Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général .

TOME I

LE BUDGET DE 2016

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

Le présent rapport a été examiné par la commission des finances du Sénat le mercredi 4 novembre 2015, avant les attaques terroristes survenues à Paris le vendredi 13 novembre 2015 et les annonces faites par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le lundi 16 novembre 2015, dont certaines auront une incidence sur le projet de loi de finances pour 2016.

PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2016 DANS LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

I. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE DE L'EXERCICE 2016

Le contexte économique de l'exercice 2016 se caractérise par un retour progressif de la croissance économique , l'activité devant progresser, selon les prévisions gouvernementales, de 1,5 % au cours de l'année à venir, contre 1 % en 2015. Si de telles anticipations semblent, à ce jour, plausibles, les évènements des dernières semaines, en particulier les perturbations financières apparues en Chine durant l'été, ont assombri les perspectives de croissance au niveau international .

En effet, de nouveaux risques se sont fait jour, qui concernent particulièrement la stabilité financière des pays émergents . Alors que devrait intervenir à court terme une « normalisation » de la politique monétaire américaine, une remontée des taux d'intérêt par la Réserve fédérale pourrait, potentiellement, venir déséquilibrer un peu plus la situation économique et financière des pays émergents, qui connaissent déjà une décélération de leurs économies.

Aussi l'environnement économique mondial pourrait-il se révéler moins favorable que prévu et affecter le rebond de la croissance française . Les développements qui suivent s'attachent donc, entre autres, à proposer une « radiographie » des risques inhérents au contexte économique actuel ; en effet, une dégradation des conditions économiques pourrait perturber la trajectoire des finances publiques proposée par le Gouvernement et compromettre le respect des recommandations de l'Union européenne , qui repose essentiellement sur une amélioration du déficit nominal - par définition tributaire de la conjoncture économique.

Par ailleurs, l'atteinte des objectifs budgétaires pourrait se trouver contrainte par une inflation moins dynamique qu'anticipé - celle-ci ayant une incidence sur les recettes de même que sur le montant des économies réalisées (cf. infra ) -, ce qui ne saurait être exclu dans un contexte caractérisé par la persistance de la faiblesse des prix des matières premières. Par suite, la hausse des prix en 2016 pourrait être inférieure à l'hypothèse d'inflation retenue par le Gouvernement , de 1 % après 0,1 % en 2015.

A. UN RETOUR DE LA CROISSANCE PAVÉ D'INCERTITUDES

Bénéficiant d'un environnement conjoncturel plus favorable, l'économie française a engagé un rebond au cours de l'année 2015. Si la France semble retirer un moindre profit de la reprise que ses partenaires européens, les prévisions réalisées à ce jour, tant par les organisations internationales que par les instituts de conjoncture, anticipent une croissance proche de 1,5 % en 2016 - soit l'hypothèse retenue par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Pour autant, le contexte économique tend à devenir plus incertain, en raison de l'affirmation de nouveaux risques liés, en particulier, à la situation économique et financière des pays émergents .

1. L'activité économique a bénéficié de vents favorables en 2015
a) Un rebond de l'activité économique dans la zone euro

Différents facteurs favorables ont concouru au rebond de l'activité économique dans la zone euro en 2015, parmi lesquels figurent notamment le recul des prix du pétrole , mais également la faiblesse des taux d'intérêt et du taux de change de l'euro , favorisée par la politique monétaire actuellement menée par la Banque centrale européenne.

(1) Un fort recul des prix du pétrole

Tout d'abord, l'année en cours a été marquée par un fort recul des prix du pétrole et des matières premières . Ainsi, en septembre 2015, le prix du pétrole s'établissait à 42,1 euros en moyenne par baril de Brent, en baisse de 44,2 % par rapport à son niveau de septembre 2014, soit 75,5 euros 1 ( * ) . Dans un contexte marqué par le ralentissement de l'économie chinoise (cf. infra ), cette tendance baissière a aussi concerné les autres matières premières, à l'instar des métaux. Par suite, la facture des importations de matières premières des pays européens s'en est trouvée réduite , accroissant tout à la fois le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises.

(2) Une politique monétaire active de la Banque centrale européenne

En outre, le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) (cf. encadré ci-après), engagé en janvier dernier, a favorisé la baisse des taux d'intérêt au cours des derniers mois . Cette baisse a, en premier lieu, permis de réduire le coût de l'accès au financement des entreprises et des ménages, soutenant ainsi l'investissement et la consommation. À cet égard, l'enquête trimestrielle publiée par la BCE le 20 octobre dernier 2 ( * ) a mis en évidence un accroissement de la part des banques déclarant avoir assoupli leurs conditions de financement pour les entreprises au cours du troisième trimestre 2015 3 ( * ) ; concernant le programme étendu d'achats d'actifs, les établissements sondés assurent que celui-ci a amélioré leur situation de liquidité ainsi que leurs conditions de financement et indiquent, par ailleurs, que la liquidité supplémentaire apportée par le programme est utilisée pour accorder des prêts. Ces résultats tendent à montrer que les effets du programme étendu d'achats de titres continuent à se diffuser dans l'économie réelle .

La politique menée par la BCE a également eu pour conséquence de contribuer au recul du taux de change de l'euro . À titre d'illustration, le taux de change euro contre dollar a reculé de près de 13 % entre septembre 2014 et septembre 2015, passant de 1,29 à 1,12 dollar pour un euro. Cette baisse de la monnaie européenne, en réduisant le prix des produits proposés par les entreprises de la zone euro à l'export, a permis de renforcer la compétitivité de ces dernières et, partant, les exportations .

Le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne

Au début de l'année 2015, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un programme étendu d'achats d'actifs, prévoyant des rachats mensuels cumulés de titres des secteurs public et privé à hauteur de 60 milliards d'euros « jusqu'en septembre 2016 et en tout cas jusqu'à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l'évolution de l'inflation conforme à son objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme » 4 ( * ) .

Englobant le programme d'achat de titres adossés à des actifs ( asset-backed securities , ABS) et le programme d'achat d'obligations sécurisées ( covered bonds ), tous deux lancés fin 2014 5 ( * ) , le dispositif comporte également un programme d'achats de titres du secteur public ( public sector purchase programme , PSPP), dont les opérations ont débuté en mars de cette année.

Le PSPP couvre les instruments de dette négociable émis par les administrations centrales de la zone euro, par certaines agences établies dans la zone euro ou par certaines institutions internationales ou supranationales, à l'instar des banques multilatérales de développement. Les achats de titres du secteur public représentent l'essentiel des acquisitions réalisées par la BCE dans le cadre de son programme étendu ; à titre d'exemple, sur 63 milliards de titres acquis en septembre dernier, 51 milliards d'euros correspondaient à des emprunts publics, 10,1 milliards d'euros à des obligations sécurisées ( covered bonds ) et 1,9 milliard d'euros à des titres adossés à des actifs (ABS).

(3) Un rebond du crédit aux entreprises dans la zone euro

Ainsi que le relève l'Insee dans son dernier Point de conjoncture , publié en octobre dernier 6 ( * ) , pour la première fois depuis trois ans, les encours de crédit aux entreprises de la zone euro ont progressé à l'été 2015 , cette reprise du crédit s'étant accompagnée d' une croissance soutenue de l'investissement productif au cours de l'année, en particulier en Espagne (+ 9,6 %) et en Italie (+ 8,0 %).

(4) Des exportations de la zone euro résilientes

De même, le Point de conjoncture de l'Insee précité précise que « les échanges intra-européens sont demeurés dynamiques et la baisse de l'euro a permis des gains de parts de marché » 7 ( * ) . Aussi, sur l'ensemble de l'année 2015, les exportations accélèreraient (+ 4,8 % après + 3,9 % en 2014), et ce en dépit du ralentissement du commerce mondial.

(5) Un ralentissement de la consolidation budgétaire en Europe

Enfin, les efforts de redressement des comptes publics consentis au cours des dernières années , qui ont permis à six États membres de sortir de la procédure pour déficit excessif du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) en 2014, puis à deux nouveaux en 2015 - seuls neuf pays, dont la France, étant toujours concernés par la procédure -, autorisent un ralentissement de la consolidation budgétaire dans l'Union européenne, et notamment dans la zone euro, profitant à l'activité .

(6) Une hypothèse de croissance de 1,5 % dans la zone euro crédible

Au total, la croissance devrait atteindre 1,5 % dans la zone euro en 2015 , selon le Gouvernement ; cette hypothèse est confortée par l'Insee, qui prévoit une hausse du PIB de 1,6 % tout en jugeant, par ailleurs, que « d'ici fin 2015, la zone euro résisterait encore aux turbulences provenant des économies émergentes » 8 ( * ) , prévision partagée par l'organisme de statistique italien (Istat) et l'institut allemand Ifo 9 ( * ) , ainsi que par le Consensus Forecasts d'octobre qui anticipe une progression de l'activité de 1,5 %.

b) Un redémarrage de l'activité moins prononcé en France

Pour autant, la France connaîtrait une progression de son activité moins rapide que ses partenaires de la zone euro, et ce comme l'an passé . En effet, selon l'Insee, la croissance française s'élèverait à 1,1 % en 2015 (contre 0,2 % en 2014). L'institut de statistiques précise que ce moindre dynamisme s'expliquerait « essentiellement du fait du recul de l'investissement en construction » 10 ( * ) .

(1) Une forte baisse de la facture pétrolière

En tout état de cause, l'économie française bénéficierait des facteurs favorables mentionnés précédemment. Ainsi, à en croire une récente note de Coe-Rexecode 11 ( * ) , la baisse des prix du pétrole pourrait avoir pour effet de réduire la facture pétrolière de 16 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année - à supposer que le cours du Brent demeure proche de son niveau moyen d'août 2015, soit 44,5 euros par baril 12 ( * ) . Selon ce centre de recherche, ce recul de la facture pétrolière correspondrait à un surcroît de revenu disponible brut (RDB) des ménages de 6,2 milliards d'euros et à un supplément de consommation de 5,3 milliards d'euros - pour un taux d'épargne des ménages de 15 %. En outre, les marges des sociétés non financières seraient accrues d'environ 7 milliards d'euros .

(2) Une politique monétaire propice au financement de l'économie

De même, la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE) contribue à la bonne tenue du financement de l'économie française . Selon les statistiques publiées par la Banque de France, à la fin du mois d'août 2015, l'encours du crédit aux entreprises atteignait 703,2 milliards d'euros, en augmentation de 2,9 % sur un an 13 ( * ) ; cette progression a concerné toutes les catégories d'entreprises, soit les petites et moyennes entreprises (PME) (+ 2,6 %), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) (+ 3,4 %) et les grandes entreprises (+ 2,9 %). À la même date, l'encours du crédit aux particuliers affichait une hausse annuelle de 3,5 % et s'élevait à 1 037 milliards d'euros 14 ( * ) .

(3) Une faiblesse du taux de change favorable aux exportations

Comme les autres entreprises de la zone euro, les sociétés françaises ont également profité de la faiblesse du taux de change de l'euro , contribuant à ce que les exportations de la France demeurent dynamiques au premier semestre, en dépit de la décélération du commerce mondial - celles-ci ont progressé de 1,7 % au deuxième trimestre de cette année, après 1,3 % lors du trimestre précédent ; les exportations françaises ont aussi été portées par le niveau exceptionnel des livraisons de matériels aéronautiques et navals.

(4) Un recul des faillites d'entreprises

L'amélioration de l'environnement conjoncturel s'est accompagnée d'un recul significatif des faillites d'entreprises . Les données récemment publiées par Altares font apparaître que les défaillances d'entreprises sont repassées, au troisième trimestre de cette année, en deçà du seuil des 13 000, les tribunaux ayant prononcé 12 501 ouvertures de procédures collectives au cours de cette période, un nombre en baisse de 4,8 % par rapport au troisième trimestre 2014.

(5) Une nette amélioration du climat des affaires

Par ailleurs, le climat des affaires s'est consolidé lors des derniers mois . Ainsi, l'indicateur de climat des affaires 15 ( * ) de l'Insee a regagné sa moyenne de long terme - soit 100 -, s'établissant à 100,8 en octobre contre 91,7 en octobre 2014, comme le montre le graphique ci-après. L'indicateur de climat des affaires est bien orienté dans la majorité des secteurs économiques , dont l'industrie (102,7), les services (99,9) et le commerce de détail (110,4), à l'exception du bâtiment (89,6).

Graphique n° 1 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Toutefois, l'indicateur de retournement de l'Insee, qui vise à détecter les moments où la conjoncture change d'orientation, est retombé de 0,6 à 0,3 entre les mois de juillet et octobre (cf. graphique ci-après), ce qui n'est pas sans lien avec l'apparition de nouveaux risques inhérents au ralentissement des économies émergentes, dont la saillance a été renforcée par les perturbations financières qui ont touché la Chine cet été (cf. infra ).

Cet indicateur, également construit sur la base des enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise, retrace à chaque date la différence entre la probabilité que la phase conjoncturelle soit favorable et la probabilité qu'elle soit défavorable. Il évolue entre + 1 et - 1, un point proche de + 1 signalant que l'activité est en période d'accélération, alors qu'à l'inverse, un point proche de - 1 signale que l'activité est en nette décélération. Un indicateur proche de 0 correspond généralement à une période de stabilisation.

Par suite, la récente dégradation de l'indicateur de retournement, même si elle ne saurait inquiéter dans la mesure où elle est limitée et où ce dernier demeure supérieur à 0, révèle le risque que le ralentissement économique des pays émergents représente pour le climat des affaires français et, donc, pour la confiance des entreprises .

Graphique n° 2 : Évolution de l'indicateur de retournement de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

(6) Un arrêt temporaire de la croissance au deuxième trimestre

Quoi qu'il en soit, l e PIB a nettement rebondi au premier trimestre de l'année (+ 0,7 %) , porté notamment par l'accélération de la consommation des ménages, avant de « caler » au deuxième (+ 0,0 %) .

Cette interruption de la croissance s'expliquerait essentiellement par le ralentissement des dépenses de consommation des ménages - par contrecoup sur les dépenses de chauffage - et de l'investissement, ainsi que par la baisse des stocks de matériels de transport et de produits pétroliers raffinés 16 ( * ) (cf. graphique ci-après).

Graphique n° 3 : Produit intérieur brut (PIB) et ses composantes

(en %)

Source : Insee (août 2015)

(7) Un redémarrage de la consommation des ménages...

Malgré cette décélération de l'activité, l'Insee estime que « le PIB conserverait au second semestre 2015 un rythme comparable à celui du premier semestre (+ 0,2 % au troisième trimestre puis + 0,4 % au quatrième trimestre) ». L'institut de statistiques considère en effet, dans son Point de conjoncture d'octobre 17 ( * ) , que le pouvoir d'achat des ménages continuerait d'accélérer en 2015 , favorisant le dynamisme de la consommation (+ 1,6 % en moyenne sur l'année après + 0,6 % en 2014).

(8) ... et de l'investissement des entreprises...

En outre, l'investissement des entreprises repartirait , devant augmenter de 2,1 % sur un an à la fin 2015, contre 0,3 % fin 2014, et ce notamment du fait de perspectives de demandes interne et externe plus favorables et de l'amélioration du taux de marge grâce au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), aux mesures du Pacte de responsabilité et à la baisse des prix du pétrole.

(9) ... mais un nouveau recul de l'investissement des ménages

À l'inverse, l'investissement des ménages - qui intègre les dépenses d'achat et d'entretien de logement - reculerait sur l'année , pesant sur le secteur de la construction ; à ce titre, une récente étude publiée par la société Euler Hermes a estimé que ce dernier connaîtrait de nouveau un recul de son activité de 1,6 % en 2015, soit une baisse cumulée de 20,4 % depuis 2008 18 ( * ) .

(10) Une stabilisation du taux de chômage

Enfin, l'emploi progresserait de 116 000 postes, toujours porté en grande partie par l'emploi non marchand (+ 55 000 postes), qui intègre les emplois aidés (+ 35 000 postes), même si l'emploi marchand augmenterait de nouveau (+ 41 000 postes après - 63 000 postes en 2014) ; néanmoins, la hausse attendue de l'emploi serait insuffisante pour compenser celle de la population active, conduisant à une stabilisation du taux de chômage à 10,3 % de la population active , contre 10,5 % fin 2014.

(11) Une prévision de croissance de 1 % en 2015 « qui devrait se réaliser »

Dans ces conditions, il ne semble faire guère de doute que la progression du PIB atteindra 1 % en 2015, conformément à la prévision retenue par le Gouvernement , dont le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son dernier avis 19 ( * ) , a considéré qu'elle « devrait se réaliser » ; cette position est confortée par les anticipations de la Commission européenne 20 ( * ) (+ 1,1 %), du Fonds monétaire international 21 ( * ) (+ 1,2 %), de l'OCDE 22 ( * ) (+ 1,0 %), ou encore du Consensus Forecasts d'octobre (+ 1,1 %) (cf. infra ). En effet, alors que l'activité maintient une tendance haussière, l'acquis de croissance 23 ( * ) s'élevait d'ores et déjà à 0,8 à la fin du deuxième trimestre de cette année.

Si l'« alignement des astres » concernant les taux d'intérêt, le taux de change de l'euro et les prix du pétrole a permis à l'économie française de montrer des signes de vigueur au cours de l'année 2015, il convient de ne pas négliger les faiblesses de cette dernière . En effet, celle-ci ne paraît pas disposer, à ce jour, des « ressorts » nécessaires à une croissance dynamique à moyen et long termes, ce que laisse entrevoir le redémarrage plus lent de l'activité en France comparativement à ses partenaires européens.

2. Des perspectives 2016 assombries par la montée des risques

L'amélioration du contexte économique au cours de l'année 2015 pourrait continuer à favoriser la reprise de la croissance en 2016 . Aussi le Gouvernement anticipe-t-il une croissance du PIB de 1,5 % en 2016 (cf. tableau ci-après). Cette prévision, si elle n'est plus jugée « prudente » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), comme elle l'avait été en avril 24 ( * ) , n'en est pas moins désormais considérée comme « atteignable » par celui-ci dans son dernier avis 25 ( * ) .

Cependant, la montée des risques économiques au cours des derniers mois pourrait, si ceux-ci venaient à se réaliser, perturber le rebond de l'activité française en 2016 et, de ce fait, compromettre l'atteinte des objectifs budgétaires du Gouvernement.

Tableau n° 4 : Principales hypothèses du scénario macroéconomique 2014-2019

(évolution en %, sauf mention contraire)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PIB

0,2

1,0

1,5

1,5

1 ¾

1,9

Déflateur de PIB

0,6

1,0

1,0

1,3

1,7

1,7

Indice des prix à la consommation hors tabac

0,4

0,1

1,0

1,4

1 ¾

Masse salariale privée

1,4

1,7

2,8

3,1

3,7

3,8

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 3,3

- 3,4

- 3,4

- 3,4

- 3,1

- 2,6

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016

a) Des facteurs favorables à la reprise toujours présents en 2016

Le scénario retenu par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances repose sur l'idée que les facteurs favorables à la reprise économique continueront à jouer en 2016 .

(1) Un redressement économique de la zone euro qui se confirme

Ce scénario prévoit, tout d'abord, une amélioration du contexte international . Ainsi, le redressement économique de la zone euro se confirmerait , toujours grâce à la faiblesse du taux de change de l'euro et des taux d'intérêt, favorisée par le programme étendu d'achats d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) évoqué précédemment, de même que par le ralentissement de la consolidation des finances publiques dans les États européens. En particulier, certains pays de la zone euro pourraient afficher en 2016, selon le Consensus Forecasts d'octobre, des hausses significatives de leur PIB, à l'instar de l'Espagne (+ 2,6 %) ou encore de l'Irlande (+ 3,8 %) ; l'Italie, quant à elle, verrait son activité repartir progressivement, avec une croissance de 1,3 %, alors qu'interviendrait, dans le cadre de la « révolution fiscale » annoncée par le président du Conseil Matteo Renzi, une baisse de la fiscalité de 45 milliards d'euros au cours des trois prochaines années.

Dans ces conditions, le Gouvernement prévoit une croissance de 1,8 % dans la zone euro en 2016 ; cette prévision est proche de celles de la Commission européenne 26 ( * ) (+ 1,8 %) et du Consensus Forecasts (+ 1,7 %), mais légèrement supérieure aux anticipations du FMI 27 ( * ) et de l'OCDE 28 ( * ) (+ 1,6 %). Il convient, malgré tout, de garder à l'esprit les possibles incidences négatives du scandale « Volkswagen » sur l'activité en Allemagne, qui reste le premier partenaire commercial de la France ; en effet, la confiance des investisseurs allemands concernant les perspectives de l'économie allemande montre, depuis quelques semaines, des signes de faiblesse 29 ( * ) .

(2) La croissance soutenue mais fragile des pays anglo-saxons

En outre, le scénario gouvernemental escompte une croissance soutenue dans les pays anglo-saxons et une accélération graduelle de l'activité au Japon . En effet, en dépit d'un ralentissement inattendu de leurs économies en début d'année 2015, les États-Unis et le Royaume-Uni devraient jouir de taux de croissance relativement élevés, de respectivement 2,6 % et 2,5 % en 2015, puis de 2,8 % et 2,2 % en 2016, à en croire les récentes prévisions publiées par le FMI 30 ( * ) , qui tiennent notamment compte de la hausse probable des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine et de la Banque d'Angleterre dans les mois à venir. Toutefois, il convient de ne pas négliger les fragilités que montre actuellement l'économie américaine .

Les créations d'emplois hors agriculture ont marqué le pas aux États-Unis au cours des mois d'août et de septembre 2015, celles-ci s'élevant respectivement à 136 000 et à 142 000 31 ( * ) , soit des niveaux bien inférieurs aux anticipations. Les causes de ce phénomène seraient à rechercher du côté du ralentissement de la production industrielle , qui a affiché une baisse de 0,2 % en septembre, attribuée principalement par les entreprises interrogées en vue de l'établissement du « Livre beige » de la Réserve fédérale d'octobre 32 ( * ) au taux de change élevé du dollar et, dans une moindre mesure, au ralentissement de l'économie chinoise . Par ailleurs, l'indice des directeurs d'achat, dit « indice PMI », du secteur manufacturier, qui reflète la confiance des responsables des achats de ce secteur, s'est approché en septembre dernier du seuil de 50, en deçà duquel une contraction de l'activité est généralement observée 33 ( * ) - à l'inverse de l'indice des directeurs d'achat du secteur non-manufacturier qui demeure robuste. Or, un ralentissement de l'activité manufacturière est susceptible d'avoir des effets d'entraînement et de se diffuser à l'ensemble de l'économie - même si cette dernière est fortement tertiaire.

(3) Une accélération modérée de l'activité au Japon

Le Japon, quant à lui, verrait sa croissance accélérer de 0,6 % en 2015 à 1 % à 2016 , selon le Gouvernement - qui partage les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) 34 ( * ) . Cependant, dans un contexte marqué par le freinage de l'économie de la Chine - qui représente 18,3 % des exportations du pays -, les indicateurs de climat des affaires tendent à se dégrader depuis quelques semaines, ce qui a conduit le Consensus Forecasts à dégrader, en octobre, sa prévision de croissance pour 2016 de 1,5 % à 1,3 % - celle-ci restant malgré tout supérieure à celle retenue par le Gouvernement et le FMI. À cet égard, le dernier rapport économique mensuel du gouvernement japonais fait apparaître un fléchissement de la production industrielle 35 ( * ) . Quoi qu'il en soit, les capacités de rebond du Japon demeurent limitées, le Fonds monétaire international anticipant une hausse du PIB de 0,7 % en 2020 , du fait de la faiblesse de la croissance potentielle nippone - estimée à 0,75 % en 2014 36 ( * ) -, liée au recul de la population active.

(4) Un redémarrage des économies émergentes à confirmer

Le scénario économique établi dans le cadre du projet de loi de finances prévoit un redressement des principales économies émergentes, après le ralentissement observé en 2015 . À ce titre, le rapport économique, social et financier (RESF) indique que les « économies émergentes accélèreraient légèrement en 2016, avec une situation moins défavorable au Brésil (bien que toujours en recul) ainsi qu'en Russie faisant plus que compenser la poursuite du ralentissement économique chinois ».

Engagée il y a quelques années, la décélération de l'économie de la Chine devrait encore s'accentuer, le Fonds monétaire international anticipant une progression du PIB chinois de 6,8 % en 2015 et de 6,3 % en 2016 37 ( * ) - contre une moyenne supérieure à 9 % entre 1996 et 2007. Toutefois, cette évolution étant essentiellement liée à un rééquilibrage de la croissance - en faveur, notamment, de la demande intérieure -, l'activité chinoise à moyen terme resterait dynamique, le FMI prévoyant une hausse de la production de 6,3 % en 2020. Néanmoins, la situation de la Chine et des autres pays émergents est devenue plus incertaine, ces derniers ayant accumulé de nombreux déséquilibres, notamment financiers, au cours des dernières années . Aussi, comme le souligne un récent rapport du Fonds monétaire international 38 ( * ) , ces pays sont-ils dorénavant plus vulnérables à une hausse des taux d'intérêt, à une appréciation du dollar, ou encore à un accroissement de l'aversion des acteurs économiques au risque (cf. infra ).

(5) Un commerce mondial en profonde mutation

En raison de l'amélioration du contexte international, le scénario établi par le Gouvernement table sur une nette accélération de la demande étrangère adressée à la France, de 3,7 % en 2015 puis 5,2 % en 2016 . Néanmoins, cette prévision a été critiquée par le Haut Conseil des finances publiques dès lors qu'« elle repose sur une hypothèse relativement optimiste de redémarrage des importations des pays émergents, alors que rien n'indique, à cet horizon, que leurs difficultés (ralentissement de la Chine et récession en Russie et au Brésil, entre autres) se seront estompées ». Si les incidences d'une moindre progression du commerce mondial pourraient être atténuées par la composition géographique des exportations françaises - comme cela a été le cas au cours du premier semestre 2015 -, il n'en demeure pas moins que le Fonds monétaire international a abaissé sa prévision de croissance du commerce mondial à 4,1 % 39 ( * ) , contre 4,4 % en juillet dernier 40 ( * ) .

De manière plus structurelle, il ne saurait être exclu que la progression du commerce mondial soit désormais moins dynamique que par le passé . Aussi la perspective d'un retour à moyen terme d'une demande mondiale augmentant à un rythme identique à celui observé avant la crise économique, soit de 6,8 % par an en moyenne entre 1997 et 2006 selon le FMI 41 ( * ) , comme semble l'anticiper le Gouvernement, paraît-elle compromise.

En effet, de récentes études économiques ont mis en évidence le fait que la décélération des échanges commerciaux internationaux au cours des dernières années n'était pas seulement due à l'atonie de l'activité, mais également à une transformation de la structure du commerce mondial 42 ( * ),43 ( * ) . Alors que durant les années 1990, l'accélération des échanges était liée à une fragmentation accrue du commerce international en raison d'une plus grande division des chaînes de production entre les pays 44 ( * ) , ce processus semble être arrivé à maturité, notamment dans un pays comme la Chine, ce que révèle le recul du poids des composants importés dans les exportations totales chinoises de 60 % au milieu des années 1990 à 35 % aujourd'hui 45 ( * ) . Par suite, la moindre vigueur du processus de fragmentation des chaînes de production devrait réduire les perspectives de croissance du commerce mondial dans les années à venir ; pour autant, celui-ci semble conserver un certain dynamisme en Europe, en particulier du fait de l'installation d'unités de production dans les États d'Europe centrale et orientale, et pourrait gagner de nouvelles zones géographiques comme l'Afrique et l'Amérique du Sud 46 ( * ) .

(6) La consommation des ménages, principal moteur de la croissance

Au niveau domestique, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi estime qu'en 2016, « la consommation des ménages serait le principal moteur de la croissance ». Cette prévision paraît cohérente avec l'accélération du pouvoir d'achat des ménages débutée en 2014 et poursuivie en 2015 , les salaires nominaux continuant à évoluer légèrement plus vite que l'inflation, ainsi qu'avec le redémarrage de l'emploi marchand (cf. supra ). Ainsi, la consommation des ménages progresserait avec le pouvoir d'achat de ces derniers, soit de 1,5 % en 2016 après 1,7 % en 2015, selon le Consensus Forecasts d'octobre, qui retient des anticipations légèrement inférieures à celles du Gouvernement (1,8 % en 2015, puis 1,7 % en 2016).

Le RESF précise qu'« en 2016, les ménages bénéficieraient également d'un ralentissement des prélèvements obligatoires. En particulier, la baisse de l'impôt sur le revenu de 2 Md€, prévue pour 2016, viendrait soutenir leur pouvoir d'achat » ; néanmoins, des développements ultérieurs montrent qu'une telle affirmation doit être relativisée, la charge fiscale des ménages n'étant que stabilisée en 2016, ces derniers supportant en outre une part croissante des prélèvements obligatoires .

Quoi qu'il en soit, la consommation des ménages serait également soutenue par une baisse du taux d'épargne , qui s'établirait à 14,8 % en 2015 et à 14,5 % en 2016, selon le Gouvernement, contre 15,1 % en 2014. L'hypothèse d'un recul du taux d'épargne paraît aujourd'hui plausible. En effet, en septembre 2015, après cinq mois de stabilité, l'indicateur de confiance des ménages de l'Insee a atteint son niveau le plus élevé depuis octobre 2007 47 ( * ) . Or, le renforcement de la confiance des ménages est de nature à favoriser une baisse de l'épargne de précaution, en particulier dans un contexte de probable diminution du chômage.

(7) Une accélération des créations d'emplois marchands

Après la stabilisation du taux de chômage qui devrait intervenir en 2015 (cf. supra ), le Gouvernement anticipe une forte progression de l'emploi salarié marchand en 2016, 100 000 emplois devant être créés en moyenne annuelle . Il estime que cette évolution serait portée par l'accélération de l'activité et la baisse des coûts du travail résultant de la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité, qui serait à l'origine d'un enrichissement de la croissance en emplois ; à cet égard, le rapport économique, social et financier (RESF) évalue à 120 000 les emplois créés grâce à ces dispositifs, ce qui signifie qu'en leur absence près de 20 000 emplois marchands auraient été détruits en 2016.

Environ 30 000 emplois dans le secteur non marchand seraient par ailleurs créés , en lien avec la fin de la montée en charge des contrats aidés, portant à 130 000 le nombre total d'emplois créés en moyenne annuelle en 2016 .

Dans ces conditions, le taux de chômage devrait engager une décrue au cours de l'année 2016, dès lors que les créations d'emplois seraient supérieures à la progression de la population active , celle-ci ayant marqué un net ralentissement au cours des dernières années, sa hausse étant estimée à 107 000 personnes en 2015 par l'Insee 48 ( * ) , contre un accroissement de 180 000 personnes en 2014. Aussi le Fonds monétaire international (FMI) anticipe-t-il un repli du taux de chômage en France à 9,9 % en 2016 49 ( * ) , après 10,2 % en 2015 ; le Consensus Forecasts d'octobre, quant à lui, prévoit un taux de chômage de 9,8 % en 2016.

(8) Un rebond de l'investissement des entreprises

L'exercice 2016 serait également marqué par un rebond de l'investissement des entreprises . Il serait favorisé par des perspectives de demandes interne et externe plus clémentes, mais aussi par une amélioration significative du taux de marge à compter de 2015. Ainsi, le taux de marge des sociétés non financières (SNF) est passé de 29,5 % en 2014 - son niveau le plus faible depuis 1985 50 ( * ) - à 31,1 % au premier trimestre de 2015 51 ( * ) , soit une hausse de 1,6 point , comme le montre le graphique ci-après.

Cette consolidation du taux de marge en 2015 serait essentiellement liée à la baisse des coûts d'approvisionnement en énergie et à la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité ; à ces facteurs vient également s'ajouter la modération des salaires qui s'ajustent avec retard à la faiblesse passée de l'inflation , ce qui permet une progression de ces derniers à un rythme proche de la productivité du travail - conduisant, en 2015, à une stabilisation du coût salarial unitaire.

Graphique n° 5 : Évolution du taux de marge des sociétés non financières
(1970-2014)

(en % de la valeur ajoutée ; dernier point : premier trimestre 2015)

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Bien que le taux de marge des sociétés non financières demeure à un niveau inférieur à celui observé avant le déclenchement de la crise - celui-ci s'élevant à 32,6 % en moyenne entre 1997 et 2006 -, sa hausse devrait stimuler un redémarrage de l'investissement , en particulier dans un contexte caractérisé par la modération des taux d'intérêt, liée à la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE) (cf. supra ), qui participe à la réduction des coûts de financement . Selon le Gouvernement, le taux de marge progresserait de nouveau en 2016, de 0,4 point. Aussi le scénario gouvernemental anticipe-t-il une croissance de l'investissement des entreprises de 1,3 % en 2015 et de 3,7 % en 2016 . Les récentes prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 52 ( * ) prévoient, quant à elles, un rebond plus franc de l'investissement, de 1,5 % en 2015 et de 4 % en 2016 ; moins optimiste, le Consensus Forecasts d'octobre entrevoit une hausse de celui-ci de 0,8 % en 2015 et de 2,3 % en 2016.

(9) Un retour de l'investissement des ménages favorable à la construction

Enfin, le scénario retenu par le Gouvernement prévoit un redressement de l'investissement des ménages . À ce titre, le rapport économique, social et financier (RESF) indique qu'« après un nouveau recul en 2015 (- 4,2 % après - 5,3 % en 2014), l'investissement des ménages progresserait enfin en 2016 (+ 1,6 %) ». Une telle évolution favoriserait un rebond du secteur de la construction , dont les faibles performances continuent à ce jour, comme cela a été souligné précédemment, de peser sur l'économie française.

Pour autant , l'étude précitée de la société Euler Hermes 53 ( * ) laisse à penser que la reprise du secteur de la construction pourrait être plus modérée qu'anticipé . Ainsi, Euler Hermes anticipe une augmentation de l'activité limitée à 0,7 % en 2016, après une contraction de 1,6 % en 2015. Si les mises en chantier poursuivraient leur déclin tout au long de l'année 2015, la stabilisation des permis de construire à 347 000 depuis avril dernier laisse présager un redressement de celles-ci courant 2016. En 2016, l'activité du secteur serait portée par la construction résidentielle, qui progresserait de 0,9 % , les achats de logements étant encouragés par l'accroissement régulier de la population, la baisse des prix de l'immobilier, mais aussi par la faiblesse des taux d'intérêt. En outre, l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages profiterait au segment des travaux d'entretien et d'amélioration , qui bénéficierait également du prolongement du crédit d'impôt transition énergétique (CITE). De même, au cours de l'année à venir, la construction non-résidentielle augmenterait de 1,3 % .

Graphique n° 6 : Évolution de l'activité du secteur de la construction
par grands métiers

(en milliards d'euros)

Source : Euler Hermes (2015)

Le segment des travaux publics, lui, ne semble pas être en voie de rétablissement, comme le prévoit pourtant le scénario gouvernemental . En effet, celui-ci reculerait encore de 0,5 % en 2016, le plan de soutien d'un milliard d'euros à l'investissement des collectivités territoriales annoncé par le Gouvernement, qui s'étalera sur plusieurs années, ne permettant pas de compenser les effets induits par la réduction des dotations de l'État sur les dépenses locales de formation brute de capital fixe (FBCF) (cf. infra ).

(10) Une croissance de l'activité de 1,5 % jugée « atteignable »

Au total, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,5 % en 2016 . Une telle hypothèse semble confortée par les prévisions de la Commission européenne (+ 1,4 %), du Fonds monétaire international (FMI) (+ 1,5 %), de l'OCDE (+ 1,4 %) et du Consensus Forecasts d'octobre (+ 1,5 %), comme le fait apparaître le tableau ci-après. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), quant à lui, considère dans son avis de septembre 54 ( * ) que « l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de "prudente" » ; toutefois, il estime que, « soutenue par la demande interne et européenne, elle demeure atteignable ». En effet, le HCFP insiste, à juste titre, sur « l'accroissement des incertitudes depuis l'été », liées en particulier à la forte volatilité des marchés financiers et aux effets d'une normalisation de la politique monétaire américaine. Aussi les développements qui suivent s'attachent à proposer une « radiographie » des risques économiques entourant l'exercice 2016.

Tableau n° 7 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour la France de la Commission européenne, du FMI, de l'OCDE et du Consensus Forecasts

(évolution en %)

2015

2016

2017

2020

Commission européenne (1)

PIB

1,1

1,4

1,7

Prix à la consommation

0,1

0,9

1,3

FMI (2)

PIB

1,2

1,5

1,9

Prix à la consommation

0,1

1,0

1,7

OCDE (3)

PIB

1,0

1,4

Prix à la consommation

Consensus Forecasts (4)

PIB

1,1

1,5

Prix à la consommation

0,1

1,0

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , nov. 2015.

(2) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.

(3) OCDE, OECD Interim Economic Outlook. Puzzle and uncertainties , 16 septembre 2015.

(3) Consensus Forecats , octobre 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

b) Une « radiographie » des risques économiques associés à l'année 2016

Certaines incertitudes affectant les perspectives de l'année 2016 ont d'ores et déjà été mises en évidence , qui concernent notamment le dynamisme à court et moyen termes du commerce international, la croissance de l'activité aux États-Unis et, dans une moindre mesure, de l'Allemagne. Toutefois, les principaux risques économiques semblent découler de la vulnérabilité actuelle des pays émergents , dans un contexte marqué par le ralentissement chinois et une volatilité accrue des marchés financiers, qui pourrait les exposer à d'importantes perturbations lorsqu'interviendra la hausse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine.

(1) Un fort ralentissement des économies émergentes

Les économies émergentes ont montré des signes de ralentissement au cours de l'année 2015 , en particulier celles appartenant aux « BRICS » 55 ( * ) . À l'exception de l'Inde, dont l'activité demeure dynamique, tous les « BRICS » ont vu leur croissance décélérer, voire se contracter dans le cas du Brésil et de la Russie (cf. tableau ci-après). En outre, selon les prévisions du Fonds monétaire international 56 ( * ) , ce phénomène devrait, dans une certaine mesure, se poursuivre en 2016 .

Tableau n° 8 : Évolution du PIB dans les « BRICS »

(évolution en %)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

Brésil

7,6

3,9

1,8

2,7

0,1

- 3,0

- 1,0

Russie

4,5

4,3

3,4

1,3

0,6

- 3,8

- 0,6

Inde

10,3

6,6

5,1

6,9

7,3

7,3

7,5

Chine

10,6

9,5

7,7

7,7

7,3

6,8

6,3

Afrique du Sud

3,0

3,2

2,2

2,2

1,5

1,4

1,3

(p) : prévision

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du Fonds monétaire international, 2015)

Les causes de ce ralentissement sont multiples et peuvent être spécifiques aux pays concernés , à l'instar de la Russie dont l'activité subit les conséquences du conflit en Ukraine et des sanctions commerciales appliquées par l'Union européenne. De même, le Brésil mène actuellement une politique budgétaire fortement restrictive ayant des effets récessifs, qui vise à rétablir l'équilibre de ses finances publiques ; le pays devrait, en effet, afficher un déficit public de 9 % du PIB en 2015 et de 6 % en 2016 - pour une dette publique qui s'élevait à 65,7 % du PIB en août -, selon les prévisions établies par l'agence de notation Fitch, qui a abaissé la note du pays à BBB- le 15 octobre dernier 57 ( * ) , soit à un cran de la catégorie spéculative dans laquelle l'agence Standard & Poor's (S&P) l'a déjà relégué en septembre 2015.

Pour autant, les économies russe et brésilienne, comme celles des autres pays émergents, ont également à souffrir de la baisse des prix des matières premières , dont ils sont d'importants exportateurs, intimement liée au ralentissement de l'économie en Chine qui réduit le niveau de ses importations. Si un tel ralentissement est cohérent avec les mesures prises par les autorités dans le cadre du programme de réformes économiques engagé, qui tendent à « rééquilibrer » le modèle de croissance chinois afin de le faire davantage reposer sur la demande intérieure, l'économie du pays affiche un « essoufflement » plus important qu'anticipé .

Ainsi, les données publiées par le Bureau national des statistiques (BNS) de Chine font apparaître une croissance annuelle de 6,9 % au troisième trimestre 2015 58 ( * ) , soit son niveau le plus bas depuis octobre 2009 . Le BNS a indiqué que « durant les trois premiers trimestres de l'année 2015, la reprise de l'économie mondiale ayant été plus faible qu'anticipé, la Chine [avait] dû faire face à une pression croissante sur son développement économique domestique » 59 ( * ) . À cet égard, si les ventes de détail ont été légèrement plus dynamiques que prévu au cours du troisième trimestre, la production industrielle ou encore l'investissement ont décéléré.

Dans ce contexte de moindres performances économiques, la modification inattendue du régime de change de la monnaie chinoise à l'été dernier a provoqué de fortes inquiétudes sur les marchés financiers , et ce d'autant plus que d'importants déséquilibres sont apparus au cours des derniers mois au sein des Bourses chinoises (cf. encadré ci-après).

Dans l'hypothèse où le ralentissement de l'économie chinoise viendrait à s'accentuer, il en résulterait, bien entendu, un recul des importations de la Chine, mais aussi des pays exportateurs de matières premières, affectés par la baisse du prix et des volumes exportés . Toutefois, les conséquences d'une telle évolution pour la zone euro et les États-Unis sont ambiguës, comme l'a récemment mis en évidence Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis 60 ( * ) . En effet, en premier lieu, aussi bien les États-Unis que la zone euro bénéficient de la diminution des prix des matières premières, notamment énergétiques ; néanmoins, aux États-Unis, cette diminution a aussi pour effet de nuire au secteur énergétique américain, expliquant que celle-ci soit plus profitable à la zone euro. En second lieu, l'effet défavorable du recul des exportations vers les économies émergentes, les pays de l'OPEP, le Canada ou encore l'Australie, est plus prononcé dans la zone euro qu'aux États-Unis , le poids des exportations vers ces derniers dans le PIB de la zone euro étant plus élevé.

Aussi, le ralentissement des économies émergentes ne devrait pas remettre en cause, a priori , le régime de croissance des pays européens et des États-Unis. En réalité, le principal motif d'inquiétude provient de ce que la situation de la Chine a fait apparaître une plus grande fébrilité des marchés financiers, dont la volatilité fait courir le risque d'une crise qui pourrait s'étendre aux pays avancés - en particulier dans un contexte marqué par le développement, au cours des dernières années, d'importants déséquilibres financiers dans les pays émergents.

L'évolution du régime de change chinois : entre perturbations
conjoncturelles et mutations structurelles

Le 11 août 2015, la Banque populaire de Chine (PBOC) a annoncé une modification du mode de fixation du taux de change du renminbi (RMB) . Ainsi, dans un communiqué publié le même jour, la banque centrale chinoise a indiqué : « De manière à renforcer l'influence du marché sur le cours pivot et le statut de référence de ce dernier, la PBOC a décidé d'améliorer la fixation du cours pivot du renminbi contre le dollar américain » 61 ( * ) . Afin de fixer le taux de change « pivot » quotidien renminbi contre dollar, la PBOC a précisé qu'elle tiendrait dorénavant compte du taux effectif observé la veille à la clôture du marché, ainsi que de « l'état de l'offre et de la demande sur le marché des changes et [du] mouvement du taux de change des principales devises » 62 ( * ) . Avant cela, le cours pivot était arrêté de manière discrétionnaire par la banque centrale, les transactions devant se dérouler dans le cadre d'une bande de fluctuation de #177; 2 %. Dès le 23 juillet 2015, le gouvernement chinois avait annoncé que cette bande de fluctuation serait élargie à #177; 3 %.

La décision de la PBOC, intervenue sans communication préalable, a provoqué une dévaluation significative de la devise chinoise face au dollar au cours des jours qui ont suivi, ainsi qu'une accélération des sorties de capitaux de Chine . Toutefois, les mesures prises par la banque centrale - qui comprenaient des interventions sur le marché des changes pour défendre le renminbi 63 ( * ) et la mise en place de mesures règlementaires de contrôle des capitaux - ont permis de limiter le recul de la devise chinoise par rapport au dollar à environ 3 %. Surtout, la brusque modification du mode de fixation du taux de change du renminbi a été à l'origine d'importantes tensions sur les marchés financiers .

En effet, les marchés financiers internationaux ont vu dans la décision de Banque populaire de Chine une réaction face à l'inquiétude suscitée par le ralentissement de l'économie chinoise et les déséquilibres apparus sur les marchés boursiers du pays 64 ( * ) .

Dans ces conditions, l'anxiété a gagné les acteurs financiers et l'indice composite de la Bourse de Shanghai a reculé de près de 25 % entre le 17 et le 26 août 2015, date à laquelle l'indice a atteint son point le plus bas . Les autres places asiatiques ont, elles-aussi, été entraînées dans la chute, de même que les Bourses occidentales, d'aucuns qualifiant de « lundi noir » la journée du 24 août qui a vu le CAC 40 reculer de 5,35 %, le DAX allemand de 4,70 %, le FTSE-100 britannique de 4,67 %, ou encore le Dow Jones de 3,55 %.

Si la tempête paraît aujourd'hui passée, la crise financière chinoise n'en a pas moins laissé des traces profondes. Tout d'abord, elle est à l'origine d'une intensification de la volatilité des marchés financiers , accroissant ainsi l'instabilité potentielle de ces derniers. Cette évolution a été encouragée par la saillance accrue des risques inhérents au ralentissement de l'économie de la Chine, dont les effets se font sentir sur ses partenaires commerciaux, en particulier sur les pays exportateurs de matières premières, qui s'est accompagnée d'une moindre liquidité des marchés (cf. infra ). Les autres pays émergents en sont également ressortis fragilisés ; présentant déjà, pour la plupart, des faiblesses économiques internes, ces derniers font dorénavant l'objet d'une méfiance accrue de la part des investisseurs, et ce d'autant plus dans la perspective d'une remontée prochaine des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine , qui pourrait contribuer à accélérer les sorties de capitaux depuis les pays émergents.

Aussi la situation chinoise exerce-t-elle, de toute évidence, une influence déterminante sur la politique monétaire menée par les principales banques centrales . À cet égard, celle-ci paraît avoir fortement contribué au report, par la Réserve fédérale américaine, de la hausse de ses taux directeurs, la Chine étant mentionnée à plusieurs reprises dans les minutes de la réunion du Comité fédéral de l'open market (FOMC) des 16-17 septembre 2015 65 ( * ) . Celle-ci figure aussi en bonne place dans les comptes rendus des récentes réunions des organes monétaires de la Banque d'Angleterre 66 ( * ) et de la Banque centrale européenne (BCE) 67 ( * ) .

En dépit de ses incidences conjoncturelles, il semblerait que la modification du mode de fixation du taux de change de la monnaie chinoise réponde essentiellement à des causes plus structurelles . S'il apparaît que le renminbi s'est significativement apprécié vis-à-vis du dollar, du yen et de l'euro au cours des dernières années, la principale motivation des autorités ne paraît pas résider dans la recherche d'un accroissement de la compétitivité-prix des entreprises chinoises à l'exportation. La volonté d'internationaliser la monnaie chinoise a sans doute eu davantage de poids dans cette décision .

Ainsi, la Banque populaire de Chine aurait cherché à signaler à ses partenaires une meilleure prise en compte des mouvements sur le marché dans la fixation du taux de change, et ce afin d'obtenir l'inclusion du renminbi au panier de monnaies du droit de tirage spécial (DTS) - aujourd'hui composé du dollar, de l'euro, du yen et de la livre sterling -, l'unité de compte du Fonds monétaire international (FMI) . En effet, la Chine doit encore apporter la preuve du caractère « librement utilisable » 68 ( * ) de sa monnaie pour voir cette dernière entrer dans le panier du DTS ; or la décision de modifier le mode de fixation du taux de change du renminbi est intervenue alors que doit s'achever la revue du FMI sur la composition du panier 69 ( * ) .

Dès lors, la décision de la PBOC du mois d'août dernier ne serait qu'une étape dans le processus de libéralisation du secteur financier chinois . Ce processus s'inscrit dans le cadre du programme de réformes économiques approuvé par le Parti communiste chinois (PCC) le 12 novembre 2013. Celui-ci vise, notamment, à développer et libéraliser progressivement les marchés financiers intérieurs , de manière à accorder au marché un rôle accru dans la détermination des taux d'intérêt et la distribution du crédit. De même, la période récente a vu se multiplier les instruments financiers négociés sur les marchés chinois , à l'instar des obligations 70 ( * ) ou encore des produits dérivés. Par ailleurs, les autorités s'attachent à simplifier les règles applicables aux investissements étrangers sur le territoire chinois .

Quoi qu'il en soit, les mesures prises afin de faciliter l'usage de la monnaie chinoise pour des paiements hors de Chine semblent porter leurs fruits ; ainsi, en août dernier, le renminbi s'est hissé au quatrième rang du classement des monnaies les plus utilisées pour les paiements internationaux réalisés par l'intermédiaire du système SWIFT, comptabilisant 2,79 % des opérations contre 2,76 % pour la monnaie japonaise 71 ( * ) . En outre, en mars 2015, la Chine a annoncé la mise en place de son propre système de règlements des échanges internationaux, le « China International Payment System » (CIPS).

(2) Une forte vulnérabilité financière des économies émergentes...

Dans son dernier rapport sur la stabilité financière dans le monde 72 ( * ) , le Fonds monétaire international (FMI) a mis en évidence le fort accroissement de l'endettement privé dans les pays émergents . Ainsi la dette des sociétés non financières (SNF) serait-elle passée, dans ces derniers, de 4 000 milliards de dollars en 2004 à 18 000 milliards de dollars en 2014. La part de la dette des entreprises dans le PIB a progressé, en moyenne, de 26 points au cours de cette période dans les économies émergentes, les situations étant toutefois contrastées selon les pays.

Cette évolution serait essentiellement liée à la faiblesse des taux d'intérêt dans les économies avancées résultant des politiques monétaires accommodantes qui y ont été mises en oeuvre à compter du déclenchement de la crise. Selon les travaux cités par le FMI 73 ( * ),74 ( * ) , les politiques monétaires des pays avancés auraient encouragé la hausse de l'endettement du secteur privé des économies émergentes par le biais de trois canaux. Tout d'abord, de telles politiques auraient imposé aux banques centrales des pays émergents de réduire leurs propres taux d'intérêt afin de limiter une appréciation de leur taux de change , venant à leur tour renforcer l'offre de liquidités. Ensuite, les achats massifs de titres obligataires permis par l'abondance des liquidités ont conduit à réduire le rendement de ces derniers - et, par conséquent, les coûts de financement des emprunteurs - non seulement dans les pays avancés, mais aussi dans les économies émergentes , en raison du souci de diversification des investisseurs et de la recherche de rendements plus élevés 75 ( * ) . Enfin, le recul des taux d'intérêt dans les économies avancées a eu pour effet de réduire le service des dettes restant à payer libellées en devises étrangères dues par les entreprises des pays émergents - venant ainsi relever la capacité d'endettement de ces dernières. La hausse de l'endettement des entreprises des économies émergentes s'est, par ailleurs, accompagnée d' un accroissement du montant des dettes libellées en devises étrangères .

Aussi, l'importance de la dette des entreprises associée à un risque de change accru rend les pays émergents plus vulnérables à une hausse des taux d'intérêt, une appréciation du dollar ou encore un accroissement de l'aversion mondiale au risque . D'une part, les entreprises ayant le plus emprunté verront les coûts du service de leur dette croître lorsque les taux d'intérêt commenceront à augmenter dans certains pays avancés. D'autre part, une hausse des taux d'intérêt dans les pays avancés devrait conduire à une appréciation de la monnaie de ces derniers, rendant plus difficile le remboursement des dettes des entreprises des économies émergentes libellées en monnaies étrangères - à supposer qu'elles ne soient pas couvertes contre le risque de change.

Dès lors, la hausse annoncée des taux directeurs de la Réserve fédérale américaine, mais aussi de la Banque d'Angleterre, pourrait avoir des effets critiques pour les pays émergents , confrontés au risque de voir se multiplier les défauts d'entreprises lourdement endettées , notamment en monnaies étrangères ; de même, ils pourraient subir des sorties massives de capitaux , motivées par les craintes suscitées par leurs fragilités financières ou, plus simplement, en raison de l'attrait accru pour des investissements aux États-Unis dont le rendement serait relevé pour un risque associé moindre.

(3) ... dans un contexte de volatilité élevée des marchés financiers

Force est de constater que la situation des pays émergents, et notamment de la Chine, suscite une grande nervosité des acteurs financiers . Ceci signifie que tout évènement concernant les économies émergentes est susceptible de provoquer une réaction brutale des marchés financiers - comme l'ont montré les effets produits par la modification du régime de change chinois à l'été dernier (cf. supra ).

À la suite de cet épisode, la volatilité des marchés, qui désigne l'ampleur de la variation du cours des actifs, s'est fortement accrue . Les principaux indices de volatilité associés aux marchés hongkongais (HSI Volatility Index), américains (VIX), français (CAC 40 Volatility Index), ou encore allemands (VDAX) ont atteint des niveaux élevés à la fin du mois d'août dernier, puis sont restés tendus au cours des semaines suivantes, pour ne retourner progressivement vers leur rythme de croisière qu'à compter du mois d'octobre 76 ( * ) .

Cette accalmie ne semble pas être sans rapport avec le report de la hausse des taux directeurs par la Réserve fédérale américaine , décidé lors de la réunion de son organe monétaire des 16-17 septembre 2015, dont les minutes ont été publiées le 8 octobre 77 ( * ) ; d'ailleurs, comme cela a déjà été indiqué, la situation chinoise paraît avoir eu une influence non négligeable sur cette décision (cf. supra ). Par conséquent, un relèvement des taux avant la fin de l'année pourrait être synonyme d'un retour de la volatilité des marchés financiers et s'accompagner également d'importantes sorties de capitaux des pays émergents .

Le lien étroit qui unit actuellement la situation des économies émergentes à l'évolution des taux d'intérêt américains est illustré par la sensibilité des taux de change de leurs monnaies aux annonces de la Réserve fédérale. Ainsi l'indice Bloomberg suivant les variations des 20 principales devises émergentes s'est-il redressé à partir de la mi-septembre. De même, à la suite de la décision de la Réserve fédérale de reporter la hausse de ses taux, les sorties de capitaux des pays émergents ont décéléré ; à cet égard, « si les investisseurs internationaux ont retiré quelque 62,8 milliards de dollars des fonds investis dans les actifs émergents au total depuis le début de l'année, les sorties nettes ont ralenti au cours de la semaine achevée [le 7 octobre] à un rythme de 639 millions de dollars pour les fonds obligataires et de 600 millions, soit leur plus faible niveau depuis juillet, pour les fonds actions » 78 ( * ) .

Quoi qu'il en soit, les incidences d'un retour de la volatilité des marchés financiers pourraient être renforcées par un recul de la liquidité 79 ( * ) de ces derniers . Le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) rappelle que « quand la liquidité baisse nettement, les prix deviennent moins signifiants et tendent à réagir de façon excessive, conduisant à une volatilité accrue », et précise que, « dans des conditions extrêmes, les marchés peuvent se bloquer complètement, avec des répercussions systémiques » 80 ( * ) . Or, ce même rapport met en évidence l'accentuation des fragilités sous-jacentes de la liquidité des marchés , qui aurait été masquée par le goût accru du risque chez les investisseurs et la faiblesse des taux d'intérêt. En effet, de récentes évolutions sont susceptibles de réduire cette liquidité . En particulier, les banques ont minoré leurs stocks d'actifs et seraient moins disposées à assumer des risques , en particulier dans un contexte de renforcement des exigences prudentielles. Par ailleurs, les politiques d'achat d'actifs menées par les banques centrales des pays avancés ont eu des effets ambigus sur la liquidité des marchés . Si la perspective de trouver dans les banques centrales des acheteurs probables pour les titres détenus a pu rassurer les investisseurs et, par suite, accroître la liquidité des marchés, la réduction du nombre des actifs disponibles aurait eu un effet inverse, d'autant qu'elle aurait par ailleurs incité les acteurs à rechercher des titres présentant des rendements plus élevés mais une moindre liquidité.

En conclusion, la période de transition qui suivra la normalisation de la politique monétaire américaine, qui devrait intervenir soit à la fin de l'année 2015 soit au début de l'année 2016, sera particulièrement délicate . Dans son rapport de juin 2015 sur les perspectives économiques mondiales 81 ( * ) , la Banque mondiale a estimé que le processus de hausse des taux d'intérêt américains , s'il aura pour conséquence d'accroître le coût des emprunts des pays émergents, devrait se dérouler de manière ordonnée du fait de la reprise américaine et de la persistance des politiques monétaires accommodantes dans les autres pays avancés - en particulier dans la zone euro et au Japon. Pour autant, la Banque mondiale n'écarte aucunement les risques associés à cette évolution.

À ce titre, le Fonds monétaire international 82 ( * ) (FMI) a établi trois scénarii afin d'appréhender les résultats possibles d'une normalisation des conditions monétaires et financières . Le premier, qui constitue le scénario de référence du Fonds, se caractérise par la poursuite d'un redressement conjoncturel, mais avec de faibles perspectives de croissance à moyen terme dans les pays avancés et les économies émergentes. Le deuxième scénario, optimiste, postule une normalisation réussie des conditions financières et des politiques monétaires, dans le cadre d'une reprise soutenue. Le troisième scénario, enfin, défavorable, se caractérise par un épisode de turbulence des marchés mondiaux.

Selon ce scénario défavorable, le durcissement des conditions financières, qui interviendrait à la suite de chocs négatifs survenant dans un contexte marqué par les déséquilibres accumulés par les pays avancés et les pays émergents ainsi que par une faible liquidité des marchés, ferait caler la reprise cyclique et nuirait à la confiance dans les perspectives de croissance à moyen terme . Le ralentissement de l'activité pèserait sur les bilans des États et des acteurs privés surendettés, aggravant le risque de crédit. Les pays émergents seraient, quant à eux, exposés à une hausse des primes de risque et à des sorties de capitaux massives. Les taux de faillites progresseraient, notamment en Chine, accroissant les tensions au sein du système financier, dont les effets se feraient ressentir sur la croissance. En outre, cet enchaînement conduirait à une réapparition des risques pour les dettes souveraines, en particulier dans les pays vulnérables d'Europe. Au total, la production globale pourrait être de 2,4 % en deçà du niveau du scénario de référence à l'horizon 2017 .

Pour cette raison, afin de parvenir à la réalisation d'un scénario plus favorable, le Fonds monétaire international (FMI) a formulé plusieurs recommandations de nature à favoriser une normalisation réussie des conditions financières et monétaires. Tout d'abord, la Réserve fédérale devrait continuer d'assurer une communication claire et cohérente , permettant une « absorption douce » de la hausse des taux d'intérêt américains. Ensuite, dans la zone euro, l'architecture financière de la monnaie unique devrait être renforcée et des solutions apportées pour réduire le montant des prêts non performants dans le secteur bancaire qui grèvent l'offre de crédit. Par ailleurs, un rééquilibrage et un désendettement progressif devraient être engagés en Chine , ce qui requiert l'engagement de réformes de libéralisation et la consolidation du système financier domestique. De manière plus générale, les autorités des pays émergents devraient renforcer leurs outils prudentiels et de surveillance, notamment afin d'éviter un endettement excessif des agents privés . En outre, des mesures devraient être prises pour prévenir un tarissement de la liquidité des marchés . Enfin, une attention toute particulière devrait être apportée à la bonne santé des banques et des institutions d'épargne à long terme . Le Fonds monétaire international estime que la mise en oeuvre de telles mesures permettrait de relever la production globale de 0,4 % par rapport au scénario de référence.

B. UNE INFLATION QUI SE FAIT ENCORE ATTENDRE

En cette fin d'année 2015, l'inflation continue de montrer des signes d'atonie dans les États de la zone euro , dont la France. En effet, après avoir engagé un repli à compter de l'été 2012, celle-ci peine à rebondir et affiche depuis quelques mois des valeurs proches de zéro, rendant plus difficile le redressement des comptes publics .

1. L'atonie persistante des prix à la consommation
a) Une inflation annuelle en baisse de 0,1 % dans la zone euro...

Selon les données publiées le 30 septembre dernier par Eurostat 83 ( * ) , le taux d'inflation annuel de la zone euro a marqué un recul de 0,1 % en septembre 2015 - en baisse par rapport au mois d'août, où il était de + 0,1 %. À titre de rappel, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) avait progressé de 0,4 % en 2014, contre 1,4 % en 2013.

b) ... et qui stagne en France...

De même, s'agissant de la France, l'inflation sur douze mois a stagné en septembre , comme au cours du mois précédent. La variation mensuelle de l'indice des prix à la consommation (IPC) a, quant à elle, été négative (- 0,4 %, contre + 0,3 % en août) 84 ( * ) . En 2014, les prix avaient progressé de 0,5 %, après 0,9 % en 2013.

c) ... notamment en raison du recul des prix de l'énergie

La faiblesse de l'inflation aussi bien en France que dans les autres pays de la zone euro semble avant tout s'expliquer par le recul des prix de l'énergie . En effet, pour ce qui est de l'économie française, les prix de l'énergie avaient baissé, en septembre, de 5,9 % sur un an, essentiellement en raison de la nouvelle contraction des prix des produits pétroliers (- 14,3 %). Dans l'ensemble de la zone euro, les prix de l'énergie ont reculé de 8,9 % sur un an - la différence observée quant à l'ampleur de la diminution des prix de l'énergie en France s'expliquant par la moindre dépendance pétrolière de notre pays comparativement à ses partenaires européens.

Aussi l'inflation sous-jacente, soit hors énergie et autres composantes volatiles, s'est-elle élevée à 0,6 % sur un an en septembre en France et à 0,9 % dans la zone euro . Toutefois, le niveau relativement bas de l'inflation sous-jacente semble indiquer que certaines spécificités de la zone euro exercent également des pressions désinflationnistes , au-delà de la seule baisse des prix de l'énergie.

En effet, d'autres phénomènes semblent contribuer à l'écrasement des prix, dont notamment la réappréciation du taux de change de l'euro , qui a atteint son point le plus bas en mars de cette année, au cours des derniers mois. À cet égard, les économistes de la société financière Oddo ont estimé que « sur les six derniers mois, l'euro s'[était] renchéri d'environ 7,5 % face à un panier large comprenant 38 devises » 85 ( * ) . Par ailleurs, le faible dynamisme de l'activité - en particulier de la demande - dans la zone euro contribue aussi à l'apathie des prix (cf. supra ), à l'instar de la progression limitée des coûts unitaires salariaux , qui correspondent aux coûts unitaires de la main d'oeuvre rapportés à la productivité horaire du travail, dans un contexte de chômage élevé.

Par conséquent, certains économistes estiment qu'une amélioration durable de la situation de l'emploi devrait avoir pour effet de produire des tensions sur le marché du travail, permettant à l'indice des prix de repartir. Cependant, le lien entre baisse du chômage et hausse des salaires paraît plus ténu que par le passé ; ceci est mis en évidence aux États-Unis, qui se trouvent dans une situation proche du plein-emploi - le chômage étant de 5 % environ à ce jour -, mais connaissent également un épisode de faible inflation 86 ( * ) , celle-ci devant s'élever à + 0,2 % cette année, selon le Consensus Forecasts d'octobre.

d) Les perspectives d'inflation à court et moyen termes

En dépit des espoirs suscités par le programme étendu de rachats d'actifs engagé par la Banque centrale européenne (BCE) au début de cette année, la persistance de l'atonie des prix vient accroître les incertitudes entourant les perspectives d'inflation à court et moyen termes , et ce d'autant plus dans un contexte marqué par le ralentissement des économies émergentes.

En dépit de cela, les anticipations d'évolution des prix à la consommation pour 2016 dans la zone euro demeurent positives . Ainsi, pour l'année 2016, la Commission européenne, le consensus de la Banque centrale européenne (BCE) 87 ( * ) et le Fonds monétaire international (FMI) prévoient une hausse de l'inflation de 1 %, comme le Consensus Forecasts d'octobre (cf. tableau ci-après). Il convient également de relever que le consensus de la BCE anticipe même un retour de l'inflation aux alentours de 2 % en 2020 .

Concernant la France, aussi bien la Commission européenne, que le FMI et le Consensus Forecasts retiennent une hypothèse de progression de l'indice des prix à la consommation proche de 1 % en 2016 .

Tableau n° 9 : Prévisions d'évolution des prix à la consommation
pour la zone euro

(évolution en %)

2015

2016

2017

2020

Commission européenne (1)

0,1

1,0

1,6

Consensus de la Banque centrale européenne (BCE) (2)

0,1

1,0

1,5

1,9

FMI (3)

0,2

1,0

1,7

Consensus Forecasts (octobre 2015)

0,1

1,0

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , nov. 2015.

(2) Banque centrale européenne, enquête trimestrielle auprès des prévisionnistes, quatrième trimestre 2015.

(3) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Pour le moment, le risque déflationniste 88 ( * ) semble pouvoir être écarté , ce que confirme une récente étude de Patrick Artus 89 ( * ) , directeur de la recherche et des études de Natixis. En effet, celui-ci estime, d'une part, que la faible inflation dans la zone euro provient essentiellement d'un choc d'offre favorable - soit de la baisse des prix des matières premières et de la modération de la progression des coûts salariaux - et non pas d'une contraction de la demande et, d'autre part, que l'atonie actuelle des prix à la consommation n'entraîne pas l'amorçage de mécanismes déflationnistes - comme le recul de la profitabilité des entreprises, une hausse anormale des taux d'intérêt réels, ou encore une baisse de l'inflation anticipée.

En tout état de cause, des facteurs tant favorables que défavorables pourraient influer sur l'évolution de l'inflation au cours des mois à venir. D'un côté, un rebond des prix à la consommation pourrait être encouragé par la reprise économique et par un recul du chômage . De même, en France, l'accélération de l'activité pourrait conduire à une hausse de l'utilisation des capacités de production , dont la faiblesse actuelle limite les pressions inflationnistes.

Par ailleurs, le manque de dynamisme de l'inflation pourrait conduire la Banque centrale européenne (BCE) à assouplir encore sa politique monétaire dans les prochains mois , en allongeant et en augmentant l'ampleur de son programme étendu d'achats d'actifs (cf. supra ). À cet égard, à l'issue de la réunion du Conseil des gouverneurs du 22 octobre, le président de la BCE, Mario Draghi, a déclaré que « la force et la persistance des facteurs qui ralentissent actuellement le retour de l'inflation à des niveaux inférieurs, mais proches de 2 % à moyen terme, nécessitent une analyse approfondie. Dans ce contexte, le degré d'accommodation de la politique monétaire devra être réexaminé lors de [la] réunion de politique monétaire de décembre , quand les projections macroéconomiques des équipes de l'Eurosystème seront disponibles » 90 ( * ) ; parmi les facteurs désinflationnistes identifiés par la banque centrale figurent, notamment, le ralentissement de la croissance dans les pays émergents et l'évolution du prix des matières premières. Une telle mesure d'assouplissement serait certes susceptible d'avoir une incidence directe sur le financement de l'économie - en particulier sur le niveau de la demande -, mais aurait aussi pour conséquence de réduire le taux de change de l'euro, augmentant ainsi l'inflation importée ; un effet similaire découlerait de la hausse des taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine , dont tout indique qu'elle interviendra dans les mois à venir, qui devrait contribuer à une appréciation du dollar, en particulier face à l'euro.

D'un autre côté, il semble peu probable que survienne, au cours de l'année 2016, un rebond significatif des prix de l'énergie . En effet, dans son rapport mensuel publié en octobre 91 ( * ) , l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit une croissance de la demande mondiale de pétrole de 1,21 million de barils par jour (bpj) en 2016, soit 150 000 bpj de moins que sa prévision du mois de septembre. Dans le même temps, l'offre resterait abondante malgré un recul de la production des pays hors-Opep - lié à la chute des prix -, en raison du relèvement récent de l'offre des membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), mais aussi de l'arrivée prévisible des barils iraniens à la suite de la levée des sanctions internationales contre l'Iran. Dans ces conditions, l'AIE estime que le marché du pétrole resterait saturé tout au long de 2016. Dès lors, la perspective d'une hausse substantielle des prix du pétrole au cours de l'année à venir paraît s'éloigner progressivement - même si une aggravation du conflit au Yémen ou un regain de tension en Ukraine pourrait pousser les cours du baril à la hausse. Le Fonds monétaire international (FMI) anticipe une hausse du prix du baril de pétrole d'un peu plus de 50 dollars en moyenne en 2015 à un niveau proche de 60 dollars en 2016, contre 110 dollars en 2014 92 ( * ) .

De même, le ralentissement des pays émergents, et notamment de la Chine, aurait des conséquences désinflationnistes du fait de ses incidences sur l'activité économique et sur le prix des matières premières.

e) Une hypothèse d'inflation de 1 % en 2016

Si l'hypothèse d'inflation pour 2016 retenue dans le cadre du scénario gouvernemental, de 1 %, est en ligne avec les prévisions des organisations internationales et des instituts de conjoncture , elle n'en demeure pas moins entourée de nombreuses incertitudes.

À ce titre, dans son dernier avis 93 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que « même si une accélération paraît vraisemblable, certains facteurs désinflationnistes comme les effets retardés de la baisse du prix du pétrole et l'incidence des allègements d'impôts et de cotisations en faveur des entreprises sont peut-être sous-estimés, et la hausse des salaires pourrait être moins rapide que prévu en 2016 » ; par conséquent, il estime qu'en 2016, « la hausse des prix pourrait être inférieure à l'hypothèse de 1,0 % retenue par le Gouvernement ».

Or, si une faible inflation peut comporter certains avantages 94 ( * ) , contribuant notamment à accroître provisoirement le pouvoir d'achat des ménages, elle présente néanmoins l'inconvénient de compliquer le redressement des comptes publics .

2. Les conséquences budgétaires d'une faible inflation

Au cours des dernières années, le ralentissement plus fort que prévu des prix à la consommation a contribué, dans une certaine mesure, à l'apparition d'écarts entre l'exécution et les orientations pluriannuelles des finances publiques. Un tel phénomène est en passe de se reproduire en 2015 et en 2016, impliquant un relèvement des efforts budgétaires à consentir pour ces deux années .

À cet égard, le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2016, communiqué en juin dernier par le Gouvernement, indique qu'« en raison du recul très net de l'inflation en 2015 et 2016 par rapport à ce que prévoyait la LPFP [qui anticipait une inflation de 0,9 % puis de 1,4 %], et de la réduction mécanique du plan d'économies à 50 Md€, le programme de stabilité 95 ( * ) a intégré à la trajectoire des finances publiques des mesures de redressement complémentaires de 4 Md€ en 2015 et de 6 Md€ en 2016 » - ces mesures sont explicitées infra dans le présent rapport.

Néanmoins, l'atonie des prix à la consommation n'a pas seulement des incidences sur les dépenses publiques, mais également sur les recettes des administrations. Aussi les développements qui suivent s'attachent-ils à analyser les mécanismes par lesquels une faible inflation influe sur la situation des finances publiques 96 ( * ) .

Tout d'abord, une inflation basse se traduit par une progression moins forte des recettes publiques du fait du ralentissement de l'évolution des bases taxables . Par exemple, le faible dynamisme des prix vient modérer l'augmentation en valeur de la consommation des ménages et, par conséquent, du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Ensuite, si une faible inflation peut être à l'origine d'une modération de la progression des dépenses publiques en valeur, la relation existant entre ces dépenses et l'inflation n'est toutefois pas aussi « mécanique » que pour les recettes fiscales . En effet, les dépenses qui évoluent avec l'inflation, à l'instar des achats courants ou de certaines dépenses d'intervention et de prestations, ne représentent qu'une partie des dépenses publiques. En outre, parmi les dépenses corrélées à l'évolution des prix, figurent des dépenses indexées à la prévision d'inflation retenue au moment de la revalorisation - qui n'évoluent donc pas immédiatement avec l'inflation - comme, par exemple, les pensions de retraite. Par suite, dans ce cas, les erreurs d'anticipation ne sont corrigées que l'année suivante ; dans l'hypothèse d'une inflation réalisée plus faible que la prévision, le ralentissement des dépenses indexées n'intervient donc qu'avec retard 97 ( * ) .

Cette relation complexe des dépenses publiques avec l'évolution des prix à la consommation a, souvent, pour conséquence une minoration des efforts en dépenses réalisés en cas de faible inflation . Il convient, en effet, de rappeler qu'un effort structurel en dépenses correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle ; dès lors, plus l'écart entre la progression de la dépense en volume 98 ( * ) et la croissance potentielle est réduit, moins l'effort structurel en dépenses est important. Or, il apparaît qu' un ralentissement non anticipé de l'inflation peut contribuer à ce que la progression des dépenses publiques en volume soit plus élevée que prévu , et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, les effets budgétaires du « gel » de l'indexation de certaines dépenses sont fortement réduits par une inflation basse . Un « gel » de l'indexation de certaines dépenses doit permettre, en principe, de freiner la progression de ces dépenses qui évoluent normalement avec l'inflation ; par conséquent, une inflation faible diminue fortement les incidences du « gel » sur la progression effective de la dépense . À titre d'exemple, le Gouvernement retient, pour la période 2015-2017, une hypothèse de progression de la masse salariale de l'État en raison de l'inflation de 0,6 milliard d'euros par an - soit de 0,8 % en moyenne ; dans ces conditions, l'absence de revalorisation du point d'indice de la fonction publique permettrait de réduire l'évolution de la masse salariale de l'État, par rapport à sa progression tendancielle, de 0,6 milliard d'euros chaque année. Cependant, en l'absence d'inflation ou en présence d'une très faible inflation, la masse salariale évoluerait peu ou prou selon son « tendanciel » naturel puisque le point d'indice de la fonction publique n'aurait pas ou peu été majoré. Ainsi, dans un contexte d'atonie des prix à la consommation, le « gel » des dépenses publiques est sans incidence notable sur la dynamique de ces dernières.

Ensuite, pour les dépenses qui demeurent indexées à l'inflation, si l'inflation constatée est plus faible que l'inflation initialement anticipée, alors les dépenses concernées progressent plus rapidement que l'inflation - la correction n'intervenant, comme cela a été indiqué, qu'avec retard. Il en va de même pour les achats déconnectés de l'indice des prix ou encore des opérations programmées de manière pluriannuelle . Par conséquent, là encore, la décélération non anticipée de l'inflation participe au relèvement de la croissance de la dépense publique en volume.

Enfin, une inflation faible non anticipée minore également les effets des normes de dépenses définies en valeur , comme la norme « zéro valeur » pour le budget de l'État et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) dans le champ des administrations de sécurité sociale (ASSO). Dès lors qu'elles sont exprimées en valeur, le respect de ces règles d'évolution des dépenses n'est pas influencé par les variations de l'inflation ; en bref, dans un contexte de ralentissement des prix, les objectifs de dépenses définis en valeur demeurent inchangés et ne sont pas rendus plus « sévères » en cours d'exécution. Par suite, le respect des objectifs de dépenses arrêtés en conséquence, lorsqu'ils concernent des postes corrélés aux variations des prix à la consommation, est rendu plus aisé par la faible inflation et nécessite un effort en dépenses plus limité. La contribution des normes au ralentissement des dépenses en volume s'en trouve alors réduite.

Au total, en atténuant les effets des mesures prises afin de modérer la progression des dépenses publiques en volume, une inflation plus faible qu'anticipé diminue les efforts structurels en dépenses effectivement réalisés et donc l'ampleur de l'ajustement structurel . De par ses effets sur les recettes et sur les dépenses publiques, une inflation basse rend donc plus difficile l'amélioration du solde public, y compris dans sa composante structurelle.

II. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE SUR LE « FIL DU RASOIR »

Alors que le projet de loi de finances pour 2016 porte le dernier budget de l'actuelle majorité gouvernementale qui pourra être complètement exécuté avant les élections de 2017, le temps est maintenant venu de dresser un premier bilan du quinquennat en cours . Force est de constater que celui-ci est décevant. En effet, aucun des objectifs budgétaires arrêtés au début de la présente législature n'a été respecté ; même, deux reports du délai de correction du déficit excessif fixé par les autorités de l'Union européenne ont dû être demandés par le Gouvernement. Ainsi, le déficit public ne devrait repasser, selon les prévisions gouvernementales, en deçà du seuil des 3 % du PIB qu'en 2017 .

Dorénavant, le véritable étalon des finances publiques semble résider dans la réalisation de 50 milliards d'euros d'économies au cours de la période 2015-2017 - un quantum d'économies qui demeure inchangé en dépit des annonces de dépenses supplémentaires et des nouvelles réductions de prélèvements obligatoires. Aussi la trajectoire budgétaire paraît-elle particulièrement fragile, le respect des engagements pris par la France auprès de ses partenaires européens reposant essentiellement sur la perspective d'un retour de la croissance économique , depuis que le solde structurel est devenu un élément secondaire, après avoir été présenté comme la nouvelle « norme » des finances publiques par l'actuel gouvernement lorsque que le contexte conjoncturel était moins favorable. Dans ces conditions, l'équilibre structurel serait atteint à l'horizon 2019, alors qu'il était initialement annoncé pour 2016 .

Quoi qu'il en soit, les difficultés rencontrées par le Gouvernement à engager des réformes permettant de ralentir durablement la progression de la dépense publique ont contraint ce dernier à faire reposer le redressement des comptes publics essentiellement sur une hausse des recettes fiscales, comme le montre la progression du taux de prélèvements obligatoires , qui a atteint 44,9 % du PIB en 2014 contre 42,6 % du PIB en 2011. À cet égard, il faut relever que l'effort a été concentré davantage encore sur les ménages après qu'a été prise la décision d'alléger les prélèvements sur les entreprises , à travers le déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité. Dès lors, en cette fin de quinquennat, les ménages ont désormais à porter une part plus grande de la charge fiscale qu'il y a quatre ans, ce qui invite à relativiser les mesures engagées tendant à réduire, à la marge, l'imposition des revenus de ces derniers .

Au total, le projet de budget pour 2016 paraît être d'une ambition limitée . Comme l'a reconnu le ministre des finances, Michel Sapin, lors de son audition par votre commission des finances, « la surprise de ce budget, c'est qu'il n'y a pas de surprises. Ce budget met en oeuvre des orientations déjà fixées, respecte des engagements déjà pris » 99 ( * ) . Pourtant, eu égard aux enjeux, ce projet aurait pu afficher des visées plus élevées : la trajectoire de consolidation des finances publiques demeure fragile, le ralentissement de la dépense publique n'est pas assuré et le niveau des prélèvements obligatoires est plus élevé que jamais .

Tableau n° 10 : Principales données de la trajectoire pluriannuelle
des finances publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,3

Solde structurel

- 2,0

- 1,7

- 1,2

- 0,7

- 0,2

0,0

Ajustement structurel

0,6

0,4

0,5

0,5

0,5

0,3

Ratio de dépense publique*

56,4

55,8

55,1

54,5

Ration de prélèvements obligatoires*

44,9

44,6

44,5

44,3

Dette publique

95,6

96,3

96,5

96,5

95,2

93,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016)

A. LE BUDGET 2016 ET LES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE

Si le Gouvernement s'attache à mettre en évidence une amélioration continue du solde public - à défaut de pouvoir le faire pour ce qui est de la dette des administrations -, il convient, malgré tout, de relever le fait que celui-ci a reporté, à intervalles réguliers, l'atteinte de ses principaux objectifs budgétaires . Ainsi, au lendemain des élections présidentielles et législatives de 2012, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, l'exécutif annonçait un retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB dès 2013, un engagement de la décrue de la part de la dette publique dans la richesse nationale la même année, ainsi que l'équilibre structurel des comptes publics à compter de 2016. Cependant, incapable de respecter ses engagements, certes desservi par une conjoncture moins favorable qu'anticipé, le Gouvernement a dû demander aux autorités de l'Union européenne un premier report du délai de correction du déficit excessif en 2013, puis un second en 2015 .

Tableau n° 11 : Les trajectoires successives des finances publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde public

LPFP 2012-2017

- 2,2

- 1,3

- 0,6

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 4,4

- 4,1

- 3,6

- 2,7

- 1,7

- 0,7

PStab. 2015-2018

- 4,0

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

PLF 2016

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,3

Solde structurel

LPFP 2012-2017

- 1,0

- 0,8

- 0,5

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 2,4

- 2,1

- 1,8

- 1,3

- 0,8

- 0,2

PStab. 2015-2018

- 2,0

- 1,6

- 1,1

- 0,6

- 0,1

PLF 2016

- 2,0

- 1,7

- 1,2

- 0,7

- 0,2

0,0

Dette publique

LPFP 2012-2017

90,5

88,5

85,8

82,6

LPFP 2014-2019

95,2

97,1

97,7

97,0

95,1

92,4

PStab. 2015-2018

95,0

96,3

97,0

96,9

95,5

PLF 2016

95,6

96,3

96,5

96,5

95,2

93,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Dorénavant, selon la nouvelle trajectoire gouvernementale, le déficit ne reviendrait en deçà de 3 % du PIB qu'en 2017, alors que l'atteinte de l'équilibre structurel est repoussée à 2019 . Il faut dire qu' après avoir présenté le solde structurel comme le principal levier de pilotage des finances publiques, le Gouvernement a fait passer celui-ci au second plan dès lors que se dessinait un éclaircissement de l'horizon conjoncturel, lui permettant d'espérer une amélioration du déficit effectif portée par la croissance économique. Ceci ne l'a, toutefois, pas empêché de modifier les modalités de calcul du solde structurel dans un sens qui lui était plus favorable.

En tout état de cause, cette focalisation sur le solde public effectif expose la trajectoire des finances publiques définie par le Gouvernement à des risques de « dérapage » en cas de mauvaise fortune , en particulier si la reprise économique venait à être moins prononcée qu'anticipé.

1. Les nouveaux objectifs budgétaires de la France

Ainsi que cela a été indiqué, le Gouvernement a dû demander aux autorités européennes un second report du délai de correction du déficit excessif en 2015 . Aussi ce dernier a-t-il été repoussé de 2015 à 2017 par une recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars dernier.

Conformément au droit de l'Union européenne, un report du délai de correction du déficit excessif peut être accordé, d'une part, si l'État membre concerné a engagé une action suivie d'effets afin de corriger son déficit excessif et, d'autre part, si des évènements négatifs et inattendus ayant des conséquences défavorables majeures pour les finances publiques se produisent après l'adoption de la première recommandation. À ce titre, s'agissant de la France, il a tout d'abord été considéré que « les éléments de preuve disponibles ne permett[aient] pas de conclure à l'absence d'action suivie d'effets ». Ensuite, si les prévisions macroéconomiques pour 2013 publiées par la Commission européenne en mai 2013 se sont révélées inférieures au réalisé, tel n'est pas le cas pour ce qui est de l'exercice 2014. En effet, la Commission prévoyait une croissance de 1,1 % et une inflation de 1,7 % en 2014 ; cependant, les données publiées en février 2015 ont fait apparaître, pour 2014, une progression du PIB de 0,4 % et une inflation de 0,6 %.

Tableau n° 12 : Comparaison entre les prévisions macroéconomiques de la Commission européenne et le réalisé

(évolution en %)

Prévisions de mai 2013 (1)

Prévisions de février 2015 (2)

2013

2014

2013

2014

PIB

- 0,1

1,1

0,3

0,4

Prix à la consommation

1,2

1,7

1,0

0,6

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Spring 2013 », European Economy 2/2013 , mai 2013.

(2) Commission européenne, « European Economic Forecast. Winter 2015 », European Economy 1/2015 , fév. 2015.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Si les deux conditions prévues par le droit de l'Union européenne pour l'octroi d'un report du délai de correction du déficit excessif paraissaient globalement respectées, il semble que la France a, avant tout, bénéficié des principes figurant dans la communication de la Commission du 13 janvier 2015 , intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance » 100 ( * ) ; la recommandation du Conseil du 10 mars relève, à ce titre, que « les informations fournies et les engagements pris par les autorités françaises en ce qui concerne les réformes structurelles vont dans la bonne direction pour être considérés comme un facteur pertinent permettant à la France de bénéficier d'une prolongation de plus d'un an du délai pour la correction du déficit excessif ».

La recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 a accompagné le report du délai de correction d'objectifs de déficit effectif et d'amélioration du solde structurel pour les années 2015 à 2017 . Ainsi, selon la recommandation, le déficit effectif devrait être de 4 % en 2015, de 3,4 % en 2016 et de 2,8 % en 2017. L'amélioration annuelle sous-jacente du solde structurel serait, quant à elle, de 0,5 % du PIB en 2015, de 0,8 % du PIB en 2016 et de 0,9 % du PIB en 2017.

Tableau n° 13 : La recommandation du Conseil de l'Union européenne
du 10 mars 2015

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Objectifs de solde public effectif

4,0

3,4

2,8

Objectifs d'amélioration du solde structurel

0,5

0,8

0,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France)

2. Le retour en grâce du solde public effectif

Fort de résultats au titre de l'exercice 2014 plus favorables qu'initialement prévu, le déficit public s'élevant à 3,9 % du PIB et non à 4,4 % comme l'anticipait la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2018, le Gouvernement a retenu une cible de déficit effectif légèrement inférieure à l'objectif arrêté par le Conseil de l'Union européenne, de 2,7 % du PIB au lieu de 2,8 % du PIB en 2017 .

Deux remarques doivent cependant être formulées à cet égard. Tout d'abord, la trajectoire de solde effectif n'a pas été modifiée depuis la présentation du programme de stabilité pour les années 2015-2018 en avril dernier, en dépit d'une révision du déficit public pour 2014 de 4 % du PIB à 3,9 % du PIB , selon les données les plus récentes de l'Insee.

Ensuite, dans ces conditions, le solde effectif n'afficherait qu'une amélioration modeste au cours de l'exercice 2015, de 0,1 point, pour s'établir à - 3,8 % du PIB cette année . Aussi un tel résultat vient-il interroger quant à la capacité du Gouvernement à gravir les deux marches nécessaires à l'atteinte de l'objectif de déficit effectif de 2,7 % du PIB en 2017, soit à procéder à une amélioration du solde public de 0,5 point de PIB en 2016, puis de 0,6 point en 2017 .

En tout état de cause, espérant bénéficier d'un rebond de la croissance économique, qui permettrait une amélioration « mécanique » du solde public, le Gouvernement a fait du retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB le principal objectif de sa trajectoire budgétaire , délaissant peu à peu la notion de solde structurel à laquelle il était auparavant accordé une importance centrale.

Tableau n° 14 : La trajectoire de solde public effectif

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde public

LPFP 2012-2017

- 2,2

- 1,3

- 0,6

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 4,4

- 4,1

- 3,6

- 2,7

- 1,7

- 0,7

PStab. 2015-2018

- 4,0

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

PLF 2016

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

- 1,9

- 1,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

3. Un respect artificiel des cibles de solde structurel
a) Une révision opportune des hypothèses de calcul du solde structurel...

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un recul du déficit structurel de 2 % du PIB en 2014 à 0,2 % du PIB à 2018 , correspondant à un ajustement structurel de 0,4 point de PIB en 2015 et de 0,5 point de PIB par an entre 2016 et 2018. Cet ajustement serait supérieur à celui figurant dans la dernière loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ajustement structurel de 1,6 point de PIB sur la période 2015-2018. Il en résulterait, comme le fait apparaître l'article liminaire du présent projet de loi, que le solde structurel s'élèverait à - 1,2 % du PIB en 2016, contre une prévision de - 1,8 % du PIB dans la loi de programmation .

Tableau n° 15 : La trajectoire de solde public structurel

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde structurel

LPFP 2012-2017

- 1,0

- 0,8

- 0,5

- 0,3

LPFP 2014-2019

- 2,4

- 2,1

- 1,8

- 1,3

- 0,8

- 0,2

PStab. 2015-2018

- 2,0

- 1,6

- 1,1

- 0,6

- 0,1

PLF 2016

- 2,0

- 1,7

- 1,2

- 0,7

- 0,2

0,0

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Ces dernières données pourraient laisser penser que la consolidation des finances publiques actuellement affichée par le Gouvernement serait supérieure à ce que prévoyait la loi de programmation. Cependant, les éléments relatifs au solde structurel et à l'ajustement structurel sont difficilement comparables dans la mesure où le Gouvernement a fait le choix, dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018, de modifier les hypothèses de produit intérieur brut (PIB) potentiel et de croissance potentielle 101 ( * ) (cf. infra ). Or, le PIB potentiel constitue une variable essentielle dans le calcul du solde structurel et de l'ajustement structurel - comme s'était attaché à le mettre en évidence votre rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 102 ( * ) .

Graphique n° 16 : Comparaison des trajectoires de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2016

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Une telle modification des hypothèses de PIB potentiel a été critiquée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qui y a vu un « problème de principe » 103 ( * ) . En effet, il convient de rappeler qu'en application de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 104 ( * ) , le Haut Conseil examine, dans le cadre du mécanisme de correction, le respect des objectifs de solde structurel « en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé » à la loi de programmation.

Cette disposition, adoptée par le Sénat à l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, visait à ce que les hypothèses de PIB potentiel soient communes au Gouvernement, au Haut Conseil, mais également au Parlement, qui ratifie la trajectoire, et ce tout au long de la période de programmation. Par conséquent, en modifiant les hypothèses de croissance potentielle, le Gouvernement « gêne » considérablement le contrôle qui peut être exercé sur le respect de la trajectoire des finances publiques . Par ailleurs, cela signifie que plusieurs trajectoires de solde structurel ont vocation à coexister : celle de la loi de programmation et celle du dernier programme de stabilité - qui se retrouve dans ce projet de loi de finances.

Dans le programme de stabilité 2015-2018, le Gouvernement justifiait la révision de ses hypothèses de croissance potentielle par les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et de solidarité 105 ( * ) . Toutefois, ces différentes mesures étaient déjà connues lors de l'élaboration et du vote de la dernière loi de programmation. Aussi votre rapporteur général a-t-il demandé au ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, que lui soient transmis les documents produits par ses services concernant l'évaluation de la croissance potentielle française .

Tableau n° 17 : Comparaison des trajectoires de croissance potentielle retenues dans la LPFP 2014-2019 et le projet de loi de finances pour 2016

(évolution en %)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,1

1,3

1,2

1,1

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 3,3

- 3,4

- 3,1

- 2,5

- 1,7

- 0,9

Projet de loi de finances pour 2016 (programme de stabilité 2015-2018*)

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

Écart de production (en % du PIB potentiel)

- 3,3

- 3,4

- 3,4

- 3,4

- 3,1

- 2,6

* Si les hypothèses de croissance potentielle retenues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 sont identiques à celles du programme de stabilité 2015-2018, les prévisions d'écart de production sont différentes en raison de la révision ultérieure des données conjoncturelles.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Dans le courrier accompagnant sa réponse à cette demande, en date du 24 juin 2015, Michel Sapin indiquait : « À l'automne, j'ai fait le choix d'aligner l'hypothèse de croissance potentielle de la nouvelle LPFP sur la prévision réalisée par la Commission européenne au printemps 2014 . Mon objectif était de nous prémunir de débats techniques sur l'évaluation de notre ajustement structurel afin de concentrer les discussions avec nos partenaires sur l'orientation de la politique économique et budgétaire, dans la perspective de l'obtention d'une recommandation » ; puis il ajoutait que « bien qu'elle s'impose dans nos discussions avec nos partenaires, la méthode communément agrégée de la Commission présente des limites importantes, soulignées par de nombreux États membres ».

Comme le rappelle l'une des notes transmises par le ministre, provenant de la direction générale du Trésor, quatre « limites » à la méthode d'estimation de la croissance potentielle de la Commission européenne sont généralement identifiées , toutes liées au fait qu'elle repose sur une approche exclusivement statistique :

- les estimations de croissance potentielle sont trop pro-cycliques , un ralentissement conjoncturel de l'activité se traduisant par une révision à la baisse de la croissance potentielle, ce qui peut avoir pour effet de demander aux États membres en phase basse du cycle d'accroître leurs efforts budgétaires afin de respecter leurs objectifs de solde structurel ;

- les estimations ne prennent pas en compte explicitement, ou le font avec retard, l'impact des réformes structurelles mises en oeuvre - cet impact n'étant visible que tardivement dans les statistiques, comme c'est, par exemple, le cas pour le CICE et le Pacte de responsabilité ;

- la méthode n'est pas adaptée à la prise en compte, au moment de la crise, d'un choc de productivité suivi d'une nouvelle croissance de la productivité , comme cela pourrait être le cas s'agissant de la France ;

- l'estimation de l'écart de production est particulièrement instable , dans la mesure où le PIB potentiel fait lui-même l'objet de révisions régulières ; or, l'écart de production constitue une donnée essentielle pour estimer le solde structurel (cf. supra ).

Eu égard à ces limites, Michel Sapin a indiqué, dans le courrier précité, « avoir demandé que la France porte l'ambition d'une révision de cette méthodologie commune d'évaluation de la croissance potentielle, en particulier pour mieux prendre en compte les effets des réformes ».

Si la méthodologie utilisée par la Commission européenne pour évaluer la croissance potentielle comporte sans doute des imperfections, ceci ne justifie en rien la modification de la trajectoire de PIB potentiel intervenue dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018 , celle-ci étant clairement en contradiction avec la lettre et l'esprit de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. À supposer que la méthode de la Commission soit lacunaire, le Gouvernement aurait dû soit retenir des hypothèses de croissance potentielle différentes de celles proposées par cette dernière dans le cadre de la LPFP, soit ne modifier ces hypothèses qu'à l'issue de la période de programmation - l'important se trouvant dans la stabilité des méthodes afin d'assurer la cohérence et la lisibilité de la trajectoire de solde structurel proposée. En effet, en procédant ainsi, le Gouvernement aurait, notamment, pu éviter de s'exposer à l'une des critiques qu'il formule lui-même à l'encontre de la méthode de la Commission, à savoir l'instabilité de l'estimation de l'écart de production.

Par ailleurs, il convient de relever que les hypothèses gouvernementales s'inscrivent indiscutablement dans le haut de la « fourchette » des estimations retenues par les économistes , comme le montre le consensus de la croissance potentielle de la commission des finances d'octobre 2014 106 ( * ) .

Tableau n° 18 : Consensus de la croissance potentielle
de la commission des finances du Sénat

Prévisionnistes

2015

2016

2017

2018

2019

Moyenne

2015-2019

Axa AM

0,8 %

1,0 %

1,25 %

1,5 %

1,5 %

1,2 %

COE-Rexecode

1,2 %

1,2 %

Euler Hermes

1,5 %

1,5 %

Exane

1,1 %

1,1 %

1,1 %

1,1 %

1,1 %

1,1 %

Groupama AM

1,2 %

1,2 %

1,2 %

1,2 %

1,2 %

1,2 %

Natixis

0,8 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

Oddo Securities

1,0 %

1,0 %

Oxford Economics

0,9 %

1,1 %

1,2 %

1,2 %

1,3 %

1,1 %

PAIR Conseil

0,9 % (1)

1,0 % (1)

1,1 % (1)

1,2 % (1)

1,3 % (1)

1,1 % (1)

1,2 % (2)

1,3 % (2)

1,5 % (2)

1,6 % (2)

1,7 % (2)

1,5 % (2)

MOYENNE

1,1 %

1,1 %

1,2 %

1,2 %

1,3 %

1,2 %

Minimum

0,8 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

0,9 %

Maximum

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,6 %

1,7 %

1,5 %

(1) Scénario 1 de PAIR Conseil, dit « trajectoire fil de l'eau », soit à politique économique inchangée en zone euro.

(2) Scénario 2 de PAIR Conseil, dit « scénario policy mix européen adapté », retenant l'hypothèse du déploiement d'un policy mix en zone euro « plus adapté » en termes de politique monétaire, de politique budgétaire et fiscale ainsi que d'investissement public.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par les instituts cités)

Il apparaît clairement, dans le courrier adressé à votre rapporteur général par le ministre des finances et des comptes publics, que l'objectif du Gouvernement était, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, de donner des gages de bonne volonté aux autorités européennes en retenant les estimations de croissance potentielle de la Commission, dans l'espoir d'obtenir un nouveau report du délai de correction du déficit excessif (cf. supra ). Une fois ce report acquis, le Gouvernement s'est, de toute évidence, senti libre de retenir une estimation de la croissance potentielle lui étant plus favorable.

b) ... qui permet d'accroître l'ajustement structurel affiché

Le relèvement des hypothèses de croissance potentielle de 0,2 point pour les années 2016 à 2018 interroge, en effet, d'autant plus que cette modification permet d'accroître mécaniquement l'ajustement structurel affiché. Dans le projet de loi de finances, l'ajustement structurel pour la période 2015-2018 atteint 1,9 point de PIB ; cependant, avec les hypothèses de croissance potentielle de la dernière loi de programmation, il ne serait que de 1,6 point de PIB environ - cet écart de 0,3 point de PIB correspond à un moindre ajustement d'un peu moins de dix milliards d'euros.

La révision de ces hypothèses permet donc au Gouvernement de présenter un ajustement structurel de 0,5 point de PIB par an au titre de la période 2016-2018 , soit le niveau minimal requis par le Pacte de stabilité et de croissance pour les États soumis à la procédure de déficit excessif.

Pour autant, cela ne permet aucunement d'atteindre les cibles d'ajustement structurel arrêtées par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation du 10 mars dernier (cf. supra ) - sans même qu'il soit tenu compte des divergences d'estimation du PIB potentiel et de la croissance potentielle qui existent entre le Gouvernement et la Commission européenne. L'insuffisance des ajustements structurels programmés pour les exercices 2015 et 2016 a, d'ailleurs, été relevée par cette dernière dans sa communication du 1 er juillet 2015 évaluant les actions prises par la France en réponse à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 107 ( * ) .

Toutefois, même en considérant les effets induits par la révision des hypothèses permettant de calculer le solde structurel, la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques serait respectée en 2016 . À cet égard, dans son dernier avis 108 ( * ) , le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) s'est attaché à examiner les estimations de solde structurel calculées avec les hypothèses de croissance potentielle figurant dans la loi de programmation, conformément aux dispositions précitées de la loi organique du 17 décembre 2012 ; sur cette base, celui-ci a relevé que « la trajectoire de solde structurel [était] en avance sur les objectifs de la loi de programmation ». En effet, le Haut Conseil a indiqué que « pour l'année 2014, le déficit structurel des administrations a été inférieur de 0,4 point à l'objectif de la loi de programmation, notamment en raison d'une augmentation de la dépense publique moins rapide que prévu. Cet écart se reporte en niveau les années suivantes : les déficits structurels présentés dans le projet de loi de finances sont également inférieurs en 2015 et 2016 à ceux fixés en loi de programmation (- 1,7 % du PIB en 2015 contre - 2,1 % en loi de programmation, et - 1,3 % du PIB en 2016 contre - 1,8 %) ».

Ainsi, en raison de l'exécution 2014, le déficit structurel pour l'année 2016 serait inférieur aux orientations pluriannuelles des finances publiques (- 1,8 % du PIB), que celui-ci soit calculé à partir des hypothèses de croissance potentielle de la dernière loi de programmation (- 1,3 % du PIB) ou de celles du projet de loi de finances pour 2016 (- 1,2 % du PIB) (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 19 : Trajectoire du solde structurel calculée à partir
des hypothèses de la LPFP 2014-2019

(en % du PIB potentiel)

2014

2015

2016

LPFP 2014-2019

- 2,4

- 2,1

- 1,8

PLF pour 2016 (article liminaire)

- 2,0

- 1,7

- 1,2

PLF pour 2016 (croissance potentielle de la LPFP)

- 2,0

- 1,7

- 1,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données publiées par le Haut Conseil des finances publiques)

Quoi qu'il en soit, il faut relever le fait que l'ajustement structurel projeté pour la période 2015-2018 devrait reposer exclusivement sur des efforts en dépenses (cf. tableau ci-après). En effet, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires devraient avoir un effet négatif en 2015-2016, en lien avec la baisse des prélèvements annoncée par le Gouvernement.

Tableau n° 20 : Variation du solde structurel des administrations publiques

(en points de PIB)

2014

2015

2016

Ajustement structurel, dont :

0,6

0,4

0,5

Effort structurel

0,5

0,6

0,5

Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

0,2

- 0,1

- 0,1

Effort en dépenses

0,4

0,7

0,5

Composante non discrétionnaire

0,1

- 0,2

0,0

Clef en crédit d'impôt

- 0,1

0,0

0,0

Source : commission des finances (à partir du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016)

4. Une trajectoire budgétaire exposée aux vents conjoncturels

Comme cela vient d'être indiqué, la trajectoire de solde structurel proposée par le Gouvernement ne permet aucunement de respecter les cibles arrêtées par le Conseil de l'Union européenne dans le cadre de sa recommandation du 10 mars dernier ; de même, l'ajustement structurel minimal requis par le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) pour les États soumis à la procédure de déficit excessif ne serait respecté pour les années 2015 à 2017 que grâce à la modification des hypothèses de croissance potentielle , qui a permis de relever « artificiellement » le niveau de l'ajustement affiché.

En réalité, la stratégie budgétaire gouvernementale consiste à faire reposer le respect du Pacte de stabilité et de croissance exclusivement sur l'amélioration du déficit effectif . En effet, les autorités européennes ne sont amenées à examiner les ajustements structurels réalisés que si les cibles de déficit nominal n'ont pas été respectées ; aussi, probablement, le Gouvernement escompte-t-il une nette réduction du déficit effectif grâce au rebond de la conjoncture économique afin de se conformer aux engagements européens de la France .

Néanmoins, une telle stratégie présente un certain danger, dans la mesure où le respect de ces engagements est totalement tributaire du rythme de la croissance économique ; or, si la reprise venait à être moins rapide que prévu, ralentissant l'amélioration du déficit effectif, notre pays ne serait pas en mesure de présenter les ajustements structurels demandés par le Conseil de l'Union européenne et s'exposerait à des sanctions.

Eu égard aux incertitudes nombreuses qui affectent l'évolution de l'environnement économique mondial, dans un contexte marqué notamment par le ralentissement des pays émergents (cf. supra ), une telle hypothèse ne saurait être écartée. Par conséquent, les développements qui suivent proposent de mesurer la sensibilité de la trajectoire de solde effectif et de la dette publique à la conjoncture économique .

À cet effet, il est proposé de retenir deux scénarii conventionnels , qui ne constituent aucunement des prévisions alternatives, dans lesquels la croissance du PIB est supposée être supérieure de ½ point à la prévision du Gouvernement dans un cas et inférieure de ½ point dans l'autre pour les années 2016 et 2017 .

Ainsi, sur l'ensemble de la période considérée, il apparaît que la trajectoire d'ajustement structurel proposée par le Gouvernement ne permettrait pas, en cas de croissance inférieure de ½ point aux prévisions, de faire revenir le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 . En outre, le taux d'endettement continuerait de croître sur toute la période, pour s'élever à plus de 98 % du PIB en 2017 .

Tableau n° 21 : Sensibilité du solde effectif et de la dette à la conjoncture

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

Scénario du Gouvernement

Croissance (en %)

0,2

1,0

1,5

1,5

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

Dette publique

95,6

96,3

96,5

96,5

Scénario du Gouvernement + ½ point de croissance

Croissance (en %)

0,2

1,0

2,0

2,0

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,0

- 2,1

Dette publique*

95,6

96,3

95,8

94,8

Scénario du Gouvernement - ½ point de croissance

Croissance (en %)

0,2

1,0

1,0

1,0

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,6

- 3,2

Dette publique*

95,6

96,3

97,2

98,2

* Il est supposé que seule la variation de la dette imputable au déficit est sensible aux évolutions du PIB (les éléments exogènes, soit ceux non pris en compte dans le calcul du déficit mais comptabilisés dans la dette publique, conformément aux règles européennes - dettes contractées par le FESF, apports au capital du MES, etc. -, sont déterminés en retenant les hypothèses du projet de loi de finances pour 2016).

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de loi de finances pour 2016 appliquées aux données établies par l'Insee en mars et octobre 2015)

Une mauvaise fortune conjoncturelle n'est toutefois pas le seul risque concernant la trajectoire de solde effectif au cours des mois à venir ; entre autres, celle-ci pourrait être « déviée » dans l'éventualité où une réduction de la dette publique de la Grèce serait décidée .

5. La réduction de la dette grecque et le déficit public de la France
a) Une possible réduction de la dette publique grecque...

Si le 22 octobre 2015, lors de son déplacement en Grèce, le Président de la République, François Hollande, a plaidé en faveur d'une renégociation de la dette publique grecque - qui approchait déjà 180 % du PIB à la fin de l'année 2014 -, celui-ci a néanmoins écarté un allègement du « poids » de la dette en tant que tel, privilégiant un report dans le temps des charges d'intérêts . Aussi le chef de l'État semble-t-il opposé à l'annulation de tout ou partie de la dette de la République hellénique.

Pour autant, certains protagonistes, au premier rang desquels figure le Fonds monétaire international (FMI), insistent sur le besoin impérieux de restructurer la dette publique de la Grèce . Ainsi, quelques jours après qu'un accord a été trouvé entre le gouvernement grec et le

« groupe de Bruxelles » 109 ( * ) à l'été dernier, le FMI publiait une étude 110 ( * ) soulignant la nécessité de procéder à un allègement de la dette grecque eu égard à la détérioration « dramatique » de la soutenabilité de cette dernière . Le Fonds envisageait à cet effet trois options : une extension de dix à trente ans du délai de grâce pendant lequel la Grèce n'aurait pas à rembourser sa dette à ses créanciers, des transferts annuels au profit de la République hellénique, ou encore un effacement de dette. De même, lors d'une conférence de presse s'étant tenue à la fin du mois de juillet dernier, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a déclaré que pour que « la Grèce réussisse et qu'un quelconque programme aboutisse, une restructuration significative de la dette doit intervenir » 111 ( * ) . À son tour, dans une interview donnée le 11 octobre 2015 au quotidien grec Kathimerini , Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a indiqué : « nous avons exprimé des préoccupations quant à la soutenabilité actuelle de la dette [grecque]. Selon nous, il devra y avoir un élément d'allégement de la dette » 112 ( * ) .

Par conséquent, bien que la déclaration de l'Eurogroupe du 12 juillet dernier ait clairement souligné « que l'on ne [pouvait] pas opérer de décote nominale sur la dette » 113 ( * ) de la Grèce, et en dépit de l'opposition affichée du chef de l'État français et du gouvernement allemand à une telle réduction, une mesure de cette nature ne saurait être totalement écartée alors qu'une renégociation de la dette grecque pourrait intervenir dans les mois à venir .

b) ... susceptible de dégrader le déficit public de la France

Dans ces conditions, il paraît essentiel de revenir sur les incidences budgétaires de l'annulation éventuelle d'une partie de la dette grecque, d'autant qu'elle pourrait affecter le déficit public français au titre de l'exercice 2016 . À titre de rappel, votre rapporteur général s'était attaché, en juillet dernier, à identifier les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec 114 ( * ) ; à cette occasion, il avait rappelé l'ensemble des programmes d'aide déployés en faveur de la Grèce, ainsi que les coûts supportés par la France au titre de l'assistance financière apportée à celle-ci.

À ce jour, il est possible de distinguer plusieurs types d'aides versées à la Grèce dans le cadre des différents programmes d'assistance qui se sont succédé depuis 2010. Viennent, tout d'abord, les prêts bilatéraux accordés par les États membres de la zone euro , dont le montant atteint 52,9 milliards d'euros. Ensuite, la République hellénique a bénéficié de prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF) dont le montant déboursé s'élève à 130,9 milliards d'euros. De même, le Fonds monétaire international (FMI) a apporté un soutien de 32,1 milliards d'euros. À ces différentes aides sont venus s'ajouter les prêts octroyés par le Mécanisme européen de stabilité (MES) en conséquence de l'accord intervenu en juillet dernier, les versements ayant débuté en août dernier, représentant 13 milliards d'euros à ce jour.

En définitive, au 30 septembre 2015, le total des programmes d'assistance établis au profit de la Grèce s'élevait à 301,9 milliards d'euros maximum , dont 228,9 milliards d'euros avaient été déboursés et 73 milliards d'euros au plus restaient à débourser, comme le montre le tableau ci-après.

Tableau n° 22 : Programmes d'assistance en faveur de la Grèce au 30 septembre 2015

(en milliards d'euros)

Total des programmes

Montants déboursés

Reste à débourser

Prêts bilatéraux

52,9

52,9

0,0

Fonds européen de stabilité financière (FESF)

130,9

130,9

0,0

Fonds monétaire international (FMI)

32,1*

32,1

0,0

Mécanisme européen de stabilité (MES)

Max. 86,0

13,0

Max. 73,0

Total

Max. 301,9

228,9

Max. 73,0

* La participation du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du troisième programme d'assistance conclu en juillet 2015 n'a pas encore été annoncée.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le ministère des finances et des comptes publics)

Aussi, supportant une part significative de l'assistance financière apportée à la Grèce, la France serait-elle exposée à une réduction de la dette publique grecque . L'exposition de notre pays à ce titre est de deux ordres. Tout d'abord, la France a accordé à la République hellénique un prêt bilatéral de 11,4 milliards d'euros , dont l'intégralité du montant a d'ores et déjà été versée. Ensuite, la France est venue apporter des garanties au Fonds européen de stabilité financière (FESF) ; si cette opération n'a pas donné lieu à la mobilisation de crédits budgétaires, l'ensemble des fonds levés par le FESF sont venus accroître la dette publique française, à l'instar du prêt bilatéral précité .

En effet, dans un avis du 27 janvier 2011, Eurostat a estimé que les montants levés dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière devaient être enregistrés dans la dette brute des États de la zone euro en proportion de leur part dans la garantie accordée . L'institut de statistiques a considéré que le FESF ne réunissait pas toutes les caractéristiques habituelles d'une unité institutionnelle au sens du système européen de comptes dit « SEC 95 », dans la mesure où il ne disposait pas d'une « capacité d'initiative et [avait] une autonomie de décision limitée dans l'exercice de sa fonction principale, l'octroi de prêts aux États en difficulté », les décisions relatives à cette mission principale étant soumises à l'approbation préalable des États de la zone euro 115 ( * ) .

Par conséquent, le montant de la dette publique de la France imputable aux prêts accordés par le FESF à la Grèce s'élevait à 31 milliards d'euros en 2014 et devrait représenter 28,6 milliards d'euros en 2015 - cette diminution s'expliquant par la restitution de 10,9 milliards d'euros au Fonds en raison de la révision des besoins de recapitalisation des banques grecques. L'assistance financière apportée à la Grèce représente donc 40 milliards d'euros de dette publique française en 2015, soit 1,8 % du PIB , comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Tableau n° 23 : Impact du soutien financier à la Grèce sur la dette publique de la France

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Prêts bilatéraux

4,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

FESF

-

-

23,6

29,2

31,0

28,6

28,6

28,6

Total

4,4

11,4

35

40,6

42,4

40,0

40,0

40,0

(p) : prévisions

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le ministère des finances et des comptes publics)

Il convient de préciser qu'à la différence du Fonds européen de stabilité financière (FESF), les prêts accordés à la Grèce par le Mécanisme européen de stabilité (MES) sont sans incidence sur la dette publique française . En effet, en vertu d'une décision du 31 janvier 2013 d'Eurostat, la dette contractée par le MES ne vient pas accroître le niveau d'endettement des États de la zone euro , ce dernier ayant le statut d'institution financière internationale.

Les développements précédents permettent de mieux appréhender les conséquences d'une réduction éventuelle de la dette grecque pour les finances publiques. Du fait des règles comptables qui trouvent à s'appliquer, une restructuration du prêt bilatéral concédé à la Grèce viendrait dégrader le déficit public français, tout comme celle des prêts octroyés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), en proportion de la part de la France dans la garantie apportée - la perte observée correspondant, en comptabilité nationale, à un flux de dépense l'année où elle est constatée, la logique étant de constater l'« appauvrissement » suscité par l'abandon de créance.

À titre d'exemple, une réduction de 10 % de la dette publique grecque - touchant indifféremment tous les prêts accordés à la République hellénique par des institutions publiques - aurait pour effet, l'année où elle interviendrait, d'accroître le déficit public de 4 milliards d'euros, soit de près de 0,2 point de PIB . À cela viendraient s'ajouter les pertes de recettes du fait du non remboursement du capital et des intérêts devant débuter en 2020.

Sans qu'il soit question de l'accueil politique réservé à une réduction de la dette grecque eu égard à ses incidences budgétaires, il serait nécessaire de se préoccuper du traitement susceptible d'être réservé par les autorités européennes, dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), à une telle dégradation des déficits publics des États de la zone euro . Ceci pourrait, à cet égard, conduire à ce que soit privilégiée une restructuration des seuls prêts octroyés par le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui serait sans conséquence pour la situation budgétaire des pays membres de la zone euro.

Pour conclure, il convient de relever qu'un allongement de la période de grâce pour les prêts accordés à la Grèce, tel que proposé par le Président de la République, ne serait pas, à proprement parler, sans effet sur la situation budgétaire de la France. En effet, cette dernière serait privée des recettes afférentes au remboursement du prêt bilatéral consenti à la République hellénique pour toute la durée concernée par l'allongement de la période de grâce ; toutefois, les incidences sur les finances publiques d'une telle opération seraient d'une ampleur bien plus faible que celles inhérentes à une décote nominale de la dette grecque.

B. 50 MILLIARDS D'EUROS D'ÉCONOMIES, INVARIABLEMENT...

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement vient confirmer le programme de 50 milliards d'euros d'économies au cours de la période 2015-2017 . Celui-ci tend à devenir le principal pilier de la trajectoire budgétaire ou, du moins, son élément le plus stable ; si les cibles de solde effectif ou encore de solde structurel sont changeantes, l'objectif de 50 milliards d'euros d'économies, lui, demeure .

L'invariabilité de cet objectif est d'autant plus surprenante qu'elle résiste à toutes les évolutions concernant les dépenses et les recettes publiques . Certes, le Gouvernement a prévu des mesures complémentaires venant compenser les moindres économies résultant du ralentissement de l'inflation (cf. supra ) ; pour autant, les modalités de financement de certaines dépenses nouvelles et réductions de prélèvements annoncées au cours de la période récente n'ont, à ce jour, pas encore été précisées .

Quoi qu'il en soit, le montant des économies programmées pour l'exercice 2016 s'élève à 16 milliards d'euros ; néanmoins, les mesures d'économies retenues jusqu'à présent semblent rester à la surface des choses et être difficilement en mesure de ralentir durablement la progression de la dépense publique .

1. Un objectif d'économies qui ne varie pas...
a) Un objectif de 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017

Annoncé par le Gouvernement dès la fin de l'année 2013, le programme d'économies pour les années 2015 à 2017 a été confirmé par le Président de la République, François Hollande, lors de sa conférence de presse de janvier 2014 116 ( * ) , puis détaillé par le Premier ministre, Manuel Valls, à l'issue du Conseil des ministres du 16 avril de la même année 117 ( * ) . Ce dernier avait alors précisé que les économies devraient être « équitablement réparties entre toutes les sources de dépenses publiques » - soit entre l'État et ses agences, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale. Aussi le choix du Gouvernement a-t-il été, de toute évidence, de répartir les économies entre sous-secteurs des administrations publiques en fonction de leur poids respectif dans la dépense publique , comme le fait apparaître le tableau ci-après.

Tableau n° 24 : Répartition de l'effort en dépenses sur la période 2015-2017
entre les administrations publiques

État et ODAC

APUL

ASSO

Part dans les économies

38,0 %

21,4 %

40,6 %

Part dans les dépenses publiques

37,4 %

19,0 %

43,5 %

Part dans le déficit public

84,7%

5,3 %

10,0 %

Part dans la dette publique

81,8 %

9,5 %

8,7 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de finances pour 2016 et des données de l'Insee pour l'exercice 2014)

Ainsi, l' État et ses opérateurs porteraient 19 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017, les collectivités territoriales 10,7 milliards d'euros et les administrations de sécurité sociale (ASSO) 20,3 milliards d'euros, dont une part importante - soit 10 milliards d'euros - serait réalisée dans le champ de l' objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

De même, l'effort serait réparti sur toute la période 2015-2017, le montant des économies attendues étant de 18,6 milliards d'euros en 2015, de 16 milliards d'euros en 2016 et de 15,4 milliards d'euros en 2017 (cf. tableau ci-après).

Ces différentes estimations tiennent compte des mesures complémentaires annoncées dans le cadre du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 , visant à compenser les moindres économies résultant du ralentissement de l'inflation, dont le montant était estimé à 4 milliards d'euros pour 2015 et à 6 milliards d'euros en 2016 . Le détail des mesures a été précisé dans un rapport adressé par le Gouvernement le 10 juin dernier aux institutions européennes.

Tableau n° 25 : Économies mises en oeuvre sur la période 2015-2017

(en %)

2015

2016

2017

Cumul

Total

18,6

16,0

15,4

50,0

État et opérateurs

8,7

5,1

5,1

19,0

Collectivités territoriales

3,5

3,5

3,7

10,7

Administrations de sécurité sociale

6,4

7,4

6,5

20,3

ONDAM

3,2

3,4

3,4

10,0

Autres

3,2

4,0

3,1

10,3

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

Ce document précise, tout d'abord, les économies complémentaires d'un montant de 1,2 milliard d'euros devant être réalisées par l'État et ses opérateurs ; à ce titre, un décret d'annulation de 0,7 milliard d'euros sur les crédits des ministères a été publié le 10 juin 2015 118 ( * ) - le rapport de motivation du décret précité indiquait que les crédits annulés portaient « essentiellement sur des dépenses modulables, afin de ne pas remettre en cause la soutenabilité des dépenses obligatoires (en particulier les rémunérations et prestations versées par l'État) », ce qui tend à confirmer que la stratégie de réduction de la dépense publique choisie par le Gouvernement répond plus à une logique de « coup par coup » qu'à une recherche de mesures permettant d'abaisser durablement le rythme d'évolution de la dépense . S'agissant des opérateurs de l'État, le Gouvernement constate opportunément un ralentissement des dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et des décaissements du programme d'investissements d'avenir (PIA), pour un montant total de 0,5 milliard d'euros.

À cela viendrait s'ajouter une révision à la baisse de la charge de la dette au titre de l'exercice 2015 pour 1,2 milliard d'euros , en lien avec le recul des taux d'intérêt - ainsi, alors que dans le cadre de la loi de finances pour 2015, les taux à 10 ans étaient estimés à 2 % fin 2015, ces derniers sont désormais évalués à 1,4 % à cette échéance, pour une moyenne annuelle de 0,85 % environ. Cette hypothèse ne paraît pas, à ce jour, particulièrement optimiste, le Consensus Forecasts d'octobre 2015 prévoyant un taux d'intérêt à 10 ans de 1 % en janvier 2016 et de 1,3 % en juin de la même année .

Tableau n° 26 : Mesures de redressement annoncées pour 2015

Montant
(en Md d'euros)

Sources/Actions

État

0,7

- Décret d'annulation du 10 juin 2015

Opérateurs

0,5

- Budget rectificatif de l'AFITF du 6 mars 2015

- Rapport trimestriel du Commissariat général à l'investissement (1 er trimestre 2015)

Charge d'intérêts

1,2

- Évaluation de l'Agence France Trésor (AFT)

Sécurité sociale

1,0

- Avis du Comité d'alerte de l'ONDAM du 26 mai 2015

- Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 8 juin 2015

Recettes

0,6

- Situation du recouvrement du STDR du 15 mai 2015

- Résultats financiers 2014 de la Banque de France

Total

4,0

Source : rapport de la France sur la mise en oeuvre des actions suivies d'effet consécutives à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 (10 juin 2015)

Les administrations de sécurité sociale (ASSO), quant à elles, contribueraient à hauteur de 1 milliard d'euros à l'effort supplémentaire requis en 2015 . Ce montant comprend :

- 425 millions d'euros de dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) . En effet, à la suite du programme de stabilité 2015-2018, 425 millions d'euros de crédits ont été annulés, notamment pour ce qui est des dépenses hospitalières et médico-sociales, dont 175 millions d'euros pris sur l'enveloppe des crédits gelés. En dépit de cela, dans son avis du 6 octobre 2015 119 ( * ) , le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a constaté que « les dépenses dans le champ de l'ONDAM pourraient s'établir à 181,9 Md€, en retrait de 450 M€ par rapport à l'objectif voté dans la LFSS pour 2015, mais en conformité avec l'objectif rectifié par le programme de stabilité notifié à la Commission européenne en avril 2015 ». Dans ces conditions, le Gouvernement propose une révision à la baisse de l'ONDAM pour l'année 2015 dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ;

- 225 millions d'euros d'économies permises par le ralentissement des dépenses d'action sociale des caisses de sécurité sociale ;

- 250 millions d'euros de dépenses de gestion de la protection sociale , notamment « sous l'effet d'une évolution moins rapide de la masse salariale des organismes de sécurité sociale et d'un pilotage renforcé de leurs budgets de fonctionnement » ;

- 100 millions d'euros d'économies résultant des dispositions de l'article 19 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites 120 ( * ) . Selon le Gouvernement, « cette économie repose sur des hypothèses de comportements difficiles à anticiper et n'avait, de ce fait, pas été prise en compte dans la trajectoire de la LPFP. Ainsi, les assurés qui liquident leur pension, puis sont employés dans le cadre du cumul emploi retraite (CER), sont désormais soumis à l'obligation de liquider toutes leurs pensions avant de partir en CER et ne s'ouvrent plus de droits ensuite. Certains assurés reculeront la liquidation de leur pension pour augmenter leurs droits ».

Au total, la réalisation du programme de 50 milliards d'euros d'économies au cours de la période 2015-2017 suppose un ralentissement significatif de la dépense publique , comme le montre le tableau ci-après.

Tableau n° 27 : Évolution des dépenses publiques

(en %)

2014

2015

2016

2017

Inflation

0,4

0,1

1,0

1,4

En valeur, hors crédits d'impôt

0,9

1,0

1,3

1,6

En valeur, y compris crédits d'impôt

1,6

1,5

1,2

1,6

En volume, hors crédits d'impôt

0,5

0,9

0,4

0,1

En volume, y compris crédits d'impôt

1,2

1,4

0,3

0,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le ministère des finances et des comptes publics)

b) 16 milliards d'euros d'économies en 2016

Au cours de l'exercice 2016, 16 milliards d'euros d'économies devraient être réalisées . Par suite, la dépense publique progresserait, hors crédits d'impôts 121 ( * ) , de 1,3 % en valeur et de 0,4 % en volume - le montant des économies réalisées étant calculé comme le différentiel entre la hausse tendancielle des dépenses et leur progression constatée. Ce quantum d'économies comprendrait, tout d'abord, un effort de 5,1 milliards d'euros de la part de l'État et de ses opérateurs . Dans ce cadre, interviendrait, tout d'abord, un ralentissement de la masse salariale de l'État pour 0,8 milliard d'euros , permis notamment par la stabilité du point d'indice de la fonction publique (0,6 milliard d'euros) et la maîtrise des enveloppes catégorielles (0,3 milliard d'euros). Par ailleurs, un effort de 2,7 milliards d'euros serait réalisé dans le champ des dépenses d'intervention , grâce à la mise en oeuvre de réformes ciblées portant sur les aides aux travailleurs faiblement rémunérés, avec la fusion de la prime pour l'emploi (PPE) avec le revenu de solidarité active (RSA) et la mise en place de la prime d'activité, les aides personnelles au logement (APL), ou encore l'uniformisation des règles d'indexation des prestations sociales. En outre, 0,6 milliard d'euros d'économies découleraient de « l'amélioration de la productivité des administrations » et de « la professionnalisation de l'action de l'État-propriétaire » . Enfin, un effort de 1 milliard d'euros serait demandé aux opérateurs de l'État à travers la baisse d'un même montant des subventions pour charges de service public et des taxes affectées plafonnées.

S'agissant des collectivités territoriales, celles-ci verraient les dotations versées par l'État reculer de 3,5 milliards d'euros , le Gouvernement attendant des administrations publiques locales (APUL) un ralentissement de leurs dépenses d'un montant équivalent.

Enfin, les administrations de sécurité sociale consentiraient un effort de 7,4 milliards d'euros , dont 3,4 milliards d'euros dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), les autres économies étant attendues de la réforme de la politique familiale, des retraites de base et complémentaires, de l'assurance chômage, ainsi que de mesures de rationalisation de la gestion des organismes de sécurité sociale.

La trajectoire financière des différents sous-secteurs des administrations publiques font l'objet d'une analyse approfondie infra , dans un développement dédié.

Les 16 milliards d'euros d'économies ainsi annoncés par le Gouvernement en 2016 intègrent les mesures venant compenser les 6 milliards d'euros d'économies « perdues » du fait de la faible inflation ; selon le rapport économique, social et financier (RESF), ces pertes proviendraient, à parts égales, des prestations et d'autres dépenses évoluant spontanément avec l'inflation, comme les salaires publics.

2. ... alors que les mesures nouvelles en dépenses se multiplient

Si la faiblesse de l'inflation a entraîné l'adoption de mesures de correction, annoncées dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018, afin de maintenir inchangé le quantum de 50 milliards d'euros d'économies, il n'en demeure pas moins que les mesures nouvelles en dépenses se sont multipliées au cours des derniers mois . Pour nombre de ces dépenses, les modalités de compensation financière n'ont pas été précisées. En particulier, l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), adoptée en juillet dernier, a procédé, d'une part, à la substitution de crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles dédiées à la Défense et, d'autre part, à la majoration du montant des crédits attribués à cette dernière . Par conséquent, dans l'attente du versement de ces ressources exceptionnelles dans le budget général de l'État - notamment à la suite de la vente de fréquences hertziennes -, l'actualisation de la LPM conduit à un « surcoût » de 2,2 milliards d'euros en 2016 et de près de 7 milliards d'euros sur la période 2016-2019. Alors que les moyens nouveaux accordés à la Défense devaient, en principe, être compensés par des redéploiements entre missions au sein de la trajectoire de la norme de dépense définie par la loi de programmation pour les années 2014 à 2019, au titre de l'exercice 2016, la norme de dépense est dépassée de près de 0,5 milliard d'euros, essentiellement en raison de la hausse des dépenses au sein de la mission « Défense » de 0,6 milliard d'euros. Dès lors, l'actualisation de la LPM, à laquelle votre commission était bien entendu favorable, est à l'origine d'un besoin de financement non comblé à ce jour de plus de 2 milliards d'euros en 2016 .

À cela, viennent s'ajouter diverses annonces récentes dont les conditions de financement n'ont pas encore été précisées. Il en va ainsi de la dévolution, à l'initiative de la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine, d' une enveloppe de 15 millions d'euros afin de favoriser l'accueil de personnes handicapées dans des établissements médico-sociaux français , ou encore de l' abandon du prélèvement sur les intérêts de fonds placés dans des caisses de règlements pécuniaires des avocats (Carpa) par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui conduit à l'apparition d'un besoin de financement de 5 millions d'euros en 2016 au titre de l'aide juridictionnelle et de 10 millions d'euros en 2017 - à supposer que le budget prévisionnel dédié à cette dernière demeure inchangé. À l'horizon 2017 également, le Président de la République, François Hollande, a annoncé une généralisation du service civique , qui conduirait à une hausse des dépenses dédiées de 150 millions d'euros. De même, celui-ci s'est engagé à ce que les financements alloués à l'action de la France pour le climat passent de 3 milliards à 5 milliards d'euros d'ici à 2020 , sans qu'il ne soit encore possible de déterminer quelle sera la place des crédits publics dans cette augmentation.

Enfin, de nouvelles dépenses ont été dévoilées sans qu'en soient précisés ni le coût ni les modalités de financement. Ainsi, le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, a promis, en octobre dernier, des mesures catégorielles en faveur des personnels de la gendarmerie et de la police nationale ; de même, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé, le 26 octobre, l'introduction de caméras-piétons dans l'équipement des forces de l'ordre .

Aussi ces différentes zones d'ombre entourant le financement des mesures nouvelles en dépenses engagées par le Gouvernement, qui atteignent près de 2 milliards d'euros au seul titre de l'exercice 2016 , peuvent faire douter de la capacité de ce dernier à atteindre, in fine , son objectif de 50 milliards d'euros d'économies au cours de la période 2015-2017.

3. Des mesures d'économies qui restent à la surface des choses

La réalisation du programme d'économies de 50 milliards d'euros suppose la mise en oeuvre de réformes permettant de ralentir durablement la progression de la dépense publique. Or, le Gouvernement paraît éprouver des difficultés à engager des mesures structurelles d'économies, ayant privilégié jusqu'à présent la stratégie du « coup de rabot » . Ceci semble avoir significativement contribué à ce que la France affiche, aujourd'hui, une situation budgétaire parmi les plus dégradées de la zone euro .

a) Des comparaisons européennes défavorables à la France...

La comparaison des principaux indicateurs des finances publiques des différents États de la zone euro s'avère, en effet, particulièrement défavorable à la France . En premier lieu, dans notre pays, les recettes totales provenant des impôts et cotisations sociales - y compris sociales imputées 122 ( * ) - atteignaient 47,3 % du PIB en 2013 , soit plus de 6 points au-dessus de la moyenne de la zone euro, qui s'établissait à 41,2 % cette même année, et de 7 points à celle de l'Union européenne (40 % du PIB).

Graphique n° 28 : Évolution des dépenses publiques dans la zone euro
(2006-2014)

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat)

En deuxième lieu, la France présentait, en 2014, un ratio de dépenses publiques dans le PIB de 57,5 %, plus élevé de 8,1 points que le ratio moyen observé dans la zone euro , qui s'élevait à 49,4 % (cf. graphique ci-avant), et excédant celui des principaux États de la zone, soit l'Allemagne (44,3 %), l'Italie (51,2 %), l'Espagne (44,5 %) et les Pays-Bas (46,2 %). Aussi, la France constitue le pays qui présente à ce jour le plus haut niveau de dépenses publiques dans l'Union européenne , après la Finlande (58,3 % du PIB).

Pour autant, l'élément le plus préoccupant réside sans aucun doute dans la comparaison du taux d'évolution des dépenses publiques au sein de la zone euro. Alors que les dépenses publiques ont crû, en moyenne annuelle, de 2,1 % en valeur entre 2011 et 2014 en France, celles-ci n'ont progressé que de 0,9 % par an au cours de cette période dans la zone euro . En effet, la hausse annuelle a alors été de 1,4 % en Allemagne, de 0,8 % en Italie et de 0,2 % aux Pays-Bas ; les dépenses ont même reculé de 1,5 % chaque année en Espagne.

Le caractère dégradé de la situation budgétaire de la France, relativement à ses partenaires européens, résulte en grande partie d'une maîtrise insuffisante de la dépense publique , et ce d'autant plus que le taux de prélèvements obligatoires y affiche un niveau élevé (cf. infra ), qui a continûment augmenté au cours des dernières années. Par ailleurs, comme le fait apparaître le graphique ci-après, selon les prévisions de la Commission européenne publiées le 5 novembre dernier, la France demeurerait en 2016, comme en 2017, parmi les seuls pays de la zone euro affichant un solde effectif en deçà de - 3 % du PIB.

Graphique n° 29 : Le solde public dans la zone euro en 2015 et 2016

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

b) ... qui peine à engager des réformes structurelles d'économies

Cette maîtrise limitée de la dépense publique n'est sans doute pas sans lien avec les difficultés rencontrées par le Gouvernement à engager des réformes structurelles d'économies , seules à même de ralentir durablement la progression de la dépense. En effet, une récente étude réalisée par France Stratégie 123 ( * ) a permis de mettre en évidence le fait que les pays ayant le plus réduit leurs dépenses publiques étaient ceux qui s'étaient montrés les plus « sélectifs » , c'est-à-dire ayant le plus modifié la structure de leurs dépenses - par opposition aux pays qui recourent à la stratégie du « coup de rabot », consistant à procéder à une réduction homothétique des dépenses.

Or, la France ne semble pas faire preuve d'une grande sélectivité dans la réduction des dépenses publiques . Le « coup de rabot » reste largement utilisé par le Gouvernement afin de conforter sa trajectoire budgétaire ; ceci a déjà été mis en évidence dans les développements consacrés aux mesures d'économies complémentaires de 5 milliards d'euros engagés en 2015 afin de compenser les effets de la faible de l'inflation, dont une part significative reposait sur des annulations de crédits portant sur des « dépenses modulables » de l'État (cf. supra ).

Tableau n° 30 : Évolution des principales dépenses publiques (2011-2017)

% du PIB 2011

% du PIB 2014

Évolution relative 2014/2011

% du PIB 2017*

Évolution relative 2017/2014

Masse salariale

12,8

13,0

+ 1,6 %

12,5

- 3,8 %

Achats courants

5,1

5,2

+ 2,0 %

4,8

- 7,7 %

Prestations sociales

24,8

26,2

+ 5,6 %

25,6

- 2,3 %

Investissements

4,0

3,7

- 7,5 %

3,3

- 10,8 %

Autres dépenses

6,6

7,2

+ 9,1 %

7,1

- 1,4 %

Dépenses primaires

53,3

55,3

+ 3,8 %

53,3

- 3,6 %

Charges d'intérêts

2,6

2,2

- 15,4 %

2,2

0,0 %

* Prévisions du programme de stabilité 2015-2018

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee et du programme de stabilité 2015-2018)

De manière plus générale, l'essentiel des efforts d'économies consentis jusqu'à présent a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réformes (cf. tableau ci-avant). Ainsi, entre 2011 et 2014, seules les dépenses d'investissement ont affiché une baisse relative , leur part dans le PIB ayant reculé de 7,5 % ; en outre, les dépenses dont la progression a été la plus faible au cours de cette période sont celles dédiées aux achats courants de biens et services et à la masse salariale , cette dernière ayant fortement ralenti en raison du « gel » du point d'indice de la fonction publique.

Par ailleurs, le Gouvernement ne paraît pas vouloir se départir de cette logique pour les années à venir, les prévisions d'évolution des dépenses publiques qui figurent dans le programme de stabilité 2015-2018 montrant que les réductions les plus fortes à l'horizon 2017 concerneraient les investissements et les achats courants .

Tableau n° 31 : Les revues de dépenses en 2016

Sous-secteurs des administrations publiques

Thèmes

Enjeux

Toutes administrations publiques

La formation initiale des fonctionnaires (toutes écoles sauf les écoles d'ingénieurs)

~ 250 M€

Toutes administrations publiques

L'optimisation des interventions en faveur du sport

13 Md€

Collectivités territoriales

Les budgets annexes des collectivités territoriales et de leurs syndicats

22 Md€

Collectivités territoriales

La gestion du Fonds de compensation de la TVA

6 Md€

Collectivités territoriales

La fonction achats des collectivités territoriales

9 Md€

Collectivités territoriales

Le patrimoine des collectivités territoriales

NC

Organismes de sécurité sociale

Les transports sanitaires

4,2 Md€

Organismes de sécurité sociale

Les soins à l'étranger des assurés

1 Md€

Agences

Le pilotage de la masse salariale des agences et des opérateurs

~ 17 Md€

État/agences

La gestion des aides agricoles de la politique agricole commune (PAC) par l'Agence de services et de paiement (ASP)

250 M€ et 2 000 ETP

État/agences

Mutualisation des forces d'hélicoptères

~ 200 M€

État/agences

Les zones franches d'activité

90 M€

Source : Annexe « Revues de dépenses » au projet de loi de finances pour 2016

Ainsi, de toute évidence, aucune réflexion n'a été engagée quant à la structure des dépenses publiques , grevant fortement les perspectives de redressement des comptes publics à moyen et long termes. À cet égard, il convient de relever que le dispositif de revue des dépenses, institué par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 124 ( * ) , doit encore faire ses preuves. En effet, dans le cadre du budget 2016, les économies découlant de la revue des dépenses s'élèveraient à 500 millions d'euros seulement , alors même que celle-ci a porté sur des politiques publiques d'ampleur, représentant des dépenses d'un montant total de près de 58 milliards d'euros. Si les revues constituent un instrument efficace afin de procéder à des réductions sélectives des dépenses publiques, encore faut-il que celles-ci bénéficient « à la fois d'une forte volonté politique et d'un fort degré d'appropriation des administrations concernées » 125 ( * ) , deux points pour lesquels il n'y a encore aucune certitude à ce jour.

Dans un document budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement a détaillé les « thèmes » sur lesquels porteront les revues de dépenses au cours de l'année 2016, dans la perspective de la préparation du budget 2017. Ces revues porteront sur des dépenses représentant plus de 70 milliards d'euros (cf. tableau ci-avant).

c) La sensibilité de la trajectoire budgétaire à l'évolution de la dépense

Dans ces conditions, il paraît nécessaire d' examiner la sensibilité de la trajectoire des finances publiques retenue par le Gouvernement au rythme d'évolution de la dépense publique , de manière à mesurer les effets d'un ralentissement moins fort qu'anticipé de cette dernière. À cet effet, des projections ont été réalisées à partir de deux scénarii :

- un premier scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 1,3 % en 2016 et 2017 , ce qui correspond au taux moyen d'évolution de la dépense en 2014-2015 ;

- un second scénario dans lequel la croissance des dépenses en volume serait de 0,7 % sur la même période , soit une progression intermédiaire entre le taux d'évolution constaté en 2014-2015 et la prévision du Gouvernement.

Ces projections montrent que le non-respect de l'objectif d'évolution annuelle de la dépense publique en volume fixé dans le programme de stabilité aurait pour conséquence de dégrader fortement la trajectoire des soldes structurel et effectif et de la dette publique .

Une progression de la dépense publique de 1,3 % par an en volume en 2016 et 2017 conduirait ainsi à un déficit structurel d'environ 1,8 % du PIB en 2017 , contre une « cible » de 0,6 % du PIB. Le déficit effectif ne passerait pas en-dessous de 3 % au cours de la période considérée et « stagnerait » à 3,8 % du PIB en 2016 . Enfin, la dette publique augmenterait jusqu'en 2017 pour atteindre 98,3 % du PIB .

Si la progression de la dépense publique en volume était de 0,7 % par an, le déficit structurel serait de 1,2 % du PIB en 2017 . Pour ce qui est du déficit effectif, celui-ci ne reviendrait pas en deçà du seuil de 3 % du PIB en 2017, s'élevant à 3,2 % du PIB, contre 3,5 % du PIB en 2016 . La dette publique, elle, serait supérieure de près d'un point de PIB en 2017 par rapport à la prévision, atteignant 97,3 % du PIB.

Ces résultats montrent bien que le Gouvernement n'a pas droit à l'erreur et devra donner plus de substance à son programme d'économies , en engageant les réformes nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique, s'il souhaite tenir ses engagements, en particulier en ce qui concerne le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017.

Tableau n° 32 : Sensibilité de la trajectoire des finances publiques à l'évolution des dépenses des administrations publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

Hypothèses macroéconomiques

Croissance (en %)

0,2

1,0

1,5

1,5

Trajectoire présentée par le Gouvernement dans le cadre du PLF pour 2016

Évol. de la dépense en vol.*

1,2

1,4

0,3

0,1

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 2,7

Solde structurel

- 2,0

- 1,6

- 1,1

- 0,6

Ajustement structurel

0,6

0,4

0,5

0,5

Dette publique

95,6

96,3

96,5

96,5

Trajectoire en cas de croissance en volume de la dépense de 1,3 % en 2016 et 2017

Évol. de la dépense en vol.*

1,2

1,4

1,3

1,3

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,8

- 3,9

Solde structurel

- 2,0

- 1,6

- 1,7

- 1,8

Ajustement structurel

0,6

0,4

0,0

- 0,1

Dette publique**

95,6

96,3

97,1

98,3

Trajectoire en cas de croissance en volume de la dépense de 0,7 % en 2016 et 2017

Évol. de la dépense en vol.*

1,2

1,4

0,7

0,7

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,5

- 3,2

Solde structurel

- 2,0

- 1,6

- 1,4

- 1,2

Ajustement structurel

0,6

0,4

0,3

0,2

Dette publique**

95,6

96,3

96,7

97,3

* Évolution de la dépense publique en volume y compris crédits d'impôts

** Il est supposé que seule la variation de la dette imputable au déficit est sensible aux évolutions du PIB (les éléments exogènes, soit ceux non pris en compte dans le calcul du déficit mais comptabilisés dans la dette publique, conformément aux règles européennes - dettes contractées par le FESF, apports au capital du MES, etc. -, sont déterminés en retenant les hypothèses du projet de loi de finances pour 2016).

Source : commission des finances du Sénat (à partir des hypothèses du projet de loi de finances pour 2016 appliquées aux données établies par l'Insee en mars et octobre 2015)

C. UN TRANSFERT DE LA CHARGE FISCALE VERS LES MÉNAGES

La bonne réalisation du programme de 50 milliards d'euros d'économies paraît d'autant plus importante que celui-ci doit également contribuer à financer les réductions de prélèvements obligatoires annoncées par le Gouvernement au cours des années à venir .

À cet égard, il est anticipé une baisse du taux de prélèvements obligatoires de 44,6 % du PIB à 44,5 % entre 2015 et 2016 , après 44,9 % du PIB en 2014. Aussi y a-t-il lieu de s'interroger sur les facteurs sous-jacents à ce recul du taux de prélèvements obligatoires. Il apparaît que celui-ci résulte essentiellement de la diminution de la charge fiscale opérée au profit des entreprises - du fait, notamment, du déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité -, les prélèvements directs portant sur les ménages se stabilisant tout juste en 2015. Ceci fait clairement apparaître que, dans un contexte de maîtrise insuffisante des dépenses, le Gouvernement a fait le choix de reporter la charge fiscale sur les ménages afin de mener à bien tout à la fois le redressement des comptes publics et l'abaissement des prélèvements obligatoires acquittés par les entreprises .

1. Une baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises...

La baisse du taux de prélèvements obligatoires devant intervenir en 2016 s'explique principalement par les réductions d'impôts opérées au profit des entreprises. En effet, le prochain exercice serait marqué par la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité , auxquels sont venues récemment s'ajouter les mesures en faveur, d'une part, de l'investissement et, d'autre part, des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).

Ainsi, entre 2014 et 2016, les prélèvements sur les entreprises seraient réduits de 33 milliards d'euros , soit un « surcroît » de baisse de 9 milliards d'euros en 2016. Cette évolution serait permise par le déploiement du CICE , dont la créance fiscale atteindrait 18,5 milliards d'euros, une seconde réduction de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) , en vue de sa suppression complète en 2017, et l'application d'une baisse de 1,8 point des cotisations familiales employeurs pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. À ce titre, il faut relever que la date d'entrée en vigueur de cette dernière mesure a été reportée du 1 er janvier au 1 er avril 2016, permettant de réduire le coût du dispositif en 2016 à 3,075 milliards d'euros, contre environ 4,1 milliards d'euros en année pleine 126 ( * ) . Ce report de l'entrée en vigueur de la mesure d'extension de la baisse des cotisations familiales a été justifié par le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, lors de son audition par la commission des finances le 30 septembre dernier, par la nécessité de financer les mesures annoncées au cours de l'année 2015 , et notamment du dispositif de suramortissement des investissements industriels introduit dans la loi « Macron » 127 ( * ) .

Tableau n° 33 : Mesures en faveur des entreprises

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE (créance fiscale)

- 10,0

- 17,5

- 18,5

- 19,5

Pacte de responsabilité et de solidarité

-

- 6,5

- 13,5

- 20,5

Dont allègement des cotisations sociales

-

- 5,5

- 9,0

- 10,0

Dont suppression progressive de la C3S

-

- 1,0

- 2,0

5,5

Dont fin de la contribution exceptionnelle Puis baisse du taux d'IS

-

-

- 2,5

- 4,5

Plans d'investissement et TPE/PME

-

- 0,5

- 1,0

- 1,0

Total des mesures en faveur des entreprises

- 10,0

- 24,0

- 33,0

- 41,0

Note de lecture : les chiffres sont arrondis. De ce fait, la somme apparente des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

Christian Eckert a jugé utile de préciser, devant la commission des finances, les éléments suivants : « Nous avons estimé que ce milliard d'euros devait être intégré dans les 9 milliards d'euros de réductions d'impôts sur les entreprises. Nous aurions pu le faire à travers une mesure pérenne, par exemple en ne supprimant que la moitié de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, mais nous avons préféré prendre une mesure ponctuelle, « one shot », et décaler d'un trimestre l'entrée en vigueur de ce dispositif. L'effet sera sensible en 2016, mais il disparaîtra en 2017 ». Pour autant, ceci ne signifie en rien que le coût des mesures fiscales en faveur de l'investissement et des TPE-PME , qui comprennent notamment la limitation des effets de seuils dans ces dernières 128 ( * ) , ne sera pas compensé en 2017 . En effet, la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS), qui doit être ramené à 28 % en 2020, annoncée par le Gouvernement dans le cadre du Pacte de stabilité pourrait être moins rapide qu'initialement anticipé afin de « financer » ces nouvelles mesures.

Toutefois, un tel choix, en plus de renforcer le manque de lisibilité et de prévisibilité de la politique fiscale du Gouvernement, serait d'autant plus regrettable que le taux légal de l'impôt sur les sociétés, bien qu'il ne rende qu'imparfaitement compte de la charge fiscale associée, constitue une donnée faisant l'objet d'une attention toute particulière par les investisseurs , notamment étrangers.

Quoi qu'il en soit, le montant total des baisses de prélèvements sur les entreprises resterait quasiment inchangé à l'horizon 2017 et s'élèverait à 41 milliards d'euros , seule la « structure » de ces baisses ayant été modifiée par les récentes décisions du Gouvernement. De cette manière, se prolongerait la réduction de la charge fiscale des entreprises, qui passerait de 17,9 % du PIB en 2011 à 17,1 % en 2015 (cf. infra ).

2. ... mais un recul des prélèvements obligatoires limité à 2,4 milliards d'euros en 2016...

Malgré la réduction des impôts pesant sur les entreprises, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires s'élèveraient seulement à - 2,4 milliards d'euros en 2016 .

Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 porteraient, à eux deux, près de 6 milliards d'euros de baisses nettes des prélèvements au titre de l'année à venir - compte tenu des incidences du CICE et du Pacte de responsabilité.

Toutefois, des mesures adoptées dans le cadre de textes financiers continuent à monter en charge , à l'instar de la non-déductibilité du résultat des entreprises de certaines taxes figurant dans le collectif de la fin de l'exercice 2014 129 ( * ) , qui serait à l'origine d'une hausse des impositions de 0,3 milliard d'euros en 2016, ou encore de la réforme de la fiscalité écologique intervenue dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 130 ( * ) , conduisant à une hausse des prélèvements de 1,7 milliard d'euros l'année prochaine. Enfin, l'exercice 2016 serait également marqué par des hausses d'impôts locaux , pour un montant proche de 0,8 milliard d'euros - révélant un transfert accru de la fiscalité de l'État vers les collectivités territoriales du fait de la diminution des dotations versées à ces dernières.

Il convient également de relever que 0,9 milliard d'euros sur les 2,4 milliards d'euros de baisses de prélèvements obligatoires seraient imputables aux moindres recettes liées aux contentieux fiscaux, les contentieux « Précompte », « De Ruyter » ou encore « Stéria » présentant, chacun, un coût de 0,3 milliard d'euros .

Tableau n° 34 : Mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (2014-2016)

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

État

- 3,9

- 4,9

- 1,3

Dont PLF/PLFSS 2016

- 2,0

Baisse de l'impôt sur le revenu*

- 2,0

Suppression de la TGAP sur les ICPE

- 0,0

Augmentation du fonds « emprunts toxiques »

0,1

Autre mesures

- 0,0

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

5,6

- 3,0

- 3,2

Dont PLF/PLFSS 2016

- 0,0

- 4,0

Réforme des exonérations zonées

0,0

Rationalisation de la réduction de cotisations patronales pour les entreprises en outre-mer

0,1

Suppression de la cotisation minimale maladie des exploitants agricoles

- 0,0

- 0,0

Élargissement du champ de la réduction de cotisations patronales famille

- 3,1

Augmentation de l'abattement d'assiette de C3S

- 1,0

Autres mesures

- 0,0

Administrations publiques locales (APUL)

0,5

1,7

1,3

Organismes divers d'administrations centrales (ODAC)

1,1

2,0

0,7

TOTAL

3,3

- 4,2

- 2,4

Note de lecture : TGAP : taxe générale sur les activités polluantes ; ICPE : installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

* - 2,1 milliards d'euros si l'on considère l'impact de la revalorisation du barème sur l'inflation.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016

La seule mesure « emblématique » du projet de loi de finances pour 2016 est la baisse de 2 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu 131 ( * ) , faisant suite à la réduction de l'impôt sur le revenu des ménages à revenus modestes et moyens intervenue dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2015. Toutefois, celle-ci ne doit pas conduire à occulter le fait que le niveau des prélèvements sur les ménages serait seulement stabilisé en 2015 , après plusieurs années depuis le début de la présente législature, et qu' un net transfert de la charge fiscale vers les ménages est intervenu au cours des dernières années .

3. ... en raison d'un transfert de la charge fiscale vers les ménages

À partir de la méthode explicitée ci-après, votre rapporteur général s'est attaché à examiner l'évolution, durant la décennie passée, de la charge fiscale des ménages et des entreprises . À cet égard, il apparaît que la période 2011-2014 a été marquée par une forte accélération du taux de prélèvements obligatoires , qui est passé de 41 % à 44,9 % du PIB, ainsi que par une hausse significative de la charge fiscale des ménages , qui a atteint 16 % du PIB en 2014 - soit une hausse de 1,5 point par rapport à 2011.

Graphique n° 35 : Évolution de la charge fiscale des ménages et des entreprises ainsi que du taux de prélèvements obligatoires (2005-2015)

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee et du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016)

Ainsi que le fait apparaître le graphique ci-avant, en dépit d'une légère baisse, le taux de prélèvements obligatoires serait encore supérieur en 2015 de 1,9 point de PIB à son niveau de 2011 . Ce différentiel serait, en grande partie, imputable aux impositions directes pesant sur les ménages qui représenteraient encore 15,9 % du PIB en 2015, contre 14,5 % en 2011 - soit une différence de + 1,4 point de PIB -, et ce alors qu'entre ces deux années, la charge fiscale des entreprises a reculé de 0,8 point de PIB.

La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises

La mesure de la charge fiscale des ménages utilisée a été établie à partir des données de l'Insee 132 ( * ) ; celle-ci comprend les impositions portant sur le revenu des ménages , comme l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), les autres impôts courants , soit essentiellement la taxe d'habitation, la taxe foncière et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les impôts en capital , qui intègrent notamment les droits payés sur les successions et les donations, ainsi que les cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques , à l'exclusion de celles versées à des régimes privés.

La charge fiscale des entreprises, quant à elle, tient compte des impôts sur le revenu versés par les sociétés non financières (SNF) ainsi que par les entreprises financières , soit essentiellement l'impôt sur les sociétés (IS), des impôts sur la production , comprenant la taxe sur les salaires, les versements transports, la C3S, ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), des impôts en capital , de même que des cotisations sociales effectives versées aux administrations publiques .

Il convient de souligner que la mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises ne tient pas compte des taxes indirectes, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ou encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE) . En effet, ces dernières ne sont pas acquittées uniquement par les ménages , comme le supposent différentes études - à l'instar d'un récent travail réalisé par l'OFCE 133 ( * ) -, mais également, dans une certaine mesure, par les entreprises ; à cet égard, les sociétés peuvent avoir à supporter des rémanences de TVA 134 ( * ) , estimées à 31,2 milliards d'euros en 2006 par le Conseil des prélèvements obligatoires 135 ( * ) , et sont assujetties à la CSPE pour leur consommation d'électricité. Si les taxes indirectes contribuent significativement au poids des prélèvements obligatoires, les données issues de la comptabilité nationale disponibles ne permettent pas de distinguer celles supportées respectivement par les ménages et les entreprises ; c'est la raison pour laquelle la mesure de la charge fiscale retenue ne les intègre pas.

Ceci indique, d'une part, que les ménages ont eu à supporter l'essentiel des efforts de redressement des comptes publics et d'autre part, que la décélération de la pression fiscale ne profite pas véritablement aux ménages - les mesures en faveur d'une baisse sur l'impôt sur le revenu, et en particulier celle proposée dans le présent projet de loi de finances, ne compensant pas les hausses de prélèvements intervenues depuis 2011 , d'autant que les ménages auront par ailleurs à supporter des augmentations de la fiscalité indirecte, comme celle de la CSPE.

Graphique n° 36 : Part de la charge fiscale des ménages et des entreprises
dans les prélèvements obligatoires

(en %)

* (p) : prévision

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Cette analyse est confortée par le fort accroissement de la part dans les prélèvements obligatoires totaux des impositions directes acquittées par les ménages , qui atteindrait 35,7 % en 2015 contre 34 % en 2011, alors que la part de la charge fiscale des entreprises dans les prélèvements obligatoires reculerait de 41,9 % à 38,5 % entre ces deux années . Ainsi, la période récente a été clairement marquée par un transfert de la charge fiscale des entreprises vers les ménages - la différence entre la part dans les prélèvements de la charge fiscale des entreprises et celle des ménages étant passée de 7,9 points à 2,8 points entre 2011 et 2012 .

Il n'est aucunement question, ici, de regretter la réduction des prélèvements sur les entreprises , celle-ci étant tout à fait indispensable dans un contexte de dégradation des taux de marges et de perte de compétitivité de ces dernières ; en effet, cette analyse montre avant tout les limites d'un ajustement budgétaire reposant essentiellement sur des hausses de la fiscalité - qui, dans un environnement concurrentiel, doit nécessairement porter à titre principal sur les ménages et les taxations indirectes. C'est pourquoi il eût été préférable que la stratégie budgétaire repose dès le début de la présente législature sur une baisse de la dépense publique, qui aurait permis d'accompagner tout à la fois le redressement des comptes publics et une diminution de la charge fiscale des ménages et des entreprises - s'inscrivant dans la logique qui commençait à se dessiner en 2010-2011.

D. UNE STABILISATION DE LA DETTE À COMPTER DE 2016 ?

1. Une dette publique qui progresserait peu en 2016...

Dans le cadre du présent projet de loi, le Gouvernement prévoit une stabilisation de la part de la dette publique dans la richesse nationale à compter de 2016 . Au cours de l'exercice prochain, la dette représenterait 96,5 % du PIB, soit 0,2 point de plus qu'en 2015 ; toutefois, celle-ci serait stabilisée par la suite, devant également s'élever à 96,5 % du PIB en 2017 , avant d'engager une décrue en 2018 (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 37 : L'évolution de la dette publique

(en % du PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dette publique

LPFP 2012-2017

90,5

88,5

85,8

82,6

LPFP 2014-2019

95,2

97,1

97,7

97,0

95,1

92,4

PStab. 2015-2018

95,0

96,3

97,0

96,9

95,5

PLF 2016

95,6

96,3

96,5

96,5

95,2

93,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Ainsi, la dette publique continuerait à progresser très légèrement en 2016, dès lors que le solde effectif (- 3,8 % du PIB) resterait, cette année, inférieur au solde stabilisant le ratio d'endettement, estimé à - 1,9 % du PIB (cf. tableau ci-après). S'il n'est guère nécessaire de rappeler que le niveau prévisionnel de la dette publique dépend étroitement des mouvements conjoncturels et de l'évolution du rythme de la dépense publique, comme l'ont montré les projections réalisées précédemment, il convient de relever que le Gouvernement a dû, à de nombreuses reprises, reporter la date à la laquelle la part de la dette publique dans le PIB devait engager son déclin . Aussi le niveau d'endettement serait-il supérieur, en 2016, de plus de dix points de PIB à la prévision retenue dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012-2017. À titre de rappel, votre rapporteur général avait analysé les conséquences économiques pouvant se rattacher à une dette publique élevée lors de l'examen du dernier projet de loi de programmation des finances publiques 136 ( * ) .

Tableau n° 38 : La trajectoire de dette des administrations publiques

(en points de PIB)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dette publique

95,6

96,3

96,5

96,5

95,2

93,2

Dette publique
(hors soutien financier à la zone euro)

92,4

93,3

93,6

93,6

92,4

90,5

Solde stabilisant le ratio d'endettement

- 0,7

- 1,9

- 2,3

Solde effectif

- 3,9

- 3,8

- 3,3

Écart au solde stabilisant

3,3

1,9

0,9

Variation du ratio d'endettement

3,3

0,7

0,2

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016)

2. ... mais des niveaux d'émissions qui demeurent élevés

Si la progression de la dette publique ralentirait fortement en 2016, il n'en demeure pas moins que le montant des émissions de dette resterait élevé . Ainsi, selon un récent communiqué de l'Agence France Trésor 137 ( * ) , les émissions de dette nettes des rachats réalisées pour le compte de l'État s'élèveraient à 187 milliards d'euros en 2016 , soit un niveau identique à celui observé en 2015. Une étude réalisée par la Deutsche Bank 138 ( * ) montre que l'État français serait le principal émetteur de dette de la zone euro après l'Italie , dont les émissions s'élèveraient à 230 milliards d'euros, et devant l'Allemagne, qui émettrait 165 milliards d'euros de titres.

Il faut dire que l'État serait à l'origine de l'intégralité de la progression de la dette publique dans la richesse nationale , la part de celle des autres sous-secteurs des administrations devant encore marquer un léger recul en 2016, comme le montre le tableau ci-après. Ainsi, au cours du prochain exercice, la dette de l'État et de ses opérateurs approcherait 1 750 milliards d'euros . Concernant la dette sociale, les besoins de trésorerie de l'ACOSS sont évalués à 30 milliards d'euros fin 2016 dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), la dette portée par la CADES à 136 milliards d'euros 139 ( * ) et la dette « courante » des organismes de sécurité sociale - non reprise par la CADES - de 23,9 milliards d'euros 140 ( * ) ; à cela viendrait s'ajouter l'endettement de l'assurance chômage, estimé à 29,4 milliards d'euros par l'Unédic 141 ( * ) , portant la dette des administrations de sécurité sociale (ASSO) à 219 milliards d'euros environ en 2016 . La dette des administrations publiques locales (APUL), quant à elle, approcherait 189 milliards d'euros la même année .

Tableau n° 39 : Prévision d'évolution du ratio d'endettement par sous-secteur des administrations publiques

(en % du PIB)

2014

2015

2016

Ratio d'endettement au sens de Maastricht

95,5

96,3

96,5

Dont administrations publiques centrales (APUC)

76,6

77,5

78,3

Dont administrations publiques locales (APUL)

8,8

8,7

8,5

Dont administrations de sécurité sociale (ASSO)

10,2

10,1

9,8

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016

3. Le poids de l'assistance financière européenne

En tout état de cause, il apparaît que les montants engagés par la France dans les programmes d'assistance financière de la zone euro représentent une part significative de la dette publique .

Tableau n° 40 : L'impact des programmes d'assistance financière de la zone euro sur la dette publique de la France

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Grèce (prêts bilatéraux)

4,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

FESF

0,0

3,1

30,2

38,4

40,5

38,1

38,1

38,1

dont Grèce

23,6

29,2

31,0

28,6

28,6

28,6

dont Irlande

1,6

2,6

3,8

3,8

3,9

3,9

3,9

dont Portugal

1,5

4,0

5,4

5,7

5,7

5,7

5,7

MES*

6,5

13,0

16,3

16,3

16,3

16,3

Total

4,4

14,5

48,1

62,9

68,2

65,8

65,8

65,8

(p) Prévisions.

* Participation au capital du MES.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du ministère des finances et des comptes publics)

Ainsi, ces derniers auraient en 2016, comme en 2015, une incidence dans la dette de 65,8 milliards d'euros, contribuant à hauteur de 3 points au poids de l'endettement dans la richesse nationale. Il convient de rappeler qu'en application des règles comptables rappelées précédemment, les nouveaux prêts accordés par le Mécanisme européen de stabilité (MES) à la Grèce ne viennent pas abonder la dette publique française .

E. UNE ANALYSE PAR SOUS-SECTEUR DES ADMINISTRATIONS

La réalisation d'un effort de 16 milliards d'euros d'économies en 2016 permettrait un recul du déficit de l'ensemble des sous-secteurs des administrations publiques (cf. tableau ci-après). Toutefois, l'essentiel de l'amélioration du solde public effectif proviendrait du redressement des comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui porteraient la part la plus importante de l'effort d'économies.

À cet égard, il convient de relever que la répartition de cet effort sur la seule base du poids relatif dans la dépense publique, sans autre considération, devrait conduire à ce que celui-ci ait des effets asymétriques selon les catégories d'administrations en raison tout à la fois de leurs caractéristiques et contraintes propres ; en particulier, le prochain exercice devrait, de nouveau, être marqué par un recul de l'investissement des collectivités territoriales , résultant de la baisse des dotations de l'État à ces dernières.

Tableau n° 41 : Solde public par sous-secteur

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

État

- 3,5

- 3,4

- 3,3

Organismes divers d'administration centrale (ODAC)

0,1

0,0

0,0

Administrations publiques locales (APUL)

- 0,2

0,0

0,0

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

- 0,4

- 0,3

0,1

Solde public

- 3,9

- 3,8

- 3,3

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016

1. Un déficit de l'État qui demeure élevé

En 2016, le déficit de l'État serait ramené à 3,3 % du PIB, contre 3,4 % en 2015 . Aussi, en comptabilité nationale , celui-ci se réduirait légèrement, passant de 74,4 milliards d'euros en 2015 à 73,5 milliards d'euros en 2016. De même, en comptabilité budgétaire , celui-ci reculerait de 73,0 milliards d'euros en 2015 à 72,0 milliards d'euros en 2016.

Si les données relatives au solde budgétaire de l'État font l'objet d'une analyse approfondie ultérieurement, dans la partie dédiée du présent rapport, il convient ici d'en rappeler les principaux éléments.

a) Une baisse des dépenses de l'État...

Ainsi, les dépenses de l'État hors charge de la dette, hors pensions et hors transferts aux collectivités territoriales, seraient diminuées en valeur de 1,3 milliard d'euros . Ceci signifie que les dépenses de l'État reculeraient y compris lorsqu'est mise à part la baisse des dotations aux collectivités. Cette réduction interviendrait en dépit du « ressaut » ponctuel du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne (PSR-UE) de 0,6 milliard d'euros. Il constitue une conséquence de la réforme des ressources propres de l'Union intervenue en mai 2014 , en cours d'approbation par le Parlement 142 ( * ) , qui conduit la France à s'acquitter, de manière rétroactive, des corrections et rabais prévus au profit d'autres pays européens pour lesquels elle n'a pas contribué en 2014 et 2015 - ses paiements à ce titre étant suspendus en raison de la réforme.

Le recul des dépenses de l'État serait permis par des économies d'un montant de 5,1 milliards d'euros, mettant également à contribution les opérateurs , à hauteur de 1 milliard d'euros, par le biais d'une réduction des subventions pour charge de service public et des taxes affectées plafonnées. Malgré cela, les organismes divers d'administration centrale présenteraient, en 2016, une situation excédentaire de 0,3 milliard d'euros.

Néanmoins, les mesures d'économies envisagées par le Gouvernement paraissent, pour certaines, fragiles , comme le montre la partie du présent rapport dédiée à la situation budgétaire de État ; par ailleurs, l'effort prévu pourrait être minoré par les mesures nouvelles en dépenses annoncées au cours des derniers mois , pour lesquelles les modalités de financement n'ont pas été systématiquement précisées (cf. supra ).

b) ... concomitante à un rebond de ses recettes fiscales

Les recettes de l'État, quant à elles, rebondiraient en 2016, progressant de 2,8 % - en dépit de baisses d'impôts de 1,6 milliard d'euros dans le périmètre de l'État -, contre 1,4 % en 2015. Ce rebond serait lié à la reprise de l'activité économique, qui stimulerait la progression de l'assiette des principaux impôts.

2. La situation difficile des collectivités territoriales

S'agissant des administrations publiques locales (APUL), celles-ci continueraient d'afficher un solde effectif quasi équilibré en 2016 , comme en 2015. Toutefois, ceci ne doit pas conduire à occulter la forte dégradation de la situation financière des collectivités territoriales , en raison du ralentissement de leurs produits fiscaux, mais aussi de la baisse des dotations de l'État engagée en 2014 - devant s'élever à 10,7 milliards d'euros au total au cours de la période 2015-2017 -, qui pourrait induire un net recul de l'investissement local.

a) Une nouvelle baisse de 3,5 milliards d'euros des dotations de l'État

Au cours de l'exercice à venir, les concours financiers de l'État reculeraient, de nouveau, de 3,5 milliards d'euros . Toutefois, le Gouvernement prévoit que les ressources totales des administrations publiques locales (APUL) croîtraient de 1,1 % en 2016, après 0,9 % en 2015 ; aussi estime-t-il, dans le rapport économique, social et financier (RESF), qu'à « moyen terme, les ressources des collectivités locales seraient certes marquées par la baisse de 10,7 Md€ des dotations de l'État sur 2015-2017 mais les ressources totales des collectivités locales progresseraient, malgré cette baisse, à un rythme supérieur à l'inflation sur ces trois années ».

Toutefois, la progression de leurs ressources permettra-t-elle aux administrations publiques locales d'absorber la hausse prévisionnelle de leurs dépenses en 2016 ? En projetant les prévisions de ressources retenues par le Gouvernement (cf. tableau ci-après), il apparaît que les ressources totales des collectivités progresseraient de 2,7 milliards d'euros entre 2015 et 2016 , à raison d'une hausse des ressources fiscales de 4,2 milliards d'euros et d'une baisse des autres ressources - qui intègrent également les ressources propres des collectivités - de 1,5 milliard d'euros. Or, les dépenses augmenteraient de 3,8 milliards d'euros au cours de la même période (cf. infra ). Ceci signifie que, dans la trajectoire gouvernementale, la progression des ressources locales en 2016 ne permettrait pas de compenser la hausse des dépenses ; dès lors, il peut être présumé que le Gouvernement attend des collectivités, à supposer que celles-ci ne réduisent pas plus encore leurs dépenses d'investissement, qu'elles « équilibrent » leurs comptes par le biais de trois leviers possibles : un recours accru à l'emprunt, des prélèvements sur les réserves de trésorerie, dont on sait néanmoins qu'elles sont inégalement réparties, ou encore de nouvelles hausses d'impôts - les mesures fiscales nouvelles au profit des administrations publiques locales étant déjà estimées à 0,8 milliard d'euros en 2016, ce qui viendrait conforter le transfert de la charge fiscale de l'État vers les collectivités territoriales.

Tableau n° 42 : Ressources des administrations publiques locales

Montant 2014 (Md€)

Répartition en %

Évolution 2013/2014

Évolution 2014/2015

Évolution 2015/2016

Total ressources

247,0

100

1,4 %

0,9 %

1,1 %

Ressources fiscales

127,6

51,6

2,5 %

3,1 %

3,2 %

Autres ressources

119,5

48,4

0,2 %

- 1,4 %

- 1,3 %

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2016

b) Une dépense locale largement contrainte

En outre, la dépense locale progresserait de 1,2 % en 2016 . Cette évolution intégrerait, selon le Gouvernement, une légère baisse de la formation brute de capital fixe (FBCF), de 0,2 %, après un net recul en 2015 (- 8,5 %), est une progression des dépenses hors investissements de 1,5 %. Dans ce dernier ensemble, les consommations intermédiaires ne progresseraient pas, les rémunérations des agents continueraient de ralentir (+ 2,1 % contre 2,4 % en 2015) et les prestations sociales resteraient dynamiques (+ 3,9 %). Ainsi, le rapport économique, social et financier (RESF) estime que « cette évolution résulterait principalement du cycle électoral communal sur l'investissement local », s'appuyant sur les données des précédents mandats électoraux. Toutefois, comme l'avait déjà relevé votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019, « l'hypothèse du Gouvernement consistant à retenir le cycle précédent comme base de référence paraît, à bien des égards, fragile. En effet, l'examen des cycles municipaux depuis 1965 et, en particulier de ceux intervenus à la suite de la première phase de décentralisation, fait apparaître une grande irrégularité dans la contribution du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF) » 143 ( * ) . Aussi s'était-il interrogé, au regard de l'ampleur du recul anticipé de la FBCF, sur la possibilité que les prévisions gouvernementales puissent, en réalité, tenir compte des éventuels effets des baisses de dotations sur l'investissement local .

Quoi qu'il en soit, l'hypothèse d'une quasi-stabilisation de l'investissement des collectivités territoriales en 2016 paraît optimiste . En effet, dans son dernier rapport portant sur les finances locales, la Cour des comptes a relevé que « si, en 2014, la diminution de la DGF n'a pas constitué le principal facteur de recul de l'investissement local, sa baisse accrue de 2015 à 2017 devrait avoir un impact significatif » 144 ( * ) . À cet égard, elle a fait apparaître, sur la base de l'examen des comptes rendus des débats d'orientation budgétaire et des rapports de présentation des budgets primitifs des villes de plus de 100 000 habitants, qu'au moins vingt d'entre-elles prévoyaient de réduire leurs dépenses d'investissement en 2015. De même, à travers une analyse prospective sur ces communes comportant quatre scénarii, la Cour a montré que, « même en acceptant un recul limité de l'investissement et un surcroît supportable d'endettement, les collectivités doivent renforcer substantiellement leur excédent brut de fonctionnement grâce à des économies sur leurs dépenses ou des produits fiscaux supplémentaires » 145 ( * ) .

Pour autant, il n'est en aucun cas acquis que les collectivités territoriales disposent, à ce jour, des marges de manoeuvre nécessaires pour éviter un nouveau recul de l'investissement , en particulier en raison du caractère contraint de nombre de leurs dépenses. Car si le principe de libre administration des collectivités territoriales est consacré par la Constitution, celui de libre administration de la dépense locale est tout relatif . De nombreuses hausses des dépenses résultent, en effet, de décisions de l'État ; d'ailleurs, certaines d'entre elles ont fait l'objet d'une estimation par la Cour des comptes dans le rapport précité. Ainsi, entre autres, la réforme des rythmes scolaires représenterait un coût compris en 350 millions et 620 millions d'euros, les normes techniques en matière de transport public entraîneraient une charge annuelle de 453 millions d'euros jusqu'en 2019, les décisions nationales sur les dépenses de personnel des collectivités territoriales devraient contribuer à une hausse de la masse salariale de 450 millions d'euros en 2015, après 1 milliard d'euros en 2014, et la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) aurait un impact estimé à 450 millions d'euros au cours de cette année. Dans son dernier rapport annuel 146 ( * ) , le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a estimé que les 303 projets de textes examinés au cours de l'année 2014 représenteraient un coût brut de 1,4 milliard d'euros en année pleine , pour 633 millions d'euros d'économies.

En outre, les contraintes réglementaires imposées aux collectivités territoriales les privent, souvent, des leviers nécessaires à la réalisation d'économies de fonctionnement , voire contribuent à l'augmentation de leurs dépenses, notamment en matière de gestion des personnels.

Dans ces conditions, il est fort probable que la diminution des dotations de l'État se traduira par un recul des dépenses d'investissement des collectivités qui restent, à court terme, les dépenses les plus aisément modulables - sans que cette tendance puisse véritablement être contrebalancée par le fonds de soutien à l'investissement local , doté de 1 milliard d'euros mais dont la mise en place sera très progressive, ou encore par l' élargissement du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) aux dépenses d'entretien des bâtiments publics . Aussi, dans la mesure où les administrations publiques locales portent près de 60 % de l'investissement public et près de 10 % de la FBCF totale, la répartition de l'effort d'économies entre les administrations contribue-t-elle pleinement à la réduction de l'investissement en construction qui explique en grande partie la progression moins rapide de l'activité en France que dans le reste de la zone euro (cf. supra ).

c) L'actualisation de l'objectif d'évolution de la dépense locale (Odedel)

L'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a, en effet, institué un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel), non contraignant et défini en pourcentage d'évolution annuelle. Il s'agissait, par ce biais, de tracer l'évolution des dépenses locales en vue d'atteindre l'objectif défini par la loi de programmation consistant à réduire celles-ci de 11 milliards d'euros d'ici à 2017 par rapport à leur évolution tendancielle .

Tableau n° 43 : Objectif d'évolution de la dépense publique locale figurant dans la loi de programmation des finances publiques 2014-2019

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

Dépenses totales

Évolution

+ 1,2 %

+ 0,5 %

+ 1,9 %

+ 2,0 %

Montant

224,2

225,3

229,6

234,2

Dépenses de fonctionnement

Évolution

+ 2,8 %

+ 2,0 %

+ 2,2 %

+ 1,9 %

Montant

167,4

170,7

174,5

177,8

Sources : commission des finances du Sénat (à partir de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et des données de l'Observatoire des finances locales)

Jusqu'à présent, force est de constater que l'objectif d'évolution des dépenses des collectivités territoriales a été plus que respecté.

En 2014 , d'après les chiffres de l'Observatoire des finances locales, les dépenses ont diminué de 0,4 % , contre un objectif de hausse de 1,2 %. Cette diminution résulte d'un ralentissement de la progression des dépenses de fonctionnement (+ 2,3 % contre + 3 % en moyenne les années précédentes) et d'une baisse significative de l'investissement 147 ( * ) (- 7,8 %, soit - 4,6 milliards d'euros).

Pour l'année 2015 , les données de l'Observatoire des finances locales ne sont naturellement pas disponibles, mais le rapport économique, social et financier (RESF) prévoit la poursuite du ralentissement de la progression des dépenses de fonctionnement (+ 1,1 %) et un recul toujours aussi important de l'investissement local (- 8,5 %, soit - 4,6 milliards d'euros), qui s'élèverait donc à 49,5 milliards d'euros. Les dépenses totales seraient ainsi en recul de 0,6 % .

Ainsi les dépenses des collectivités territoriales devraient-elles atteindre 219,4 milliards d'euros environ en 2015, quand l'objectif établi l'an dernier s'élevait à 225,3 milliards d'euros. Les collectivités ont donc réalisé un effort supérieur de 5,9 milliards d'euros à celui prévu par la loi de programmation des finances publiques . Par ailleurs, la baisse de l'investissement a été beaucoup plus importance que ce qu'avait anticipé le Gouvernement : - 15,6% entre 2013 et 2015 contre une prévision de - 7 %.

En 2016 , le Gouvernement prévoit une inversion de cette tendance, avec une hausse de 1,5 % des dépenses de fonctionnement des collectivités conjuguée à une quasi stabilité de l'investissement local (- 0,2%), résultant en une augmentation de 1,2 % de de la dépense locale. En conséquence, l'exposé général du présent projet de loi de finances révise l'Odedel pour 2016, en le faisant passer de 1,9 % à 1,6 %.

Graphique n° 44 : Évolution des dépenses des collectivités territoriales par rapport à l'objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, l'article 30 de la loi de programmation précitée prévoit qu'à compter de 2016 l'Odedel est décliné par catégorie de collectivités territoriales . L'exposé général du projet de loi de finances comporte donc le tableau suivant.

Tableau n° 45 : Déclinaison de l'Odedel en 2016 par catégorie de
collectivités territoriales

Collectivités locales et leurs groupements

1,20 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

1,60 %

EPCI à fiscalité propre

0,60 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

0,70 %

Communes

1,20 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

1,30 %

Départements

1,90 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

2,70 %

Régions

0,40 %

dont évolution des dépenses de fonctionnement

0,60 %

Source : projet de loi de finances pour 2016

Concernant les dépenses de fonctionnement , des hypothèses ont été émises sur l'évolution des différentes catégories de dépenses (frais de personnel, charges financières, etc.), sans distinguer entre types de collectivités. La différence d'objectif assigné à chaque échelon dépend, par conséquent, de la composition de ses dépenses, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Tableau n° 46 : Hypothèse d'évolution « actualisée » des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales du Gouvernement

(en milliards d'euros)

Frais de personnel

Achats et charges externes

Charges financières

Alloca-tions de solidarité

Autres fonction-nement

Total fonction-nement

Évolution 2015/2016

2015

Communes

37,3

16,9

2,3

-

12,7

69,2

EPCI

7,4

6,1

0,7

-

16,6

30,8

Départements

12,4

5,5

1,1

18,2

23,1

60,3

Régions

3,3

2,0

0,6

-

11,9

17,8

Total 2015

60,4

30,6

4,7

18,2

64,4

178,2

Hypothèse d'évolution

2015 / 2016

+ 2,1 %

+ 0,1 %

+ 3,7 %

+ 7,1 %

+ 0,1 %

2016

Communes

38,1

16,9

2,4

-

12,8

70,1

+ 1,3 %

EPCI

7,5

6,1

0,7

-

16,6

31,0

+ 0,7 %

Départements

12,7

5,6

1,1

19,5

23,1

62,0

+ 2,7 %

Régions

3,3

2,0

0,6

-

12,0

18,0

+ 0,6 %

Total 2016

61,6

30,6

4,9

19,5

64,5

181,0

+ 1,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données transmises par le ministère des finances et des comptes publics)

L'on remarque, notamment, que les dépenses des départements (+ 2,7 %) sont principalement tirées par le financement des allocations individuelles de solidarité (+ 7,1 %, soit + 1,3 milliard d'euros).

S'agissant des dépenses d'investissement , un taux d'évolution différent a été retenu pour chaque échelon. Les investissements des régions demeureraient stables, « compte tenu des effets classiques du cycle électoral dans le contexte des fusions de régions » d'après Christian Eckert, tandis que ceux du bloc communal progresseraient de 0,9 %, en raison notamment du cycle électoral. Les investissements des départements continueraient à décroître (- 2,4 %). Au total, en 2016, l'investissement local serait pratiquement stable .

3. Un effort conséquent des administrations de sécurité sociale

Les administrations de sécurité sociale, enfin, porteraient en 2016 la part la plus importante de l'effort consenti en dépenses , celles-ci devant réaliser 7,4 milliards d'euros d'économies sur un total de 16 milliards d'euros. Ces économies porteraient, en premier lieu, sur les dépenses d'assurance maladie, à hauteur de 3,4 milliards d'euros.

a) Des économies de 3,4 milliards d'euros sur l'assurance maladie...

À cet effet, le taux de croissance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) a été ramené à 1,75 % en 2016 , après 2 % en 2015. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 fait apparaître une sous-exécution prévisionnelle de l'ONDAM au titre de l'année 2015 de 450 millions d'euros provenant « quasi intégralement des mises en réserve renforcées décidées dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018, qui a prévu un effet supplémentaire de l'ONDAM de 425 millions d'euros, dont environ 250 M€ sur l'ONDAM hospitaliers, environ 80 M€ sur le secteur médico-social, près de 50 M€ sur le [Fonds d'intervention régional] et environ 40 M€ sur les dotations aux fonds dans le "autres prises en charge" » 148 ( * ) .

De toute évidence, cette prévision devrait être atteinte , ainsi que l'a relevé l'avis susmentionné du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie du 6 octobre 2015 149 ( * ) , dès lors qu'après ces mesures supplémentaires restaient près de 370 millions d'euros de mises en réserve. L'ONDAM s'établirait donc à 181,9 milliards d'euros en 2015 , en hausse de 2 % par rapport à 2014. Cependant, l'évolution de l'ONDAM a, cette année encore, reposé en grande partie sur des mesures de régulation mobilisant les crédits mis en réserve et insuffisamment sur le déploiement de réformes structurelles , pourtant nécessaire à un infléchissement durable de l'évolution des dépenses d'assurance maladie, comme l'avait rappelé le Comité d'alerte dans un avis du 7 octobre 2014 150 ( * ) .

À cet égard, pour 2016, le Gouvernement ne semble pas s'être véritablement écarté de cette logique afin de limiter la progression des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM à 1,75 %. Alors que l'évolution tendancielle de ces dépenses est estimée à + 3,6 % en 2016, l'atteinte de l'ONDAM implique la réalisation de 3,4 milliards d'euros d'économies . Si ce montant paraît ambitieux, il intègre des mesures qui ne constituent pas, à proprement parler, des économies . En effet, la baisse des dépenses de l'ONDAM intègrerait, à hauteur de 270 millions d'euros, les effets d'une baisse du taux des cotisations maladie des personnels de santé exerçant en ville, de 9,81 %, dont 9,7 % à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), à 6,5 % ; il en résulterait une réduction simultanée des recettes de la CNAMTS et des dépenses de l'ONDAM. Aussi, cette mesure mise à part, les économies à réaliser en 2016 s'élèveraient à 3,1 milliards d'euros , soit un montant inférieur à celui prévu en 2014 pour 2015 (3,2 milliards d'euros).

Au total, les économies devant intervenir en 2016 s'inscrivent dans la continuité de celles engagées au cours des années passées, portant sur l' efficacité de la dépense hospitalière (690 millions d'euros), le virage ambulatoire et l'adéquation de la prise en charge en établissement (495 millions d'euros), les produits de santé et la promotion des génériques (1 045 millions d'euros) et la pertinence et le bon usage des soins (1 210 millions d'euros).

Dans ces conditions, dans son avis du 6 octobre 2015, le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a estimé qu'eu égard au quantum d'économies annoncé, soit 3,1 milliards d'euros hors mesure portant sur les cotisations, et en raison du contexte de très faible inflation, « le programme d'économies annoncé d[evait] pouvoir être réalisé et [n'a pas formulé] de réserve sur l'objectif fixé » 151 ( * ) .

b) ... et de 4 milliards d'euros sur les autres dépenses de protection sociale

Devant l'Assemblée nationale, le 20 octobre dernier 152 ( * ) , le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, a précisé les économies venant s'ajouter à celles réalisées dans le champ de l'ONDAM. Ainsi, parmi les 4 milliards d'euros d'économies « restants » figureraient, tout d'abord, 1 milliard d'euros de moindres dépenses provenant de mesures d'ores et déjà décidées et, en particulier, de la montée en charge de la réforme de la politique familiale , qui intègre la modulation des allocations familiales votée à l'automne dernier, et de la réforme des retraites de janvier 2014, comprenant la modification du régime du cumul emploi-retraite et le décalage de la date de revalorisation des pensions du 1 er avril au 1 er octobre.

À cela, viendraient s'additionner d'autres mesures portant 3 milliards d'euros d'économies , détaillées par le ministre : « 500 millions sur les dépenses de gestion des organismes de protection sociale, 500 millions au titre de la réforme des modalités de revalorisation des pensions, déjà évoquée, 300 millions liés aux mesures de lutte contre la fraude et au ralentissement des dépenses d'action sanitaire et sociale des organismes, 1 milliard d'économies attendues à la suite de la négociation entre les partenaires sociaux au titre de la réforme des retraites complémentaires. À cet égard, et sous réserve des conclusions à venir, les grandes lignes de l'accord qui s'est esquissé en fin de semaine dernière devraient conduire à un résultat très proche de notre prévision. S'y ajoutent enfin 800 millions de nouvelles économies dans le champ de l'assurance chômage. C'est ce qui reste à confirmer en fonction de l'évolution de la négociation » 153 ( * ) .

À ce titre, à réglementation constante - bien que la convention d'assurance chômage du 14 mai 2014 arrive à échéance le 30 juin 2016 -, en écartant les possibles impacts financiers de la décision du Conseil d'État du 5 octobre 2015 relative à cette dernière convention 154 ( * ) , et compte tenu de la convention du 26 janvier 2015 relative au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), l'Unédic a estimé à 3,6 milliards d'euros le déficit de l'assurance chômage , contre 4,4 milliards d'euros en 2015. Ce recul du déficit résulterait du ralentissement des dépenses d'allocations, qui croîtraient de 0,4 % en 2016 , contre + 1,6 % en 2015, dans un contexte de baisse du chômage - et donc de décélération de la hausse du nombre de chômeurs indemnisés -, et de rebond des recettes (+ 2 %) , en raison de l'accélération de la masse salariale.

c) Un rebond de la masse salariale qui porte les recettes

D'ailleurs, le dynamisme de la masse salariale bénéficierait à l'ensemble des organismes de sécurité sociale , l'essentiel de leurs ressources étant assis sur cette dernière. À cet égard, le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015 table notamment sur une progression de 3 % des cotisations effectives perçues par les régimes de base (contre 1,2 % en 2015) et de 1,2 % de la contribution sociale généralisée (CSG), après 0,8 % - permettant un accroissement des recettes de ces régimes de 2 %, deux fois plus fort qu'en 2015 (+ 1,0 %) . Malgré tout, alors que le Gouvernement anticipe une progression de la masse salariale totale de 2,8 % en 2016, il convient de relever que, dans son avis du 5 septembre dernier, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que « la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales » - dès lors que le taux de chômage reste élevé et que l'inflation demeure faible.

Quand bien même la prévision d'évolution de masse salariale se réaliserait, les recettes sociales ne progresseraient que de 1,8 % en 2016 , du fait de la mise en oeuvre du Pacte de responsabilité - soit un nouvel allègement de cotisations sociales, pour 3,1 milliards d'euros, et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), pour 1 milliard d'euros. Toutefois, ces allègements seraient compensés aux administrations de sécurité sociale par la réduction du périmètre de leurs dépenses , les allocations de logement familiales étant transférées à l'État (4,7 milliards d'euros).

d) Une réduction du déficit des administrations de sécurité sociale

En tout état de cause, dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale - qui exclut les régimes complémentaires et l'assurance chômage -, un net recul du déficit des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est attendu en 2016 , de 3,1 milliards d'euros, qui s'établirait ainsi à 9,3 milliards d'euros (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 47 : L'évolution du besoin de financement des régimes de base de la sécurité sociale et du FSV (2010-2017)

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (p)

Régime général

-23,9

-17,4

-13,3

-12,5

-9,7

-9

-6

-3,3

Autres régimes obligatoires de base

-1,6

-1,7

-1,8

-0,6

0,4

0,4

0,4

0

FSV

-4,1

-3,4

-4,1

-2,9

-3,5

-3,8

-3,7

-3,6

TOTAL

-29,6

-22,6

-19,2

-16

-12,8

-12,4

-9,3

-6,9

Ensemble des régimes obligatoires de base

-25,5

-19,1

-15,1

-13,1

-9,3

-8,6

-5,6

-3,3

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

Au total, le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) prises dans leur ensemble redeviendrait positif en 2016, revenant à 0,1 % du PIB (1,3 milliard d'euros), contre - 0,3 % du PIB en 2015 (- 6,2 milliards d'euros), expliquant le recul de la part de la dette sociale dans la richesse nationale mis en évidence précédemment. Cette situation résulterait essentiellement de ce que les ressources de la CADES seraient significativement supérieures à ses dépenses , même si l'ensemble des sous-catégories des administrations de sécurité sociale - Unédic, régimes complémentaires et organismes divers de sécurité sociale - verraient leur déficit reculer.


DEUXIÈME PARTIE
LE BUDGET DE L'ÉTAT EN 2016

D'après l'article 1 er de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État , ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte ».

Les développements ci-après procèdent donc à l' analyse des trois principales composantes du budget de l'État que sont les recettes, les dépenses et le solde budgétaire ; ils se fondent sur les chiffres du projet de loi de finances tel que présenté par le Gouvernement.

I. LES RECETTES DE L'ÉTAT : UN STATU QUO FISCAL QUI REFLÈTE L'INDÉCISION DU GOUVERNEMENT

Les recettes nettes de l'État devraient s'élever à 292,3 milliards d'euros en 2015 (prévision révisée) et 301,7 milliards d'euros en 2016 , soit une hausse de 3,22 %. L'analyse de l'évolution des recettes entre loi de finances initiale pour 2015, estimation révisée et prévision du présent projet loi de finances pour 2016 fait ressortir l'absence de choix clairs du Gouvernement, en particulier en matière d'impôt sur le revenu .

Les dépenses fiscales continuent d'augmenter en 2016 pour atteindre 83,4 milliards d'euros . Cette hausse continue paraît d'autant plus problématique qu'elle est couplée à l'absence d'évaluation de la majorité des dispositifs : le Gouvernement ignore jusqu'au coût de plus de 20 % des dispositifs (90 dépenses fiscales sur un total de 430).

A. LA PRÉVISION DE RECETTES FISCALES EN 2015 A ÉTÉ SURESTIMÉE DE 900 MILLIONS D'EUROS ET DE 2,3 MILLIARDS D'EUROS HORS CONTENTIEUX EXCEPTIONNEL AVEC EDF

La prévision révisée de recettes pour 2015 est inférieure de 900 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale (- 0,8 %).

L'écart observé en 2015 ne provient pas de mesures nouvelles prises en cours d'année mais s'explique principalement, comme les années précédentes, par la révision à la baisse de l'évolution spontanée globale des recettes fiscales, qui est minorée de 0,1 point. Cette légère dégradation traduit deux mouvements contraires : d'une part, une dégradation de - 0,3 point de la croissance des recettes de TVA du fait de la faiblesse de l'inflation 155 ( * ) et d'effets de structure tenant à la « déformation de la structure de consommation au profit des biens taxés au taux réduit » - la baisse est donc principalement portée par la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui diminue de 1,1 milliard d'euros .

D'autre part, est également observée une hausse de 0,2 point de l'évolution spontanée des recettes d'impôt sur les sociétés , qui sont, d'après les informations transmises par le Gouvernement, « plus dynamiques en raison de l'amélioration des conditions macroéconomiques ». Les recettes d'impôt sur les sociétés (IS) connaissent cependant une légère baisse (- 200 millions d'euros) en raison d'une mobilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) plus importante que cela n'était prévu en loi de finances initiale (impact budgétaire négatif de 2,4 milliards d'euros) et de la mesure de suramortissement du plan de soutien à l'investissement .

Doit également être notée une révision à la hausse de l'impôt net sur le revenu , à hauteur de 700 millions d'euros , à la fois du fait de l'évolution de l'assiette (dynamisme des dividendes et plus-values mobilières en 2014) et d'un produit plus important que prévu de la lutte contre la fraude (300 millions d'euros supplémentaires sur l'IR).

Graphique n° 48 : Évolution des recettes fiscales par catégorie d'impôt entre l'exécution 2014 et la prévision révisée pour 2015 associée au projet de loi de finances 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaire

Votre rapporteur général souligne que la prévision révisée de recettes fiscales pour 2015 prend en compte la perception d'un montant de 1,4 milliard d'euros liée à un contentieux européen opposant l'entreprise EDF à la Commission européenne. Cette dernière considère que la requalification d'une provision comptable en dotation de capital, intervenue en 1997, constitue une aide d'État illicite. EDF a donc dû procéder au remboursement de 889 millions d'euros au titre de l'exonération d'impôt sur les sociétés et de 488 millions d'euros d'intérêts, soit un montant total de 1,37 milliard d'euros.

Cette recette présente donc un caractère exceptionnel, ce que le Gouvernement lui-même reconnaît, et n'était pas incluse dans les prévisions accompagnant la loi de finances initiale pour 2015. Il y a lieu de la neutraliser pour apprécier l'ampleur réelle de la moins-value constatée entre 2015 et 2016, qui atteint 2,3 milliards d'euros pour l'ensemble des recettes fiscales et 1,6 milliard d'euros concernant l'impôt sur les sociétés (- 5,0 % par rapport à la prévision de la loi de finances initiale).

Graphique n° 49 : Prévision et exécution des recettes fiscales nettes de l'État

entre 2011 et 2015

(en millions d'euros)

Note de lecture : l'exécution 2015 correspond à la prévision révisée accompagnant le projet de loi de finances pour 2016.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Même après exclusion de la recette exceptionnelle, votre rapporteur général note que l'écart entre prévision et exécution tend à se resserrer, contrastant avec les exercices précédents qui avaient connu des moins-values très importantes sur les recettes fiscales - il est possible d'y voir un effet de la mise en oeuvre des recommandations de la Cour des comptes relatives à la transparence des hypothèses fondant les prévisions de recettes, qui sont désormais présentées et explicitées dans le tome I de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances de l'année 156 ( * ) .

B. EN L'ABSENCE DE RÉFORME FISCALE D'AMPLEUR, LA HAUSSE DES RECETTES EN 2016 CORRESPOND À L'ÉVOLUTION SPONTANÉE DES DIFFFÉRENTS IMPÔTS

Les recettes (fiscales et non fiscales) de l'État devraient croître de 9,4 milliards d'euros entre la prévision révisée pour 2015 et l'année 2016 , soit une hausse de 2,8 % par rapport à la prévision révisée pour 2015 (4,25 % par rapport à l'exécution 2014). Une partie de cette augmentation, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, provient des recettes non fiscales de l'État.

Graphique n° 50 : Évolution des recettes nettes de l'État entre l'exécution 2014 et la prévision pour 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des recettes fiscales provient principalement de l'impôt sur le revenu (+ 2,7 milliards d'euros, soit une progression de près de 4 %) et de la taxe sur la valeur ajoutée (+ 3,2 milliards d'euros, soit 2,24 %). Le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devrait être supérieur de 1,7 milliard d'euros à l'estimation révisée pour 2015 pour atteindre 15,6 milliards d'euros (+ 12,15 %) du fait de la montée en charge de la composante carbone votée en loi de finances initiale pour 2014.

Graphique n° 51 : Évolution des recettes fiscales par catégorie d'impôt entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances 2016

(en milliards d'euros et en %)

Note de lecture : en 2016, la TVA devrait croître de 3,2 milliards d'euros, soit une hausse de 2,24 % par rapport à l'estimation révisée pour 2015.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le montre le graphique ci-après, la majeure partie de ces augmentations n'est pas liée à des mesures nouvelles mais au dynamisme de l'évolution spontanée des recettes . La politique fiscale du Gouvernement pour 2016 semble être celle de l'indécision : le projet de loi de finances pour 2016 est remarquablement dénué de toute réforme fiscale d'ampleur et l'ambition d'une « remise à plat » du système fiscal peine à produire des effets concrets . La seule mesure significative est relative à l'impôt sur le revenu : la baisse de l'impôt sur le revenu, prévue à l'article 2, du projet de loi contribue à diminuer le rendement de cet impôt de 2 milliards d'euros.

Graphique n° 52 : Décomposition des facteurs d'évolution des recettes fiscales nettes entre 2015 (prévision révisée) et 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L 'évolution spontanée anticipée des recettes fiscales devrait ainsi s'élever à environ 9,3 milliards d'euros en 2016 . L'augmentation de recettes fiscales en 2016 suppose un rebond important de l'élasticité des recettes fiscales qui après avoir été négative pendant trois ans, de 2011 à 2014, poursuivrait l'augmentation entamée en 2015 (élasticité estimée à 0,8) et dépasserait l'unité en 2016 pour atteindre 1,3. En d'autres termes, pour atteindre les prévisions de recettes du Gouvernement, l'évolution du produit fiscal en 2016 devrait être plus rapide que celle de la croissance de l'économie 157 ( * ) .

Graphique n° 53 : Élasticité des recettes fiscales nettes de l'État par catégorie d'impôt

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

L'augmentation de l'élasticité apparaît particulièrement forte pour l'impôt sur les sociétés (3,4 contre 1,6 en 2015) et la TVA (0,8 en 2016 contre 0,1 en 2015).

De façon générale, les anticipations du Gouvernement contrastent fortement avec l'exécution réalisée les années passées et la surestimation presque systématique de l'élasticité des recettes fiscales ne peut qu'inciter à la prudence : comme le montre le graphique ci-après, depuis 2011, l'élasticité constatée n'a été qu'une seule fois supérieure ou égale aux prévisions du Gouvernement.

Graphique n° 54 : Évolution constatée et prévisionnelle de l'élasticité des recettes fiscales nettes

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

C. L'IMPÔT SUR LE REVENU : DES RÉFORMES PONCTUELLES SUCCESSIVES SANS COHÉRENCE D'ENSEMBLE

1. Près de 7 milliards d'euros d'augmentation de l'impôt sur le revenu en raison des mesures prises depuis le début du quinquennat

Votre rapporteur général a déjà souligné, dans la précédente partie du présent rapport, l'augmentation de la charge fiscale pesant sur les ménages à laquelle a conduit la politique d'ajustement par les recettes menée par le Gouvernement. L'impôt sur le revenu est bien sûr concerné : son rendement a connu une hausse de 35 % entre 2011 et 2015 , passant d'environ 51 milliards d'euros à près de 70 milliards d'euros.

Une part de l'augmentation globale du produit de l'impôt sur le revenu est certes liée à son évolution spontanée . Mais même après neutralisation de la croissance spontanée de l'impôt sur le revenu, c'est au total près de 7 milliards d'euros supplémentaires qui ont pesé sur les ménages de 2013 à 2016 , du seul fait des mesures prises par la majorité gouvernementale depuis 2012.

Graphique n° 55 : Évolution du produit de l'impôt sur le revenu et du nombre de contribuables de 2009 à 2016

(en millions de contribuables et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Graphique n° 56 : Impact sur le produit de l'impôt sur le revenu des mesures présentées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat

(en milliards d'euros)

Note de lecture : en 2016, les mesures présentées dans le PLF et les textes précédents représentent une baisse de l'impôt sur le revenu d'environ 600 millions d'euros. Les chiffrages correspondent à des prévisions ex ante et non à des évaluations ex post .

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. Une augmentation de l'impôt sur le revenu pesant sur un nombre toujours plus restreint de contribuables

L 'impôt sur le revenu est très fortement concentré : les foyers fiscaux appartenant au dernier décile, c'est-à-dire les 10 % des ménages imposables les plus aisés, paient près de 70 % du produit de l'IR alors qu'ils représentent 30 % du revenu imposable .

Graphique n° 57 : La concentration de l'impôt sur le revenu en 2013

Note de lecture : en 2013, les foyers fiscaux dont le revenu imposable annuel est supérieur à 49 890 euros représentaient 10 % du total des ménages imposables et 33 % du revenu imposable national. Ils acquittaient 67,08 % du produit global de l'impôt.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette concentration déjà importante a été encore accrue par les différentes réformes du Gouvernement. Ainsi, le coût de la réforme du quotient familial pèse pour près de 85 % sur les foyers fiscaux situés dans le dernier décile de la population imposable. Environ un tiers des foyers fiscaux du dernier décile ont vu leur impôt s'alourdir , contre seulement 0,65 % des contribuables des autres déciles.

Tableau n° 58 : L'impact en 2014 de la réforme du quotient familial selon le niveau de revenu

Revenu imposable annuel

Nombre de foyers fiscaux

% dont l'impôt augmente

Hausse totale

(en euros)

Hausse moyenne par foyer

(en euros)

Part de la hausse totale

(en %)

Moins de 49 995 euros

33 272 937

0,65%

91 591 842

425,69

15,74%

Plus de 49 995 euros

3 696 914

31,56%

986 435 156

845

84,26%

Total

36 969 851

3,75%

1 078 026 998

779

100%

Note de lecture : 32 % des foyers fiscaux dont le revenu imposable de référence est supérieur à 49 995 euros en 2014 ont connu une hausse de leur imposition sur le revenu à la suite de la réforme du quotient familial. La hausse moyenne pour ces foyers s'élève à 845 euros.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Malgré la suppression de la première « tranche » du barème de l'impôt sur le revenu, le montant moyen de l'impôt dû a augmenté entre 2013 et 2014 de 2,4 % pour l'ensemble des foyers fiscaux. Pour la dernière « tranche » du barème, l'augmentation moyenne s'élève à 5,8 %.

3. Un manque de lisibilité des réformes successives du Gouvernement

Au-delà de la pertinence de chaque réforme du Gouvernement, c'est leur cohérence même qui fait défaut. À des hausses au début du quinquennat ont succédé des baisses, qui ont d'abord ciblé les contribuables modestes puis, dans le projet de loi de finances pour 2016, les contribuables dont les revenus sont « moyens ». Plusieurs grandes réformes ont été annoncées et presque simultanément repoussées : la fusion de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée (CSG) n'est plus à l'ordre du jour, le prélèvement à la source n'interviendra pas avant le 1 er janvier 2018, etc. La nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu présentée dans le projet de loi de finances pour 2016, annoncée par le Président de la République en août, constitue une mesure ponctuelle qui ne contribue pas à la lisibilité de l'impôt et ne s'inscrit pas dans une politique fiscale cohérente.

L'accélération depuis 2012 des départs des assujettis à l'impôt sur le revenu , mise en évidence par un récent rapport du ministère des finances remis au Parlement le 30 septembre 2015 158 ( * ) s'appuyant sur des indicateurs mis en place par l'ancien président de la commission des finances du Sénat Philippe Marini, paraît trouver au moins pour partie sans source dans la politique fiscale du Gouvernement, renforçant tout à la fois la charge fiscale pesant sur les ménages, sa concentration et l'instabilité des règles qui régissent son calcul .

Graphique n° 59 : Évolution de 2007 à 2013 du nombre de redevables de l'impôt sur le revenu partis pour l'étranger et de leur revenu fiscal de référence moyen

(en milliers de départs et en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport « Évolution des départs pour l'étranger et des retours en France des contribuables et évolution du nombre de résidents fiscaux » remis au Parlement par le ministère des finances et des comptes publics le 30 septembre 2015.

D. LES DÉPENSES FISCALES : UNE DÉMARCHE D'ÉVALUATION QUANTITATIVE ET QUALITATIVE INSUFFISANTE

Les dépenses fiscales représentent une part importante des dépenses de l'État : au nombre de 449, elles devraient atteindre 83,4 milliards d'euros en 2016 , en hausse de 1,5 milliard d'euros par rapport à l'année 2015, soit un montant supérieur, par exemple, à la mission « Enseignement scolaire » .

Graphique n° 60 : Évolution du coût des dépenses fiscales de 2011 à 2016

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Tableau n° 61 : Dépense fiscale par impôt de 2014 à 2016

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

Impôt sur le revenu

34 571

32 009

29 341

Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

14 939

21 403

22 184

Taxe sur la valeur ajoutée

17 464

17 499

17 610

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

3 598

3 898

4 228

Impôts locaux

2 047

2 137

1 710

Impôt sur les sociétés

2 832

2 104

1 622

Autres impôts directs

998

1 111

1 126

Autres droits

1 075

1 052

1 049

Droits d'enregistrement et de timbre

813

831

837

Total général

78 337

82 044

79 707

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

L'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés totalisent à eux seuls 53,1 milliards d'euros de dépenses fiscales , dont plus de 13 milliards d'euros de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et 5,5 milliards d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR).

Si ces dispositifs, qui viennent d'atteindre leur régime de croisière, devraient être stabilisés, des marges de manoeuvre paraissent exister pour réduire le nombre des « niches » et simplifier la législation fiscale. 18 dépenses fiscales ne devraient avoir aucun bénéficiaire en 2016 et 57 « niches » fiscales sont chiffrées « epsilon » par le ministère du budget, soit moins d'un million d'euros : de façon similaire aux « petites taxes » dont le rendement est très faible, ces « petites niches » devraient être rationalisées .

Le coût de gestion des « niches » par les services fiscaux doit être mis au regard du gain pour les contribuables et du caractère incitatif de la mesure : par exemple, il est permis de douter de l'effet réellement déclencheur des abattements exceptionnels prévus successivement par les deux précédentes lois de finances pour l'imposition des plus-values de cessions immobilières, ou de l'exonération d'impôt sur les plus-values immobilières réalisées par les particuliers qui cèdent leur logement à des bailleurs sociaux. De même, l'exonération de deux ans de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions nouvelles ne paraît pas contribuer à favoriser la construction de logements : selon les informations recueillies par le groupe de travail mis en place par votre commission des finances, cette exonération est très peu connue et n'a que peu d'impact sur la prise de décision des personnes accédant à la propriété.

À cet égard, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a considérablement assoupli les obligations d'évaluation des dépenses fiscales par rapport à la précédente loi de programmation, qui n'était d'ailleurs pas respectée. Il paraît cependant anormal que le coût de 88 dépenses fiscales ne soit pas connu, pour certaines depuis plusieurs années. L'évaluation du coût d'un dispositif est un prérequis indispensable à l'appréciation de sa pertinence. Force est donc de constater que la démarche d'évaluation des dépenses fiscales par le Gouvernement reste insuffisante et que la plupart des travaux conduits le sont par le Parlement. Il serait d'ailleurs utile que les documents transmis au Parlement indiquent systématiquement le nombre de bénéficiaires des dépenses fiscales , et non seulement leur coût. À défaut d'une démarche gouvernementale rigoureuse d'évaluation des dépenses fiscales, il s'agit à tout le moins de donner au Parlement les moyens de son contrôle.

II. LES DÉPENSES DE L'ÉTAT : UN BUDGET INCOMPLET AU REGARD DES ANNONCES GOUVERNEMENTALES ET QUI NE RESPECTE PAS LA PROGRAMMATION TRIENNALE

En 2016, les dépenses du budget général de l'État (hors remboursements et dégrèvements) devraient s'élever à 306,2 milliards d'euros en 2016 , soit une hausse de 10,6 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2015 (9,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances de finances initiale).

Tableau n° 62 : Évolution des dépenses du budget général de l'État (à périmètre courant)

(en milliards d'euros)

LFI 2015

PLF 2016

Écart PLF 2016/LFI 2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dépenses du budget général

411,14

395,57

413,63

406,33

2,49

0,61 %

10,76

2,72 %

Dépenses du budget général hors remboursements et dégrèvements

311,66

296,10

313,46

306,16

1,80

0,58 %

9,14

3,09 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette hausse s'expliquerait principalement, selon le Gouvernement, par le montant élevé des mesures de périmètre et de transfert (9,3 milliards d'euros) liées à la reprise sur le budget général des aides au logement , des moyens précédemment dévolus à la prime pour l'emploi fusionnée avec le RSA-activité et à la re- budgétisation des crédits du ministère de la défense en lien avec la suppression du compte d'affectation spéciale retraçant les cessions de fréquences hertziennes.

Hors ces effets, les dépenses totales de l'État baisseraient de 2,1 milliards d'euros. Les développements qui suivent s'attachent à analyser les dépenses de l'État sous trois principaux angles : l'évolution d'un exercice à l'autre, posant notamment la question du quantum prévu d'économies tendancielles, la comparaison de la budgétisation avec les normes pluriannuelles régissant l'évolution des dépenses de l'État et enfin la répartition des crédits par destination (fonctionnement, investissement...).

A. DES ÉCONOMIES TENDANCIELLES DE 5,1 MILLIARDS D'EUROS PEU DOCUMENTÉES ET DE NOMBREUSES ANNONCES NON FINANCÉES

1. La révision à la baisse de l'évolution tendancielle des dépenses en lien avec la faiblesse de l'inflation

L'évolution tendancielle des dépenses de l'État en 2016 est revue à la baisse par rapport à la prévision retenue dans la loi de programmation des finances publiques, en raison de l'ajustement des hypothèses d'inflation : initialement prévue à 1,35 % par an, la croissance des prix est désormais estimée à 0,8 % par an en moyenne sur la durée de la programmation.

Hors charge de la dette, pensions et transferts aux collectivités locales et à l'Union européenne, l'évolution tendancielle est ainsi estimée à 5,0 milliards d'euros par an , contre une évaluation à 5,4 milliards d'euros par an dans la loi de programmation des finances publiques. C'est la composante relative à la masse salariale qui explique cette baisse : son évolution tendancielle est ramenée de 1,9 milliard d'euros à 1,5 milliard d'euros par an. Les autres termes restent identiques : évolution à hauteur de 0,5 milliard d'euros de fonctionnement et en investissement, 0,8 milliard d'euros de contributions aux agences et 1,7 milliard d'euros de dépenses d'intervention.

2. Des économies peu documentées et qui suffisent à peine à contenir l'augmentation des dépenses de l'État

Pour 2016, les économies annoncées sur le champ de l'État et de ses opérateurs par rapport à cette hausse tendancielle s'élèveraient à 5,1 milliards d'euros portant principalement sur les opérateurs (1 milliard d'euros) et les dépenses d'intervention (2,7 milliards d'euros).

Graphique n° 63 : Décomposition des économies de l'État prévues en 2016

par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Beaucoup de ces économies ne sont pas documentées : ainsi, sur le total de 2,7 milliards d'euros d'économies sur les dépenses d'intervention annoncé par le Gouvernement, seuls 375 millions sont précisés par référence à des mesures précises (185 millions d'euros du fait de la réforme des aides personnelles au logement et 190 millions d'euros en lien avec l'uniformisation des règles d'indexation des prestations sociales).

En outre, les économies annoncées dans le projet de loi de finances pour 2016 - à supposer qu'elles soient tenues - compenseraient à peine l'évolution tendancielle des dépenses . En effet, si les dépenses totales de l'État devraient baisser de 2,1 milliards d'euros, cette diminution inclut celle de la charge de la dette, du CAS « Pensions » et des prélèvements sur recettes, qui ne correspondent pas à un réel effort de l'État.

En réalité, les crédits des ministères continuent d'augmenter entre 2015 et 2016 et devraient connaître une hausse, à périmètre constant, de 200 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Celle-ci est compensée par la diminution du plafonnement des taxes affectées (- 1,2 milliard d'euros).

3. Les revues de dépenses, un nouveau dispositif qui souligne l'échec de la MAP et qui peine à porter pleinement ses fruits

L'article 22 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a instauré des « revues de dépenses » annuelles , qui portent sur l'ensemble des moyens et des dépenses, y compris les niches fiscales et sociales , de toutes les administrations publiques , et visent à identifier des sources d'économies. Les revues menées et leurs conclusions doivent faire l'objet d'une communication au Parlement .

Votre rapporteur général se félicite que soit mis en place un dispositif visant à identifier et réaliser des économies réelles et durables , par des réformes structurelles et non seulement des « rabots » au cas par cas. Il ne peut cependant éviter de remarquer qu'il aura fallu deux ans pour que le Gouvernement découvre, enfin, la nécessité d'identifier en amont des pistes crédibles d'économies structurelles et de les documenter.

Il semble ainsi que la création des « revues de dépenses » soit rendue nécessaire par l'échec des précédentes initiatives du Gouvernement pour réformer la dépense publique, et notamment de la procédure de « modernisation de l'action publique ».

L'échec de la modernisation de l'action publique (MAP)

Tout d'abord, l'association du Parlement, présentée au départ comme une innovation majeure par rapport à la révision générale des politiques publiques (RGPP), n'a pas été respectée . La simple information du législateur a fait défaut : si l'article 92 de la loi de finances pour 2013 159 ( * ) prévoyait plusieurs modalités d'information des chambres parlementaires au sujet de la MAP, en pratique les informations transmises ont été très rares et irrégulières. La MAP est largement, pour le Parlement, une « boîte noire ».

De plus, la MAP n'a pas permis d'identifier des mesures d'économies crédibles et durables. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de juin 2014 sur la situation et les perspectives des finances publiques, « les économies identifiées à ce jour dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP) ne sont pas à la hauteur de l'enjeu ». La révision générale des politiques publiques (RGPP) avait été rejetée par l'actuelle majorité gouvernementale au motif que la réforme de l'État ne pouvait avoir pour principale ambition de réduire ses dépenses, mais il est possible de s'interroger sur l'intérêt d'une « modernisation de l'action publique » déconnectée des enjeux réels des finances publiques. Certes, la RGPP présentait quelques faiblesses : elle était sans doute trop exclusivement ciblée sur le fonctionnement de l'État et ses travaux faisaient l'objet d'une publicité limitée, qui n'a pas favorisé l'essor du débat public sur les pistes d'économies identifiées. Mais la RGPP a permis de réaliser 12 milliards d'euros d'économies 160 ( * ) , là où le dernier CIMAP 161 ( * ) n'évoque que 3 milliards d'euros d'économies liées aux évaluations de politiques publiques (EPP) déjà menées. Quant aux programmes ministériels de modernisation et de simplification (PMMS), d'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général, « aucun chiffrage des coûts et bénéfices de ces réformes n'est disponible ». Enfin, la MAP a été construire sur un calendrier inadapté, au point qu'un dispositif entièrement nouveau est apparu nécessaire pour assurer le chaînage des recommandations à la construction budgétaire.

Source : Sénat, rapport n° 108 (2014-2015) fait au nom de la commission des finances du Sénat par Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2015.

On ne peut donc manquer de s'interroger au sujet de la mise en oeuvre effective et des résultats de ces « revues de dépenses » : après la communication des premiers rapports, il apparaît que les pistes d'économies concrètes restent limitées .

4. De nombreuses annonces non financées dans le projet de budget présenté au Parlement

La budgétisation initiale pour 2016 est d'ores et déjà rendue obsolète par de nombreuses annonces intervenues dans des délais ne permettant pas d'ajuster le projet de loi en vue de l'examen parlementaire du projet de loi de finances. Ainsi, des mesures nouvelles voire une réorientation des priorités ont été mises en avant sur plusieurs missions 162 ( * ) sans que la traduction budgétaire effective n'ait encore été déterminée. Outre la question de la réalité de l'autorisation parlementaire, qui se fait sur des plafonds de crédits dont les élus savent qu'ils ne seront probablement pas respectés, ce procédé nuit à la lisibilité du budget pour les gestionnaires et laisse craindre des impasses en cours d'année .

Le Premier ministre a par exemple annoncé à l'Assemblée nationale, le 16 septembre dernier, la création de 900 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires pour faire face à la crise migratoire, principalement au profit de la police de l'air et des frontières (PAF). Ces effectifs supplémentaires pourraient coûter 40 millions d'euros en année pleine .

La méthode semble témoigner de l'absence de vision globale et stratégique du budget de l'État : aux arbitrages généraux sont préférées des mesures ponctuelles dont la lisibilité est faible et dont l'accumulation n'est pas sans risques pour la maîtrise du budget de l'État.

B. DES NORMES PLURIANNUELLES QUI NE SONT QU'IMPARFAITEMENT RESPECTÉES

1. Les normes de gouvernance et de gestion des dépenses publiques ne sont que partiellement mises en oeuvre, en particulier en matière de ressources fiscales affectées à des tiers

Votre rapporteur général souligne que les obligations créées en matière d'affectations de ressources fiscales ne sont aucunement mises en oeuvre par le présent projet de loi de finances : alors même que la loi de programmation prévoyait un principe de rebudgétisation ne souffrant que quelques exceptions dans certains cas limitativement définis, de nouvelles affectations sont ainsi créées sans que des suppressions ne les gagent et très peu de taxes sont rebudgétisées (une seule en 2016).

Au surplus, le Gouvernement se sert des recettes affectées pour pallier les défaillances du budget : à ce titre, l'exemple du relèvement du plafond de la part de la taxe sur les transactions financières (TTF) affectée au développement est révélateur. Il permet au Gouvernement de répondre aux nombreuses critiques qui ont accueilli la présentation du budget de l'aide publique au développement pour 2016 .

En effet, malgré les annonces du Président de la République le 28 septembre, à la tribune des Nations unies selon lesquelles « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 », le budget présenté deux jours plus tard voit les crédits destinés à l'aide publique au développement diminuer de plus de 6 %, soit la plus forte baisse du budget 2016 , en excluant les mesures de périmètre, alors même que la France n'est plus que le douzième pays donateur en proportion du revenu national brut (RNB). Le ministre de l'économie et des finances a ensuite annoncé, le 10 octobre dernier à Lima, que le Gouvernement majorerait de 150 millions d'euros les financements en faveur de la politique de développement. Deux tiers de cette hausse (100 millions d'euros) sont portés par le relèvement du plafond de la taxe affectée au fonds de solidarité pour le développement. Cette manoeuvre budgétaire permet sans doute de sauver les apparences sans procéder à des ajustements importants sur les dépenses des autres ministères, mais il est manifeste que le Gouvernement use de procédés contraires aux engagements qu'il a pris devant le Parlement il y a moins d'un an .

2. Le budget triennal n'est pas respecté par la budgétisation initiale pour 2016

Concernant les orientations pluriannuelles des finances publiques et en particulier le budget triennal , l'État ne tient pas non plus ses engagements puisque les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2016 dépassent de plus de 500 millions d'euros les plafonds de la loi de programmation (soit un écart de 0,3 %).

Tableau n° 64 : Comparaison du budget prévu par le projet de loi de finances pour 2016 avec l'annuité 2016 de la loi de programmation des finances publiques

(en millions d'euros et en %, classé par ordre décroissant

de l'écart le plus important en % de crédits de la LPFP)

Missions

PLF 2016 (format LPFP 2016)

LPFP 2016

Écart PLF 2016/LPFP

Sport, jeunesse et vie associative

622

501

121

24,2%

Immigration, asile et intégration

706

655

51

7,8%

Travail et emploi

11 035

10 623

412

3,9%

Action extérieure de l'État

3 055

2 955

100

3,4%

Santé

1 256

1 219

37

3,0%

Défense

30 127

29 521

606

2,1%

Culture

2 430

2 383

47

2,0%

Justice

6 342

6 274

68

1,1%

Administration générale et territoriale de l'État

1 940

1 921

19

1,0%

Direction de l'action du Gouvernement

1 173

1 162

11

0,9%

Politique des territoires

710

704

6

0,9%

Sécurités

12 270

12 180

90

0,7%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2 530

2 518

12

0,5%

Enseignement scolaire

47 998

47 867

131

0,3%

Pouvoirs publics

988

988

0

0,0%

Recherche et enseignement supérieur

25 603

25 658

-55

-0,2%

Conseil et contrôle de l'État

501

504

-3

-0,6%

Écologie, développement et mobilité durables

6 506

6 547

-41

-0,6%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 606

2 625

-19

-0,7%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

8 252

8 323

-71

-0,9%

Régimes sociaux et de retraite

6 320

6 396

-76

-1,2%

Solidarité, insertion et égalité des chances

15 486

15 787

-301

-1,9%

Outre-mer

2 018

2 063

-45

-2,2%

Égalité des territoires et logement

12 990

13 315

-325

-2,4%

Aide publique au développement

2 596

2 667

-71

-2,7%

Économie

1 456

1 506

-50

-3,3%

Médias, livre et industries culturelles

600

631

-31

-4,9%

Engagements financiers de l'État (hors charge de la dette)

755

842

-87

-10,3%

Crédits non répartis

40

96

-56

-58,3%

Total missions du BG (hors RCT)

208 911

208 431

480

0,2 %

Total hors crédits non répartis

208 871

208 335

536

0,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

De même, l'objectif de stabilisation des effectifs de l'État n'est pas tenu : ceux-ci augmentent depuis 2015 et la hausse devrait être particulièrement sensible en 2016.

Graphique n° 65 : Évolution de la masse salariale et des effectifs de l'État

(en milliards d'euros et en milliers d'ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Les départs en retraite , qui diminuent pour des raisons démographiques, sont donc tous remplacés et les recrutements excèdent les départs.

Graphique n° 66 : Départs en retraite et taux de non remplacement depuis 2011

(en milliers d'ETP et en %)

Note de lecture : les départs en retraite se lisent par rapport à l'échelle de gauche (en emplois équivalents temps plein). Le taux de remplacement se lit par rapport à l'échelle de droite (en %). Le taux de remplacement correspond à la part des départs en retraite qui est remplacée. En 2014, 6 % des départs en retraite n'étaient pas remplacés. En 2016, 100 % des départs en retraite seront remplacés et des recrutements excédant le besoin en remplacement seront effectués.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Le Gouvernement affirme que cette hausse des effectifs est liée à la révision de la loi de programmation militaire , notamment en raison des attentats survenus en janvier 2015 sur le sol français.

Force est cependant de constater que l'impact de la révision de la LPM est limité à un accroissement de 4 875 ETPT . À cette hausse nécessaire des effectifs de la Défense s'ajoute une augmentation de 4 716 ETPT , qui résulte bien des schémas d'emplois pour 2016 sans lien avec la LPM. En outre, la révision de la LPM aurait pu être gagée par des suppressions sur d'autres ministères : c'est le sens d'un objectif de stabilisation pluriannuelle des effectifs.

Autrement dit, l'ampleur de la hausse des effectifs n'est pas seulement la conséquence mécanique des nouvelles orientations militaires et résulte bien de l'absence de choix du Gouvernement . De même que la politique fiscale et la politique budgétaire sont caractérisées par l'absence d'arbitrages stratégiques, la gestion des effectifs de l'État n'obéit à aucun principe clair - si ce n'est la création de postes au sein des missions jugées prioritaires, et ce en dépit de la difficulté pour les gestionnaires à les pourvoir.

Graphique n° 67 : Décomposition des facteurs d'évolution du plafond d'emplois de l'État entre 2015 et 2016

(en emplois équivalent temps plein travaillé - ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

La hausse des effectifs couplée à l'impératif de maîtrise de la masse salariale conduit à limiter les politiques salariales incitatives et à tasser la grille indiciaire - les mesures catégorielles étant désormais uniquement ciblées sur les bas salaires - au détriment de l'attractivité de la fonction publique.

Des pistes d'économies ouvertes par l'enquête de la Cour des comptes
sur la masse salariale de l'État

En application de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'État .

Le rapport de la Cour des comptes met en avant le poids de la masse salariale publique qui s'élevait en 2013 à près de 13 % du produit intérieur brut contre moins de 10 % en moyenne au sein de la zone euro . À l'inverse de nombreux pays, la France continue de voir ses dépenses de personnel croître (+ 2,4 % en moyenne annuelle au cours des dix dernières années) sous l'effet conjugué de l'augmentation des rémunérations (+ 0,2 % par an en moyenne entre 2003 et 2014 pour la fonction publique d'État) et surtout de la hausse continue des effectifs (+ 0,6 % par an en moyenne pour les trois fonctions publiques sur la même période).

Ces dépenses s'élevaient ainsi en 2014 à 120,8 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État , soit 40 % du budget général , et à 278 milliards d'euros toutes fonctions publiques confondues .

Si le budget triennal 2015-2017 associé à la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 impose des économies de l'ordre de 450 millions d'euros par an, la Cour des comptes note que les mesures présentées par le Gouvernement apparaissent extrêmement fragiles compte tenu des évolutions constatées et des décisions déjà prises.

Une plus grande maîtrise des dépenses de personnel constitue par conséquent un enjeu tant pour la réduction des déficits publics que pour la reconstitution de marges de manoeuvre permettant de maintenir l'attractivité de la fonction publique .

Dans le prolongement des pistes ouvertes par la Cour des comptes, votre rapporteur général estime que la mise en oeuvre de mesures d'économies peut être articulée autour de quatre axes :

- une réduction des effectifs résultant d'une rationalisation des missions de l'État , d' un accroissement du temps de travail (lutte contre l'absentéisme, réexamen des régimes dérogatoires) et d' un effort supplémentaire demandé aux opérateurs de l'État ;

- la simplification du régime des primes ;

- la fin de l'automaticité des avancements grâce à une plus grande prise en compte du mérite et au recours plus fréquent aux examens professionnels ;

- le développement de la mobilité dans l'intérêt du service .

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'enquête de la Cour des comptes

3. La norme de dépenses n'est respectée en 2016 qu'en raison d'économies de constatation
a) Une double norme de dépenses sur le budget de l'État qui devrait être respectée en 2016

Si des normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites dès le début des années 2000, c'est la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui a mis en place la double norme de dépenses 163 ( * ) aujourd'hui appliquée :

- d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État, doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant : c'est la norme « zéro valeur » ;

- d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension, doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation : c'est la norme « zéro volume ».

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé le niveau des normes de dépenses de l'État pour les années à venir : en vertu de son article 8, les dépenses sous norme « zéro volume » ne doivent pas progresser plus vite que l'inflation et les dépenses sous norme « zéro valeur » doivent diminuer d'environ 7 milliards d'euros de 2015 à 2017, passant de 282,81 milliards d'euros en 2015 à 280,65 milliards d'euros en 2016, puis à 275,48 milliards d'euros en 2017.

Ces deux normes de dépenses devraient être respectées en 2016 selon la trajectoire budgétaire présentée par le Gouvernement . Cependant, plusieurs éléments amènent à nuancer la portée de ce constat.

Tableau n° 68 : La double norme de dépenses sur le budget de l'État
en 2016

(en milliards d'euros)

LPFP 2016

PLF 2016

Différence

Crédits des ministères

203,0

203,4

0,4

Affectations de recettes

5,1

4,7

-0,3

Transferts aux collectivités territoriales

49,8

49,9

0,1

Prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

22,8

21,5

-1,3

Norme 0 valeur

280,7

279,6

-1,1

Charge de la dette

47,3

44,5

-2,9

Pensions

46,2

46,1

0,0

Norme 0 volume

374,2

370,2

-4,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

b) Le respect de la norme « zéro valeur » par l'État est facilité par la révision à la baisse de l'évolution tendancielle des dépenses et la révision à la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

La révision à la baisse de la croissance tendancielle des dépenses complexifie certes la réalisation d'économies par rapport à ce tendanciel, mais facilite le respect de la norme en valeur dans la mesure où celle-ci exige précisément d'économiser au moins le montant de l'évolution tendancielle des dépenses.

Au surplus, la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne par rapport à l'estimation de la loi de programmation 164 ( * ) (- 1,3 milliard d'euros) permet au Gouvernement d'afficher un « effort supplémentaire » sur la norme de dépenses qui n'en est pas un dans la mesure où le montant de ce transfert ne dépend pas de la gestion budgétaire du Gouvernement. Hors prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, la norme de dépenses en valeur est dépassée de 200 millions d'euros .

Votre rapporteur général note à ce titre que l'intégration du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne au sein de la norme de dépenses « zéro valeur » ne paraît pas conforme à son objet : celle-ci est censée regrouper les dépenses pilotables par le Gouvernement, ce qui n'est pas le cas (ou de façon marginale) concernant le PSR UE. L'intégration du PSR UE dans le champ de la norme en valeur conduit à créer des effets d'aubaine pour le Gouvernement en cas de baisse du prélèvement sur recettes, ou contraint à comprimer les dépenses des ministères en cas de hausse des appels à contribution au budget européen, sans que cela ne traduise la qualité de la gestion budgétaire du Gouvernement. Votre rapporteur général s'interroge donc sur la pertinence du maintien du PSR UE au sein de la norme « zéro valeur » et considère que sa sortie doit être envisagée.

c) Le respect de la norme « zéro volume » est assuré grâce à la baisse de la charge de la dette

De la même façon, le respect de la norme « zéro volume » est assuré dès lors que la charge de la dette de l'État prévisionnelle diminue de près de 3 milliards d'euros entre les estimations de la loi de programmation et le projet de loi de finances pour 2016. Cet allègement constitue davantage un signal de la faiblesse des taux d'intérêt sur la dette souveraine qu'une preuve de la bonne gestion budgétaire du Gouvernement .

C. UNE PART CROISSANTE DU BUDGET DE L'ÉTAT EST ALLOUÉE À DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INTERVENTION, MENANT À UNE BAISSE PRÉOCCUPANTE DE L'INVESTISSEMENT

1. Le poids des dépenses de fonctionnement et de personnel ne peut être contenu en l'absence de réflexion stratégique sur les missions de l'État

Le budget de l'État se répartit en trois agrégats d'ampleur comparable : les dépenses de personnel (hors CAS « Pensions »), les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention (parmi lesquelles deux tiers environ de dépenses de guichet, c'est-à-dire dont le versement est automatique dès lors que le demandeur remplit les critères et sur lesquelles l'État n'a aucune maîtrise).

Graphique n° 69 : Répartition des dépenses de l'État par destination dans le projet de loi de finances pour 2016

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Si les dépenses de personnel sont souvent évoquées après neutralisation des contributions au CAS « Pensions », votre rapporteur général souligne que celles-ci atteignent des ordres de grandeur très importants (plus de 16 % du budget des missions contributrices au CAS).

Tableau n° 70 : Contribution des missions au CAS « Pensions »

(en millions d'euros et en %)

Missions contributrices

au CAS "Pensions"

Contribution CAS « Pensions »

Total des crédits alloués à la mission

Contribution au CAS "Pensions" / crédits alloués à la mission en 2016

2014 (exé-cution)

2015

(LFI)

2016

(PLF)

2016 (PLF)

Action extérieure de l'État

144

145

141

3 199

4,41%

Administration générale et territoriale de l'État

573

608

595

2 536

23,47%

Agriculture, agroalimentaire, forêt et affaires rurales

259

258

241

2 745

8,78%

Aide publique au développement

21

25

24

2 621

0,92%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

0

0

0

2 612

0,00%

Conseil et contrôle de l'État

128

137

138

639

21,59%

Contrôle et exploitation aériens

258

262

262

2 115

12,39%

Culture

197

200

202

2 749

7,35%

Défense

7 758

7 788

7 859

39 586

19,85%

Direction de l'action du Gouvernement

61

70

95

1 318

7,21%

Écologie, développement et mobilité durables

876

677

663

7 149

9,27%

Économie

237

243

240

1 702

14,10%

Égalité des territoires et logement

0

221

218

17 894

1,22%

Enseignement scolaire

18 400

18 930

19 116

67 107

28,49%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2 723

2 707

2 676

10 897

24,56%

Justice

1 511

1 564

1 600

7 973

20,07%

Outre-mer

44

45

45

2 063

2,18%

Politique des territoires

2

9

9

718

1,25%

Publications officielles et information administrative

5

5

5

182

2,75%

Recherche et enseignement supérieur

275

280

256

25 887

0,99%

Sécurités

6 020

6 069

6 132

18 375

33,37%

Solidarité, insertion et égalité des chances

205

205

206

18 250

1,13%

Travail et emploi

187

187

189

11 443

1,65%

Total général

39 884

40 635

40 912

249 758

16,38%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

De façon plus générale, votre rapporteur général souligne que la méthode du « rabot » a touché ses limites , ce dont témoignent les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour diminuer les crédits des différentes missions sans redéfinir les politiques publiques associées. La maîtrise des dépenses de l'État suppose d'en redéfinir le champ d'action et les priorités .

2. Les dépenses d'investissement, y compris programmes d'investissement d'avenir, ont baissé de 10 % en six ans

Les économies faites sur les dépenses de l'État ont fortement contraint les dépenses d'investissement de l'État, qui ont baissé de 10 % en six ans, en prenant en compte les décaissements de crédits au titre des programmes d'investissement d'avenir de 2010 et de 2012 . Si le PIA, dispositif très dérogatoire d'un point de vue budgétaire, a vocation à préserver l'investissement de l'État en période de contraintes fortes sur la dépense publique, force est de constater qu'il n'y parvient pas complètement .

Graphique n° 71 : Évolution de la dépense d'investissement de l'État
de 2009 à 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

III. LE SOLDE BUDGÉTAIRE ET LE BESOIN DE FINANCEMENT DE L'ÉTAT

Le solde budgétaire de l'État devrait connaître une légère amélioration en 2016 et passer de 73 milliards d'euros à 72 milliards d'euros. Cependant, la prise en compte des décaissements effectués au titre des investissements d'avenir, de façon conforme aux recommandations exprimées par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la gestion budgétaire de l'exercice 2014, conduit à alourdir le déficit de l'État. Celui-ci serait en effet de 75,5 milliards d'euros en 2015 et de 74,2 milliards d'euros en 2016 .

Graphique n° 72 : Évolution du déficit budgétaire de l'État de 2012 à 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Le besoin de financement de l'État devrait donc s'élever à 200,2 milliards d'euros en 2016 , en hausse de près de 8 milliards d'euros par rapport à 2015. Il se décompose entre 127 milliards d'euros d'amortissement de dette déjà émise et 72 milliards d'euros de déficit à financer et sera principalement couvert par des émissions nouvelles (187 milliards d'euros nettes des rachats) et la diminution du niveau de compte du Trésor (10,7 milliards d'euros). De façon plus marginale, la Caisse de la dette publique devrait racheter ou amortir 2 milliards d'euros de dette provenant des cessions d'actifs de l'État .

Graphique n° 73 : Charge de la dette prévisionnelle et constatée de 2012 à 2016

(en milliards d'euros)

Note de lecture : la charge de la dette se lit par rapport à l'axe de gauche, la dette par rapport à celui de droite.

N.B. : en 2015, l'exécution de la charge de la dette correspond à la prévision révisée associée au projet de loi de finances pour 2016 et l'encours de dette de l'État aux chiffres du deuxième trimestre de l'année 2015 . En 2016, l'encours de dette de l'État correspond à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2016.

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'Insee et les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Les taux d'intérêt restent, pour l'instant, assez faibles, permettant d'alléger la charge de la dette qui a d'ailleurs été de nouveau inférieure aux prévisions en 2015 . Mais la hausse continue de l'endettement de l'État expose fortement la France au risque d'une remontée des taux , scénario loin d'être exclu au regard des récentes annonces de la banque fédérale américaine.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. MICHEL SAPIN, MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS, ET DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2016 (30 SEPTEMBRE 2015)

Réunie le mercredi 30 septembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2016.

Mme Michèle André , présidente . - Nous entendons Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2016.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics . - Je vous remercie de nous donner l'occasion de venir vous présenter ce projet de loi de finances. Quelle est la situation de nos finances publiques ? Pour la première fois depuis longtemps, l'hypothèse de croissance retenue en loi de finances initiale sera respectée. Il existe en effet un consensus pour dire que la prévision de croissance de 1 % prévue sera atteinte et sans doute dépassée. Cette situation vient après trois années de croissance extrêmement faible en France comme dans la zone euro, ce dont l'activité économique, l'emploi et les comptes publics ont été affectés.

Cette année, notre objectif de déficit de 3,8 %, dont vous aviez débattu l'an dernier à défaut de le voter, sera atteint. Le rythme des recettes et des dépenses est parfaitement en ligne avec nos prévisions. Depuis de très nombreuses années, c'est la première fois que l'objectif fixé par le Parlement sera respecté.

Cette situation nourrit une relation de confiance avec les autorités européennes, alors que l'an passé, ces relations étaient beaucoup plus complexes. En raison des traités, la Commission européenne examine en effet les budgets de chaque pays, émet des recommandations et peut recourir à des incitations punitives si l'un d'entre eux ne respecte pas ses engagements. Désormais, notre dialogue est serein, nous n'avons pas un glaive au-dessus de notre tête. Au demeurant, la réduction des déficits est d'abord de l'intérêt de la France.

Vous connaissez l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) : dans la langue qui est la sienne, les termes qu'il emploie sont différents de ceux des années passées. Il reconnaît que l'hypothèse de croissance du Gouvernement est « réaliste » et que le chiffre de 1,5 % reste « atteignable », alors qu'il qualifiait d'optimiste celle pour 2015. Or, vous savez qu'optimiste signifie inatteignable ; à l'inverse, atteignable signifie que l'objectif sera atteint, et réaliste qu'il sera dépassé ! Avec cette hypothèse prudente, je crois que nous échapperons au débat classique mettant en cause la sincérité des hypothèses qui fondent le budget.

L'hypothèse de l'inflation a été plus compliquée à fixer. En 2014 et 2015, l'inflation a été particulièrement faible : ni la France, ni l'Europe n'avaient vu venir ce choc, qui a eu des conséquences sur l'exécution de nos budgets en recettes et en dépenses. En outre, nous avions prévu des économies en tablant sur la différence entre l'inflation et l'évolution de la dépense, en particulier dans le domaine social.

Pour l'an prochain, nous prévoyons une inflation de 1 %. Le HCFP se demande si elle ne sera pas plus faible. Son interrogation est compréhensible, mais nous avons essayé d'être cohérents avec la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE). Pourquoi être pessimiste alors que la BCE mène depuis l'été dernier une politique particulièrement bien adaptée, ce qui nous permet aujourd'hui de bénéficier d'un euro qui n'est pas surévalué et de taux d'intérêt qui restent faibles ?

Les taux d'intérêt, qui ont des conséquences sur le coût de la dette mais aussi sur le financement de l'économie, devraient rester bas en 2016 : à la fin de l'année, ils s'élèveraient à 1,4 % à dix ans, contre moins de 1 % aujourd'hui. Fin 2016, nous prévoyons 2,4 %, chiffre qui pourrait ne pas être atteint. Nous gardons ainsi une marge de sécurité. À ceux qui nous disent que ces économies sont volatiles, je réponds qu'il n'en est rien car il s'agit d'économies pérennes : en 2016, l'Agence France Trésor (AFT) empruntera 187 milliards d'euros, dont 127 milliards d'euros pour refinancer des dettes anciennes au taux beaucoup plus élevé que ceux d'aujourd'hui. Or, nous empruntons sur 6 à 10 ans, ce qui permet d'envisager une diminution annuelle du niveau des intérêts payés par la France.

Pour le reste, et comme je le disais ce matin, la surprise de ce budget, c'est qu'il n'y a pas de surprises. Ce budget met en oeuvre des orientations déjà fixées, respecte des engagements déjà pris. Ainsi en est-il pour l'évolution des prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages. Nous diminuerons de 9 milliards d'euros les cotisations et les impôts des entreprises, conformément à ce qui avait été annoncé dans le cadre du Pacte de responsabilité. Ainsi en sera-t-il de la fin de la surcotisation de l'impôt sur les sociétés prélevée sur les grandes entreprises, soit 2,5 milliards d'euros ; de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en faisant en sorte que 80 000 nouvelles entreprises de taille intermédiaire (ETI) bénéficient de cette mesure ; de la baisse de cotisations des entreprises non plus seulement du SMIC jusqu'à 1,6 SMIC, ce que nous avons fait en 2015, mais de 1,6 à 3,5 SMIC l'année prochaine.

Nous tenons également nos engagements en faveur des ménages avec une réduction de 2 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu des plus modestes. La France compte près de 18 millions de foyers fiscaux qui payent l'impôt sur le revenu. Or, plus de 12 millions de foyers auront bénéficié entre 2015 et 2016 d'une baisse ou même d'une suppression de leur impôt sur le revenu. Certains disent que les hauts salaires ont vu leur impôt sur le revenu augmenter. C'est exact, mais il nous paraît légitime que les impôts de ceux qui ont les revenus les plus importants augmentent, et il nous semble injuste que l'appel à l'effort s'étende à des foyers extrêmement modestes. On nous reproche de concentrer l'impôt sur le revenu sur un nombre limité de ménages, mais l'an prochain 46 % des foyers français payeront l'impôt sur le revenu, comme en 2007 : nous revenons à la situation d'avant la crise. En outre, tout le monde paye la contribution sociale généralisée (CSG) qui pèse sur tous les revenus, y compris les plus modestes.

Nous proposons une réforme des modalités de perception de l'impôt : nous lançons la première étape de l'élaboration du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, qui deviendra effectif le 1 er janvier 2018. Il faut que tous les acteurs connaissent au cours de 2017 l'intégralité des mesures. Nous vous proposerons dans la loi de finances pour 2017 les modalités précises de ce prélèvement à la source. En 2016, nous aurons déjà des débats et des choix à opérer.

Deuxième élément de simplification : la dématérialisation la plus large possible des déclarations et du paiement de l'impôt sur le revenu. Quand 40 % des ménages français déclarent leur l'impôt sur le revenu par Internet, en Italie et dans d'autres pays, on est proche des 100 %. L'an prochain, les ménages dont les revenus sont supérieurs à 40 000 euros devront établir leur déclaration par Internet. Il n'y aura pas de pénalisation avant deux exercices et toute personne qui ne pourra pas le faire le signalera et continuera à déclarer sur papier. Les pénalités se monteront à 15 euros pour les récalcitrants, mais il ne s'agit nullement d'un mécanisme coercitif. Nous avons intérêt à aller vers cette dématérialisation, plus simple pour les contribuables et qui dégage des économies structurelles : nos personnels pourront travailler dans de meilleures conditions.

Puisque nous réduisons à la fois les impôts et les déficits, nous maîtrisons les dépenses. Pour 2015, certains s'étaient interrogés mais nous respecterons intégralement le niveau des dépenses que nous avons fixé. De même que nous avons respecté les dépenses en 2014 et en 2015, nous respecterons nos objectifs pour 2016. Si vous voulez que nous en parlions, j'ai ici le détail des gouvernements qui ont le plus augmenté, mais aussi le plus diminué, les impôts sur les entreprises. Évitons les procès d'intention. Ce disant, je réagis aux déclarations de ce matin de celui que l'on peut considérer comme le chef potentiel de l'opposition - il a siégé peu de temps à la commission des finances à l'Assemblée nationale et a été quelques mois ministre des finances, ce qui explique sans doute des approximations...

Nous devons absolument maîtriser les dépenses de l'État et de la sécurité sociale et nous incitons les collectivités territoriales à faire de même, tout particulièrement pour leurs dépenses de fonctionnement, sachant que nous avons mis en place un fonds d'incitation à l'investissement en faveur des collectivités territoriales doté d'un milliard d'euros. En 2014 et 2015, période post-électorale, l'investissement des communes a marqué le pas. L'alternance a été importante, d'où la suspension d'un certain nombre de projets, mais l'année 2016 devrait être marquée par la reprise des investissements locaux.

Tels sont les grands principes qui fondent ce projet de loi de finances pour 2016.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Une bonne nouvelle est passée inaperçue : l'Insee a récemment revu le déficit public de 2014 à la baisse, à 3,9 % du PIB. Je regrette que personne n'en parle.

Michel Sapin l'a dit, ce budget maintient le cap : le déficit public se réduit comme prévu, et même plus vite que prévu. Les baisses de prélèvements annoncées pour 2016 sont mises en oeuvre, et pour financer tout cela, nous vous proposons un nouvel ensemble d'économies - comme prévu par le plan d'économies de 50 milliards d'euros qui concerne l'ensemble de la dépense publique.

Les bons résultats obtenus depuis un an confortent notre politique et contribuent à sa crédibilité : en 2014, le déficit public a été moins élevé que prévu, à 3,9 % et la dépense publique a progressé à un rythme extraordinairement bas de 0,9 % en valeur. D'ailleurs, le HCFP indique lui-même dans son avis que « ces dernières années, les efforts de maîtrise de la dépense publique ont été sensibles ».

Pour 2015, la prévision de déficit public était de 4,1 % en loi de finances initiale. Depuis avril, nous avons revu cette prévision à 3,8 % et toutes les informations disponibles confortent cette prévision, y compris l'avis que le HCFP vient de rendre. J'ai lu qu'il manquerait quelques milliards d'euros de TVA, quelques milliards d'euros d'impôt sur le revenu. Tout cela ne tient pas debout. Les prévisions de recettes seront en ligne avec nos prévisions de la loi de finances initiale et celles du programme de stabilité.

Le déficit de l'État pour 2015 est réduit de 1,4 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Je vous l'avais annoncé au moment du débat d'orientation des finances publiques : les recettes fiscales sont en légère plus-value de 100 millions d'euros par rapport au programme de stabilité et les dépenses sont nettement moins élevées que prévu. C'est la première fois depuis 2011, que le déficit de l'État est inférieur en exécution à la prévision de la loi de finances initiale - il atteignait à l'époque 90,7 milliards d'euros.

Notre politique budgétaire est stable, prévisible et crédible. Cette crédibilité passe par le respect d'un principe : pas de dépense nouvelle sans une économie pour la financer. C'est un principe que nous avons respecté dans la construction du budget et nous le respecterons lors de la discussion parlementaire. Bien qu'exigeant, il n'entrave pas notre action, bien au contraire : au cours des derniers mois, le Gouvernement a dû faire face à des événements imprévus et parfois tragiques, qui appelaient une réponse immédiate de la puissance publique et la mobilisation de ressources nouvelles. À chaque fois, nous avons engagé les dépenses nécessaires et, dans le même temps, nous avons dégagé les économies permettant de les financer. Les événements de janvier nous ont conduits à renforcer les moyens pour la sécurité des Français. Ce sont des dépenses nouvelles qui ont un impact tant sur l'année 2015 que sur l'année 2016. Pour 2015, nous les avons financées par les annulations de crédits du décret d'avance du 9 avril dernier et par des mises en réserve complémentaires de crédits. Pour 2016, ces dépenses, en particulier la hausse de 600 millions d'euros du budget de la défense, suite à la révision de la loi de programmation militaire (LPM), ont été intégrées à la construction du budget et elles sont prises en compte dans la baisse de 1,3 milliard d'euros des dépenses de l'État par rapport à la loi de programmation. Plus récemment, nous avons réagi face à deux crises d'importance : la crise agricole et l'accueil des migrants. Je reviendrai au cours des débats sur la façon dont nous financerons ces deux items. Ces exemples démontrent que la discipline budgétaire n'est pas une entrave à l'action.

Les dépenses des ministères et les ressources affectées aux opérateurs baisseront en valeur par rapport à 2015, d'un milliard d'euros à périmètre constant. Il faut souligner cet effort considérable, parce que la répartition de l'effort est, à juste titre, un sujet de débat. Cet effort est plus marqué que celui des autres collectivités publiques : les dépenses de personnel de l'État resteront maîtrisées, même si notre effort de sécurité conduit à revoir à la hausse la trajectoire des effectifs de la défense et du ministère de l'intérieur. La révision de la LPM conduit, en particulier, à une augmentation nette des effectifs de l'État en 2016 ; mais hors révision de la LPM, l'effort est réel, avec une baisse de 1 495 équivalents temps plein (ETP).

Nous poursuivrons l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement des ministères mais aussi des opérateurs, avec une nouvelle baisse des ressources affectées et une extension de 50 % du champ de leur plafonnement, ce qui correspond à une quasi-généralisation de cet excellent principe de gouvernance, auquel le Sénat était particulièrement attaché.

Le projet de loi de finances comporte aussi des réformes structurelles qui soit permettent des économies directes, soit assurent la soutenabilité de l'intervention publique. Sur la politique du logement, nous prévoyons des évolutions des modalités d'attribution et de calcul des aides personnelles au logement, inspirées du rapport de l'Assemblée nationale fait par votre collègue François Pupponi et qui iront dans le sens d'une plus grande équité entre bénéficiaires. Nous réformons également le financement et le volume des aides à la pierre, avec la création d'un fonds autonome, dont la gouvernance et le financement seront partagés entre l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.

Nous engageons aussi une réforme des modalités d'indexation des prestations sociales, qui font l'objet de deux dispositions en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces dispositions permettront d'harmoniser les dates et les méthodes de revalorisation des prestations, toutes revalorisées à partir de l'an prochain au 1 er avril sur la base de l'inflation des douze derniers mois constatée, à l'exception des retraites qui resteront revalorisées le 1 er octobre. Nous réformons également le financement de l'aide juridictionnelle et nous affectons une nouvelle ressource fiscale pour garantir le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.

La baisse des dotations aux collectivités territoriales sera poursuivie et accompagnée, comme le Premier ministre s'y était engagé, par la création d'un fonds d'aide à l'investissement local, doté d'une capacité d'engagement d'un milliard d'euros. C'est l'objet d'un article du projet de loi de finances. Ainsi, le Gouvernement souhaite assurer que les économies réalisées par les collectivités locales, indispensables dans le cadre de l'effort de l'ensemble des administrations publiques, ne remettent pas en cause l'investissement local.

Ces évolutions seront accompagnées d'une réforme en profondeur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) du bloc communal, inspirée par le rapport de votre collègue Jean Germain, dans une première étape, et de la députée Christine Pirès-Beaune, et qui sera un moment important du débat parlementaire : une réforme pour une DGF plus juste et plus transparente, qui résorbera progressivement les écarts excessifs et souvent injustifiés entre collectivités, y compris à l'intérieur d'une même strate. Parallèlement, nous développerons la péréquation horizontale dans des proportions que nous évoquerons ensemble.

Compte tenu de la baisse des dotations de l'État, l'objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) sera fixé à 1,2 % en 2016 et à 1,6 % pour les dépenses de fonctionnement. Nous anticipons ainsi un ralentissement de la hausse de ces dépenses, en lien avec l'adaptation progressive des collectivités à l'évolution de leurs dotations.

Au total, non seulement les économies proposées financent les dépenses nouvelles mais elles réalisent aussi un effort complémentaire de 1,3 milliard d'euros par rapport à la loi de programmation de décembre 2014, qui constitue notre référence. Elles financent aussi les baisses d'impôts en faveur des ménages.

Nous réformons la décote, ce qui adoucit la pente d'entrée dans l'impôt sur le revenu. Cette réduction ne sera pas la seule baisse d'impôts en 2016 : le projet de loi de financement de la sécurité sociale met en oeuvre la deuxième étape du volet « entreprises » ; de même, la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés disparaît.

Même si certaines mesures ont une incidence sur le budget de la sécurité sociale en recettes, l'État les compense intégralement. Ce sont 11 milliards d'euros de baisses d'impôts qui sont pris en charge par le budget de l'État, sous forme de reversement de part de TVA mais aussi sous forme de reprise de dépenses : l'État reprendra ce qui restait de dépenses d'allocation logement dans le budget de la sécurité sociale. Il ne faut donc pas vous étonner de voir une hausse des dépenses de l'État, puisque nous compensons les exonérations de cotisation du budget de la sécurité sociale. Je sais que beaucoup d'entre vous sont attachés à la bonne compensation des dépenses entre l'État et la sécurité sociale.

Ce projet de loi de finances prend en compte la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais à 72 milliards d'euros, le déficit du budget sera à son niveau le plus bas depuis 2008 : voilà bien la preuve que les économies financent les baisses d'impôts mais réduisent aussi le déficit.

La retenue à la source constitue la plus grande modernisation de l'impôt sur le revenu depuis des décennies. Elle représentera un vrai gain pour les contribuables, en particulier pour ceux qui voient leur revenu baisser. Elle ne remettra en cause ni la progressivité, ni la conjugalisation, ni la familialisation de l'impôt sur le revenu. Comme nous l'avons annoncé, elle sera effective à compter du 1 er janvier 2018. Cela paraît éloigné, mais étant donnée l'ampleur du chantier, le calendrier est très serré. Nous nous engageons à donner un an à l'ensemble des acteurs pour s'adapter aux nouvelles démarches et obligations, qui doivent encore être précisées, car il ne faut prendre personne par surprise. C'est pourquoi nous présenterons au Parlement avant le 1 er octobre 2016 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, ce qui permettra d'avoir un large débat public tout au long de l'année 2016. Une première étape est amorcée dès aujourd'hui avec la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement.

Notre politique budgétaire est à la fois stable et réactive. Elle est stable parce que les engagements de baisse du déficit et de baisse des impôts sont tenus. Elle est réactive parce nous pouvons mobiliser rapidement nos ressources pour faire face à l'urgence. Et ces deux qualités, elle les doit aux économies que ce budget vous propose.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je vous remercie de cette présentation, dès après le conseil des ministres. Je commencerai par un motif de satisfaction...

M. Richard Yung . - Ho !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - ... ce qui est assez rare. Notre commission a parfois le tort - ou le mérite - d'avoir raison trop tôt. L'an passé, nous avions voté à la quasi-unanimité l'amortissement exceptionnel des PME. On nous avait dit à l'époque que cette mesure ne pouvait être financée ; nous l'avons toutefois retrouvée dans la loi dite « Macron ». Le groupe de travail sur la fiscalité du numérique, et avant lui Philippe Dallier et moi lors de précédents travaux, n'a eu de cesse de répéter qu'il fallait abaisser le seuil de la déclaration à la TVA sur les achats Internet de 100 000 euros à 35 000 euros, voici la mesure intégrée dans le projet de loi de finances... d'où notre satisfaction.

Comme les ministres, nous estimons que ce projet de loi de finances offre peu de surprises. L'an passé, le projet de loi de finances comportait peu de mesures fiscales, ce qui ne fut pas le cas du projet de loi de finances rectificative avec diverses majorations et créations de taxes (taxe d'habitation, taxe sur les terrains constructibles, taxe sur le risque systémique non déductible, non déductibilité des provisions des entreprises d'assurance, taxe sur les surface commerciales, taxe sur les parkings, taxe spéciale d'équipement en Île-de-France, etc.) pour un total de prélèvements supplémentaires de 1,2 milliard d'euros. Vous engagez-vous à ne pas créer de taxes nouvelles lors de la présentation de cette « voiture-balai » que constitue le projet de loi de finances rectificative ?

Certes, l'impôt sur le revenu diminuera l'an prochain. Cependant en 2011, son produit se montait à 51 milliards d'euros. En 2012, il atteignait 59 milliards d'euros. Il s'élève aujourd'hui à 72 milliards d'euros. La hausse a été tellement élevée que l'on pouvait s'attendre à la modération actuelle. Vous allez renforcer la concentration de l'impôt sur le revenu, puisque le nombre de foyers payant l'impôt sur le revenu va baisser. Il faut s'interroger sur le caractère même de l'impôt sur le revenu, dont le produit est de plus en plus concentré. Une étude d'impact a-t-elle été menée quant à l'effet de la baisse annoncée  sur la concentration de l'impôt ?

Vous avez annoncé un total de 5,1 milliards d'euros d'économies dans le périmètre de l'État, mais nous avons du mal à distinguer ce qui relève d'économies de pure constatation, comme la charge de la dette et les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, des économies dues à des réformes structurelles. Pouvez-vous nous éclairer ? J'entends parler de réformes structurelles qui se monteraient à 2,7 milliards d'euros. Je reste un peu sur ma faim à la lecture des documents budgétaires : pourriez-vous préciser le détail de la répartition de ces économies ?

D'après le projet de loi de finances, plus de 8 000 postes seront créés l'année prochaine. Certaines de ces créations ne sont guère contestées sur les rangs de cette assemblée, notamment celles réalisées au profit du ministère de la défense. Cette hausse constitue d'ailleurs une nouveauté : jusqu'à présent, les effectifs de la défense étaient une sorte de variable d'ajustement pour financer des créations de postes, notamment au profit de l'éducation nationale. Sommes-nous toujours dans l'objectif de stabiliser les effectifs de l'État et des opérateurs sur la période 2012-2017 ? Si c'est le cas, combien faudra-t-il supprimer d'emplois en 2017 ?

Un certain nombre de contentieux fiscaux sont en cours, ainsi de ceux concernant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou la contribution sociale généralisée (CSG) des non-résidents. Disposez-vous d'une estimation des coûts des principaux contentieux fiscaux de masse ? À combien s'élèvent les provisions constituées dans ce cadre ?

Mes collègues parleront certainement de la réforme majeure de la DGF. Au Comité des finances locales (CFL), Marylise Lebranchu nous a indiqué le nombre exact de collectivités perdantes et gagnantes, à l'unité près. Pourquoi ne disposons-nous pas de ces simulations ? Enfin, envisagez-vous d'accompagner les baisses des dotations par une simplification des normes qui pèsent sur les collectivités territoriales ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Une question fiscale sera traitée lors du projet de loi de finances rectificative, celle de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) qui se monte à 5 milliards d'euros mais qui n'est pas conforme au droit européen. Nous devrons prendre des décisions, mais si nous touchons à la CSPE, il nous faudra également regarder la contribution climat-énergie (CCE), dont l'évolution devra être fixée pour 2016. Enfin, certains poseront certainement des questions sur la fiscalité pesant sur les carburants. Nous travaillons sur la CSPE afin de ne pas perdre de recettes ; peut-être faudra-t-il envisager sa répartition sur d'autres sources d'énergie que l'électricité. Nous vous ferons des propositions lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative. En revanche, il n'y aura pas d'alourdissement de la fiscalité.

La rapporteure générale du budget de l'Assemblée nationale, Valérie Rabault, nous demande tous les jours de lui fournir de multiples données et nous les lui transmettons lorsque nous en disposons. Nous ferons de même pour vous.

Vous m'interrogez sur les 5,1 milliards d'euros d'économies : nous ferons 800 millions d'euros d'économies sur la masse salariale, du fait du gel du point d'indice mais aussi de la réduction drastique des mesures catégorielles ; 2,7 milliards d'euros d'économies sur les aides au logement, l'aide juridictionnelle, l'unification des règles de revalorisation. Nous réaliserons également 600 millions d'euros d'économies sur le fonctionnement (gestion des achats et du patrimoine) et 1 milliard d'euros sur les opérateurs.

Le nombre de postes dans l'armée n'a jamais été la variable d'ajustement : la loi de programmation militaire (LPM) fixait une trajectoire à la baisse de 7 500 personnels par an. Nous sommes passés à une hausse : en 2017, 7 500 postes seront créés. Si l'on prend en compte la LPM, la création nette d'emplois s'élève à 8 202 ETP ; sans la LPM, le solde est négatif de - 1 795 ETP. Au ministère de l'économie, il y aura ainsi une diminution de 2 594 ETP.

Oui, les contentieux fiscaux ont été pris en compte à hauteur de 1,75 milliard d'euros pour les OPCVM, 400 millions d'euros pour l'affaire « De Ruyter » et 400 millions d'euros sur le précompte mobilier.

Il existe des simulations pour les collectivités locales qui ne sont pas secrètes : vous pouvez à tout moment venir consulter celles qui sont disponibles. Le 16 juillet, le Comité des finances locales a d'ailleurs reçu une présentation sur laquelle figuraient 43 simulations pour les villes et une trentaine pour les communautés de communes. Elles montrent que les dotations nettes de huit villes étaient positives, et il ne s'agissait pas toutes de communes rurales, puisqu'y figuraient Orléans et Denain. Pourquoi ne distribuons-nous pas de simulations plus nombreuses ? Parce que nous n'avons pas encore calculé les dotations des métropoles de Paris et d'Aix-Marseille-Provence, qui auront forcément une influence sur les autres. Nous ne voudrions pas donner des documents qui seront corrigés dans quelques semaines. Nous avons indiqué hier avec Marylise Lebranchu que chacun pourra venir consulter les documents disponibles, sans prendre de notes ou de photos.

Nous avons le temps d'y travailler. Le Gouvernement comprend que des critères puissent poser question. Certains ont évoqué la densité : est-ce un vrai critère de ruralité ? D'autres, l'effort fiscal et son mode de calcul. Si vous voulez participer à ce travail, nous sommes disposés à vous accueillir.

M. Francis Delattre . - C'est le « grand bleu » ! Bravo pour ce bel exercice de communication, mais ce qui est annoncé est-il vraiment exceptionnel ? Compte tenu de l'environnement favorable (argent bon marché, coût de l'énergie en baisse, faiblesse du taux de change de l'euro), et du fait que la BCE, présidée par Mario Draghi, rachète tous les mois 60 milliards d'euros d'actifs, il est encore heureux de prévoir 1 % de croissance !

Première contradiction : à mon arrivée au Sénat, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault estimait que la justice, c'était la progressivité, partant l'impôt sur le revenu ; l'injustice, pour lui, c'était la TVA. Aujourd'hui, vous présentez exactement le contraire : vous diminuez l'impôt sur le revenu et vous avez augmenté la TVA. À quoi ce changement de doctrine est-il dû ?

En outre, avec les niveaux de déficit actuels, la dette continue à augmenter significativement. Certes, l'argent n'est pas cher, mais pour vous, quel est la barre d'endettement que notre pays ne doit pas franchir ? Je vais être un peu désagréable...

Mme Michèle André , présidente . - Ne vous croyez pas obligé !

M. Francis Delattre . - J'ai entendu il y a quelques jours que nous avions 20 000 chômeurs supplémentaires : quel en sera le coût, en sus des cinq millions existants ? Quel sera l'impact sur l'économie du pays ?

Les produits fiscaux seraient satisfaisants ; l'impôt sur les sociétés atteint-il le niveau où vous l'aviez inscrit dans les budgets précédents ?

Vous nous avez « tendu la perche », en disant que le budget social devait être examiné avec autant de soin que celui de l'État. Vous avez une ingénierie très habile pour équilibrer certains dispositifs : vous parlez de quelques milliards d'euros, mais vous faites « sauter » le plafond de 10 milliards d'euros de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), en l'élevant à 23,6 milliards d'euros, soit un accroissement de 13,6 milliards d'euros dès 2016. N'étiez-vous donc pas au courant, monsieur le ministre ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je n'ai jamais dit ne pas être courant !

M. Francis Delattre . - N'avez-vous pas l'intention de faire sauter ce seuil de 10 milliards ? Le déficit de l'Acoss sera-t-il pris en charge par la Cades ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je regrette de vous interrompre mais vous m'avez prêté une attitude qui n'était pas la mienne.

M. Vincent Delahaye . - Vous attendez 72,3 milliards d'euros de recettes contre 68,9 milliards d'euros l'année dernière sur l'impôt sur le revenu. Le rapporteur général indiquait que depuis 2011 on était passé de 51 à 72 milliards d'euros, qui pèsent sur 46 % de Français. De nombreux Français verront leur impôt sur le revenu s'alourdir. Quelle va être leur charge supplémentaire si les recettes sont censées croître ?

J'aimerais disposer de davantage de détails sur les économies prévues en 2016 et celles réalisées en 2015. Vous compariez les engagements de cette année à la loi de programmation et au programme de stabilité du printemps dernier. Tenir ses engagements depuis cinq mois n'est pas exceptionnel ! Je suis surpris de voir que les crédits ministériels ont augmenté de 203 milliards à 212 milliards d'euros, tandis que les dépenses de l'État ont crû de 372 à 383 milliards d'euros, soit plus de 10 milliards d'euros. Tout augmente, sauf les transferts aux collectivités locales qui baissent de 3,5 milliards d'euros. Vous voyez d'où vient la baisse du déficit de 2 milliards d'euros ! Les allègements fiscaux sont payés par les collectivités locales : ce n'est pas juste. L'augmentation des impôts pèsera sur les élus locaux.

Dans quelle mesure le budget prend-il en compte l'impact des nouvelles mesures annoncées en faveur des fonctionnaires ? Quel est leur coût ? Il se rajoutera aux 3,5 milliards d'euros ponctionnés... J'aimerais enfin disposer d'éléments détaillés sur les contentieux en cours et les choix budgétaires faits pour les prendre en compte.

M. François Marc . - Nous sommes satisfaits des engagements tenus du Gouvernement sur le déficit de 2014, de l'amélioration de la situation budgétaire en 2015 et des perspectives très encourageantes pour 2016. Merci d'avoir tenu compte des observations du Sénat sur la réduction des charges sur les coûts de production des entreprises ; la diminution de la C3S et d'autres charges pour les entreprises va dans le bon sens. Nous la réclamions depuis quelque temps, vous avez raison d'accélérer, de même que pour les baisses d'impôt pour les ménages.

Deux éléments nouveaux et positifs apparaissent sur les réformes structurelles et sur la réforme de la DGF - demandée par notre commission depuis plusieurs années : trop d'injustices dans le financement des collectivités sont constatées.

Le déficit public comprend une composante structurelle et une composante conjoncturelle. Les courbes qui nous sont présentées révèlent une trajectoire de - 1,7 % pour 2015, de - 1,2 % pour 2016 et on tend vers un déficit structurel « zéro » pour 2017. Sur la partie conjoncturelle, il y a un peu moins de vingt ans, l'Assemblée nationale avait été dissoute parce que le Gouvernement ne se sentait pas en mesure d'équilibrer le budget et qu'il fallait repartir sur d'autres bases. Le gouvernement dirigé par Lionel Jospin avait alors connu un déficit conjoncturel très nettement amélioré. Disposez-vous d'éléments pouvant attester d'une résorption plus rapide que prévu du déficit conjoncturel ?

M. Philippe Dallier . - La réforme des aides personnalisées au logement (APL) a été annoncée comme devant produire des effets très importants en matière budgétaire. On prévoit 200 millions d'euros pour 2016. On va dans la bonne direction, même si on n'a pas voulu toucher aux APL étudiantes, trop sensibles, et qu'on aurait pu aller plus loin dans le plafonnement des APL : au-delà de deux fois le plafond de loyer, cela ne concernera plus grand monde. L'important est de savoir si les chiffres annoncés se rapprocheront de la réalité. En 2013, en 2014 et probablement en 2015, ce qui avait été inscrit en loi de finances était insincère puisqu'à la fin de l'année dernière, on comptait 170 millions d'euros de dette envers le Fonds national d'aide au logement (FNAL). Vos services nous ont annoncé avant l'été qu'on atteindrait 350 millions d'euros avant la fin de l'année. Sur la mission budgétaire, on passerait à périmètre constant de 17,9 milliards à 17,7 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros d'économie - c'est-à-dire ce que vous nous donnez, grosso modo , pour la réforme des APL. Comment résorber les 350 millions d'euros de dette envers le FNAL ? Il faudrait repartir du bon pied avec un rebasage : je doute que vos chiffres le permettent.

Je regrette que vous ayez le même discours sur les collectivités locales qu'en 2014, lorsque la diminution des dotations avait été annoncée. Vous prétendiez que cela n'aurait pas d'impact sur l'investissement des collectivités, que celui-ci serait soutenable, que les collectivités n'avaient qu'à limiter leurs dépenses à l'inflation, et cela irait. Toutes les études montrent que la chute de l'investissement, déjà importante l'année dernière, va s'accélérer : on parle d'une réduction de 30 % de l'investissement, ce qui est colossal. Le fonds d'un milliard d'euros annoncé est un élément positif ; je crains pourtant que même avec 30 % de subvention, les collectivités soient incapables de trouver les 70 % restants. Seules les plus aisées pourraient disposer de ce fonds. Ce n'est pas une très bonne solution.

Nous souhaitions presque tous réformer la DGF. Mais pourquoi ne pas réformer, en parallèle, les dotations de péréquation ? De l'avis de tous, le système était incompréhensible avec des effets contradictoires comme contribuer au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), être éligible à la dotation de solidarité urbaine (DSU), neutre au fonds de solidarité de la région Ile-de-France... Or vous ne touchez qu'à la DGF ! J'attends les simulations avec impatience. La réforme améliorera-t-elle les choses si on prend en compte l'ensemble des dispositifs ? J'en doute...

M. Michel Bouvard . - Pourriez-vous nous donner des informations sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Immobilier de l'État » au titre des recettes attendues en 2016 ? Quelle est la nature de la contribution sur les oeuvres universitaires et scolaires de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » ? Un prélèvement sur le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) est-il prévu, et si oui, de quel ordre ?

Attendons la proposition détaillée sur la DGF. Je m'inquiète particulièrement que vous n'évoquiez jamais la situation des communes touristiques. Si l'unique critère est la population, vous coupez leurs capacités d'investissement alors que le ministre des affaires étrangères vient de fixer un objectif de 100 millions de touristes en France, ce qui nécessite d'être compétitif.

Pouvez-vous nous expliquer la répartition de la CVAE entre les départements et les régions ? Plus de la moitié du produit de la CVAE est prise aux départements au prétexte des nouvelles compétences régionales. Mais cela n'est pas justifié dans de nombreux départements. On retirerait 30 millions d'euros au mien alors que seuls les transports scolaires et les aides aux entreprises seront transférés à la région, ce qui est loin du compte. Le reste sera prélevé sur les engagements que nous avons pris dans la durée ; comment pourrons-nous entretenir les routes ou signer les volets départementaux des contrats de plan État-région (CPER) ? La loi NOTRe prévoit une compensation des transferts à l'euro près : même si cela ne devrait intervenir qu'en 2017 et que nous aurons donc le temps d'en discuter, il me semblerait utile de disposer de davantage d'éléments et de savoir comment les choses vont se passer.

M. Philippe Adnot . - Je complète les propos de Michel Bouvard. Même s'il y a compensation à l'euro près, la CVAE est une recette plus dynamique que les dépenses des transports scolaires, ce qui nous aidait à financer les dépenses sociales. Vous nous donnerez au mieux des dotations fixes alors que la région s'enrichira, sans cause. Les départements seront incapables de régler la dépense sociale. Il faudra donc trouver des solutions.

Tout en élargissant le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), vous souhaitez interdire la récupération sur les investissements pour la montée en haut débit, alors que tout le monde veut s'équiper en numérique. Dans les villes, cela se fait gratuitement, sans participation financière du milieu urbain, tandis que les départements sont obligés de le réaliser pour la partie rurale sans pouvoir récupérer la TVA. Comment y remédier ? Cela risque d'arrêter les équipements de la montée en débit.

Pourquoi le fonds pour investissement pour les collectivités locales d'un milliard d'euros toucherait les communes et les intercommunalités et non pas les départements ? Leurs bâtiments seraient-ils frappés d'une quelconque fatwa ?

M. Michel Sapin, ministre . - Je suis satisfait que vos préoccupations des années précédentes - la remise en cause des bases de construction du projet de loi de finances - ne soient plus de mise. C'est un bon signe pour la démocratie que de discuter des mesures au lieu de la sincérité du budget. Notre budget est sincère, nos documents le montrent. La seule question sur ce sujet serait de savoir si la croissance pourrait être plus élevée qu'envisagé... J'aimerais avoir plus de questions comme celles de François Marc ! Mesdames et messieurs les sénateurs de droite, que feriez-vous si vous aviez plus que ce que vous aviez prévu ?

Pour moi, 1,5 % est une limite basse de la croissance. Il y a de réels aléas, dont certains sont positifs : le prix des matières premières devrait demeurer relativement bas, notamment les prix du pétrole. La politique monétaire de la BCE, que ce soit la valeur de l'euro ou les taux d'intérêts, aura probablement des conséquences bénéfiques pour les entreprises comme pour l'investissement des entreprises. Nous avions une inquiétude, la Grèce. C'est fou comme les sujets passent vite. Il y a trois mois, le monde entier craignait une explosion de la zone euro et ses conséquences. Nous avons pris les mesures qui s'imposaient, le gouvernement grec a aujourd'hui la stabilité nécessaire pour mettre en oeuvre les engagements qui sont les siens et la situation est redevenue calme.

Un aléa nouveau concerne les pays émergents, et notamment la Chine, le Brésil et la Russie, la première touchée par un ralentissement de son PIB, les suivants par des risques de récession qui pourraient avoir des effets mondiaux. Sans être d'un optimisme béat, l'on peut considérer qu'il s'agit davantage d'un rééquilibrage en profondeur de l'économie chinoise - ce qui répond à nos voeux - qui passerait d'un « Made in China » à un « Made for China », ce qui est à moyen terme une bonne chose pour l'équilibre de nos échanges commerciaux : les énormes excédents commerciaux chinois ne peuvent plus durer. Cet aléa apparaît plutôt positif, même si nous devons le regarder avec attention. Le taux de 1 % cette année est un plancher et nous ferons mieux, de même que pour les 1,5 % l'année prochaine. La réduction du déficit fera évoluer la dette dans le bon sens.

Francis Delattre s'interroge sur le niveau maximal d'endettement. Entre 2007 et 2012, la dette a explosé, elle a ensuite été confortée puis stabilisée : elle était de 95,6 % du PIB en 2014, elle sera de 96,3 % en 2015 ; 96,5 % en 2016 et en 2017. L'objectif n'est pas d'éviter le chiffre symbolique de 100 %, mais d'inverser les choses. Les marchés nous font confiance et nous prêtent de l'argent à faible taux. Dans la zone euro, en cas d'inquiétude, les investisseurs viennent vers l'Allemagne et la France, une confiance qui se mérite. C'est pourquoi nous prônons la maîtrise du déficit.

Reprenez la courbe de la dépense publique sur les dix dernières années. Dans la première période, les dépenses publiques s'accroissaient de 3,2 % par an ; le rythme n'atteint plus que 1 % par an actuellement. La différence entre les deux tient à un effort sans précédent de maîtrise de la dépense publique. Pour l'année prochaine, nous vous proposons un déficit de 3,3 % ; nous réduisons les impôts des entreprises et des ménages, sans créer d'impôt nouveau, et fixons des priorités - dont la sécurité extérieure et intérieure, ce qui fait consensus. Comment faisons-nous ? Uniquement par la maîtrise des dépenses. Nos propositions ont été respectées en 2014 et sont en passe de l'être en 2015. En 2016, ce sera la même chose. Les dépenses publiques nouvelles - et il y en aura au cours de la discussion budgétaire (des dépenses sur les HLM, les réfugiés, les universités, l'aide au développement ont déjà été annoncées) - seront toutes compensées par de nouvelles économies, seules variables d'ajustement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le prix de l'argent n'est pas complètement lié au hasard comme Francis Delattre semble le penser : même si les taux d'intérêts sont favorables, un banquier ne prête pas à un mauvais créancier, sinon à un taux proche de l'usure. C'est donc une question de confiance. Pour la fin de l'année 2015, nous avions prévu un taux d'intérêt de 1,4 %, et de 2,4 % pour 2016. Actuellement, le taux d'intérêt demeure inférieur à 1 %. Au coeur de la crise grecque, il dépassait à peine 1,2 %. On peut toujours jouer à se faire peur, mais nos prévisions sont jugées prudentes.

Il manquera au maximum 300 millions d'euros de recettes pour l'impôt sur les sociétés, car le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) coûte plus cher que prévu : il « marche » bien. Mais le cinquième acompte, qui anticipe sur les résultats de l'année suivante, est payé à la fin de l'année, et l'an dernier, une entreprise nous a versé un cinquième acompte de 700 millions d'euros que nous n'avions pas prévu ! Cela peut arriver dans les deux sens, mais nous sommes dans l'épure.

Je ne sais pas ce que vous voulez dire sur la Cades : depuis la loi de 2011, votée sous votre majorité, est prévu le transfert d'une somme plafonnée de l'Acoss sur la Cades, sans que les choses soient précisées. Nous transférons 23,6 milliards d'euros, solde de ce que nous pouvons transférer de l'Acoss à la Cades. En quoi serait-ce une opération de Gribouille par rapport à l'Europe ou à vous-même ?

M. Francis Delattre . - C'est une opération d'emprunt !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - L'Acoss emprunte, de même que la Cades, et dans des conditions proches. Nous anticipons cette consolidation et la durée d'amortissement de la Cades est raccourcie d'un an, en raison de meilleures conditions d'emprunt. Ce transfert ne crée aucune dette supplémentaire : la dette publique est de la dette publique, qu'elle soit à l'Acoss ou à la Cades.

Vincent Delahaye, vous nous interrogez sur le devenir de l'impôt sur le revenu (IR). La prime pour l'emploi (PPE) réduisait l'impôt ; la suppression de la PPE et la création de la prime d'activité augmentent l'IR de 2 milliards d'euros. La progression inattendue de 0,7 % de la masse salariale au premier trimestre a un effet sur l'impôt sur le revenu.

Vous avez raison, 9,7 milliards d'euros sont des mesures de périmètre : 4,7 milliards d'euros pour le Pacte de responsabilité transférant des crédits de l'État à la sécurité sociale, PPE devenue prime d'activité et abondant les Caisses d'allocations familiales...  En outre, 1,6 milliard d'euros de crédits de la défense ont été rebudgétés pour pallier la suppression du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » ; avec 2,1 milliards d'euros d'économies sur le budget de l'État au sens large, on atteint 9,7 milliards d'euros de mesures de périmètre qui donnent in fine 7,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Vous pouvez voir l'impact des mesures précédentes dans le tableau détaillé pour 2015, 2016 et 2017.

J'ai évoqué trois contentieux. Vous seriez cruellement surpris du coût des contentieux communautaires lorsque vous connaitrez leur point de départ - notamment pour les OPCVM et le précompte mobilier.

M. Vincent Delahaye . - Et sur les fonctionnaires ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Les mesures pour les fonctionnaires ont été intégrées dans ce budget en appliquant la réforme, malgré l'absence d'accord syndical. Je vous en donnerai le détail.

M. Michel Sapin, ministre . - C'est peu en 2016.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Philippe Dallier, la situation des APL et du FNAL dépendra beaucoup de la fin de gestion. Je ne peux répondre de façon complète à ce stade.

On entend beaucoup de chiffres - 30 %, 11 %, 14 %, etc. - sur la chute des investissements dans les collectivités locales. Elle est d'abord due au cycle électoral, avec le dernier renouvellement. Les investissements sont moindres en début de cycle, et la baisse est un peu plus marquée cette fois-ci. Nous disposerons d'un chiffrage précis en fin d'année. De plus, les collectivités ont parfois eu des incertitudes sur l'adoption assez lente de la loi NOTRe ou l'élaboration des cartes de coopération intercommunale - si les principes sont établis, les préfets commencent juste à réunir les commissions départementales, pour voir qui se marie avec qui. Cela peut laisser certains élus dans une phase interrogative peu propice à un investissement. Enfin, et c'est la seule et unique cause selon certains, la diminution des dotations de l'État. Selon l'Observatoire des finances locales, dont le président, je crois, est l'un de mes amis, André Laignel, les dotations aux collectivités locales représentent en moyenne 17 % de leurs recettes ; 62 % des autres recettes sont constituées de recettes fiscales, dynamiques, en raison de plusieurs facteurs : les bases sont révisées forfaitairement par le Parlement chaque année, les assiettes s'élargissent compte tenu du développement de certaines communes, et les élus peuvent augmenter leur taux d'imposition. Les recettes fiscales des collectivités locales ont crû de 2,5 % en 2012, 2,1 % en 2013 et 2,4 % en 2014. Si l'on fait la somme de la baisse des dotations et de la hausse des recettes fiscales, les recettes globales des collectivités locales ont en moyenne augmenté de 1,9 % en 2013, alors que les dotations étaient déjà gelées, et de 0,4 % en 2014, alors que les dotations étaient réduites de 1,5 milliard d'euros. Les chiffres partiels qui nous remontent sont de même nature : les recettes globales de fonctionnement sont plutôt stables, voire en augmentation. Nous y reviendrons lors de l'examen des comptes définitifs des collectivités territoriales. Nous avons pris des mesures : oui, les départements bénéficient des mêmes mesures du FCTVA pour l'entretien des bâtiments ; non, il n'y a pas eu de changement de règles récent sur la TVA sur le haut débit. Si la valeur du patrimoine augmente, la prise en compte au titre du FCTVA n'est plus un sujet ; s'il y a des opérations avec des opérateurs privés ou des délégations de service public, il peut y en avoir un.

Les dépenses sociales des départements augmentent de façon souvent difficile à supporter. Le Premier ministre réunit tous les quinze jours un groupe de travail sur le sujet, et il s'exprimera sur une éventuelle recentralisation de l'allocation individuelle de solidarité ou d'autres points.

Nous avons prévu de supprimer la dotation nationale de péréquation pour l'intégrer dans la DGF, et avons revu la question de la DSU et de la DSR en évitant l'effet de seuil entre la DSU et la DSU cible. Nous avons réglé le cas des communes pauvres dans les intercommunalités riches, et donc cette question du prélèvement du FPIC - il est prévu une même marche que l'année dernière. La loi que vous avez instiguée, Michel Bouvard....

M. Michel Bouvard . - La DGF ne diminuait pas.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - ... était un bon passage. Si nous ne touchons pas à la loi, le FPIC devrait passer à 1,15 milliard d'euros, soit 2 % des recettes fiscales des collectivités territoriales. Nous prévoyons de le laisser à 1 milliard d'euros. Les avis sont partagés, certains voudraient augmenter le FPIC, d'autres non - on voit de qui il s'agit... Nous choisissons l'option médiane.

M. Michel Bouvard . - Où en est le rapport de soutenabilité du FPIC ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Il sera produit prochainement, il est dans les radars, n'ayez pas peur. La DGF par habitant réserve quelques surprises ; voyez l'infographie du Monde , regardez Megève, Paris, Guéret, c'est très instructif ! Cela donne un peu plus d'humilité.

L'annonce sur la CVAE, qui sera respectée dans son principe, nécessite des ajustements sur ce qui disparaîtra et ce qui sera transféré avec les compétences évoquées. Vous aurez toute précision dans un dispositif permettant une compensation à l'euro près. Les taux ne se déclineront pas collectivité par collectivité mais nationalement. Votre question est légitime, le dispositif rassurera tout le monde, et vous pourrez si besoin l'amender.

- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -

M. Serge Dassault . - Comment financerez-vous les suppressions d'impôts prévues pour les revenus faibles - soit quelques milliards d'euros de perte de recettes - et les emplois d'avenir qui coûteront au moins 10 milliards d'euros ?

Selon vous, il est légitime que l'impôt augmente pour ceux qui gagnent plus. Peut-être, mais ce n'est pas efficace ni favorable à la croissance, car les plus riches, qui créent des emplois ou investissent, partent en Grande-Bretagne ou à Bruxelles. Justice et économie ne vont pas forcément de pair. Vous oubliez que pour accroître les recettes fiscales, augmenter les impôts des plus riches ne sert à rien : il faut augmenter les impôts de tous à un faible niveau, c'est-à-dire avoir une flat tax. Le meilleur exemple est la CSG qui rapporte 82 milliards d'euros à un taux unique de 7,5 %, alors que l'impôt sur le revenu, payé par 20 % des plus fortunés, produit 69 milliards d'euros en 2015. Une flat tax n'est peut-être pas légitime mais efficace, car au lieu de 69 milliards d'euros vous pourriez avoir au moins 100 milliards d'euros, ce qui serait significatif pour l'équilibre budgétaire.

Vous annoncez une augmentation de dépenses pour les migrants, vous augmentez l'aide médicale d'État (AME) et le RSA. Qui paiera tout cela, les départements ? En faillite à cause de la réduction des subventions de l'État, ils finiront en cessation de paiement.

Vous ferez, selon vous, des économies réelles de 5 milliards d'euros... en vous payant sur le dos des contribuables locaux. Où sont les 17 milliards d'euros que l'on doit aux Grecs ? Quand  les paierons-nous ? Comment financerez-vous cette prime d'activité nouvelle ? La PPE ne sert à rien, chacun le sait. Vous l'intégrez pourtant tout en augmentant le RSA. Ce n'est pas normal. Enfin, pourrions-nous avoir une copie de tous les tableaux présentés ?

Mme Fabienne Keller . - Si j'ai bien compris le tableau du document de synthèse, l'impôt sur le revenu est toujours en augmentation de 2,7 milliards d'euros. Comme vous le baissez de 2 milliards d'euros pour huit millions de personnes, il augmentera en moyenne de 7 à 8 % pour les autres. Ce que vous avez dit sur la prime pour l'emploi n'explique qu'une petite partie du chemin, et l'augmentation de revenu de 0,7 % ne représente qu'un dixième de l'augmentation de l'impôt sur le revenu. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cela ?

Je regrette l'absence totale d'atténuation de la baisse des dotations des collectivités : 3,6 milliards d'euros comme prévu depuis deux ans. Malgré la baisse des investissements constatés, vous y trouvez d'autres explications. Nous le voyons sur le terrain, au-delà des effets cycliques, il n'y a plus de projets d'investissement pour maintenant ni pour plus tard. Attention à l'effet boomerang ! Cette diminution de l'investissement se traduira, pour l'État, par un moindre produit de l'impôt sur les sociétés, moins de cotisations sociales et de TVA. Cette baisse, d'environ 50 % de celle des aides à l'investissement, affectera durablement plusieurs comptes de l'État.

Vous ne respectez pas tout à fait vos engagements de réduction des cotisations sociales pour les entreprises : les chefs d'entreprise se sont émus du report au 1 er avril de certaines exonérations. Ces bricolages de dates, très commodes pour le budget - de l'ordre de 900 millions d'euros sont ainsi « économisés » - sont déstabilisants pour les entreprises. Ainsi une étude montre que les installations de l'autre côté de notre frontière avec le Luxembourg sont motivées pour moitié par le niveau de l'impôt en France, pour moitié par son instabilité. En procédant ainsi, vous faites exploser le tableau de prévision des entreprises et vous favorisez les effets d'aubaine, au lieu de dispositifs structurants et encourageant l'investissement.

M. Jean-Claude Boulard . - J'ai un sentiment mitigé sur la notion de compensation de l'augmentation du seuil du versement transport : je préfèrerais le mot remboursement. Toucher au versement transport à la veille de la COP 21 est paradoxal ; en 2008, lors du Grenelle de l'environnement, j'avais fait reculer la majorité de l'époque sur ce sujet.

Seul l'avenir tranchera sur les diminutions d'investissement. Il y a un an, on nous disait que c'était la conjoncture électorale. Cela va au-delà du cycle électoral : de 6 %, on est passé à 14 %, soit un doublement. Quelques-uns d'entre nous cumulent encore un mandat exécutif - il n'y aura bientôt plus de témoins ! Nous prévoyons tous une diminution des investissements en 2016 parce que la marge d'autofinancement s'est dégradée et que nous sommes condamnés à équilibrer notre budget.

On nous a dit que la réduction des dotations finance le Pacte de responsabilité - je cite la déclaration des ministres du 14 avril 2014. Le transfert des collectivités locales vers un allègement de charges sociales a-t-il réellement un impact sur l'emploi ? Le CICE et le Pacte de responsabilité n'ont pas eu de grands effets. Jusqu'à aujourd'hui, un euro resté dans les collectivités locales sert mieux l'emploi qu'un euro prélevé pour financer l'allègement de cotisations sociales.

Hier, au Comité des finances locales, nous avons demandé de tenir compte, dans la réforme de la DGF, du ratio de fiscalité locale - la somme des impôts locaux sur le revenu moyen. Dans certains territoires, ce ratio atteint 6 %, dans d'autres 3 %. Il faudra tenir compte de cette diversité dans la réforme, notamment pour les territoires n'ayant pas consenti un minimum d'effort fiscal. Ce sujet fait l'unanimité. Les tableaux département par département sont très éclairants pour le débat sur l'évolution des dotations.

M. Marc Laménie . - Pourriez-vous évoquer la lutte des services contre la fraude ? La dématérialisation n'est pas toujours chose aisée, et je regrette la restructuration de petites trésoreries. Restructurer et mutualiser, certes. Il n'en reste pas moins que des communes de moins de 200 habitants ont peu de personnel. Tout est lié aux dessertes de haut débit. Certaines communes ont du mal à se connecter. Or le directeur des finances publiques des Ardennes a annoncé récemment qu'il n'y aurait plus de papier, même pour les factures. La dématérialisation totale est-elle vraiment une source de modernisation viable pour les toutes petites communes ?

M. Éric Doligé . - Merci, messieurs les ministres, de votre optimisme communicatif. J'espère que vous resterez longtemps à ce poste pour gérer le budget de la France car nous avons constaté combien la situation qui s'était dégradée de 2007 à 2012, sans aucune raison bien sûr, s'est considérablement améliorée depuis 2012-2013... Bravo !

Vous parliez de 40 000 euros pour la dématérialisation, les médias disaient 50 000 euros, pourriez-vous confirmer le chiffre ?

La CVAE concerne principalement le transport scolaire. La loi a transféré les transports scolaires aux régions. Or les départements n'avaient qu'obligation d'organiser des transports scolaires et non de financer le transport des élèves. Ainsi, les régions pouvaient financer la part des lycéens, comme le faisait la région Nord-Pas-de-Calais. Le financement du transport n'est qu'une obligation facultative. Rien n'oblige à transférer les dépenses des départements pour les transports scolaires. Nous assisterons à une bataille. La règle des 50 % est un peu surprenante.

Vous assurez que le cycle électoral explique la diminution des investissements, tout en reconnaissant qu'elle est, cette fois-ci, plus importante que les fois précédentes. Si le cycle électoral a fait changer la majorité dans la région Nord-Pas-de-Calais, celle-ci n'investira plus 700 millions d'euros par an mais plutôt 100 millions d'euros, parce qu'il ne payait que onze mois de RSA sur douze, la Caisse d'allocations familiales (CAF) consentant des avances pour qu'il boucle son budget. Vous aurez, je pense, des surprises assez sévères sur l'investissement. Pensez-vous qu'il existe une corrélation entre les augmentations d'impôt qui se préparent dans les collectivités et les baisses de dotation ? Les réductions d'impôt vont-elles compenser les baisses d'investissement ?

Mme Marie-France Beaufils . - Je partage largement les propos de Jean-Claude Boulard. Lorsque vous avez décidé de réduire les dotations aux collectivités et annoncé un plan d'ensemble de 50 milliards d'euros, on a parlé des obligations européennes et, bien que vous prétendiez qu'elles ne fondent pas la construction du budget et que celui-ci répond à un équilibre français, elles sont à la base de vos orientations.

J'aimerais qu'on soit plus rigoureux sur l'analyse du CICE. Hormis des engagements oraux, rien ne nous prouve, sur le terrain, que cette mesure crée des emplois. Le nombre de chômeurs augmente, et le CICE n'a apporté aucune amélioration. Il a peut-être servi pour certaines trésoreries, et j'ai quelques exemples... Ce choix contreproductif ne favorise pas le redressement des finances publiques. En revanche, les réductions des dotations ont un impact très lourd sur l'activité économique et sur l'emploi.

Nous avons besoin de réformer la DGF, de manière à apporter à chacun un minimum vital. J'ai défendu ce point avec Jean Germain lorsque nous avons été élus au Sénat. La loi de finances initiale ne donne pas les moyens de revisiter les outils de péréquation et le FPIC. Il faudrait fondre la DGF et le FPIC, afin d'apporter une réponse de solidarité pertinente sur tout le territoire. Je regrette votre choix d'accélérer la réforme.

Sur le fonds d'aide à la pierre, vous envisagez une ponction de 150 millions d'euros sur les bailleurs sociaux, une association des collectivités et des bailleurs sociaux, et un abondement par l'État, que je n'ai pas retrouvé. Les ressources des bailleurs sociaux viennent pour l'essentiel des loyers. Ils ont du mal à apporter leur soutien par l'intervention de personnel de proximité dans les zones urbaines sensibles (ZUS), alors que nous sommes impactés par l'allègement du foncier bâti. Plus on ponctionne, moins on a de répondant pour travailler sur les ZUS.

M. Yannick Botrel . - Personnellement, je ne trouve pas anormal que les collectivités locales apportent leur contribution au redressement des finances publiques, mais je constate aussi l'effet contrasté des baisses de dotation. Les conséquences sont limitées pour certaines collectivités par l'augmentation de la DSR, par les effets de la péréquation et une augmentation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Dans les Côtes-d'Armor, Lannion, qui a une gestion budgétaire exemplaire, subit une réduction de sa DGF de 35 %, passant de 3,35 millions d'euros en 2013 à 2,3 millions d'euros en 2015. Si l'on poursuit ainsi, la DGF ne s'élèverait plus qu'à 1,8 million d'euros l'année prochaine, soit une réduction de 50 % sur les dernières années. De même, la capacité d'autofinancement de Plérin se réduit très substantiellement. Ne faudrait-il pas mener un examen approfondi de ces situations ? Des raisons techniques expliquant ces évolutions nous échappent peut-être, de même que les différences très importantes du montant de la DGF d'une commune à l'autre nous sont parfois obscures.

Comment articulez-vous le fonds d'aide à l'investissement local d'euros avec une DETR qui a été substantiellement augmentée (20 % dans les Côtes- d'Armor) ?

M. André Gattolin . - J'ai cru entendre ce matin que la culture était une nouvelle priorité budgétaire. Je m'en réjouis en tant que co-rapporteur de cette mission ; en tant qu'écologiste, j'aurais néanmoins pensé qu'à la veille de la COP 21, priorité serait donnée à l'écologie. Or son budget baisse pour la quatrième année consécutive et l'on passe d'une réduction de 500 emplois à une réduction de 617 emplois en 2016. Si l'on continuait de la sorte, il n'y aurait plus aucun employé au ministère de l'écologie dans cinquante ans.

Le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) diminue alors qu'elle a publié cette année plusieurs rapports intéressants. Ce matin, le secrétaire d'État assurait dans une dépêche que la fiscalité écologique serait examinée dans le projet de loi de finances rectificative. Il vient pourtant de nous expliquer qu'il rencontrait de gros problèmes avec la CSPE et qu'elle allait subir un coup de frein et non pas recevoir un coup de pouce. Certes, le commissaire à la concurrence, Joaquin Almunia, a considéré en avril 2014 qu'il fallait mettre fin au régime dérogatoire des énergies renouvelables en supprimant les aides d'État. Pour lui, 14 % d'énergies renouvelables en Europe c'était déjà beaucoup... Il faudrait faire savoir à Margrethe Vestager, son successeur, que l'Europe s'est engagée à atteindre un ratio de 27 % d'énergies renouvelables en 2030. Si l'on interdit les aides d'État aux énergies renouvelables, il sera impossible d'atteindre les objectifs politiques que nous nous sommes donnés à l'unanimité. La France a demandé une période d'adaptation jusqu'en 2018 : pourquoi ne pas attendre jusque-là ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Serge Dassault a dit une nouvelle fois que toute augmentation d'impôt était une catastrophe. L'argent pour les Grecs provient du Mécanisme européen de stabilité (MES) auquel la France cotise. Le catastrophisme n'est vraiment pas de mise.

Fabienne Keller s'étonne que l'impôt sur le revenu passe de 69,6 milliards en 2015 à 72,3 milliards d'euros en 2016 soit, d'après elle, une augmentation de 10 % pour les contribuables qui paient l'impôt. J'ai dit tout à l'heure que la suppression de la PPE, qui était une réduction de l'impôt, représentait à 2 milliards d'euros. L'augmentation nette de l'impôt sur le revenu est donc de 700 millions d'euros, sur un total de 70 milliards d'euros, soit 1 %, comme l'inflation prévue.

Nous ne manquerons pas d'occasions de reparler de l'investissement, et des multiples causes de son évolution.

Nous nous étions engagés à réduire les impôts des entreprises à hauteur de 9 milliards d'euros en 2016. Courant 2015, nous avons pris en leur faveur plusieurs mesures qui n'étaient pas prévues, dont le suramortissement des investissements industriels, que votre rapporteur général appelait de ses voeux, et qui a un coût annuel de 500 millions d'euros. De même, nous avons instauré la prime à la première embauche de 4 000 euros. Nous avons également pris des mesures en faveur de l'apprentissage et nous avons aménagé le seuil du versement transport. Le total est évalué à un milliard d'euros et j'ai le sentiment qu'il pourrait être supérieur à ce chiffre. Nous avons estimé que ce milliard d'euros devait être intégré dans les 9 milliards d'euros de réductions d'impôts sur les entreprises. Nous aurions pu le faire à travers une mesure pérenne, par exemple en ne supprimant que la moitié de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, mais nous avons préféré prendre une mesure ponctuelle, « one shot », et décaler d'un trimestre l'entrée en vigueur de ce dispositif. L'effet sera sensible en 2016, mais il disparaîtra en 2017. Nous assumons donc ce décalage d'un trimestre.

Nous avons décidé d'aligner les seuils pour le versement transport. Le dispositif de compensation proposé est à calculé à l'euro près et il sera recalculé tous les ans avant et après les modifications de seuil. Il s'agira donc d'une recette aussi dynamique que le versement transport.

M. Jean-Claude Boulard . - Un remboursement...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Tout à fait. Marc Laménie m'a interrogé sur les fraudes : une mesure traite des logiciels de caisse frauduleux à la TVA, qui effacent les opérations a posteriori . Nous donnons un délai de deux ans pour que les commerçants aient le temps de se mettre en conformité. Il faut éviter cette fuite importante de TVA dans un certain nombre de commerces.

Nous tenons à la dématérialisation : il est inimaginable que des fonctionnaires dans les trésoreries de province passent leur journée à saisir des données transmises sur des supports papier alors que ces saisies peuvent se faire par télétransmission. Les entreprises et les particuliers économiseront du temps : la télédéclaration fonctionne désormais très bien et n'est en elle-même à l'origine d'aucune réclamation. Le contribuable est guidé, la déclaration est pré-remplie et il dispose d'une simulation immédiate qui lui permet d'adapter immédiatement ses mensualités en cas de mensualisation. Il s'agit d'un réel service. Lorsque j'étais maire, nous accueillions tous les matins des contribuables pour les aider à remplir leur déclaration d'impôt... Nous ne reviendrons pas sur cette mesure.

Éric Doligé m'a interrogé sur la corrélation entre les augmentations d'impôts locaux et les baisses des dotations de l'État. Je suis très dubitatif sur cette question. J'ai eu l'occasion de voir, sur le site de l'Association des maires de France (AMF), un montage vidéo ahurissant expliquant qu'avec la baisse des dotations, on n'aurait plus d'eau dans les douches. Plus d'eau, plus d'écoles, plus de crèches, plus de transports dans les communes... Certains maires anxieux ont pu augmenter les impôts locaux face à ce discours exagéré, mais il faut raison garder.

Marie-France Beaufils m'a demandé si les économies étaient liées à l'Europe. Michel Sapin l'a dit tout à l'heure : notre politique est vertueuse et nos relations avec la Commission européenne sont apaisées, alors qu'il y a un an, les journaux nous annonçaient l'arrivée de la troïka dans notre pays.

Comme toute politique, le CICE mérite bilan. Le comité de suivi et d'évaluation des aides publiques aux entreprises, présidé par Jean Pisani-Ferry, estime qu'il convient d'attendre encore un peu avant d'être en mesure d'effectuer une évaluation complètement aboutie du dispositif.

La réforme de la DGF s'impose, afin que la baisse des dotations soit moins difficile à absorber pour les communes les plus fragiles. Nous avons commis des erreurs dans la répartition puisque le Comité des finances locales (CFL) a décidé d'une répartition automatique proportionnelle qui touche en particulier les communautés de communes. La règle de trois qui a été retenue a le mérite d'être simple mais elle n'est pas adaptée. Dans la mise en place progressive de la DGF, nous avons prévu un cliquet de variabilité à plus ou moins 5 %, ce qui protège certaines collectivités de variations trop brutales.

André Gattolin, vous avez failli me fâcher. Pourquoi avez-vous déduit de mes propos que nous baisserions le niveau de la CSPE ? Nous serions d'ailleurs bien ennuyés si nous le faisions, car elle correspond à des versements à EDF.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les tarifs sociaux !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Effectivement, ainsi que les îles interconnectées et les tarifs de rachat. EDF, qui supporte ces charges, perçoit les versements de l'État. Je n'ai pas dit que nous allions baisser la CSPE mais que nous étions en non-conformité avec le droit européen, non pas sur le niveau des aides directes ou indirectes, mais sur des questions réglementaires. Nous règlerons ce problème, mais nous devons revoir l'assiette de la CSPE. La ministre de l'environnement a évoqué une assiette élargie à l'ensemble des énergies fossiles, comme la contribution climat-énergie, dont l'évolution devra être fixée, même si un amendement à la loi de transition énergétique a donné un canevas jusqu'en 2020. Certains envisagent aussi une évolution de la fiscalité sur le diesel. Nous devrons mettre tous ces sujets sur la table, mais les assiettes, les évolutions et les impacts sont différents selon que l'on est une entreprise ou un particulier. Attendons le projet de loi de finances rectificative pour régler ces problèmes. En aucun cas il n'a été question de réduire les montants.

M. André Gattolin . - Vous aviez fait référence au contentieux avec l'Union européenne. Comme il y avait eu des propos critiques sur les investissements réalisés en matière d'énergie renouvelable, je m'inquiétais.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Pourquoi mesurer l'action du Gouvernement sur l'environnement uniquement à l'aune du budget du ministère ? N'oubliez pas le fonds de transition énergétique doté d'un milliard et demi d'euros, le crédit d'impôt de transition énergétique (CITE) qui aura coûté 900 millions d'euros au lieu des 800 millions d'euros attendus. L'an prochain, il devrait s'élever à 1,4 milliard d'euros.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Effet d'aubaine !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Peut-être... Nous pourrons en discuter. La CSPE passera de 7 milliards d'euros en 2015 à 8,2 milliards d'euros en 2016. Il faudra analyser de près cette explosion.

On m'a interrogé sur les 250 millions d'euros annoncés en faveur des aides à la pierre et du logement social : 100 millions d'euros figurent déjà au budget et ce montant sera porté à 250 millions d'euros conformément à ce qu'a annoncé le Président de la République à Montpellier, lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat. Marie-France Beaufils s'est étonnée de la ponction effectuée sur les organismes HLM. Connaît-elle le montant de leur trésorerie ? Le total se monte à plus de 6 milliards d'euros ! Alors que nous nous battons parfois pour trouver 50 millions d'euros, croyez-vous qu'il est logique de conserver autant d'argent dormant ? La Caisse de garantie du logement locatif social est un organisme financier qui garantit les prêts des organismes HLM : en douze ans, elle a versé... 40 000 euros pour un emprunteur défaillant. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) imposait ce type de gestion. Après avoir travaillé avec cet organisme, nous avons obtenu son accord pour utiliser cette trésorerie disponible : pourquoi laisser dans une caisse de garantie 500 millions d'euros qui ne servent pas à la construction ? Grâce à cet argent, nous pourrons doter le Fonds national d'aide à la pierre. Je ne veux pas que l'on affirme des choses que j'estime fausses.

M. Charles Guené , président . - Merci pour ces réponses complètes, monsieur le ministre.

II. EXAMEN DU RAPPORT (4 NOVEMBRE 2015)

Réunie le mercredi 4 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2016, sur le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous en voilà à cette étape traditionnelle de l'examen du projet de loi de finances qu'est l'analyse des principales orientations du budget de l'année à venir et des hypothèses macroéconomiques qui le fondent.

Le Gouvernement retient, pour 2016, une prévision de croissance de 1,5 %, après 1 % en 2015. Dans son scénario, l'activité française continuerait de profiter des facteurs favorables apparus durant l'année en cours : une certaine reprise économique dans les pays de la zone euro, la faiblesse des taux d'intérêt et du taux de change de l'euro, favorisée par la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Cette prévision est en ligne avec celles de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Consensus Forecasts . Le Haut Conseil des finances publiques, dont les formulations sont toujours prudentes, considère, quant à lui, que l'objectif est « atteignable ».

Pour autant des incertitudes demeurent : le dynamisme du commerce international pourrait être plus faible qu'anticipé ; l'activité économique aux États-Unis montre, ainsi qu'on l'a vu hier encore dans la presse, des signes de faiblesse ; les économies émergentes affichent un net ralentissement, en particulier en ce qui concerne la Chine ; à cela s'ajoutent les déséquilibres apparus dans les pays émergents et la volatilité élevée des marchés financiers, qui montrent des signes de nervosité depuis les événements intervenus en Chine cet été. On voit que les sujets d'inquiétude ne manquent pas.

Pour ce qui est de l'inflation, le Gouvernement anticipe une progression des prix de 1 % en 2016. Toutefois, le Haut Conseil des finances publiques a estimé que l'accélération de l'inflation pourrait être moins rapide que prévu. Le regard sur l'inflation a changé et les gouvernements, qui craignaient autrefois son envol, souhaitent aujourd'hui la voir redémarrer.

Des facteurs tant favorables que défavorables pourraient influer sur son évolution au cours des mois à venir. D'un côté, un rebond des prix à la consommation pourrait être encouragé par la reprise économique et par un recul du chômage. De même, l'accélération de l'activité en France pourrait conduire à une hausse de l'utilisation des capacités de production, dont la faiblesse actuelle limite les pressions inflationnistes.

Le manque de dynamisme de l'inflation pourrait conduire la BCE à assouplir encore sa politique monétaire dans les prochains mois, en allongeant et en augmentant l'ampleur de son programme étendu d'achats d'actifs. Une telle mesure d'assouplissement serait certes susceptible d'avoir une incidence directe sur le financement de l'économie, mais aurait aussi pour conséquence de réduire le taux de change de l'euro, augmentant ainsi l'inflation importée. Un effet similaire découlerait de la hausse des taux d'intérêt américains, dont tout indique, bien qu'elle soit repoussée de mois en mois, qu'elle finira par intervenir.

D'un autre côté, il semble peu probable que survienne, au cours de l'année 2016, un rebond significatif des prix de l'énergie. Dans un rapport publié en octobre, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) pointe une décélération de la demande mondiale de pétrole et l'abondance de l'offre pétrolière. De même, le ralentissement des pays émergents, notamment de la Chine, pourrait avoir des conséquences désinflationnistes. Nous ne sommes pas à l'abri, si l'on en croit certains économistes, d'un scénario « à la japonaise », avec une inflation en berne des années durant.

J'en viens maintenant à la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement. Tirant profit d'une amélioration du contexte économique, de même que d'un nouveau report du délai de correction du déficit excessif de 2015 à 2017 par les autorités européennes en mars 2015 - le deuxième depuis le début de la législature -, le Gouvernement a fait du retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017 son principal objectif budgétaire. Ainsi, il anticipe un déficit de 2,7 % en 2017, après 3,3 % en 2016.

Toutefois, entre 2014 et 2015, le solde effectif n'afficherait qu'une amélioration très modeste, de 0,1 point, pour s'établir à - 3,8 % du PIB cette année. On peut ainsi s'interroger sur la capacité du Gouvernement à gravir les deux marches nécessaires pour que le déficit revienne sous le seuil de 3 % du PIB, ce qui supposerait d'améliorer notre solde public de 0,5 point de PIB en 2016, puis de 0,6 point en 2017.

Alors que jusqu'à présent, le Gouvernement présentait le solde structurel comme le « pilier » de sa politique budgétaire - souvenez-vous de nos échanges de l'an dernier avec Michel Sapin - il semble que le thermomètre ait changé, et que cet indicateur soit passé au second plan.

Certes, du fait d'une exécution budgétaire 2014 plus favorable qu'anticipé, l'objectif de solde structurel figurant dans l'article liminaire du projet de loi de finances respecte les orientations arrêtées par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019. Pour autant, la trajectoire de solde structurel proposée par le Gouvernement ne se conforme pas aux exigences européennes en la matière : elle prévoit une amélioration du solde structurel de 0,4 point en 2015, puis de 0,5 point de PIB en 2016 et 2017, soit des ajustements inférieurs aux recommandations que le Conseil de l'Union européenne a assorties à sa décision de report du délai de déficit excessif.

Par ailleurs, le Gouvernement n'est en mesure d'afficher un ajustement structurel de 0,5 point de PIB par an entre 2016 et 2018, soit le niveau minimal requis pour les États soumis à la procédure de déficit excessif, que grâce à la modification des modalités de calcul du solde structurel, intervenue dans le cadre du programme de stabilité 2015-2018. Il semble que la stratégie budgétaire gouvernementale consiste en une interprétation étroite du Pacte de stabilité et de croissance, se bornant à une amélioration du déficit effectif.

Une telle stratégie n'est pas sans danger : il est évident que le respect de ces engagements est très largement tributaire du rythme de la croissance économique ; or, la reprise pourrait être moins rapide que prévu, en particulier dans un contexte de ralentissement des économies émergentes. Dans cette hypothèse, l'amélioration du déficit effectif serait moindre qu'espéré et notre pays ne serait pas en mesure de présenter les ajustements structurels demandés par les autorités européennes, s'exposant par conséquent à des sanctions.

La trajectoire de redressement des comptes publics proposée par le Gouvernement ne permettrait pas, si la croissance était inférieure de ½ point aux prévisions, de faire revenir le déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017, et le taux d'endettement continuerait de croître sur toute la période, pour atteindre plus de 98 % du PIB en 2017.

Ce risque d'aléa conjoncturel n'est pas le seul. On en entend moins parler aujourd'hui, mais ce que j'exposais naguère sur le risque grec vaut toujours. La France reste exposée, au titre du prêt bilatéral qu'elle a accordé à la Grèce et de sa participation au Fonds européen de stabilité financière (FESF), à voir son déficit public se dégrader dans l'éventualité de l'annulation d'une partie de la dette de la Grèce.

À titre d'exemple, une réduction de 10 % de la dette publique grecque aurait pour effet, l'année où elle interviendrait, d'accroître le déficit public de 4 milliards d'euros, soit près de 0,2 point de PIB. À cela viendraient s'ajouter les pertes de recettes liées au non remboursement du capital et des intérêts devant débuter en 2020.

Annoncé par le Gouvernement dès la fin de l'année 2013, le programme d'économies de 50 milliards d'euros au cours de la période 2015-2017, dont 16 milliards d'euros en 2016, demeure inchangé.

M. Maurice Vincent . - Il est gravé dans le marbre.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Certes, mais ce qui étonne, c'est qu'alors que des annonces de dépenses nouvelles ont été faites, rien n'a bougé de ce côté : comment seront-elles compensées ?

À titre indicatif, il convient de relever qu'une part importante de l'effort en dépenses serait supportée par les administrations de sécurité sociale, qui devront réaliser, en 2016, des économies d'un montant de 7,4 milliards d'euros sur un total de 16 milliards - un objectif déjà difficile à atteindre. Francis Delattre y reviendra dans quelques instants, lorsqu'il nous présentera son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Bref, l'intangibilité de ce chiffre de 50 milliards d'euros porte à s'interroger. Je l'ai dit, les annonces de dépenses nouvelles sont nombreuses : les financer sans accroître notre déficit supposerait de trouver des économies pour les compenser, donc de faire évoluer cet objectif de 50 milliards d'euros.

Le fait est que certaines de ces dépenses nouvelles ne sont pas, à ce jour, financées. S'il était nécessaire, nous en sommes tous d'accord, d'actualiser la loi de programmation militaire (LPM), comme cela a été fait en juillet dernier, j'observe que le besoin de financement, qui sera de 2,2 milliards d'euros en 2016 et de près de 7 milliards d'euros sur la période 2016-2019, n'a pas été compensé.

Et je pourrais citer d'autres exemples : l'enveloppe de 15 millions d'euros destinée à favoriser l'accueil des personnes handicapées dans les établissements médico-sociaux français ; la généralisation du service civique, qui devrait être à l'origine d'une hausse de 150 millions d'euros des crédits dédiés en 2017 ; la hausse des financements alloués à l'action de la France pour le climat, de 3 à 5 milliards d'euros d'ici à 2020 ; les mesures catégorielles en faveur des personnels de la gendarmerie et de la police nationale, et j'en passe.

Pour remplir nos engagements auprès de la Commission européenne et ne pas aggraver le déficit, il faudra bien trouver des économies supplémentaires en conséquence.

La comparaison des principaux indicateurs des finances publiques des États de la zone euro s'avère particulièrement défavorable à la France, qu'il s'agisse du niveau du déficit public, de la dette des administrations ou du taux de prélèvements obligatoires.

Parmi les éléments les plus préoccupants figure le fait que les dépenses publiques ont crû, en moyenne annuelle, de 2,1 % en valeur entre 2011 et 2014 en France, contre 0,9 % par an au cours de cette période dans la zone euro. Alors que d'autres pays, et en particulier ceux du Sud, ont fait des efforts d'ajustement importants, la France a laissé croître sa dépense publique.

Le caractère dégradé de la situation budgétaire de la France, relativement à ses partenaires européens, résulte en grande partie d'une maîtrise insuffisante de la dépense publique ; ceci est d'autant plus évident que le taux de prélèvements obligatoires affiche un niveau élevé et a continûment augmenté au cours des dernières années.

Cette situation s'explique sans doute par les difficultés à engager des réformes structurelles rencontrées par un Gouvernement qui privilégie la technique du « coup de rabot ».

De manière plus générale, l'essentiel des efforts d'économies consentis jusqu'à présent a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réformes. Ainsi, entre 2011 et 2014, seules les dépenses d'investissement ont affiché une baisse relative, leur part dans le PIB ayant reculé de 7,5 % ; en outre, les dépenses dont la progression a été la plus faible au cours de cette période sont celles dédiées aux achats courants de biens et services et à la masse salariale, laquelle a fortement ralenti en raison du « gel » du point d'indice de la fonction publique, et non, comme ont su le faire les pays d'Europe du Sud, en raison de réformes de structure, qui auraient permis de dégager des économies substantielles si bien que l'augmentation de nos dépenses atteint plus du double de celle de la moyenne de la zone euro.

Le Gouvernement ne paraît pas vouloir changer de logique pour les années à venir, puisque les prévisions d'évolution des dépenses publiques qui figurent dans le programme de stabilité 2015-2018 font apparaître que les réductions les plus fortes à l'horizon 2017 concerneraient les achats courants et les investissements - ce qui ne manque pas d'inquiéter. Je rappelle, en regard, que les effectifs de l'État sont repartis à la hausse. De toute évidence, aucune réflexion n'a été engagée quant à la structure des dépenses publiques, au risque de grever fortement les perspectives de redressement des comptes publics à moyen et long termes.

Le rapport que nous avons commandé à la Cour des comptes sur les évolutions de la masse salariale de l'État est plein d'enseignements. Il m'a inspiré des réflexions, que je veux ici vous livrer, sur la durée du travail dans la fonction publique.

La gestion de la masse salariale dans les administrations publiques constitue un enjeu d'importance ; en effet, les rémunérations ont représenté près de 278 milliards d'euros en 2014, soit 23 % de la dépense publique totale. La direction du budget estime le coût de la réduction du temps de travail dans la fonction publique à 2,5 milliards d'euros en année pleine en 2005 - 700 millions d'euros pour la fonction publique d'État et 1,8 milliard d'euros pour la fonction publique hospitalière, les données faisant encore défaut pour la fonction publique territoriale. On voit que l'enjeu est loin d'être négligeable. La Cour des comptes a montré dans son rapport que le temps de travail annuel moyen, à temps complet, était de 1 594 heures dans le secteur public, contre 1 684 heures dans le secteur privé. J'ajoute que, toujours selon la Cour des comptes, seul un quart des fonctionnaires de l'État sont soumis au régime de droit commun de 1 607 heures, ce qui signifie que les trois quarts, dont un nombre important d'enseignants, sont sous régime dérogatoire. Par ailleurs, une étude de l'OCDE publiée en 2013 a fait apparaître que la durée moyenne du travail dans les administrations centrales était inférieure en France à la moyenne des autres pays membres de l'Organisation.

Anticipant sur les questions que vous ne manquerez pas de me poser sur les réformes de structure que nous avons à proposer, je vous dirai qu'en voilà une : réformer le temps de travail dans la fonction publique. La Cour des comptes a estimé qu'une augmentation du temps de travail de 1 % permettrait de dégager une économie, pour l'ensemble de la fonction publique, de 700 millions d'euros. En extrapolant ces résultats, une augmentation d'une heure de la durée hebdomadaire de travail, ce qui correspond à la suppression de quelque six jours de congés, serait à l'origine d'une économie de près de 2 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques, en raison du non remplacement de 111 000 agents. À cela s'ajouterait une économie en heures supplémentaires, dont je rappelle que le coût s'élevait à 1,5 milliard d'euros en 2013 dans la seule fonction publique de l'État - sans parler du nombre de rachats de jours de congés épargnés. Il faudra bien, à un moment, lever le tabou.

Mais le Gouvernement ne semble pas prêt à engager des réformes structurelles. Il m'a donc paru nécessaire d'examiner la sensibilité de la trajectoire des finances publiques qu'il retient au rythme d'évolution de la dépense publique, en faisant varier ce dernier selon deux scenarii. Le premier retient une croissance des dépenses en volume de 1,3 % en 2016 et 2017, ce qui correspond au taux moyen d'évolution de la dépense en 2014-2015. Le second retient une croissance des dépenses en volume de 0,7 % sur la même période, soit une progression intermédiaire entre le taux d'évolution constaté en 2014-2015 et la prévision du Gouvernement.

À titre d'illustration, si la progression de la dépense publique en volume était de 0,7 % par an, soit celle du second scénario, le déficit structurel serait de 1,2 % du PIB en 2017. Quant au déficit effectif, il ne reviendrait pas en deçà du seuil de 3 % du PIB en 2017, puisqu'il s'établirait à 3,2 %. La dette publique, enfin, atteindrait 97,3 % du PIB, soit près d'un point de plus que la prévision retenue par le Gouvernement.

Ces résultats montrent bien que le Gouvernement n'a pas droit à l'erreur et devra donner plus de substance à son programme d'économies, en engageant les réformes structurelles nécessaires.

La bonne réalisation du programme de 50 milliards d'euros d'économies paraît d'autant plus importante que celui-ci doit également contribuer à financer les réductions de prélèvements obligatoires annoncées par le Gouvernement au cours des années à venir. Si, comme l'année dernière, des mesures relativement importantes sont prévues pour l'impôt sur le revenu, le taux de prélèvements obligatoires n'en reste pas moins quasiment stable, parmi les plus élevés en Europe et dans le monde : il passerait de 44,6 % du PIB à 44,5 % entre 2015 et 2016, après 44,9 % du PIB en 2014. La baisse n'est donc guère que de 0,1 point. Elle s'expliquerait principalement par les réductions d'impôts opérées au profit des entreprises. En effet, le prochain exercice serait marqué par la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité. Ainsi, entre 2014 et 2016, les prélèvements sur les entreprises seraient réduits de 33 milliards d'euros. Mais ces mesures ne font qu'infléchir très légèrement le taux de prélèvements obligatoires.

Malgré la réduction des impôts pesant sur les entreprises, la baisse des prélèvements obligatoires ne serait au total que de 2,4 milliards d'euros en 2016. Les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 porteraient, à eux deux, près de 6 milliards d'euros de baisses nettes des prélèvements au titre de l'année à venir, mais d'autres mesures adoptées dans le cadre de textes financiers antérieurs continuent à monter en charge, à l'instar de la non-déductibilité du résultat des entreprises de certaines taxes, figurant dans le collectif de la fin de l'exercice 2014, qui serait à l'origine d'une hausse des impositions de 0,3 milliard d'euros en 2016. De même, la réforme de la fiscalité écologique intervenue dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 conduirait à une hausse des prélèvements de 1,7 milliard d'euros l'année prochaine. Par ailleurs, nul ne sait encore l'incidence que pourraient avoir les mesures du projet de loi de finances rectificative - je pense notamment à celle qui pourrait concerner la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Je rappelle enfin, pour mémoire, que l'exercice 2016 devrait être marqué par des hausses d'impôts locaux, pour un montant proche de 0,8 milliard d'euros - révélant un transfert accru de la fiscalité de l'État vers les collectivités territoriales du fait de la diminution de leurs dotations.

Par conséquent, le taux de prélèvements obligatoires ne reculerait que très modérément en 2016, après avoir atteint un point haut en 2014, et serait encore supérieur en 2015 de 1,9 point de PIB à son niveau de 2011. Cette situation est, en grande partie, imputable aux impositions directes pesant sur les ménages, qui représenteraient encore 15,9 % du PIB en 2015, en dépit de la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, contre 14,5 % en 2011. On voit, et le ministre lui-même l'a reconnu, que les ménages ont eu à supporter l'essentiel des efforts de redressement des comptes publics et que la récente décélération de la pression fiscale ne leur profite pas véritablement.

Cette analyse est confortée par le fort accroissement de la part, dans les prélèvements obligatoires totaux, des impositions directes acquittées par les ménages, qui atteindrait 35,7 % en 2015 contre 34 % en 2011, alors que la part de la charge fiscale des entreprises reculerait de 41,9 % à 38,5 %. Ceci explique largement le « ras-le-bol fiscal » évoqué jusque dans les rangs de la gauche.

Loin de moi l'idée de regretter la réduction des prélèvements sur les entreprises, qui avaient atteint des sommets, mais ce que je regrette, c'est l'absence d'effort réel d'économies, et le fait que la France se singularise par le taux de progression de sa dépense publique, qui atteint plus du double de la moyenne de la zone euro. Non seulement nous ne faisons pas les efforts nécessaires que d'autres ont faits, mais le Gouvernement annonce des mesures nouvelles qui ne sont pas financées et supposeraient pourtant que l'on aille au-delà des 50 millions d'euros d'économies programmés. On mesure là les limites d'un ajustement budgétaire reposant essentiellement sur des hausses de la fiscalité. Les Français n'oublient pas que cette majorité avait annoncé un quinquennat en deux phases, et que si un effort fiscal leur était demandé dans un premier temps, viendrait bientôt une réduction des dépenses - que l'on attend toujours. Il eût été préférable que la stratégie budgétaire repose dès le début de la législature sur une baisse de la dépense publique plutôt que sur la hausse de la fiscalité.

Dans le cadre du présent projet de loi, le Gouvernement prévoit une stabilisation de la part de la dette publique dans la richesse nationale à compter de 2016. Cette part se rapproche dangereusement des 100 %  : au cours de l'exercice prochain, la dette représenterait 96,5 % du PIB, soit 0,2 point de plus qu'en 2015. Le Gouvernement table sur une stabilisation en 2017, et une décrue en 2018, mais je préfère, quant à moi, m'en tenir prudemment au cadre de l'annualité budgétaire. Le montant des émissions de dette devrait rester élevé. Ainsi, selon un récent communiqué de l'Agence France Trésor, les émissions de dette nettes des rachats réalisées pour le compte de l'État s'élèveraient à 187 milliards d'euros en 2016, soit un niveau identique à celui observé en 2015.

Avant d'aborder spécifiquement la situation budgétaire de l'État, je souhaiterais m'arrêter quelques instants sur la trajectoire des finances locales proposée par le Gouvernement.

Vous savez qu'en 2016, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales reculeraient de 3,5 milliards d'euros, comme au cours de l'exercice précédent. Si la trajectoire proposée par le Gouvernement prévoit, malgré tout, une augmentation des ressources totales des administrations publiques locales de 1,1 % en 2016, soit de 2,7 milliards d'euros, celle-ci ne permettrait pas de compenser la progression des dépenses locales de 1,2 %, soit 3,8 milliards d'euros, au cours de l'année à venir. Moyennant quoi, les collectivités locales n'auront d'autre choix, pour équilibrer leurs comptes, que de recourir à l'emprunt, de prélever sur leurs réserves de trésorerie ou bien encore de procéder à des hausses d'impôt - d'ores et déjà estimées à 0,8 milliard pour 2016. Sans compter, ainsi que l'a clairement montré le rapport d'information de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, les conséquences immanquables sur l'investissement public de la diminution des concours financiers de l'État.

Les collectivités territoriales n'ont, de fait, que peu de marges de manoeuvre pour procéder aux économies attendues dans le cadre de la trajectoire gouvernementale. De nombreuses hausses des dépenses résultent de décisions de l'État. La Cour des comptes a ainsi estimé le coût de la réforme des rythmes scolaires entre 350 millions d'euros et 620 millions d'euros, celui des normes techniques en matière de transport public à 453 millions d'euros par an jusqu'en 2019, les décisions nationales sur les dépenses de personnel des collectivités territoriales à 450 millions d'euros en 2015 et la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA) à 450 millions d'euros en 2015. Ajoutons que le Conseil national d'évaluation des normes a estimé que les 303 projets de textes examinés au cours de l'année 2014 représenteraient un coût brut de 1,4 milliard d'euros en année pleine, pour 633 millions d'euros d'économies.

Dans ces conditions, ainsi que ne manque pas de le souligner l'Association des maires de France (AMF), il est fort probable que la diminution des dotations de l'État se traduise par un nouveau recul des dépenses d'investissement des collectivités territoriales qui restent, à court terme, les dépenses les plus aisément modulables. Sachant que les collectivités locales portent l'essentiel de l'investissement public, ceci pourrait avoir des conséquences dramatiques sur la construction et les travaux publics. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat spécifique que nous aurons sur ce sujet.

J'en viens aux principales caractéristiques du budget de l'État pour 2016.

Les recettes nettes de l'État devraient s'établir à 292,3 milliards d'euros en 2015 et 301,7 milliards d'euros en 2016, soit une hausse de 2,8 %. Une partie de cette augmentation, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, provient des recettes non fiscales de l'État. Quant aux recettes fiscales, elles devraient croître de 5,8 milliards d'euros. Cette hausse provient principalement de l'impôt sur le revenu - pour 2,7 milliards d'euros - et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - pour 3,2 milliards d'euros.

Si l'on y regarde de près, on constate que la majeure partie de ces augmentations n'est pas liée à des mesures nouvelles mais au dynamisme de l'évolution spontanée des recettes. La seule mesure significative est relative à l'impôt sur le revenu : le relèvement de la décote prévu à l'article 2, dont nous débattrons largement.

En matière de politique fiscale, le Gouvernement fait preuve d'une réelle indécision. Loin du « grand soir » et de l'ambition annoncée d'une « remise à plat », il se contente de petites retouches. Celle de la décote rend l'impôt sur le revenu de plus en plus illisible - les radicaux ne me démentiront pas - et porte à s'interroger sur ce qu'il reste de légitimité à un impôt qui touche de moins en moins de contribuables.

Le projet de loi de finances est assez optimiste quant à l'élasticité des recettes fiscales à la croissance. Le Gouvernement table ainsi sur un rebond tant de la TVA que de l'impôt sur le revenu, selon un scénario qui contraste largement avec ce que l'on a connu dans les années passées. Je rappelle que l'exécution 2014 a fait apparaître 9,7 milliards de moins-values fiscales, ainsi que l'a souligné la Cour des comptes.

J'ai déjà souligné l'augmentation de la charge fiscale pesant sur les ménages. L'impôt sur le revenu est bien sûr concerné : son rendement devrait connaître une hausse de près de 40 % entre 2012 et 2016, passant d'environ 51 milliards d'euros à près de 70 milliards d'euros. L'augmentation du produit de l'impôt sur le revenu ne s'est pas accompagnée d'un accroissement similaire du nombre de contribuables et la concentration déjà importante de cet impôt sur le revenu a été encore accrue par les réformes successives intervenues ces dernières années. Je pense à la réforme du quotient familial, qui pèse pour près de 85 % sur les foyers fiscaux situés dans le dernier décile de la population imposable, ou à la suppression de l'exonération sur les heures supplémentaires.

Une part de l'augmentation globale du produit de l'impôt sur le revenu est certes liée à son évolution spontanée, mais même après neutralisation de la croissance spontanée de l'impôt sur le revenu, ce sont au total près de 7 milliards d'euros supplémentaires qui ont pesé sur les ménages de 2013 à 2016, du seul fait des mesures prises par la majorité gouvernementale depuis 2012.

L'accélération, depuis 2012, des départs des assujettis à l'impôt sur le revenu montre que cette aggravation de la pression fiscale pose problème. Un rapport sur l'exil fiscal, que l'on doit à l'initiative du Parlement, témoigne que le nombre de redevables qui partent pour l'étranger connaît une très forte progression. Nombreux sont les départs vers la Belgique de contribuables dont le revenu fiscal de référence est élevé. Il y a là un vrai sujet.

J'ajoute que la suppression de la première tranche et le relèvement à venir de la décote sont très loin de compenser la progression de 40 % de l'impôt sur le revenu entre 2012 et 2016.

Les dépenses fiscales continuent d'augmenter en 2016 pour atteindre 83,4 milliards d'euros, soit près de 30 % des dépenses du budget général. Cette hausse est d'autant plus problématique que la majorité des dispositifs ne sont pas soumis à évaluation : pour 90 dépenses fiscales sur un total de 450, le Gouvernement est incapable de produire une estimation. Pour 18 d'entre elles, on n'attend aucun bénéficiaire en 2016.

M. Claude Raynal . - Ce ne sont donc pas des dépenses...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Mais si aucun contribuable ne s'y intéresse, cela devrait porter à simplifier. Il y a là, pour le moins, un problème de suivi. Sans parler des coûts de gestion. Quand on voit le nombre de postes que perd cette année la direction générale des finances publiques, on se dit que l'on pourrait peut-être lui simplifier un peu le travail.

L'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés totalisent à eux seuls 53,1 milliards d'euros de dépenses fiscales, dont plus de 13 milliards d'euros de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et 5,5 milliards d'euros de crédit d'impôt recherche (CIR). Si ces dispositifs, qui viennent d'atteindre leur régime de croisière, méritent d'être préservés, il reste des marges de manoeuvre sur le reste. Encore une fois, 88 de ces niches donnent lieu à des dépenses non chiffrées, 57 le sont pour moins d'un million d'euros, 18 n'ont aucun bénéficiaire. J'ajoute que l'incapacité des services à fournir un chiffrage n'est pas sans incidence sur la capacité de contrôle du Parlement.

En 2016, les dépenses du budget général de l'État devraient s'élever à 306,2 milliards d'euros, soit une hausse de 10,6 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2015. Hors mesures de périmètre, la hausse est ramenée à 1,3 milliard d'euros.

Le montant élevé des mesures de périmètre et de transfert est lié à la reprise sur le budget général des aides au logement, des moyens précédemment dévolus à la prime pour l'emploi fusionnée avec le RSA-activité et à la « rebudgétisation » de certains crédits du ministère de la défense.

Je vais m'attacher à analyser les dépenses de l'État sous trois angles : l'évolution d'un exercice à l'autre, posant notamment la question du quantum prévu d'économies tendancielles, la comparaison de la budgétisation avec les normes pluriannuelles régissant l'évolution des dépenses de l'État et enfin la répartition des crédits par destination.

L'évolution tendancielle des dépenses de l'État en 2016 est revue à la baisse par rapport à la prévision retenue dans la loi de programmation des finances publiques, en raison de l'ajustement des hypothèses d'inflation. Hors charge de la dette, pensions et transferts aux collectivités locales et à l'Union européenne, l'évolution tendancielle est ainsi estimée à 5 milliards d'euros par an, contre une évaluation à 5,4 milliards d'euros par an dans la loi de programmation des finances publiques. C'est la composante relative à la masse salariale qui explique cette diminution.

Les économies annoncées sur le champ de l'État et de ses opérateurs par rapport à cette hausse tendancielle s'élèveraient à 5,1 milliards d'euros portant principalement sur les opérateurs - 1 milliard d'euros - et les dépenses d'intervention - 2,7 milliards d'euros. Beaucoup de ces économies ne sont pas documentées : ainsi, sur le total de 2,7 milliards d'euros d'économies sur les dépenses d'intervention annoncé, seuls 375 millions d'euros sont rattachés à des mesures précises. J'ajoute que les économies annoncées dans le projet de loi de finances pour 2016 compenseraient à peine l'évolution tendancielle des dépenses.

En réalité, les crédits des ministères continuent d'augmenter entre 2015 et 2016 et devraient connaître une hausse, à périmètre constant, de 200 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

L'État ne tient pas les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation : les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2016 dépassent de plus de 500 millions d'euros les plafonds de la loi de programmation. De même, l'objectif de stabilisation des effectifs de l'État, défini en loi de programmation des finances publiques, n'est pas tenu : ceux-ci augmentent depuis 2015 et la hausse devrait être particulièrement sensible en 2016. C'était jusqu'à présent le ministère de la Défense qui servait de variable d'ajustement, et c'était dans ses effectifs que l'on piochait pour financer, par exemple, les créations de postes dans l'Éducation nationale. On est revenu de cette logique, et la Défense est mieux soutenue, pour des raisons auxquelles nous souscrivons, mais il aurait fallu reporter l'effort ailleurs, pour assurer la stabilité des effectifs de l'État, qui repartent à la hausse, tant en effectifs qu'en masse salariale.

L'impact de la révision de la loi de programmation militaire (LPM) est limité à un surcroît de 4 875 équivalents temps plein travaillés (ETPT). À cette hausse des effectifs de la défense s'ajoute une augmentation supplémentaire de 4 716 ETPT dans les autres ministères. Ce n'est pas raisonnable. Nous agissons, en cela, à rebours de nos partenaires européens. La révision de la LPM aurait dû être gagée par des suppressions sur d'autres ministères.

M. Maurice Vincent . - La défense n'est pas la seule priorité. Que faites-vous de la justice ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cela n'interdit pas de gager ces besoins sur les effectifs d'autres ministères. Si l'on considère que la magistrature, que la police, ont besoin d'effectifs, il faut trouver des économies ailleurs.

M. Richard Yung . - À l'écologie ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On peut trouver des réserves aux ministères des affaires sociales ou de l'agriculture - je pense aux contrôleurs. Songez aux doublons avec les services des collectivités locales. Nous ne manquons pas de propositions et nous en reparlerons.

Le budget de l'État se répartit en trois agrégats d'ampleur comparable : les dépenses de personnel, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention parmi lesquelles deux tiers environ de dépenses de guichet, c'est-à-dire dont le versement est automatique dès lors que le demandeur remplit les conditions requises et sur lesquelles l'État n'a aucune maîtrise.

La méthode du « rabot », je le répète, a touché ses limites, ce dont témoignent les difficultés rencontrées par le Gouvernement pour diminuer les crédits des missions dès lors que ne sont pas redéfinies les politiques publiques associées. La maîtrise des dépenses de l'État suppose d'en redéfinir le champ d'action et les priorités. Sinon, on touche aux limites du système, et le risque est grand voir sacrifiées les dépenses d'investissement.

D'ores et déjà, elles ont été réduites, pour l'État, de 10 % en six ans, et le programme d'investissements d'avenir (PIA) - que l'on peut considérer comme une forme de débudgétisation - n'a pas suffi à enrayer cette diminution. Si l'on ajoute à cela la baisse de l'investissement des collectivités territoriales, il y a de quoi s'inquiéter. Notre pays est un pays qui n'investit plus.

Le solde budgétaire de l'État devrait connaître une légère amélioration en 2016 et passer de 73 milliards d'euros à 72 milliards d'euros. Cependant, la prise en compte des décaissements effectués au titre des investissements d'avenir, conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport relatif à la gestion budgétaire de l'exercice 2014, conduit à alourdir le déficit de l'État. Celui-ci serait en effet de 75,5 milliards d'euros en 2015 et de 74,2 milliards d'euros en 2016.

Le besoin de financement de l'État devrait s'élever à 200,2 milliards d'euros en 2016, en hausse de près de 8 milliards d'euros par rapport à 2015. Il se décompose entre 127 milliards d'euros pour l'amortissement de la dette déjà émise - selon la technique bien connue du sapeur Camembert, on creuse un trou pour en combler un autre - et 72 milliards d'euros de déficit à financer.

La dette de l'État continue donc d'augmenter et devrait atteindre 1 750 milliards d'euros en 2016. La finance est bien le meilleur ami de notre Président de la République puisque les taux d'intérêt restent, pour l'instant, assez faibles, permettant d'alléger la charge de la dette. Cela étant, je ne m'étendrai pas sur les conséquences, que je vous ai largement exposées l'an dernier, d'une remontée des taux de 100 points de base, qui représenterait à terme, sachant que la maturité moyenne de notre dette est de sept ans, plus de 20 milliards d'euros.

M. Vincent Delahaye . - Le rapporteur général a rappelé, s'agissant des hypothèses sur lesquelles se fonde ce budget, que si la prévision de croissance retenue était jugée « atteignable », il n'en va pas de même de la prévision d'inflation, plus discutable. Mais quid des autres paramètres ? L'augmentation attendue de la masse salariale, à hauteur de 2,8 %, surprend. De même que la progression de 5 % de l'investissement, alors que tous les indicateurs, qu'ils concernent les ménages, les entreprises ou les administrations publiques ne devraient pas porter à un tel optimisme.

En ce qui concerne les dépenses, nombre d'économies annoncées ne sont pas documentées, ainsi que l'a relevé la rapporteure générale de la commission des finances de l'Assemblée nationale elle-même. J'aimerais savoir quelles sont les références utilisées pour établir le tendanciel d'évolution des dépenses.

Les 2,2 milliards d'euros qui sont venus s'ajouter à la loi de programmation militaire ne sont pas pris en compte dans ce projet de loi de finances. Ce n'est pas négligeable.

S'agissant des recettes fiscales nettes, les 286 milliards d'euros attendus pour 2016 ne représenteraient-ils pas un record historique ?

Si le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) modère les prélèvements sur les sociétés, n'oublions pas les augmentations importantes décidées en début de quinquennat, qui continuent de produire leurs effets. Cela représente une centaine de milliards d'euros de prélèvements supplémentaires chaque année. J'aurais aimé que notre rapporteur général dresse un tableau permettant de comparer les effets de ces augmentations et les allègements apportés par le CICE, afin d'établir un solde net par année. Je suis presque sûr qu'au total, les prélèvements se sont aggravés.

Je m'interroge, enfin, sur les « recettes diverses ». Peut-on raisonnablement penser que la vente des fréquences de la bande des 700 MHz, qui doit produire 2 milliards d'euros interviendra en 2016 ? À quoi correspond le produit Coface, inscrit pour 1,7 milliard d'euros ? Même question pour les produits divers, à hauteur de 4 milliards d'euros.

M. Richard Yung . - J'ai trouvé la tonalité de cette présentation positive et encourageante, à rebours du jeu de rôle qui prévaut généralement dans cet exercice. Le rapporteur général nous a ainsi indiqué que l'hypothèse de croissance retenue était raisonnable. J'ajoute qu'elle est prudente : ce chiffre de 1,5 % est probablement en deçà de ce que sera la croissance de l'économie française en 2016. Cela libère la discussion des chicanes habituelles sur les prévisions de croissance.

Les dernières données dont nous disposons sur l'économie américaine sont plus encourageantes que ne le laisse penser le seul ralentissement intervenu au deuxième trimestre : elles montrent qu'au troisième trimestre, la consommation a repris. C'est un moteur important, même s'il ne remplacera pas entièrement le moteur chinois. Le problème, à mon sens, tient davantage à l'inflation. Les derniers chiffres sont loin de l'hypothèse de 1 % retenue - sur les douze derniers mois, on est même à - 0,1%. C'est un vrai souci, et la preuve en est que toute la politique de la BCE tend désormais à remonter vers 2 %. Et l'on peut prédire que cette politique d'achat d'actifs va se poursuivre, voire s'amplifier. Il faudrait remonter au moins à 1 %, sinon plus. Nous sommes loin de l'époque où l'inflation était considérée comme un mal et on lui retrouve, aujourd'hui, quelques charmes.

En ce qui concerne le déficit, vous avez souligné que le plan d'économies de 50 milliards d'euros n'était pas suffisant et qu'il faudrait porter le fer dans les effectifs de la fonction publique. J'observe que lors des discussions à l'Assemblée nationale, Hervé Mariton, expert en la matière, n'en a pipé mot. Il a certes dit que ces 50 milliards d'euros n'étaient que roupie de sansonnet, et que c'est le double qu'il s'agissait pour votre camp de proposer. Comment ? Il faut y prêter l'oreille, car nous savons que l'on a toujours à apprendre de lui : par une réforme des retraites « vigoureuse » - tout est dans cet adjectif -, pour 20 milliards d'euros d'économies ; par une réforme de l'indemnisation du chômage - avec la fin des emplois aidés -, pour 10 milliards d'euros ; par la révision et la simplification des normes, pour 20 milliards d'euros ; par une réforme de la politique du logement, qui mettrait fin à l'hyperfiscalisation et à l'hypersubventionnement, pour 15 milliards d'euros ; par un transfert des recouvrements de la sécurité sociale des Urssaf à Bercy, pour 20 milliards d'euros ; par une économie de 10 milliards d'euros sur les collectivités territoriales. Voilà le tableau. Un tableau dans lequel je ne vois rien, cependant, concernant une réduction des effectifs de la fonction publique.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous reparlerons bientôt des 35 heures.

M. Éric Bocquet . - La discussion générale sera l'occasion de détailler nos propres contre-propositions. Pour l'heure, je suis tenté de m'inspirer de notre ami Coluche, à qui l'on doit l'expression « laver plus blanc que blanc », pour vous dire que vous peignez plus noir que noir. Il est vrai que les perspectives en matière budgétaire sont assez sombres, ce qui confirme, à notre sens, que les choix engagés ne sont pas les bons, mais je m'étonne de vous voir adopter la manière noire, car au fond, l'ancienne et la nouvelle majorité partagent le même objectif de réduction drastique de la dépense publique. Les uns proposent 50 milliards d'euros d'économie, les autres 100 milliards d'euros, et la dépense publique est présentée comme un mal absolu. C'est oublier qu'elle participe à la création de richesse.

Il serait utile de faire un point sur le contexte européen. La reprise évoquée reste très timide, et la BCE, contrevenant à ses propres règles, en est venue, depuis le mois d'avril, à injecter 60 milliards d'euros par mois dans les circuits financiers. À cela s'ajoute le « plan Juncker », à hauteur de 315 milliards d'euros sur trois ans. Quel en est le bénéfice pour la France, et comment expliquer que la part qu'elle en retire reste à ce jour sans effet sur l'économie réelle ?

La réforme fiscale dont nous avons besoin, toujours annoncée, n'est pas en vue, comme en témoigne la valse-hésitation de ces derniers jours. En matière de justice fiscale, on reste loin du compte.

Vous avez évoqué l'exil fiscal, qui concernerait un nombre croissant de contribuables. J'aimerais connaître votre avis sur cette question, comme rapporteur général de la commission des finances du Sénat et donc comptable des deniers de la République.

Vous dites qu'il n'y a pas débat sur le CICE et le CIR. Nous le contestons, et nous ne sommes pas les seuls : de plus en plus d'économistes relèvent la difficulté à mesurer leurs effets.

Lorsque vous avez parlé de la dette, vous avez omis de rappeler qu'elle est détenue, pour deux tiers de son montant, par des investisseurs non-résidents. J'aimerais connaître votre point de vue sur cette réalité.

M. Philippe Dallier . - Le fait est qu'un certain nombre d'annonces ne sont pas financées. À celles que vous avez citées, j'ajouterai celle de Marylise Lebranchu concernant la revalorisation des grilles indiciaires de la fonction publique, qui aura un impact sur le budget de l'État et sur celui des collectivités territoriales. Pourrait-on disposer de chiffres précis et les intégrer ?

Même question sur l'évolution des prélèvements obligatoires. A-t-on intégré la hausse à venir des impôts locaux ? Le mistigri de la hausse des impôts est passé de l'État aux maires, dont la plupart devra supporter l'impopularité de ces augmentations. Certaines collectivités ont déjà augmenté leurs impôts en 2015, du fait de la baisse des dotations, et l'on peut penser que le pire reste à venir.

M. Serge Dassault . - Je rappelle que le Fonds monétaire international (FMI) appelle la France à une réforme fondamentale de ses dépenses publiques. Qu'attend-on pour s'y mettre ?

Notre rapporteur général ne considère-t-il pas que ce budget est plus électoraliste qu'il ne répond aux enjeux réels ? On ne résoudra pas les problèmes de la France en achetant des voix. Quel est son sentiment sur les prévisions de déficit pour 2016 et 2017 ? Le Gouvernement s'égosille à dire que l'on arrivera en dessous des 3 % en 2017 : cela me paraît toutefois assez difficile.

Notre rapporteur général ne craint-il pas une augmentation prochaine des taux d'intérêt si, comme on semble le prévoir de l'autre côté de l'Atlantique, les Américains prenaient la décision de remonter les leurs, ce qui serait catastrophique ?

Le nombre de départs de contribuables - plus de 100 000 - a de quoi alarmer. « Faire payer les riches », voilà bien un dogme stupide. Car ils partent investir ailleurs.

Notre rapporteur général a raison de dire que les réductions de dépenses ne sont pas documentées. Il est facile de dire que l'on augmente une dépense aujourd'hui et que l'on compensera ailleurs dans le futur. C'est pourtant ce que l'on fait avec les dépenses de sécurité sociale, alors que l'on pourrait réduire dès à présent un certain nombre de dépenses sociales, qui sont légion.

M. Claude Raynal . - Je veux m'efforcer de lever l'embarras qu'ont pu provoquer chez notre rapporteur général les propos d'allure louangeuse de mon collègue Richard Yung.

Vous jugez l'hypothèse de croissance de 1,5 % retenue en 2016 atteignable, en relevant que l'activité économique continuera de profiter de facteurs favorables : « reprise économique dans la zone euro, faiblesse des taux d'intérêt et de l'euro en lien avec la politique de la BCE, amélioration du climat des affaires, etc. » Vous n'oubliez qu'une chose : les effets de la politique gouvernementale. Mais peut-être cela tient-il dans le « etc. » ?

Je suis surpris de vous voir ressortir la notion de « solde structurel », que vous tirez de la naphtaline où notre commission des finances, consciente que sa définition est difficile à établir et suscite des dissensions entre les économistes, l'avait placée. Sans compter que l'impact sur la croissance d'une politique guidée par cette exigence de réduction du déficit structurel serait considérable, ainsi que l'a magistralement démontré, chiffres en main, Michel Sapin. Je suis étonné, enfin, de voir Les Républicains que vous vous targuez d'être adopter le point de vue incantatoire de l'Union européenne. « De Gaulle, reviens ! Ils sont devenus fous », ai-je envie de m'écrier.

Nous traversons, d'évidence, une période économique trouble. Nous connaissons les fragilités qui s'imposent à nous. Vous reprochez au Gouvernement d'en rester au chiffre de 50 milliards d'euros de réduction des dépenses. Mais il ne faut pas confondre les adaptations budgétaires annuelles, comme celle qui résulte de la volonté unanime de renforcer les moyens de la défense nationale, donc ses effectifs, ce qui ne va pas sans coût - et qui doit trouver, vous avez raison en cela, sa compensation - avec le programme, structurel, de réduction des dépenses de 50 milliards d'euros, qui doit suivre sa trajectoire. Il s'agit d'un plan d'action sur trois ans dont les chiffres, si l'on veut qu'il reste lisible, ne doivent pas varier sans cesse.

Les réformes structurelles que vous appelez de vos voeux ? Celle que vous proposez nous laisse un peu sur notre faim. Sa seule vertu est de ne pas vous engager dans la course à l'échalote à laquelle on assiste aujourd'hui : 100 milliards, 120 milliards, 150 milliards d'euros, chaque fois que se déclare une nouvelle candidature aux primaires de votre parti, les enchères montent un peu plus. Au regard de quoi, l'économie de 2 milliards d'euros sur la fonction publique que vous avancez n'est pas de taille. D'autant que si vous pensez que l'on peut supprimer six jours de congé sans contrepartie, vous vous faites des illusions.

Vous nous avez présenté un intéressant graphique, qui remonte jusqu'à 2005, sur l'évolution de la charge fiscale des ménages et des entreprises, mais en avez livré un curieux commentaire. Car il fait apparaître que c'est entre 2010 et 2012 que l'effort fiscal demandé aux ménages a commencé à s'alourdir et qu'entre 2012 et aujourd'hui, il n'est passé que de 15,4 % du PIB à 15,9 %. Le Gouvernement n'a fait que poursuivre un mouvement déjà largement entamé.

Quant à votre raisonnement sur l'effort demandé aux collectivités territoriales et son impact sur l'impôt local, on peut le retourner comme un gant. En 2016, dites-vous, l'effort de 3,5 milliards d'euros qui leur est demandé risque de susciter une augmentation des impôts locaux à hauteur de 0,8 milliard d'euros. Et bien, voilà qui montre que 80 % de l'effort ainsi demandé peut être accompli de façon relativement indolore, je veux dire sans augmentation des impôts.

Dire que le pays n'investit plus en mettant en avant la baisse de 10 % des investissements de l'État me semble, pour le moins, excessif. Ce qui doit faire aujourd'hui le moteur de l'investissement, ce n'est pas l'investissement public, qui augmente la charge des prélèvements obligatoires - à rebours de votre voeu de ne pas voir augmenter les impôts. Quant à l'investissement des collectivités locales, il peut s'accommoder d'un recul temporaire : les infrastructures, les équipements publics, sur nos territoires, sont de qualité. En revanche, c'est l'investissement économique qu'il faut rechercher. Il faut faire en sorte que ceux qui créent de la richesse investissent.

M. Marc Laménie . - Mon unique question concernera le poids de la masse salariale des administrations publiques. Sur les 278 milliards d'euros que vous avez mentionnés, quelle est la part de la fonction publique territoriale ?

M. François Patriat . - Notre rapporteur général est souvent mesuré. Je m'explique d'autant plus mal son manichéisme d'aujourd'hui. Aucun pronostic, aucune mesure ne trouve grâce à ses yeux. Au fil de son exposé, je suis passé de la curiosité au doute, puis au désespoir. Il est vrai que je me sens souvent pris, dans nos échanges, entre le désespoir et la béatitude. Pourquoi ne pas tenir compte des réalités, et ne pas voir ce qui est concrètement fait ? Certes, tout n'est pas parfait dans ce budget, mais reconnaissez, même si vous y mettez un bémol, qu'il réduit la dépense publique, et tente de résorber les déficits budgétaires. Pourquoi ne pas relever qu'enfin, grâce aux mesures que prend le Gouvernement, la France et l'Allemagne sont à égalité en termes de compétitivité ?

Sur la baisse des dotations, on en reste invariablement à la partition des pleureuses. Malgré la dramatique réforme de la taxe professionnelle, qui a gravement amputé les ressources des régions, je puis témoigner, en tant que président de région, que les économies qui nous ont été demandées par le Gouvernement - 22 millions d'euros sur deux ans - ne m'ont pas conduit à réduire l'investissement, sans augmenter les impôts - au reste, depuis trois ans, les régions n'en ont pour ainsi dire plus.

Mme Marie-France Beaufils . - Je complèterai ce qu'a dit Éric Bocquet, en revenant sur la diminution des dotations aux collectivités territoriales. Il serait intéressant de connaître les premières réflexions de la commission d'enquête diligentée par l'Assemblée nationale. L'OFCE, qui a travaillé sur les conséquences de cette diminution, considère que son impact sur la dépense publique des collectivités territoriales serait d'environ 0,55 % du PIB. Il eût été intéressant d'avoir quelques détails. La Banque postale a publié une note de conjoncture : l'impact de la baisse des dotations sur l'épargne brute des collectivités serait également un élément intéressant à retenir.

Les collectivités sont des acteurs de la commande au monde économique dont l'efficacité est reconnue par les entreprises, alors que le supplément d'allègements consenti aux entreprises, j'en suis convaincue, n'aura pas la même efficacité sur l'investissement.

M. Roger Karoutchi . - Dans les périodes d'échec, on a tendance, à gauche comme à droite, à pointer du doigt le quinquennat précédent. De grâce, cessons de regarder dans le rétroviseur. Si le Gouvernement, en dépit des moyens de prévision dont il dispose, n'en était pas à reporter la réforme de la DGF, celle de l'allocation adultes handicapés (AAH) et à se rendre compte que les retraités payent des impôts locaux, vous pourriez peut-être faire la leçon à nos candidats à la primaire, mais vu la situation, un peu de modestie ne nuit pas.

A-t-on réellement prévu l'impact de la baisse des dotations aux collectivités locales sur l'investissement productif ? Claude Raynal relève, avec beaucoup d'esprit, qu'une baisse des dotations de 3,5 milliards d'euros est indolore puisqu'elle ne conduit qu'à 800 millions d'euros de hausse des impôts locaux. Mais c'est indolore d'un point de vue fiscal parce que les collectivités vont réduire leurs investissements. Je puis en témoigner pour les Hauts-de-Seine.

M. Claude Raynal . - C'est un choix.

M. Roger Karoutchi . - C'est le choix de ceux qui n'ont plus d'argent.

M. Claude Raynal . - Les Hauts-de-Seine ?

M. Roger Karoutchi . - À force de péréquation.

Je me pose une question : intègre-t-on, dans les prévisions, les évolutions démographiques, qui conduiraient à produire des prévisions différentes en termes de chômage, de retraites ?

M. François Marc . - J'apporterai quelques nuances à la présentation du rapporteur général.

Vous estimez que la trajectoire du solde structurel est devenue secondaire aux yeux du Gouvernement, je le conteste. S'agissant de l'élasticité des recettes, je considère, comme d'ailleurs le Haut Conseil des finances publiques, que la prévision est juste. À la différence des années 2012 et 2013, où elle avait été plus faible que ce que l'on avait anticipé, elle devrait même être supérieure.

Les finances publiques seraient, vous y avez insisté, mal maîtrisées ? Vous relevez l'augmentation annuelle moyenne de 2,1 % en valeur, entre 2011 et 2014, des dépenses publiques. J'attire votre attention sur le fait que si la dépense publique reste élevée, c'est que son augmentation moyenne, entre 2007 et 2012, a été très importante, de 3,2 % par an en moyenne. Depuis 2012, on est entre 1 % et 1,5 %. Ce qui montre assez que des efforts considérables ont été engagés et que votre propos mérite largement d'être nuancé.

J'en viens à l'effort demandé aux ménages. Vous ne pouvez pas dire, à la fois, que de moins en moins de ménages payent l'impôt sur le revenu - ce qui est une réalité, puisqu'ils ne sont plus que 46 % à 47 % à y être assujettis - et que cet impôt est de plus en plus lourd, arguant qu'il aurait augmenté de 40 % entre 2012 et 2016. Il faut mettre ces deux réalités en regard : l'augmentation de l'imposition des ménages les plus aisés a pour contrepartie une augmentation de revenus pour les plus modestes.

Dernière remarque, enfin. Alors que les échéances de nos prêts à la Grèce n'interviendront qu'à l'horizon 2020-2021, il est peu probable que la France soit appelée à contribuer, comme vous le laissez entendre, en 2016.

Mme Fabienne Keller . - Quatre points me semblent particulièrement intéressants. En premier lieu, l'analyse des évolutions de la masse salariale, qui, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, n'est pas maitrisée, puisque la charge augmente. En deuxième lieu, l'anesthésie de la dette qui, augmentant en volume alors que sa charge diminue, n'en continue pas moins de frôler les 100 % du PIB. En troisième lieu, l'impôt sur le revenu qui a augmenté de 40 % alors que, n'en déplaise à François Marc, les revenus des plus modestes sont loin d'avoir progressé d'autant. En quatrième lieu, la chute des investissements de l'État, qui, sans le programme d'investissements d'avenir (PIA), serait plus qu'une chute, un crash .

Ma première question ne vous surprendra pas : elle concerne l'investissement des collectivités locales. La déstabilisation récente sur le calcul de la DGF au moment même où les collectivités élaborent leur plan pluriannuel décourage l'investissement. On le ressent clairement sur le terrain : les investissements de bien des collectivités se sont réduits de moitié. Aux effets désastreux sur l'emploi se rajoute l'impopularité des augmentations d'impôts locaux rendues nécessaires par le recul des dotations.

Je veux insister, en second lieu, sur les annonces non compensées. Il est surréaliste d'entendre le Président de la République annoncer en septembre, à l'ONU, une augmentation des crédits dévolus au climat et à l'aide au développement, pour 2 milliards d'euros et 4 milliards d'euros respectivement, et de constater, cinq jours plus tard, à l'occasion de la présentation du budget, que l'aide publique au développement est sacrifiée. Où est la sincérité ? Et je ne parle pas des autres annonces, à l'avenant. Le Gouvernement a le front de nous indiquer que c'est par voie d'amendement que ces annonces, faites il y a plusieurs semaines, et pour certaines au plus haut niveau de l'État, seront financées.

Une suggestion, pour finir. Il serait plein d'enseignements de comparer les grands agrégats de notre budget à ceux d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Espagne, l'Irlande, les Pays-Bas - bref, des pays qui ont fait le choix d'autres stratégies budgétaires.

M. Maurice Vincent . - Notre pays se trouve dans une situation macroéconomique complexe. Il faut à la fois restaurer la compétitivité des entreprises, réduire le déficit public et maîtriser la dette. On peut considérer que les résultats attendus de ce projet de loi de finances restent insuffisants, mais on ne saurait nier qu'ils vont dans la bonne direction. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez une réduction plus rapide du déficit public et de la dépense publique mais je vous mets en garde : aller trop vite affaiblirait la croissance et pourrait provoquer une perte de recettes fiscales mettant en péril l'objectif de redressement des comptes publics. C'est pourquoi l'équilibre qu'a retenu le Gouvernement me semble le bon.

Au vu de vos propositions, il est clair que les fonctionnaires sont dans le collimateur. Ce que vous proposez représenterait, nous dites-vous, près de 2 milliards d'euros d'économies. Je relève qu'au regard des masses budgétaires, et surtout de l'effort que vous demandez, ce n'est pas grand-chose. Je relève de surcroît que dans le programme de votre camp, la suppression de l'ISF, dont vous n'avez rien dit ici, représente 5,5 milliards d'euros. Autrement dit, si l'on fait le compte, ce sont encore 3 milliards d'euros de perdus. Sans parler du caractère contestable de tels choix.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - J'ai peine à croire à une stabilisation de la dette publique en 2016, ainsi que l'annonce le Gouvernement. Je regrette que le graphique dans lequel vous retracez son évolution ne remonte pas en deçà de 2014, ayant souvenir qu'en 2013, on était à 93,5 % du PIB. Je comprends mal, de surcroît, comment on arrive au chiffre de 2015, de 96,3 %, alors qu'au deuxième trimestre, on était à 97,6 %. Il me semble que se référer au montant des émissions de dette n'est pas satisfaisant. Le Conseil d'analyse économique juge que si la croissance ne progresse pas, on devrait plutôt arriver à 145 % du PIB en 2040. Au regard de quoi, je m'étonne que vous repreniez cette idée d'une stabilisation de la dette publique en 2016.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'y mets, au contraire, un point d'interrogation.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je serais plus tranquille si vous disiez clairement que vous n'y croyez pas.

M. Yvon Collin . - Je reviens sur la question des niches fiscales, ce serpent de mer. Quelle part des dépenses est imputable aux dispositifs successifs d'exonérations fiscales en faveur de l'investissement locatif ? N'est-il pas temps pour notre commission de mener un travail destiné à évaluer l'efficacité de ces dispositifs ? Je sais bien que comme disait le président Chirac, il y a un chien dans chaque niche. Mais qu'il serait peut-être bon, sur celles concernant le logement, d'affronter.

M. Jean-Claude Requier . - Le temps est gris, l'humeur maussade et quand on écoute France Info le matin, c'est pour entendre en boucle la litanie de tout ce qui va mal. Autant dire que l'exposé du rapporteur général m'a donné un coup de plus sur la tête. Il est vrai que l'état des finances publiques et du déficit a de quoi alarmer.

La perception de l'inflation a bien changé. Dans ma jeunesse, c'était l'ennemi - souvenez-vous du blocage des prix sous Raymond Barre. Aujourd'hui, on aspire au retour de l'inflation, d'une inflation douce et équitable, sorte de cannabis qui soulagerait nos douleurs.

Nous autres radicaux sommes enfants de Caillaux : nous sommes pour l'impôt sur le revenu. Pour nous, il ne s'agit pas de réduire le nombre de contributeurs, mais bien plutôt de l'augmenter, et nous aurons sûrement un amendement à proposer en ce sens. Car l'impôt sur le revenu fonde la citoyenneté et l'attachement à la République.

Une question, pour finir. Dans les tableaux que vous nous présentez, il est question, s'agissant des dépenses de l'État en 2016, tantôt de 375 milliards d'euros, tantôt de 306,2 milliards d'euros. D'où vient cette différence ?

M. Philippe Dominati . - Ce budget prévoit un retour du déficit public en dessous des 3 % en 2017. N'oublions pas que cet objectif devait initialement être atteint en 2013, dès la première année du mandat du Président de la République. Et il est vraisemblable qu'il ne le sera pas la dernière.

Je reviens sur le temps de travail dans la fonction publique. Si l'on compare, mission par mission, nos effectifs à ceux de nos voisins, on se rend compte qu'ils sont analogues à ceux d'États développés comme l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie. Et pourtant, nous peinons à accomplir ces missions. Comme le montre le classement de l'OCDE, chez aucun de nos homologues européens, le temps de travail n'est aussi bas qu'en France. Quelles conclusions tirer de ce constat ?

Il a été question, dans votre présentation, de la baisse de la fiscalité pesant sur les entreprises. Elle était plus que nécessaire, tant le risque de décrochage de nos entreprises était élevé. Pour autant, la charge fiscale n'a pas été ramenée à un niveau qui assurerait leur compétitivité au regard des autres grands pays européens. On ne peut pas laisser entendre que cet effort est suffisant. J'aimerais vous voir indiquer quel est le gap qui subsiste et quelles orientations il conviendrait de prendre. Je veux bien que la réforme de la taxe professionnelle ait pénalisé les collectivités territoriales, mais elle a surtout pesé sur les entreprises, qui remettaient cet argent dans l'économie. Ceci pour dire qu'il reste beaucoup à faire pour restituer aux entreprises la part qui leur revient.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vincent Delahaye a souligné l'optimisme des prévisions en matière d'investissement et regretté que le financement des dépenses nouvelles soit mal documenté. Pour ce qui concerne l'abondement des crédits de la Défense, la vente des fréquences de la bande des 700 MHz doit venir en compensation, mais rien n'est encore certain à ce jour car le processus d'enchères vient d'être lancé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) : il y aura un délai entre le moment de l'attribution des fréquences et la perception des sommes.

La recette « Coface » est constituée pour une large part du produit de la vente des bâtiments de projection et de commandement à l'Égypte. Il s'agit de la contrepartie de l'indemnisation versée en 2015 aux industriels français du fait de l'annulation de la vente des Mistral.

Nous essayerons de retracer, comme vous le souhaitez, l'effet agrégé de l'augmentation des prélèvements sur les entreprises et des allègements apportés par le CICE. Le fait est que le taux de prélèvements sur les entreprises reste élevé, comme le soulignait à l'instant Philippe Dominati. En dépit du CICE et du Pacte de responsabilité, les mesures fiscales prises l'an dernier, notamment en loi de finances rectificative, et celles des années précédentes, qui continuent à produire leurs effets, ont alourdi la charge. Je pense à la non-déductibilité des charges financières.

Quant aux critères sur lesquels s'appuie le Gouvernement pour élaborer un tendanciel d'évolution des dépenses, vous les retrouverez aux pages 140 à 146 du rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances.

En réponse à Richard Yung, j'indique qu'en estimant l'hypothèse de croissance « atteignable », je n'ai fait que reprendre, par souci d'objectivité, le terme employé par le Haut Conseil des finances publiques. On peut toujours espérer mieux, mais le Haut Conseil reste nuancé. L'inflation, en revanche, pose une vraie question. Tous les gouvernements espèrent une remontée, mais on ne voit rien venir.

Si je m'étonne que le programme d'économies reste à 50 milliards d'euros, c'est que des mesures nouvelles sont annoncées, qu'il faudra bien financer...

Mes remarques sur le temps de travail ont suscité beaucoup de questions. Nous avons commandé un rapport à la Cour des comptes, qui a mené un travail très complet. Il ouvre des pistes. Passer de 35 heures à 39 heures représenterait une économie, sur les trois fonctions publiques, de 7 milliards d'euros. Je suis dans mon rôle en le faisant savoir. D'autres pays ont su faire des efforts en matière de fonction publique et ont une croissance plus importante que la nôtre.

Je ne dis pas - ceci pour répondre à Éric Bocquet - que le CICE est un dispositif idéal, mais il a apporté un peu de stabilité qu'il ne faut pas remettre en cause. Quant au CIR, notre déplacement à Toulouse a montré que même si tout n'est pas parfait - la perfection n'est pas de ce bas monde - il a aidé à relocaliser la recherche en France.

Sur l'exil fiscal, un rapport, que l'on doit à l'initiative du Parlement, est publié chaque année, qui donne des éléments de comparaison. Je le tiens à votre disposition.

La dette est détenue, pour un tiers, par des résidents français, pour un tiers par des résidents de l'Union européenne, et pour un dernier tiers par des résidents hors Union européenne. Si bien qu'en effet, elle est détenue aux deux tiers par des non-résidents, ce qui pose la question d'une hausse des taux d'intérêt si les investisseurs décidaient de se détourner de la France. C'est notre différence avec le Japon, pays surendetté mais dont la dette est essentiellement domestique.

Philippe Dallier s'interroge sur l'impact des mesures dites « Lebranchu », qui d'après les estimations de la Cour des comptes représenteront, à l'horizon 2020, 4 à 5 milliards d'euros par an de dépense - dont 2,5 à 3 milliards d'euros pour la fonction publique d'État. Elles ne monteront que progressivement en charge et auront un impact relativement limité en 2016.

La baisse des dotations aux collectivités produit un double effet : baisse de l'investissement et hausse des impôts locaux. On attend ainsi, pour 2016, une hausse contrainte des prélèvements de 800 millions d'euros.

Le FMI n'est pas seul, Serge Dassault, à appeler la France à des réformes. La Commission européenne le fait aussi. Ce budget est-il « électoraliste » ? Je dirais que le Gouvernement y reconnait les erreurs faites par le passé en matière de fiscalité, qu'il essaie de corriger - ce qui posera, s'agissant de l'impôt sur le revenu, d'autres problèmes.

Je vous rejoins pour penser que le seuil des 3 % ne sera pas atteint en 2017. Quant aux taux d'intérêt, le seul élément qui plaide pour leur stabilité, sachant qu'en effet, les États-Unis ne font que repousser leur remontée de semaine en semaine, c'est la faiblesse de la croissance en Europe.

Sur les départs de contribuables à l'étranger, je vous renvoie, comme Éric Bocquet, au rapport que j'ai signalé.

Je ne suis pas un sectateur du solde structurel, Claude Raynal, mais j'observe que le ministre lui-même a évolué, puisqu'il nous a parlé du déficit effectif exprimé en euros sonnants et trébuchants. Qu'on le veuille ou non, nous sommes tenus par nos engagements européens. Je vous rappelle que nous sommes en procédure de déficit excessif et avons dû prendre des engagements écrits sur un programme de réformes et des mesures de stabilité. La notion de solde structurel fait partie des critères européens, et nous faisons partie de l'Union européenne. Nous ne devons pas nous écarter de nos prévisions de déficit, si bien que toutes les mesures nouvelles devraient être financées par des économies à due concurrence. C'est bien pourquoi je m'interroge sur le fait que le montant de 50 milliards d'euros d'économies programmés ne varie pas.

Les mesures structurelles ? Je viens d'en donner un exemple, pour 7 milliards d'euros, avec le temps de travail dans la fonction publique. Je pourrais vous en citer bien d'autres - le jour de carence, le glissement vieillesse technicité (GVT) -, y compris sur d'autres sujets, comme la réforme des retraites, la contribution aux régimes spéciaux, etc. J'observe que des pays voisins ont fait ces réformes de structures, que nous n'avons pas engagées.

Sur les 278 milliards d'euros représentant la masse salariale des administrations publiques, la part des collectivités territoriales compte pour 77,8 milliards d'euros. Ceci pour répondre à la question de Marc Laménie.

Tenir compte des réalités, François Patriat ? Il n'est que de dresser quelques comparaisons. Le coût horaire du travail est en France de 34,8 euros quand il est de 30,9 euros en Allemagne.

La réforme de la taxe professionnelle ? Cette « taxe imbécile » - le mot n'est pas de moi... - pénalisait les entreprises industrielles de main d'oeuvre. La contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui l'a remplacée a d'abord été faite pour y remédier, et c'est un impôt dynamique : la meilleure preuve en est qu'il est très convoité... Si cette contribution n'était pas productive, les régions ne se battraient pas pour elle.

Je rejoins Marie-France Beaufils, qui s'interroge sur l'impact de la baisse des dotations sur l'investissement des collectivités. Toutes les études convergent. Selon l'Observatoire des finances locales, l'investissement des collectivités représentait 58,7 milliards d'euros en 2013 ; Il a chuté de 7,1 % en 2014, à 54,1 milliards d'euros, et de 8,5 % en 2015, à 49,5 milliards d'euros. L'impact de la baisse des dotations est bien double : augmentation de la fiscalité - 800 millions d'euros en 2016 - et baisse de l'investissement, qui fragilise un certain nombre de secteurs. N'oublions pas que les collectivités n'ont pas droit au déficit. Or, la réduction des dépenses de fonctionnement a ses limites, compte tenu de leur rigidité.

Roger Karoutchi a raison de souligner à son tour que la baisse de la DGF a des conséquences directes sur l'investissement.

François Marc m'interroge sur les prêts à la Grèce. Il faut distinguer entre les engagements financiers de la France au titre de la dette grecque et les aides qui seront apportées par le mécanisme européen de stabilité (MES) à la République hellénique. C'est dans le premier cas que réside le risque pour 2016. Je vous renvoie au travail sur l'exposition de la France à un éventuel défaut de la Grèce que nous avons réalisé en juillet.

Les gains salariaux liés aux réformes de l'impôt sur le revenu ? Hors progression spontanée des recettes, l'impact des mesures fiscales sur le revenu atteint 7 milliards d'euros, ce qui va bien au-delà des gains qu'ont pu enregistrer les foyers sortis de cet impôt.

Fabienne Keller a raison de déplorer les effets de la baisse des dotations sur l'investissement des collectivités : près de 10 milliards d'euros entre 2013 et 2015.

Il est juste de relever que les annonces, notamment liées au climat, pour 3 à 5 milliards d'euros d'ici à 2020, ne sont pas, pour l'heure, financées. Quant aux éléments de comparaison que vous demandez, nous vous les fournirons.

En dépit des efforts que relève Maurice Vincent, nous ne sommes pas en phase avec nos engagements européens. La Commission nous a concédé à deux reprises un report de notre engagement de retour du déficit public sous les 3 %. Quant aux pistes que j'ai citées, pour mémoire, elles me sont inspirées par le récent rapport de la Cour des comptes.

Le montant de la dette, Marie-Hélène Des Esgaulx, doit être mesuré au 31 décembre, car les émissions varient en cours d'année, si bien que l'on ne peut considérer que tous les trimestres sont équivalents. Je me permets de vous renvoyer aux simulations réalisées pour mesurer les effets d'une variation de la dépense publique ou de la croissance sur la dette.

Yvon Collin s'interroge sur l'efficacité des dépenses liées aux exonérations en faveur de l'investissement locatif. Notre groupe de travail sur le logement a montré que la dépense attachée aux dispositifs successifs représente un coût annuel de 1,8 milliard d'euros. Il est vrai qu'il faut s'interroger, mais les constructeurs objectent que c'est la seule aide qui leur est consentie et que sans elle, la construction s'effondrerait.

Jean-Claude Requier, fidèle à la mémoire de Joseph Caillaux, pose une vraie question. Le caractère universel de l'impôt sur le revenu, entre la loi de finances pour 2015 et celle-ci, se trouve largement entamé. Même si la contribution sociale généralisée (CSG) n'est pas concernée, il y a là un vrai sujet, auquel je suis sensible.

La différence que vous observez dans le montant des dépenses de l'État tient au prélèvement sur recettes.

Je ne peux que constater, comme Philippe Dominati, que les 3 % ne seront pas atteints en 2017. Il est vrai que les effectifs de la fonction publique sont globalement, en France, en phase avec ceux des autres pays européens. Mais nous avons un vrai problème de temps de travail, ainsi qu'il le souligne. Il y a là une question d'équité. Quand on sait que les sapeurs-pompiers font 90 gardes de 24 heures par an - les présidents de conseils généraux ne me démentiront pas - ou qu'à Paris, les policiers municipaux peuvent être amenés à faire 28 heures de service actif de nuit, on comprend que des comparaisons se fassent.

Je le rejoins sur la fiscalité des entreprises. Je l'ai dit, en dépit de l'oxygène qu'ont apporté le CICE et le Pacte de stabilité, d'autres mesures sont venues alourdir la charge et continuent à produire leurs effets, si bien que le taux de prélèvements obligatoires reste élevé.

J'appelle à la vigilance sur le prochain projet de loi de finances rectificative, qui pourrait encore amener d'autres mesures. Résultat, la France se classe parmi les pays dont le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises est parmi les plus élevés.

La commission a donné acte au rapporteur général de sa communication.


* 1 Insee, « En septembre 2015, la baisse du prix du pétrole marque le pas », Informations Rapides , n° 253, 15 octobre 2015.

* 2 Banque centrale européenne, The euro area bank lending survey. Third quarter of 2015 , octobre 2015.

* 3 Toutefois, les banques ont indiqué un durcissement des critères d'octroi des prêts au logement accordés aux ménages.

* 4 Communiqué de presse de la Banque centrale européenne du 22 janvier 2015.

* 5 Rapport général n° 108 (2014-2015), tome I, sur le projet de loi de finances pour 2015 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 17-18.

* 6 Insee, « La demande reste bien orientée, l'activité progresse par à-coups », Point de conjoncture , octobre 2015.

* 7 Ibid. , p. 3.

* 8 Ibid. , p. 3.

* 9 Ifo, Insee et Istat, « Recovery driven by domestic demand », Eurozone economic outlook , 6 octobre 2015.

* 10 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015, p. 5.

* 11 Coe-Rexecode, « Baisse des prix du pétrole : un impact non négligeable sur l'économie française en 2015 », À noter , 3 septembre 2015.

* 12 Le 15 octobre 2015, le prix du baril de Brent était de 42,8 euros.

* 13 Banque de France, « Crédit aux entreprises (encours - France). Août 2015 », Stat Info , 7 octobre 2015.

* 14 Banque de France, « Crédit aux particuliers. Août 2015 », Stat Info , 2 octobre 2015.

* 15 L'indicateur de climat des affaires est calculé par l'Insee sur la base d'enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise des principaux secteurs d'activité. Il s'agit d'un indicateur d'un intérêt tout particulier dès lors qu'il apparaît que les indicateurs de climats des affaires sont assez fortement corrélés aux grandeurs macroéconomiques, et notamment à l'évolution du PIB.

* 16 Insee, « Stabilité du PIB au deuxième trimestre 2015 », Informations rapides , n° 195, 14 août 2015.

* 17 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015.

* 18 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.

* 19 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016.

* 20 Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2015 », European Economy 11/2015 , novembre 2015.

* 21 Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Adjusting to Lower Commodity Prices , octobre 2015.

* 22 OCDE, OECD Interim Economic Outlook. Puzzle and uncertainties , 16 septembre 2015.

* 23 L'acquis de croissance du PIB pour l'année en cours correspond au taux de croissance annuel qui serait observé si le PIB restait, jusqu'à la fin de l'année considérée, stable à son dernier niveau trimestriel observé.

* 24 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01 du 13 avril 2015 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2015 à 2018.

* 25 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 26 Commission européenne, op. cit. , novembre 2015.

* 27 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 28 OCDE, op. cit. , 16 septembre 2015.

* 29 L'indice ZEW, qui constitue un indicateur de mesure des anticipations des analystes et investisseurs institutionnels sur l'évolution de l'économie allemande, est retombé en octobre à 1,9, son plus bas niveau depuis octobre 2014, contre 12,1 en septembre 2015 et 25 en août.

* 30 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 31 U.S. Departement of Labor, Employment Situation News Release , 2 octobre 2015.

* 32 Réserve fédérale, Summary of Commentary on Current Economic Conditions , octobre 2015.

* 33 En septembre 2015, l'indice des directeurs d'achat du secteur manufacturier s'élevait à 53,1.

* 34 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 35 Bureau du Cabinet du gouvernement japonais, Monthly Economic Report , octobre 2015.

* 36 Fonds monétaire international, OECD Economic Surveys. Japan , Paris, Éditions OCDE, 2015.

* 37 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 38 Fonds monétaire international, Global Financial Stability Report. Vulnerabilities, Legacies, and Policy Challenges: Risks Rotating to Emerging Markets , 5 octobre 2015.

* 39 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 40 Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Update , juillet 2015.

* 41 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015

* 42 C. Constantinescu, A. Mattoo et M. Ruta, « Slow Trade », Finance and Development , vol. 51, n° 4, 2014, p. 39-41.

* 43 S. Jean, « Le ralentissement du commerce mondial annonce un changement de tendance », La lettre du CEPII , n° 356, 2015.

* 44 H. Escaith, N. Lindenberg et S. Miroudot, « International Supply Chains and Trade Elasticity in Ties of Global Crisis », WTO Staff Working Paper ERSD-2010-08, 2010.

* 45 C. Constantinescu, A. Mattoo et M. Ruta, op. cit.

* 46 Ibid.

* 47 Insee, « En septembre 2015, la confiance des ménages atteint son plus haut niveau depuis octobre 2007 », Informations Rapides , n° 237, septembre 2015.

* 48 Insee, Note de conjoncture , juin 2015.

* 49 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 50 Les conséquences économiques de la faiblesse du taux de marge des entreprises ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans l'exposé général du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 de fin d'année (cf. rapport n° 159 (2014-2015) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 13-31).

* 51 Insee, op. cit. , Point de conjoncture , octobre 2015.

* 52 Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « France : un retour sur désinvestissement. Perspectives 2015-2017 pour l'économie française », Résumé des prévisions, 15 octobre 2015.

* 53 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.

* 54 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 55 L'acronyme anglais « BRICS » désigne le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Quatre de ces pays figurent parmi les dix premières puissances économiques mondiales, soit la Chine, le Brésil, l'Inde et la Russie. L'Afrique du Sud, quant à elle, constitue la principale économie du continent africain.

* 56 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 57 Fitch Ratings, Fitch Downgrades Brazil to «BBB-«; Outlook Negative , 15 octobre 2015.

* 58 Bureau national des statistiques de Chine, Overall Economic Development was Stable in the First Three Quarters of 2015 , 19 octobre 2015.

* 59 Ibid. [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 60 P. Artus, « Le ralentissement économique des émergents et de la Chine est-il surtout défavorable aux États-Unis ou à la zone euro ? », Flash Économie , n° 708, septembre 2015.

* 61 Communiqué de la Banque populaire de Chine du 11 août 2015, « The PBC Announcement on Improving Quotation of the Central Parity of RMB against US Dollar » [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 62 Ibid .

* 63 Dans ce cadre, la Banque populaire de Chine a mobilisé ses réserves de change afin d'acheter du renminbi sur le marché des changes et, ainsi, limiter la dévaluation de la monnaie chinoise ; aussi les réserves de change de la BPOC ont-elles baissé de 93,9 milliards de dollars en août dernier et de 43,3 milliards de dollars en septembre. À la fin du mois de septembre, les réserves de change chinoises s'élevaient à 3 514 milliards de dollars. Par suite, les réserves de la Chine sont encore loin d'être épuisées, préservant la capacité d'intervention de la banque centrale, même si le Fonds monétaire international (FMI) a estimé, eu égard à la taille de l'économie chinoise, qu'il lui fallait conserver un matelas minimal de 2 600 milliards de dollars.

* 64 Entre mai 2014 et juin 2015, les indices composites des Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont progressé respectivement de 157 % et 206 %, portés par l'afflux massif de l'épargne des ménages chinois. Cette évolution a été encouragée par les autorités chinoises, qui souhaitaient un report de l'épargne du marché immobilier, marqué par un fort ralentissement, vers les marchés boursiers afin de stimuler la consommation des ménages par le biais d'un « effet de richesse ». Toutefois, dès la fin du mois de juin 2015, les valeurs des Bourses de Shanghai et de Shenzhen ont engagé un fort recul, qui a été vu comme le début d'une correction de la surévaluation des titres côtés sur ces marchés.

* 65 Réserve fédérale des États-Unis, Minutes of the Federal Open Market Committee. September 16-17, 2015 , 8 octobre 2015.

* 66 Banque d'Angleterre, Monetary policy summary and minutes of the Monetary Policy Committee meeting on 6 October 2015 , 8 octobre 2015.

* 67 Banque centrale européenne, Account of the monetary policy meeting of the Governing Council of the European Central Bank, held in Frankfurt am Main on Wednesday and Thursday, 2-3 septembre 2015 , 8 octobre 2015.

* 68 L'article XXX des Statuts du Fonds monétaire international indique que, « par monnaie librement utilisable, il faut entendre la monnaie d'un État membre dont le Fonds décide qu'elle est i) en fait, largement utilisée pour régler des transactions internationales, et ii) couramment négociée sur les principaux marchés des changes ».

* 69 Alors que la Chine souhaitait voir sa monnaie intégrer le panier du droit de tirage spécial (DTS) à l'automne 2015, qui correspond à l'échéance normale de la revue de la composition du panier, un récent rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié au début du mois d'août dernier, a proposé de reporter à septembre 2016 l'examen de l'éventuelle extension du panier de DTS, afin de permettre aux autorités chinoises de mieux se conformer au critère de « libre utilisation » de leur monnaie. Il ne saurait être exclu que la décision de la Banque populaire de Chine de modifier le mode de fixation du taux de change du renminbi visait à répondre aux observations formulées dans le rapport précité (cf. Fonds monétaire international, Review of the Method of the Valuation of the SDR--Initial Considerations , 3 août 2015).

* 70 En particulier, la Banque populaire de Chine autorise désormais des émissions d'obligations libellées en yuans et vendues en Chine continentale, appelées obligations « panda » ( panda bonds ), par des sociétés et des banques étrangères. Le montant de ces obligations en circulation reste cependant limité, celui-ci étant estimé à 7,6 milliards de yuans en septembre 2015.

* 71 SWIFT, « Renminbi's stellar ascension: Are you on top of it? », Sibos 2015 Edition RMB Traker , 2015.

* 72 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015.

* 73 J. Caruana, « International Monetary Policy Interactions: Challenges and Prospects ». Intervention à la Conférence CEMLA-SEACEM, Punta del Este, Uruguay, 16 novembre 2012.

* 74 D. He et R. McCauley, « Transmitting Global Liquidity to East Asia: Policy Rates, Bond Yields, Currencies and Dollar Credit », BIS Working Paper 431, 2013.

* 75 À cet égard, les analyses du Fonds monétaire international (FMI) tendent à montrer un recul du rôle relatif des facteurs propres aux entreprises et aux pays dans les emprunts et les émissions obligataires dans les économies émergentes, les facteurs mondiaux semblant avoir acquis une importance prépondérante. Ainsi, en dépit de bilans plus faibles, les entreprises des pays émergents sont parvenues à emprunter et émettre des obligations à des conditions plus favorables.

* 76 À titre d'exemple, l'indice de volatilité des marchés américains VIX, qui figure parmi les plus anciens et les plus suivis, a renoué en août dernier avec ses niveaux de crises, dépassant 40, et atteignant même 53 au cours de la séance du 24 août, puis s'est maintenu par la suite à un niveau supérieur à son rythme de croisière (#177; 15), qu'il n'a rejoint qu'à la mi-octobre.

* 77 Réserve fédérale des États-Unis, op. cit. , 8 octobre 2015.

* 78 P. Aussannaire, « La Fed offre un répit aux marchés émergents », L'AGEFI Quotidien - Édition de 7 H , 13 octobre 2015.

* 79 La liquidité d'un marché financier désigne la capacité pour les agents à pouvoir y réaliser des transactions aux prix courants, sans délais ni coûts de transaction notables.

* 80 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015, p. 50 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 81 Banque mondiale, Global Economic Prospects. The Global Economy in Transition , juin 2015.

* 82 Fonds monétaire international, op. cit. , Global Financial Stability Report , octobre 2015.

* 83 Communiqué de presse 168/2015 d'Eurostat du 30 septembre 2015.

* 84 Insee, « Les prix à la consommation baissent de 0,4 % en septembre 2015 ; ils sont stables sur un an », Informations Rapides , n° 248, 14 octobre 2015

* 85 S. Poullennec, « Les économistes écartent une amplification du QE dès octobre », L'AGEFI Quotidien - Édition de 7 H , 20 octobre 2015.

* 86 Il convient, toutefois, de relever que le recul du taux de chômage aux États-Unis au cours des derniers mois s'explique, en grande partie, par le recul du taux de participation, soit de la proportion d'Américains ayant un emploi ou en recherchant effectivement un. En effet, le taux de participation a reculé de 0,2 point en septembre dernier pour atteindre 62,4 %, ce qui correspond à son niveau le plus bas depuis 1977. Une récente étude de la banque Morgan Stanley a estimé que la chute du taux de participation expliquait intégralement la baisse du taux de chômage entre mai et septembre 2015, de 5,5 % à 5,1 %. Aussi ce phénomène des « disparus » du marché du travail américain pourrait-il contribuer à expliquer l'étiolement du lien entre taux de chômage et hausse des salaires aux États-Unis - les tensions sur les salaires n'étant pas aussi élevées que pourraient le laisser croire les statistiques du chômage.

* 87 Il convient, malgré tout, de relever que le consensus de la Banque centrale européenne (BCE) a, entre les troisième et quatrième trimestres de cette année, abaissé ses anticipations d'inflation pour 2016 et 2017 de 1,3 % et 1,6 % à 1 % et 1,5 %.

* 88 Les mécanismes et les risques de la déflation ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans le cadre du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2015 (cf. rapport n° 108 (2014-2015), op. cit. , p. 11-12).

* 89 P. Artus, « Inflation très basse de la zone euro : est-ce un danger ? », Flash Économie , n° 779, octobre 2015.

* 90 Conférence de presse du 22 octobre 2015 de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE) [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 91 Agence internationale de l'énergie, Oil Market Report , octobre 2015.

* 92 Fonds monétaire international, op. cit. , octobre 2015.

* 93 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 94 Les avantages liés à la désinflation ont été explicités dans le cadre du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2015 (cf. rapport n° 108 (2014-2015), op. cit. , p. 10-11).

* 95 Cf. rapport n° 417 (2014-2015) sur le projet de programme de stabilité de la France 2015-2018 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat.

* 96 Les développements qui suivent reprennent les analyses relatives aux incidences d'une faible inflation sur les finances publiques figurant dans le rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2015 (cf. rapport n° 108 (2014-2015), op. cit. , p. 20-22).

* 97 Il convient de préciser que les articles 33 du présent projet de loi de finances et 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 modifient la méthode appliquée pour la revalorisation de certaines prestations sociales - comme le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation de solidarité spécifique (ASS), ou encore les pensions de retraite. La méthode la plus communément appliquée à ce jour consiste à revaloriser les prestations sur la base d'une évolution prévisionnelle de l'inflation pour l'année en cours et s'accompagne, dans certains cas, de l'application d'un correctif l'année suivante au titre de l'écart à la prévision de l'année précédente. Aussi, le dispositif proposé vise à ce que les revalorisations soient désormais fondées sur un coefficient calculé sur la base des indices des prix à la consommation (IPC) hors tabac des douze mois antérieurs à l'avant-dernier mois qui précède la date de revalorisation ; par voie de conséquence, il prévoit également la suppression des mécanismes de correction. Malgré tout, la nouvelle méthode de revalorisation dont il est proposé la mise en place laisse subsister la possibilité d'une décorrélation entre la progression des prestations et l'inflation ; en effet, si un ralentissement des prix à la consommation intervenait peu de temps après la date de revalorisation, l'augmentation des prestations serait, une année durant, plus dynamique que l'inflation.

* 98 La croissance des dépenses publiques en volume correspond à la croissance des dépenses en valeur corrigée de l'inflation.

* 99 Audition de Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, et de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de finances pour 2016, le 30 septembre 2015 par la commission des finances du Sénat.

* 100 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d'investissement du 13 janvier 2015, « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles du pacte de stabilité et croissance », COM(2015) 12 final.

* 101 Rapport n° 417 (2014-2015), op. cit.

* 102 Rapport n° 55 (2014-2015) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 9-12.

* 103 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-01, op. cit.

* 104 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 105 Ainsi, une note figurant à la page 80 du programme de stabilité pour les années 2015 à 2018 précise que « la croissance potentielle a été revue de +0,2 pt par an à partir de 2016, afin de refléter les effets des réformes structurelles (CICE et Pacte de responsabilité et de solidarité) ».

* 106 Cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. , p. 20-21.

* 107 Communication de la Commission européenne du 1 er juillet 2015, « Assessment of action taken by France in response to the Council Recommendation of 10 March 2015 with a view to bringing an end to the situation of excessive government deficit », COM(2015) 326 final.

* 108 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015, op. cit.

* 109 Le « groupe de Bruxelles » constitue la nouvelle désignation, depuis février dernier, de la Troïka, composée de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE).

* 110 Fonds monétaire international, « Greece. An Update of IMF Staff's Preliminary Public Debt Sustainability Analysis », IMF Country Report No. 15/186, 14 juillet 2015.

* 111 Conférence de presse du 29 juillet 2015 de Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 112 A. Papahelas, interview de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), Kathimerini , 11 octobre 2015 [traduction de la commission des finances du Sénat].

* 113 Déclaration du sommet de la zone euro du 12 juillet 2015.

* 114 Rapport d'information n° 599 (2014-2015) sur les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat.

* 115 Communiqué de presse 13/2011 d'Eurostat du 27 janvier 2011.

* 116 Conférence de presse du 14 janvier 2014 du Président de la République, François Hollande.

* 117 Déclaration du 16 avril 2014 du Premier ministre, Manuel Valls.

* 118 Compte rendu de la communication d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur un projet de décret d'annulation de crédits transmis par le Gouvernement entendue par la commission des finances du Sénat le 10 juin 2015.

* 119 Avis du Comité d'alerte n° 2015-3 du 3 octobre 2015 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 120 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 121 L'entrée en vigueur, en 2014, du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 », a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables », soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Aussi, dans un contexte marqué par la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), afin de ne pas introduire de « rupture » dans les données relatives à l'évolution de la dépense publique, les données figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi excluent généralement les crédits d'impôts des dépenses des administrations.

* 122 Les cotisations sociales imputées représentent la part des prestations sociales fournies directement par les employeurs à leurs salariés, anciens salariés et autres ayants droits qui n'est pas financée par des cotisations sociales effectives à la charge des salariés. À titre d'exemple, des cotisations sociales sont imputées à l'État pour couvrir les pensions versées aux anciens fonctionnaires, ces dernières n'étant que partiellement financées par les cotisations sociales effectives des fonctionnaires actifs. Il convient de noter que les cotisations sociales imputées n'entrent pas dans le calcul du taux de prélèvements obligatoires.

* 123 N. Lorach et A. Sode, « Quelle sélectivité dans la réduction des dépenses publiques ? », La Note d'analyse - France Stratégie , n° 28, avril 2015.

* 124 Prévue par l'article 22 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, la revue de dépenses, mise en oeuvre chaque année, doit permettre de disposer d'une analyse complète de la dépense et des interventions publiques - sur la base d'objectifs chiffrés d'économies -, dont il est en principe tenu compte lors de la construction budgétaire. Ce dispositif porte également sur les dépenses fiscales.

* 125 N. Lorach et A. Sode, op. cit. , p. 3.

* 126 Cf. évaluation préalable de l'article 21 annexée au projet de loi de finances pour 2016.

* 127 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances.

* 128 Cf. article 4 du projet de loi de finances pour 2016.

* 129 Loi n° 2015-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 130 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 131 Cf. article 2 du projet de loi de finances pour 2016.

* 132 La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises est strictement comptable et ne tient pas compte des éventuels effets de l'incidence fiscale, soit des possibles reports de la fiscalité des contribuables « théoriques » vers d'autres acteurs.

* 133 M. Plane et R. Sampognaro, « Baisse de la fiscalité sur les entreprises mais hausse de celle des ménages », Le Blog de l'OFCE, 22 octobre 2015.

* 134 Les consommations ou investissements de certains opérateurs sont grevés d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui ne peut être déduite - s'incorporant, par conséquent, définitivement dans le coût de l'opération. Ce phénomène, appelé rémanence de TVA, résulte des règles prévues par la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dite directive « TVA », qui trouve à s'appliquer dans les États membres de l'Union européenne. Ainsi, certaines opérations d'agents économiques, bien que dans le champ d'application de la TVA, bénéficient d'une exonération et n'ouvrent donc pas droit à déduction ; il s'agit en particulier des activités bancaires et d'assurance. En outre, des exclusions spécifiques du droit à déduction peuvent être prévues, comme pour les dépenses de carburant ou de logement supportées par les entreprises au titre de leurs salariés ou dirigeants.

* 135 Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée , octobre 2009.

* 136 Cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. , p. 76-79.

* 137 Communiqué de l'Agence France Trésor du 30 septembre 2015, « Besoins et ressources de financement de l'État en 2016 et point sur l'année 2015 ».

* 138 G. Benoit, « Pourquoi les États européens vont moins emprunter en 2016 », Les Échos , 22 octobre 2015.

* 139 Annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 140 Programme de Qualité et d'Efficience « Efficience » annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 141 Unédic, Situation financière de l'Assurance chômage. Prévision pour les années 2015 et 2016 , octobre 2015.

* 142 Le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne est en cours d'examen à l'Assemblée nationale, après avoir été adopté par le Sénat le 29 septembre dernier.

* 143 Cf. rapport n° 55 (2014-2015), op. cit. , p. 64.

* 144 Cour des comptes, Les finances publiques locales , 2015, p. 147.

* 145 Ibid. , p. 148.

* 146 Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), Rapport annuel d'activité , 2014.

* 147 Au sens des dépenses d'investissement hors remboursements de dette.

* 148 Annexe 7 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, p. 9.

* 149 Avis du Comité d'alerte n° 2015-3 du 3 octobre 2015, op. cit.

* 150 Cf. avis du Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie n° 2014-3 du 7 octobre 2014 sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

* 151 Avis du Comité d'alerte n° 2015-3 du 3 octobre 2015, op. cit.

* 152 Compte rendu intégral de la première séance de l'Assemblée nationale du mardi 20 octobre 2015.

* 153 Ibid.

* 154 Dans sa décision du 5 octobre 2015, le Conseil d'État a partiellement annulé l'arrêté du 25 juin 2014 rendant obligatoire la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, jugeant illégal le dispositif de « différé d'indemnisation ». Toutefois, pour garantir la continuité du système de l'assurance chômage, la haute juridiction a reporté les effets de cette annulation au 1 er mars 2016, sauf en ce qui concerne la récupération des prestations versées à tort et des obligations déclaratives des assurés.

* 155 Pour rappel, l'inflation prévisionnelle associée à la loi de finances initiale pour 2015 était de 0,9 %, contre une prévision révisée de 0,1 %.

* 156 Cour des comptes, référé du 25 février 2014 relatif aux prévisions de recettes fiscales de l'État.

* 157 Estimée à 1,5 % en 2016. Pour mémoire, le taux d'inflation prévu en 2016 est de 1 %.

* 158 « Évolution des départs pour l'étranger et des retours en France des contribuables et évolution du nombre de résidents fiscaux ».

* 159 Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 160 Inspection générale des finances (IGF), « Bilan de la RGPP et conditions de réussite d'une nouvelle politique de réforme de l'État » n° 2012-M-058-01, p. 3.

* 161 Relevé de décisions du CIMAP du 18 décembre 2013.

* 162 En particulier les missions « Aide publique au développement », « Immigration, asile et intégration », « Égalité des territoires et logement », « Sécurités », et « Politique des territoires ».

* 163 L'introduction d'une double norme permet d'éviter que d'éventuelles économies constatées sur la charge de la dette ou les pensions ne soient utilisées pour financer des dépenses nouvelles qui relèvent désormais de la norme « zéro valeur ».

* 164 Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne augmente de 0,8 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 mais diminue au regard de la prévision pour 2016 du projet de loi de programmation des finances publiques.

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