Rapport n° 545 (2014-2015) de M. Philippe BAS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 juin 2015

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N° 545

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juin 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique relatif à la consultation sur l' accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE),

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa, M. François Pillet , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Mme Marie Mercier, MM. Jacques Mézard, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

402 et 546 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 24 juin 2015, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé , la commission des lois, après avoir entendu Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, le mardi 9 juin 2015, a examiné le rapport de M. Philippe Bas, rapporteur , et établi son texte sur le projet de loi organique n° 402 (2014-2015) relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté .

Le rapporteur a exposé les raisons de l'examen de ce texte, les oppositions qu'il avait suscitées ainsi que l'accord intervenu entre les partenaires calédoniens lors de la réunion exceptionnelle du comité des signataires le 5 juin 2015. Il a appelé à traduire et respecter cette solution de compromis dans le texte adopté par la commission des lois.

Outre trois amendements formels de son rapporteur , la commission des lois a ainsi adopté, suivant l'avis favorable du rapporteur, quatre amendements du Gouvernement .

Ainsi, la composition de la commission administrative spéciale serait complétée par une personnalité qualifiée indépendante, avec voix consultative, selon des modalités fixées par décret ( article 1 er ). Le président de la commission n'aurait que des pouvoirs propres d'instruction, à l'exclusion de tout pouvoir de décision, y compris pour les demandes manifestement infondées ( article 1 er ).

La commission consultative d'experts serait composée de représentants des groupes politiques constitués au congrès de la Nouvelle-Calédonie, avec un équilibre entre les formations indépendantistes et non-indépendantistes ( article 3 ). Le décret relatif au fonctionnement et à l'organisation de cette commission serait soumis pour avis au gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie.

S'agissant de l'élaboration de la liste ( article 3 ), les inscriptions d'office vaudraient pour les électeurs :

- inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l'accord de Nouméa ;

- ayant ou ayant eu le statut civil coutumier ;

- nés en Nouvelle-Calédonie et inscrits sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales, ce qui laisse présumer qu'ils ont le « centre de leurs intérêts matériels et moraux » en Nouvelle-Calédonie ;

- nés à compter du 1 er janvier 1989, qui ont été inscrits d'office sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales et dont l'un des parents était inscrit sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998.

La commission des lois a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après la poignée de mains - devenue historique - entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, les accords de Matignon signés le 26 juin 1988 mettaient fin aux événements tragiques qui endeuillaient la Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années. Complétés par les accords d'Oudinot conclus le 20 août 1998, ces accords, approuvés par référendum le 6 novembre 1988, jetaient les bases d'un nouveau partage des responsabilités politiques et des richesses économiques, dans la perspective d'un destin commun. Dix ans plus tard, les Calédoniens devaient se prononcer sur le choix ou non de l'indépendance.

Cependant, par la conclusion in extremis d'un nouvel accord au terme de difficiles négociations engagées et restées infructueuses plusieurs années auparavant, le référendum sur l'indépendance du territoire était repoussé d'une quinzaine d'années, dans l'attente de nouveaux transferts de compétences. Il s'agissait de consolider les institutions locales, de poursuivre le rééquilibrage engagé dès 1988 et surtout de façonner un destin commun qui, tout en rendant justice à la population d'origine, n'oublierait pas les habitants issus des vagues ultérieures de peuplement. Pour reprendre les termes de l'Accord de Nouméa, conclu le 5 mai 1998, « le moment [était] venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière ».

Fidèle à son engagement comme signataire de l'Accord de Nouméa, l'État entamait ce processus qui devait se traduire par la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 puis l'adoption par les deux assemblées parlementaires de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, fixant le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. Ce territoire acquérait ainsi un degré d'autonomie inégalé au sein de la République avec un pouvoir législatif conféré à son assemblée délibérante dont le champ d'intervention croissait au fur et à mesure des transferts de compétences voulus par le constituant irréversibles.

Le processus de Nouméa touche à son terme. Une délégation de la commission des lois s'est rendue sur place du 30 juillet au 4 août 2014. Dans leur rapport, nos collègues Jean-Pierre Sueur, Sophie Joissains et Catherine Tasca ont dressé 1 ( * ) un bilan nuancé de l'application de l'Accord de Nouméa. Ils se sont attachés à présenter le « nouveau cycle politique tourné vers l'horizon référendaire qui doit clore ce processus ». Si la classe politique locale est régulièrement interpellée par la société calédonienne sur les fragilités économiques et les inégalités sociales qui perdurent en Nouvelle-Calédonie, elle s'est focalisée ces dernières années sur les enjeux institutionnels qui ont contribué à raviver les oppositions, y compris au sein des camps indépendantistes et non-indépendantistes quant aux solutions à privilégier.

I. L'ORGANISATION D'UNE CONSULTATION SUR L'ACCESSION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE À LA PLEINE SOUVERAINETÉ

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie élu le 11 mai 2014 est désormais en mesure de solliciter, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, l'organisation d'une consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. La configuration politique de l'assemblée, à la sortie des urnes, rend cette hypothèse hautement improbable. Toutefois, à compter de mai 2018, il appartiendra à l'État d'organiser cette consultation, avant mai 2019, dans le cadre prévu à l'article 77 de la Constitution. La fixation de ces règles incombe au législateur organique qui doit déterminer « les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté ». En 1998, le Parlement y a consacré le titre IX de la loi organique du 19 mars 1999.

A l'approche de cette échéance référendaire, le Gouvernement a souhaité apporter les modifications nécessaires à la préparation des consultations. En effet, si, à défaut de demande émanant du congrès de la Nouvelle-Calédonie, l'initiative de la première consultation incombe à l'État, le tiers des membres du congrès peut solliciter une deuxième puis une troisième consultation. À chaque consultation et dans les termes actuels de l'Accord de Nouméa, les électeurs auront à se prononcer sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, ce qui impliquerait le transfert des compétences régaliennes encore détenues par l'État français, la reconnaissance de sa personnalité juridique sur le plan international et la transformation de la citoyenneté calédonienne en nationalité. Toute réponse positive entraînerait l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie ; la succession de réponses négatives mettrait également fin au cycle ouvert par la signature de l'Accord de Nouméa. Quelle que soit l'issue de ce ou ces scrutins, la Nouvelle-Calédonie devra inventer une nouvelle solution institutionnelle, qu'elle soit celle d'un partenariat privilégié entre deux États souverains ou celle de l'enracinement d'une autonomie renforcée au sein de la République. Les différents scénarii institutionnels envisageables ont été éclairés, à l'aune de la comparaison internationale, par MM. Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien dans le rapport 2 ( * ) qu'ils ont remis au Premier ministre en octobre 2013.

Le présent projet de loi organique ne remet pas en cause les conditions exigées des électeurs par l'article 218 de la loi organique du 19 mars 1999 pour participer à la consultation. Ces critères font l'objet d'un accord politique entre les différents partenaires locaux, comme nos collègues avaient déjà pu le relever lors de leur déplacement en Nouvelle-Calédonie à l'été 2014 et comme votre rapporteur a pu, à nouveau, le constater lors des auditions qu'il a menées. Si certains appelleront une appréciation qui n'est pas exempte de toute difficulté d'interprétation - il en est ainsi du « centre des intérêts matériels et moraux » emprunté à la jurisprudence relative à la fonction publique -, ces critères d'admission à participer au vote définissent, sans qu'ils soient remis en cause, les contours des « populations intéressées » appelées à se prononcer, en vertu de l'article 77 de la Constitution.

II. DES DÉSACCORDS SUR LES MODIFICATIONS INITIALEMENT PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT

Le texte déposé sur le bureau de notre assemblée le 8 avril 2015, après engagement de la procédure accélérée, comporte cinq articles. Si certaines dispositions du projet de loi organique - à l'instar de l'article 2 qui prévoit explicitement la possibilité d'une troisième consultation, conformément au point 5 de l'Accord de Nouméa - n'ont pas soulevé de discussion, d'autres ont provoqué de vives réactions locales, contribuant à exacerber les antagonismes politiques. L'avis rendu par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 26 mars 2015 sur le projet de loi organique en témoigne : la majorité non-indépendantiste a en bloc émis un avis défavorable à la quasi-totalité des articles du texte transmis tandis que, par des contributions minoritaires, les formations indépendantistes soutenaient l'adoption de la plupart d'entre eux.

Le Gouvernement a ignoré l'avis majoritaire, soumettant à la délibération du Sénat un projet de loi organique qui, après son examen par le Conseil d'État et sa délibération en conseil des ministres, reprenait l'essentiel de sa version initiale. Il est significatif, à cet égard, que l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique ne fasse état de l'avis rendu par le congrès de la Nouvelle-Calédonie que pour indiquer qu'il a bien été rendu.

Les réactions politiques, en particulier la manifestation organisée lors de la visite à Nouméa du président de l'Assemblée nationale, ont précipité la convocation d'une réunion exceptionnelle du comité des signataires 3 ( * ) le 5 juin 2015, sous la présidence du Premier ministre. Ayant reçu les délégations à l'approche de cette échéance, votre rapporteur peut témoigner des divergences profondes qui s'étaient alors manifestées.

Cependant, au terme de douze heures de négociations franches et approfondies, les formations indépendantistes et non-indépendantistes ont pu renouer les fils du dialogue. Plusieurs points de désaccord ont ainsi trouvé une solution de compromis.

A. LA COMPOSITION ET LES POUVOIRS DES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES SPÉCIALES

À l' article 1 er du projet de loi organique, les partenaires ont renoncé à l'adjonction d'un second magistrat au sein des commissions administratives spéciales, chargées d'élaborer la liste électorale spéciale pour la consultation. Ils lui ont préféré une « personnalité qualifiée indépendante » dont le rôle et les modalités de désignation seraient fixés par le pouvoir réglementaire en fonction des négociations menées sous l'égide du représentant de l'État en Nouvelle-Calédonie.

De même, les partenaires calédoniens ont accepté que le président de chaque commission administrative spéciale dispose de pouvoirs propres d'instruction mais ont maintenu la collégialité pour décider des inscriptions, même lorsqu'il s'agirait de demandes manifestement infondées.

B. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION CONSULTATIVE D'EXPERTS

Un autre point de blocage résidait, à l' article 3 du projet de loi organique, dans la création d'une commission consultative d'experts. Pour le Gouvernement, cette instance consultative, présidée par un magistrat administratif ou un membre du Conseil d'État, aurait pour mission, par les avis qu'elle rend, d'harmoniser l'interprétation des notions juridiques employées et le traitement des questions de droit soulevées à l'occasion de la constitution de la liste électorale spéciale pour la consultation.

Les partenaires locaux se sont accordés sur une composition élargie qui comprendraient des représentants des formations politiques locales, dans le respect du pluralisme et de la parité entre les deux camps indépendantistes et non-indépendantistes.

Cette commission consultative d'experts rendrait des avis sur la condition liée au « centre des intérêts matériels et moraux », sans porter atteinte à la compétence décisionnelle des commissions administratives spéciales. Elle pourrait être saisie par le président ou un membre d'une commission administrative spéciale.

C. L'INSCRIPTION D'OFFICE DE CATÉGORIES D'ÉLECTEURS

Enfin, l'article 3 du projet de loi organique abordait une question épineuse pour les partenaires, tant sur le plan symbolique que pratique, celle des modalités d'inscription sur la liste électorale spéciale. Le principe d'une inscription sur la base d'une démarche volontaire a été maintenu en conformité avec le principe applicable en matière électorale. Cependant, cette règle, aussi fondée soit-elle, convenait difficilement à la situation particulière de la consultation. D'une part, parce qu'il existe déjà en Nouvelle-Calédonie deux listes électorales - l'une spéciale pour les élections des membres du congrès et des assemblées de province, l'autre générale pour les autres élections - auxquelles s'ajoutera cette troisième liste aux contours encore différents. D'autre part, parce que certains électeurs, peu au fait de la nécessité de s'inscrire, pourraient ne pas être en mesure de participer à la consultation alors qu'ils en auraient le droit.

Lors du XII ème comité des signataires du 3 octobre 2014, les partenaires avaient exprimé le voeu unanime de faciliter les inscriptions sur la liste électorale spéciale en vue de la consultation en dispensant de démarches et formalités d'inscription certaines catégories d'électeurs.

Le principe d'inscription d'office sur la liste électorale spéciale ne soulève pas, pour la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, d'obstacle constitutionnel. Toutefois, contrairement à ce que la formulation couramment utilisées d'« inscriptions automatiques » pourraient laisser penser, il s'agit bien de mettre à la charge de l'administration l'obligation de soumettre, en lieu et place de l'électeur concerné, une demande d'inscription accompagnée des pièces justificatives à la commission administrative spéciale compétente. Cependant, la commission administrative spéciale resterait compétente pour statuer, sous le contrôle du juge. Dès lors, les inscriptions d'office ne sont envisageables que si la commission administrative spéciale peut s'appuyer, pour y procéder, sur des données objectives à sa disposition.

Tel est le sens de l'avis du Conseil d'État rendu le 29 janvier 2015 à la demande du Gouvernement. C'est pourquoi, suivant cet avis, le projet de loi organique déposé sur le bureau de notre assemblée n'a retenu que deux catégories d'électeurs pouvant bénéficier d'inscriptions d'office :

- les électeurs admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 approuvant l'accord de Nouméa et figurant ainsi sur la liste électorale spécialement dressée en 1998 ;

- les électeurs relevant du statut civil coutumier, inscrits à ce titre sur le fichier informatique établi par la Nouvelle-Calédonie à partir des registres de l'état civil coutumier.

S'il reposait sur des considérations juridiques, ce choix a suscité des critiques légitimes sur la différence de traitement inéquitable qu'elle induisait. Comme plusieurs personnes entendues par votre rapporteur l'ont soulevé, l'inscription d'office de certains électeurs pouvait laisser à penser aux autres électeurs, par l'effet d'une confusion entre inscription et inscription facilitée, qu'ils n'avaient pas le droit de voter.

Au terme de l'accord intervenu le 5 juin dernier entre les partenaires, le comité des signataires a souhaité que quatre catégories d'électeurs bénéficient de l'inscription d'office, comme il l'avait souhaité en octobre 2014. Outre les deux déjà retenues par le projet de loi organique, s'ajouteraient deux catégories :

- les électeurs qui sont nés à compter du 1 er janvier 1989, qui ont fait l'objet d'une inscription d'office sur la liste électorale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province et dont un des parents a été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;

- les natifs de la Nouvelle-Calédonie qui seraient inscrits sur la liste électorale spéciale des membres du congrès et des assemblées de province.

Pour ces derniers, le comité des signataires a estimé que la qualité de citoyen calédonien résultant du fait d'appartenir au corps électoral restreint pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province présumait de manière incontestable que l'électeur avait le centre de ses intérêts matériels et moraux en Nouvelle-Calédonie. Une passerelle serait ainsi créée entre les deux listes électorales spéciales.

D. UN DÉBAT RAVIVÉ AUTOUR DU CORPS ÉLECTORAL RESTREINT POUR LES ÉLECTIONS PROVINCIALES

L'examen du présent projet de loi organique a mis en lumière un sujet de division récurrent depuis plusieurs mois à propos de l'inscription sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province. Cette question est débattue, lors de chaque révision annuelle de la liste en début d'année, et présente des enjeux au-delà de la prochaine échéance électorale en mai 2019 dans la mesure où la citoyenneté calédonienne est conditionnée par l'inscription sur cette liste. Or la citoyenneté calédonienne confère à son détenteur, outre le droit de vote aux élections provinciales, l'accès prioritaire à l'emploi local dans le secteur privé et dans la fonction publique locale.

Comme l'indiquait la ministre des outre-mer lors de son audition par votre commission, un « point empoisonne les échanges politiques en Nouvelle-Calédonie : la contestation, notamment par les indépendantistes, de certaines inscriptions sur les listes provinciales. Des recours ont été déposés, avec des fortunes diverses. » Cette question ressurgit, à l'occasion de l'examen de ce texte, car la commission administrative spéciale, dont il est question à l'article 1 er , est commune aux deux listes électorales spéciales. De surcroît, la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province sert à l'élaboration de la liste électorale spéciale propre à la consultation, selon les modalités prévues aux articles 3 et 4 du présent projet de loi organique.

Pour être inscrits sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province, les électeurs doivent répondre à une des conditions prévues à l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999. Une interprétation divergente existe sur la condition prévue au b de l'article 188, conduisant à la présentation de demandes de radiation d'électeurs puis à des recours juridictionnels jusque devant la Cour de cassation.

Le contentieux relatif à la révision de la liste électorale spéciale en 2014

Sous l'impulsion de l'Union calédonienne, plusieurs recours ont été engagés devant les commissions administratives chargées d'élaborer les listes électorales puis devant le juge judiciaire pour obtenir la radiation d'électeurs de la liste électorale spéciale pour l'élection de membres du congrès et des assemblées de province.

Deux interprétations se sont exprimées lors de la dernière révision de 2014 :

- certains estiment que les électeurs susceptibles d'être inscrits sur le tableau annexe doivent être préalablement inscrits sur la liste électorale générale de 1998 ;

- d'autres s'attachent à la vérification de l'installation en 1998 au plus tard, sur la base de la consultation de la liste électorale générale de 1998 ou de tout autre élément établissant cette installation.

Devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre a précisé, le 25 février 2014, que « l'examen de la condition d'installation en Nouvelle-Calédonie en 1998 devra être conduit avec un soin particulier, sur la base de la consultation de la liste électorale générale de 1998 ou de tout élément établissant cette installation ».

S'abritant derrière une jurisprudence de la Cour de cassation réaffirmée en 2014 4 ( * ) , le Gouvernement estime dorénavant qu'une personne installée en Nouvelle-Calédonie avant le 8 novembre 1998, et alors majeure, mais qui ne s'était pas inscrite sur la liste électorale générale à cette date, ne remplit pas la condition prévue par le b de l'article 188 de la loi organique. Elle ne peut donc ni s'inscrire, ni être maintenue sur la liste électorale spéciale.

Lors du comité des signataires du 5 juin 2015, les partenaires ont convenu de leur désaccord sur l'interprétation donnée au b de l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 et d'une méthode pour aboutir, au prochain comité des signataires convoqué traditionnellement à l'automne, à une solution consensuelle. Ils ont convenu d'ores et déjà que la date de référence pour apprécier ce critère était celle de la consultation portant sur l'Accord de Nouméa organisé le 8 novembre 1998 : selon le relevé de conclusions, « tous s'accordent pour reconnaître qu'aucun droit électoral n'a pu être acquis après cette date », en conformité avec la volonté du constituant en 2007. D'ici le prochain comité des signataires, l'État fera « procéder par des experts de confiance, dans les meilleurs délais, à une évaluation quantitative du litige électoral » selon une méthode garantissant « l'anonymat vis-à-vis des tiers des personnes concernées ». Une fois ces données connues, les partenaires pourront se pencher plus particulièrement, en équité, sur la situation des personnes installées avant 1998, sans être inscrites avant cette date sur la liste électorale générale.

Votre rapporteur se félicite de cette approche pragmatique qui permettra d'apaiser le débat local car, comme le soulignait avec raison la ministre des outre-mer devant votre commission, « la solution sera différente selon que le problème concerne 50 ou 3 000 personnes ! »

III. LA POSITION DE VOTRE COMMMISSION : CONSACRER L'ACCORD ENTRE LES PARTENAIRES CALÉDONIENS

Votre commission s'est félicitée des avancées notables actées lors de la réunion du comité des signataires du 5 juin 2015, prolongées au sein du groupe de travail conduit localement par le représentant de l'État, qui aboutissent à un consensus politique local autour des modifications organiques proposées. Elle remarque que l'accord recueilli lors de ce comité exceptionnel des signataires par le Gouvernement a été traduit fidèlement par les quatre amendements COM-5, COM-6, COM-7 et COM-8 qu'il a déposés devant votre commission.

Ayant regardé ces modifications comme équilibrées et respectueuses des accords intervenus, votre commission a adopté ces quatre amendements gouvernementaux. Elle a également adopté les trois amendements rédactionnels COM-2 , COM-3 et COM-4 de son rapporteur.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER
MODIFICATION DU TITRE V DE LA LOI ORGANIQUE
N° 99-209 DU 19 MARS 1999 RELATIVE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Article 1er (art. 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Composition et pouvoirs des commissions administratives spéciales

L'article 1 er modifie la composition et les pouvoirs de la commission administrative spéciale qui, en application de l'article 189 de la loi organique du 19 mars 1999, est compétente pour établir, dans chaque commune, la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province. Comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis du 6 février 2014, « la commission administrative spéciale chargée de l'établissement de la liste électorale spéciale pour l'élection du congrès et des assemblées de province, mentionnée au paragraphe II est également chargée de l'établissement de la liste électorale spéciale à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté ».


• La composition de la commission administrative spéciale

Le 1° modifie la composition de ces commissions administratives spéciales. Actuellement, chaque commission est composée de cinq membres :

- un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation ;

- le délégué de l'administration désigné par le Haut-Commissaire de la République ;

- le maire de la commune ou son représentant ;

-  deux électeurs de la commune, désignés par le Haut-Commissaire de la République, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La présence de deux électeurs est une spécificité calédonienne souhaitée pour assurer une représentation pluraliste au sein des commissions administratives spéciales : selon l'usage constamment respecté, un électeur représente les formations indépendantistes, l'autre les formations non-indépendantistes. Le maintien de ces deux membres correspond au voeu unanimement partagé lors des auditions menées par votre rapporteur.

La commission est présidée par le magistrat qui, en cas d'égalité des voix, a voix prépondérante.

Dans sa rédaction initiale, le 1° proposait d'ajouter un second magistrat au sein de chaque commission administrative. La modification de cette composition répondait moins aux difficultés envisagées pour l'élaboration de la liste électorale nécessaire à la consultation qu'à celles suscitées lors de la révision annuelle de la liste pour les élections provinciales.

Les divergences d'interprétation entre forces indépendantistes et non-indépendantistes à propos des conditions d'inscription des électeurs sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales conduisaient à des votes contestés au sein des commissions administratives spéciales. Ainsi, les formations indépendantistes critiquaient le fonctionnement de commissions où, malgré l'interprétation de la Cour de cassation, la majorité des membres de la commission continuent à ne pas exiger l'inscription sur la liste électorale générale en 1998 pour admettre la présence sur la liste électorale spéciale, après au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Ils estimaient que seuls le magistrat et l'électeur issu des rangs indépendantistes s'en tenaient à l'interprétation jurisprudentielle, la majorité faisant échec à son application. C'est pourquoi ils approuvaient cette modification, en estimant que la présence d'un second magistrat apportait un supplément d'impartialité.

A l'inverse, les formations non-indépendantistes critiquaient ce choix, en redoutant que l'adjonction d'un magistrat judiciaire conduisît à ce que la lecture strictement juridique de la loi organique du 19 mars 1999 portée par la Cour de cassation l'emportât sur l'esprit de l'Accord de Nouméa. Entendu par votre rapporteur, notre collègue Pierre Frogier, signataire de l'Accord de Nouméa, a ainsi regretté une « juridicisation » de l'application de l'Accord de Nouméa, à travers la loi organique qui l'a mis en oeuvre, au détriment de l'esprit de l'Accord né d'un compromis politique.

Au terme du comité des signataires du 5 juin 2015, un accord a été trouvé sur la modification de la composition de chaque commission administrative spéciale : un nouveau membre complèterait l'effectif actuel de la commission sans qu'il soit issu de la magistrature. Le relevé des conclusions du comité des signataires indique que « les partenaires s'accordent pour lui substituer, comme observateur, une personnalité qualifiée indépendante, dont le profil et le mode de désignation feront l'objet de discussions dans les prochaines semaines ». Adoptant un amendement COM-6 du Gouvernement, votre commission a procédé à cette substitution en prévoyant la désignation d'une personnalité qualifiée qui n'aurait pas voix délibérative. Les modalités de sa désignation et son rôle seraient fixés par un décret pris après avis du Gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie.


• Les pouvoirs du président de la commission administrative spéciale

Les 2° à 4° de l'article 1 er modifient l'exercice des pouvoirs au sein des commissions administratives spéciales. En l'état actuel du II de l'article 189 de la loi organique, chaque commission peut :

- consulter un ou plusieurs représentants de la coutume désignés selon les usages reconnus, ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux ;

- procéder ou faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes investigations utiles.

Il est proposé de confier ces prérogatives au président de la commission (2° et 3°). L'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique défend cette modification en avançant que « ces possibilités ne sont, en pratique, pas ou très rarement utilisées, au grand regret de nombreux acteurs locaux ». L'exercice direct de ces responsabilités par le président serait ainsi de nature à faciliter leur mise en oeuvre pour répondre aux nombreuses demandes d'inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation.

Parallèlement, le président aurait la possibilité nouvelle de rejeter les demandes d'inscription manifestement infondées présentées à la commission, sous réserve d'en informer cette dernière à sa prochaine réunion (4°). Pour le Gouvernement, il s'agissait de permettre à la commission de n'examiner que les demandes sérieuses.

Ces modifications ont suscité de vives critiques de la majorité du congrès de la Nouvelle-Calédonie exprimées dans son avis du 26 mars 2015. Les formations non-indépendantistes refusaient particulièrement « cette concentration des pouvoirs entre les mains du président [sans] aucun équivalent dans le droit commun électoral français ». Pour leur part, les formations indépendantistes ne s'opposaient pas au renforcement des pouvoirs d'instruction du président, même si l'Union calédonienne proposait de réserver au président les pouvoirs d'investigation aux cas où une demande ne recueillerait pas l'unanimité des membres de la commission. S'agissant du pouvoir de décision du président, une large majorité, composée des formations non-indépendantistes et des représentants de l'Union calédonienne, s'opposait à cette entorse à la collégialité.

Au terme de l'accord conclu le 5 juin 2015 entre les partenaires, un équilibre a été trouvé : il a été convenu que le président de la commission disposerait des pouvoirs d'instruction tandis que la commission conserverait le pouvoir de décision, même pour les demandes manifestement infondées. Cette solution de compromis convient parfaitement à votre commission qui a adopté l' amendement COM-5 du Gouvernement traduisant cette solution au sein de l'article 1 er . En effet, la facilitation des inscriptions ouverte plus largement par l'article 3 du présent projet de loi organique rend moins nécessaire cette prérogative décisionnelle du seul président. En revanche, le nombre important de demandes justifie toujours que le recours aux mesures d'instruction soit simplifié.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

CHAPITRE II
MODIFICATION DU TITRE IX
DE LA LOI ORGANIQUE N° 99-209 DU 19 MARS 1999
RELATIVE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Article 2 (art. 217 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Organisation d'une troisième consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté

L'article 2 apporte deux modifications à l'article 217 de la loi organique relatif aux conditions d'organisation des consultations sur l'accession à la pleine souveraineté prévues par l'Accord de Nouméa. Le point 5 de cet Accord prévoit l'organisation successive de trois consultations en cas de réponse négative des électeurs à la solution conduisant au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, à son accès à un statut international de pleine responsabilité et à la transformation de la citoyenneté calédonienne en nationalité.

En raison d'une censure constitutionnelle intervenue par une décision 15 mars 1999 5 ( * ) lors de l'examen de la loi organique du 19 mars 1999 par le Conseil constitutionnel, il n'est plus fait référence à une troisième consultation au sein de l'article 219, alors qu'elle résulte directement des orientations de l'Accord de Nouméa dont l'article 77 de la Constitution a consacré la valeur constitutionnelle. Le 2° vise donc à préciser qu'une dernière consultation peut avoir lieu si elle est demandée dans les conditions de délais et de forme de la demande, fixées pour la deuxième consultation par la loi organique.

En outre, le 1° précise que la date de la première consultation ne pourrait intervenir moins de six mois après la délibération décidant de son organisation. En effet, d'ici mai 2018, le congrès de la Nouvelle-Calédonie peut demander, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, que la première consultation ait lieu. Dans cette hypothèse, il serait indiqué, pour permettre son organisation matérielle, à commencer par l'élaboration de la liste électorale, que cette consultation devrait avoir lieu au moins six mois après la demande.

Sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel COM-3 présenté par son rapporteur, votre commission a approuvé ces modifications.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 218-1 et 218-2 [nouveaux] de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Création d'une commission consultative d'experts et modalités d'inscription sur la liste électorale spéciale pour la consultation

L'article 3 crée, au sein du titre IX de la loi organique du 19 mars 1999, deux nouveaux articles visant à préciser les conditions d'élaboration de la liste électorale spéciale propre à la consultation.


• La création d'une commission consultative d'experts

Il est proposé un nouvel article 218-1 qui institue une « commission consultative d'experts ». Sur demande, cette commission rendrait des avis pour harmoniser le traitement des demandes d'inscription, particulièrement pour apprécier le « centre des intérêts matériels et moraux ».

Cette commission consultative d'experts, compétente pour l'ensemble du territoire calédonien, serait présidée par un magistrat administratif ou un membre du Conseil d'État, désigné par le vice-président du Conseil d'État.

Au cours des auditions menées par votre rapporteur, deux craintes, qui se recoupent en partie, ont été émises par ses interlocuteurs, principalement ceux issus des formations non-indépendantistes. La première serait que la commission consultative d'experts substitue progressivement son appréciation à celle des commissions administratives spéciales, ces dernières étant dépossédées de leur compétence. La seconde tient au fait que l'institution d'une commission d'experts favoriserait, à nouveau, une lecture littérale de l'Accord de Nouméa au détriment de la recherche de l'esprit qui animait ses signataires.

Pourtant, comme le rappelle le Gouvernement dans l'étude d'impact jointe au présent projet de loi organique, cette commission a vocation à être un « organe souple d'aide à la décision » au rôle purement consultatif. Si le Gouvernement identifie la définition du « centre des intérêts matériels et moraux » comme « le coeur même de l'intervention de la commission consultative d'experts », il évoque aussi la possibilité d'une saisine pour fixer une « jurisprudence relative aux périodes interruptives de la durée de résidence ».

Si aucune formation politique locale ne remet en cause le principe des critères d'admission à voter à la consultation fixée à l'article 218 de la loi organique, comme votre rapporteur a pu le constater lors de ses auditions, certains de ces critères appellent une interprétation qui, pour rester juste, nécessite d'être harmonisée. Or, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis du 6 février 2014, le pouvoir réglementaire n'est pas habilité à préciser ces critères fixés par le législateur organique, traduisant ici fidèlement l'Accord de Nouméa.

Le comité des signataires du 5 juin 2015 est parvenu à un accord sur deux points, s'en remettant pour la recherche d'un accord sur « les contours de la commission » aux discussions menées dans le cadre d'un groupe de travail placé sous l'égide du Haut-Commissaire de la République. Les partenaires se sont ainsi accordés, en premier lieu, sur le fait que le décret en Conseil d'État sur l'organisation et le fonctionnement de cette commission soit soumis à l'avis, non seulement du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, comme l'impose l'article 133 de la loi organique, mais aussi du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

En outre, cette commission comprendrait en son sein des représentants des formations politiques : selon le relevé de conclusions du comité des signataires du 5 juin 2015, « la participation ou l'association des forces politiques indépendantistes et non-indépendantistes à cette commission consultative sera paritaire ».

Enfin, elle pourrait être saisie par un président mais aussi un membre d'une commission administrative spéciale. La saisine porterait alors uniquement sur une condition liée au « centre des intérêts matériels et moraux » de l'électeur.

Prenant acte de cet accord intervenu le 5 juin dernier, votre commission a adopté l' amendement COM-7 du Gouvernement traduisant la solution adoptée par le comité des signataires.


• Les inscriptions d'office sur la liste électorale spéciale pour la consultation

L'article 3 crée également un article 218-2 au sein de la loi organique du 19 mars 1999. Cette disposition prévoit les modalités d'inscription des électeurs admis à voter pour la consultation. Le I rappelle le principe, issu du droit commun, selon lequel l'inscription relève d'une décision de chaque commission administrative spéciale, sur demande de l'électeur. Ainsi, « chaque électeur produit, à l'appui de sa demande, tous les éléments de nature à prouver qu'il remplit ces conditions ».

Le IV du nouvel article 218-2 précise ainsi que « l'autorité municipale apporte son concours au recueil des renseignements et pièces utiles aux inscriptions ». Il est également prévu au I que le maire prévient et invite à présenter ses observations l'électeur qui fait l'objet d'une radiation, d'un refus d'inscription ou d'une contestation.

Le fait de laisser reposer la constitution de la liste électorale spéciale pour la consultation uniquement sur une démarche volontaire des électeurs a suscité de profondes réserves de l'ensemble des partis calédoniens. Dès le XIII ème comité des signataires qui s'est tenu le 3 octobre 2014, un consensus s'est créé parmi les partenaires calédoniens pour aménager ce principe : le relevé de conclusions de ce comité des signataires indique que « les partenaires calédoniens rappellent leur attachement à ce que les citoyens calédoniens ne soient pas contraints d'entreprendre de démarche pour être inscrits sur les listes électorales spéciales pour la consultation de sortie de l'Accord de Nouméa ». Le comité des signataires envisageait alors de faciliter l'inscription de quatre catégories d'électeurs :

- ceux ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;

- ceux ayant ou ayant eu le statut civil coutumier ;

- ceux nés en Nouvelle-Calédonie et y étant ou ayant été inscrits sur la liste électorale générale, en considérant que cette inscription vaut pour ces personnes « centre de leurs intérêts matériels et moraux » ;

- ceux nés à compter du 1 er janvier 1989 et ayant atteint l'âge de la majorité à la date de la consultation, et ayant eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.

Sollicité par le Gouvernement, le Conseil d'État a rendu un avis le 29 janvier 2015. Dans cet avis, le Conseil d'État admettait que, dans son principe, l'inscription d'office ne méconnaissait ni l'Accord de Nouméa, ni le principe d'égalité. Cependant, la commission administrative spéciale devait disposer d'éléments lui permettant d'apprécier le bien-fondé de la demande d'inscription, en l'absence même de démarche de l'électeur concerné puisque ce dernier serait dispensé des formalités d'inscription. Le Conseil d'État a admis que les deux premières catégories d'électeurs envisagées par le XII ème comité des signataires - ceux ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 et ceux ayant ou ayant eu le statut civil coutumier - pouvaient bénéficier de cette inscription d'office. En effet, il suffirait à la commission administrative spéciale de consulter, pour les premiers, la liste électorale dressée pour la consultation du 8 novembre 1998 et, pour les seconds, le fichier des personnes relevant du statut coutumier tenu par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. À cet égard, votre rapporteur est conscient que la mise en oeuvre pratique du croisement de ces fichiers appellera un travail technique important, notamment pour les noms qui peuvent être incorrectement orthographiés dans les fichiers.

En revanche, le Conseil d'État a écarté du bénéfice de l'inscription d'office les deux autres catégories d'électeurs. En particulier, il a rappelé que le « centre des intérêts matériels et moraux » se constate par un faisceau d'indices qui ne peut donner lieu qu'à une appréciation individuelle des électeurs. Dans ce cas, la seule inscription de l'électeur sur la liste électorale générale n'est pas de nature à satisfaire ipso facto la condition du « centre des intérêts matériels et moraux », sinon le critère fixé par l'Accord de Nouméa serait contourné dans son esprit.

C'est pourquoi, le Conseil d'État invitait, en l'état, à ne retenir que les deux premières catégories d'électeurs comme bénéficiaires de l'inscription d'office. L'article 3 du projet de loi organique déposé suivait cette recommandation.

Dans un souci d'équité et dans l'esprit de l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie du 26 mars 2015, le comité des signataires du 5 juin 2015 a souhaité la reprise de deux catégories supplémentaires d'électeurs comme bénéficiaires de cette dispense de formalités d'inscription.

La troisième catégorie comprendrait les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province, au titre du a , du b ou du c de l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999, ce qui recouvre les natifs calédoniens ayant leur centre d'intérêts matériels et moraux au sens du d de l'article 218 de la loi organique.

Pour identifier le « centre des intérêts matériels et moraux » en Nouvelle-Calédonie, il ne serait plus fait appel, comme envisagé initialement, à une simple inscription sur la liste électorale générale mais à celle sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales.

Ainsi, le « centre des intérêts matériels et moraux » de l'électeur serait présumé en Nouvelle-Calédonie dès lors qu'il est citoyen calédonien et, à ce titre, inscrit sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province. Rappelons que l'inscription sur cette liste est elle-même soumise à des conditions fixées à l'article 188 de la loi organique et dont la satisfaction permet de présumer, de manière incontestable, qu'un faisceau d'indices existe sur l'existence du « centre des intérêts matériels et moraux » en Nouvelle-Calédonie.

Les conditions pour figurer sur la liste électorale
pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province
(article 188 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999)

En application de l'Accord de Nouméa et par dérogation à l'article 3 de la Constitution qui prévoit l'universalité du suffrage, le corps électoral pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province est restreint. Sont électeurs uniquement les personnes inscrites sur la liste électorale générale et satisfaisant à l'une des conditions suivantes :

a) Remplir les conditions pour être inscrit sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ;

b) Être inscrit sur le tableau annexe et domicilié depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ;

c) Avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.

La quatrième catégorie d'électeurs, envisagée par le comité des signataires, intégrait les électeurs qui sont nés à compter du 1 er janvier 1989, qui ont fait l'objet d'une inscription d'office sur la liste électorale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province et dont un des parents a été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998. La réunion de ces trois conditions satisfait le h de l'article 218 de la loi organique du 19 mars 1999.

Selon les estimations du ministère des outre-mer, plus des trois-quarts des électeurs ayant vocation à figurer sur la liste électorale spéciale pour la consultation seraient ainsi concernés par une inscription d'office et seraient ainsi dispensés de toute formalité d'inscription.

L' amendement COM-8 présenté par le Gouvernement traduisait fidèlement, au sein du II de l'article 218-2, l'accord intervenu lors de la réunion exceptionnelle du comité des signataires, le 5 juin 2015. Aussi votre commission l'a-t-elle adopté, dès lors qu'elle a estimé qu'il respectait tant l'Accord de Nouméa que les règles constitutionnelles applicables. Votre rapporteur rappelle que les commissions administratives spéciales resteraient compétentes pour statuer, sous le contrôle du juge, sur les inscriptions d'office.

Synthèse des conditions à remplir pour l'inscription
sur la liste électorale spéciale et des possibilités d'inscription d'office en vue de la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté

Condition à remplir
pour l'électeur inscrit sur la liste électorale générale

Possibilité
d'inscription d'office

Avoir été admis à participer
à la consultation du 8 novembre 1998

Oui

par constat de l'inscription sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998

Sans être inscrit sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation

Non

Sans avoir pu être inscrit sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que l'absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales

Non

Avoir eu le statut civil coutumier

Oui

par constat de l'inscription sur le fichier des personnes relevant du statut civil coutumier

Être né en Nouvelle-Calédonie et y avoir eu le centre de ses intérêts matériels et moraux

Oui

en cas d'inscription sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province

Avoir l'un de ses parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de ses intérêts matériels et moraux

Non

Justifier d'une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014

Non

Être nés avant le 1 er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998

Non

Être nés à compter du 1 er janvier 1989 et avoir atteint l'âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998

Oui

En cas d'inscription d'office sur la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province

ET si un parent inscrit sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998

Source : commission des lois

Enfin, s'inspirant de l'article L. 11-1 du code électoral, le III du nouvel article 218-2 prévoirait l'inscription d'office sur la liste électorale spéciale propre à la consultation des électeurs, recensés, qui deviennent majeurs et disposent alors du droit de vote, au plus tard, à la date de clôture de la liste électorale. Le cas échéant, l'électeur concerné pourrait être invité à fournir les pièces nécessaires pour justifier son inscription sur la liste électorale spéciale.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. 219 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Modalités d'élaboration de la liste électorale spéciale pour la consultation et règles d'organisation de la consultation

L'article 4 modifie l'article 219 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de préciser les modalités d'élaboration et de révision de la liste électorale spéciale pour la consultation ainsi que les règles du scrutin lors de la consultation.

Le I de l'article 219 précise actuellement que la liste électorale spéciale pour la consultation est établie à partir de la liste électorale générale et de la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province. Compte tenu des inscriptions facilitées pour des catégories d'électeurs à l'article 3 du présent projet de loi organique, l'établissement de la liste s'effectuerait désormais également sur la base de la liste électorale spéciale établie pour la consultation qui, le 8 novembre 1998, a porté sur l'approbation de l'Accord de Nouméa, ainsi que le fichier des personnes relevant du statut coutumier. Conformément au souhait émis par le congrès de la Nouvelle-Calédonie le 26 mars 2015, cette énonciation, introduite par un « notamment », n'est pas exhaustive.

Il est proposé de réécrire le II de l'article 219 qui se borne à indiquer que « les dispositions du titre I er du livre I er du code électoral et du titre V de la présente loi organique sont applicables à la consultation. ». Dans un souci de précision, les dispositions du code électoral applicables à la consultation seraient indiquées par chapitre du titre I er du livre I er du code électoral. Seraient exclues les dispositions qui seraient contraires aux règles spéciales fixées par le titre IX de la loi organique du 9 mars 1999 pour l'élaboration des listes et l'organisation de la consultation. En outre, une mesure d'adaptation de l'article L. 18 du code électoral est prévue : une disposition sans pertinence pour la consultation est écartée et la commission qui est visée par cet article est indiquée comme celle procédant à la révision et à l'élaboration de la liste électorale spéciale.

Enfin, il serait inséré un II bis à l'article 219 pour préciser les règles de révision de la liste électorale spéciale.

Comme au IV de l'article 189 de la loi organique pour la liste électorale spéciale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province, il serait indiqué que la liste électorale spéciale pour la consultation est permanente. Sa révision serait annuelle dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Cette liste, pour lesquels les inscriptions seraient examinées selon le calendrier de droit commun, servirait à la consultation lorsque les électeurs seraient convoqués.

Toutefois, compte-tenu de la particularité de la consultation, une période de révision complémentaire de la liste électorale générale et de la liste électorale spéciale est rendu possible l'année du scrutin.

En s'inspirant de la règle de l'article L. 11-2 du code électoral, il est prévu l'inscription d'office sur la liste électorale spéciale des électeurs ayant atteint la majorité entre la clôture de la liste électorale spéciale et la consultation.

Votre commission s'est bornée à adopter un amendement COM-4 rédactionnel de son rapporteur.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 221 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) - Procédure d'adoption des mesures règlementaires d'application

L'article 5 complète l'article 221 de la loi organique du 19 mars 1999 afin de distinguer les différentes mesures d'application rendues nécessaires par le titre IX de la loi organique.

Les éventuelles mesures d'application que ce titre relatif à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté appelle doivent relever d'un décret en Conseil d'État et délibéré en conseil des ministres. Ce principe serait maintenu mais deux exceptions seraient expressément rappelées à l'article 221. Relèveraient uniquement d'un décret en Conseil d'État la mesure règlementaire pour fixer :

- les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission consultative d'experts, prévue au dernier alinéa du futur article 218-2 de la loi organique ;

- les conditions de la révision annuelle de la liste électorale spéciale pour la consultation, prévue au futur II bis de l'article 219 de la loi organique.

L'adoption de ces mesures règlementaires resterait soumise à l'obligation de recueillir l'avis préalable du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, conformément au I de l'article 133 de la loi organique, dès lors qu'elles comporteraient par nature des « dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie ». Comme le prévoit l'article 3 du présent projet de loi organique, le décret en Conseil d'État prévu au II bis de l'article 219 de la loi organique serait également soumis à l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Votre rapporteur s'est borné à proposer un amendement COM-4 de coordination que votre commission a adopté.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi organique ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 24 JUIN 2015

M. Philippe Bas , rapporteur . - Les accords de Matignon ont été conclus le 26 juin 1988, et approuvés par référendum le 6 novembre 1988. Dix ans plus tard, les Calédoniens devaient se prononcer sur le choix de l'indépendance. Cependant, ce référendum a été repoussé d'une quinzaine d'années, conformément à l'Accord de Nouméa, conclu le 5 mai 1998. Une révision constitutionnelle a eu lieu le 20 juillet 1998, suivie par l'adoption de la loi organique du 19 mars 1999 fixant le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. Ce territoire acquérait ainsi un degré d'autonomie inégalé au sein de la République, avec un pouvoir législatif conféré à son assemblée délibérante. Un nouveau processus s'est ensuite engagé, qui doit être clos par une ou plusieurs consultations sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Ce processus de Nouméa touche à son terme.

Une délégation de notre commission s'est rendue sur place, l'année dernière, entre le 30 juillet et le 4 août. Dans leur rapport, Jean-Pierre Sueur, Sophie Joissains et Catherine Tasca ont dressé un bilan complet et nuancé de l'application de l'Accord de Nouméa, en s'attachant à présenter le nouveau cycle politique tourné vers l'horizon référendaire qui doit clore le processus. Si les difficultés sociales perdurent en Nouvelle-Calédonie malgré des atouts économiques non négligeables, ce sont surtout les enjeux institutionnels qui ont contribué dernièrement à raviver les oppositions.

Le texte du projet de loi organique élaboré en début d'année s'est heurté à une absence de consensus après les élections au congrès de la Nouvelle-Calédonie : il a été inscrit à l'ordre du jour prioritaire de notre assemblée dans un contexte délicat.

À la suite du voyage du président de l'Assemblée nationale en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement a pris conscience de la gravité des difficultés. Le 5 juin, il a réuni de manière exceptionnelle le comité des signataires de l'Accord de Nouméa. Un accord a été trouvé, qui se traduit par des amendements du Gouvernement. Leur adoption rendra le texte consensuel. Cela nous évitera d'avoir à rendre notre arbitrage dans un domaine qui ne faisait l'objet d'aucun accord local. L'horizon s'éclaircit pour chacun. Notre collègue Pierre Frogier pourra nous éclairer sur l'actualité calédonienne.

Le dispositif est assez complexe. Les articles 76 et 77 de la Constitution mettent en place un système original, puisqu'ils prévoient qu'un corps électoral particulier se prononcera sur l'indépendance calédonienne. À la demande de trois cinquièmes des membres du congrès ou, à compter de mai 2018, à l'initiative de l'État, il devra le faire une première fois, avant mai 2019. Si la réponse est négative, un deuxième référendum pourrait être organisé, puis, si la réponse restait négative, un troisième référendum pourrait clore définitivement le processus. L'élaboration d'un corps électoral spécifique a pour but que seuls les « Calédoniens de souche » se prononcent sur l'indépendance.

Ce processus à étapes est assez original. Les Calédoniens doivent s'entendre sur le corps électoral, et tel est le point complexe que le projet aborde. Il existe déjà deux listes électorales en Nouvelle-Calédonie : la première, de droit commun, concerne les élections non spécifiques (présidentielles, municipales), c'est-à-dire de même nature qu'en France métropolitaine ; la seconde, établie pour les élections provinciales, rassemble des personnes possédant des attaches plus fortes avec la Nouvelle-Calédonie. Le référendum nécessite la constitution d'une troisième liste, qui devra tenir compte des inscriptions sur les autres listes et d'autres éléments. Les difficultés soulevées pour l'inscription sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales ont donné lieu à des arrêts de la Cour de cassation qui n'ont pas fait l'unanimité.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie élu en mai 2014 est en mesure de solliciter une nouvelle consultation à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Il est improbable qu'il le fasse. À défaut, à partir de mai 2018, l'État devra en entreprendre l'organisation avant mai 2019. Le législateur organique doit déterminer les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté. Le Gouvernement a apporté des modifications au texte organique pour préparer cette consultation. Si l'organisation de la première consultation incombe par défaut à l'État, le tiers des membres du Congrès peut solliciter une deuxième puis une troisième consultation à la demande d'un tiers de ses membres. Quelle qu'en soit l'issue, la Nouvelle-Calédonie devra inventer une nouvelle solution institutionnelle pour l'après, qu'il s'agisse du partenariat privilégié entre deux États souverains ou de l'enracinement d'une autonomie renforcée au sein de la République française.

Le projet de loi organique ne remet pas en cause l'article 218 de la loi organique de 1999. Les critères font l'objet d'un accord politique entre les différents partenaires locaux, comme nos collègues avaient pu le constater lors de leur déplacement en Nouvelle-Calédonie en 2014, et comme je l'ai vérifié lors des auditions. Ces critères déjà inscrits dans la loi organique définissent les contours des populations appelées à se prononcer.

Le projet de loi organique initial, qui serait fortement modifié par les amendements du Gouvernement, comporte cinq articles. Il a provoqué de vives réactions locales. Grâce à la bonne volonté et à l'intelligence des différentes parties prenantes, le Gouvernement est parvenu à surmonter les difficultés lors du comité exceptionnel des signataires du 5 juin dernier, au terme de douze heures de négociations franches et approfondies.

Les commissions administratives spéciales, pour réviser les listes électorales spéciales, sont créées par la loi organique ; elles révisent les listes tous les ans sous la présidence d'un magistrat venu de métropole. L'article 1 er du projet de loi organique dotait les commissions d'un magistrat supplémentaire, très contesté par certains parce qu'il faisait basculer la majorité de la commission administrative spéciale du côté des partisans d'une application stricte du droit et non d'un examen des mérites de l'inscription au regard de la volonté politique des signataires de l'Accord. Le Gouvernement a décidé, après la réunion du 5 juin, de remplacer ce second magistrat par une personnalité qualifiée indépendante et a renvoyé au décret les modalités de sa nomination.

L'article 3 du projet de loi organique crée une commission consultative d'experts dont la compétence s'étendrait à tout le territoire calédonien et dont l'avis serait purement consultatif. Présidée par un membre de la juridiction administrative, elle proposerait une interprétation harmonisée des notions juridiques employées par les commissions administratives spéciales, à la demande d'une de ces commissions. Après beaucoup de contestations, certains assouplissements ont mené à un accord sur cet organe.

Le sujet le plus important du projet de loi organique, à l'article 3, est l'inscription d'office de certaines catégories d'électeurs, non automatique, mais faite à leur place. Si l'inscription est une démarche volontaire, la situation particulière exige des aménagements, d'une part en raison de l'existence de deux listes auxquelles on a ajouté une troisième, d'autre part car certains pourraient ne pas s'inscrire tout en en ayant le droit. Le but est de faciliter les inscriptions en dispensant de démarches certaines catégories d'électeurs. J'invite à ne pas modifier lors de l'examen parlementaire la solution apportée aux tensions portant sur l'élaboration de ces catégories.

Aucun obstacle constitutionnel ne s'oppose à cette procédure, parce qu'il ne s'agit pas d'une inscription automatique. L'avis rendu par le Conseil d'État le 6 février 2014 dit que les inscriptions d'office ne sont envisageables que si la commission administrative spéciale peut s'appuyer, pour y procéder, sur des données objectives à sa disposition.

Le projet de loi organique initial avait retenu deux catégories d'électeurs : ceux qui ont été admis à participer à l'approbation de l'Accord de Nouméa de 1998 et ceux qui relèvent du statut civil coutumier. Un grand travail de relecture et de mise à jour de ces listes est nécessaire, celles-ci n'étant pas chimiquement pures et pouvant contenir des orthographes inexactes. Elles devront être complétées par deux autres catégories prévues par l'Accord du 5 juin : les électeurs nés après le 1 er janvier 1989 inscrits sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales et dont l'un des parents a été admis à participer à la consultation du 6 novembre 1998, et les natifs de Nouvelle-Calédonie inscrits sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales, dont l'appartenance à ce corps électoral restreint présume que le centre de leurs intérêts matériels et moraux est en Nouvelle-Calédonie. Cette notion n'a jamais été définie précisément, mais le lieu de naissance et l'inscription sur la liste des élections provinciales tiennent bien lieu d'indices incontestables. D'autres électeurs non concernés par l'inscription d'office pourront aussi demander leur inscription.

Mme Catherine Troendlé , présidente . - Merci infiniment de tant de pédagogie sur ce dispositif complexe.

M. Pierre-Yves Collombat . - Parle-t-on des conditions nécessaires à l'inscription d'office ou juste à l'inscription ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Les quatre catégories d'électeurs citées pourront bénéficier d'une inscription d'office, ce qui n'épuise pas les possibilités de s'inscrire.

Mme Catherine Tasca . - Dans son excellente analyse, notre président-rapporteur a justement insisté sur le rôle de la réunion du 5 juin, qui a abouti à cet accord. Je rends hommage à notre collègue Pierre Frogier qui a demandé depuis longtemps au Gouvernement de l'organiser. Le contexte politique calédonien est difficile. Des divergences ont émergé au sein des familles politiques qui ont présidé aux accords antérieurs. Le paysage politique n'est pas uni. Il fallait reprendre un dialogue constructif. Les dispositions actuelles, qui recueillent le consensus de l'ensemble des acteurs calédoniens - un nouveau fait historique- n'ont pas été plaquées d'en haut mais sont issues d'un véritable dialogue. La réinsertion de l'État dans le débat a favorisé la rencontre des volontés. Malgré ses aspects très techniques parfois déroutants, ce texte extrêmement important fait franchir à tous un pas supplémentaire vers la construction d'un destin commun. Je suis certaine que nous aurons à coeur de l'accompagner ici puis en séance.

M. Jean-Jacques Hyest . - Merci à Philippe Bas de son rappel. Peu possèdent une mémoire longue. La limitation du corps électoral qui est due à la crainte des indépendantistes d'être balayés par la forte arrivée de métropolitains, a parfois suscité l'incompréhension, y compris du Conseil constitutionnel. Cette histoire n'est pas un long fleuve tranquille. Les partenaires comme Jacques Lafleur savaient de quoi on parle - et c'est aujourd'hui le cas de Pierre Frogier. Au fil des ans, des personnalités fortes ont disparu. Sont arrivés d'autres responsables, qui ne sont pas tous des signataires des accords successifs.

L'établissement des fameuses listes électorales a provoqué des difficultés graves. La commission administrative spéciale devra exercer une grande vigilance afin d'éviter un excès de contentieux - garde à l'envoi, pendant deux ou trois semaines, de gens ignorant le terrain !

Le projet initial n'était pas accepté. Je craignais beaucoup qu'il ne provoque des troubles, cette question étant extrêmement sensible. Comme Mme Tasca, je remercie Pierre Frogier d'avoir demandé avec constance la tenue de cette réunion et de la solution qui en est née. Il faut accepter le dispositif résultant de l'accord du 5 juin sans rien modifier, dans un but de pacification.

M. Philippe Kaltenbach . - Nous sommes tous satisfaits de l'accord intervenu entre les forces politiques calédoniennes. Michel Rocard, Lionel Jospin, ainsi que l'actuel Gouvernement, ont réussi à réunir les acteurs, c'est de bon augure. Merci à Philippe Bas, Catherine Tasca et Jean-Jacques Hyest d'avoir éclairé le débat. Quel est le nombre d'électeurs concernés, par rapport au nombre total d'électeurs ? L'étude d'impact cite le chiffre de 90 000 électeurs qui pourraient s'inscrire car ils ont participé à la consultation de 1998.

Mme Catherine Troendlé , présidente . - Des vérifications complètes doivent d'abord être menées.

M. Jean-Pierre Sueur . - Toute cette histoire, depuis l'action de Michel Rocard...

M. Jean-Jacques Hyest . - Et de beaucoup d'autres !

M. Jean-Pierre Sueur . - ... dont Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, montre que les négociations valent toujours mieux que la guerre. Pour avoir participé avec Catherine Tasca et Sophie Joissains à la mission de l'an dernier, je suis heureusement surpris par l'accord du 5 juin. Rien ne le laissait présager, tant la question des listes électorales paraissait représenter un point de blocage. Le comité des signataires est parvenu à un accord, alors que le congrès est dans l'incapacité de demander que la consultation ait lieu. Pierre Frogier a eu une bonne intuition en demandant la réunion de ce comité.

M. Pierre Frogier . - Je m'associe aux félicitations adressées au rapporteur, qui a présenté de façon simple une question complexe. Je remercie Mme Tasca et M. Hyest de leurs propos bienveillants.

Mme Tasca et moi avions participé au parcours parlementaire de l'Accord de Nouméa. Il est sûr que cette mémoire est indispensable à la compréhension de la situation, afin que le navire Nouvelle-Calédonie ne se désaxe pas par rapport à la volonté des signataires. Le succès du 5 juin est dû au fait que les signataires se sont parlés - mais ce comité compte désormais plus de non-signataires que de signataires historiques.

Il y avait 10 000 personnes dans la rue quand Claude Bartolone est arrivé à Nouméa. Cela a provoqué une prise de conscience au sein du Gouvernement. La mise en oeuvre de l'Accord de Nouméa souffre, depuis de nombreuses années, de deux maux. D'abord, sa judiciarisation. Il s'est appauvri, dévitalisé, et l'État a laissé prévaloir l'interprétation des magistrats. Progressivement, nous nous sommes écartés de la volonté des signataires, ce qui a provoqué malaises et incompréhensions. Ensuite, nous avons souffert depuis deux ans d'un positionnement gouvernemental à équidistance des deux grandes forces politiques. La Nouvelle-Calédonie a besoin d'un État fort et déterminé, sans pour autant qu'il prenne parti.

Je voterai évidemment ce texte tout en restant opposé à la solution de 1998 d'un scrutin d'autodétermination. Contrairement à ce que nous pouvions espérer, les Calédoniens dans leur ensemble ne sont pas prêts à affronter sereinement ce choix dans deux ans. Les indépendantistes prendront le résultat comme une sanction. La meilleure solution est de s'entendre pour redonner un nouveau souffle à l'Accord de Nouméa. Il n'existe pas de solution paisible en Nouvelle-Calédonie, et ce n'est pas au lendemain d'un scrutin d'autodétermination que des négociations pourront s'ouvrir.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'État, sans doute pour ne pas paraître peser sur le résultat, a été très en retrait, très prudent. La réunion extraordinaire du comité des signataires lui a fait prendre conscience de son propre rôle : permettre aux différentes parties calédoniennes de parler et de trouver des accords. Il est très important d'avoir un texte prouvant la bonne foi de la République dans la mise en oeuvre de l'Accord de Nouméa, sans quoi on rendrait impossible la tenue des scrutins prévus. Le faire sans un accord des différentes parties, c'était risquer de renforcer les tensions politiques au sein de la société calédonienne. De façon inespérée, l'accord du 5 juin, signé au bord du gouffre, nous a remis sur les bons rails. Nous ne pouvons pas préjuger de la manière dont le texte que nous allons voter sera appliqué, ni de la capacité des Calédoniens à construire des solutions novatrices qui ne seraient pas exactement le triple référendum - c'est la loi pour l'instant -, mais on a retiré une partie du venin qui se répandait.

Il est difficile de donner le nombre d'électeurs de la liste électorale qu'il faudra constituer. Environ 174 000 électeurs sont inscrits pour les élections ordinaires et près de 152 000 pour les élections provinciales. Le nombre d'électeurs de la consultation devrait avoisiner les 150 000. On ne s'attend pas à un bouleversement démographique. L'aspect pratique, arithmétique, est assez limité, mais chaque refus d'inscription ou radiation remettra en cause l'identité de la personne.

M. Pierre Frogier . - Je confirme ces chiffres. Ces 150 000 électeurs sont quasiment les mêmes qui ont voté aux élections provinciales. Le rapport de voix sur l'indépendance, de 60 % contre 40 %, sera le même en 2018. Doit-on aller jusque-là ou anticiper ? Mon choix est fait.

M. Philippe Kaltenbach . - Y a-t-il un risque de scission de la Nouvelle-Calédonie ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Ce cas de figure est totalement exclu par l'Accord de Nouméa. Cette hypothèse n'est pas posée sur la table.

M. Pierre Frogier . - L'Accord dispose que le résultat de la consultation référendaire vaudra pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie.

Mme Catherine Tasca . - La perspective de scission n'est pas dans la logique de l'Accord. Ce qui s'est fait au comité des signataires est bien la preuve de prise de conscience de la nécessité du vivre ensemble. Voilà pourquoi la notion de destin commun revient régulièrement. Elle revêt une image différente selon les opinions, mais elle demeure importante. La taille du territoire et son peuplement mènent à une solution raisonnable et raisonnée.

Mme Catherine Troendlé , présidente . - Nous appelons de nos voeux une dynamique positive.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-6 concerne la composition de la commission administrative spéciale. Celle-ci serait complétée par une personnalité qualifiée indépendante qui n'aura qu'une voix consultative. Le décret déterminant son portrait-type ne sera pris qu'après consultation des parties calédoniennes.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Le texte initial attribuait des pouvoirs propres décisionnels au président des commissions administratives spéciales. L'accord du 5 juin a conclu au contraire à une collégialité. C'est le sens de l'amendement COM-5.

L'amendement COM-5 est adopté.

Article 2

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-3 corrige une erreur d'imputation et précise la rédaction.

L'amendement COM-3 est adopté.

Article 3

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-7 porte sur la commission consultative d'experts. L'accord du 5 juin prévoit une représentation paritaire entre indépendantistes et non-indépendantistes. Le décret sera soumis pour avis au Gouvernement et au congrès de la Nouvelle-Calédonie. J'y suis favorable.

L'amendement COM-7 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-8 a pour objet l'inscription sur la liste électorale sans démarche pour quatre catégories d'électeurs.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 4

L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.

Article 5

L'amendement de coordination COM-4 est adopté.

Article additionnel après l'article 5

Mme Catherine Tasca . - Nous avions adopté à l'unanimité, en 2013, un texte permettant à la Nouvelle-Calédonie de se doter d'autorités administratives indépendantes. En raison de l'actualité de 2013, tous souhaitaient une autorité de la concurrence, celle-ci étant très difficile à réguler dans un territoire de cette taille, où les intérêts sont enchevêtrés. La présence de l'appartenance à la fonction publique parmi les incompatibilités énumérées en 2013 a rendu impossible son installation. L'Autorité de la concurrence au niveau national, qui collabore avec la Nouvelle-Calédonie, est prête à mettre à disposition certains de ses experts, lesquels ont le malheur d'être fonctionnaires. L'amendement COM-1 rectifie l'article 27-1 de la loi organique en supprimant les mots « tout autre emploi public ». Je connais la réticence du rapporteur à amender un texte dont l'élaboration résulte d'équilibres très précis. Avec le groupe socialiste, j'ai néanmoins déposé cet amendement parce que la vie chère reste un point très chaud de la vie politique et sociale en Nouvelle-Calédonie.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon avis est paradoxal. Je partage votre sentiment d'opportunité. Nous parlons de questions politiques qui peuvent faire descendre 10 000 personnes dans la rue, mais la vie quotidienne calédonienne reste l'enjeu principal. La vie chère est un sujet de préoccupation constant. Je suis néanmoins très ennuyé à l'idée d'accueillir cet amendement car il peut y en avoir d'autres. Ce projet de loi organique est le dernier point d'eau avant le désert. Si on l'alourdit avec des amendements, même opportuns, on court le risque de modifier l'équilibre trouvé. Je préfère camper sur ma position et émettre un avis défavorable, quitte à ce que votre groupe présente une proposition de loi organique.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je partage les angoisses du rapporteur. Il est assez étonnant d'interdire la présence de fonctionnaires au sein de l'autorité locale de la concurrence, alors qu'il n'y a pratiquement que cela en métropole. Le paquet cadeau est bien ficelé. Il faut aller le plus vite possible. Attention aux bourgeonnements contre-productifs.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'amendement de Mme Tasca ne pose aucun problème majeur. Je trouve la position du rapporteur un peu rigide. Un vrai problème de concurrence se pose en Nouvelle-Calédonie, comme dans d'autres outre-mer. Une autorité idoine serait nécessaire. Refuser cet amendement est excessif, d'autant qu'il faudra attendre une autre loi organique pour aborder ce sujet. Il se passera beaucoup de temps avant qu'une proposition de loi organique soit examinée par les deux assemblées.

M. Jean-Jacques Hyest . - Le projet de loi organique porte sur la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Restons-en là. D'autres sujets mériteraient d'être traités et justifieraient une proposition de loi organique.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Ma position est celle d'un soutien au Gouvernement.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Catherine Troendlé , présidente . - Notre vote est acquis à l'unanimité.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Composition et pouvoirs des commissions administratives spéciales

Le Gouvernement

6

Ajout d'une personnalité qualifiée indépendante au sein de la commission

Adopté

Le Gouvernement

5

Suppression du pouvoir du président de la commission pour rejeter les demandes manifestement infondées

Adopté

Article 2
Organisation d'une troisième consultation sur l'accession
de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté

M. BAS, rapporteur

3

Correction d'une erreur matérielle et précision rédactionnelle

Adopté

Article 3
Création d'une commission consultative d'experts et modalités d'inscription
sur la liste électorale spéciale pour la consultation

Le Gouvernement

7

Modification de la composition, des modalités de saisine et du rôle de la commission consultative d'experts

Adopté

Le Gouvernement

8

Élargissement des inscriptions d'office des électeurs sur la liste électorale spéciale pour la consultation

Adopté

Article 4
Modalités d'élaboration de la liste électorale spéciale
pour la consultation et règles d'organisation de la consultation

M. BAS, rapporteur

2

Rédactionnel

Adopté

Article 5
Procédure d'adoption des mesures règlementaires d'application

M. BAS, rapporteur

4

Coordination

Adopté

Article additionnel après l'article 5

Mme TASCA

1

Suppression de l'incompatibilité entre les fonctions de membre d'une autorité administrative indépendante créée par la Nouvelle-Calédonie et l'exercice d'un emploi public

Rejeté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Calédonie Ensemble

M. Philippe Gomès , député

M. Philippe Germain , président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

M. Philippe Michel , président de l'assemblée de la province Sud

M. Philippe Dunoyer , président de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie

M. Gérard Poadja , membre de l'assemblée de la province Nord

Rassemblement UMP (RUMP)

M. Pierre Frogier , sénateur

Union Calédonienne - FLNKS

M. Rock Wamytan , membre du congrès de la Nouvelle-Calédonie

M. Neko Hnepeune , président de l'assemblée de la province des îles Loyauté

Union pour la Nouvelle-Calédonie dans la France (UCF)

M. Gaël Yanno , président du congrès de la Nouvelle-Calédonie

Mme Jena Bouteille , chargée de mission au congrès de la Nouvelle-Calédonie

UNI Palika - FLNKS

M. Paul Neaoutyine , président de l'assemblée de la province Nord

M. André Némia , conseiller spécial du président

Personnalité qualifiée

M. Régis Fraisse , conseiller d'État, ancien président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie

COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME LA MINISTRE

ANNEXE 1 - - COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE MME GEORGE PAU-LANGEVIN, MINISTRE DES OUTRE-MER

________

MARDI 9 JUIN 2015

M. Philippe Bas , président . - Le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, avez réuni vendredi le Comité des signataires de l'Accord de Nouméa. Les parties sont parvenues à certains points d'accord. La commission des lois est très impatiente de vous entendre sur votre texte et sur les conclusions que vous tirez de cette réunion.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer . - Ce sont deux projets de loi qui m'amènent ici.

M. Philippe Bas , président . - En effet : le projet de loi organique relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, dont je suis le rapporteur, et le projet de loi de modernisation du droit de l'outre-mer, dont le rapport est confié à Jean-Jacques Hyest.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Nous devons offrir aux Calédoniens les meilleures conditions pour la consultation par laquelle ils se prononceront sur les liens qu'ils entretiennent avec la France. Le Comité des signataires, l'instance chargée de traiter les problèmes éventuels dans l'application de l'Accord de Nouméa, s'est réuni en octobre 2014, pour la définition de la liste électorale spécifique à cette consultation, fondée sur un corps électoral restreint. Un large accord s'est établi sur l'idée de dispenser de formalités quatre catégories de Calédoniens, sans pour autant retoucher la liste. Nous avons entendu les réserves du Conseil d'État sur deux des quatre catégories (les deux autres étant validées) et les critiques de certains sur les commissions administratives spéciales destinées à évaluer les listes, qui n'avaient pas donné satisfaction à des demandes dans certaines communes. Nous avons inclus dans le texte du projet de loi organique un certain nombre de mesures pour faciliter le travail des commissions et leur transparence. Certaines ont suscité des critiques ; la meilleure instance pour en discuter étant le Comité des signataires, nous l'avons réuni le 5 juin dernier. Nous avons pu constater qu'il y avait parmi les forces politiques en présence un réel souhait commun que la consultation se déroule dans les meilleures conditions et avec des listes établies de la façon la plus transparente.

Au sein des commissions administratives, le projet de loi organique ajoutait un second magistrat judiciaire. Le président de chaque commission administrative aurait disposé de pouvoirs propres d'instruction. Les partis indépendantistes considèrent que les commissions les utilisent de façon trop parcimonieuse. Nous voulions donner la possibilité au président d'écarter rapidement certaines demandes infondées. Les parties ont souhaité que seule la commission dispose de cette prérogative. Nous avons constaté qu'une personnalité qualifiée, à la place du second magistrat, pourrait jouer un rôle de sage au sein des commissions administratives.

L'article 2 complète la loi organique sur la troisième consultation - en 2018, la première consultation sera en effet suivie, si le non l'emporte, d'une deuxième puis d'une troisième consultation. Cette dernière se déroulera comme les précédentes - il fallait le préciser, c'est chose faite.

Une commission consultative d'experts sera susceptible d'éclairer les commissions sur le terrain, notamment concernant la catégorie, sujette à débat, des personnes nées en Nouvelle-Calédonie et qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Cette notion s'appréciant de façon jurisprudentielle à partir d'un faisceau d'indices, le Conseil d'État a estimé impossible une inscription d'office. Nous avons donc imaginé nous référer aux inscriptions sur les listes des élections provinciales. L'expression « inscription automatique » peut en effet prêter à confusion : ce sont les commissions qui y procéderont à partir de certains critères. Or le fait d'avoir été admis à voter pour les élections du congrès et des assemblées de province constitue un critère objectif. D'autres personnes seront inscrites d'office : celles nées en Nouvelle-Calédonie, ayant atteint leur majorité après le 31 octobre 1998 et inscrites sur les listes spéciales, ainsi que celles, nées après le 1 er janvier 1989, et dont un des parents a été autorisé à participer à la consultation du 8 novembre 1998. Nous avons donc défini des catégories d'électeurs dispensés de formalités, qui constituent l'immense majorité du corps électoral calédonien.

Nous souhaitons que le texte soit le plus consensuel possible. Les parlementaires ont certes le droit de l'amender ; je crois qu'il serait préférable en tout cas de rester au plus près du souhait des Calédoniens.

La durée actuelle d'activité prévue des commissions est de deux ans - c'est très court. Nous sommes convenus d'allonger cette durée pour leur donner plus de marge.

Un dernier point empoisonne les échanges politiques en Nouvelle-Calédonie : la contestation, notamment par les indépendantistes, de certaines inscriptions sur les listes provinciales. Des recours ont été déposés, avec des fortunes diverses. Les signataires sont aujourd'hui convenus qu'il faut d'abord identifier le problème : la solution sera différente selon que le problème concerne 50 ou 3 000 personnes !

Nous avons donc confié au haut-commissaire le soin de réaliser une étude, bien sûr anonyme, qui distingue deux situations : ceux qui sont arrivés après novembre 1998 - et qui n'ont donc rien à faire sur les listes pour la consultation finale - et ceux arrivés avant. Pour eux, le critère doit-il être la présence en Nouvelle-Calédonie à cette date ou l'inscription sur les listes ? Les signataires trancheront une fois le problème quantitativement cerné. Un accord politique n'est pas exclu. Les signataires se rencontreront à l'automne et tireront alors les conclusions du travail qui aura été mené.

Le Comité des signataires est parvenu à des solutions raisonnables. Certes, vous trouverez des moyens d'améliorer encore ce texte. Néanmoins, j'espère que les modifications proposées réuniront des signataires de différents groupes, afin de marquer le consensus, ou qu'elles seront portées par le président de votre commission. Bien sûr, c'est à vous d'en décider...

Le deuxième texte, relatif à la modernisation du droit de l'outre-mer - texte portant « diverses dispositions » sur l'outre-mer, pourrait-on dire - est par nature disparate.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - C'est la modernisation, paraît-il !

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Il faut en effet actualiser certaines dispositions autour de cinq grandes thématiques : l'économie, la maîtrise et l'aménagement fonciers, la fonction publique, les collectivités locales, la sûreté et la sécurité.

Dans le domaine économique, nous proposons d'étendre à Saint-Martin le bénéfice de l'article 15 de la loi du 20 novembre 2012 sur la régulation économique, qui a consacré la constitution des observatoires des prix, des marges et des revenus, tandis que les préfets ont été chargés de mettre en oeuvre des « boucliers qualité-prix ». Là où ceux-ci ont été mis en place, la baisse des prix a atteint jusqu'à 11 %.

Nous voulons aussi changer le statut de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), aujourd'hui une société d'État inscrite au registre de commerce, statut souple mais inadapté. Nous proposons de la transformer en établissement public administratif, conformément aux recommandations de la Cour des Comptes en 2011. Nous aménageons enfin la représentation du monde agricole dans les caisses de sécurité sociale, conformément à l'engagement pris par le Président de la République à La Réunion en août dernier.

Les outre-mer font face à des situations démographiques différentes de celle de l'hexagone : Mayotte et la Guyane sont en pleine expansion, avec des besoins considérables, notamment en logements. Les agences chargées de veiller de la protection de la zone des cinquante pas géométriques de la Guadeloupe et de la Martinique, qui ont été créées il y a une quinzaine d'années, voient leur durée de vie prorogée jusqu'à 2018 car leur action dans des quartiers d'habitat spontané n'est pas terminée. Une mission d'information de la Délégation sénatoriale des outre-mer étudie cette question en ce moment. Mettons en commun nos réflexions pour stabiliser leur mission ! Les propositions du Sénat seront les bienvenues.

La fonction publique doit être adaptée à Wallis-et-Futuna, où des agents exercent des missions de service public, pour le compte de l'État ou des circonscriptions territoriales, mais demeurent contractuels. Après la crise sociale de l'année dernière, nous avons voulu faire évoluer leur situation. Ils pourront bénéficier immédiatement de la loi Sauvadet de mars 2012. L'administrateur supérieur prendra des mesures réglementaires pour les agents du territoire. Dans un second temps, les agents pourront aussi présenter les concours internes de chacune des trois fonctions publiques. La loi prévoit l'intégration des agents des communes de Polynésie française dans la fonction publique ou la révision de leur rémunération, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. Les propositions de classement seront adressées aux agents dans le délai de trois mois à compter de l'ouverture du poste. Ils auront aussi des possibilités de mobilité dans les trois fonctions publiques métropolitaines.

Concernant les finances des collectivités territoriales, de nouvelles exigences de transparence s'imposeront aux exécutifs de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Dans les communes de plus de 80 000 habitants en Nouvelle-Calédonie, comme à Nouméa, un adjoint au maire chargé des quartiers pourra être désigné.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Seulement à Nouméa : il n'y a pas d'autres communes de cette taille !

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Les maires délégués en Polynésie française devront être issus de la liste arrivée en tête dans la commune associée, un peu comme dans les arrondissements de Paris. L'association des maires de la Polynésie française a mis sur pied un groupe de travail que nous avons rencontré. Les sénateurs polynésiens pourront, au cours de la discussion, faire part de ses conclusions.

Sur le cinquième et dernier axe de ce projet de loi, la sécurité et la sûreté, une erreur doit être corrigée concernant les terres australes et antarctiques françaises (Taaf). Il y a beaucoup d'armes en Nouvelle-Calédonie : nous préparons donc une base législative pour créer un quota d'armes de catégorie C et du premier groupe de la catégorie D par voie réglementaire. Le texte comprend aussi l'abrogation de dispositions obsolètes à Mayotte ; et pour Saint-Barthélemy, devenu un pays et territoire d'outre-mer (PTOM) au niveau européen, le projet de loi prévoit expressément l'application sur son territoire du droit dérivé de l'Union européenne, par exemple en matière de transport aérien.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances sur la mise en conformité du droit social à Mayotte, à Wallis-et-Futuna et dans les Taaf avec les normes de l'Organisation internationale du travail (OIT), ou pour permettre l'exercice plein et entier des compétences de la Nouvelle-Calédonie en matière de droit de la consommation. Ce texte présente donc un spectre assez large de dispositions, qui modernisent différents aspects du droit outre-mer.

M. Philippe Bas , président . - Merci de cet exposé très complet concernant à peu près... tout l'outre-mer ! Je me réjouis qu'un calendrier ait été fixé pour traiter les problèmes relatifs aux listes électorales en Nouvelle-Calédonie. Il restera cependant du travail à faire, car les critères restent à définir ; au moins un cadre est-il posé. Question d'ordre technique : une partie importante du travail dépendra de la connexion entre différents fichiers, comme la liste pour la consultation de 1998 et les registres de personnes relevant du statut coutumier, dont la tenue n'est pas toujours parfaite. Sont-ils numérisés ? Sinon, combien de temps leur numérisation prendra-t-elle ?

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Je ne parlerai pas de la Nouvelle-Calédonie, même si j'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'y intéresser. Je me réjouis de l'accord, tant la situation semblait insoluble. Rappelons que la restriction du corps électoral vient du fait que les Kanaks avaient peur que l'arrivée massive d'Européens les marginalise.

Le texte de modernisation comporte une foule de dispositions. Les agents contractuels de Wallis-et-Futuna et des communes de la Polynésie française ne sont pas forcément intéressés par la fonction publique : leurs contrats sont parfois avantageux, comme cela arrive ailleurs. Il y aura des concours spéciaux : pourquoi dans ce cas leur offrir des concours internes, qu'ils ne passeront jamais, préférant les premiers ? L'article 8 concerne les agences des cinquante pas géométriques en Martinique...

M. Félix Desplan . - ...et en Guadeloupe !

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - En effet. Les agences développent des activités d'aménagement éloignées de leurs missions premières. Le Gouvernement veut-il élargir ces missions ? Veut-il mettre en place une agence foncière comme en Île-de-France ?

Ladom, une société d'État selon le modèle des années cinquante, est victime d'une sous-budgétisation chronique qui la met en difficulté financière. Ne vaudrait-il pas mieux prévoir d'allouer davantage de fonds à cette agence ?

L'article 7 concerne l'Établissement public d'aménagement en Guyane (Epag) de Guyane dont deux rapports du Conseil général de l'environnement et du développement durable préconisent la scission en deux entités en raison de l'évolution démographique exceptionnelle à laquelle il ne serait pas en mesure de répondre. Pourquoi garder un seul établissement public ?

Le Gouvernement demande souvent des habilitations pour l'outre-mer. La commission des lois veille toujours à inscrire dans les textes législatifs une mention sur leur application outre-mer. Plusieurs habilitations ont expiré comme celle votée dans la loi sur l'économie sociale et solidaire, et d'autres arrivent à expiration, à l'instar de deux au sein de la loi portant diverses dispositions sur l'outre-mer. Les ordonnances seront-elles prises à temps, ou devrons-nous prolonger les habilitations ? Cela commence à bien faire !

M. Thani Mohamed Soilihi . - Ce texte rappelle les récentes lois de simplification... Il est aussi touffu ! Les dispositions qu'il comporte étaient cependant attendues. L'extension de la loi du 20 novembre 2012 à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy est bienvenue. Mais dans les territoires où elle est d'ores et déjà appliquée, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) requiert des moyens supplémentaires contre les comportements abusifs : seront-ils accordés ? En Guyane et à Mayotte, il est opportun que l'État prenne la main sur les aspects fonciers et je salue la création de l'établissement foncier d'État. Je me pose cependant la question de la régularisation foncière à Mayotte : ne pourrait-elle pas être confiée à ce nouvel établissement ? Cette politique est en panne depuis des années...

Je fais miennes les déclarations de M. Hyest sur les habilitations : quelles garanties avons-nous que les ordonnances seront prises, d'autant plus que leur intitulé est très vague ? La mise en place d'un conseil des prud'hommes à Mayotte a été remise à plus tard dans le projet de loi Macron. Établir un cadre pour le travail intérimaire serait par exemple assez simple, et tellement utile, dans un territoire qui soufre tant du chômage. Enfin, une vingtaine d'agents originaires de Mayotte exerçant en Guyane m'ont saisi de leur problème : ils ne peuvent percevoir l'indemnité de sujétion géographique.

M. Félix Desplan . - Je me félicite de l'accord des signataires. Le 4 juin dernier, lors de son audition, le président du Congrès était inquiet, il doutait de la volonté du Gouvernement de faciliter la consultation. Nous, parlementaires, devons respecter cet accord. Néanmoins, je m'interroge sur certains points. Par exemple, comment seront désignées, et par qui, les personnalités qualifiées ?

Si à la première consultation, le oui l'emporte, tout sera mis en oeuvre pour parvenir à la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. En revanche, si le non l'emporte, il devra être confirmé par un nouveau vote.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Oui.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Ce sont les termes de l'Accord !

M. Philippe Bas , président . - Même si c'est un régime particulier...

M. Félix Desplan . - Et qu'en sera-t-il des modalités de vote ? Toutes seront-elles admises ? Feront-ils l'objet d'un accord ? Enfin, comment identifier les inscriptions douteuses sur les listes provinciales sans établir des critères au préalable ?

Quelques mots de l'Agence des cinquante pas géométriques : selon que l'on vit à la Guadeloupe ou à la Martinique, le prix au mètre carré n'est pas le même pour la régularisation. Il est plus cher en Guadeloupe : la loi d'indemnisation gommera-t-elle cette anomalie ?

En Polynésie française, pourquoi ne pas appliquer aux contractuels de la fonction publique la loi de 1984, avec une titularisation de ceux qui sont en poste depuis un certain temps ?

M. Hugues Portelli . - Le relevé des conclusions du Comité des signataires reste tout à fait dans l'esprit des textes qui se sont succédé depuis 1998 : les partenaires représentant les diverses communautés fixent les règles, la loi les met simplement en musique. Je prends l'exemple du second magistrat : « les partenaires s'accordent pour lui donner un statut d'observateur ».

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Il est remplacé par une personnalité qualifiée.

M. Hugues Portelli . - Une personnalité qualifiée, qui ne sera qu'un observateur : soit. Quant au président, il a des pouvoirs d'instruction, mais ne pourra rejeter une inscription manifestement infondée. Bref, si j'ai bien compris, les partenaires décident et le Parlement entérine ?

M. Philippe Bas , président . - L'État s'est fixé un impératif de neutralité. Nous avons bien vu en revanche, le 5 juin dernier, combien son rôle et sa présence étaient fondamentaux, dans le dialogue entre les partenaires. Les évènements qui se sont produits lors du déplacement du président de l'Assemblée nationale à Nouméa ont ainsi débouché sur une réunion rapide du Comité, grâce à l'initiative de l'État, proactif bien qu'impartial et neutre.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Les fichiers, depuis que la notion de corps électoral restreint a été définie, sont bien tenus. Les opérations de croisement se feront sous le contrôle de la Cnil. Les fichiers coutumiers sont entachés d'erreurs dans l'orthographe des noms : des vérifications seront nécessaires. Les électeurs devront eux-mêmes, également, s'enquérir de leur bonne inscription sur la liste, afin de faire rectifier les omissions, s'il y a lieu. Ils en auront le temps.

Les contractuels de Wallis-et-Futuna ont-ils intérêt à être titularisés ? Pas toujours. Du reste, certains ne satisfont pas tous les prérequis. Notre effort porte précisément sur ces situations. La loi Sauvadet prenait en compte le cas de ceux qui n'avaient pu être régularisés dans la cadre de la loi précédente. Nous poursuivons dans cette voie.

Les agences des cinquante pas géométriques n'ont pas réussi à achever leur mission, pour diverses raisons : parfois, parce que les terrains et bâtiments sont des indivisions ; dans d'autres cas, parce que les occupants ne sont pas solvables. Il est vrai aussi que certaines agences privilégient plutôt l'aménagement des zones, tâche jugée plus gratifiante, que la régularisation. Il faudra les recentrer sur leur première mission. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal) ne fonctionnent pas pareillement dans toutes les collectivités d'outre-mer, ce qui a pu renforcer les écarts de résultats, comme entre la Guadeloupe et la Martinique. Une harmonisation est souhaitable.

En Guyane, diviser en deux entités l'Epag ne nous a pas semblé le plus efficace. Nous sommes en train de réfléchir à la meilleure solution, notamment pour rentabiliser nombre de terrains appartenant à l'État.

À Mayotte, tout reste à faire en matière de foncier, à commencer par l'établissement d'un cadastre. Nous mettons en place la structure correspondante.

M. Thani Mohamed Soilihi m'interroge sur le contrôle des marges abusives des commerçants. Les associations de consommateurs sont moins organisées outre-mer qu'en métropole. Nous prévoyons des mesures d'habilitation d'agents supplémentaires pour le contrôle. Un certain nombre de structures ne fonctionnent pas au mieux à Mayotte, où le foncier est pour une bonne partie géré par le conseil général. Un conseil de prud'hommes me semble également une bonne idée.

Les indemnités de sujétion géographique suscitent des réticences dans les administrations, lorsque les agents viennent d'une autre région d'outre-mer. Je n'ai pas de solution. Il ne s'agit pas d'éloignement de la métropole...

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Un enseignant de Mayotte s'éloigne tout autant, géographiquement, quand il prend un poste en Guyane ! Il lui faudrait faire un crochet par la métropole d'abord !

Mme George Pau-Langevin, ministre . - C'est ce qui se passe aussi pour les militaires et les policiers.

En Nouvelle-Calédonie, les personnalités qualifiées dans les commissions ne seront pas des magistrats en activité. En effet, certains des signataires y étaient opposés et arguaient que les difficultés proviennent précisément de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui aurait été chargée de les désigner. Mais il pourra s'agir de personnes ayant exercé une profession juridique, ou étant considérées comme sages. Les modalités de désignation sont en cours d'examen.

M. Portelli semble amer, estimant que la métropole est, en quelque sorte, dessaisie.

M. Hugues Portelli . - Pas du tout.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - À situation particulière, solution juridique originale, dans le respect des grands principes républicains. Des solutions ont même été apportées par des juristes, y compris venant de l'hexagone. Le schéma actuel est issu de l'Accord de Nouméa, je vous le rappelle. Cela n'empêche pas de réfléchir. Par exemple sur la formulation exacte de la question qui sera soumise au vote, nous avons deux ans pour trouver un consensus.

Toutes les modalités de vote seront-elles admises, demandez-vous : vous pensez sans doute aux Calédoniens qui vivent hors du territoire ?

M. Félix Desplan . - Oui.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Ce point sera défini par le Comité.

L'agence de l'outre-mer pour la mobilité, oui, a des difficultés financières ; les moyens de fonctionnement ont été drastiquement réduits, tandis que l'activité demeure très importante. Nous avons dès lors proposé des conditions plus strictes pour la délivrance des aides à la continuité territoriale, afin d'éviter l'asphyxie.

Nous rencontrons certains problèmes dans l'élaboration des ordonnances. Celle-ci ne dépend pas de mon seul département ministériel, qui joue surtout le rôle d'un aiguillon. Nous faisons le maximum pour respecter les délais : sur Mayotte, sur le droit du travail, nous y sommes parvenus !

M. Thani Mohamed Soilihi . - Il reste tant à faire.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - La convergence des droits du travail progresse.

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Et les habilitations en cours, qui vont bientôt expirer ?

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Nous nous efforçons d'activer tous les ministères, mais certains textes sont très délicats à rédiger, les sujets très complexes.

M. Félix Desplan . - Il manque une bonne coordination ?

M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur . - Il existe paraît-il un Secrétariat général du gouvernement.

M. Philippe Bas , président . - Et un Premier ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre . - Nous soulevons les questions mais nous n'avons pas toujours les réponses techniques sur tous les points en suspens.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie.

ANNEXE 2 - RELEVÉ DE CONCLUSIONS DU COMITÉ DES SIGNATAIRES DU 5 JUIN 2015

PREMIER  MINISTRE

Comité des signataires exceptionnel de l'Accord de Nouméa

Vendredi 5 juin 2015

Hôtel de Matignon

Relevé de conclusions

Le comité des signataires de l'Accord de Nouméa, institué par le point 6.5 de l'Accord, s'est réuni le vendredi 5 juin 2015, sous la présidence de M. Manuel VALLS, Premier ministre, en présence de Mme George PAU-LANGEVIN, ministre des outre-mer.

Ont participé à ce comité, en leur qualité de signataire, M. Rock WAMYTAN, M. Paul NEAOUTYINE, M. Victor TUTUGORO, M. Pierre FROGIER, M. Simon LOUECKHOTE, M. Bernard DELADRIERE et M. Harold MARTIN. M. Jean LEQUES était représenté par Mme Virginie RUFFENACH.

Ont également participé les parlementaires et les représentants des institutions de la Nouvelle-Calédonie : Mme Sonia LAGARDE, députée de la 1 ère circonscription, M. Philippe GOMES, député de la 2 ème circonscription, M. Hilarion VENDEGOU, sénateur, M. Maurice PONGA, député européen, M. Gaël YANNO, président du Congrès, M. Philippe GERMAIN, président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, M. Neko HNEPEUNE, président de la province des îles Loyauté, M. Philippe MICHEL, président de la province Sud, et M. Jean KAYS, président du sénat coutumier.

Le comité a enfin été élargi aux forces politiques représentées par un groupe au congrès de Nouvelle-Calédonie : M. Yoann LECOURIEUX, Mme Isabelle LAFLEUR, M. Adolphe DIGOUE, M. Philippe DUNOYER, M. Gérard POADJA, M. Gérard REIGNIER et M. Louis-Kotra UREGEI ont participé à la réunion à ce titre.

Etaient également présents : M. Thierry LATASTE, directeur du cabinet du Président de la République, M. Marc VIZY, conseiller du Président de la République, M. Vincent BOUVIER, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ainsi que M. Alain ROUSSEAU, directeur général des outre-mer.

Les travaux du comité des signataires exceptionnel ont été ouverts par le Premier ministre. Un hommage a été rendu à la mémoire de M. Nidoïsh NAISSELINE, signataire des accords de Matignon, décédé le 3 juin 2015. Tous les points inscrits à l'ordre du jour ont donné lieu aux échanges et conclusions retranscrits dans le présent relevé de conclusions.

A titre préliminaire, le Premier ministre a remercié l'ensemble des partenaires d'avoir répondu favorablement à son invitation. Il a rappelé que ce comité des signataires exceptionnel était motivé par l'examen au Sénat le 29 juin du projet de loi relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté qui a fait l'objet d'un avis du congrès de Nouvelle-Calédonie rendu au cours de la séance publique du 26 mars 2015 et qui a été adopté en conseil des ministres le 8 avril 2015.

Ce comité des signataires exceptionnel avait pour ordre du jour les questions soulevées par les différents partenaires calédoniens à l'occasion de l'avis rendu par le congrès sur le projet de loi organique.

Sur proposition du Premier ministre, chaque délégation s'est exprimée dans une intervention liminaire.

I/ PRESENTATION PAR L'ETAT D'UN AMENDEMENT VISANT À ELARGIR LES POSSIBILITÉS DE DISPENSE DE FORMALITES POUR L'INSCRIPTION SUR LA LISTE ÉLECTORALE SPECIALE POUR LA CONSULTATION

M. Laurent CABRERA, conseiller pour les affaires juridiques et institutionnelles au cabinet de la Ministre des outre-mer, a présenté aux membres du comité des signataires un projet d'amendement rédigé après analyse juridique approfondie, sur la base du relevé de conclusions du XIIème comité des signataires du 3 octobre 2014 et de l'avis du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Cet amendement prévoit de dispenser de formalités d'inscription sur la liste électorale pour la Consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté deux catégories de personnes supplémentaires afin de simplifier le plus possible les démarches des citoyens calédoniens.

La première catégorie concerne les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et qui, ayant rempli les conditions pour voter lors de la consultation du 8 novembre 1998 sur l'Accord de Nouméa, ont été inscrites sur les listes électorales spéciales des élections provinciales au titre du a) de l'article 188.

La seconde catégorie concerne d'une part les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et qui ont été inscrites sur la liste électorale spéciale pour les élections du congrès et des assemblées de province au titre du b) de l'article 188. Elle concerne d'autre part les personnes nées en Nouvelle-Calédonie, ayant atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998, et qui ont fait l'objet d'une inscription d'office sur la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province.

Il peut en effet être présumé de manière incontestable qu'elles ont eu en Nouvelle-Calédonie le centre de leurs intérêts moraux et moraux au sens du d) de l'article 218.

Cet amendement fait l'objet d'un accord entre les partenaires à la suite d'une discussion politique de fond.

*

Au cours des débats, les partenaires s'accordent pour dispenser de formalités d'inscription sur la liste électorale spéciale en vue de la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté une partie des électeurs concernés par l'article 218 h) de la loi organique, dès lors :

- qu'ils sont nés à compter du 1 er janvier 1989 ;

- qu'ils ont fait l'objet d'une inscription d'office sur la liste électorale pour l'élection des membres du congrès et des assemblées de province ;

- et qu'un de leur parents a été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998.

Il est considéré que le cumul des conditions justifiera la dispense de la démarche d'inscription volontaire et garantira de bénéficier des éléments pratiques permettant d'identifier précisément ces électeurs.

*

Les inscriptions d'office se feront sur la base des listes électorales spéciales provinciales les plus récentes, ce qui suppose une révision des listes électorales provinciales en amont de la révision de la liste spéciale pour la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

Après discussions et échanges approfondis, les partenaires s'engagent à soutenir le dépôt et le vote de ces amendements au Parlement.

Les partenaires rappellent que les personnes qui ne feraient pas l'objet d'une inscription d'office pourraient en tout état de cause effectuer une demande d'inscription volontaire.

II/ LISTES ELECTORALES SPECIALES POUR LES ELECTIONS AU CONGRES ET AUX ASSEMBLEES PROVINCIALES

Le sujet des listes électorales spéciales provinciales a fait l'objet d'une contribution du congrès dans son avis du 26 mars 2015. Par ailleurs, plusieurs délégations ont demandé à évoquer expressément ce sujet, considérant que l'ensemble des sujets électoraux sont liés.

Mme George PAU-LANGEVIN, Ministre des outre-mer, a invité les partenaires calédoniens à faire état de leur interprétation du préambule et du point 2.2.1 du document d'orientation de l'accord de Nouméa, ainsi que de l'article 188 b) de la loi organique du 19 mars 1999. Plus spécifiquement, les signataires historiques présents ont été invités à restituer l'esprit des négociations de l'Accord.

Tout en ayant acté leurs divergences de vue, les partenaires se sont accordés sur la nécessité politique de régler rapidement ce litige, qui retarde et entrave la préparation des échéances à venir, capitales pour le destin commun des Calédoniens.

L'Etat a néanmoins constaté un accord unanime des partenaires pour considérer le caractère essentiel de la date du 8 novembre 1998 pour l'application de la restriction du corps électoral. Tous s'accordent pour reconnaître qu'aucun droit électoral n'a pu être acquis après cette date.

Sur cette base, l'Etat a proposé une méthode impartiale et un calendrier.

Considérant que l'Accord de Nouméa et la révision constitutionnelle de 2007 qui s'en est suivie sont fondés sur la restriction du corps électoral spécial pour les élections au Congrès et aux assemblées provinciales à compter du 8 novembre 1998 ;

Considérant que les exigences démocratiques rendent indispensables que les élections au Congrès et aux assemblées provinciales se déroulent sur la base de listes électorales incontestables ;

Considérant les critères généraux d'égalité devant la loi et d'équité qui doivent prévaloir à la reconnaissance de la qualité de citoyen calédonien, tant pour participer au destin commun qu'en raison des priorités d'accès à l'emploi local dans le secteur privé ou dans la fonction publique qui sont attachées à la citoyenneté calédonienne ;

Les partenaires de l'Accord de Nouméa déclarent solennellement leur volonté de poursuivre et de conclure dans un esprit d'ouverture réciproque le dialogue politique engagé ce jour. Ce dialogue vise à procéder au règlement du litige au plus tard à la date du prochain comité des signataires.

A cette fin, les partenaires calédoniens acceptent la proposition de faire procéder par des experts de confiance, dans les meilleurs délais, à une évaluation quantitative du litige électoral. La méthode employée respectera strictement l'anonymat vis-à-vis des tiers des personnes concernées. Cette démarche aboutira à évaluer la part du litige qui concerne des situations postérieures à la date du 8 novembre 1998 et la part relative à des situations de personnes installées avant 1998.

Sur la base de cette évaluation, les partenaires poursuivront le dialogue politique afin de déterminer les conditions dans lesquelles la restriction du corps électoral spécial pourra être concrètement garantie dans la révision des listes pour les situations postérieures au 8 novembre 1998.

Réciproquement, les partenaires détermineront les voies politiques qui permettront de reconnaître, en application du principe d'équité, la légitimité des situations individuelles antérieures au 8 novembre 1998.

III/ FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES

M. Vincent BOUVIER, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, a présenté les dispositions du projet de loi organique relatives au fonctionnement des commissions administratives.

Les partenaires considèrent qu'un rapprochement des points de vue sur ces questions est intimement lié au succès de la démarche engagée sur la question des listes électorales spéciales pour les provinciales.

Les partenaires conviennent de poursuivre localement la discussion politique d'ici à l'examen du projet de loi organique par le Sénat en séance publique.

Les partenaires donnent leur accord unanime pour maintenir dans le projet de loi la dévolution de pouvoirs propres d'instruction au président. En revanche, ils demandent la suppression de la possibilité pour le président de rejeter les demandes manifestement infondées.

Concernant le second magistrat prévu dans le projet actuel, les partenaires s'accordent pour lui substituer, comme observateur, une personnalité qualifiée indépendante, dont le profil et le mode de désignation feront l'objet de discussions dans les prochaines semaines.

S'agissant de la commission consultative d'experts, les partenaires s'accordent sur le fait que le projet de décret en conseil d'Etat qui en fixera la composition et l'organisation sera soumis à l'avis du gouvernement et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Un groupe de travail local, sous l'égide du haut-commissaire, sera chargé de préparer un amendement précisant les contours de cette commission. D'ores et déjà, le comité des signataires acte le principe selon lequel la participation ou l'association des forces politiques indépendantistes et non-indépendantistes à cette commission consultative sera paritaire.

Les partenaires s'accordent pour allonger la période de révision des listes, tout particulièrement pour la première année d'établissement de la liste électorale spéciale établie pour la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. L'Etat s'inspirera à cette fin de l'avis rendu par le congrès le 26 mars 2015.

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROJET DE LOI ORGANIQUE

ACCESSION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE À LA PLEINE SOUVERAINETÉ

COM-1

COMMISSION DES LOIS

(n° 402)

22 JUIN 2015

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme TASCA

et les membres du Groupe socialiste et républicain

_________________

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 5

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 27-1 de la même loi, les mots : « tout autre emploi public » sont supprimés.

OBJET

Il est proposé de rendre applicable la principale disposition de la loi organique n°2013-1027 du 15 novembre 2013 dont l'article 1 er confère à la Nouvelle-Calédonie, dans les domaines relevant de la compétence de la loi du pays, la faculté de créer des autorités administratives indépendantes (AAI) aux fins d'exercer des missions de régulation et de leur attribuer les pouvoirs de prendre les décisions, même réglementaires, de prononcer les sanctions administratives, de procéder aux investigations et de régler des différends, nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.

Cet article devait notamment permettre la mise en place d'une autorité de la concurrence chargée de veiller à la régulation économique et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, afin de donner à la Nouvelle-Calédonie les moyens de lutter contre « la vie chère ». Il y avait en 2013 une forte attente et une urgence quant à la création d'une telle autorité.

Or l'installation de cette autorité - réclamée sur le territoire et votée unanimement par le Parlement - n'a pu se réaliser car l'article 1 er de la loi organique du 15 novembre 2013 rend incompatible la fonction de membre d'une AAI calédonienne avec un emploi public. Cet état de fait va à contre-courant de la volonté qui était celle des partenaires calédoniens et du législateur en 2013.

Il s'agit donc de remédier à cette situation de blocage en rendant compatible la fonction de membre d'une AAI calédonienne avec un emploi public. Il sera ainsi possible de faire appel à des fonctionnaires experts non permanents de l'Autorité de la concurrence en métropole, pour être détachés à l'autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie.


* 1 Rapport d'information n° 104 (2014-2015) de Mme Sophie Joissains, M. Jean-Pierre Sueur et Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des lois, 19 novembre 2014, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r14-104/r14-1041.pdf

* 2 Jean Courtial et Ferdinand Mélin-Soucramanien, Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie , rapport au Premier ministre, octobre 2013.

* 3 Institué par le point 6.5 de l'Accord de Nouméa, le comité des signataires, désormais étendu aux représentants des institutions de la Nouvelle-Calédonie, est chargé de veiller à l'application de l'Accord.

* 4 Cour de cassation, 19 juin 2014, n° 14-60554 ; 4 juillet 2014, n° 14-60638, n° 14-60639, n° 14-60640, n° 14-60641, n° 14-60650 et 18 septembre 2014, n° 60-582

* 5 Conseil constitutionnel, 15 mars 1999, n° 99-410 DC.

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