EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

L'examen du présent projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées se situe dans le mouvement général de simplification du droit des entreprises, engagé depuis de nombreuses années et se perpétuant heureusement sous les gouvernements successifs.

Ainsi, sur le fondement de l'habilitation accordée par l'article 23 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, le Gouvernement a pris l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Déposé sur le Bureau du Sénat le 2 décembre 2015, le présent projet de loi propose de ratifier cette ordonnance sans modification et le Gouvernement en a prévu l'inscription à l'ordre du jour du Sénat.

L'habilitation avait prévu de « diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et d'adapter en conséquence les règles d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de leurs organes ». L'ordonnance prise par le Gouvernement a respecté les termes de cette habilitation, ainsi acceptée par le Sénat en 2014. Elle a réduit de sept à deux le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, sans autre modification du régime de ces sociétés.

Dans ces conditions, votre commission invite le Sénat à ratifier cette ordonnance, sous réserve de quelques ajustements techniques ponctuels.

Pour autant, votre commission considère que cette ordonnance est loin de répondre aux demandes de simplification et de modernisation du droit des sociétés. De telles demandes appellent légitimement un travail législatif plus approfondi et minutieux, que la simple réduction du nombre d'actionnaires ne fait qu'effleurer.

I. GENÈSE DE L'ORDONNANCE PORTANT RÉDUCTION DU NOMBRE D'ACTIONNAIRES DANS LES SOCIÉTÉS ANONYMES NON COTÉES

Rapporteur en 2014 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, votre rapporteur souhaite rappeler les conditions dans lesquelles a été adoptée l'habilitation sur le fondement de laquelle a été prise l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, dont le présent projet de loi prévoit la ratification sans modification.

A. UNE HABILITATION SUPPRIMÉE PAR LE SÉNAT, PUIS RÉTABLIE EN COMMISSION MIXTE PARITAIRE DANS UNE RÉDACTION RESSERRÉE

Dans sa version initiale 1 ( * ) , non modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture avant son examen par le Sénat, l'habilitation prévoyait de « diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et adapter en conséquence les règles d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés », sans autre encadrement ni condition particulière. Elle aurait ainsi permis de créer une société anonyme à actionnaire unique, dépourvue des organes actuels d'administration, de surveillance ou de direction qui font la particularité et la valeur de la forme juridique de la société anonyme (SA).

À l'occasion de l'examen par votre commission de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 précitée, en octobre 2014, votre rapporteur avait relevé, au vu de ses auditions, qu'une telle mesure ne correspondait pas à un besoin exprimé par les entreprises ou leurs représentants, mais émanait du Conseil national des barreaux. Cette mesure avait néanmoins été retenue parmi les cinquante proposées par le Conseil pour la simplification des entreprises le 14 avril 2014. À cet égard, l'étude d'impact du projet de loi indiquait qu'« une consultation approfondie devra avoir lieu avec les représentants des entreprises notamment car la proposition émane du Conseil national des barreaux ». Aucune des autres organisations entendues en audition par votre rapporteur n'avait jugé cette mesure réellement utile, sans pour autant formuler d'objection.

Dans ces conditions, dans son rapport de première lecture sur la loi du 20 décembre 2014 précitée, votre rapporteur avait estimé que « la formule très souple de la société par actions simplifiée, aujourd'hui bien plus prisée que la société anonyme, permet déjà à ceux qui le souhaitent de reprendre les règles de la société anonyme tout en ayant un nombre total d'associés inférieur à sept ». Il avait ajouté que, « s'il fallait simplifier le régime de la société anonyme, la demande réside plutôt dans la mise en place d'un régime globalement simplifié pour les petites sociétés non cotées », l'enjeu dépassant largement la question limitée du nombre minimal d'actionnaires.

Pour ces motifs, votre commission, suivie par le Sénat, avait supprimé cette habilitation, à l'initiative de votre rapporteur, considérant qu'elle n'était pas pertinente.

Toutefois, lors de la commission mixte paritaire, la volonté partagée de nos collègues sénateurs et députés de parvenir à un compromis avait conduit à rétablir l'habilitation, dans une rédaction plus resserrée destinée à ne pas remettre en cause les compétences et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement des organes sociaux de la SA, ne permettant pas de ce fait la création d'une SA à actionnaire unique. Le texte définitivement adopté par le Parlement prévoyait ainsi de « diminuer le nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées et d'adapter en conséquence les règles d'administration, de fonctionnement et de contrôle de ces sociétés, sans remettre en cause les compétences et les règles de composition, d'organisation et de fonctionnement de leurs organes ». Il s'agissait de préserver les structures internes de la SA, qui contribuent à sa crédibilité en raison des garanties de bon fonctionnement qu'elles apportent, pour les actionnaires comme pour les tiers, y compris vis-à-vis des entreprises étrangères.

Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées 2 ( * ) a d'ailleurs indiqué que la création d'une « société anonyme unipersonnelle, (...) qui impliquait une modification des compétences, des règles de composition, d'organisation et de fonctionnement des organes de direction, n'entrait pas dans le champ de l'habilitation », ajoutant que « la bonne gouvernance de la société anonyme, ainsi que sa spécificité, imposent de maintenir une collégialité au sein des conseils d'administration ou de surveillance afin de favoriser une éthique de la discussion ».

Sur le fond, la réduction du nombre minimal d'actionnaires pour les SA non cotées était justifiée par le phénomène - non quantifiable - de recours à des actionnaires de complaisance pour atteindre le minimum de sept. Elle était aussi justifiée par la pratique des sociétés familiales et celle des groupes pour la constitution de leurs filiales, y compris des groupes étrangers pour la création d'une filiale de droit français : dans ces deux cas, le nombre de sept actionnaires paraissait effectivement inadapté. Par ailleurs, le caractère arbitraire du nombre de sept avait aussi été avancé, d'autant que le code civil fixe à deux le nombre minimal d'associés pour constituer une société 3 ( * ) .


* 1 Projet de loi n° 2060 relatif à la simplification de la vie des entreprises, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 25 juin 2014.

* 2 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000031144472

* 3 Article 1832 du code civil.

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