G. AUDITION DE M. LUC DEREPAS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉTRANGERS EN FRANCE ET MME VIRGINIE MAGNANT, ADJOINTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE (17 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 17 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France, responsable du programme 303 « Immigration et asile » et Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale (programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »), sur l'hébergement d'urgence.

Mme Michèle André , présidente . - Nous poursuivons ce matin les auditions organisées dans le cadre de la préparation à l'examen du projet de loi de règlement pour 2014, en abordant le sujet de l'hébergement d'urgence. Pour cela, nous accueillons Luc Derepas, directeur général des étrangers en France, responsable du programme 303 « Immigration et asile » et Virginie Magnant, cheffe du service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale au sein du ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, concernant le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » et qui est déjà venue devant nous le 3 juin dernier pour une réunion de commission consacrée à l'exécution des crédits du programme 304 relatifs au RSA « activité ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.

Je souhaite saluer la présence parmi nous de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Jean-Marie Morisset, rapporteurs pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom respectivement de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales ainsi que de François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » au nom de la commission des lois.

En guise d'introduction, je rappellerai simplement que, selon le principe de l'hébergement inconditionnel des personnes en situation de détresse, posé par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».

Le financement de l'hébergement d'urgence, sous tension depuis plusieurs années, est un sujet qui nous revient année après année au fil des décrets d'avances et des ouvertures de crédits en cours d'exercice. Il est assuré à partir des deux programmes dont les responsables sont présents ce matin et vont être dès à présent interrogés par nos deux rapporteurs spéciaux compétents pour ces programmes, Philippe Dallier et Roger Karoutchi.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement ». - Depuis plusieurs années, le programme 177 connaît une surexécution de ses crédits. En 2014, la loi de finances initiale avait ainsi prévu 1,32 milliard d'euros et la dépense s'est finalement élevée à 1,47 milliard d'euros au 31 décembre. Le budget a donc été abondé, en cours d'exercice, de 153,8 millions d'euros, par deux décrets d'avance de respectivement 56 millions d'euros en octobre 2014 et 54 millions d'euros en décembre 2014, ainsi que par la loi de finances rectificative de fin d'année pour 43,8 millions d'euros.

Ce dépassement s'explique essentiellement par l'hébergement d'urgence, poste budgétaire particulièrement sollicité ayant engendré une dépense de 475,2 millions d'euros en crédits de paiement en 2014, correspondant à un écart de 48 %, soit plus de de 153 millions d'euros, par rapport à la prévision initiale et une hausse d'environ 16 % par rapport à la dépense constatée en 2013.

Entre 2011 et 2014, la dépense liée à l'hébergement d'urgence « généraliste », qui se distingue de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile financé par le programme 303, a augmenté de plus de 70 % !

En outre, on assiste à une sous-budgétisation récurrente de la ligne budgétaire, avec une prévision initiale largement inférieure à la dépense enregistrée l'année précédente et souvent tout juste équivalente à celle de l'année n-2.

Compte tenu de ces constats, quelles sont les hypothèses sur lesquelles repose la détermination de l'enveloppe budgétaire pour la loi de finances initiale ? Comment la prévision de la dépense a-t-elle été élaborée pour 2014 ? Des évolutions sont-elles prévues afin d'éviter cette sous-budgétisation systématique pour les prochains exercices, sachant qu'en 2015, j'ai déjà mis en évidence dans mon rapport spécial le fait que le programme 177 serait une nouvelle fois, à n'en pas douter, en surexécution, en raison des dépenses d'hébergement d'urgence et de veille sociale ?

Ensuite, malgré l'augmentation indéniable du nombre de places d'hébergement d'urgence, celui des places d'hôtel explose, avec notamment une hausse de 18 % en six mois entre le 31 décembre 2013 et le 30 juin 2014. Le niveau des dépenses est lui-même très élevé puisque les nuitées d'hôtel représentent 45 % des dépenses liées à l'hébergement d'urgence hors places d'urgence en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et une augmentation de 33 % par rapport à 2013. Le développement du recours aux nuitées d'hôtel, dernière solution, s'expliquerait principalement par la hausse des demandeurs d'asile, qu'ils aient ou non été déboutés, ainsi que par le nombre croissant de famille avec enfants devant être hébergées. Confirmez-vous cette analyse ? Savez-vous quelle est la proportion de familles avec enfants parmi les personnes ayant demandé un hébergement d'urgence au cours de l'année et parmi les populations hébergées ? De même, êtes-vous capable de mesurer l'impact de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ou, plus largement, des étrangers ayant des « titres de séjour incomplets » ?

Pour une meilleure appréhension de la dépense et améliorer la mesure de la performance du programme 177, où en sont les travaux annoncés afin d'améliorer votre connaissance du nombre de demandes d'hébergement d'urgence ainsi que la nature des réponses qui y ont été apportées, à partir d'un système d'information unique et plus efficace pour tous les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ?

Enfin, les difficultés de financement rencontrées en cours d'année, en raison notamment de la sous-budgétisation, ont-elles eu un impact au niveau local sur la gestion des centres d'hébergement d'urgence ? Les gestionnaires ont-ils rencontré des difficultés pour mener à bien leurs missions comme cela a pu être le cas par le passé ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Les chiffres de l'exécution pour 2014 ont effectivement été présentés avec précision par le rapporteur spécial, avec une surexécution qui caractérise le programme 177 cette année comme les précédentes. Les hypothèses avancées pour expliquer cette situation sont également exacts, la progression de la dépense liée à l'hébergement d'urgence étant très importante. Quelques années auparavant, les CHRS représentaient plus des deux tiers de la dépense, cette part relative n'a cessé de diminuer depuis.

Le principal déterminant de la dépense du programme est constitué par le parc d'hébergement qui inclut à la fois les CHRS, les centres d'hébergement et, comme vous l'avez souligné, le recours à des nuitées d'hôtel. Les autres types de dépenses sont plus modestes, à l'instar de la veille sociale, l'accompagnement vers et dans le logement et les dispositifs de logement adapté.

L'évaluation du budget de l'année n se fonde principalement, au cours de l'année n-1, sur le nombre de places d'hébergement existant, à partir de l'enquête menée semestriellement permettant de mesurer l'évolution du parc ainsi que par le suivi de la mise en oeuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale dans le cadre desquels des crédits ont été accordés pour créer de nouvelles places d'hébergement d'urgence. En 2014, le rebasage des crédits visait ainsi à créer ou pérenniser 3 600 places supplémentaires, soit 500 places déjà prévues dans la programmation triennale et 3 100 places résultant du plan pluriannuel précité. Le budget initial prévoyait également la pérennisation de 1 400 places passées de places subventionnées à des places autorisées au sens de l'article du code de l'action sociale et des familles. Ce changement de statut ne change en rien les modalités d'accueil ou d'accompagnement des publics concernés mais permet aux opérateurs de disposer d'une visibilité pluriannuelle de leur parc puisque ces places sont autorisées pour quinze ans et financées par douzième dans le cadre d'une tarification annuelle. Au contraire, les associations subventionnées critiquent parfois les retards de conventionnement et les difficultés rencontrées pour obtenir les paiements correspondant aux engagements souscrits avec l'État. Le recours à ces places autorisées peut également permettre une meilleure régulation, en créant des parcs d'hébergement plus grands, garantir une évaluation de la qualité de l'accompagnement puisqu'elles sont soumises à l'obligation d'évaluation préalable lors du renouvellement de l'autorisation et s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle en intégrant des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

La dépense du programme 177 se caractérise également par une très grande maîtrise des coûts. Alors que le nombre de places n'a cessé d'augmenter au cours des cinq dernières années, le coût unitaire a, quant à lui, baissé. La contractualisation opérée avec les CHRS a notamment permis une convergence de ces coûts. L'enquête nationale des coûts, qui est désormais annuelle, permet de suivre cette tendance et d'objectiver les différences de coûts entre les structures.

Les nuitées hôtelières constituent une solution à la fois souple, en permettant d'accueillir dans l'urgence des personnes dont la situation le justifie, et économique puisqu'elles constituent le mode d'hébergement le moins onéreux. En revanche, elles ne sont pas adaptées socialement car elles ne permettent pas de développer un confort et un accompagnement satisfaisant, d'autant que ces places d'hôtel sont majoritairement occupées par des familles avec enfants. C'est la raison pour laquelle la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a engagé un plan de réduction des nuitées hôtelières pour la période 2015-2017. Pour les familles avec enfants, il est prévu de développer en particulier l'intermédiation locative et les pensions de famille, plus adaptées à leur situation.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - En Seine Saint Denis, une solution, soi-disant plus économique, a été trouvée, en mettant à disposition de familles hébergées par la Croix Rouge, des appartements de deux pièces pour 2 000 euros par mois ! Comment est-ce possible ? Pour la femme avec ses cinq enfants que j'ai rencontrée, en tenant compte du versement des aides personnelles au logement auxquelles elle pouvait prétendre, d'une allocation de l'aide sociale à l'enfance et de ses revenus. Lorsque j'ai appelé les services du département pour leur signaler cette situation, il m'a été répondu que cette solution était mieux pour les familles, ce que je ne peux contester, et moins onéreuse que l'hôtel ! Le département a finalement arrêté de procéder ainsi mais désormais c'est la Croix-Rouge du Val-de-Marne qui installe des familles en Seine-Saint-Denis, et dans les mêmes conditions... Je suis sidéré... On contribue ainsi à enrichir les propriétaires de ces logements alors que l'argent public manque ! Comment développer des dispositifs d'intermédiation locative efficaces ?

Virginie Magnant . - Les dispositifs que vous mentionnez ne sont pas financés par des crédits du programme 177 et résultent du cumul d'un certain nombre d'aides sociales comme les aides personnelles au logement.

S'agissant de l'intermédiation locative, elle est en cours de développement. Le coût annuel d'un tel dispositif se situe à environ 3 000 euros, contre 8 000 euros pour une prise en charge en CHRS.

Elle se développe, pour le moment, prioritairement en Île-de-France. Les places proposées dans ce cadre, bien que significatives, restent inférieures à celles proposées par d'autres dispositifs d'hébergement. Les dernières données de décembre 2014 montrent qu'il existe 32 000 places d'hébergement en hôtel, 30 000 places d'hébergement hors CHRS, 40 600 places d'hébergement en CHRS et 21 000 places en intermédiation locative.

Ces dispositifs ont du sens pour orienter plus rapidement certaines personnes vers le logement ordinaire, afin d'éviter le passage par l'hébergement d'urgence ou les CHRS, ou pour permettre une transition en cas de sortie du dispositif d'urgence. Ils sont pertinents et doivent être soutenus. Toutefois, nous sommes évidemment très attentifs au coût qu'ils représentent.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial - Nous voilà rassurés !

Mme Michèle André , présidente . - Ne soyez pas défaitiste de bon matin mon cher collègue ! Je donne la parole à Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration » . - Nous sommes désespérés, pas défaitistes !

J'aimerais faire trois remarques.

Tout d'abord, sur le plan budgétaire et sur l'exécution du programme 303, nous dénonçons depuis des années la sous-budgétisation des crédits prévus, et pourtant celle-ci continue. L'hébergement d'urgence représente annuellement une dépense d'environ 140 à 150 millions d'euros. Or le Gouvernement continue d'inscrire 110 millions d'euros en loi de finances. Comme cette pratique existe par ailleurs sur d'autres postes de dépense de l'asile, comme par exemple l'allocation temporaire d'attente, il y a une sous-évaluation systématique du coût réel du droit d'asile !

Pourquoi, alors que l'on fait le constat année après année de ce que coûtent réellement ces dispositifs, inscrit-on l'année suivante 40 % de moins que ce qui a été dépensé précédemment, alors même que l'on sait que la dépense ne va pas baisser ?

Deuxièmement, on ne comprend pas bien comment la dépense est suivie. Des instructions sont-elles données aux préfets en cours d'exécution ? Par exemple, lorsque l'on s'aperçoit, dès le mois d'avril, que 40 % des crédits prévus ont déjà été consommés dans un département, que se passe-t-il ?

Ma troisième remarque porte sur la concentration géographique. Il existe à Paris des dizaines d'hôtels insalubres, qui devraient être fermés, mais qui ne vivent que parce que l'on y loge d'office des demandeurs d'asile. J'entends dire que certaines mairies d'arrondissement demandent la création de centres d'accueil dans Paris, mais 87 % des demandeurs d'asile hébergés à l'hôtel le sont déjà en Île-de-France ! Où en est-on du soi-disant rééquilibrage territorial que le Gouvernement a annoncé ?

Les nuitées hôtelières devaient être exceptionnelles, pour des cas d'urgence absolue, mais elles deviennent la règle. Elles coûtent plus de 200 millions d'euros par an. D'année en année le système dérape, mais on persiste dans la même voie. Il ne reste que la prière...

M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France . - Je commencerai par expliquer rapidement le schéma d'ensemble de l'accueil des demandeurs d'asile en France. Il existe deux types de structures d'accueil financées par le programme 303 : les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) et l'hébergement d'urgence dédié aux demandeurs d'asile. Il existe 25 000 places en CADA, et il y en aura 29 000 à la fin de cette année puisque nous sommes en train de créer 4 000 places supplémentaires, et 25 000 places d'hébergement d'urgence.

L'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile avait initialement vocation à être résiduel et était destiné aux demandeurs d'asiles placés dans une procédure juridique particulière, appelée « procédure prioritaire », devant conduire à un traitement rapide de leur demande d'asile. Mais du fait de l'explosion de la demande d'asile ces dix dernières années, ce qui était résiduel a tendu à devenir un complément aux CADA, de sorte qu'aujourd'hui l'hébergement d'urgence représente le même nombre de places que les CADA.

Le poste budgétaire associé à cet hébergement a augmenté sans que nous l'anticipions et sans que nous ayons mis en place les mécanismes permettant de prévoir et de réguler la dépense. Cela se traduit par une sous-évaluation systématique, en loi de finances, des dépenses dédiées à l'asile. Ainsi, en 2014, 115 millions d'euros de crédits étaient prévus ; or, en exécution, ce sont 142 millions d'euros qui ont été dépensés. L'écart a dû être comblé par des abondements en cours d'année.

Nous essayons de réduire ce problème par plusieurs moyens. Le Gouvernement s'est engagé à créer davantage de places en CADA et à diminuer corrélativement le nombre de places d'hébergement d'urgence. Actuellement, dans le cadre de la programmation budgétaire triennale, l'objectif est de créer 10 000 places en CADA et de supprimer 7 500 places d'hébergement d'urgence. Nous souhaitons donc conforter les dispositifs permettant un prix de journée prévisible et un accompagnement social et juridique. Au sein de ce processus de destruction de places d'hébergement d'urgence, nous privilégions la destruction des places d'hôtel, qui sont les moins adaptées pour les demandeurs d'asile et les moins faciles à contrôler.

Ces efforts commencent à porter leurs fruits et se sont traduits par une moindre hausse de la dépense associée aux places d'hébergement d'urgence. Depuis deux ans, le nombre de demandeurs d'asile diminue, de même que le coût unitaire moyen des places d'hébergement d'urgence, ce qui a permis une baisse des dépenses d'hébergement d'urgence de 5 % de 2014.

Mme Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom de la commission des affaires économiques . - Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour de comptes a soulevé la nécessité de poursuivre le conventionnement avec les structures d'accueil afin de permettre une convergence tarifaire qui soit basée sur une analyse précise des coûts. Pourquoi ce processus n'est-il pas accéléré ?

Par ailleurs, le préfet des Alpes-Maritimes a récemment indiqué la mise en place d'un diagnostic territorial associant l'État, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux, afin de faire un repérage des lieux potentiels d'accueil. Des dispositifs similaires semblent avoir été expérimentés dans une dizaine de départements. Quel retour d'expérience avez-vous sur ces expérimentations ?

Mme Virginie Magnant . - Nous partageons les observations de la Cour des comptes sur la pertinence du conventionnement avec les structures d'accueil et d'hébergement. Il s'agit d'un des leviers d'action prioritaires pour le ministère. D'ailleurs, la contractualisation entre les opérateurs et l'État fait l'objet d'un indicateur de performance au sein du programme 177. Le conventionnement permet, d'une part, de s'assurer que la prestation d'hébergement correspond bien aux besoins des publics, qui sont divers, si l'on pense par exemple aux personnes sortant de prison, aux femmes victimes de violence, ou aux personnes ayant des difficultés psychiatriques. Il permet, d'autre part, de s'assurer que le coût de la prise en charge est calculé au plus juste.

Le taux de contractualisation suivi dans le cadre du rapport annuel de performance progresse, en s'établissant à 26 %, ce qui est bien supérieur à la cible de 16 % fixée en loi de finances initiale.

Toutefois, il est difficile de conventionner, pour deux raisons principales. D'une part, les fédérations et organismes, en particulier ceux gestionnaires de CHRS, étaient au départ réticents à conclure des conventions avec les services déconcentrés car ils estimaient que celles-ci n'étaient pas en mesure de leur offrir une visibilité pluriannuelle suffisante. Il est vrai qu'elles ne sont pas aisément conciliables avec le principe de l'annualité budgétaire. D'autre part, certains opérateurs ont ponctuellement eu, pour des questions de principe, une opposition à la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Pour les services déconcentrés de l'État, la signature de telles conventions est une opération difficile, qui implique de s'accorder avec l'opérateur sur un constat de départ, en particulier s'agissant du service assuré et du coût de la prise en charge.

En lien avec la contractualisation, il y a la programmation de l'offre et l'analyse des besoins. Le conventionnement avec les gestionnaires permet de décliner des engagements pour satisfaire la demande et réguler l'offre. C'est le sens du diagnostic 360 dont vous avez parlé, qui permet de faire une photographie des besoins d'hébergement et de logement d'un département et des hébergements disponibles. Ce diagnostic est réalisé en concertation avec l'ensemble des acteurs, y compris les services de la cohésion sociale et les services du logement, afin d'orienter les personnes vers le logement ordinaire chaque fois que cela est possible. Dès 2014, le « diagnostic 360 » a été mis en place dans six départements pilotes et permet de mieux réguler le dispositif et de mieux coordonner les acteurs. Nous faisons actuellement une première consolidation de ces diagnostics à l'échelle régionale et nous aurons normalement une vision complète à l'échelle nationale à la fin de cette année.

M. Jean-Marie Morisset , rapporteur pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom de la commission des affaires sociales . - Comme cela a été déjà dit, je suis moi aussi frappé par l'écart, année après année, entre la prévision budgétaire et la consommation effectivement constatée. 100 millions d'euros sont ainsi ajoutés environ tous les trois à quatre ans ; j'espère que, cette année, une actualisation de ce type sera opérée et que les crédits prévus correspondront au moins au montant de la dépense constatée en 2014.

Je ne suis pas d'accord avec Virginie Magnant pour dire que les places en hôtel sont une solution économique et adaptée. En tout cas, ce n'est pas une solution sociale, puisqu'il n'y a pas d'accompagnement adéquat.

L'an passé, lors des auditions, il nous avait été dit que la situation devrait s'améliorer grâce à plusieurs outils qui se mettaient en place et qui devaient permettre de mieux planifier : l'étude nationale de coûts, qu'on attend avec impatience ; les diagnostics territoriaux à 360 degrés, sur lesquels j'ai quelques réserves étant donné le nombre des acteurs autour de la table et leur renouvellement à la faveur des élections en 2014 et 2015 ; enfin, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) qui consacre juridiquement les services intégrés d'accueil et d'orientation. Va-t-on vraiment, grâce à ces outils, mieux planifier et mieux budgéter ?

Mme Virginie Magnant . - Comme je l'ai indiqué précédemment, nous nous basons sur l'analyse et le suivi du parc d'hébergement. Celui-ci est en progression et le point de fuite est constitué par les nuitées d'hôtel et l'hébergement d'urgence. Je ne crois pas avoir dit que les nuitées d'hôtel étaient une solution adaptée, mais budgétairement c'est une solution de prise en charge apparemment économe. Elles ont pu sembler adaptées à un moment donné, de façon résiduelle, alors que le parc généraliste avait été constitué principalement pour l'accueil collectif d'hommes isolés. Ces places d'hébergement d'urgence ne sont donc pas adaptées pour la mise à l'abri de familles avec enfants. C'est la raison pour laquelle le recours à l'hôtel a pu être développé, lequel n'est toutefois pas adapté lorsque ce mode d'hébergement se prolonge. D'autres solutions doivent être trouvées et c'est le sens du plan de réduction des nuitées hôtelières.

S'agissant du programme 177, le sens de notre effort pour le projet de loi de finances pour 2016 est effectivement de parvenir à une budgétisation plus proche du niveau d'exécution.

Concernant les outils de pilotage, l'étude nationale de coûts a bien été réalisée ; nous pourrons vous en adresser les conclusions, qui permettront d'opérer une tarification plus adéquate des structures. Nous mettons la dernière main au décret sur les SIAO, pour définir leurs missions et faire converger les structures existantes dans des structures uniques lorsque ce n'est pas déjà le cas. Ces instruments ne vont certainement pas concourir à une meilleure prévision budgétaire, mais ils doivent favoriser une meilleure régulation entre l'offre et la demande pour diriger les personnes concernées vers les structures les plus adaptées, avec un accompagnement adéquat.

Le programme est marqué par l'accueil inconditionnel et la continuité de prise en charge, ce qui est le principal obstacle à une maîtrise de la dépense ; mais le SIAO permettra une régulation efficace, en assurant que le meilleur service soit rendu au plus juste coût.

M. Éric Doligé . - Quel est le coût moyen par jour en CADA et en centre d'hébergement ? Quelle est la taille moyenne des familles hébergées ? Les familles peuvent-elles percevoir les allocations familiales, même lorsque les enfants sont pris en charge par les collectivités ? Roger Karoutchi a parlé de la répartition géographique : est-ce prévu, comme cela a été le cas pour les mineurs isolés étrangers (MIE), dont le nombre a considérablement augmenté ? Je rappelle que le coût mensuel d'un MIE est de 7 000 euros. Enfin, il a été décidé il y a quelques années que les femmes avec des enfants de moins de trois ans seraient prises en charge par les départements dans les maisons de l'enfance : a-t-on l'intention de continuer à faire supporter cette charge croissante par les départements ?

M. Luc Derepas . - Je peux répondre pour ce qui concerne l'hébergement des demandeurs d'asile. Le coût journalier est de 24 euros dans les CADA et de 16 euros en hébergement d'urgence. Le différentiel est lié à l'accompagnement qui existe en CADA, et à l'allocation versée, qui est incluse dans le prix de journée des CADA.

Les familles hébergées dans les structures d'hébergement pour les demandeurs d'asile n'ont pas droit aux allocations familiales ni à aucune prestation sociale, à l'exception de la couverture maladie universelle.

S'agissant de la répartition géographique, la demande d'asile est fortement concentrée aujourd'hui en Île-de-France et en Rhône-Alpes. Nous avons augmenté le nombre de places d'hébergement dans les autres régions ; par ailleurs, la loi sur l'asile en cours de discussion au Parlement prévoit un système d'hébergement directif qui permettra de mieux orienter sur l'ensemble du territoire les demandeurs d'asile.

S'agissant des MIE, la politique mise en place vise à une répartition des mineurs sur l'ensemble du territoire pour que la charge qu'ils représentent ne pèse pas seulement sur les services d'aide sociale à l'enfance de quelques départements.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page