N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général .

TOME I

LE BUDGET DE 2016

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

Le présent rapport a été examiné par la commission des finances du Sénat le mercredi 4 novembre 2015, avant les attaques terroristes survenues à Paris le vendredi 13 novembre 2015 et les annonces faites par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le lundi 16 novembre 2015, dont certaines auront une incidence sur le projet de loi de finances pour 2016.

PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2016 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE DE L'EXERCICE 2016

Le contexte économique de l'exercice 2016 se caractérise par un retour progressif de la croissance économique , l'activité devant progresser, selon les prévisions gouvernementales, de 1,5 % au cours de l'année à venir, contre 1 % en 2015. Si de telles anticipations semblent, à ce jour, plausibles, les évènements des dernières semaines, en particulier les perturbations financières apparues en Chine durant l'été, ont assombri les perspectives de croissance au niveau international .

En effet, de nouveaux risques se sont fait jour, qui concernent particulièrement la stabilité financière des pays émergents . Alors que devrait intervenir à court terme une « normalisation » de la politique monétaire américaine, une remontée des taux d'intérêt par la Réserve fédérale pourrait, potentiellement, venir déséquilibrer un peu plus la situation économique et financière des pays émergents, qui connaissent déjà une décélération de leurs économies.

Aussi l'environnement économique mondial pourrait-il se révéler moins favorable que prévu et affecter le rebond de la croissance française . Les développements qui suivent s'attachent donc, entre autres, à proposer une « radiographie » des risques inhérents au contexte économique actuel ; en effet, une dégradation des conditions économiques pourrait perturber la trajectoire des finances publiques proposée par le Gouvernement et compromettre le respect des recommandations de l'Union européenne , qui repose essentiellement sur une amélioration du déficit nominal - par définition tributaire de la conjoncture économique.

Par ailleurs, l'atteinte des objectifs budgétaires pourrait se trouver contrainte par une inflation moins dynamique qu'anticipé - celle-ci ayant une incidence sur les recettes de même que sur le montant des économies réalisées (cf. infra ) -, ce qui ne saurait être exclu dans un contexte caractérisé par la persistance de la faiblesse des prix des matières premières. Par suite, la hausse des prix en 2016 pourrait être inférieure à l'hypothèse d'inflation retenue par le Gouvernement , de 1 % après 0,1 % en 2015.

A. UN RETOUR DE LA CROISSANCE PAVÉ D'INCERTITUDES

Bénéficiant d'un environnement conjoncturel plus favorable, l'économie française a engagé un rebond au cours de l'année 2015. Si la France semble retirer un moindre profit de la reprise que ses partenaires européens, les prévisions réalisées à ce jour, tant par les organisations internationales que par les instituts de conjoncture, anticipent une croissance proche de 1,5 % en 2016 - soit l'hypothèse retenue par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Pour autant, le contexte économique tend à devenir plus incertain, en raison de l'affirmation de nouveaux risques liés, en particulier, à la situation économique et financière des pays émergents .

1. L'activité économique a bénéficié de vents favorables en 2015
a) Un rebond de l'activité économique dans la zone euro

Différents facteurs favorables ont concouru au rebond de l'activité économique dans la zone euro en 2015, parmi lesquels figurent notamment le recul des prix du pétrole , mais également la faiblesse des taux d'intérêt et du taux de change de l'euro , favorisée par la politique monétaire actuellement menée par la Banque centrale européenne.

(1) Un fort recul des prix du pétrole

Tout d'abord, l'année en cours a été marquée par un fort recul des prix du pétrole et des matières premières . Ainsi, en septembre 2015, le prix du pétrole s'établissait à 42,1 euros en moyenne par baril de Brent, en baisse de 44,2 % par rapport à son niveau de septembre 2014, soit 75,5 euros 1 ( * ) . Dans un contexte marqué par le ralentissement de l'économie chinoise (cf. infra ), cette tendance baissière a aussi concerné les autres matières premières, à l'instar des métaux. Par suite, la facture des importations de matières premières des pays européens s'en est trouvée réduite , accroissant tout à la fois le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises.

(2) Une politique monétaire active de la Banque centrale européenne

En outre, le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) (cf. encadré ci-après), engagé en janvier dernier, a favorisé la baisse des taux d'intérêt au cours des derniers mois . Cette baisse a, en premier lieu, permis de réduire le coût de l'accès au financement des entreprises et des ménages, soutenant ainsi l'investissement et la consommation. À cet égard, l'enquête trimestrielle publiée par la BCE le 20 octobre dernier 2 ( * ) a mis en évidence un accroissement de la part des banques déclarant avoir assoupli leurs conditions de financement pour les entreprises au cours du troisième trimestre 2015 3 ( * ) ; concernant le programme étendu d'achats d'actifs, les établissements sondés assurent que celui-ci a amélioré leur situation de liquidité ainsi que leurs conditions de financement et indiquent, par ailleurs, que la liquidité supplémentaire apportée par le programme est utilisée pour accorder des prêts. Ces résultats tendent à montrer que les effets du programme étendu d'achats de titres continuent à se diffuser dans l'économie réelle .

La politique menée par la BCE a également eu pour conséquence de contribuer au recul du taux de change de l'euro . À titre d'illustration, le taux de change euro contre dollar a reculé de près de 13 % entre septembre 2014 et septembre 2015, passant de 1,29 à 1,12 dollar pour un euro. Cette baisse de la monnaie européenne, en réduisant le prix des produits proposés par les entreprises de la zone euro à l'export, a permis de renforcer la compétitivité de ces dernières et, partant, les exportations .

Le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne

Au début de l'année 2015, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un programme étendu d'achats d'actifs, prévoyant des rachats mensuels cumulés de titres des secteurs public et privé à hauteur de 60 milliards d'euros « jusqu'en septembre 2016 et en tout cas jusqu'à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l'évolution de l'inflation conforme à son objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme » 4 ( * ) .

Englobant le programme d'achat de titres adossés à des actifs ( asset-backed securities , ABS) et le programme d'achat d'obligations sécurisées ( covered bonds ), tous deux lancés fin 2014 5 ( * ) , le dispositif comporte également un programme d'achats de titres du secteur public ( public sector purchase programme , PSPP), dont les opérations ont débuté en mars de cette année.

Le PSPP couvre les instruments de dette négociable émis par les administrations centrales de la zone euro, par certaines agences établies dans la zone euro ou par certaines institutions internationales ou supranationales, à l'instar des banques multilatérales de développement. Les achats de titres du secteur public représentent l'essentiel des acquisitions réalisées par la BCE dans le cadre de son programme étendu ; à titre d'exemple, sur 63 milliards de titres acquis en septembre dernier, 51 milliards d'euros correspondaient à des emprunts publics, 10,1 milliards d'euros à des obligations sécurisées ( covered bonds ) et 1,9 milliard d'euros à des titres adossés à des actifs (ABS).

(3) Un rebond du crédit aux entreprises dans la zone euro

Ainsi que le relève l'Insee dans son dernier Point de conjoncture , publié en octobre dernier 6 ( * ) , pour la première fois depuis trois ans, les encours de crédit aux entreprises de la zone euro ont progressé à l'été 2015 , cette reprise du crédit s'étant accompagnée d' une croissance soutenue de l'investissement productif au cours de l'année, en particulier en Espagne (+ 9,6 %) et en Italie (+ 8,0 %).

(4) Des exportations de la zone euro résilientes

De même, le Point de conjoncture de l'Insee précité précise que « les échanges intra-européens sont demeurés dynamiques et la baisse de l'euro a permis des gains de parts de marché » 7 ( * ) . Aussi, sur l'ensemble de l'année 2015, les exportations accélèreraient (+ 4,8 % après + 3,9 % en 2014), et ce en dépit du ralentissement du commerce mondial.

(5) Un ralentissement de la consolidation budgétaire en Europe

Enfin, les efforts de redressement des comptes publics consentis au cours des dernières années , qui ont permis à six États membres de sortir de la procédure pour déficit excessif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en 2014, puis à deux nouveaux en 2015 - seuls neuf pays, dont la France, étant toujours concernés par la procédure -, autorisent un ralentissement de la consolidation budgétaire dans l'Union européenne, et notamment dans la zone euro, profitant à l'activité .

(6) Une hypothèse de croissance de 1,5 % dans la zone euro crédible

Au total, la croissance devrait atteindre 1,5 % dans la zone euro en 2015 , selon le Gouvernement ; cette hypothèse est confortée par l'Insee, qui prévoit une hausse du PIB de 1,6 % tout en jugeant, par ailleurs, que « d'ici fin 2015, la zone euro résisterait encore aux turbulences provenant des économies émergentes » 8 ( * ) , prévision partagée par l'organisme de statistique italien (Istat) et l'institut allemand Ifo 9 ( * ) , ainsi que par le Consensus Forecasts d'octobre qui anticipe une progression de l'activité de 1,5 %.

b) Un redémarrage de l'activité moins prononcé en France

Pour autant, la France connaîtrait une progression de son activité moins rapide que ses partenaires de la zone euro, et ce comme l'an passé . En effet, selon l'Insee, la croissance française s'élèverait à 1,1 % en 2015 (contre 0,2 % en 2014). L'institut de statistiques précise que ce moindre dynamisme s'expliquerait « essentiellement du fait du recul de l'investissement en construction » 10 ( * ) .

(1) Une forte baisse de la facture pétrolière

En tout état de cause, l'économie française bénéficierait des facteurs favorables mentionnés précédemment. Ainsi, à en croire une récente note de Coe-Rexecode 11 ( * ) , la baisse des prix du pétrole pourrait avoir pour effet de réduire la facture pétrolière de 16 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année - à supposer que le cours du Brent demeure proche de son niveau moyen d'août 2015, soit 44,5 euros par baril 12 ( * ) . Selon ce centre de recherche, ce recul de la facture pétrolière correspondrait à un surcroît de revenu disponible brut (RDB) des ménages de 6,2 milliards d'euros et à un supplément de consommation de 5,3 milliards d'euros - pour un taux d'épargne des ménages de 15 %. En outre, les marges des sociétés non financières seraient accrues d'environ 7 milliards d'euros .

(2) Une politique monétaire propice au financement de l'économie

De même, la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE) contribue à la bonne tenue du financement de l'économie française . Selon les statistiques publiées par la Banque de France, à la fin du mois d'août 2015, l'encours du crédit aux entreprises atteignait 703,2 milliards d'euros, en augmentation de 2,9 % sur un an 13 ( * ) ; cette progression a concerné toutes les catégories d'entreprises, soit les petites et moyennes entreprises (PME) (+ 2,6 %), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) (+ 3,4 %) et les grandes entreprises (+ 2,9 %). À la même date, l'encours du crédit aux particuliers affichait une hausse annuelle de 3,5 % et s'élevait à 1 037 milliards d'euros 14 ( * ) .

(3) Une faiblesse du taux de change favorable aux exportations

Comme les autres entreprises de la zone euro, les sociétés françaises ont également profité de la faiblesse du taux de change de l'euro , contribuant à ce que les exportations de la France demeurent dynamiques au premier semestre, en dépit de la décélération du commerce mondial - celles-ci ont progressé de 1,7 % au deuxième trimestre de cette année, après 1,3 % lors du trimestre précédent ; les exportations françaises ont aussi été portées par le niveau exceptionnel des livraisons de matériels aéronautiques et navals.

(4) Un recul des faillites d'entreprises

L'amélioration de l'environnement conjoncturel s'est accompagnée d'un recul significatif des faillites d'entreprises . Les données récemment publiées par Altares font apparaître que les défaillances d'entreprises sont repassées, au troisième trimestre de cette année, en deçà du seuil des 13 000, les tribunaux ayant prononcé 12 501 ouvertures de procédures collectives au cours de cette période, un nombre en baisse de 4,8 % par rapport au troisième trimestre 2014.

(5) Une nette amélioration du climat des affaires

Par ailleurs, le climat des affaires s'est consolidé lors des derniers mois . Ainsi, l'indicateur de climat des affaires 15 ( * ) de l'Insee a regagné sa moyenne de long terme - soit 100 -, s'établissant à 100,8 en octobre contre 91,7 en octobre 2014, comme le montre le graphique ci-après. L'indicateur de climat des affaires est bien orienté dans la majorité des secteurs économiques , dont l'industrie (102,7), les services (99,9) et le commerce de détail (110,4), à l'exception du bâtiment (89,6).

Graphique n° 1 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Toutefois, l'indicateur de retournement de l'Insee, qui vise à détecter les moments où la conjoncture change d'orientation, est retombé de 0,6 à 0,3 entre les mois de juillet et octobre (cf. graphique ci-après), ce qui n'est pas sans lien avec l'apparition de nouveaux risques inhérents au ralentissement des économies émergentes, dont la saillance a été renforcée par les perturbations financières qui ont touché la Chine cet été (cf. infra ).

Cet indicateur, également construit sur la base des enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, retrace à chaque date la différence entre la probabilité que la phase conjoncturelle soit favorable et la probabilité qu'elle soit défavorable. Il évolue entre + 1 et - 1, un point proche de + 1 signalant que l'activité est en période d'accélération, alors qu'à l'inverse, un point proche de - 1 signale que l'activité est en nette décélération. Un indicateur proche de 0 correspond généralement à une période de stabilisation.

Par suite, la récente dégradation de l'indicateur de retournement, même si elle ne saurait inquiéter dans la mesure où elle est limitée et où ce dernier demeure supérieur à 0, révèle le risque que le ralentissement économique des pays émergents représente pour le climat des affaires français et, donc, pour la confiance des entreprises .

Graphique n° 2 : Évolution de l'indicateur de retournement de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

(6) Un arrêt temporaire de la croissance au deuxième trimestre

Quoi qu'il en soit, l e PIB a nettement rebondi au premier trimestre de l'année (+ 0,7 %) , porté notamment par l'accélération de la consommation des ménages, avant de « caler » au deuxième (+ 0,0 %) .

Cette interruption de la croissance s'expliquerait essentiellement par le ralentissement des dépenses de consommation des ménages - par contrecoup sur les dépenses de chauffage - et de l'investissement, ainsi que par la baisse des stocks de matériels de transport et de produits pétroliers raffinés 16 ( * ) (cf. graphique ci-après).

Graphique n° 3 : Produit intérieur brut (PIB) et ses composantes

(en %)

Source : Insee (août 2015)

(7) Un redémarrage de la consommation des ménages...

Malgré cette décélération de l'activité, l'Insee estime que « le PIB conserverait au second semestre 2015 un rythme comparable à celui du premier semestre (+ 0,2 % au troisième trimestre puis + 0,4 % au quatrième trimestre) ». L'institut de statistiques considère en effet, dans son Point de conjoncture d'octobre 17 ( * ) , que le pouvoir d'achat des ménages continuerait d'accélérer en 2015 , favorisant le dynamisme de la consommation (+ 1,6 % en moyenne sur l'année après + 0,6 % en 2014).

(8) ... et de l'investissement des entreprises...

En outre, l'investissement des entreprises repartirait , devant augmenter de 2,1 % sur un an à la fin 2015, contre 0,3 % fin 2014, et ce notamment du fait de perspectives de demandes interne et externe plus favorables et de l'amélioration du taux de marge grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), aux mesures du Pacte de responsabilité et à la baisse des prix du pétrole.

(9) ... mais un nouveau recul de l'investissement des ménages

À l'inverse, l'investissement des ménages - qui intègre les dépenses d'achat et d'entretien de logement - reculerait sur l'année , pesant sur le secteur de la construction ; à ce titre, une récente étude publiée par la société Euler Hermes a estimé que ce dernier connaîtrait de nouveau un recul de son activité de 1,6 % en 2015, soit une baisse cumulée de 20,4 % depuis 2008 18 ( * ) .

(10) Une stabilisation du taux de chômage

Enfin, l'emploi progresserait de 116 000 postes, toujours porté en grande partie par l'emploi non marchand (+ 55 000 postes), qui intègre les emplois aidés (+ 35 000 postes), même si l'emploi marchand augmenterait de nouveau (+ 41 000 postes après - 63 000 postes en 2014) ; néanmoins, la hausse attendue de l'emploi serait insuffisante pour compenser celle de la population active, conduisant à une stabilisation du taux de chômage à 10,3 % de la population active , contre 10,5 % fin 2014.

(11) Une prévision de croissance de 1 % en 2015 « qui devrait se réaliser »

Dans ces conditions, il ne semble faire guère de doute que la progression du PIB atteindra 1 % en 2015, conformément à la prévision retenue par le Gouvernement , dont le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son dernier avis 19 ( * ) , a considéré qu'elle « devrait se réaliser » ; cette position est confortée par les anticipations de la Commission européenne 20 ( * ) (+ 1,1 %), du Fonds monétaire international 21 ( * ) (+ 1,2 %), de l'OCDE 22 ( * ) (+ 1,0 %), ou encore du Consensus Forecasts d'octobre (+ 1,1 %) (cf. infra ). En effet, alors que l'activité maintient une tendance haussière, l'acquis de croissance 23 ( * ) s'élevait d'ores et déjà à 0,8 à la fin du deuxième trimestre de cette année.

Si l'« alignement des astres » concernant les taux d'intérêt, le taux de change de l'euro et les prix du pétrole a permis à l'économie française de montrer des signes de vigueur au cours de l'année 2015, il convient de ne pas négliger les faiblesses de cette dernière . En effet, celle-ci ne paraît pas disposer, à ce jour, des « ressorts » nécessaires à une croissance dynamique à moyen et long termes, ce que laisse entrevoir le redémarrage plus lent de l'activité en France comparativement à ses partenaires européens.

2. Des perspectives 2016 assombries par la montée des risques

L'amélioration du contexte économique au cours de l'année 2015 pourrait continuer à favoriser la reprise de la croissance en 2016 . Aussi le Gouvernement anticipe-t-il une croissance du PIB de 1,5 % en 2016 (cf. tableau ci-après). Cette prévision, si elle n'est plus jugée « prudente » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), comme elle l'avait été en avril 24 ( * ) , n'en est pas moins désormais considérée comme « atteignable » par celui-ci dans son dernier avis 25 ( * ) .

Cependant, la montée des risques économiques au cours des derniers mois pourrait, si ceux-ci venaient à se réaliser, perturber le rebond de l'activité française en 2016 et, de ce fait, compromettre l'atteinte des objectifs budgétaires du Gouvernement.

Tableau n° 4 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique 2014-2019

(évolution en %, sauf mention contraire)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PIB

0,2

1,0

1,5

1,5

1 ¾

1,9

Déflateur de PIB

0,6

1,0

1,0

1,3

1,7

1,7

Indice des prix à la consommation hors tabac

0,4

0,1

1,0

1,4

1 ¾

Masse salariale privée

1,4

1,7

2,8

3,1

3,7

3,8

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 3,3

- 3,4

- 3,4

- 3,4

- 3,1

- 2,6

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016

a) Des facteurs favorables à la reprise toujours présents en 2016

Le scénario retenu par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances repose sur l'idée que les facteurs favorables à la reprise économique continueront à jouer en 2016 .

(1) Un redressement économique de la zone euro qui se confirme

Ce scénario prévoit, tout d'abord, une amélioration du contexte international . Ainsi, le redressement économique de la zone euro se confirmerait , toujours grâce à la faiblesse du taux de change de l'euro et des taux d'intérêt, favorisée par le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) évoqué précédemment, de même que par le ralentissement de la consolidation des finances publiques dans les États européens. En particulier, certains pays de la zone euro pourraient afficher en 2016, selon le Consensus Forecasts d'octobre, des hausses significatives de leur PIB, à l'instar de l'Espagne (+ 2,6 %) ou encore de l'Irlande (+ 3,8 %) ; l'Italie, quant à elle, verrait son activité repartir progressivement, avec une croissance de 1,3 %, alors qu'interviendrait, dans le cadre de la « révolution fiscale » annoncée par le président du Conseil Matteo Renzi, une baisse de la fiscalité de 45 milliards d'euros au cours des trois prochaines années.

Dans ces conditions, le Gouvernement prévoit une croissance de 1,8 % dans la zone euro en 2016 ; cette prévision est proche de celles de la Commission européenne 26 ( * ) (+ 1,8 %) et du Consensus Forecasts (+ 1,7 %), mais légèrement supérieure aux anticipations du FMI 27 ( * ) et de l'OCDE 28 ( * ) (+ 1,6 %). Il convient, malgré tout, de garder à l'esprit les possibles incidences négatives du scandale « Volkswagen » sur l'activité en Allemagne, qui reste le premier partenaire commercial de la France ; en effet, la confiance des investisseurs allemands concernant les perspectives de l'économie allemande montre, depuis quelques semaines, des signes de faiblesse 29 ( * ) .

(2) La croissance soutenue mais fragile des pays anglo-saxons

En outre, le scénario gouvernemental escompte une croissance soutenue dans les pays anglo-saxons et une accélération graduelle de l'activité au Japon . En effet, en dépit d'un ralentissement inattendu de leurs économies en début d'année 2015, les États-Unis et le Royaume-Uni devraient jouir de taux de croissance relativement élevés, de respectivement 2,6 % et 2,5 % en 2015, puis de 2,8 % et 2,2 % en 2016, à en croire les récentes prévisions publiées par le FMI 30 ( * ) , qui tiennent notamment compte de la hausse probable des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine et de la Banque d'Angleterre dans les mois à venir. Toutefois, il convient de ne pas négliger les fragilités que montre actuellement l'économie américaine .

Les créations d'emplois hors agriculture ont marqué le pas aux États-Unis au cours des mois d'août et de septembre 2015, celles-ci s'élevant respectivement à 136 000 et à 142 000 31 ( * ) , soit des niveaux bien inférieurs aux anticipations. Les causes de ce phénomène seraient à rechercher du côté du ralentissement de la production industrielle , qui a affiché une baisse de 0,2 % en septembre, attribuée principalement par les entreprises interrogées en vue de l'établissement du « Livre beige » de la Réserve fédérale d'octobre 32 ( * ) au taux de change élevé du dollar et, dans une moindre mesure, au ralentissement de l'économie chinoise . Par ailleurs, l'indice des directeurs d'achat, dit « indice PMI », du secteur manufacturier, qui reflète la confiance des responsables des achats de ce secteur, s'est approché en septembre dernier du seuil de 50, en deçà duquel une contraction de l'activité est généralement observée 33 ( * ) - à l'inverse de l'indice des directeurs d'achat du secteur non-manufacturier qui demeure robuste. Or, un ralentissement de l'activité manufacturière est susceptible d'avoir des effets d'entraînement et de se diffuser à l'ensemble de l'économie - même si cette dernière est fortement tertiaire.

(3) Une accélération modérée de l'activité au Japon

Le Japon, quant à lui, verrait sa croissance accélérer de 0,6 % en 2015 à 1 % à 2016 , selon le Gouvernement - qui partage les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) 34 ( * ) . Cependant, dans un contexte marqué par le freinage de l'économie de la Chine - qui représente 18,3 % des exportations du pays -, les indicateurs de climat des affaires tendent à se dégrader depuis quelques semaines, ce qui a conduit le Consensus Forecasts à dégrader, en octobre, sa prévision de croissance pour 2016 de 1,5 % à 1,3 % - celle-ci restant malgré tout supérieure à celle retenue par le Gouvernement et le FMI. À cet égard, le dernier rapport économique mensuel du gouvernement japonais fait apparaître un fléchissement de la production industrielle 35 ( * ) . Quoi qu'il en soit, les capacités de rebond du Japon demeurent limitées, le Fonds monétaire international anticipant une hausse du PIB de 0,7 % en 2020 , du fait de la faiblesse de la croissance potentielle nippone - estimée à 0,75 % en 2014 36 ( * ) -, liée au recul de la population active.

(4) Un redémarrage des économies émergentes à confirmer

Le scénario économique établi dans le cadre du projet de loi de finances prévoit un redressement des principales économies émergentes, après le ralentissement observé en 2015 . À ce titre, le rapport économique, social et financier (RESF) indique que les « économies émergentes accélèreraient légèrement en 2016, avec une situation moins défavorable au Brésil (bien que toujours en recul) ainsi qu'en Russie faisant plus que compenser la poursuite du ralentissement économique chinois ».

Engagée il y a quelques années, la décélération de l'économie de la Chine devrait encore s'accentuer, le Fonds monétaire international anticipant une progression du PIB chinois de 6,8 % en 2015 et de 6,3 % en 2016 37 ( * ) - contre une moyenne supérieure à 9 % entre 1996 et 2007. Toutefois, cette évolution étant essentiellement liée à un rééquilibrage de la croissance - en faveur, notamment, de la demande intérieure -, l'activité chinoise à moyen terme resterait dynamique, le FMI prévoyant une hausse de la production de 6,3 % en 2020. Néanmoins, la situation de la Chine et des autres pays émergents est devenue plus incertaine, ces derniers ayant accumulé de nombreux déséquilibres, notamment financiers, au cours des dernières années . Aussi, comme le souligne un récent rapport du Fonds monétaire international 38 ( * ) , ces pays sont-ils dorénavant plus vulnérables à une hausse des taux d'intérêt, à une appréciation du dollar, ou encore à un accroissement de l'aversion des acteurs économiques au risque (cf. infra ).

(5) Un commerce mondial en profonde mutation

En raison de l'amélioration du contexte international, le scénario établi par le Gouvernement table sur une nette accélération de la demande étrangère adressée à la France, de 3,7 % en 2015 puis 5,2 % en 2016 . Néanmoins, cette prévision a été critiquée par le Haut Conseil des finances publiques dès lors qu'« elle repose sur une hypothèse relativement optimiste de redémarrage des importations des pays émergents, alors que rien n'indique, à cet horizon, que leurs difficultés (ralentissement de la Chine et récession en Russie et au Brésil, entre autres) se seront estompées ». Si les incidences d'une moindre progression du commerce mondial pourraient être atténuées par la composition géographique des exportations françaises - comme cela a été le cas au cours du premier semestre 2015 -, il n'en demeure pas moins que le Fonds monétaire international a abaissé sa prévision de croissance du commerce mondial à 4,1 % 39 ( * ) , contre 4,4 % en juillet dernier 40 ( * ) .

De manière plus structurelle, il ne saurait être exclu que la progression du commerce mondial soit désormais moins dynamique que par le passé . Aussi la perspective d'un retour à moyen terme d'une demande mondiale augmentant à un rythme identique à celui observé avant la crise économique, soit de 6,8 % par an en moyenne entre 1997 et 2006 selon le FMI 41 ( * ) , comme semble l'anticiper le Gouvernement, paraît-elle compromise.

En effet, de récentes études économiques ont mis en évidence le fait que la décélération des échanges commerciaux internationaux au cours des dernières années n'était pas seulement due à l'atonie de l'activité, mais également à une transformation de la structure du commerce mondial 42 ( * ),43 ( * ) . Alors que durant les années 1990, l'accélération des échanges était liée à une fragmentation accrue du commerce international en raison d'une plus grande division des chaînes de production entre les pays 44 ( * ) , ce processus semble être arrivé à maturité, notamment dans un pays comme la Chine, ce que révèle le recul du poids des composants importés dans les exportations totales chinoises de 60 % au milieu des années 1990 à 35 % aujourd'hui 45 ( * ) . Par suite, la moindre vigueur du processus de fragmentation des chaînes de production devrait réduire les perspectives de croissance du commerce mondial dans les années à venir ; pour autant, celui-ci semble conserver un certain dynamisme en Europe, en particulier du fait de l'installation d'unités de production dans les États d'Europe centrale et orientale, et pourrait gagner de nouvelles zones géographiques comme l'Afrique et l'Amérique du Sud 46 ( * ) .

(6) La consommation des ménages, principal moteur de la croissance

Au niveau domestique, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi estime qu'en 2016, « la consommation des ménages serait le principal moteur de la croissance ». Cette prévision paraît cohérente avec l'accélération du pouvoir d'achat des ménages débutée en 2014 et poursuivie en 2015 , les salaires nominaux continuant à évoluer légèrement plus vite que l'inflation, ainsi qu'avec le redémarrage de l'emploi marchand (cf. supra ). Ainsi, la consommation des ménages progresserait avec le pouvoir d'achat de ces derniers, soit de 1,5 % en 2016 après 1,7 % en 2015, selon le Consensus Forecasts d'octobre, qui retient des anticipations légèrement inférieures à celles du Gouvernement (1,8 % en 2015, puis 1,7 % en 2016).

Le RESF précise qu'« en 2016, les ménages bénéficieraient également d'un ralentissement des prélèvements obligatoires. En particulier, la baisse de l'impôt sur le revenu de 2 Md€, prévue pour 2016, viendrait soutenir leur pouvoir d'achat » ; néanmoins, des développements ultérieurs montrent qu'une telle affirmation doit être relativisée, la charge fiscale des ménages n'étant que stabilisée en 2016, ces derniers supportant en outre une part croissante des prélèvements obligatoires .

Quoi qu'il en soit, la consommation des ménages serait également soutenue par une baisse du taux d'épargne , qui s'établirait à 14,8 % en 2015 et à 14,5 % en 2016, selon le Gouvernement, contre 15,1 % en 2014. L'hypothèse d'un recul du taux d'épargne paraît aujourd'hui plausible. En effet, en septembre 2015, après cinq mois de stabilité, l'indicateur de confiance des ménages de l'Insee a atteint son niveau le plus élevé depuis octobre 2007 47 ( * ) . Or, le renforcement de la confiance des ménages est de nature à favoriser une baisse de l'épargne de précaution, en particulier dans un contexte de probable diminution du chômage.

(7) Une accélération des créations d'emplois marchands

Après la stabilisation du taux de chômage qui devrait intervenir en 2015 (cf. supra ), le Gouvernement anticipe une forte progression de l'emploi salarié marchand en 2016, 100 000 emplois devant être créés en moyenne annuelle . Il estime que cette évolution serait portée par l'accélération de l'activité et la baisse des coûts du travail résultant de la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité, qui serait à l'origine d'un enrichissement de la croissance en emplois ; à cet égard, le rapport économique, social et financier (RESF) évalue à 120 000 les emplois créés grâce à ces dispositifs, ce qui signifie qu'en leur absence près de 20 000 emplois marchands auraient été détruits en 2016.

Environ 30 000 emplois dans le secteur non marchand seraient par ailleurs créés , en lien avec la fin de la montée en charge des contrats aidés, portant à 130 000 le nombre total d'emplois créés en moyenne annuelle en 2016 .

Dans ces conditions, le taux de chômage devrait engager une décrue au cours de l'année 2016, dès lors que les créations d'emplois seraient supérieures à la progression de la population active , celle-ci ayant marqué un net ralentissement au cours des dernières années, sa hausse étant estimée à 107 000 personnes en 2015 par l'Insee 48 ( * ) , contre un accroissement de 180 000 personnes en 2014. Aussi le Fonds monétaire international (FMI) anticipe-t-il un repli du taux de chômage en France à 9,9 % en 2016 49 ( * ) , après 10,2 % en 2015 ; le Consensus Forecasts d'octobre, quant à lui, prévoit un taux de chômage de 9,8 % en 2016.

(8) Un rebond de l'investissement des entreprises

L'exercice 2016 serait également marqué par un rebond de l'investissement des entreprises . Il serait favorisé par des perspectives de demandes interne et externe plus clémentes, mais aussi par une amélioration significative du taux de marge à compter de 2015. Ainsi, le taux de marge des sociétés non financières (SNF) est passé de 29,5 % en 2014 - son niveau le plus faible depuis 1985 50 ( * ) - à 31,1 % au premier trimestre de 2015 51 ( * ) , soit une hausse de 1,6 point , comme le montre le graphique ci-après.

Cette consolidation du taux de marge en 2015 serait essentiellement liée à la baisse des coûts d'approvisionnement en énergie et à la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité ; à ces facteurs vient également s'ajouter la modération des salaires qui s'ajustent avec retard à la faiblesse passée de l'inflation , ce qui permet une progression de ces derniers à un rythme proche de la productivité du travail - conduisant, en 2015, à une stabilisation du coût salarial unitaire.

Graphique n° 5 : Évolution du taux de marge des sociétés non financières
(1970-2014)

(en % de la valeur ajoutée ; dernier point : premier trimestre 2015)

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Bien que le taux de marge des sociétés non financières demeure à un niveau inférieur à celui observé avant le déclenchement de la crise - celui-ci s'élevant à 32,6 % en moyenne entre 1997 et 2006 -, sa hausse devrait stimuler un redémarrage de l'investissement , en particulier dans un contexte caractérisé par la modération des taux d'intérêt, liée à la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE) (cf. supra ), qui participe à la réduction des coûts de financement . Selon le Gouvernement, le taux de marge progresserait de nouveau en 2016, de 0,4 point. Aussi le scénario gouvernemental anticipe-t-il une croissance de l'investissement des entreprises de 1,3 % en 2015 et de 3,7 % en 2016 . Les récentes prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 52 ( * ) prévoient, quant à elles, un rebond plus franc de l'investissement, de 1,5 % en 2015 et de 4 % en 2016 ; moins optimiste, le Consensus Forecasts d'octobre entrevoit une hausse de celui-ci de 0,8 % en 2015 et de 2,3 % en 2016.

(9) Un retour de l'investissement des ménages favorable à la construction

Enfin, le scénario retenu par le Gouvernement prévoit un redressement de l'investissement des ménages . À ce titre, le rapport économique, social et financier (RESF) indique qu'« après un nouveau recul en 2015 (- 4,2 % après - 5,3 % en 2014), l'investissement des ménages progresserait enfin en 2016 (+ 1,6 %) ». Une telle évolution favoriserait un rebond du secteur de la construction , dont les faibles performances continuent à ce jour, comme cela a été souligné précédemment, de peser sur l'économie française.

Pour autant , l'étude précitée de la société Euler Hermes 53 ( * ) laisse à penser que la reprise du secteur de la construction pourrait être plus modérée qu'anticipé . Ainsi, Euler Hermes anticipe une augmentation de l'activité limitée à 0,7 % en 2016, après une contraction de 1,6 % en 2015. Si les mises en chantier poursuivraient leur déclin tout au long de l'année 2015, la stabilisation des permis de construire à 347 000 depuis avril dernier laisse présager un redressement de celles-ci courant 2016. En 2016, l'activité du secteur serait portée par la construction résidentielle, qui progresserait de 0,9 % , les achats de logements étant encouragés par l'accroissement régulier de la population, la baisse des prix de l'immobilier, mais aussi par la faiblesse des taux d'intérêt. En outre, l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages profiterait au segment des travaux d'entretien et d'amélioration , qui bénéficierait également du prolongement du crédit d'impôt transition énergétique (CITE). De même, au cours de l'année à venir, la construction non-résidentielle augmenterait de 1,3 % .

Graphique n° 6 : Évolution de l'activité du secteur de la construction
par grands métiers

(en milliards d'euros)

Source : Euler Hermes (2015)

Le segment des travaux publics, lui, ne semble pas être en voie de rétablissement, comme le prévoit pourtant le scénario gouvernemental . En effet, celui-ci reculerait encore de 0,5 % en 2016, le plan de soutien d'un milliard d'euros à l'investissement des collectivités territoriales annoncé par le Gouvernement, qui s'étalera sur plusieurs années, ne permettant pas de compenser les effets induits par la réduction des dotations de l'État sur les dépenses locales de formation brute de capital fixe (FBCF) (cf. infra ).

(10) Une croissance de l'activité de 1,5 % jugée « atteignable »

Au total, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,5 % en 2016 . Une telle hypothèse semble confortée par les prévisions de la Commission européenne (+ 1,4 %), du Fonds monétaire international (FMI) (+ 1,5 %), de l'OCDE (+ 1,4 %) et du Consensus Forecasts d'octobre (+ 1,5 %), comme le fait apparaître le tableau ci-après. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), quant à lui, considère dans son avis de septembre 54 ( * ) que « l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de "prudente" » ; toutefois, il estime que, « soutenue par la demande interne et européenne, elle demeure atteignable ». En effet, le HCFP insiste, à juste titre, sur « l'accroissement des incertitudes depuis l'été », liées en particulier à la forte volatilité des marchés financiers et aux effets d'une normalisation de la politique monétaire américaine. Aussi les développements qui suivent s'attachent à proposer une « radiographie » des risques économiques entourant l'exercice 2016.

Tableau n° 7 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour la France de la Commission européenne, du FMI, de l'OCDE et du Consensus Forecasts

(évolution en %)

2015

2016

2017

2020

Commission européenne (1)

PIB

1,1

1,4

1,7

Prix à la consommation

0,1

0,9

1,3

FMI (2)

PIB

1,2

1,5

1,9

Prix à la consommation

0,1

1,0

1,7

OCDE (3)

PIB

1,0

1,4

Prix à la consommation

Consensus Forecasts (4)

PIB

1,1

1,5

Prix à la consommation

0,1

1,0

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , nov. 2015.

(2) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.

(3) OCDE, OECD Interim Economic Outlook. Puzzle and uncertainties , 16 septembre 2015.

(3) Consensus Forecats , octobre 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

b) Une « radiographie » des risques économiques associés à l'année 2016

Certaines incertitudes affectant les perspectives de l'année 2016 ont d'ores et déjà été mises en évidence , qui concernent notamment le dynamisme à court et moyen termes du commerce international, la croissance de l'activité aux États-Unis et, dans une moindre mesure, de l'Allemagne. Toutefois, les principaux risques économiques semblent découler de la vulnérabilité actuelle des pays émergents , dans un contexte marqué par le ralentissement chinois et une volatilité accrue des marchés financiers, qui pourrait les exposer à d'importantes perturbations lorsqu'interviendra la hausse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine.

(1) Un fort ralentissement des économies émergentes

Les économies émergentes ont montré des signes de ralentissement au cours de l'année 2015 , en particulier celles appartenant aux « BRICS » 55 ( * ) . À l'exception de l'Inde, dont l'activité demeure dynamique, tous les « BRICS » ont vu leur croissance décélérer, voire se contracter dans le cas du Brésil et de la Russie (cf. tableau ci-après). En outre, selon les prévisions du Fonds monétaire international 56 ( * ) , ce phénomène devrait, dans une certaine mesure, se poursuivre en 2016 .

Tableau n° 8 : Évolution du PIB dans les « BRICS »

(évolution en %)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

Brésil

7,6

3,9

1,8

2,7

0,1

- 3,0

- 1,0

Russie

4,5

4,3

3,4

1,3

0,6

- 3,8

- 0,6

Inde

10,3

6,6

5,1

6,9

7,3

7,3

7,5

Chine

10,6

9,5

7,7

7,7

7,3

6,8

6,3

Afrique du Sud

3,0

3,2

2,2

2,2

1,5

1,4

1,3

(p) : prévision

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Fonds monétaire international, 2015)

Les causes de ce ralentissement sont multiples et peuvent être spécifiques aux pays concernés , à l'instar de la Russie dont l'activité subit les conséquences du conflit en Ukraine et des sanctions commerciales appliquées par l'Union européenne. De même, le Brésil mène actuellement une politique budgétaire fortement restrictive ayant des effets récessifs, qui vise à rétablir l'équilibre de ses finances publiques ; le pays devrait, en effet, afficher un déficit public de 9 % du PIB en 2015 et de 6 % en 2016 - pour une dette publique qui s'élevait à 65,7 % du PIB en août -, selon les prévisions établies par l'agence de notation Fitch, qui a abaissé la note du pays à BBB- le 15 octobre dernier 57 ( * ) , soit à un cran de la catégorie spéculative dans laquelle l'agence Standard & Poor's (S&P) l'a déjà relégué en septembre 2015.

Pour autant, les économies russe et brésilienne, comme celles des autres pays émergents, ont également à souffrir de la baisse des prix des matières premières , dont ils sont d'importants exportateurs, intimement liée au ralentissement de l'économie en Chine qui réduit le niveau de ses importations. Si un tel ralentissement est cohérent avec les mesures prises par les autorités dans le cadre du programme de réformes économiques engagé, qui tendent à « rééquilibrer » le modèle de croissance chinois afin de le faire davantage reposer sur la demande intérieure, l'économie du pays affiche un « essoufflement » plus important qu'anticipé .

Ainsi, les données publiées par le Bureau national des statistiques (BNS) de Chine font apparaître une croissance annuelle de 6,9 % au troisième trimestre 2015 58 ( * ) , soit son niveau le plus bas depuis octobre 2009 . Le BNS a indiqué que « durant les trois premiers trimestres de l'année 2015, la reprise de l'économie mondiale ayant été plus faible qu'anticipé, la Chine [avait] dû faire face à une pression croissante sur son développement économique domestique » 59 ( * ) . À cet égard, si les ventes de détail ont été légèrement plus dynamiques que prévu au cours du troisième trimestre, la production industrielle ou encore l'investissement ont décéléré.

Dans ce contexte de moindres performances économiques, la modification inattendue du régime de change de la monnaie chinoise à l'été dernier a provoqué de fortes inquiétudes sur les marchés financiers , et ce d'autant plus que d'importants déséquilibres sont apparus au cours des derniers mois au sein des Bourses chinoises (cf. encadré ci-après).

Dans l'hypothèse où le ralentissement de l'économie chinoise viendrait à s'accentuer, il en résulterait, bien entendu, un recul des importations de la Chine, mais aussi des pays exportateurs de matières premières, affectés par la baisse du prix et des volumes exportés . Toutefois, les conséquences d'une telle évolution pour la zone euro et les États-Unis sont ambiguës, comme l'a récemment mis en évidence Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis 60 ( * ) . En effet, en premier lieu, aussi bien les États-Unis que la zone euro bénéficient de la diminution des prix des matières premières, notamment énergétiques ; néanmoins, aux États-Unis, cette diminution a aussi pour effet de nuire au secteur énergétique américain, expliquant que celle-ci soit plus profitable à la zone euro. En second lieu, l'effet défavorable du recul des exportations vers les économies émergentes, les pays de l'OPEP, le Canada ou encore l'Australie, est plus prononcé dans la zone euro qu'aux États-Unis , le poids des exportations vers ces derniers dans le PIB de la zone euro étant plus élevé.

Aussi, le ralentissement des économies émergentes ne devrait pas remettre en cause, a priori , le régime de croissance des pays européens et des États-Unis. En réalité, le principal motif d'inquiétude provient de ce que la situation de la Chine a fait apparaître une plus grande fébrilité des marchés financiers, dont la volatilité fait courir le risque d'une crise qui pourrait s'étendre aux pays avancés - en particulier dans un contexte marqué par le développement, au cours des dernières années, d'importants déséquilibres financiers dans les pays émergents.

L'évolution du régime de change chinois : entre perturbations
conjoncturelles et mutations structurelles

Le 11 août 2015, la Banque populaire de Chine (PBOC) a annoncé une modification du mode de fixation du taux de change du renminbi (RMB) . Ainsi, dans un communiqué publié le même jour, la banque centrale chinoise a indiqué : « De manière à renforcer l'influence du marché sur le cours pivot et le statut de référence de ce dernier, la PBOC a décidé d'améliorer la fixation du cours pivot du renminbi contre le dollar américain » 61 ( * ) . Afin de fixer le taux de change « pivot » quotidien renminbi contre dollar, la PBOC a précisé qu'elle tiendrait dorénavant compte du taux effectif observé la veille à la clôture du marché, ainsi que de « l'état de l'offre et de la demande sur le marché des changes et [du] mouvement du taux de change des principales devises » 62 ( * ) . Avant cela, le cours pivot était arrêté de manière discrétionnaire par la banque centrale, les transactions devant se dérouler dans le cadre d'une bande de fluctuation de #177; 2 %. Dès le 23 juillet 2015, le gouvernement chinois avait annoncé que cette bande de fluctuation serait élargie à #177; 3 %.

La décision de la PBOC, intervenue sans communication préalable, a provoqué une dévaluation significative de la devise chinoise face au dollar au cours des jours qui ont suivi, ainsi qu'une accélération des sorties de capitaux de Chine . Toutefois, les mesures prises par la banque centrale - qui comprenaient des interventions sur le marché des changes pour défendre le renminbi 63 ( * ) et la mise en place de mesures règlementaires de contrôle des capitaux - ont permis de limiter le recul de la devise chinoise par rapport au dollar à environ 3 %. Surtout, la brusque modification du mode de fixation du taux de change du renminbi a été à l'origine d'importantes tensions sur les marchés financiers .

En effet, les marchés financiers internationaux ont vu dans la décision de Banque populaire de Chine une réaction face à l'inquiétude suscitée par le ralentissement de l'économie chinoise et les déséquilibres apparus sur les marchés boursiers du pays 64 ( * ) .

Dans ces conditions, l'anxiété a gagné les acteurs financiers et l'indice composite de la Bourse de Shanghai a reculé de près de 25 % entre le 17 et le 26 août 2015, date à laquelle l'indice a atteint son point le plus bas . Les autres places asiatiques ont, elles-aussi, été entraînées dans la chute, de même que les Bourses occidentales, d'aucuns qualifiant de « lundi noir » la journée du 24 août qui a vu le CAC 40 reculer de 5,35 %, le DAX allemand de 4,70 %, le FTSE-100 britannique de 4,67 %, ou encore le Dow Jones de 3,55 %.

Si la tempête paraît aujourd'hui passée, la crise financière chinoise n'en a pas moins laissé des traces profondes. Tout d'abord, elle est à l'origine d'une intensification de la volatilité des marchés financiers , accroissant ainsi l'instabilité potentielle de ces derniers. Cette évolution a été encouragée par la saillance accrue des risques inhérents au ralentissement de l'économie de la Chine, dont les effets se font sentir sur ses partenaires commerciaux, en particulier sur les pays exportateurs de matières premières, qui s'est accompagnée d'une moindre liquidité des marchés (cf. infra ). Les autres pays émergents en sont également ressortis fragilisés ; présentant déjà, pour la plupart, des faiblesses économiques internes, ces derniers font dorénavant l'objet d'une méfiance accrue de la part des investisseurs, et ce d'autant plus dans la perspective d'une remontée prochaine des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine , qui pourrait contribuer à accélérer les sorties de capitaux depuis les pays émergents.

Aussi la situation chinoise exerce-t-elle, de toute évidence, une influence déterminante sur la politique monétaire menée par les principales banques centrales . À cet égard, celle-ci paraît avoir fortement contribué au report, par la Réserve fédérale américaine, de la hausse de ses taux directeurs, la Chine étant mentionnée à plusieurs reprises dans les minutes de la réunion du Comité fédéral de l'open market (FOMC) des 16-17 septembre 2015 65 ( * ) . Celle-ci figure aussi en bonne place dans les comptes rendus des récentes réunions des organes monétaires de la Banque d'Angleterre 66 ( * ) et de la Banque centrale européenne (BCE) 67 ( * ) .

En dépit de ses incidences conjoncturelles, il semblerait que la modification du mode de fixation du taux de change de la monnaie chinoise réponde essentiellement à des causes plus structurelles . S'il apparaît que le renminbi s'est significativement apprécié vis-à-vis du dollar, du yen et de l'euro au cours des dernières années, la principale motivation des autorités ne paraît pas résider dans la recherche d'un accroissement de la compétitivité-prix des entreprises chinoises à l'exportation. La volonté d'internationaliser la monnaie chinoise a sans doute eu davantage de poids dans cette décision .

Ainsi, la Banque populaire de Chine aurait cherché à signaler à ses partenaires une meilleure prise en compte des mouvements sur le marché dans la fixation du taux de change, et ce afin d'obtenir l'inclusion du renminbi au panier de monnaies du droit de tirage spécial (DTS) - aujourd'hui composé du dollar, de l'euro, du yen et de la livre sterling -, l'unité de compte du Fonds monétaire international (FMI) . En effet, la Chine doit encore apporter la preuve du caractère « librement utilisable » 68 ( * ) de sa monnaie pour voir cette dernière entrer dans le panier du DTS ; or la décision de modifier le mode de fixation du taux de change du renminbi est intervenue alors que doit s'achever la revue du FMI sur la composition du panier 69 ( * ) .

Dès lors, la décision de la PBOC du mois d'août dernier ne serait qu'une étape dans le processus de libéralisation du secteur financier chinois . Ce processus s'inscrit dans le cadre du programme de réformes économiques approuvé par le Parti communiste chinois (PCC) le 12 novembre 2013. Celui-ci vise, notamment, à développer et libéraliser progressivement les marchés financiers intérieurs , de manière à accorder au marché un rôle accru dans la détermination des taux d'intérêt et la distribution du crédit. De même, la période récente a vu se multiplier les instruments financiers négociés sur les marchés chinois , à l'instar des obligations 70 ( * ) ou encore des produits dérivés. Par ailleurs, les autorités s'attachent à simplifier les règles applicables aux investissements étrangers sur le territoire chinois .

Quoi qu'il en soit, les mesures prises afin de faciliter l'usage de la monnaie chinoise pour des paiements hors de Chine semblent porter leurs fruits ; ainsi, en août dernier, le renminbi s'est hissé au quatrième rang du classement des monnaies les plus utilisées pour les paiements internationaux réalisés par l'intermédiaire du système SWIFT, comptabilisant 2,79 % des opérations contre 2,76 % pour la monnaie japonaise 71 ( * ) . En outre, en mars 2015, la Chine a annoncé la mise en place de son propre système de règlements des échanges internationaux, le « China International Payment System » (CIPS).

(2) Une forte vulnérabilité financière des économies émergentes...

Dans son dernier rapport sur la stabilité financière dans le monde 72 ( * ) , le Fonds monétaire international (FMI) a mis en évidence le fort accroissement de l'endettement privé dans les pays émergents . Ainsi la dette des sociétés non financières (SNF) serait-elle passée, dans ces derniers, de 4 000 milliards de dollars en 2004 à 18 000 milliards de dollars en 2014. La part de la dette des entreprises dans le PIB a progressé, en moyenne, de 26 points au cours de cette période dans les économies émergentes, les situations étant toutefois contrastées selon les pays.

Cette évolution serait essentiellement liée à la faiblesse des taux d'intérêt dans les économies avancées résultant des politiques monétaires accommodantes qui y ont été mises en oeuvre à compter du déclenchement de la crise. Selon les travaux cités par le FMI 73 ( * ),74 ( * ) , les politiques monétaires des pays avancés auraient encouragé la hausse de l'endettement du secteur privé des économies émergentes par le biais de trois canaux. Tout d'abord, de telles politiques auraient imposé aux banques centrales des pays émergents de réduire leurs propres taux d'intérêt afin de limiter une appréciation de leur taux de change , venant à leur tour renforcer l'offre de liquidités. Ensuite, les achats massifs de titres obligataires permis par l'abondance des liquidités ont conduit à réduire le rendement de ces derniers - et, par conséquent, les coûts de financement des emprunteurs - non seulement dans les pays avancés, mais aussi dans les économies émergentes , en raison du souci de diversification des investisseurs et de la recherche de rendements plus élevés 75 ( * ) . Enfin, le recul des taux d'intérêt dans les économies avancées a eu pour effet de réduire le service des dettes restant à payer libellées en devises étrangères dues par les entreprises des pays émergents - venant ainsi relever la capacité d'endettement de ces dernières. La hausse de l'endettement des entreprises des économies émergentes s'est, par ailleurs, accompagnée d' un accroissement du montant des dettes libellées en devises étrangères .

Aussi, l'importance de la dette des entreprises associée à un risque de change accru rend les pays émergents plus vulnérables à une hausse des taux d'intérêt, une appréciation du dollar ou encore un accroissement de l'aversion mondiale au risque . D'une part, les entreprises ayant le plus emprunté verront les coûts du service de leur dette croître lorsque les taux d'intérêt commenceront à augmenter dans certains pays avancés. D'autre part, une hausse des taux d'intérêt dans les pays avancés devrait conduire à une appréciation de la monnaie de ces derniers, rendant plus difficile le remboursement des dettes des entreprises des économies émergentes libellées en monnaies étrangères - à supposer qu'elles ne soient pas couvertes contre le risque de change.

Dès lors, la hausse annoncée des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine, mais aussi de la Banque d'Angleterre, pourrait avoir des effets critiques pour les pays émergents , confrontés au risque de voir se multiplier les défauts d'entreprises lourdement endettées , notamment en monnaies étrangères ; de même, ils pourraient subir des sorties massives de capitaux , motivées par les craintes suscitées par leurs fragilités financières ou, plus simplement, en raison de l'attrait accru pour des investissements aux États-Unis dont le rendement serait relevé pour un risque associé moindre.

(3) ... dans un contexte de volatilité élevée des marchés financiers

Force est de constater que la situation des pays émergents, et notamment de la Chine, suscite une grande nervosité des acteurs financiers . Ceci signifie que tout évènement concernant les économies émergentes est susceptible de provoquer une réaction brutale des marchés financiers - comme l'ont montré les effets produits par la modification du régime de change chinois à l'été dernier (cf. supra ).

À la suite de cet épisode, la volatilité des marchés, qui désigne l'ampleur de la variation du cours des actifs, s'est fortement accrue . Les principaux indices de volatilité associés aux marchés hongkongais (HSI Volatility Index), américains (VIX), français (CAC 40 Volatility Index), ou encore allemands (VDAX) ont atteint des niveaux élevés à la fin du mois d'août dernier, puis sont restés tendus au cours des semaines suivantes, pour ne retourner progressivement vers leur rythme de croisière qu'à compter du mois d'octobre 76 ( * ) .

Cette accalmie ne semble pas être sans rapport avec le report de la hausse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine , décidé lors de la réunion de son organe monétaire des 16-17 septembre 2015, dont les minutes ont été publiées le 8 octobre 77 ( * ) ; d'ailleurs, comme cela a déjà été indiqué, la situation chinoise paraît avoir eu une influence non négligeable sur cette décision (cf. supra ). Par conséquent, un relèvement des taux avant la fin de l'année pourrait être synonyme d'un retour de la volatilité des marchés financiers et s'accompagner également d'importantes sorties de capitaux des pays émergents .

Le lien étroit qui unit actuellement la situation des économies émergentes à l'évolution des taux d'intérêt américains est illustré par la sensibilité des taux de change de leurs monnaies aux annonces de la Réserve fédérale. Ainsi l'indice Bloomberg suivant les variations des 20 principales devises émergentes s'est-il redressé à partir de la mi-septembre. De même, à la suite de la décision de la Réserve fédérale de reporter la hausse de ses taux, les sorties de capitaux des pays émergents ont décéléré ; à cet égard, « si les investisseurs internationaux ont retiré quelque 62,8 milliards de dollars des fonds investis dans les actifs émergents au total depuis le début de l'année, les sorties nettes ont ralenti au cours de la semaine achevée [le 7 octobre] à un rythme de 639 millions de dollars pour les fonds obligataires et de 600 millions, soit leur plus faible niveau depuis juillet, pour les fonds actions » 78 ( * ) .

Quoi qu'il en soit, les incidences d'un retour de la volatilité des marchés financiers pourraient être renforcées par un recul de la liquidité 79 ( * ) de ces derniers . Le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) rappelle que « quand la liquidité baisse nettement, les prix deviennent moins signifiants et tendent à réagir de façon excessive, conduisant à une volatilité accrue », et précise que, « dans des conditions extrêmes, les marchés peuvent se bloquer complètement, avec des répercussions systémiques » 80 ( * ) . Or, ce même rapport met en évidence l'accentuation des fragilités sous-jacentes de la liquidité des marchés , qui aurait été masquée par le goût accru du risque chez les investisseurs et la faiblesse des taux d'intérêt. En effet, de récentes évolutions sont susceptibles de réduire cette liquidité . En particulier, les banques ont minoré leurs stocks d'actifs et seraient moins disposées à assumer des risques , en particulier dans un contexte de renforcement des exigences prudentielles. Par ailleurs, les politiques d'achat d'actifs menées par les banques centrales des pays avancés ont eu des effets ambigus sur la liquidité des marchés . Si la perspective de trouver dans les banques centrales des acheteurs probables pour les titres détenus a pu rassurer les investisseurs et, par suite, accroître la liquidité des marchés, la réduction du nombre des actifs disponibles aurait eu un effet inverse, d'autant qu'elle aurait par ailleurs incité les acteurs à rechercher des titres présentant des rendements plus élevés mais une moindre liquidité.

En conclusion, la période de transition qui suivra la normalisation de la politique monétaire américaine, qui devrait intervenir soit à la fin de l'année 2015 soit au début de l'année 2016, sera particulièrement délicate . Dans son rapport de juin 2015 sur les perspectives économiques mondiales 81 ( * ) , la Banque mondiale a estimé que le processus de hausse des taux d'intérêt américains , s'il aura pour conséquence d'accroître le coût des emprunts des pays émergents, devrait se dérouler de manière ordonnée du fait de la reprise américaine et de la persistance des politiques monétaires accommodantes dans les autres pays avancés - en particulier dans la zone euro et au Japon. Pour autant, la Banque mondiale n'écarte aucunement les risques associés à cette évolution.

À ce titre, le Fonds monétaire international 82 ( * ) (FMI) a établi trois scénarii afin d'appréhender les résultats possibles d'une normalisation des conditions monétaires et financières . Le premier, qui constitue le scénario de référence du Fonds, se caractérise par la poursuite d'un redressement conjoncturel, mais avec de faibles perspectives de croissance à moyen terme dans les pays avancés et les économies émergentes. Le deuxième scénario, optimiste, postule une normalisation réussie des conditions financières et des politiques monétaires, dans le cadre d'une reprise soutenue. Le troisième scénario, enfin, défavorable, se caractérise par un épisode de turbulence des marchés mondiaux.

Selon ce scénario défavorable, le durcissement des conditions financières, qui interviendrait à la suite de chocs négatifs survenant dans un contexte marqué par les déséquilibres accumulés par les pays avancés et les pays émergents ainsi que par une faible liquidité des marchés, ferait caler la reprise cyclique et nuirait à la confiance dans les perspectives de croissance à moyen terme . Le ralentissement de l'activité pèserait sur les bilans des États et des acteurs privés surendettés, aggravant le risque de crédit. Les pays émergents seraient, quant à eux, exposés à une hausse des primes de risque et à des sorties de capitaux massives. Les taux de faillites progresseraient, notamment en Chine, accroissant les tensions au sein du système financier, dont les effets se feraient ressentir sur la croissance. En outre, cet enchaînement conduirait à une réapparition des risques pour les dettes souveraines, en particulier dans les pays vulnérables d'Europe. Au total, la production globale pourrait être de 2,4 % en deçà du niveau du scénario de référence à l'horizon 2017 .

Pour cette raison, afin de parvenir à la réalisation d'un scénario plus favorable, le Fonds monétaire international (FMI) a formulé plusieurs recommandations de nature à favoriser une normalisation réussie des conditions financières et monétaires. Tout d'abord, la Réserve fédérale devrait continuer d'assurer une communication claire et cohérente , permettant une « absorption douce » de la hausse des taux d'intérêt américains. Ensuite, dans la zone euro, l'architecture financière de la monnaie unique devrait être renforcée et des solutions apportées pour réduire le montant des prêts non performants dans le secteur bancaire qui grèvent l'offre de crédit. Par ailleurs, un rééquilibrage et un désendettement progressif devraient être engagés en Chine , ce qui requiert l'engagement de réformes de libéralisation et la consolidation du système financier domestique. De manière plus générale, les autorités des pays émergents devraient renforcer leurs outils prudentiels et de surveillance, notamment afin d'éviter un endettement excessif des agents privés . En outre, des mesures devraient être prises pour prévenir un tarissement de la liquidité des marchés . Enfin, une attention toute particulière devrait être apportée à la bonne santé des banques et des institutions d'épargne à long terme . Le Fonds monétaire international estime que la mise en oeuvre de telles mesures permettrait de relever la production globale de 0,4 % par rapport au scénario de référence.


* 1 Insee, « En septembre 2015, la baisse du prix du pétrole marque le pas », Informations Rapides , n° 253, 15 octobre 2015.

* 2 Banque centrale européenne, The euro area bank lending survey. Third quarter of 2015 , octobre 2015.

* 3 Toutefois, les banques ont indiqué un durcissement des critères d'octroi des prêts au logement accordés aux ménages.

* 4 Communiqué de presse de la Banque centrale européenne du 22 janvier 2015.

* 5 Rapport général n° 108 (2014-2015), tome I, sur le projet de loi de finances pour 2015 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 17-18.

* 6 Insee, « La demande reste bien orientée, l'activité progresse par à-coups », Point de conjoncture , octobre 2015.

* 7 Ibid. , p. 3.

* 8 Ibid. , p. 3.

* 9 Ifo, Insee et Istat, « Recovery driven by domestic demand », Eurozone economic outlook , 6 octobre 2015.

* 10 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015, p. 5.

* 11 Coe-Rexecode, « Baisse des prix du pétrole : un impact non négligeable sur l'économie française en 2015 », À noter , 3 septembre 2015.

* 12 Le 15 octobre 2015, le prix du baril de Brent était de 42,8 euros.

* 13 Banque de France, « Crédit aux entreprises (encours - France). Août 2015 », Stat Info , 7 octobre 2015.

* 14 Banque de France, « Crédit aux particuliers. Août 2015 », Stat Info , 2 octobre 2015.

* 15 L'indicateur de climat des affaires est calculé par l'Insee sur la base d'enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise des principaux secteurs d'activité. Il s'agit d'un indicateur d'un intérêt tout particulier dès lors qu'il apparaît que les indicateurs de climats des affaires sont assez fortement corrélés aux grandeurs macroéconomiques, et notamment à l'évolution du PIB.

* 16 Insee, « Stabilité du PIB au deuxième trimestre 2015 », Informations rapides , n° 195, 14 août 2015.

* 17 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015.

* 18 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.

* 19 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016.

* 20 Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , novembre 2015.

* 21 Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.

* 22 OCDE, OECD Interim Economic Outlook. Puzzle and uncertainties , 16 septembre 2015.

* 23 L'acquis de croissance du PIB pour l'année en cours correspond au taux de croissance annuel qui serait observé si le PIB restait, jusqu'à la fin de l'année considérée, stable à son dernier niveau trimestriel observé.

* 24 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01 du 13 avril 2015 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

* 25 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 26 Commission européenne, op. cit. , novembre 2015.

* 27 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 28 OCDE, op. cit. , 16 septembre 2015.

* 29 L'indice ZEW, qui constitue un indicateur de mesure des anticipations des analystes et investisseurs institutionnels sur l'évolution de l'économie allemande, est retombé en octobre à 1,9, son plus bas niveau depuis octobre 2014, contre 12,1 en septembre 2015 et 25 en août.

* 30 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 31 U.S. Departement of Labor, Employment Situation News Release , 2 octobre 2015.

* 32 Réserve fédérale, Summary of Commentary on Current Economic Conditions , octobre 2015.

* 33 En septembre 2015, l'indice des directeurs d'achat du secteur manufacturier s'élevait à 53,1.

* 34 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 35 Bureau du Cabinet du gouvernement japonais, Monthly Economic Report , octobre 2015.

* 36 Fonds monétaire international, OECD Economic Surveys. Japan , Paris, Éditions OCDE, 2015.

* 37 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 38 Fonds monétaire international, Global Financial Stability Report. Vulnerabilities, Legacies, and Policy Challenges: Risks Rotating to Emerging Markets , 5 octobre 2015.

* 39 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 40 Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Update , juillet 2015.

* 41 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015

* 42 C. Constantinescu, A. Mattoo et M. Ruta, « Slow Trade », Finance and Development , vol. 51, n° 4, 2014, p. 39-41.

* 43 S. Jean, « Le ralentissement du commerce mondial annonce un changement de tendance », La lettre du CEPII , n° 356, 2015.

* 44 H. Escaith, N. Lindenberg et S. Miroudot, « International Supply Chains and Trade Elasticity in Ties of Global Crisis », WTO Staff Working Paper ERSD-2010-08, 2010.

* 45 C. Constantinescu, A. Mattoo et M. Ruta, op. cit.

* 46 Ibid.

* 47 Insee, « En septembre 2015, la confiance des ménages atteint son plus haut niveau depuis octobre 2007 », Informations Rapides , n° 237, septembre 2015.

* 48 Insee, Note de conjoncture , juin 2015.

* 49 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 50 Les conséquences économiques de la faiblesse du taux de marge des entreprises ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans l'exposé général du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 de fin d'année (cf. rapport n° 159 (2014-2015) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 13-31).

* 51 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015.

* 52 Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « France : un retour sur désinvestissement. Perspectives 2015-2017 pour l'économie française », Résumé des prévisions, 15 octobre 2015.

* 53 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.

* 54 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 55 L'acronyme anglais « BRICS » désigne le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Quatre de ces pays figurent parmi les dix premières puissances économiques mondiales, soit la Chine, le Brésil, l'Inde et la Russie. L'Afrique du Sud, quant à elle, constitue la principale économie du continent africain.

* 56 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 57 Fitch Ratings, Fitch Downgrades Brazil to «BBB-«; Outlook Negative , 15 octobre 2015.

* 58 Bureau national des statistiques de Chine, Overall Economic Development was Stable in the First Three Quarters of 2015 , 19 octobre 2015.

* 59 Ibid. [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 60 P. Artus, « Le ralentissement économique des émergents et de la Chine est-il surtout défavorable aux États-Unis ou à la zone euro ? », Flash Économie , n° 708, septembre 2015.

* 61 Communiqué de la Banque populaire de Chine du 11 août 2015, « The PBC Announcement on Improving Quotation of the Central Parity of RMB against US Dollar » [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 62 Ibid .

* 63 Dans ce cadre, la Banque populaire de Chine a mobilisé ses réserves de change afin d'acheter du renminbi sur le marché des changes et, ainsi, limiter la dévaluation de la monnaie chinoise ; aussi les réserves de change de la BPOC ont-elles baissé de 93,9 milliards de dollars en août dernier et de 43,3 milliards de dollars en septembre. À la fin du mois de septembre, les réserves de change chinoises s'élevaient à 3 514 milliards de dollars. Par suite, les réserves de la Chine sont encore loin d'être épuisées, préservant la capacité d'intervention de la banque centrale, même si le Fonds monétaire international (FMI) a estimé, eu égard à la taille de l'économie chinoise, qu'il lui fallait conserver un matelas minimal de 2 600 milliards de dollars.

* 64 Entre mai 2014 et juin 2015, les indices composites des Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont progressé respectivement de 157 % et 206 %, portés par l'afflux massif de l'épargne des ménages chinois. Cette évolution a été encouragée par les autorités chinoises, qui souhaitaient un report de l'épargne du marché immobilier, marqué par un fort ralentissement, vers les marchés boursiers afin de stimuler la consommation des ménages par le biais d'un « effet de richesse ». Toutefois, dès la fin du mois de juin 2015, les valeurs des Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont engagé un fort recul, qui a été vu comme le début d'une correction de la surévaluation des titres côtés sur ces marchés.

* 65 Réserve fédérale des États-Unis, Minutes of the Federal Open Market Committee. September 16-17, 2015 , 8 octobre 2015.

* 66 Banque d'Angleterre, Monetary policy summary and minutes of the Monetary Policy Committee meeting on 6 October 2015 , 8 octobre 2015.

* 67 Banque centrale européenne, Account of the monetary policy meeting of the Governing Council of the European Central Bank, held in Frankfurt am Main on Wednesday and Thursday, 2-3 septembre 2015 , 8 octobre 2015.

* 68 L'article XXX des Statuts du Fonds monétaire international indique que, « par monnaie librement utilisable, il faut entendre la monnaie d'un État membre dont le Fonds décide qu'elle est i) en fait, largement utilisée pour régler des transactions internationales, et ii) couramment négociée sur les principaux marchés des changes ».

* 69 Alors que la Chine souhaitait voir sa monnaie intégrer le panier du droit de tirage spécial (DTS) à l'automne 2015, qui correspond à l'échéance normale de la revue de la composition du panier, un récent rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié au début du mois d'août dernier, a proposé de reporter à septembre 2016 l'examen de l'éventuelle extension du panier de DTS, afin de permettre aux autorités chinoises de mieux se conformer au critère de « libre utilisation » de leur monnaie. Il ne saurait être exclu que la décision de la Banque populaire de Chine de modifier le mode de fixation du taux de change du renminbi visait à répondre aux observations formulées dans le rapport précité (cf. Fonds monétaire international, Review of the Method of the Valuation of the SDR--Initial Considerations , 3 août 2015).

* 70 En particulier, la Banque populaire de Chine autorise désormais des émissions d'obligations libellées en yuans et vendues en Chine continentale, appelées obligations « panda » ( panda bonds ), par des sociétés et des banques étrangères. Le montant de ces obligations en circulation reste cependant limité, celui-ci étant estimé à 7,6 milliards de yuans en septembre 2015.

* 71 SWIFT, « Renminbi's stellar ascension: Are you on top of it? », Sibos 2015 Edition RMB Traker , 2015.

* 72 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015.

* 73 J. Caruana, « International Monetary Policy Interactions: Challenges and Prospects ». Intervention à la Conférence CEMLA-SEACEM, Punta del Este, Uruguay, 16 novembre 2012.

* 74 D. He et R. McCauley, « Transmitting Global Liquidity to East Asia: Policy Rates, Bond Yields, Currencies and Dollar Credit », BIS Working Paper 431, 2013.

* 75 À cet égard, les analyses du Fonds monétaire international (FMI) tendent à montrer un recul du rôle relatif des facteurs propres aux entreprises et aux pays dans les emprunts et les émissions obligataires dans les économies émergentes, les facteurs mondiaux semblant avoir acquis une importance prépondérante. Ainsi, en dépit de bilans plus faibles, les entreprises des pays émergents sont parvenues à emprunter et émettre des obligations à des conditions plus favorables.

* 76 À titre d'exemple, l'indice de volatilité des marchés américains VIX, qui figure parmi les plus anciens et les plus suivis, a renoué en août dernier avec ses niveaux de crises, dépassant 40, et atteignant même 53 au cours de la séance du 24 août, puis s'est maintenu par la suite à un niveau supérieur à son rythme de croisière (#177; 15), qu'il n'a rejoint qu'à la mi-octobre.

* 77 Réserve fédérale des États-Unis, op. cit. , 8 octobre 2015.

* 78 P. Aussannaire, « La Fed offre un répit aux marchés émergents », L'AGEFI Quotidien - Édition de 7 H , 13 octobre 2015.

* 79 La liquidité d'un marché financier désigne la capacité pour les agents à pouvoir y réaliser des transactions aux prix courants, sans délais ni coûts de transaction notables.

* 80 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015, p. 50 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 81 Banque mondiale, Global Economic Prospects. The Global Economy in Transition , juin 2015.

* 82 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015.

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