Rapport n° 237 (2015-2016) de M. Claude MALHURET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 9 décembre 2015

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N° 237

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 décembre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l' Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique ,

Par M. Claude MALHURET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir les numéros :

Sénat :

210 (2014-2015) et 238 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 210 (2014-2015) autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique, appelée aussi Convention MÉDICRIME.

Aux termes du préambule et de son article 1 er , cette convention a pour objet de prévenir et combattre les menaces qui pèsent sur la santé publique en érigeant en infractions la contrefaçon des produits médicaux et autres actes similaires, y compris la tentative de contrefaçon et la complicité ; en protégeant les droits des victimes contre les atteintes liées à ces infractions et en encourageant la coopération nationale et internationale contre ces infractions. La Convention MÉDICRIME est le premier instrument international juridiquement contraignant dans le domaine du droit pénal dont l'objet est de lutter spécifiquement contre la contrefaçon des produits médicaux.

La contrefaçon des produits médicaux est une activité lucrative et peu risquée dont les organisations criminelles internationales se sont emparées, ce qui donne à ce phénomène mondial une ampleur qui va croissant. D'ailleurs, pour lutter contre cette menace mondiale, la Convention est ouverte aux États membres et non membres du Conseil de l'Europe.

Compte tenu des effets hautement préjudiciables de la contrefaçon des produits médicaux pour la santé et la vie des personnes, ainsi que pour la santé publique et convaincue de la nécessité d'éradiquer ce phénomène qui n'épargne aucun pays , la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi .

PREMIÈRE PARTIE : LE PREMIER INSTRUMENT INTERNATIONAL CRIMINALISANT LE TRAFIC DES FAUX PRODUITS MÉDICAUX

I. LA « CONTREFAÇON » DES PRODUITS MÉDICAUX : UN PHÉNOMÈNE MONDIAL EN EXPANSION AUX EFFETS DÉVASTATEURS

Ces dernières années, nombreux sont les scandales sanitaires liés à la contrefaçon de produits médicaux qui ont défrayé la chronique . On se souvient de l'affaire des faux sirops pour la toux qui contenaient en réalité du diéthylène glycol et qui a entrainé la mort de plus de 100 enfants en 2006, au Panama. Les autorités de santé rapportent régulièrement des cas de produits contrefaits et le tableau ci-dessous, dressé par l'OMS, en est une illustration :

Médicament faux/faussement étiqueté/falsifié/contrefait

Pays/année

Rapport

1. Avastin (traitement du cancer)

États-Unis d'Amérique, 2012

La contrefaçon a touché 19 cabinets médicaux aux États-Unis. Le produit ne contenait pas le principe actif. 1

2. Viagra et Cialis (dysfonctionnements érectiles)

Royaume-Uni, 2012

Introduits en contrebande au Royaume-Uni. Contenaient des principes actifs non déclarés, pouvant présenter des risques sanitaires graves pour le consommateur. 2

3.Truvada et Viread (VIH/sida)

Royaume-Uni, 2011

Saisis avant qu'ils ne parviennent aux malades. Produits authentiques détournés présentés dans un emballage falsifié. 3

4. Zidolam-N (VIH/sida)

Kenya, 2011

Près de 3000 malades touchés par un lot falsifié de leur traitement antirétroviral. 4

5. Alli (perte de poids)

États-Unis d'Amérique, 2010

Introduit en contrebande aux États-Unis d'Amérique. Contenait des principes actifs non déclarés pouvant présenter des risques sanitaires graves pour le consommateur. 5

6. Médicament antidiabétique traditionnel (hypoglycémiant)

Chine, 2009

Contenait six fois la dose normale de glibenclamide. Deux personnes sont mortes, neuf ont été hospitalisées. 6

7. Metakelfin (antimalarial)

République-Unie de Tanzanie, 2009

Découvert dans 40 pharmacies. Le médicament ne contenait pas suffisamment de principe actif. 7

1. Food and Drug Administration, United States of America.

2. The Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, United Kingdom.

3. The Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, United Kingdom.

4. Pharmacy Board, Kenya.

5. Food and Drug Administration, United States of America.

6. State Food and Drug Administration, People's Republic of China.

7. Tanzania Food and Drugs Authority, United Republic of Tanzania.

La contrefaçon des produits médicaux est un phénomène en pleine croissance dans tous les pays du monde qui peuvent être impliqués en tant que lieux de fabrication, de transit ou de commercialisation. Elle touche tous les produits, majoritairement les produits érectiles, les amincissants, les stimulants et excitants, mais également des produits plus communs comme les anti-diarrhéiques. Quasiment tous les produits médicaux qui font l'objet d'une forte demande, font l'objet de contrefaçon ou sont susceptibles d'en faire l'objet . Le développement du commerce sur Internet a encore aggravé le phénomène en permettant de distribuer facilement ces produits contrefaits à des clients et des patients dans le monde entier, en dehors de toute prescription médicale.

La criminalité organisée s'est emparée de ce secteur qui est une source de profits importants et qui présente peu de risques car difficile à repérer : les criminels ayant la possibilité de se déplacer rapidement pour aller dans des zones moins contrôlées et l'essentiel de la distribution des produits contrefaits se faisant via Internet par l'intermédiaire de sites frauduleux. Le caractère transnational de cette activité criminelle complique en outre la poursuite en justice des auteurs d'infractions et la saisie des produits du crime . Faute de dispositions pénales spécifiques ou de sanctions suffisamment sévères, la répression est rarement à la hauteur des dommages causés aux patients.

Cette activité criminelle « classique » ou via Internet génère un chiffre d'affaires de plusieurs milliards d'euros dont l'ampleur réelle est difficile à évaluer compte tenu de son caractère clandestin et de la révélation de ces informations à la fin d'enquêtes juridiques parfois très longues. La diversité des sources d'information, des définitions, des méthodes rendent également difficiles la compilation et la comparaison des statistiques.

Selon le Conseil de l'Europe 1 ( * ) , les dernières estimations indiquent que les ventes mondiales de médicaments contrefaits, après avoir doublé seulement en cinq ans, entre 2005 et 2010, représenteraient plus de 70 milliards d'euros par an . La perte de revenus due aux produits contrefaits est d'environ 250 milliards de dollars par an. De nombreuses études relèvent également la présence d'un grand nombre de sites Internet vendant des produits médicaux soumis à prescription sans exiger d'ordonnances.

Répondant par écrit aux questions de votre rapporteur, les services du ministère des affaires étrangères et du développement international 2 ( * ) lui ont apporté les informations suivantes.

En 2014 , sur 35,6 millions d'articles interceptés par les douanes des Etats membres de l'UE aux frontières de l'UE , sur le fondement du Règlement UE n° 608/2013 relatif au contrôle par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle, 2,8 millions d'articles (8 % des interceptions pour 4 millions d'euros) sont des médicaments contrefaisants importés, pour la plupart, de Chine et d'Inde (96 %). Après les cigarettes et les jouets, les médicaments représentaient ainsi le troisième type de marchandises le plus intercepté. Pour la cinquième année consécutive, les médicaments sont les marchandises de contrefaçon les plus interceptées en frontière tierce sur le vecteur du fret postal et du fret express (18% des interceptions).

En 2014 , la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) a saisi 2,6 millions d'articles de médicaments contrefaisants (sur un total de 8,8 millions d'articles de contrefaçons interceptés). Les médicaments contrefaisants saisis en France sont très majoritairement importés d'Asie et principalement d'Inde. Les interceptions de médicaments contrefaisants dans le fret postal et le fret express sont en très fort développement en raison des achats sur Internet réalisés par des particuliers en France.

À cet égard, les résultats de la dernière opération dite « PANGEA VIII », menée du 9 au 16 juin 2015 , sous la direction notamment de l'Organisation mondiale des douanes (OMD) et d'Interpol, afin de lutter contre les réseaux criminels à l'origine de la vente illicite de médicaments et dispositifs médicaux sur Internet donnent aussi une idée de l'ampleur du phénomène. Cette opération qui a réuni 115 pays, dont la France, a abouti à 156 arrestations dans le monde entier et à la saisie de 20,7 millions de médicaments illicites ou contrefaisants potentiellement dangereux d'une valeur totale de 81 millions de dollars , soit plus du double de la quantité saisie lors de l'opération PANGEA similaire en 2013. L'opération a également conduit à l'ouverture de 429 enquêtes, au retrait de 550 publicités en ligne relatives à des produits pharmaceutiques illégaux et à la fermeture de 2 414 sites Web. 81 % des saisies ont été réalisées dans le fret postal.

Ce fléau mondial porte un grave préjudice à la santé des individus en fournissant aux patients et clients des produits médicaux de moindre efficacité, voire dangereux . Il nuit à la santé publique de manière plus générale en ruinant la confiance du grand public dans les autorités sanitaires et les systèmes de santé. D'ailleurs, l'on ne peut pas exclure que des médicaments falsifiés ne soient pas un jour mélangés avec des médicaments licites dans les chaînes officielles d'approvisionnement de produits médicaux. La France reste relativement épargnée , l'encadrement du circuit de distribution des médicaments et le monopole pharmaceutique constituant pour l'instant une barrière efficace.

Même si la Convention MÉDICRIME ne vise pas à apporter une réponse économique à ce problème, l'on ne peut pas complétement passer sous silence les graves conséquences économiques et sociales de la contrefaçon de produits médicaux. Comme l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe l'a souligné en 2004, puis en 2007, elle « érode les marchés pour les producteurs légitimes, porte atteinte à la réputation des marques, entraîne des distorsions dans la concurrence, pénalise l'emploi et réduit les recettes fiscales ».

II. LE PREMIER INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT ET SPÉCIFIQUE POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE CE FLÉAU

Avant la convention MÉDICRIME , les organisations internationales spécialisées avaient déjà réalisé des travaux importants dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon des produits médicaux sous l'angle de la protection des droits de la propriété industrielle, mais n'avaient pas abordé la question de la mise en danger de la santé.

Répondant par écrit aux questions de votre rapporteur, les services du Ministère des affaires étrangères et du développement international 3 ( * ) ont fait état notamment des travaux de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'Interpol, de l'Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) ainsi que de l'Organisation mondiale des douanes (OMD).

Une résolution (la résolution WHA 65.19), adoptée lors de la soixante-cinquième assemblée mondiale de la santé en 2012, a rétabli un mandat sur l'OMS pour combattre les produits médicaux de qualité inférieure, faux, faussement étiquetés, falsifiés ou contrefaits, s'inscrivant dans son rôle fondamental de protection de la santé publique. Pour ce faire, un nouveau « dispositif des États membres » (non contraignant) a été instauré, qui vise à protéger la santé publique et à promouvoir l'accès à des produits médicaux de qualité, sûrs, efficaces et d'un prix abordable. Il a également pour objet d'instaurer une collaboration entre les États membres et le secrétariat de l'OMS, pour prévenir et contrôler les produits médicaux contrefaits et les activités associées.

Le « dispositif des États membres » a initié un plan de travail en 8 points :

- renforcement des capacités des autorités et laboratoires de contrôle qualité (au niveau national et régional) ;

- coopération et collaboration entre autorités nationales (mais aussi régionales) ;

- communication, éducation et sensibilisation ;

- consultation, coopération et collaboration transparente et coordonnée ;

- recensement des mesures, activités et comportements à risque ;

- renforcement des capacités nationales et régionales garantissant l'intégrité des chaînes d'approvisionnement ;

- collaboration en matière de surveillance et de suivi ;

- collaboration sur l'accès à des produits médicaux de qualité, sûrs, efficaces et d'un prix abordable.

En 2006 , après avoir déclaré que « la contrefaçon de médicaments est un crime grave et ignoble qui met en danger la vie des êtres humains et mine la crédibilité des systèmes de santé », l'OMS a mis en place un groupe de travail international pour combattre la contrefaçon des produits médicaux, dénommé IMPACT 4 ( * ) . Ce groupe de travail, qui réunissait des représentants des organisations internationales et des organisations non gouvernementales (ONG), de l'industrie pharmaceutique et d'agences de régulations ainsi que des représentants d'Interpol a contribué' a` faire connaître la problématique de la contrefaçon pharmaceutique et a` dessiner les contours des infrastructures juridiques nécessaires a` la lutte. La définition de « la contrefaçon » adoptée par le groupe était assez large, et certains ont pu y voir une prédominance des aspects de propriété intellectuelle sur les questions de qualité, de sûreté et d'efficacité des médicaments. Ce groupe de travail a assez rapidement fait l'objet de critiques, notamment en raison de possibles conflits d'intérêts en son sein même. Les ONG et la plupart des pays du Sud ont donc demandé à l'OMS d'observer un certain retrait à l'égard d'IMPACT et de se concentrer sur les conséquences strictement sanitaires des faux médicaments. En 2011, l'OMS n'a pas renouvelé' le mandat du groupe IMPACT.

En janvier 2010 a été créée l'unité Medical Products Counterfeiting and Pharmaceutical Crime (MPCPC) d'Interpol qui a pour mission de :

- coordonner des opérations de terrain visant à déstabiliser les réseaux criminels transnationaux ;

- dispenser des formations visant à renforcer les compétences et les connaissances au sein de tous les organismes participant à la lutte contre la criminalité pharmaceutique ;

-  et d'établir des partenariats dans différents secteurs.

Depuis 2010, l'Organisation mondiale des douanes a développé des IPM ( Interfaces Public Members ) qui permettent aux entreprises du secteur pharmaceutique de rassembler au sein d'une banque de données l'ensemble des informations relatives à leurs produits et ce, afin de faciliter le travail d'identification des médicaments contrefaits par les douaniers sur le terrain. Ceux-ci disposent ainsi de « fiches produits » en ligne qui sont sécurisées, traduites et mises à jour en temps réel par les titulaires des droits de propriété intellectuelle. Cet outil permet également d'effectuer la consolidation des saisies réalisées

En 2011 , lors de la 20e session de la Commission pour la Pre'vention du Crime et la Justice Pe'nale des Nations unies, les membres ont adopté' la re'solution 20/6 « Lutte contre les médicaments frauduleux, en particulier leur trafic » qui définit le rôle de l'Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) dans la lutte contre les me'dicaments frauduleux. L'Office est ainsi invité à collaborer avec d'autres organismes des Nations unies, des organisations internationales telles que l'OMS, l'Organisation mondiale des douanes et INTERPOL et des autorite's nationales, afin de lutter, a` tous les niveaux, contre la criminalité' organisée active dans le secteur des produits pharmaceutiques. Depuis 2013, un programme spécifique de l'ONUDC s'attache à l'élaboration de dispositions législatives types susceptibles de guider les Etats vers un système de justice criminelle efficace et transparent, à même de les soutenir pour combattre toute forme de criminalité organisée.

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté, le 8 juin 2011, une nouvelle directive 2011/62/UE modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés dite directive « Médicaments falsifiés ». Cette directive vise « à faciliter la détection de médicaments falsifiés, d'améliorer la qualité des vérifications et des contrôles de la chaîne de production et de distribution, pour, à terme, éviter l'introduction de produits falsifiés au sein de la chaîne légale de médicaments. Elle intègre également de nouvelles exigences auxquelles vont devoir répondre les pharmacies en ligne, et ce, afin de contrer la vente illégale de médicaments via Internet » . 5 ( * ) Elle ne vise que les médicaments à usage humain et donc pas les médicaments vétérinaires et n'oblige pas expressément les Etats membres à prendre des dispositions pénales.

Le Conseil de l'Europe, quant à lui, suit depuis longtemps la question de la contrefaçon des produits médicaux et des autres menaces pour la santé publique, dans la mesure où il s'agit d'atteintes au droit à la vie consacré par l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. À cet égard, la Convention du Conseil de l'Europe de 1964 relative à l'élaboration d'une pharmacopée européenne participe à la protection de la santé publique en fournissant des normes de qualité des médicaments et de leurs composants. La Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santés (DEQM) créée en 1994 « coordonne un programme de travail concret visant à protéger la santé publique des dangers de la contrefaçon des médicaments et la criminalité connexe grâce à une bonne gestion des risques, à des mesures de prévention et à l'amélioration de la coopération entre les Etats membres et les autres acteurs concernés en Europe et au-delà. Elle collabore également avec des organisations nationales et internationales aux efforts visant à lutter contre la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires ». 6 ( * )

Le rapport sur les médicaments contrefaits dit « rapport Harper » publié par le Conseil de l'Europe, en janvier 2006 , a mis en lumière les lacunes des dispositions législatives et règlementaires des États membres Parties à l'accord partiel dans le domaine social et de la santé publique. Par la suite, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a apporté un important soutien aux travaux du Conseil de l'Europe par ses recommandations 1673 (2004) « La contrefaçon : problèmes et solutions » et 1794 (2007) « Qualité des médicaments en Europe ». Son rapport, présenté en 2007, a souligné la nécessité de prévoir un instrument juridique international définissant des infractions spécifiques en matière de contrefaçon de médicaments compte tenu d'un vide juridique au plan international et de la faiblesse des autorités nationales compétentes.

Le Groupe de spécialistes sur les produits pharmaceutiques contrefaits (PC-S-CP) créé par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, sous l'autorité du Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) 7 ( * ) a reçu mandat, en 2007, de préparer un rapport sur les éléments susceptibles d'être intégrés dans un instrument international contraignant pour lutter contre ce type de criminalité. Ce rapport a été remis en avril 2008 .

En juillet 2008, le Comité des ministres a demandé à ce groupe d'experts (PC-S-CP) de rédiger un avant-projet de convention. La France , très favorable à ce projet, y a activement participé . Les négociations ont abouti à l'adoption d'un projet définitif lors du Comité européen pour les problèmes criminels, le 14 octobre 2011, puis à sa signature à Moscou, le 28 octobre 2011 .

DEUXIÈME PARTIE : LES APPORTS DE LA CONVENTION MÉDICRIME À LA SANTÉ PUBLIQUE

Le préambule fait référence aux principaux acteurs internationaux impliqués dans la lutte contre la contrefaçon des produits médicaux ainsi qu'aux instruments juridiques qui régissent les produits médicaux. Il souligne qu'une coopération étroite entre Etats membres et Etats non membres du Conseil de l'Europe doit être recherchée.

I. UN CHAMP D'APPLICATION ÉTENDU

Le champ d'application couvre les produits médicaux , génériques ou sous brevet, y compris les accessoires destinés à être utilisés avec les dispositifs médicaux ainsi que les substances actives, les excipients, les éléments et les matériaux destinés à être utilisés dans la fabrication des produits médicaux.

En sont exclues, en revanche, la protection des droits de la propriété intellectuelle , les catégories apparentées d'« aliments », de « produits cosmétiques » et de biocides . Les détenteurs de droits de propriété industrielle gardent la possibilité d'introduire des recours fondés sur les dispositions juridiques spécifiques applicables au droit de la propriété industrielle. En outre, ne sont pas considérées comme des victimes au sens de la Convention, les personnes physiques subissant des pertes purement financières résultant des conduites incriminées par celle-ci.

Tous les termes employés dans la Convention sont définis à l'article 4 . Les définitions des « médicaments » et « dispositifs médicaux » qui sont les deux composantes du terme « produit médical » s'inspirent du droit de l'Union Européenne.

Le terme « médicaments » désigne à la fois « les médicaments » à usage humain et vétérinaire ainsi que « les médicaments mis au point à des fins d'étude ». Les faux médicaments vétérinaires peuvent en effet avoir un impact sur la santé des humains via la chaîne alimentaire. Les substances actives et les excipients, qui composent le médicament, font également l'objet d'une définition.

Le terme « dispositif médical » correspond aux dispositifs destinés par le fabricant à être utilisés spécifiquement à des fins diagnostiques et/ou thérapeutiques. Il peut s'agir aussi bien de spatules que de dispositifs d'administration par voie orale ou parentérale ou encore d'incubateurs ou de coeur-poumons artificiels. Il se compose « d'éléments » et de « matériaux » et est utilisé avec des « accessoires » qui sont également définis.

Compte tenu de la fréquence de la falsification ou de l'altération des documents qui accompagnent les produits médicaux falsifiés, le terme « documents » est défini de façon extensive pour couvrir tous les types de documents. Il peut s'agir par exemple de certificats d'origine, d'analyse, d'autorisation, de licences, d'emballage, d'étiquetage, de mode d'emploi, de factures, de documents d'expédition et de transport.

La définition du terme « fabrication » repose sur celle utilisée dans le cadre des travaux de coopération sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle est déclinée selon qu'il s'agit de médicaments, de dispositifs médicaux ou d'accessoires.

Le terme « contrefaçon » est entendu au sens commun de « présentation trompeuse de l'identité et/ou de la source ».

Cette définition, si elle parle au plus grand nombre, est source de confusions. La contrefaçon est, stricto sensu, une atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Or, la Convention MÉDICRIME dispose expressément qu'elle s'applique aux produits médicaux « qu'ils soient protégés ou non par des droits de propriété intellectuelle » et « ne tend pas à répondre aux questions relatives aux droits de propriété intellectuelle » 8 ( * ) . La Convention vise en réalité ce que recouvre la notion de « falsification » des produits médicaux au sens de la directive 2011/62/UE du 08 juin 2011 « Médicaments falsifiés ». D'ailleurs, les définitions de ces deux termes, respectivement par la directive et par la convention, sont analogues.

Le terme « contrefaçon » renvoie à une autre réalité juridique emportant des pouvoirs et des sanctions particuliers . Ainsi, il existe, au niveau douanier par exemple, des dispositions et des procédures propres à la saisie de marchandises contrefaisantes. Pour intervenir efficacement à l'import et à l'export, et pour sécuriser au maximum leurs procédures, les services douaniers doivent pouvoir identifier aisément les produits falsifiés et notamment les distinguer des produits licites ainsi que des produits contrefaisants. Les services de l'Etat en charge de l'application de ces textes ont identifié cette ambiguïté juridique qu'ils ont déjà rencontrée suite à la transposition de la directive « médicaments falsifiés » dans le droit national en décembre 2012.

Sur ce sujet, la Direction générale des douanes et des droits indirects travaille actuellement avec la Direction générale de la santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin de mettre en place des outils d'aide au contrôle des médicaments falsifiés.

Au-delà du risque de confusion entre ces deux notions, la mise en application devra préciser la notion même de falsification : à partir de quand doit-on considérer qu'un produit est falsifié ? Que faut-il entendre par « identité » et « source » ? Comment s'assurer de l'intention malveillante exigée pour la constitution de la falsification ?

En outre , il est à noter que « le produit médical adultéré », c'est-à-dire de qualité moindre suite à l'adjonction ou à la substitution intentionnelle d'une substance non déclarée, ne fait pas l'objet d'une définition spécifique, mais est considéré comme un produit médical contrefait .

II. L'OBLIGATION D'ÉRIGER LES INFRACTIONS PÉNALES INTENTIONNELLES DÉCRITES PAR LA CONVENTION

Jusqu'à présent, la contrefaçon des produits médicaux était principalement considérée comme une violation des droits de la propriété industrielle. Désormais, la Convention MÉDICRIME impose aux Parties d'ériger en infractions pénales, conformément à leur droit interne, tous les actes qu'elle décrit . En pratique, si le comportement de l'auteur correspond à l'acte incriminé, les autorités compétentes des Parties n'auront pas à apporter la preuve de la réalité du préjudice pour la santé publique ou individuelle, une menace potentielle suffira.

Toutes ces infractions sont appréciées au regard de leur caractère intentionne l. L'intention est appréciée selon les critères du droit interne.

Conformément au préambule, les dispositions relatives au droit pénal matériel devront être mises en oeuvre en tenant compte non seulement du but de la convention mais aussi du principe de proportionnalité .

La législation française est conforme aux exigences posées par la convention en matière pénale.

A. LA FABRICATION DE CONTREFAÇONS (ARTICLE 5)

Les Parties doivent incriminer la fabrication intentionnelle de produits médicaux, de substances actives, excipients, éléments matériaux et accessoires contrefaits . L'adultération intentionnelle de médicaments, de dispositifs médicaux, de substances actives et d'excipients qui correspond à l'ajout ou à la substitution préjudiciable d'une substance non déclarée réduisant la qualité du produit est également incriminée .

Les Parties sont autorisées à formuler des réserves quant à l'application de la fabrication d'excipients, éléments et matériaux contrefaits et quant à l'application de l'adultération des excipients.

B. LA FOURNITURE, L'OFFRE DE FOURNITURE ET LE TRAFIC DE CONTREFAÇON (ARTICLE 6)

Les Parties doivent ériger en infractions les actes intentionnels suivants : la fourniture ou l'offre de fourniture, y compris le courtage, le trafic, y compris le stockage, l'importation et l'exportation de produits médicaux, substances actives, excipients, éléments, matériaux ou accessoires contrefaits.

Ces termes ne sont pas définis par la Convention. « La fourniture » ou « l'offre de fourniture » recouvrent les actes qui consistent à servir d'intermédiaires, procurer, vendre, donner, proposer gratuitement ou encore assurer la promotion, publicité comprise, de ces produits . « L'offre de fourniture » vise notamment la négociation d'un marché, la publicité faite sur un site web ou par des messages électroniques (spams) adressés à des clients potentiels.

Le terme « trafic » a le sens qu'il a dans les instruments juridiques internationaux dans le domaine du droit pénal où il est couramment utilisé.

Les Parties peuvent formuler des réserves quant à l'application de ces stipulations aux excipients, éléments et matériaux contrefaits.

C. LA FALSIFICATION DE DOCUMENTS (ARTICLE 7)

La fabrication intentionnelle de faux documents ou la falsification intentionnelle de documents , c'est-à-dire la modification illégale du contenu et/ou de l'apparence d'un document doivent être érigées en infractions par les Parties. L'article 4 donne une définition extensive des « documents ».

Les Parties peuvent formuler des réserves en ce qui concerne les documents liés aux excipients, éléments et matériaux.

D. LES INFRACTIONS SIMILAIRES MENAÇANT LA SANTÉ PUBLIQUE (ARTICLE 8)

Sont réprimées, car constituant également une menace grave pour la santé publique, la fabrication, le stockage, l'importation, l'exportation, la fourniture, l'offre de fourniture, la mise sur le marché, non pas de produits contrefaits, mais de médicaments sans autorisation, lorsqu'une telle autorisation est exigée par le droit interne de la Partie ou des dispositifs médicaux ne remplissant pas les exigences de conformité, lorsqu'une telle conformité est exigée.

Ces stipulations ont pour objet de lutter notamment contre le marché noir de traitements hormonaux produits sans autorisation et utilisés comme dopants par certains sportifs ou des personnes qui veulent augmenter artificiellement leurs performances physiques. Elles visent également à empêcher la fabrication d'un produit médical dans le seul but d'être vendu au marché noir à des personnes qui en feront une utilisation détournée, hors de toute prescription médicale , comme dans le cas des stéroïdes anabolisants.

Le Conseil de l'Europe indique que ne sont pas visées par cet article « les pratiques légales menées par des médecins agréés utilisant des produits médicaux légaux (par exemple, dans le cadre d'un usage « hors indications »), de même que le courtage et la vente sur Internet de médicaments dans le cadre de pharmacies en ligne, si la loi les autorise ».

« L'utilisation commerciale de documents originaux en dehors de l'usage auquel ils sont destinés dans la chaîne d'approvisionnement légale de produits médicaux, telle que spécifiée par le droit interne de la Partie » doit également être sanctionnée pénalement par les Parties, car elle permet de dissimuler la fabrication sans autorisation d'un produit médical en associant au produit non autorisé des documents justificatifs originaux prévus pour un autre produit médical qui lui fait l'objet d'une autorisation.

E. LA COMPLICITÉ ET LA TENTATIVE (ARTICLE 9)

Les Parties doivent ériger en infraction tout acte de complicité intentionnelle en vue de la perpétration d'une des infractions établies conformément à la Convention. Toute tentative intentionnelle de commettre une de ces infractions doit aussi être incriminée.

Les Parties peuvent formuler des réserves en ce qui concerne la tentative pour les infractions qu'elles auront établies pour sanctionner la falsification de documents, d'une part et les infractions similaires menaçant la santé publique, d'autre part.

III. LA RÉPRESSION À METTRE EN OEUVRE

A. LA PARTIE COMPÉTENTE POUR RÉPRIMER

Aux termes de l'article 10, les Parties doivent établir leur compétence à l'égard de toute infraction établie conformément à la Convention lorsqu'elle est commise sur leur territoire . Les navires battant le pavillon de la Partie concernée et les aéronefs immatriculés sur son territoire sont des prolongements du territoire.

En application du principe de nationalité et du critère de résidence habituelle sur le territoire, les Parties doivent également pouvoir se déclarer compétente pour connaître des infractions commises par leurs ressortissants à l'étranger ou par des personnes ayant leur résidence habituelle sur leur territoire, ainsi que pour statuer sur celles dont sont victimes, à l'étranger, leurs nationaux ou les personnes ayant leur résidence habituelle sur leur territoire.

Les règles de compétence adoptées doivent également garantir que les Parties qui refusent d'extrader un ressortissant ont la possibilité juridique d'ouvrir une enquête et d'engager des poursuites sur leur territoire si la Partie ayant sollicité l'extradition, conformément aux dispositions des instruments internationaux, leur en fait la demande. Les Parties peuvent choisir de limiter leur compétence aux seuls cas où l'infraction est passible de sanctions pénales dans le territoire où elle a été commise ou si l'infraction est commise en dehors de la compétence de tout Etat.

Les Parties peuvent formuler des réserves en ce qui concerne leur compétence sur des infractions commises par leurs ressortissants ou des personnes ayant leur résidence habituelle sur leur territoire ainsi que dans le cas où la victime est un de leurs ressortissants ou une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire.

Forte de cette autorisation, la France a prévu de faire une réserve pour indiquer, conformément à la procédure pénale nationale générale, qu'en matière délictuelle, l'applicabilité de la loi française sur des actes commis à l'étranger reste subordonnée à l'incrimination locale des faits, et à la plainte de la victime ou à la dénonciation de l'Etat du lieu où l'infraction a été commise. La France n'entend pas non plus exercer sa compétence s'agissant de faits commis à l'étranger par des personnes résidant habituellement en France sans être de nationalité française , cette compétence n'étant pas non plus prévue par la procédure pénale générale nationale.

Dans les cas où plusieurs Parties sont compétentes à l'égard d'une infraction, celles-ci doivent, s'il y a lieu , se concerter afin de déterminer celle qui est la mieux à même d'exercer les poursuites .

Enfin, la Convention autorise les Parties à établir d'autres types de compétence pénale conformément à leur droit interne , comme une compétence « universelle » quels que soient le lieu de l'infraction et la nationalité de l'auteur.

B. L'AUTEUR DE L'INFRACTION : PERSONNE PHYSIQUE OU PERSONNE MORALE

L'auteur de l'infraction peut être une personne physique ou une personne morale.

L'article 11 oblige les Parties à reconnaître la responsabilité des personnes morales lorsque des infractions sont commises pour le compte de celles-ci, par toute personne physique agissant soit individuellement, soit en tant que membre d'un organe de la personne morale qui exerce un pouvoir de direction sur la base de l'une de ses compétences : pouvoir de représentation, pouvoir de prendre des décisions ou d'exercer un contrôle. La responsabilité des personnes morales doit pouvoir également être engagée lorsque l'infraction est commise, pour le compte de la personne morale, par une personne physique agissant sous l'autorité de la personne morale en raison d'une absence de surveillance ou de contrôle.

Cette responsabilité peut être pénale, civile ou administrative dès lors que les sanctions ou les mesures sont « effectives, proportionnées et dissuasives » et que des sanctions pécuniaires sont prévues .

La responsabilité de la personne morale n'exclut pas celle de la personne physique qui a commis l'infraction.

C. LES SANCTIONS ET AUTRES MESURES

1. Les sanctions proprement dites

Les sanctions prises par les Parties doivent être, selon l'article 12, «  effectives, proportionnées et dissuasives ».

Pour les infractions relatives à la fabrication de contrefaçon de l'article 5 et à la fourniture, offre de fourniture et trafic de contrefaçon de l'article 6 commises par des personnes physiques, les Parties doivent prévoir notamment des sanctions privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition . À cet égard, selon la Convention européenne d'extradition, seuls les faits punis par les lois de la Partie requérante et de la Partie requise d'une peine privative de liberté ou d'une mesure privative de liberté d'au moins un an ou d'une peine plus sévère donnent lieu à extradition.

Pour les infractions dites « similaires » de l'article 8 , des amendes de nature réglementaire ou administrative peuvent être des sanctions suffisantes dans le cas de violations considérées comme de peu de gravité au regard du contexte général et de la structure du droit interne.

Lorsque l'auteur de l'infraction est une personne morale , les Parties doivent prévoir des sanctions pécuniaires pénales ou non pénales , ainsi qu'éventuellement d'autres mesures comme des mesures d'interdiction temporaire ou définitive d'exercer une activité commerciale, un placement sous surveillance judiciaire, une mesure judiciaire de dissolution.

2. Les autres mesures

Par ailleurs, selon l'article 12, les Parties ont l'obligation de permettre la saisie et la confiscation des produits médicaux, substances actives, excipients, éléments, matériaux et accessoires ainsi que des biens, documents et autres moyens matériels utilisés pour commettre les infractions. Peuvent être également saisis ou confisqués les produits de ces infractions ou des biens d'une valeur équivalente à ces produits.

Les produits médicaux et autres confisqués peuvent faire l'objet d'une destruction .

Les Parties peuvent également prendre des mesures administratives afin de prévenir de futures infractions , comme l'interdiction d'exercer une activité commerciale ou professionnelle en liaison avec l'infraction commise ou le retrait de licence professionnelle.

D. LA DÉTERMINATION DE LA PEINE

1. La prise en compte de circonstances aggravantes

L'Article 13 invite les Parties à permettre la prise en compte par les juges de certaines circonstances aggravantes lors de la condamnation des auteurs, « conformément aux dispositions pertinentes du droit interne ».

Cet article prévoit six circonstances aggravantes.

La première s'applique lorsque l'infraction a entraîné la mort ou a porté atteinte à la santé physique ou mentale de la victime . Il reviendra aux tribunaux nationaux des États Parties de déterminer l'existence d'un lien de cause à effet entre la conduite incriminée et le décès ou le préjudice physique ou mental.

La deuxième et la troisième jouent lorsque l'infraction a été commise par une personne abusant de la confiance que lui confère sa qualité de professionnel ainsi que fabricant ou fournisseur. Ces stipulations ne visent pas exclusivement les professionnels de santé.

La quatrième s'applique aux infractions de fourniture et d'offre de fourniture commises en recourant à des procédés de diffusion à grande échelle, tels que des systèmes informatisés, y compris Internet . L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a constaté que plus de 50% des médicaments achetés sur des sites Internet ne faisant pas apparaître leur véritable adresse sont contrefaits. C'est un aspect d'autant plus grave de la contrefaçon des produits médicaux qu'il est difficile d'en sanctionner les auteurs pour des questions liées à la difficulté de trouver la juridiction compétente.

La cinquième retient la commission de l'infraction dans le cadre d'une organisation criminelle. La notion de « groupe criminel organisé » est définie de manière analogue dans plusieurs instruments internationaux. Aux termes de l'article 2(a) de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, il s'agit d' « un groupe structuré de trois personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel » .

La sixième circonstance aggravante permet la prise en compte de condamnations antérieures pour des infractions de même nature prononcées par les juridictions nationales.

2. La prise en compte de la récidive « internationale »

L'article 14 prévoit la possibilité de prendre en compte les condamnations définitives prononcées par une autre Partie . En pratique, la contrefaçon des produits médicaux est une infraction commise le plus souvent à l'échelon transnational par des personnes déjà condamnées dans plusieurs pays. Or, ces condamnations prononcées par une juridiction étrangère, rarement connues des juridictions nationales , sont très peu considérées au titre des condamnations antérieures.

Les Parties peuvent ainsi prévoir dans leur législation interne que les condamnations antérieures prononcées par une juridiction étrangère entraînent une aggravation de la peine ou faire en sorte que les tribunaux en tiennent compte dans le cadre de leur compétence générale, sans que le traitement de l'auteur de l'infraction en soit modifié.

La Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale permet déjà aux autorités judiciaires d'une Partie de demander à une autre Partie l'extrait du casier judiciaire d'une personne et tous renseignements relatifs à ce dernier pour les besoins d'une affaire pénale.

Les échanges d'informations extraites des casiers judiciaires entre les États membres de l'UE sont régies par la décision 2005/876/JAI du Conseil du 21 novembre 2015 relative à l'échange d'informations extraites du casier judiciaire et la Décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil du 26 février 2009 concernant l'organisation et le contenu des échanges d'information extraites du casier judiciaire.

Le principe de récidive internationale figure déjà dans certains instruments juridiques internationaux comme la Convention de New York du 30 mars 1961 sur les stupéfiants et la Décision-cadre du Conseil du 6 décembre 2001 modifiant la Décision-cadre 2000/383/JAI visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. En outre, la Décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, adoptée le 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation dans les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale, a établi d'une façon générale, sans faire référence à des infractions spécifiques, l'obligation de prendre en compte une condamnation antérieure prononcée par un autre État membre.

E. L'INSTAURATION DE POURSUITES DE PLEIN DROIT ET D'ENQUÊTES « EFFICACES »

Aux termes de l'article 15, les autorités publiques devront être compétentes pour poursuivre de plein droit les infractions établies conformément à la Convention , y compris en l'absence de plainte d'une victime ou de retrait de celle-ci.

L'article 16 prévoit la spécialisation de certaines personnes, unités ou services des autorités nationales en charge des enquêtes pénales dans la lutte contre la contrefaçon des produits médicaux et autres infractions similaires et l'affectation de ressources adéquates .

Actuellement, la DGDDI reste l'acteur incontournable dans la lutte contre la contrefaçon, à laquelle participent également la police et la gendarmerie, notamment via l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Le service national de douane judiciaire (SNDJ) peut être chargé d'enquêtes portant sur les contrefaçons sur commission rogatoire, ou dans le cadre d'une enquête préliminaire ou d'une enquête en flagrance.

Les pôles de santé publique de Paris ou Marseille peuvent être saisis des dossiers relatifs à des trafics de médicaments contrefaits et/ou falsifiés, lorsque ces procédures sont ou apparaissent d'une grande complexité (grand nombre de victimes, caractère international des investigations à mener, criminalité organisée, mise en cause d'institutions publiques ou de sociétés ayant des filiales sur plusieurs endroits du territoire).

Les États Parties ont l'obligation de prendre des mesures pour garantir des enquêtes et des poursuites pénales efficaces. Ils doivent notamment recourir aux enquêtes financières, aux opérations sous couverture, aux livraisons contrôlées et autres techniques spéciales d'investigation, comme des surveillances électroniques, ou des opérations d'infiltration.

« La livraison contrôlée » est mentionnée dans d'autres instruments juridiques internationaux comme la Convention des Nations unies sur la criminalité transnationale organisée, la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et le Deuxième protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale.

IV. LES MESURES DE PRÉVENTION ET DE PROTECTION DES VICTIMES

L'article 18 prévoit que les Parties doivent prendre, en droit interne, des mesures préventives fixant les critères de qualité et de sûreté applicables aux produits médicaux ainsi que des mesures garantissant la sûreté de la distribution des produits médicaux . Parmi ces mesures, on peut citer tous les systèmes qui visent à garantir la traçabilité d'un produit médical donné.

Les Parties sont également invitées à assurer la formation des professionnels de santé, des fournisseurs, des policiers et des douaniers ainsi que des autorités de réglementation compétentes et à organiser de campagnes de sensibilisation à destination du grand public .

Les Parties peuvent également adopter des mesures supplémentaires afin de superviser toutes les activités professionnelles au sein de la chaîne de distribution des produits médicaux . Pour faciliter la lutte contre les sites impliqués dans la promotion et la vente de produits médicaux contrefaits, elles peuvent aussi conclure des accords avec les fournisseurs d'accès Internet et des gestionnaires de domaine

Aux termes de l'article 2, les mesures visant à protéger les droits des victimes doivent être assurées sans aucune discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, l'âge, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, l'orientation sexuelle, l'état de santé, le handicap ou toute autre situation.

Selon l'article 19, celles-ci doivent notamment avoir accès aux informations pertinentes relatives à leur cas et nécessaires à la protection de leur santé. Elles doivent aussi être assistées dans leur rétablissement physique, psychologique et social et doivent avoir un droit à dédommagement de la part des auteurs de l'infraction. La Convention n'impose toutefois pas la création de fonds nationaux d'indemnisation des victimes de contrefaçon de produits médicaux et autres infractions similaires. A cet égard, on note que la France n'a pas de fonds d'indemnisation spécifique.

Cette obligation de protéger les droits et intérêts de la victime s'étend à tous les stades des enquêtes et des procédures pénales , que cette procédure soit conduite par un service de police ou une autorité judicaire. L'article 20 fournit une liste non exhaustive de dispositions à mettre en oeuvre comme celles visant à informer les victimes de leurs droits et des services qui sont à leur disposition , et sauf souhait contraire de leur part, des suites données à leur plainte, des éventuelles mises en examen, de l'état général d'avancement de l'enquête ou de la procédure et de l'issue de l'affaire.

Les règles de procédures doivent permettre aux victimes d'être entendues, de présenter des éléments de preuve et de choisir la manière dont leur avis, leurs besoins et leurs préoccupations sont présentés , soit directement, soit par le biais d'un intermédiaire.

La protection des victimes et de leur famille, ainsi que des témoins à charge contre l'intimidation et les représailles, doit être également assurée , tout comme l'accès à l'information sur les procédures judiciaires et administratives selon que les procédures d'indemnisation et/ou les mesures de protection des victimes sont déléguées aux autorités judiciaires ou administratives.

Les Parties sont également invitées à accorder , quand cela se justifie, l'assistance judiciaire gratuite aux victimes qui ont le statut de parties dans les procédures pénales.

Elles doivent faciliter les démarches des victimes en leur permettant de porter plainte dans l'État de résidence et prévoir la possibilité pour des groupes, des fondations, des associations, des organisations gouvernementales ou non gouvernementales d'assister et/ou d'aider les victimes qui le souhaitent.

La procédure pénale française offre déjà une place importante aux victimes qui sont tenues informées de l'issue des procédures d'enquête, dès lors qu'une plainte est déposée. Elles peuvent également déclencher les poursuites en déposant une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction.

Toute personne qui dépose plainte est immédiatement avisée de ces droits et de la possibilité de prendre contact avec l'association d'aide aux victimes. Il en existe dans chaque département.

V. LA MISE EN PLACE D'UN CADRE DE COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE

A. DES MESURES NATIONALES DE COOPÉRATION ET D'ÉCHANGE D'INFORMATIONS ENTRE AUTORITÉS CHARGÉES D'APPLIQUER LA LOI ET AUTORITÉS DE SANTÉ

Aux termes de l'article 17, les Parties doivent prendre les mesures nécessaires à l'échange d'informations et à la coopération entre toutes les autorités nationales compétentes , qu'il s'agisse des autorités sanitaires, des douanes, des forces de l'ordre ou des autorités de tutelle de la santé.

En vue d'assurer la protection des données personnelles, la réception et la collecte d'informations et de données peut se faire par le biais de points de contact uniques (SPOC 9 ( * ) ) , au niveau national ou local, mais la Convention n'impose pas aux Parties de créer de nouveaux organes pour remplir cette mission. Ces points de contacts nationaux, établis au sein des autorités sanitaires, des laboratoires de référence pour les médicaments, de la police, des douanes qui permettront également d'assurer une assistance pour la gestion opérationnelle des affaires au niveau national sont présentés comme un concept novateur.

S'agissant de la lutte contre les médicaments falsifiés, l'Agence nationale de sécurité du médicament jouera probablement le rôle de référent national . La Direction générale des douanes et des droits indirects et la direction des affaires criminelles et des grâces, pôle d'évaluation des politiques pénales, devraient être associées au dispositif national.

Pour la gestion des risques liés à la contrefaçon des produits médicaux, les secteurs commercial et industriel concernés sont invités à coopérer avec les autorités nationales compétentes.

B. LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

Les services du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur auditionnés 10 ( * ) ont souligné que l'absence de réciprocité des incriminations faisait actuellement obstacle à la coopération judiciaire internationale alors que celle-ci est indispensable pour lutter contre une criminalité transnationale. L'article 21 infra donne un socle juridique à la coopération internationale entre Etats Parties à la convention en l'absence d'autres instruments.

1. En matière pénale

L'article 21 présente les principes qui régissent la coopération internationale des Parties en matière pénale .

Les Parties ont l'obligation de coopérer , le plus largement possible , conformément aux instruments internationaux pertinents applicables et de leur droit interne, aux fins des enquêtes et des procédures , y compris à l'aide de mesures de saisie et de confiscation . Au nombre de ces instruments internationaux, on compte la Convention européenne d'extradition 11 ( * ) , la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale 12 ( * ) , la Convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées 13 ( * ) , la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime 14 ( * ) et la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme 15 ( * ) . De même, les Parties doivent coopérer en application des instruments internationaux, régionaux et bilatéraux relatifs à l'extradition et à l'entraide judiciaire en matière pénale .

Enfin les Parties qui subordonnent l'extradition ou l'entraide judiciaire en matière pénale à l'existence d'un traité sont engagées à considérer la Convention comme une base légale pour accorder la coopération judiciaire.

2. En matière administrative

L'article 22 impose aux Parties de coopérer aux fins de la protection et de l'assistance aux victimes.

Sans préjudice des systèmes de déclaration interne existants, les Parties sont invitées à désigner un point de contact national unique (SPOC) chargé de transmettre et de recevoir les demandes de coopération autres que pénales, afin de permettre la coopération transfrontalière avec les SPOC des autres pays.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé devrait là aussi jouer vraisemblablement le rôle de référent national. La DGDDI et la direction des affaires criminelles et des grâces, bureau de l'entraide pénale internationale, devraient être associées au dispositif de coopération internationale.

Les Parties sont également incitées à intégrer la prévention et la lutte contre la contrefaçon de produits médicaux et les infractions similaires dans leurs programmes d'assistance au développement qu'elles conduisent au profit des Etats tiers, notamment dans ceux portant sur la consolidation de l'Etat de droit, le développement des institutions judiciaires, la lutte contre la criminalité ou l'assistance technique à la mise en oeuvre des conventions internationales.

VI. LE MÉCANISME DE SUIVI

1. Le comité des Parties

Le mécanisme de suivi a pour objet de garantir la mise en oeuvre de la Convention par les Parties. Inspiré de dispositions de la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, il se veut simple et flexible. Il repose essentiellement sur le Comité des Parties prévu à l'article 23 . Composé des représentants des Parties à la Convention, il permet une participation de toutes les Parties au processus de décision et à la procédure de suivi ainsi qu'une coopération satisfaisante entre elles.

Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe convoquera la première réunion du Comité des Parties, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la Convention qui sera marquée par la dixième ratification. Pour garantir sa crédibilité, le Comité ne commencera donc à fonctionner que lorsque dix Parties y seront représentées . Les réunions suivantes auront lieu à la demande d'au moins un tiers des Parties ou du Secrétaire général.

Les modalités du financement du Comité des Parties par les Parties non membres du Conseil de l'Europe seront déterminées par le Conseil des ministres 16 ( * ) , après consultation des Parties concernées.

Un règlement intérieur adopté par le Comité des Parties précisera la procédure d'évaluation de la mise en oeuvre de la Convention en appliquant une approche plurisectorielle et multidisciplinaire.

Aux termes de l'article 25, le Comité des Parties surveille l'application de la Convention et sert de centre pour la collecte, l'analyse et l'échange d'informations , d'expériences et de bonnes pratiques entre les États. Il peut bénéficier, à cet effet, de la compétence d'autres comités et organes pertinents du Conseil de l'Europe comme le Comité d'experts sur la réduction des risques de santé publique liés à la contrefaçon des médicaments et à la criminalité connexe (CD-P-PH/CMED) et le Réseau européen des laboratoires officiels de contrôle des médicaments (OMCL). Par ailleurs, il facilite l'application efficace de la Convention, notamment en identifiant les problèmes et les effets des déclarations formulées au titre de la Convention. Il émet des avis sur toute question relative à l'application de la Convention et adresse des recommandations spécifiques aux Parties à ce sujet.

Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) est tenu informé des activités du Comité des Parties décrites ci-dessus.

Par ailleurs, l'article 31 prévoit que le Comité des Parties en coopération étroite avec le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) ainsi que les autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l'Europe facilite le règlement amiable de tout litige entre les Parties.

2. Les autres représentants

Afin de contribuer à une approche plurisectorielle et pluridisciplinaire , l'article 24 prévoit la participation aux réunions du Comité des Parties, sans droit de vote , d'autres représentants et d'observateurs.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) désignent ainsi un représentant au Comité des Parties , tout comme d'autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l'Europe. Il s'agit du Comité européen sur les produits et les soins pharmaceutiques (CD-P-PH) , de la Commission européenne de pharmacopée et de son Groupe consultatif du Réseau européen des laboratoires officiels de contrôle des médicaments (OMCL) . Le CD-P-PH a pour mandat spécifique de coopérer avec le CDPC afin de minimiser les risques pour la santé publique de la contrefaçon des produits médicaux et autres formes d'infractions pharmaceutiques. Le Comité des ministres peut inviter d'autres organes du Conseil de l'Europe à désigner des représentants au Comité des Parties après consultation de ce dernier.

Des représentants d'organes internationaux, d'organes officiels des Parties, de la société civile et notamment d'organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine couvert par la Convention peuvent participer aux réunions du Comité des Parties, en qualité d'observateurs .

La nomination des représentants des « autres organes du Conseil de l'Europe » et des observateurs doit permettre d'assurer une représentation équilibrée des différents secteurs et disciplines.

VII. LES AUTRES STIPULATIONS

1. Les relations avec d'autres instruments internationaux

Conformément à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, l'article 26 empêche que la Convention ne porte atteinte aux droits et obligations découlant d'autres instruments internationaux auxquels les Parties à cette Convention sont également Parties ou le deviendront et qui contiennent des dispositions relatives aux matières régies par la présente Convention.

Les Parties ont la possibilité de conclure entre elles des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux questions réglées par la Convention pour la compléter, la renforcer ou en faciliter l'application. Des dérogations sont en revanche exclues.

2. Les amendements

Chaque Partie peut proposer des amendements à la Convention . Ils sont c ommuniqués aux autres Parties, aux États membres du Conseil de l'Europe, aux États non membres ayant participé à l'élaboration de la présente Convention ou ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe, à l'Union européenne et à tout État invité à signer la Convention. Le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC) et les autres comités intergouvernementaux ou scientifiques compétents du Conseil de l'Europe préparent un avis qui est soumis au Comité des Parties. Après examen de l'amendement et de l'avis du Comité des Parties , le Comité des ministres peut adopter l'amendement. Dans ce cas, il est communiqué aux Parties et ne rentre en vigueur qu'après son acceptation unanime.

3. Les clauses finales

Elles s'inspirent des « modèles de clauses finales pour les conventions et accords conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe » qui ont été approuvés par le Comité des ministres en février 1980.

Par dérogation à la pratique courante pour les conventions du Conseil de l'Europe, l'article 28 prévoit que les États non membres 17 ( * ) qui n'ont pas participé à son élaboration peuvent signer et ratifier cette Convention même avant son entrée en vigueur sur invitation du Comité des ministres.

L'entrée en vigueur de la Convention est subordonnée à la ratification de cinq signataires, dont au moins trois États membres du Conseil de l'Europe.

À ce jour, la convention dispose des ratifications 18 ( * ) requises pour entrer en vigueur le 1 er janvier 2016 (Espagne, Hongrie, Moldavie, Ukraine et Guinée, ce dernier pays n'étant pas membre du Conseil de l'Europe).

La France formulera, au titre de l'application territoriale de l'article 29, une déclaration pour que la Convention s'applique à l'ensemble de ses collectivités territoriales d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie.

Aux termes de l'article 30, seules les réserves expressément prévues par la Convention sont admises.

Selon l'article 32, une Partie a la possibilité de dénoncer la Convention.

L'article 33 donne la liste des notifications qui doivent être faites par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission, encouragée par le Conseil de l'Europe, lors de sa conférence parlementaire du 24 novembre 2015, à Paris, à laquelle votre rapporteur a eu l'honneur de participer, recommande l'adoption de ce projet de loi . La Convention MÉDICRIME, qui entrera en vigueur au 1 er janvier 2016 , vient, en effet, combler l'absence d'instrument international spécifique de lutte contre les produits médicaux falsifiés. À ce jour, la législation française est conforme à l'ensemble des exigences posées par cette Convention ainsi que par le droit communautaire. Selon les services du ministère de l'intérieur et de la justice auditionnés 19 ( * ) , la ratification par la France de cette Convention, qui parachève, en quelque sorte, le dispositif national, est attendue comme un signal fort par un grand nombre de pays européens et devrait entraîner d'autres ratifications. Pour que la Convention soit véritablement un outil efficace de lutte contre la criminalité organisée transnationale très active dans ce secteur très lucratif et peu risqué, il apparaît indispensable qu'un grand nombre de pays rejoignent les standards qu'elle prévoit.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 9 décembre 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Claude Malhuret et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 210 (2014-2015) autorisant la ratification de la convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Joël Guerriau . - On se réjouit des avancées que va permettre cette convention. Rappelons qu'en Afrique, un médicament sur trois est contrefait. La France est dotée, à travers sa réglementation, son réseau de distribution et son système de prescriptions médicales remboursées, d'un cadre protecteur ; mais Internet n'en constitue pas moins un danger, dans la mesure où l'on peut y acheter des médicaments dits de confort. Pourquoi n'interdit-on pas la vente des médicaments sur Internet ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - Le marché mondial de la drogue étant en baisse, les mafias se sont lancées dans la contrefaçon de médicaments. Doit-on interdire ou autoriser la vente de médicaments sur Internet ? C'est une question sensible. Il faut en tous cas préserver notre réseau de pharmacies traditionnelles qui nous protège des contrefaçons.

M. Bernard Cazeau . - Il convient de distinguer la contrefaçon d'un médicament existant et la non-conformité d'un produit à une certification donnée. Dans le cas des prothèses PIP, le problème était qu'une certification avait été délivrée à un produit non conforme. Il est nécessaire d'agir concomitamment à la fois sur le volet « certification » et sur celui de la mise sur le marché. Est-ce bien le cas ?

M. Jacques Legendre . - L'examen de ce texte doit être l'occasion de saluer l'action du Conseil de l'Europe. Il y a d'ailleurs une pharmacopée européenne. De nombreux médicaments contrefaits sont mis en vente en Afrique, notamment au Nigéria et au Bénin. Environ 50 % des médicaments vendus dans ces pays sont de faux médicaments. Il est urgent de s'attaquer au niveau international à la vente de faux médicaments et la France s'honorerait en ratifiant rapidement cette convention.

M. Alain Néri . - Aux Etats-Unis où je me suis rendu dans le cadre de la commission d'enquête sur la lutte contre le dopage, on trouve de nombreux types de produits médicaux contrefaits, qui sont vendus sur Internet. Les médicaments sont fabriqués dans des laboratoires clandestins, dans des conditions sanitaires non contrôlées et sans que soit respectée aucune spécification technique, notamment en ce qui concerne le dosage. Il faut absolument lutter contre cette contrefaçon de médicaments, d'autant que certains, comme les produits dopants, sont assimilables à des drogues.

M. Claude Malhuret, rapporteur . - Compte tenu des conditions de délivrance des médicaments, la France est l'un des pays les plus protégés vis-à-vis de la contrefaçon. Il n'y a pas d'incitation à rechercher sur Internet des produits susceptibles d'être contrefaits ou falsifiés, sauf s'agissant de certains produits tels que les produits dopants, les stéroïdes anabolisants, ou encore les produits amincissants, que les médecins, à raison, ne veulent pas prescrire. En matière de vente de médicaments sur Internet, la réglementation française est très stricte : toute pharmacie sur Internet doit dépendre d'une pharmacie physique et le pharmacien doit être diplômé. Le problème est celui des commandes de médicaments hors de France, en Europe de l'Est et en Asie (90 % des médicaments contrefaits provenant d'Inde et de Chine). La seule chose qu'on puisse faire en France est de renforcer les contrôles au niveau des douanes. La France fait le maximum et applique une bonne réglementation mais le problème est international et cette convention devrait permettre d'améliorer les choses.

En réponse à M. Bernard Cazeau, si la certification est européenne, la prévention et la répression s'exercent au plan national. À cet égard, la coopération internationale que va permettre cette convention va renforcer les possibilités d'intervention de chaque pays. Néanmoins, je constate en France une insuffisance de la pharmaco-vigilance, comme l'a illustré l'affaire du Médiator et celle des prothèses mammaires PIP. D'autres scandales du même type sont possibles si l'on ne remédie pas aux failles de notre système de pharmaco-vigilance. Ainsi pour les prothèses PIP, il y avait eu des signalements de la Food and Drug Administration américaine, des autorités britanniques et de chirurgiens français bien avant que le scandale n'éclate. Avec le Médiator, les effets secondaires n'étaient pas connus en France quand ils l'étaient dans d'autres pays d'Europe.

En écho à l'intervention de M. Jacques Legendre, le comble est que les médicaments contrefaits vendus en Afrique le sont à un prix plus élevé que les médicaments originaux.

M. Bernard Cazeau . - La certification des dispositifs médicaux est faite par des organismes relevant de l'UE. L'adaptation de leur cadre d'intervention, qui était attendue, est-elle intervenue ?

M. Claude Malhuret, rapporteur . - Les contrôles incombent aux services habilités de la Haute Autorité de Santé, qui les délèguent à des sociétés privées. La certification des prothèses PIP était déléguée à une société allemande qui prévenait à l'avance le fabricant des contrôles prévus. Il est probable que ce type de pratiques se rencontre dans d'autres domaines. Plus encore que la législation, la pratique est donc perfectible.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Comment se fait-il que nous ayons une législation protectrice et que, dans le même temps, nous soyons les derniers à signaler les problèmes ?

M. Claude Malhuret, rapporteur . - C'est parce que face à un problème, on répond en France par une loi et non par des actions. On ne se préoccupe pas assez de l'application effective des lois.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mercredi 25 novembre 2015 :

Ministère des Affaires étrangères et du développement international :

- Mme Joëlle COUREAU, sous-direction des droits de l'Homme et des Affaires humanitaires

- Mme Sandrine BARBIER, chef de la mission des Accords et Traités

Ministère de l'Intérieur :

- Lieutenant-Colonel Christian TOURNIÉ, adjoint au chef de l'Office pour les affaires européennes et la coopération internationale, direction générale de la gendarmerie nationale, Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Ministère de la Santé :

- Catherine CHOMA, sous-directrice, sous-direction politique des produits de santé et qualité des pratiques et des soins

- Djamila GUENA, adjointe au chef du bureau du médicament, sous-direction politique des produits de santé et qualité des pratiques et des soins

- Olivia NEMETH, juriste du bureau du médicament, sous-direction politique des produits de santé et qualité des pratiques et des soins

Ministère de la Justice :

- Charles MOYNOT, chef du bureau de la législation pénale spécialisée, direction des affaires criminelles et des grâces.

ANNEXE -
ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS DU TRAITÉ 211

Convention du Conseil de l'Europe sur la contrefaçon des produits médicaux et les infractions similaires menaçant la santé publique

Situation au 26 novembre 2015

Membres du Conseil de l'Europe

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Albanie

Allemagne

28/10/2011

Andorre

Arménie

20/09/2012

Autriche

28/10/2011

Azerbaïdjan

Belgique

24/07/2012

Bosnie-Herzégovine

Bulgarie

Chypre

28/10/2011

Croatie

03/09/2015

Danemark

12/01/2012

Espagne

08/10/2012

05/08/2013

01/01/2016

Estonie

Finlande

28/10/2011

France

28/10/2011

Géorgie

Grèce

Hongrie

26/09/2013

09/01/2014

01/01/2016

Irlande

Islande

28/10/2011

Italie

28/10/2011

Lettonie

L'ex-République yougoslave de Macédoine

Liechtenstein

04/11/2011

Lituanie

Luxembourg

22/12/2011

Malte

Moldavie

20/09/2012

14/08/2014

01/01/2016

Monaco

Monténégro

Norvège

Pays-Bas

Pologne

Portugal

28/10/2011

République tchèque

Roumanie

Royaume-Uni

Russie

28/10/2011

Saint-Marin

Serbie

Slovaquie

Slovénie

Suède

Suisse

28/10/2011

Turquie

29/06/2012

Ukraine

28/10/2011

20/08/2012

01/01/2016

Non membres du Conseil de l'Europe

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Bélarus

Burkina Faso

Canada

Etats-Unis d'Amérique

Guinée

10/10/2012

24/09/2015

01/01/2016

Israël

28/10/2011

Japon

Maroc

13/12/2012

Mexique

Saint-Siège

Organisations internationales

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Union européenne

Source : Conseil de l'Europe

Nombre total de signatures non suivies de ratifications : 19

Nombre total de ratifications/adhésions : 5


* 1 Conférence parlementaire sur la convention MEDICRIME du 24 novembre 2015, organisée à Paris par le Conseil de l'Europe.

* 2 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 3 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.

* 4 IMPACT : International Medical Products Anti-counterfeiting Taskforce

* 5 Site de l'Institut de Recherche Anti-Contrefaçon de Médicaments (IRACM).

* 6 Site www.edqm.eu.fr

* 7 Le CDPC créé en 1958 a la responsabilité de superviser et de coordonner les activités du Conseil de l'Europe en matière de prévention et de contrôle du crime.

* 8 Considérant figurant dans le préambule.

* 9 SPOC : Single Point Of Contact.

* 10 Audition du 25 novembre 2015.

* 11 STE n° 24.

* 12 STE n° 30.

* 13 STE n° 112.

* 14 STE n° 141.

* 15 STCE n° 198

* 16 Le Comité des ministres est l'instance de décision du Conseil de l'Europe. Il est composé des ministres des affaires étrangères des 47 États membres.

* 17 Les États non membres qui ont participé à sa négociation sont Israël et le Japon.

* 18 Voir en annexe l'état des signatures et des ratifications.

* 19 Audition du 25 novembre 2015.

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