B. DES POINTS CRITIQUES « OUBLIÉS » PAR L'ACCORD

La diminution du recours aux énergies fossiles , les questions du mix énergétique ou encore de la sobriété énergétique , ne sont pas évoquées par l'accord de Paris.

D'autres points ont été volontairement écartés de l'accord de Paris, tels que les transports aériens et maritimes ou encore la protection des océans et zones les plus fragiles .

1. Les transports aériens et maritimes

Dans un rapport récent 14 ( * ) , nos collègues Fabienne Keller et Yvon Collin ont proposé de mettre à contribution les transports aériens et maritimes, qui émettent à eux deux plus de 5 % des émissions de GES. Selon eux, il était « stratégique qu'une décision de principe pour la taxation des carburants de ces deux secteurs soit prise dans le cadre de la conférence de Paris ».

Lors de la négociation de l'accord de Paris, l'Union européenne s'est prononcée en faveur d'une mention des transports internationaux, qui figurait dans les premiers projets d'accord. Or, cette mention s'est révélée hors de portée, en raison de l'opposition de plusieurs pays émergents et des États du Golfe.

a) Les transports aériens

Le trafic aérien contribue à hauteur d'environ 2,5 % aux émissions de CO 2 à l'échelle mondiale. Cette proportion pourrait atteindre 3 % à l'horizon 2050, selon les estimations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Les émissions du secteur aérien augmentent de 3 % chaque année, pour une augmentation du trafic de 5 %.

Les questions relatives aux transports aériens sont traitées par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), institution spécialisée des Nations unies établie en 1944 pour gérer et administrer la Convention relative à l'aviation civile internationale (Convention de Chicago), qui regroupe 191 États. L'OACI établit des règles communes en matière de sécurité, de sûreté, d'efficacité et également dans le domaine environnemental. En 1997, le protocole de Kyoto a consacré la compétence de l'OACI pour améliorer la performance environnementale du transport aérien international.

Une échéance importante sera la prochaine assemblée générale de l'OACI qui se déroulera à Montréal en septembre 2016 . L'OACI s'est fixé pour objectif de parvenir à un accord pour une stabilisation nette des émissions du secteur aérien après 2020, qui passe par une réduction des émissions par passager/km. Le secteur aérien a convenu de la nécessité de mettre en place des mécanismes, obtenant en contrepartie le report de l'application du marché européen EU ETS 15 ( * ) aux vols intercontinentaux en provenance ou à destination des 28 États membres de l'UE.

Les mécanismes envisagés sont, d'une part, l'adoption d'une première norme pour les émissions de CO 2 16 ( * ) , et, d'autre part, la mise en place, à compter de 2020, d'un système de compensation des émissions de CO 2 , sur le modèle de l'ETS qui s'applique déjà pour les vols effectués au sein de l'Espace économique européen.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la France souhaite que l'Union européenne défende, au niveau de l'OACI, la fixation d'objectifs plus ambitieux que ceux aujourd'hui envisagés.

b) Les transports maritimes

Les transports maritimes sont responsables quant à eux de 2 % à 2,5 % des émissions de GES et également en forte croissance. Les discussions sont moins avancées pour ce secteur que pour le secteur aérien. L'accord de Paris implique que des négociations puissent être ouvertes rapidement au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI). La question de la mesure des émissions du secteur se pose, préalablement à celle de leur limitation.

En avril 2016, le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l'OMI a approuvé des prescriptions obligatoires imposant aux navires d'enregistrer et de notifier leur consommation de combustible. Cette évolution est présentée comme « le premier palier d'un processus en trois étapes dans le cadre duquel l'analyse des données collectées permettra d'établir la base d'un débat d'orientation objectif, transparent et faisant appel à toutes les parties prenantes au sein du MEPC. Cela permettra de déterminer si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer le rendement énergétique et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre provenant des transports maritimes internationaux. Si tel est le cas, les options stratégiques proposées seront alors examinées ».

Dans un premier temps, l'Union européenne devra, au minimum, encourager la reconnaissance des niveaux d'émissions du secteur maritime .

2. La protection des océans et des zones les plus fragiles

Malgré « L'Appel de l'océan pour le climat » lancé en juin 2015 dans le cadre de la « Journée Mondiale des Océans » organisée conjointement avec l'UNESCO, les océans font figure de grands « oubliés » de la COP 21 et ce en dépit d'une mention rapide dans le préambule de l'accord . Les puits de carbone sont pourtant l'objet d'un article spécifique (article 5), consacré à la forêt.

Les océans absorbent environ un quart des émissions annuelles de CO 2 , jouant ainsi un rôle essentiel dans la régulation du climat. Il en résulte un phénomène d'acidification qui a des conséquences sur la biodiversité, donc sur la chaîne alimentaire, et sur la capacité des océans à continuer à jouer leur rôle de « puits de carbone ».

Le GIEC est chargé d'un rapport intermédiaire au sujet des océans, dont les enjeux dépassent le seul cadre maritime, puisque, comme l'a souligné Mme Laurence Tubiana devant votre commission : « Il y a quelque chose à faire pour l'océan, notamment en limitant la pollution terrestre, qu'elle soit d'origine industrielle ou agricole ».

La protection de zones particulièrement vulnérables, telles que les pôles, n'est pas non plus évoqué par l'accord.

Le rapport précité de votre commission, en date d'octobre 2015, a souligné les enjeux propres à la région arctique . Depuis 1875, l'Arctique s'est réchauffé approximativement deux fois plus rapidement que la moyenne globale, avec un effet accélérateur sur le changement climatique au niveau mondial. La fonte des glaciers du Groenland représenterait, à elle seule, une hausse moyenne du niveau de la mer de 7 mètres, à l'échelle mondiale. La disparition de la banquise, si elle n'entraîne pas d'augmentation du niveau de la mer, réduit la réflexion de l'énergie solaire ce qui amplifie le réchauffement. La fonte du pergélisol crée également un effet d'emballement par libération de CO 2 . Or d'ici à 2100, le pergélisol, qui représente 25 % des terres émergées de l'hémisphère nord, pourrait perdre jusqu'à 90 % de son étendue. La fonte des glaciers entraîne par ailleurs la libération de polluants accumulés. Enfin, c'est tout un écosystème fragile et une biodiversité qui sont mises en danger par la fonte de l'Arctique.

C'est pourquoi votre commission avait suggéré d'associer pleinement l'Arctique aux enjeux de la COP 21.

Elle avait également préconisé la publication, dans cette perspective, de la feuille de route française pour l'Arctique , attendue de longue date. Votre rapporteur note que cette feuille de route n'est toujours pas finalisée à ce jour.

3. L'absence d'outils pour orienter le mix énergétique

L'accord ne mentionne à aucun moment la nécessité de diminuer le recours aux énergies fossiles, pour contenir l'élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C.

Or l'OCDE 17 ( * ) a recensé près de 800 mesures de soutien à la production ou à la consommation de combustibles fossiles dans les pays de l'OCDE et dans six grandes économies partenaires (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Russie, Afrique du sud). Ces mesures comprennent aussi bien des transferts budgétaires que des dépenses fiscales qui, d'une façon ou d'une autre, favorisent la production ou la consommation de combustibles fossiles par rapport aux autres formes d'énergie. Elles représentent un montant total de 160 à 200 milliards de dollars par an , majoritairement dédiés au soutien à la consommation de produits pétroliers.

Lors de la signature de l'accord de Paris le 22 avril 2016, le Président François Hollande a fait de la mise en place d'un prix du carbone une priorité. Six chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président français, la chancelière allemande et le Premier ministre canadien, ont lancé un appel en ce sens à la veille de la cérémonie de signature de l'accord de Paris. Cet appel vient appuyer le travail de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone , qui réunit 24 pays et plus de 90 entreprises dans le but d'inciter à l'action sur la tarification du carbone en relevant et en diffusant les meilleures pratiques.

L'objectif est de porter la couverture des systèmes de tarification du carbone à 25 % des émissions mondiales d'ici à 2020, puis à 50 % d'ici à 2030, contre 12 % aujourd'hui.

Au niveau européen, le système d'échange de quotas d'émission (EU ETS) doit être rénové pour augmenter le prix du carbone, actuellement situé entre 5 et 7 euros la tonne.

L'instauration d'un prix mondial du carbone serait en contradiction avec la logique « bottom-up » de l'accord de Paris, consistant à se fonder sur les contributions librement consenties par les États, plutôt qu'à imposer des dispositifs généraux contraignants. En revanche, des mesures d'encouragement seront prises ; c'est l'objet de la coalition carbone précédemment mentionnée, qui est une des priorités de l' « Agenda des solutions », issu du « plan d'action Lima-Paris », visant à la mobilisation des acteurs non-étatiques.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, la France souhaite par ailleurs avancer rapidement sur les gaz fluorés HFC (hydrofluorocarbures) qui sont de puissants GES utilisés pour remplacer les substances appauvrissant la couche d'ozone. La France soutient pour ce faire un amendement au Protocole de Montréal relatif à` des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, afin d'encadrer la réduction de la consommation et de la production des HFC. Cet amendement pourrait être finalisé cette année. Il serait cohérent avec l'accord de Paris, permettant aux Parties de comptabiliser les réductions d'émissions de HFC au titre de leurs contributions nationales.


* 14 « Financements climat : n'oublions pas les pays les plus pauvres », Rapport d'information de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN, au nom de la commission des finances, n° 713 (2014-2015) - 30 septembre 2015.

* 15 European Union Emission Trading Scheme.

* 16 Cette norme a été adoptée en février 2016.

* 17 OCDE (2015), Rapport accompagnant l'inventaire OCDE des mesures de soutien pour les combustibles fossiles, Éditions OCDE, Paris.

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