EXAMEN EN COMMISSION

M. François Grosdidier , rapporteur . - Cette proposition de loi, déposée par M. Bruno Sido, comble un vide. Il s'agit du maintien des communes associées résultant des fusions opérées selon la loi Marcellin au sein des communes nouvelles instituées par une loi du 16 décembre 2010 pour réformer le régime des fusions des communes : si l'on prévoit un statut de communes déléguées pour les communes qui fusionnent, rien n'est prévu pour les anciennes communes associées, obligées de se fondre dans la commune déléguée reprenant le nom et les limites de l'ancienne « commune Marcellin » au sein de la commune nouvelle. S'agissant souvent de communes très éparpillées, sur des territoires vastes et parfois accidentés, il est paradoxal de les priver d'un mode d'organisation dont elles bénéficient depuis des décennies - et que l'on met en place pour d'autres dans le cadre des communes nouvelles !

Le droit actuel permet le maintien de ces communes associées type Marcellin, qui ne sont plus des sections électorales, supprimées en 2013 dans les communes de moins de 20 000 habitants. Elles conservent un maire délégué, une mairie annexe et une section du centre communal d'action sociale (CCAS). Cela se rapproche des communes déléguées de la commune nouvelle... Ces communes devraient pouvoir choisir d'entrer dans la commune nouvelle avec autant de communes déléguées qu'elles comptaient de communes associées. C'est le bon sens ! Pourquoi ne pourraient-elles pas retrouver leur organisation au sein de la commune nouvelle ? C'est un frein à la création de celles-ci.

M. Alain Richard . - Les communes associées ont quasiment disparu. Dans le système hérité de la loi de 1971, elles constituaient une section électorale puisqu'on y élisait des conseillers municipaux. La loi de 2013, en raison des règles de désignation des conseillers communautaires, a éliminé les communes associées, dont il ne reste plus que quelques-unes. Qu'elles puissent devenir des communes déléguées au sein de la commune nouvelle est de bon sens.

M. François Grosdidier , rapporteur . - Mais sans section électorale.

M. Alain Richard . - L'intitulé de la proposition de loi est un peu trompeur : il ne s'agit pas de maintien des anciennes communes associées mais d'une mutation en commune déléguée.

M. Pierre-Yves Collombat . - Ce texte m'a d'abord paru étrange, mais vos explications me rassurent. Les communes nouvelles ont été introduites dans un grand élan vers la fusion. Pourquoi alors garder les spécificités de chacun ? Cela aurait été vouloir le beurre et l'argent du beurre ! Mais préserver le régime historique de certaines communes, c'est de bon sens. Le titre est trompeur, en effet.

M. Michel Mercier . - Ce texte pose tout de même quelques problèmes de détail en matière électorale : les communes déléguées issues des communes associées n'auront pas d'élus pendant la période transitoire.

M. Jean-Pierre Sueur . - C'est juste.

M. Michel Mercier . - Comment répartir la totalité des élus municipaux entre l'ancienne commune principale et les anciennes communes déléguées ?

M. Philippe Bas , président . - C'est impossible : il n'y a plus de sections électorales au sein des communes associées. Les maires délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune fusionnée.

M. René Vandierendonck . - Jean-Jacques Hyest a fait encore récemment l'éloge de la souplesse et de la différenciation territoriale. Sous les importantes réserves soulevées par mes collègues, je ne suis pas fermé à cette proposition - en tenant pour acquis qu'il ne s'agit nullement de se créer une réserve de voix pour les élections sénatoriales !

M. Jean-Pierre Sueur . - Je comprends l'utilité de ce texte. Les communes associées n'ayant pas de section électorale, leurs élus sont ceux de la commune-centre, dont le conseil municipal désigne les maires délégués. Selon l'exposé des motifs, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et l'Association des maires de France (AMF) ont une divergence d'appréciation.

Il est surprenant sur un autre sujet, que l'AMF, après nous avoir demandé avec insistance de changer la loi pour créer une disposition nouvelle, ce que les deux chambres ont fait de manière unanime, réclame le détricotage de cette mesure...

Mme Jacqueline Gourault . - En effet !

M. Alain Richard . - Ce ne sont pas nous qui ferions des choses pareilles...

M. François Grosdidier , rapporteur . - Il ne s'agit pas de détricoter la loi sur les communes nouvelles mais d'y apporter des précisions oubliées au moment de son élaboration. En ce qui concerne les élections sénatoriales, il y un vide juridique, que comble mon amendement COM-4 rectifié. La question de la représentation des anciennes communes associées au sein du conseil municipal ne se pose pas : leurs élus sont dans le conseil municipal de la commune Marcellin, qui a vocation à s'agglomérer aux autres élus dans le conseil municipal de la commune nouvelle. Nous pourrions compléter le titre de la proposition de loi, en effet, pour parler du maintien des communes associées « , sous forme de communes déléguées, ».

M. Philippe Bas , président . - Adopté !

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

L'amendement COM-1 de précision est adopté.

M. François Grosdidier , rapporteur . - L'amendement COM-2 applique aux fusions-association régies par la loi Marcellin les modalités prévues en cas d'extension de la commune nouvelle à une ou plusieurs autres communes. Il peut y avoir dès l'année prochaine des volontés d'élargissement des communes nouvelles à des communes Marcellin.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. François Grosdidier , rapporteur . - L'amendement COM-3 étend la qualité de maire délégué de droit jusqu'au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle aux maires délégués des anciennes communes associées en cas d'extension de la commune nouvelle.

L'amendement COM-3 est adopté.

Article additionnel après l'article unique

M. François Grosdidier , rapporteur . - L'amendement COM-4 rectifié répond aux difficultés résultant de la composition du conseil municipal de la commune nouvelle durant la période transitoire pour la détermination du nombre de délégués sénatoriaux. Jusqu'au premier renouvellement du conseil municipal, celui-ci est composé de l'ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes avant la création de la commune nouvelle. À défaut, le conseil comprend les maires, les adjoints et des conseillers municipaux des anciennes communes proportionnellement à leurs populations respectives, dans la limite de 69 membres, sauf si la désignation des maires et adjoints des anciennes communes rend nécessaire l'attribution de sièges supplémentaires. Durant la seconde étape, le conseil municipal comporte un nombre de membres égal à celui prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure.

En l'état actuel du droit, la loi ne permet pas de déterminer le nombre correspondant de délégués sénatoriaux. Dans les communes de moins de 9 000 habitants, il est fonction de l'effectif du conseil municipal. À partir de 9 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit. Cela crée des situations insolubles. Ainsi, à Condé-en-Normandie, le conseil municipal compte 84 membres pour 7 505 habitants !

M. Philippe Bas , président . - En effet, pour la désignation des grands électeurs, le tableau classe les communes par nombre de conseillers municipaux jusqu'à 9 000 habitants. Or il peut y en avoir beaucoup pendant la période transitoire. Cela pourrait faire exploser le nombre de délégués dans les communes rurales... Le rapporteur propose de se référer au tableau tout en fixant des plafonds. Quoi qu'il arrive, nous devons adopter ce texte avant les prochaines élections sénatoriales.

M. François Grosdidier , rapporteur . - Le nombre de délégués serait celui correspondant à la strate égale ou immédiatement supérieure durant la première étape, pour tenir compte de la représentation territoriale élargie : ainsi, un conseil municipal de dix-sept ou dix-huit membres aurait droit à cinq délégués. Au-delà de 9 000 habitants, tous les membres du conseil municipal sont délégués. À partir de trente conseillers municipaux aussi. Nous fixons toutefois un plafond, à savoir le nombre d'électeurs sénatoriaux dont disposaient, au total, les communes fusionnées avant la création de la commune nouvelle. Tout cela ne vaut que pour la période transitoire : ensuite, le droit commun s'appliquera.

M. Philippe Bas , président . - Le nombre de délégués ne pourra toutefois pas être inférieur à celui auquel aurait droit une commune comptant la même population.

M. François Grosdidier , rapporteur . - C'est la rédaction de l'amendement COM-4 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat . - Si l'on n'a ni plus, ni moins, c'est qu'on a autant ! Pourquoi ne pas se fonder uniquement sur la population de la commune, nouvelle ou non, pour déterminer le nombre de délégués sénatoriaux ? Le nombre de conseillers municipaux dépend bien de la population ! Pourquoi se faire des noeuds au cerveau ?

M. Michel Mercier . - Je ne suis pas sûr que le simple fait qu'une commune soit nouvelle justifie une entorse à la règle de l'égalité. Certes, jusqu'à 9 000 habitants, le critère est le nombre de conseillers municipaux. Mais nous en prenons un autre - ni le nombre de conseillers municipaux, ni le nombre d'habitants ! Tout cela pour à peine quelques électeurs sénatoriaux supplémentaires... Je crains que la passion des QPC ne trouve à s'exercer.

M. Philippe Bas , président . - Les règles transitoires s'appliquant aux communes nouvelles ont été imaginées pour inciter au regroupement. La perte des grands électeurs pour les communes rurales peut être atténuée, dans un premier temps.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il faut savoir ce que l'on veut !

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit de mesures transitoires.

M. Jean-Pierre Sueur . - L'exposé des motifs indique que, lorsque le conseil municipal d'une commune de moins de 9 000 habitants comprend au moins trente membres, ils sont tous délégués de droit. Or on peut avoir 8000 habitants et 80 conseillers municipaux !

M. François Grosdidier , rapporteur . - Ce risque a été pris en compte par mon amendement : le nombre de délégués sénatoriaux ne peut en aucun cas dépasser ce qu'il était avant la fusion.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je suis tenté de suivre M. Collombat : nous pourrions calculer le nombre de délégués sénatoriaux en référence au nombre de conseillers municipaux qu'aurait une commune de même population que la commune nouvelle.

M. François Grosdidier , rapporteur . - En passant à la strate supérieure.

M. Jean-Pierre Sueur . - Cette prime pourrait être un nid à QPC.

M. Alain Richard . - Il y a bien un risque d'inconstitutionnalité au regard de l'égalité devant le suffrage. Il s'agit toutefois d'une mesure d'atténuation, à caractère transitoire. Si ces communes ne formaient pas une commune nouvelle, leur nombre de délégués serait plus important.

M. Pierre-Yves Collombat . - Elles y gagnent déjà financièrement !

M. Jean-Pierre Sueur . - Un délégué sénatorial, cela n'a pas de prix !

M. Alain Richard . - S'agissant d'une mesure limitée dans la durée, il me semble, vu le précédent de la décision Salbris, que le Conseil constitutionnel se montrerait compréhensif.

En revanche, au-delà de 9 000 habitants, l'effet de prime serait plus prononcé, et pourrait aboutir à des dizaines de délégués supplémentaires. Ne serait-il pas plus sage de retenir le principe de la strate supérieure ?

M. François Grosdidier , rapporteur . - Le nombre antérieur de délégués sénatoriaux ne peut être dépassé, ce qui limite l'effet du bonus.

M. Alain Richard . - Dans ce cas, d'accord.

M. François Grosdidier , rapporteur . - C'est un garde-fou. Le principe d'égalité devant le suffrage n'est pas un principe de stricte proportionnalité. Les communes nouvelles étant plus vastes, leur représentation territoriale est moins strictement liée à la population. Après le premier renouvellement et jusqu'au suivant, elles auront droit à un nombre de délégués correspondant à la strate immédiatement supérieure en termes d'effectifs de leur conseil municipal. Pour toute la période transitoire, nous pouvons retenir le même critère, ce qui facilitera la navette.

M. Michel Mercier . - Pourquoi ne pas fixer, pour la première période, un nombre égal à la somme du nombre de délégués de chacune des communes constitutives ?

M. François Grosdidier , rapporteur . - Cela peut être moins !

M. Michel Mercier . - La perspective de perdre du poids électoral peut dissuader une commune d'entrer dans une commune nouvelle.

M. Philippe Bas , président . - Cela amplifiera le problème constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur . - Une commune nouvelle est une commune au sens plein. Je comprends l'alignement sur la strate supérieure, mais pourquoi ne pas fixer le nombre de délégués selon les mêmes règles que pour une commune ordinaire de même taille ?

M. François Grosdidier , rapporteur . - Il y a un vide juridique entre 29 conseillers municipaux et 9 000 habitants durant la première étape.

M. Jean-Pierre Sueur . - Qu'il y ait moins de 9 000 habitants ou plus, nous devons nous caler sur la population pour déterminer le nombre de délégués sénatoriaux : une commune de 7000 habitants a droit à 29 conseillers municipaux, donc 15 délégués.

M. Pierre-Yves Collombat . - Voilà !

M. Philippe Bas , président . - Ce serait plus simple mais pas forcément plus juste...

M. Pierre-Yves Collombat . - Pourquoi le fait de passer en commune nouvelle donnerait-t-il des avantages ? Il y a déjà des avantages financiers. Simplifions ! Le nombre d'habitants est un critère suffisant.

M. René Vandierendonck . - Nous avons des chances de faire passer un texte. Aussi, pour la période transitoire, devrions-nous arrêter d'entrée de jeu le système à venir, pour ne pas laisser de vide.

M. Jean-Pierre Sueur . - Une commune nouvelle de 10 000 habitants peut avoir une centaine de conseillers municipaux. Dans tous les cas, nous devons retenir comme critère la population de la commune.

M. Pierre-Yves Collombat . - Bien sûr !

M. Michel Mercier . - Nous avons constitué dans mon département l'une des premières communes nouvelles. Au départ, elle comptait 59 conseillers municipaux ; après le renouvellement, ils sont 29. Au total, il y a trois délégués sénatoriaux de moins que si chaque commune était restée indépendante. Ce n'est pas une catastrophe, car nous avons plutôt du mal à trouver des grands électeurs prêts à se rendre à Lyon un dimanche en pleine période de vendanges ou de chasse !

M. François Grosdidier , rapporteur . - Je vous propose d'adopter mon amendement, quitte à le retravailler avant la séance, car la solution proposée par M. Sueur ne comble pas le vide juridique ouvert entre le seuil de 29 conseillers municipaux et celui de 9 000 habitants. Il faudrait pouvoir prolonger le tableau. Nous devons travailler la question pour aboutir à une solution qui couvre toutes les hypothèses.

L'amendement COM-4 rectifié est adopté et devient un article additionnel. L'amendement COM-5 rectifié devient sans objet.

L'amendement COM-6 est adopté. L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La commission adopte la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. GROSDIDIER, rapporteur

1

Précision rédactionnelle

Adopté

M. GROSDIDIER, rapporteur

2

Maintien des communes associées en cas d'extension de la commune nouvelle.
Suppression possible des communes déléguées
en résultant

Adopté

M. GROSDIDIER, rapporteur

3

Extension transitoire de la qualité de maire délégué de droit

Adopté

Articles additionnels après l'article unique

M. GROSDIDIER, rapporteur

4

Modalités de détermination des délégués sénatoriaux durant la période transitoire

Adopté

Mme N. GOULET

5

Attribution d'un délégué sénatorial à chaque commune déléguée en 2017 et 2020

Rejeté

Intitulé de la proposition de loi

M. GROSDIDIER, rapporteur

6

Précision rédactionnelle

Adopté

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