N° 358

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 février 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali ,

Par M. Claude NOUGEIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir les numéros :

Sénat :

483 (2014-2015) et 359 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 483 (2014-2015) autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali.

La coopération militaire entre la France et le Mali est actuellement encadrée par deux accords : d'une part, l'accord de coopération militaire technique avec la République du Mali, signé le 6 mai 1985, dont le champ d'application est essentiellement limité à la mise à disposition de la République du Mali de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres des forces armées maliennes dans les écoles militaires françaises ; d'autre part, l'accord sous forme d'échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l'opération militaire Serval. Tandis que le premier est désormais obsolète dans la mesure où il reflète un état des relations entre la France et les pays africains désormais révolu, le second est conçu spécifiquement pour assurer la sécurité juridique de l'intervention lancée par la France au début de 2013 pour arrêter la progression des groupes armées djihadistes qui tentaient de prendre le contrôle du Mali.

Dès lors, par lettre du 16 octobre 2013 adressée au président de la République française, le président de la République du Mali nouvellement élu a appelé de ses voeux la signature d'un traité de coopération dans le domaine de la défense afin de marquer l'engagement dans la durée de la coopération entre les deux États.

Le présent traité, très proche dans sa forme et son contenu des accords ou traités militaires déjà signés avec huit pays africains depuis 2008 (Togo, Cameroun, Gabon, République centrafricaine, Union des Comores, Djibouti, Cote d'Ivoire, Sénégal), fixe ainsi pour les relations de coopérations militaires de la France avec le Mali un cadre conforme aux grands axes de la politique internationale française, soucieux de la préservation et de la promotion des intérêts de notre pays mais faisant une large place aux interventions multilatérales - Nations-Unies et Union européenne au premier chef - et soutenant la construction d'une architecture de sécurité proprement africaine.

I. DE L'OPÉRATION SERVAL À L'OPÉRATION BARKHANE

Face au risque d'un effondrement de l'État malien et de la constitution d'une immense zone grise propice au développement des groupes terroristes, la France a lancé en 2013 une opération militaire nommée « Serval ». Après le succès de cette opération, la lutte contre les groupes terroristes a été pérennisée dans le cadre d'une seconde opération étendue à toute la bande saharo-sahélienne, dite « Barkhane ».

A. LE SUCCÈS DE L'OPÉRATION SERVAL

Le 14 janvier 2012, le mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) des Touaregs, alors allié à Ansar Eddine et à certains groupes armés djihadistes (GAD) implantés dans la zone, lance une offensive depuis l'Adrar des Ifoghas vers le sud du Mali (Ménaka, Tessalit, Aguelhok, Léré), puis proclame le 6 mars 2012 l' « indépendance » du Nord-Mali. Il contrôle rapidement les régions de Gao, Tombouctou et Kidal. Toutefois, les groupes armés djihadistes (Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l'unicité et la justice en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et Ansar Eddine) affrontent et battent le MNLA, prenant le contrôle des grandes villes et des territoires du Nord et y imposant la charia.

Le 15 octobre 2012, peu après la réunion des Nations unies sur le Sahel où la France avait souligné l'urgence de la menace terroriste au Nord-Mali, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, la résolution 2071 , présentée par la France et coparrainée par l'Allemagne, l'Inde et le Royaume-Uni, ainsi que par les trois membres africains du Conseil de sécurité (Afrique du Sud, Maroc, Togo). Cette résolution appelait les autorités maliennes à engager un dialogue politique avec les groupes rebelles maliens ainsi qu'avec les représentants de la population locale du nord du pays afin de préserver la souveraineté de l'Etat et l'intégrité du territoire malien et de lutter contre le terrorisme international.

Tandis que le Président de la République française proposait aux organisations africaines un soutien pour la préparation d'une force militaire africaine, la MISMA, le 10 décembre 2012, les 27 ministres des affaires étrangères de l'Union européenne approuvaient la mise en oeuvre de la mission « European union training mission Mali » (EUTM Mali) visant à « améliorer les capacités militaires et l'efficacité des forces armées maliennes afin de permettre, sous autorité civile, le rétablissement de l'intégralité territoriale du pays », la France s'étant déclarée volontaire pour assumer le rôle de Nation-cadre de cette mission.

La crise s'est toutefois accélérée au début du mois de janvier 2013. Des groupes armés terroristes se sont en effet mis en mouvement vers le sud du Mali, faisant craindre une extension de leur territoire à la plus grande partie du pays et une déstabilisation de la transition politique en cours à Bamako. Les mesures internationales de formation et de défense (EUTM Mali et la MISMA) risquaient également d'être compromises par cette progression.

À la suite d'une demande d'aide formulée le 10 janvier 2013 par le Président du Mali, adressée à la France et au Conseil de sécurité des Nations unies, et au titre de l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, la France a engagé, avec le soutien de huit pays (Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Grande-Bretagne, Espagne, États-Unis et Pays-Bas) une intervention militaire, l'opération « Serval », afin d'atteindre trois objectifs :

- stopper l'offensive des terroristes et les empêcher de menacer l'État malien ;

- préserver et retrouver l'intégrité et la souveraineté du Mali ;

- faciliter la mise en oeuvre des décisions internationales en accélérant les programmes de soutien et de partenariat entre les forces africaines et les forces européennes.

La première phase de l'opération Serval a permis de stopper l'offensive des groupes armés djihadistes (GAD) vers le sud. Lors de la deuxième phase, les plateformes aéroportuaires du nord du Mali de Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit ont été successivement reprises aux GAD, ce qui a permis aux forces françaises de reprendre le contrôle du nord du pays. La troisième phase a consisté à neutraliser les GAD et à récupérer leurs matériels dans leur sanctuaire du Nord, au sein de l'Adrar des Ifoghas. Enfin, un transfert progressif de la mission aux partenaires maliens de la France ainsi qu'aux forces de l'ONU (mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, MINUSMA) a été opéré.

L'opération Serval a été un succès . Les groupes armés terroristes ont effectivement été profondément atteints dans leurs forces vives, des milliers de tonnes de matériels et de munition (200 tonnes d'armement et de munitions ainsi qu'une vingtaine de tonnes de nitrate d'ammonium) ayant été récupérés et des bases d'entraînement détruites. Les menaces à court terme pour le Sud du Mali ont été supprimées.

Il convient de souligner que le rôle des forces françaises prépositionnées en Afrique a été déterminant dans ce succès. Les unités prépositionnées au Tchad, en Côte d'Ivoire et au Sénégal ont ainsi eu un rôle essentiel dans l'opération Serval, en convergeant vers le Mali et en formant un « groupement tactique de circonstance », en liaison avec les forces spéciales et avec le soutien de l'armée de l'air.

L'opération Serval, succès militaire indéniable, n'a cependant pas supprimé la menace terroriste. Celle-ci est en effet loin de se limiter au Mali et s'étend à toute la zone sahélienne. Dès lors, en partenariat avec les États de la région, la France a décidé de mettre en place un dispositif global pour l'ensemble de la bande sahélo-saharienne : l'opération Barkhane.

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