LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative du Gouvernement un amendement minorant de 9 millions d'euros les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (en AE et en CP), correspondant à :

- une majoration de 20,44 millions d'euros des crédits de titre 2 , afin de financer la mise en oeuvre du protocole relatif à l'avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels des carrières et des rémunérations (PPCR), prévu par l'article 57 ter rattaché à la mission (cf. supra ). Cette majoration est ainsi répartie : 17,1 millions d'euros pour le programme 156 ; 630 000 euros pour le programme 218 ; 2,71 millions d'euros pour le programme 302 ;

- une minoration de 29,45 millions d'euros des crédits hors titre 2 , afin de garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État. Cette diminution, répartie sur tous les programmes de la mission, devrait être permise par un pilotage plus resserré de la dépense, notamment en matière d'achats publics et d'investissements immobiliers et informatiques, ainsi que par une rationalisation du financement du régime d'allocation viagère des gérants de débits de tabac.

*

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement de crédits diminuant de 5 millions d'euros les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis », en AE et en CP.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et articles 57 à 57 quater ) et « Crédits non répartis » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte principalement les crédits des deux administrations de réseaux que sont la direction générale de finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), ainsi que les moyens de plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.

Comme depuis plusieurs années, cette mission qui représente 3 % du budget de l'État contribue fortement à l'effort de réduction des dépenses publiques. Ses crédits baisseront de 317 millions d'euros en 2016, soit 15,2 % des réductions totales du budget général, pour s'établir à environ 11 milliards d'euros. Cette baisse correspond, tout d'abord, à la suppression de 2 453 ETP, dont 2 130 ETP pour la seule DGFiP, soit près de 7 400 ETP en trois ans. Les dépenses de personnel diminuent ainsi de 127 millions d'euros cette année. Celles-ci représentent 79 % des crédits de la mission ; elles sont donc le principal levier d'économies. Toutefois, l'annonce par le Président de la République, hier, de la création de 1 000 postes de douaniers supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme remet en cause cette prévision - nous venons d'apprendre que deux douaniers avaient été victimes des tragiques événements de vendredi dernier. Notre première estimation aboutit à un coût supplémentaire de 70 millions d'euros pour 2016. Deux priorités coexistent donc : une réduction des effectifs correspondant aux gains d'efficience, et une hausse des effectifs consacrés à la sécurité, qui sont plus que jamais nécessaires.

L'autre volet des économies de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une réduction nette de 190 millions d'euros des dépenses hors personnel (- 8 %). Celle-ci est toutefois loin de correspondre seulement à des économies sur le fonctionnement courant. Certes, les administrations s'attachent à maîtriser leurs coûts, à l'instar de la DGFiP qui peut encore réduire ses coûts d'affranchissement, grâce aux progrès de la dématérialisation. Néanmoins, à missions constantes, les gisements d'économies de fonctionnement se font de plus en plus rares. En fait, une partie de la baisse tient à la réduction des aides aux buralistes à hauteur de 63 millions d'euros, du fait de la fin du programme triennal 2014-2016 qui concernait 26 000 d'entre eux. En outre, les investissements baissent de 33 millions d'euros - les investissements informatiques de la DGFiP et de la DGDDI étant heureusement préservés.

L'un des principaux chantiers de modernisation tient à la rationalisation du réseau territorial de la DGFiP, avec ses 4 000 points de contact. Ce chantier de long terme doit être mené avec constance : le maintien de petites trésoreries de trois ou quatre agents n'est pas raisonnable. Il ne s'agit pas seulement de faire des économies, mais aussi de fournir un service public de qualité aux usagers et des conditions de travail satisfaisantes aux agents.

Du côté de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), la réorganisation du réseau se poursuit également. L'an dernier, nous avions évoqué la situation du centre de Metz, avec les 130 agents prévus pour Ecomouv' : désormais, il centralisera les services chargés de la fiscalité des transports.

Dans ces réorganisations, le contrôle fiscal ne doit pas être oublié. Le Gouvernement a fait à juste titre de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales une priorité - qui d'ailleurs porte ses fruits, puisque le service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR) devrait rapporter 2,1 milliards d'euros en 2016, après 2,5 milliards d'euros cette année. Les progrès sont également notables en matière de fiscalité internationale, grâce notamment à l'action de l'OCDE. Mais il importe aussi de ne pas baisser la garde sur le terrain. À cet égard, il conviendrait de créer un « indice de couverture du tissu fiscal », pour vérifier qu'aucun territoire n'est oublié. Dans certaines zones, les brigades sont nombreuses et, dans d'autres, très disséminées. La création de cet indice aiderait à rationaliser le réseau.

Le projet de loi de finances contient aussi des mesures intéressantes, telles que l'obligation de posséder un logiciel de caisse certifié pour éviter les fraudes.

Enfin, le numérique est une véritable chance pour les administrations de Bercy. Il ne s'agit pas seulement de la dématérialisation d'un nombre croissant de procédures existantes, déclarations, paiements etc., mais aussi de nouveaux outils, qui s'appuient sur des techniques de data mining - à ce jour, toutefois, seuls dix agents y sont affectés. Nous estimons qu'il conviendrait de repenser le recouvrement de l'impôt lui-même.

Nous avons exploré deux pistes avec le groupe de travail de la commission des finances sur le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique. En ce qui concerne le commerce en ligne, pourquoi ne pas prélever la TVA à la source, au moment du paiement, plutôt que d'attendre une hypothétique déclaration d'un vendeur introuvable ? En ce qui concerne les revenus des particuliers qui utilisent des plateformes comme Airbnb ou Uber , pourquoi ne pas demander à ces plateformes de déclarer automatiquement ces revenus ? Nos interventions auprès de Bruxelles devront se poursuivre car si l'Union européenne reconnait des pertes de recettes de TVA - près de 140 milliards d'euros par an, dont 14 milliards d'euros pour la France -, elle n'est pas encore prête à de telles évolutions.

Le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » rassemble diverses structures d'état-major, d'expertise et de support de Bercy, et affiche une baisse de 5,5 % de ses crédits, soit 58 millions d'euros. Au-delà de l'effort sur les crédits de personnel, les économies sont en partie réalisées sur l'action sociale ministérielle (restauration, tourisme etc.). Surtout, la baisse des dépenses d'investissement tient à l'arrêt de l'opérateur national de paye (ONP) : les économies de 2016 sont une maigre consolation par rapport au milliard d'euros perdu pendant une décennie. Les investissements restants sont consacrés à la mise à jour de l'application existante PAY.

Les crédits du programme 148 « Fonction publique » sont stables, hormis les 30 millions d'euros supplémentaires ouverts pour aider les ministères à recruter 6 000 apprentis, conformément aux engagements du Président de la République.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - La politique immobilière de l'État repose sur deux outils principaux, au-delà des budgets ministériels. Le premier est le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui finance les travaux d'entretien lourd de l'État propriétaire. Il est doté de 145 millions d'euros, soit une légère baisse. Les crédits alloués à la « maintenance corrective » baissent au profit de la « maintenance préventive », ce qui semble être de bonne politique.

Le second outil est le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui finance les travaux structurants de reconversion. Ce compte est financé par les produits de cessions des immeubles de l'État, évalués à 500 millions d'euros pour 2016. L'objectif paraît réaliste, mais à moyen terme les perspectives sont plus inquiétantes : la raréfaction progressive des biens cessibles de qualité pourrait finir par remettre en cause l'équilibre économique du compte d'affectation spéciale. De plus, la liste des cessions peut parfois laisser songeur : on y trouve ainsi un terrain à Palmyre, en Syrie. Vivons-nous dans le même monde que ceux qui dressent ces listes ?

Les produits de cessions sont également réduits du fait des décotes « Duflot » en faveur du logement social, qui permettent de céder un immeuble en-dessous de sa valeur vénale, jusqu'à la gratuité. Le projet de loi de finances prévoit d'ailleurs d'élargir ces décotes. Nous avons obtenu le bilan de ces cessions : depuis 2013, les décotes représentent 75 millions d'euros, soit 61 % de la valeur des vingt-six biens cédés, ce qui a permis la construction de 3 779 logements, dont 2 889 logements sociaux. Sans préjuger du bien-fondé de cette politique, on ne peut que constater que celle-ci ne correspond pas à la vocation du CAS, qui est de contribuer au désendettement et à la modernisation du parc immobilier de l'État. Je vous proposerai donc un amendement tendant à minorer d'un montant égal à la décote consentie le budget du ministère à l'origine de la cession : ainsi, c'est bien le budget général qui assumera le coût de la politique en faveur du logement social, comme c'est sa vocation.

En outre, nous vous proposerons un amendement tendant à faire figurer la liste des décotes « Duflot » en annexe au projet de loi de finances : après tout, celles-ci sont des moindres recettes, comme le sont les dépenses fiscales.

Les recettes de cessions sont pour une part affectées au désendettement de l'État (programme 721), au taux théorique de 30 %. En pratique, celui-ci ne sera que de 16 % en 2016, soit 80 millions d'euros, en raison de multiples régimes d'exonération. Bien entendu, l'existence de ces régimes se comprend, notamment pour le ministère de la défense. Reste que, pour assurer la soutenabilité et la lisibilité du CAS, il faudra à terme envisager la suppression de ces dérogations. Les règles sont aujourd'hui illisibles, avec une série d'exceptions aux exceptions.

En outre, l'équilibre du compte d'affectation spéciale est assuré par une contribution exceptionnelle de 75 millions d'euros du ministère des affaires étrangères... alors même qu'il bénéficie théoriquement d'une exonération pour les biens cédés à l'étranger. Ainsi en est-il de la cession de l'ambassade de France à Hong-Kong, mais le ministère va désormais la louer - et à quel prix ?

Le reste des recettes finance la modernisation du parc immobilier de l'État (programme 723). Ce chantier de long terme implique des choix mais aussi des obligations, par exemple en termes de mise en accessibilité. L'objectif de 14,15 mètres carrés par poste de travail fixé pour 2016 paraît réaliste, sachant que la cible ultime est de 12 mètres carrés pour tous les ministères.

La bonne diffusion des principes de la politique immobilière de l'État est toutefois freinée par la faiblesse de France Domaine. En pratique, les ministères gardent la main sur l'essentiel des dépenses et des décisions, comme pour le choix du régime d'occupation des immeubles (achat, location etc.). En région, l'autorité hiérarchique appartient au préfet, et non aux responsables régionaux de la politique immobilière de l'État (RRPIE). En Île-de-France, la coordination entre administrations centrales et déconcentrées demeure insuffisante et entrave des projets de mutualisation pourtant prometteurs.

Enfin, les opérateurs constituent l'angle mort de la politique immobilière de l'État. Sept ans après les circulaires du Premier ministre, qui nous avions inspirées avec Thierry Carcenac dans le cadre nos travaux à l'Assemblée nationale, leur patrimoine n'est toujours pas connu. Quant à leurs dépenses, elles restent mal estimées et mal pilotées. Pourtant, les possibilités de cession ou de valorisation sont très importantes. Certes, France Domaine a annoncé le « suivi renforcé » de 31 opérateurs dans l'élaboration de leur stratégie immobilière - mais peut-être faudrait-il parler de suivi tout court ? En outre, seule l'université Paris I figure dans la liste alors que les universités représentent 60 % du patrimoine des opérateurs. Un travail considérable reste donc à faire, notamment dans la perspective de la sortie du moratoire sur la dévolution du patrimoine aux universités. Aujourd'hui, ce moratoire enlève toute incitation pour les universités à réaliser des cessions.

La mission « Crédits non répartis », anciennement « Provisions », comprend deux dotations visant à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Cette mission, dénuée de stratégie de performance, est la moins dotée du budget général. Toutefois, ce montant ne comprend pas, à ce stade, les crédits de subvention versés sur proposition du Parlement, qui seront intégrés par voie d'amendement en cours de navette.

Les crédits sont en nette augmentation : la dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » s'établit à 11,4 millions d'euros en crédits de paiement, une première depuis 2009. Elle correspond aux mesures d'accompagnement des réorganisations de services liées à la nouvelle organisation territoriale de l'État. La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » disposera quant à elle de 324 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 24 millions d'euros de crédits de paiement. Une nouvelle fois, nous rappelons que la doctrine d'emploi des crédits de ce programme devrait être clarifiée. Dans le passé, la Cour des comptes a critiqué le fait que ce programme a été utilisé pour répondre à des besoins de crédits de personnel en fin de gestion. Cette année, le montant des crédits a été revu à la baisse dès l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale pour contribuer au financement des dépenses supplémentaires votées par les députés. Dans les deux cas, on est assez loin de l'objet de ce programme prévu par la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Enfin, quatre articles sont rattachés à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

L'article 57 étend le bénéfice du dispositif de cessation anticipée d'activité et de l'allocation afférente à l'ensemble des agents publics victimes d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante, sur le modèle du dispositif existant pour les salariés du secteur privé. Il s'agit d'une mesure d'équité, que nous vous proposons d'adopter.

L'article 57 bis prolonge, jusqu'au 31 décembre 2018, l'expérimentation relative au contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires par les caisses primaires d'assurance maladie. Cette prolongation permettra d'achever l'évaluation de l'expérimentation et de tester de nouveaux outils juridiques et techniques avant la généralisation. Nous y sommes favorables.

L'article 57 ter tire les conséquences de la mise en oeuvre du protocole d'accord relatif à l'avenir de la fonction publique et à la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations en prévoyant un abattement sur certaines indemnités perçues par les fonctionnaires accompagnant la rénovation des grilles indiciaires. Il harmonise en outre les règles en matière d'avancements d'échelons au sein des trois fonctions publiques. Je suis favorable à l'amendement déposé par notre rapporteur général supprimant cet article. En effet, celui-ci n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact - il est issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée. Lorsque nous avons entendu la Cour des comptes sur son rapport relatif à la masse salariale dans la fonction publique, elle nous avait dit que le coût consolidé dans la durée pouvait être particulièrement élevé.

Enfin, l'article 57 quater prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement sur les conséquences des suppressions de postes à la DGDDI. Compte tenu des annonces faites hier par le Président de la République, ce rapport n'a plus lieu d'être. Nous vous proposons donc de supprimer cet article.

Nous sommes favorables à l'adoption de ces missions, sous réserve de l'adoption des amendements que le rapporteur général et nous-mêmes vous présentons.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Par le passé, j'étais avec Philipe Dallier rapporteur spécial de cette mission : si la DGFiP donne l'exemple en matière de réduction d'effectifs, du fait des évolutions technologiques, il faut néanmoins prendre garde à ne pas supprimer les emplois utiles pour repérer les fraudes fiscales complexes, la TVA carrousel ou encore le non-versement de la TVA pour le commerce électronique. Bercy doit veiller à supprimer les postes strictement non indispensables. Par exemple, les représentants des hôteliers s'inquiètent de la concurrence déloyale des locations meublées qui ne sont pas soumises à la fiscalité. Ce constat vaut aussi pour les douanes, les mille postes annoncés hier étant destinées aux missions de sécurité et non aux missions fiscales.

M. Maurice Vincent . - Les réductions d'effectifs peuvent-elles se prolonger encore longtemps ?

Le Gouvernement souhaitait mobiliser des terrains publics pour relancer le logement social. La décote « Duflot » ne s'appliquerait pas beaucoup du fait de multiples difficultés. Quelles sont-elles ?

M. Marc Laménie . - Merci pour cette présentation très pédagogique. Dans nos départements, les petites trésoreries ferment : c'est bien dommage, d'autant que les communes doivent s'acquitter de tâches auparavant dévolues aux agents de l'État. La dématérialisation s'est faite au détriment des collectivités locales, surtout des petites.

Je regrette aussi que les effectifs des douanes ne soient pas plus importants pour lutter efficacement contre toutes les formes de fraudes : trafics, contrefaçons etc. Avec si peu de douaniers, comment contrôler les camions, si nombreux sur nos routes ?

M. Éric Doligé . - Dans leur rapport, les rapporteurs spéciaux souhaitent que les exonérations de contribution au désendettement dont bénéficient certains ministères soient supprimées, mais pas à court terme. Il faudra bien trouver des compensations pour les ministères concernés : ainsi, les ventes du ministère des affaires étrangères vont à l'entretien et à la sécurisation des ambassades et des consulats. Il faudrait des règles précises pour que les ministères sachent en début d'année quels sont les travaux qu'ils peuvent réaliser.

Mme Marie-France Beaufils . - Pour lutter contre la fraude et l'optimisation fiscales, il faut du personnel. Les services ne disposent plus des moyens nécessaires pour contrôler les déclarations. Nombre de collectivités territoriales estiment que les montants acquittés au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne correspondent pas à la réalité du terrain. Lors de mes investigations à Paris, j'ai constaté que la mobilisation pour le CICE s'est effectuée au détriment d'autres missions. En outre, la dématérialisation a un énorme impact sur les collectivités : c'est un véritable transfert de charge, les plus petites n'ayant pas les moyens pour y faire face.

M. Claude Raynal . - Il est prévu que le CAS abonde durant de nombreuses années le budget de l'État.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Et entretienne le patrimoine.

M. Claude Raynal . - Les plus beaux immeubles ayant été vendus, nous arrivons à l'asymptote et les ventes se réduiront ensuite. Le CAS, à terme, ne sera plus soutenable. En tant qu'élu local, toutefois, je suis favorable à la décote « Duflot » qui a aidé à mener à bien des opérations immobilières - celles-ci sont complexes et prennent parfois une mandature. En revanche, j'estime comme vous qu'il faut que cette procédure apparaisse dans le budget de l'État.

M. Antoine Lefèvre . - Le marché national d'évaluation passé par France Domaine avec BNP Real Estate s'est révélé décevant. Ainsi, dans mon département, des ventes de bâtiments militaires sont impossibles du fait d'évaluations beaucoup trop élevées.

M. Richard Yung . - Le ministère des affaires étrangères avait naguère passé un accord avec une filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour mener à bien ces évaluations à l'étranger. Elles n'ont rien donné, car il est presque impossible de connaître les marchés immobiliers dans une centaine de pays.

Un tableau du rapport montre que sur 500 millions d'euros de cessions, 142 millions d'euros sont le fait du ministère de la défense et 232 millions d'euros du ministère des affaires étrangères, soit 75 % du total. Cette politique repose sur une tête d'épingle. La vente du campus de Kuala Lumpur a été une excellente opération. En revanche, l'État prélève sa part, ce que je considère être une sorte de racket. Toute cette politique mériterait d'être repensée à moyen terme.

M. Michel Canevet . - Certaines autorités administratives indépendantes louent des locaux bien plus chers que 400 euros par mètre carré, comme l'ont signalé les rapporteurs spéciaux dans leur rapport ou notre collègue Jacques Mézard dans le cadre de la commission d'enquête sur le sujet. J'espère que la situation va s'améliorer.

Le regroupement des services du ministère de la défense à Balard, et du Premier ministre à Ségur-Fontenoy, contribuera-t-il à réduire les coûts et à rationaliser le fonctionnement de l'État ?

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Les évolutions démographiques, économiques et technologiques appellent une redistribution géographique des services fiscaux. On ne peut plus accepter que des entreprises soient vérifiées tous les six ans parce qu'elles sont implantées sur d'anciens bassins industriels tandis que, dans d'autres zones, elles ne le soient que tous les soixante-dix ans. Nous devons restaurer l'égalité entre territoires.

En raison des évolutions technologiques, le besoin en personnel est moindre, mais il faudra continuer à répondre aux demandes d'information des contribuables. Il faudra surtout revoir les méthodes de perception de la TVA et les contrôles du CICE qui durent en moyenne trois heures - soit, pour l'ensemble des demandes de restitution, l'équivalent de 285 agents à temps plein. Nous devrons imaginer une autre façon de travailler, mais je doute que la réflexion soit engagée. La loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) va entraîner une nouvelle organisation régionale, des fusions de communes, de nouvelles intercommunalités, et elle aura par conséquent un impact sur les trésoreries. La dématérialisation, qui va encore s'accélérer, va avoir des conséquences indéniables sur les petites communes. Enfin, n'oublions pas que la retenue à la source doit intervenir en 2018. Ces différents chantiers appellent à un véritable dialogue social.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Avec les occupations illégales, les conditions suspensives, les recours des riverains, les montages financiers, il s'écoule beaucoup de temps entre le moment où un bien est inscrit sur la liste et celui où il est vendu. Heureusement, notre ancien collègue Thierry Repentin est là pour faire avancer les dossiers.

Néanmoins, certaines opérations laissent songeur : l'immeuble de l'institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), rue de Lille à Paris, a subi une décote de 77 %, soit 4,8 millions sur un bâtiment estimé à 6,2 millions, pour construire... seulement 18 logements, soit une subvention d'État de 267 000 euros par logement. La ville de Paris se trouve de facto détentrice d'un droit de préemption sur le budget de l'État pour ses logements sociaux, contrairement à d'autres collectivités moins bien loties. Or le prix d'acquisition du foncier est souvent la variable d'ajustement qui permet de réaliser ou non de tels projets.

Le CAS a rarement pu fournir les 30 % des produits de cessions destinés au désendettement de l'État, et il le pourra de moins en moins car il faudra assurer la maintenance et l'accessibilité du patrimoine. En outre, l'État n'a pas de réelle stratégie sur les cessions : la question de l'avantage comparatif de la vente sur la valorisation locative, y compris par un tiers, n'est jamais posée. En outre, l'État ne réalise jamais de travaux avant une cession pour optimiser le prix de vente. En revanche, avec les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), France Domaine s'est dotée de bons outils.

L'avenir du CAS est posé car les biens cessibles de qualité sont de moins en moins nombreux. Le ministère des affaires étrangères n'a pas d'autres moyens que la vente de ses biens immobiliers pour assurer la réfection et la sécurisation de ses ambassades et consulats. Nous aurons le même problème avec le parc universitaire qui est dans un état déplorable, mis à part les bâtiments neufs. Comment mettre à niveau le parc existant ? De nouvelles dérogations seront demandées. Le retour aux universités est d'ailleurs prévu dans le cas de l'opération d'intérêt national (OIN) de Saclay - je suis à l'origine de l'amendement qui le permet.

Mme Michèle André , présidente . - Merci pour toutes ces précisions fort utiles.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je vais vous présenter des amendements transversaux qui concernent l'ensemble des fonctions publiques, et qui sont par convention rattachés à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

L'amendement n° 1, qui porte article additionnel après l'article 57, déjà présenté l'an passé, rétablit les trois jours de carence dans la fonction publique afin de lutter contre l'absentéisme et de se rapprocher de la situation du privé. Nous en débattrons en séance.

La commission a adopté l'amendement n° 1.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement n° 2, qui réduit les crédits de la mission à hauteur de 200 millions d'euros, tire les conséquences de l'amendement que nous venons d'adopter.

La commission a adopté l'amendement n° 2.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement de crédits n° 3 pose la question du temps de travail dans la fonction publique. Cette piste a été évoquée par la Cour des comptes dans le rapport que nous lui avions commandé au titre de l'article 58-2 de la LOLF. Une augmentation de 1 % du temps de travail dans la fonction publique équivaudrait à 700 millions d'euros d'économies. Je propose d'aligner le temps de travail du public sur le privé, à savoir 37,5 heures par semaine. Nous économiserions ainsi 2,2 milliards d'euros, tout simplement.

La commission a adopté l'amendement n° 3.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement de crédits n° 4, adopté l'an passé par le Sénat, ralentit le glissement vieillesse-technicité (GVT) automatique, soit 1,18 milliard d'euros d'économies.

M. Richard Yung . - Vous retardez ainsi le vieillissement !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Non, son automaticité !

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - C'est un amendement de jouvence !

La commission a adopté l'amendement n° 4.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement de crédits n° 5 reprend une préconisation de la Cour des comptes sur la masse salariale des opérateurs l'État : entre 2009 et 2013, elle a augmenté de 50 %. Comme le demande également la commission d'enquête sur les autorités administratives indépendantes, nous proposons de la contenir, à hauteur de 184 millions d'euros.

La commission a adopté l'amendement n° 5.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement n° 6, qui supprime l'article 57 ter , ne marque pas une opposition de principe aux mesures de revalorisation des régimes indemnitaires dans la fonction publique. Simplement, nous n'avons aucune étude d'impact sur son coût. Nous demanderons au Gouvernement des précisions, notamment en raison des conséquences de cette mesure sur les collectivités territoriales.

M. Claude Raynal . - Contre !

La commission a adopté l'amendement n° 6.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - L'amendement n° 7 supprime l'article 57 quater qui demande un rapport sur la baisse des effectifs de la direction générale des douanes et droits indirects, compte tenu des annonces d'hier.

La commission a adopté l'amendement n° 7.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - L'amendement n° 8, que je dépose seul et qui porte article additionnel après l'article 63, reprend celui de l'an dernier sur l'imputation au budget de chaque ministère la décote « Duflot ».

La commission a adopté l'amendement n° 8.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - L'amendement n° 9, que nous présentons conjointement avec Thierry Carcenac et qui porte article additionnel après l'article 63, propose une annexe au projet de loi de finances pour recenser le coût des opérations « Duflot », par analogie à une dépense fiscale.

La commission a adopté l'amendement n° 9.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ainsi modifiés.

Elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 57, ainsi que l'article 57 bis .

Elle a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 57 ter et l'article 57 quater .

*

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen définitif des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (et articles 57 à 57 quater ) et « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Elle a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », tels que modifiés par ses amendements ; l'adoption sans modification des crédits de la mission « Crédits non répartis » et des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ; l'adoption sans modification des articles 57 et 57 bis , la suppression des articles 57 ter et 57 quater , et l'adoption de trois amendements portant articles additionnels.

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