II. LE REDRESSEMENT DES COMPTES DE LA BRANCHE PÈSE SUR LES FAMILLES ET SE FAIT AU PRIX D'UNE ÉVOLUTION REGRETTABLE DE LA POLITIQUE FAMILIALE

A. LES FAMILLES ONT LOURDEMENT ÉTÉ MISES À CONTRIBUTION POUR LE REDRESSEMENT DE LA BRANCHE

1. Les efforts cumulés demandés aux familles depuis 2012 sont considérables

Depuis 2012, la volonté de rééquilibrer les dépenses de la branche famille s'est traduite par une réduction substantielle des prestations versées aux familles, qui se sont ajoutées à l'augmentation de la pression fiscale au travers de deux abaissements successifs du plafond du quotient familial, lesquels devaient pourtant permettre de ne pas réduire les allocations familiales 7 ( * ) .

Le tableau ci-dessous, issu des réponses adressées par le ministère des affaires sociales au questionnaire de votre rapporteur, retrace l'effet budgétaire des différentes mesures adoptées depuis 2013.

Figure n° 10 : Impact financier annuel estimé des mesures prises depuis 2013 sur la politique familiale

(en millions d'euros)

Mesures

2014

2015

2016

2017

Majoration de 50 % du complément familial en-deçà du seuil de pauvreté

-67

-157

-250

-253

Revalorisation de 25% de l'ASF

-50

-120

-180

-184

Modification du système de plafonds de la Paje

12

51

92

122

Allocation de base de la PAJE à taux partiel

28

118

212

280

Gel du montant de l'AB de la PAJE

24

47

95

163

Gel du montant des primes

3

7

14

25

Suppression du CLCA majoré

10

47

89

118

Abaissement du plafond du quotient familial

1 016

980

940

920

Modulation des allocations familiales

-

440

880

880

Ensemble des mesures

976

1413

1892

2071

Les + correspondent à des économies et les - à des dépenses supplémentaires.

1 Ces chiffres ne tiennent pas compte du premier abaissement du plafond du quotient familial en 2012.

Source : Questionnaire budgétaire

Au total en prenant en compte les mesures prises en faveur des familles modestes, l'effort demandé aux familles s'est élevé à près de 980 millions d'euros en 2014 et devrait dépasser 1,8 milliard d'euros en 2016.

La politique familiale repose depuis son origine sur la solidarité horizontale, des célibataires et des couples sans enfant vers ceux qui assument une charge de famille. Or, la réduction du déficit de la branche famille est passée essentiellement par la réduction des prestations et des avantages fiscaux destinés à aider les familles, sans que les personnes sans enfant ne soient mises à contribution.

2. Les efforts demandés aux familles aisées ne profitent pas aux familles les plus modestes

Les mesures d'économie sont sans commune mesure avec les mesures de dépense. Il n'est donc pas possible de considérer que l'effort demandé aux familles des classes moyennes sert à améliorer les conditions de vie des familles les plus modestes.

Le tableau ci-dessous, construit à partir des réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur, résume pour différents cas-types l'effet sur le niveau de vie des familles des mesures mises en oeuvre depuis 2012, en dehors des mesures fiscales 8 ( * ) .

Figure n° 11 : Impact des mesures mises en oeuvre entre 2012 et 2015 sur le niveau de vie des familles

Caractéristiques du cas-type

Impact annuel sur le niveau de vie, en euros

A

1 enfant (4 mois)

Parent isolé

1 SMIC

-97

2 SMIC

-97

3 SMIC

-1 158

Couple monoactif

1 SMIC

-201

2 SMIC

-201

3 SMIC

-2 311

Couple avec biactif

2 SMIC

-136

4 SMIC

0

6 SMIC

0

B

2 enfants (2 ans, 7 ans)

Parent isolé

1 SMIC

100

2 SMIC

100

3 SMIC

26

Couple monoactif

1 SMIC

-43

2 SMIC

-43

3 SMIC

-117

Couple avec biactif

2 SMIC

22

4 SMIC

-22

6 SMIC

-410

C

3 enfants (7 ans, 12 ans, 17 ans)

Parent isolé

1 SMIC

464

2 SMIC

262

3 SMIC

31

Couple monoactif

1 SMIC

346

2 SMIC

144

3 SMIC

-60

Couple avec biactif

2 SMIC

144

4 SMIC

-60

6 SMIC

-1 139

Source : Questionnaire budgétaire

Outre le fait que le montant des prestations retirés aux « perdants » (406 euros par an en moyenne) est largement supérieur au supplément dont ont bénéficié les « gagnants » (137 euros par an en moyenne), on remarque que les baisses de prestations ne sont pas concentrées sur les familles aisées mais touchent également les familles des classes moyennes. Ainsi, à titre d'exemple, une famille avec un enfant de 4 mois dans laquelle seul un des parents travaille et dont le revenu est égal à deux Smic a vu ses prestations baisser de 200 euros par an.

Enfin, certaines mesures d'économie ont touché des prestations sous condition de ressources et ont donc pesé uniquement sur les familles les plus modestes. C'est le cas du gel du montant de l'allocation de base de la Paje ou du décalage du versement de la prime à la naissance. De même, la réforme du congé parental concernera essentiellement les familles modestes.

Enfin, à ces mesures concernant les prestations se sont ajoutées des mesures fiscales et notamment l'abaissement du plafond du quotient familial en 2013 puis en 2014.

Si, comme le soutient le Gouvernement, la politique familiale est devenue plus redistributive, c'est donc au prix d'une réduction globale du montant des prestations familiales qui touchent non seulement les familles aisées mais également celles des classes moyennes. Par ailleurs, l'émergence d'une distinction de plus en plus nette entre ceux qui participent au financement des prestations et ceux qui en bénéficient pourrait, à terme, avoir des effets négatifs sur l'adhésion de nos concitoyens à notre modèle social.


* 7 L'avantage résultant de l'application du quotient familial était plafonné jusqu'en 2012 à 2 336 euros par foyer fiscal. Ce plafond a été abaissé à 2 000 euros par la loi de finances pour 2013, puis à 1 500 euros par la loi de finances pour 2014. Ce deuxième abaissement du plafond avait été présenté par le Président de la République comme une alternative à la modulation des allocations familiales, qui a finalement été mise en oeuvre par la LFSS pour 2015.

* 8 Les mesures prises en comptes sont : la revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire, la création d'un complément familial majoré, la revalorisation du montant de l'allocation de soutien familial, le décalage au 1 er avril de la date de revalorisation de la BMAF, le gel du montant de l'allocation de base de la Paje et son plafonnement, la suppression du CLCA majoré, la modulation des allocations familiales et le décalage du versement de la prime à la naissance au second mois suivant la naissance de l'enfant.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page