRE UN EXERCICE EFFECTIF DE LEURS DROITS PAR LES PERSONNES EN SITUATION DE PRÉCARITÉ

1. Un taux élevé de non-recours aux droits

La pauvreté est ressentie comme une double peine : en sus de la précarité matérielle, cette situation se double d'une stigmatisation. Or, le sentiment d'humiliation entretient les phénomènes de discrimination. Selon les témoignages des associations, les humiliations ressenties sont d'une telle violence que « ces personnes préfèrent en effet ne pas demander les prestations auxquelles elles ont droit, de peur d'être stigmatisées ».

Plusieurs études ont établi que les difficultés à obtenir un rendez-vous pour un bénéficiaire de couverture maladie universelle (CMU) aggravent le taux de non-recours aux droits de ces personnes 13 ( * ) . Les stigmatisations entretiennent ainsi l'exclusion sociale de ces personnes.

2. Le besoin de reconnaissance des violences subies

Cette stigmatisation est d'autant plus difficile qu'elle est invisible. En 1953, Simone Weil écrivait déjà que « pour se rendre indivisible, n'importe quel homme n'a pas de moyen plus sûr que de devenir pauvre ».

Comme le souligne la sociologue Mme Djaouida Séhili, il n'existe aucun mot analogue au sexisme ou au racisme pour désigner un comportement discriminant à raison de la précarité sociale 14 ( * ) .

Or c'est précisément ce traitement analogue dans le traitement de la différence qui est demandé par les associations venant en aide aux personnes précaires. Selon ATD Quart Monde, de la même manière qu'il est interdit d'injurier les personnes à raison de leur couleur de peau, les personnes stigmatisées demandent à pouvoir opposer un interdit d'injurier ou de diffamer à raison d'un état de pauvreté.

Elles demandent à mettre l'exemplarité et l'effet symbolique de la sanction pénale au service de la lutte contre les discriminations pour une meilleure effectivité des droits.


* 13 Ce lien a été mis en avant par les travaux de l'ODENORE, L'envers de la « fraude sociale ». Scandale du non recours aux droits sociaux (2012) , cité par le n°195 (février 2014) de Questions d'économie de la santé : « Comment expliquer le non-recours à l'Aide à l'acquisition d'une complémentaire santé ? ».

* 14 À la suite des travaux de la fondation Joseph Rowntree, il existe dans la langue anglaise le terme de « povertysm ».

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