AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, adopté en conseil des ministres le 19 mai 2015, a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2015, puis par le Sénat le 1 er mars 2016. La procédure accélérée n'ayant pas été engagée sur ce texte, l'Assemblée nationale a examiné le projet de loi en deuxième lecture les 21 et 22 mars 2016 et a transmis le texte qu'elle a adopté au Sénat, qui doit à nouveau se prononcer.

Le projet de loi comportait initialement 46 articles, répartis en quatre titres (liberté de création et création artistique ; dispositions relatives au patrimoine culturel et à la promotion de l'architecture ; habilitation à légiférer par ordonnances ; dispositions diverses, transitoires et finales). Ce nombre a été porté à 133 à l'issue de la première lecture. À ce stade de la navette parlementaire, 53 articles ont été adoptés en termes identiques par les deux assemblées et un article a fait l'objet d'une suppression conforme. 79 articles restent en discussion, parmi lesquels 66 articles ont été modifiés et 13 articles ont été supprimés par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Chacune des lectures a permis de progresser vers des solutions équilibrées, même si le bilan est contrasté selon les sujets.

En ce qui concerne le titre I, le projet de loi conserve ses faiblesses congénitales liées à l'absence de véritables lignes directrices pour rénover notre politique en faveur de la création artistique. À trop vouloir réaffirmer des principes sur le rôle de l'État en matière culturelle, il donne malheureusement le sentiment de céder parfois à une « recentralisation rampante » au détriment des collectivités territoriales et à une bureaucratisation inutile à travers la multiplication des contraintes qui ne peut que nuire aux créateurs. Des désaccords subsistent ainsi aux articles 2 et 3 sur la place de l'État dans la définition et la mise en oeuvre de la politique en faveur de la création artistique.

Toutefois, un compromis a été atteint sur un nombre important d'articles, comme en témoigne l'adoption par l'Assemblée nationale de huit articles relatifs aux industries culturelles et à la propriété intellectuelle dans la version issue des travaux du Sénat, mais également l'adoption, par le Sénat, de la création d'un Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels dans la rédaction de l'Assemblée, dans un souci de conciliation.

Certains différends persistent au sein du titre I, tels que les modalités de rémunération dans le secteur de la musique (distinction entre artistes-interprètes et musiciens, cessions de créances, application de la licence légale aux webradios), les règles applicables aux quotas de titres francophones sur les radios privées, les mesures de transparence et d'indépendance propres à la commission de la copie privée ou encore les modalités de l'élargissement du champ d'application de l'exception pour copie privée aux enregistreurs personnels vidéo en réseau (les « NPVR »). Ils devraient néanmoins pouvoir être surmontés.

En réalité, deux sujets du titre I restent sensibles : il s'agit de la question de la rémunération des plasticiens et photographes dont les oeuvres sont reproduites par des services automatisés de référencement d'images sans leur autorisation et de la désignation des régions comme « chefs de file » sur la compétence enseignement artistique et du transfert à leur bénéfice des crédits de l'État, tel qu'initialement voté en 2004 par le Parlement.

Le bilan des dispositions du titre II est plus contrasté.

Sur le volet patrimoine, votre commission se félicite des rapprochements de positions entre l'Assemblée nationale et le Sénat. En ce qui concerne la réforme des espaces protégés au titre du patrimoine, qui demeure la disposition phare du projet de loi en ce domaine, les députés ont, en particulier, validé le rôle accru de la commission nationale au sein du nouveau régime et l'inscription des dispositions relatives à la protection du patrimoine dans un règlement annexé au plan local d'urbanisme. Ils ont maintenu le principe de la co-construction des plans de sauvegarde et de mise en valeur et ont souscrit aux propositions sénatoriales pour surmonter le problème que pourrait poser une intercommunalité peu allante en matière de patrimoine pour l'élaboration d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur.

En revanche, le rapprochement des positions sur la question des espaces protégés ne doit pas masquer certains points de désaccords qui subsistent entre les deux assemblées, notamment sur l'encadrement des cessions de monuments historiques appartenant à l'État, que les députés ont vidé de sa substance en adoptant un amendement présenté par le Gouvernement, ou sur la question du contrôle de l'implantation d'éoliennes pour des motifs patrimoniaux.

En ce qui concerne le volet relatif à l'architecture, un compromis avec nos collègues députés a été trouvé pour une majorité d'articles. Au-delà de la persistance de divergences mineures qui devraient néanmoins pouvoir être surmontées, un sujet continue de partager les deux assemblées : le recours obligatoire à un architecte pour les demandes de permis d'aménager des lotissements.

Par ailleurs, le profond désaccord observé en première lecture sur l'article 20 relatif à l'archéologie préventive reste entier et votre commission reste persuadée que la plupart des mesures votées par l'Assemblée nationale ont pour principal objectif de reconcentrer l'archéologie préventive dans les mains de l'Institut national de recherches archéologiques au détriment des services archéologiques des collectivités territoriales et des opérateurs privés.

Au final, il apparaît que si la distance entre le Sénat et l'Assemblée nationale demeure importante, le nombre des divergences s'est réduit et, à condition que chaque assemblée fasse encore un effort - en particulier sur l'archéologie préventive-, aucune n'apparaît a priori insurmontable si la recherche d'un accord devait prévaloir sur l'affirmation des différences.

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