B. UNE SOUS-BUDGÉTISATION CHRONIQUE, QUI TEND À MASQUER L'ÉVOLUTION RÉELLE DE LA DÉPENSE

1. L'ouverture de 87,6 millions d'euros de crédits supplémentaires par le projet de loi de finances rectificative pour 2015

La loi de finances initiale pour 2015 a doté l'action 2 du programme 183 « Protection maladie » relative à l'AME de 676,4 millions d'euros en AE et en CP , dont 632,7 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun.

En dépit d'une augmentation de 12 % des crédits par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2014, la budgétisation pour 2015 apparaissait largement sous-estimée , au regard de l'exécution constatée en 2013 - 744 millions d'euros pour les seules dépenses prises en charge par l'État - et de l'ouverture de 155 millions d'euros supplémentaires prévue par la loi de finances rectificative pour 2014.

Comparaison des dépenses d'AME prévues, prises en charge par l'État et constatées par l'assurance maladie

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

Prévision LFI

Consom-

mation*

Dépenses CNAMTS

Prévision LFI

Consom-

mation

Dépenses CNAMTS

Prévision LFI

PLFR

AME de droit commun

543,0

702,2

714,8

560,0

717,2

722,9

632,7

720,3

AME soins urgents

40,0

40,0

129,0

40,0

40,0

105,2

40,0

40,0

Autres dispositifs AME

5,0

1,7

0,0

4,9

2,7

0,0

3,8

3,8

Total

588,0

744,0

843,8

604,9

759,9

828,1

676,4

764,1

* Dépenses constatées et prises en charge par l'État dans le cadre de la mission « Santé ».

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances de la mission « Santé » pour 2013 et 2014 et des projets annuels de performances pour 2015 et 2016)

Sans surprise, le projet de loi de finances rectificative pour 2015 , présenté le 13 novembre 2015 en Conseil des ministres, prévoit l'ouverture de 87,6 millions d'euros supplémentaires en AE et en CP sur le programme 183 « Protection » afin de couvrir les besoins constatés en matière d'AME de droit commun . Selon le projet de loi précité, « cette hausse de la dépense s'explique principalement par une progression du nombre de bénéficiaires de l'AME , qui n'a pu être que partiellement compensée par une baisse du coût moyen par patient liée à la mise en oeuvre de la réforme de la tarification des soins hospitaliers pris en charge au titre de l'AME et la fin de prise en charge des médicaments dont le service médical rendu est faible ». Le projet de loi de finances initiale pour 2015 avait en effet retenu une hypothèse de croissance annuelle des effectifs de 3,9 % alors même que ces derniers avaient augmenté de 4,2 % en 2014 et de 11,9 % en 2013.

Comparaison entre la prévision initiale et l'exécution des crédits relatifs à l'AME de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

(1) Le montant présenté en exécution pour 2015 correspond à la prévision actualisée par le projet de loi de finances rectificative pour 2015

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances pour 2010 à 2014, du projet annuel de performances pour 2016 et du projet de loi de finances rectificative pour 2015)

Au total, les dépenses de l'État, tous types d'AME confondus, atteindraient 764 millions d'euros en 2015 et seraient donc relativement proches de l'exécution 2014. En particulier, la dépense d'AME de droit commun progresserait seulement de 0,4 % par rapport au montant constaté en loi de règlement pour 2014 16 ( * ) . Pour mémoire, en 2014, les dépenses totales d'AME de droit commun enregistrées par l'assurance maladie avaient augmenté de 1,1 % par rapport à 2013, contrairement à ce que le laissait supposer l'ouverture de 155 millions d'euros supplémentaire en loi de finances rectificative.

Observation n° 10 : le projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit l'ouverture de 87,6 millions d'euros supplémentaires sur le programme 183 « Protection maladie » afin de couvrir les besoins constatés au titre de l'AME de droit commun . Ce nouvel abondement de crédits s'explique principalement par la sous-budgétisation initiale du dispositif plutôt que par l'évolution réelle des dépenses. Les dépenses d'AME de droit commun n'augmenteraient, en effet, que de 0,4 % par rapport au montant constaté en loi de règlement pour 2014.

2. Une majoration de 10 % des crédits ouverts en 2016

Le présent projet de loi de finances fixe à 744,5 millions d'euros en AE et en CP le montant des crédits ouverts pour l'action 2 « Aide médicale d'État » du programme 183 « Protection maladie », soit une progression de 10 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2015 . Néanmoins, ce montant est d'ores et déjà inférieur de 19,6 millions d'euros à la prévision actualisée par le projet de loi de finances rectificative pour 2015 .

Pour 2016, ces crédits se décomposent en :

- une dotation budgétaire de 700 millions d'euros pour l'AME de droit commun , supérieure de 67 millions d'euros au montant inscrit l'année précédente en loi de finances initiale ;

- une dotation forfaitaire de 40 millions d'euros à la CNAMTS afin de participer au financement du dispositif des soins urgents , soit un montant stable par rapport aux années précédentes ;

- 4,5 millions d'euros destinés aux autres types d'AME , en particulier l'AME dite « humanitaire », pour le remboursement des prises en charge exceptionnelles décidées par le ministre en charge de la santé et l'aide médicale en faveur des personnes gardées à vue.

Le projet annuel de performances de la mission « Santé » justifie la prévision de dépenses d'AME de droit commun par l'impact conjugué :

- de l'évolution tendancielle de la dépense, estimée à 760 millions d'euros en 2016 , en progression de 5,5 % par rapport à la prévision actualisée pour 2015. Le projet annuel de performances indique que cette estimation se fonde sur une hypothèse « d'évolution moyenne annuelle des effectifs de bénéficiaires de l'AME conforme à celle observée entre 2008 et 2014, soit + 4,9 % par an » et sur « un coût moyen des dépenses de santé prises en charge tenant notamment compte de l'impact, d'une part, de la fin de la prise en charge des médicaments à service médical rendu faible 17 ( * ) , d'autre part, de la suppression des coefficients de majoration de certains tarifs hospitaliers appliquées de 2012 à 2014 18 ( * ) ».

- des économies « réalisées du fait de la réforme du droit d'asile . Celle-ci devrait en effet permettre de réduire le nombre de bénéficiaires de l'AME ». Cette dernière hypothèse apparaît très fragile, a fortiori dans le contexte actuel de mouvements migratoires importants de ressortissants de pays d'Afrique et du Moyen-Orient vers l'Europe.

Observation n° 11 : la prévision actualisée de dépenses d'AME pour 2015 étant d'ores et déjà supérieure de près de 20 millions d'euros aux 744,5 millions d'euros crédits inscrits pour ce dispositif en 2016 - en hausse de 10 % par rapport à 2015 - une nouvelle sous-budgétisation est à craindre . Les incertitudes relatives à l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun font également peser un aléa important sur la prévision de dépenses.


* 16 Sans tenir compte du solde dû par l'État à l'assurance maladie au titre de l'exercice 2014.

* 17 L'économie attendue de cette mesure est de 5 millions d'euros en 2016.

* 18 L'économie attendue de cette mesure est de 60 millions d'euros en 2016.

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