TITRE VI - RÉNOVER ET ADAPTER LA JUSTICE COMMERCIALE AUX ENJEUX DE LA VIE ÉCONOMIQUE ET DE L'EMPLOI
CHAPITRE IER - CONFORTER LE STATUT DES JUGES DE TRIBUNAUX DE COMMERCE

Article 47 A (nouveau) (art. L. 713-6, L. 713-7, L. 713-11, L. 713-12 et L. 713-17 du code de commerce) - Électorat et éligibilité des ressortissants du répertoire des métiers aux fonctions de délégué consulaire et de juge de tribunal de commerce

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption d'un amendement COM-81 , l'article 47 A du projet de loi vise à intégrer complétement les artisans au sein du tribunal de commerce, en les rendant électeurs et éligibles aux fonctions de délégué consulaire et de juge du tribunal de commerce, dans le cadre de l'élection au scrutin indirect des tribunaux de commerce. Par un autre amendement à l'article 47 du projet de loi, votre commission a étendu la compétence rationae personae du tribunal de commerce aux artisans. Il s'agit de mettre fin à la « schizophrénie judiciaire » des artisans, en rendant le tribunal de commerce pleinement compétent à leur égard, alors qu'il est aujourd'hui compétent à leur égard seulement pour les procédures concernant les difficultés des entreprises ou bien lorsqu'ils sont constitués en société.

Seraient concernés par cette évolution tous les artisans exerçant en nom propre immatriculés au répertoire des métiers, soit de l'ordre de 465 000 chefs d'entreprise individuelle artisanale, sans compter d'éventuels conjoints collaborateurs, qui rejoindraient ainsi le corps électoral et la juridiction des tribunaux de commerce. Il s'agit d'une réforme juridictionnelle d'ampleur, attendue depuis longtemps et de nature à renforcer la légitimité de la justice commerciale.

Une telle réforme est approuvée par la conférence générale des juges consulaires, car elle de nature à conforter le rôle du tribunal de commerce en tant que juridiction spécialisée chargée des entreprises. Sollicitée sur cette question par votre rapporteur, l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat a fait savoir qu'elle approuvait cette réforme, tout en formant une réserve quant aux contraintes pouvant résulter pour les artisans de l'exercice des fonctions de juge consulaire, qu'ils n'exercent pas à ce jour.

Votre rapporteur rappelle que les juges des tribunaux de commerce sont élus avec un mode de scrutin indirect à deux degrés : au premier degré, le corps électoral composé pour l'essentiel des ressortissants du registre du commerce et des sociétés (RCS), personnes physiques et personnes morales, désigne des délégués consulaires, lesquels participent au deuxième degré, avec les membres et anciens membres des tribunaux de commerce, au collège électoral qui élit les membres du tribunal de commerce.

Le corps électoral des délégués consulaires, dont la composition exacte est rappelée dans l'encadré ci-après, comporte les commerçants et les chefs d'entreprises artisanale 147 ( * ) immatriculés au RCS ainsi que leurs conjoints collaborateurs, les capitaines au long cours, les membres et anciens membres des tribunaux de commerce, les sociétés commerciales 148 ( * ) , par l'intermédiaire d'un représentant, ainsi que les cadres de ces entreprises et sociétés exerçant des responsabilités de direction.

Corps électoral des délégués consulaires
(article L. 713-7 du code de commerce)

Sont électeurs aux élections des délégués consulaires :

1° À titre personnel :

a) Les commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription de la chambre de commerce et d'industrie, sous réserve, pour les associés en nom collectif et les associés commandités, des dispositions du III de l'article L. 713-2 ;

b) Les chefs d'entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription ;

c) Les conjoints des personnes énumérées au a ou au b ci-dessus ayant déclaré au registre du commerce et des sociétés qu'ils collaborent à l'activité de leur époux sans autre activité professionnelle ;

d) Les capitaines au long cours ou capitaines de la marine marchande exerçant le commandement d'un navire immatriculé en France dont le port d'attache est situé dans la circonscription, les pilotes maritimes exerçant leurs fonctions dans un port situé dans la circonscription, les pilotes de l'aéronautique civile domiciliés dans la circonscription et exerçant le commandement d'un aéronef immatriculé en France ;

e) Les membres en exercice des tribunaux de commerce, ainsi que les anciens membres de ces tribunaux ayant demandé à être inscrits sur la liste électorale ;

2° Par l'intermédiaire d'un représentant :

a) Les sociétés à caractère commercial au sens de l'article L. 210-1 et les établissements publics à caractère industriel et commercial dont le siège social est situé dans la circonscription ;

b) Au titre d'un établissement faisant l'objet dans la circonscription d'une inscription complémentaire ou d'une immatriculation secondaire, à moins qu'il en soit dispensé par les lois et règlements en vigueur, les personnes physiques mentionnées aux a et b du 1° et les personnes morales mentionnées au a du présent 2°, quelle que soit la circonscription où ces personnes exercent leur propre droit de vote ;

c) Les sociétés à caractère commercial dont le siège est situé hors du territoire national et qui disposent dans la circonscription d'un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés ;

3° Les cadres qui, employés dans la circonscription par les électeurs mentionnés aux 1° ou 2°, exercent des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative de l'entreprise ou de l'établissement.

Votre rapporteur estime qu'une telle réforme serait également de nature à alléger la charge de travail des tribunaux de grande instance. S'ils ne seraient plus compétents pour les artisans, ils le demeureraient pour les exploitants agricoles, les professionnels libéraux et les personnes morales de droit privé non commerçantes (associations, fondations...). Au-delà de la rationalisation opérée par le présent article, la question du regroupement des contentieux concernant tous les types d'entreprises garde sa pertinence.

Votre commission a adopté l'article 47 A ainsi rédigé .

Article 47 (art. L. 721-3, L. 722-6, L. 722-6-1 à L. 722-6-3 [nouveaux], L. 722-17 à L. 722-22 [nouveaux], L. 723-1, L. 723-4, L. 723-5, L. 723-6, L. 723-7, L. 723-8, L. 724-1, L. 724-1-1 [nouveau], L. 724-3, L. 724-3-1 et L. 723-3-2 [nouveaux] et L. 724-4 du code de commerce) - Incompatibilités, formation, déontologie et discipline des juges des tribunaux de commerce et compétence des tribunaux de commerce pour les litiges concernant les artisans

L'article 47 du projet de loi tend à mettre en place un véritable statut pour les 3 200 juges des tribunaux de commerce, en élargissant leurs incompatibilités professionnelles et politiques, en instaurant une obligation de formation et en renforçant leurs obligations déontologiques et leur régime disciplinaire, en vue d'un rapprochement avec les règles du statut de la magistrature.

Votre commission souscrit pleinement à l'objectif de convergence et d'harmonisation des règles déontologiques applicables aux membres des tribunaux de commerce et aux magistrats judiciaires . Entendue par votre rapporteur, la conférence générale des juges consulaires partage cet objectif. En conséquence, votre commission a veillé à ce que les dispositions qu'elle a adoptées pour les magistrats judiciaires dans le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société, s'appliquent aux juges consulaires, sous réserve des spécificités du statut de ces derniers. Les amendements adoptés par votre commission, sur proposition de son rapporteur, visent ainsi au même objectif que celui poursuivi par le Gouvernement avec ce projet de loi.

Selon la conférence générale des juges consulaires, les dispositions du présent article sont globalement approuvées par les juges des tribunaux de commerce, même si elles représentent des contraintes supplémentaires, alors que le recrutement et le renouvellement de ces fonctions bénévoles sont aujourd'hui plus difficiles.

1. Une réforme du statut des juges consulaires longtemps attendue

L'instauration d'un réel statut des juges consulaires, comportant en particulier une obligation de formation initiale et continue et des obligations déontologiques plus complètes et précises, est attendue depuis longtemps, y compris par les intéressés eux-mêmes, juges bénévoles. Partant du constat selon lequel les juges consulaires sont des juges, votre rapporteur approuve dans leur principe les nouvelles règles et obligations statutaires que le projet de loi envisage de mettre en place. Celles-ci sont de nature à renforcer les compétences juridictionnelles des juges consulaires ainsi que les garanties d'impartialité de la justice commerciale et à prévenir les conflits d'intérêts des juges consulaires , chefs d'entreprise élus par leurs pairs pour juger des litiges entre commerçants et entre sociétés, ainsi que pour prévenir et traiter les difficultés des entreprises.

Dans son référé de mai 2013 sur l'organisation et le fonctionnement de la justice commerciale 149 ( * ) , la Cour comptes a recommandé la poursuite de la réforme de la carte des tribunaux de commerce, en raison du faible volume d'affaires de certains d'entre eux, et la spécialisation de certains tribunaux de commerce pour traiter des affaires les plus complexes - ce qui a été réalisé par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques . Elle a aussi préconisé d'instaurer une obligation de formation pour les juges consulaires et la mise en place de garanties plus fortes en matière déontologique, notamment la souscription de déclarations d'intérêts : le présent projet de loi y pourvoit. Enfin, la Cour des comptes a recommandé l'élargissement aux artisans du corps électoral des tribunaux de commerce, pour assurer un traitement juridictionnel à ces professionnels, ce à quoi votre commission a pourvu.

2. L'instauration d'une limite d'âge et d'une limitation du cumul des mandats dans le temps

Le mandat des juges consulaires est de deux ans pour le premier mandat, puis de quatre ans. En pratique, des élections sont organisées tous les ans, par les préfectures, généralement en octobre, pour pourvoir les postes vacants de l'année écoulée (élections complémentaires).

Le projet de loi propose une limitation des mandats dans le temps, à quatre mandats consécutifs dans un même tribunal, alors qu'aujourd'hui le code de commerce se limite à imposer un délai de viduité d'un an pour être éligible dans le même tribunal après quatre mandats consécutifs. Il propose également une limite d'âge d'éligibilité à soixante-dix ans révolus.

Votre rapporteur a considéré que le cumul de ces dispositifs risque de créer des difficultés de recrutement de nouveaux juges consulaires, alors que ces fonctions ne sont pas toujours attractives, en particulier au sein des juridictions petites voire moyennes, tandis que les tribunaux de commerce importants ne peinent pas à trouver des candidats.

Dans ces conditions, en approuvant la limite d'âge à soixante-dix ans, votre commission a supprimé, en contrepartie, la limitation du nombre des mandats dans le temps. En complément, pour assurer une plus grande fluidité du recrutement et du renouvellement des mandats, de façon à prendre en compte la diversité des situations, elle a également supprimé le délai de viduité d'un an prévu par le code de commerce. À cette fin, elle a adopté un amendement COM-85 , à l'initiative de son rapporteur. Cet amendement procède également à deux coordinations, dont l'une concernant l'éligibilité des artisans aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce, par coordination avec l'article 47 A du projet de loi introduit par votre commission.

3. L'instauration de nouvelles incompatibilités professionnelles et politiques

Il existe actuellement des incompatibilités très ponctuelles pour les membres des tribunaux de commerce : un membre de tribunal de commerce ne peut être simultanément membre d'un conseil de prud'hommes ou d'un autre tribunal de commerce 150 ( * ) .

Le projet de loi propose d'appliquer aux membres des tribunaux de commerce les incompatibilités professionnelles prévues pour les magistrats judiciaires avec l'exercice des professions réglementées qui sont en lien avec l'institution judiciaire (avocat, huissier de justice, greffier de tribunal de commerce, administrateur et mandataire judiciaire...). En cela, le projet de loi ne fait qu'étendre aux juges consulaires les dispositions prévues dans le statut de la magistrature , ce que votre commission approuve.

De plus, seraient également étendues les incompatibilités avec des mandats électifs prévues par le statut de la magistrature (conseiller régional, conseiller départemental, conseiller municipal, conseiller d'arrondissement, conseiller dans les assemblées d'outre-mer...). Votre commission approuve également le principe de cette extension.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-86 destiné à supprimer les incompatibilités du mandat de juge d'un tribunal de commerce avec des mandats électifs qui relèvent de la compétence du législateur organique, en application de l'article 74 de la Constitution, concernant les mandats de membre des assemblées locales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Il conviendra de les réintroduire dans le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société. Par ailleurs, votre commission a adopté au projet de loi organique un amendement pour viser l'incompatibilité avec le mandat parlementaire, qui n'était pas prévue par le texte mais qui existe dans le statut de la magistrature, par cohérence.

En outre, en adoptant cet amendement, votre commission a aussi remplacé l'incompatibilité avec le mandat de conseiller municipal par une incompatibilité plus limitée avec les fonctions de maire ou d'adjoint, dans le ressort de la juridiction. L'objectif est de ne pas trop altérer l'attractivité du mandat bénévole de juge consulaire, en interdisant à la personne concernée de détenir un mandat local sans caractère exécutif. Il s'agirait d'adapter les règles du statut de la magistrature aux spécificités des juges consulaires. En tout état de cause, les règles de prévention des conflits d'intérêts devraient permettre d'éviter les conflits d'intérêts liés à la détention d'un mandat municipal, par exemple dans l'hypothèse où le tribunal de commerce serait saisi d'une demande d'ouverture de procédure collective à l'égard de l'employeur principal de la commune concernée.

Par cet amendement, votre commission a aussi précisé les conditions de résolution des incompatibilités professionnelles et politiques des juges consulaires (selon les cas, impossibilité d'installation ou démission d'office).

4. L'instauration d'une obligation de formation initiale et continue

Si en pratique, selon la conférence générale des juges consulaires, la très grande majorité d'entre eux suit les formations mises en place à cet effet par l'école nationale de la magistrature (ENM) depuis 2009 151 ( * ) , le présent projet de loi instaure une obligation de formation initiale et continue. Logiquement, le contenu de cette formation serait défini par décret.

Le présent projet de loi ajoute que tout manquement à l'obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret après l'installation d'un juge entraîne la démission d'office du juge concerné.

Votre commission a approuvé sans modification ces dispositions, qui constituent un progrès incontestable. Elle insiste cependant pour que le niveau actuel d'exigence des formations assurées par l'ENM, notamment en termes de volume, soit conservé, voire accentué. En outre, le caractère légalement obligatoire de la formation doit trouver sa contrepartie dans la prise en charge par le ministère de la justice des frais d'hébergement et de transport, ce que le Gouvernement a confirmé à votre rapporteur.

5. Le renforcement des obligations déontologiques des juges des tribunaux de commerce

Le renforcement des obligations déontologiques propres aux juges consulaires constitue un axe fort du présent projet de loi, auquel souscrit pleinement votre commission et auquel souscrivent d'ailleurs les intéressés, au vu des auditions menées par votre rapporteur. Outre sa légitimité propre pour le monde consulaire, ce renforcement doit aussi être compris comme une harmonisation plus marquée avec le statut de la magistrature , de façon à affirmer plus clairement l'idée selon laquelle les juges consulaires sont avant tout des juges, même s'ils ne sont pas des magistrats professionnels .

En premier lieu, le projet de loi dispose que « les juges des tribunaux de commerce exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard ».

Votre commission a modifié ces dispositions pour les renforcer ainsi que pour les rapprocher davantage encore des règles figurant dans le statut de la magistrature.

Ainsi, par l'adoption d'un amendement COM-88 présenté par son rapporteur, elle a précisé la rédaction des principes déontologiques qui sont applicables aux juges des tribunaux de commerce, en les rapprochant autant que possible des principes applicables aux magistrats judiciaires en vertu, notamment, de l'article 10 du statut de la magistrature. Elle a repris les deux alinéas de cet article 10, ce que le projet de loi ne faisait pas complètement, pour prévoir que « toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux juges des tribunaux de commerce, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions » et pour interdire également « toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ». Elle a supprimé une disposition tautologique, selon laquelle tout juge consulaire respecte les principes inhérents à l'exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que les principes généraux applicables aux juridictions judiciaires, énoncés aux articles L. 111-1 à L. 111-12 du code de l'organisation judiciaire, notamment les cas de récusation et l'obligation de déport, sont applicables aux tribunaux de commerce, en vertu de l'article L. 721-1 du code de commerce.

Le présent projet de loi dispose également que les juges consulaires veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts, en retenant la définition de la notion de conflits d'intérêts déjà retenue pour les magistrats judiciaires par le projet de loi organique et pour l'ensemble des responsables publics par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique . Selon cette définition, « constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ».

En outre, votre commission a adopté un amendement COM-89 , sur proposition de son rapporteur, pour assurer une coordination rédactionnelle avec l'article 11 du statut de la magistrature, s'agissant de la protection fonctionnelle que le projet de loi propose d'attribuer aux juges des tribunaux de commerce.

a) La mise en place d'une déclaration d'intérêts pour les membres des tribunaux de commerce, assortie d'un entretien déontologique

Le présent projet de loi prévoit la remise d'une déclaration d'intérêts au président du tribunal, lors d'un entretien déontologique, dans le mois qui suit l'installation dans leurs fonctions.

Votre commission a approuvé l'économie générale de ce dispositif, tout en adoptant un amendement COM-90 pour le préciser et le coordonner avec celui prévu dans le projet de loi organique, tel qu'elle l'a modifié pour rapprocher les obligations des magistrats professionnels en la matière de ce qui est prévu pour les juges consulaires par le présent projet de loi.

La déclaration d'intérêts devrait être remise dans les deux mois de l'installation, pour laisser davantage de temps pour son établissement, sous peine de démission d'office. Les membres du tribunal la remettraient à son président, celui-ci remettant la sienne au premier président de la cour d'appel. L'entretien déontologique devrait être postérieur à la remise de la déclaration et non simultané, pour permettre l'examen de la déclaration, cet entretien devant donner lieu à l'établissement d'un compte rendu.

Toute modification substantielle des intérêts devrait donner lieu à une déclaration complémentaire. L'entretien déontologique pourrait être renouvelé à tout moment, à la demande du déclarant comme de l'autorité supérieure. La déclaration demeurerait confidentielle.

Le contenu de la déclaration et ses conditions de conservation, entre autres, seraient précisées par un décret en Conseil d'État. De toute évidence, la déclaration d'intérêts ne saurait être trop intrusive dans la vie privée et dans la vie économique du chef d'entreprise déclarant, de façon à respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière 152 ( * ) . Par exemple, elle ne saurait imposer de déclarer l'ensemble des clients, fournisseurs et autres partenaires bancaires ou commerciaux du juge consulaire, sauf à exiger que des déclarations complémentaires devraient être remises en permanence, ce qui serait inefficace : en dehors, éventuellement, des relations commerciales établies ou des principaux crédits bancaires, ces liens d'intérêts commerciaux devraient être traités dans le cadre de la prévention des conflits d'intérêts au quotidien (obligation de déport...). En revanche, les parts détenues de façon substantielle dans une société devraient vraisemblablement figurer dans la déclaration. Il appartient au Gouvernement d'établir son contenu de façon proportionnée, à l'issue d'une concertation avec les personnes concernées.

b) La mise en place d'une déclaration de situation patrimoniale pour les présidents des tribunaux de commerce

Le présent projet de loi ne prévoit aucune obligation en matière de déclaration de situation patrimoniale pour les juges consulaires. Or, ainsi que cela a pu être relevé lors des auditions de votre rapporteur, la nature du contentieux dont traitent ces juges peut particulièrement les confronter à des risques de tentatives d'influence voire de corruption. Dans l'absolu, comme pour les magistrats judiciaires, l'ensemble des juges consulaires peuvent être confrontés à une telle situation, dans le cadre d'un contentieux commercial avec de lourds enjeux financiers ou dans le cadre d'une procédure collective, pour le choix d'un éventuel repreneur.

Par cohérence avec les obligations applicables aux chefs de cour en matière de déclaration de situation patrimoniale, telles que votre commission les a renforcées dans le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société mais aussi étendues aux chefs de juridiction, l'obligation d'établir une telle déclaration serait donc étendue aux présidents des tribunaux de commerce, dans les mêmes conditions et sous le contrôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Votre commission a adopté à cette fin un amendement COM-91 à l'initiative de son rapporteur. Par cohérence, de même, elle n'a pas souhaité étendre cette obligation à l'intégralité des juges consulaires, dès lors qu'elle n'a pas voulu le faire pour l'intégralité des magistrats judiciaires.

Cette nouvelle obligation n'a pas rencontré l'hostilité des personnes concernées lors des auditions de votre rapporteur.

6. Le renforcement du régime disciplinaire

Le présent projet de loi actualise le régime disciplinaire des juges consulaires et modernise sa procédure, en vue de le rendre plus effectif. En effet, selon l'étude d'impact, cinq sanctions disciplinaires ont été prononcées depuis 1997, dont aucune depuis 2006, sur la base de neuf saisines. À l'évidence, une telle situation ne saurait uniquement traduire l'absence de fautes disciplinaires chez les juges consulaires, par comparaison avec les procédures disciplinaires concernant les magistrats judiciaires, mais une relative défaillance dans leur détection.

Le pouvoir disciplinaire appartient actuellement à une commission nationale de discipline (CND), placée auprès de la Cour de cassation 153 ( * ) , qui ne peut être saisie que par le garde des sceaux, après audition de l'intéressé par le président de son tribunal.

À l'initiative de son rapporteur en adoptant un amendement COM-92 , votre commission a renforcé le régime disciplinaire des juges consulaires par rapport à ce que prévoit le projet de loi. Elle a procédé à une harmonisation rédactionnelle des éléments constitutifs de la faute disciplinaire pour un juge consulaire avec le statut de magistrature. Constituerait une faute disciplinaire « tout manquement par un juge d'un tribunal de commerce aux devoirs de son état, à l'honneur, à la probité ou à la dignité ».

Elle a précisé les conditions dans lesquelles le premier président de la cour d'appel peut donner un avertissement à un juge consulaire, en dehors de toute action disciplinaire, faculté nouvelle introduite opportunément par le projet de loi. Votre commission a prévu que le premier président devait préalablement solliciter l'avis, non seulement du président du tribunal de commerce, mais aussi du procureur de la République, car celui-ci intervient devant le tribunal de commerce dans différents cas de figure et doit connaître ses membres. En outre, elle a prévu que le procureur général près la cour d'appel, autorité hiérarchique du procureur de la République, pouvait également saisir aux fins d'avertissement le premier président de la cour d'appel.

Votre commission a également précisé les conditions d'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre d'un juge consulaire. Actuellement, cette procédure s'engage par l'audition du juge concerné par le président du tribunal de commerce, avant saisine de la CND par le garde des sceaux. Le projet de loi prévoit que cette audition est réalisée par le premier président de la cour d'appel, lequel pourrait également saisir la CND : assorties d'une échelle plus claire des sanctions 154 ( * ) , ces dispositions sont de nature à rendre plus effectif le régime disciplinaire des juges consulaires. Votre commission a prévu que, lors de l'audition du juge concerné, le premier président devait être assisté par le président du tribunal, responsable de sa juridiction.

Votre rapporteur considère que la cour d'appel est effectivement le niveau pertinent pour traiter de la question disciplinaire, dans la mesure où le premier président et le procureur général ont pour mission générale de veiller au bon fonctionnement de la justice dans leur ressort.

À cet égard, il faut relever que la faculté de demander au président de la CND la suspension d'un juge consulaire à l'encontre duquel une action disciplinaire est engagée serait également ouverte au premier président de la cour d'appel et plus seulement au garde des sceaux.

Par ailleurs, le présent projet de loi prévoit la création d'un fichier national automatisé des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des juges consulaires. Par l'adoption d'un amendement COM-93 présenté par son rapporteur, votre commission a supprimé ce fichier.

En effet, outre que l'utilité réelle d'un tel fichier - et donc le coût de sa mise en oeuvre - est particulièrement douteuse, d'autant que les sanctions disciplinaires prononcées sont rares, votre rapporteur constate qu'un fichier de cette nature n'existe pas pour les magistrats judiciaires professionnels.

En tout état de cause, le suivi disciplinaire des juges consulaires n'appartient pas seulement au président du tribunal de commerce concerné, mais aussi aux cours d'appel, ainsi qu'à la commission nationale de discipline. Les modifications apportées par le projet de loi au régime disciplinaire des juges consulaires devraient rendre sa mise en oeuvre plus effective.

L'enjeu réside davantage, pour l'action du ministère de la justice, dans l'établissement d'un registre national des 3 200 membres des tribunaux de commerce, outil nécessaire pour assurer le suivi, entre autres, de l'obligation de formation. La mise en place d'un tel outil relève toutefois de la compétence du pouvoir réglementaire.

7. L'intégration des artisans au sein des tribunaux de commerce

À l'article 47 du présent projet de loi, votre commission a également adopté un amendement COM-83 , à l'initiative de son rapporteur, pour tirer les conséquences de l'intégration des artisans au sein du corps électoral des tribunaux de commerce, s'agissant de la compétence rationae personae du tribunal de commerce pour statuer sur les contentieux entre artisans entre eux, ainsi que sur les contentieux entre artisans et commerçants ou sociétés commerciales. Il complète à cette fin l'article L. 721-3 du code de commerce, qui définit la compétence du tribunal de commerce.

Il s'agit de rendre le tribunal de commerce pleinement compétent à l'égard des artisans, alors que, comme le rappelle votre rapporteur, il n'est aujourd'hui compétent que pour les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises concernant les artisans, qui relèvent du tribunal de grande instance pour leur contentieux général. L'objectif recherché est de mettre fin à la « schizophrénie judiciaire » des artisans, ce à quoi le Gouvernement a indiqué être disposé.

Par ailleurs, dans un souci de lisibilité, votre commission a procédé à certaines modifications plus formelles ou rédactionnelles, liées notamment à la codification des nouvelles dispositions au sein du code de commerce. Ces modifications ont été intégrées, pour la plupart, dans les amendements de fond précités, ainsi que dans les amendements COM-82, COM-84, COM-87 et COM-94 de nature plus rédactionnelle. En particulier, le premier de ces amendements a supprimé une disposition de codification déjà satisfaite, à l'initiative du Sénat, sur la proposition de notre collègue François Pillet, dans le cadre de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques .

Votre commission a adopté l'article 47 ainsi modifié .

Article 47 bis (art. 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) - Extension de la compétence de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique aux magistrats judiciaires et aux juges consulaires

Introduit par votre commission à l'initiative de son rapporteur, par l'adoption d'un amendement COM-95 , l'article 47 bis du projet de loi étend les compétences de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) au contrôle des déclarations de situation patrimoniale qui devront être établies par les juges des tribunaux de commerce, en application de l'article 47 du présent projet de loi, et par les magistrats chefs de cour et de juridiction, en application de l'article 21 du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société .

Il s'agit d'une simple coordination à l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique . Outre la réception et le contrôle des déclarations, en vertu de cet article, la HATVP dispose également pour l'exercice de ses missions de la faculté d'enjoindre aux déclarants de communiquer toute explication ou tout document nécessaire et de demander à ses services de procéder à des vérifications sur le contenu des déclarations. Elle peut aussi se saisir d'office lorsqu'elle constate qu'une personne tenue de lui transmettre une déclaration n'a pas respecté cette obligation.

Votre commission a adopté l'article 47 bis ainsi rédigé .


* 147 Les chefs d'entreprise artisanale tenus de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés sont, à ce titre, membre du corps électoral des délégués consulaires.

* 148 Sont commerciales par nature les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions (dont les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés par actions simplifiées). Ainsi, un artisan exerçant son activité sous forme d'une société est immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

* 149 Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Organisation-et-le-fonctionnement-de-la-justice-commerciale.

* 150 Article L. 723-8 du code de commerce.

* 151 Auparavant, la formation des juges consulaires était assurée par le centre d'études et de formation des juges consulaires de Tours.

* 152 Voir la décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013.

* 153 La commission nationale de discipline est présidée par un président de chambre à la Cour de cassation, désigné par son premier président, et comprend un membre du Conseil d'État désigné par le vice-président du Conseil d'État, deux magistrats du siège des cours d'appel désignés par le premier président de la Cour de cassation sur une liste établie par les premiers présidents des cours d'appel, ainsi que quatre juges des tribunaux de commerce élus par l'ensemble des présidents des tribunaux de commerce. Des suppléants sont désignés dans les mêmes conditions et le mandat dure quatre ans.

* 154 Blâme, interdiction d'être désigné dans des fonctions de juge unique pendant une durée maximale de cinq ans, déchéance assortie de l'inéligibilité pour une durée maximale de cinq ans et déchéance assortie de l'inéligibilité définitive, concernant les juges consulaires en fonction. Des sanctions sont également prévues pour les juges consulaires dont les fonctions ont cessé.

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