CHAPITRE III - RENFORCEMENT DES MISSIONS EXERCÉES PAR LE MAIRE DE PARIS

À Paris, la police administrative générale et la plupart des polices spéciales sont exercées par le préfet de police et non par le maire , par dérogation au droit commun.

La police administrative

La police administrative correspond aux actions préventives destinées à maintenir l'ordre public . Elle se distingue de la police judiciaire, dont l'objet est de réprimer les crimes et les délits commis.

La police administrative générale vise à assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques alors que les polices spéciales concernent des objets plus précis et sont régies par des textes spécifiques. Tel est par exemple le cas de la police des installations classées (articles L. 512-16 et suivants du code de l'environnement) ou de celle relative à l'homologation des enceintes sportives (article L. 312-5 du code du sport).

Tout en conservant le régime hérité de la loi du 28 pluviôse an VIII 42 ( * ) et de l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII 43 ( * ) , le chapitre III vise à conférer de nouveaux pouvoirs de police au maire de Paris .

Ce dernier se verrait ainsi confier :

- une partie de la police de salubrité des bâtiments, la police des funérailles et celle des baignades ( article 21 ) ;

- une compétence accrue sur la circulation et le stationnement ( articles 21 et 23 ) ;

- la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports ( article 22 ) ;

- la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation et une partie de la police des édifices menaçant ruine ( article 25 ).

Ces transferts de compétences interviendraient au 1 er janvier 2017, à l'exception de la délivrance des documents d'identité, qui serait assurée par le maire de Paris à compter du 1 er avril 2017 (article 26 ).

Article 21 - (art. L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales) - Transfert de certaines polices spéciales du préfet de police vers le maire de Paris

L'article 21 propose de modifier la répartition des pouvoirs de police à Paris afin de donner davantage de prérogatives au maire.

1. Un régime dérogatoire : le préfet de police détient la majeure partie des pouvoirs de police à Paris

1.1. Le rôle déterminant du préfet de police

Par dérogation au droit commun 44 ( * ) , la police administrative générale est exercée dans la capitale par le préfet de police et non par le maire de Paris 45 ( * ) .

Comme le soulignait notre collègue Alain Marc en 2015, le pouvoir de police générale permet notamment au préfet de police de prohiber la consommation d'alcool dans certains lieux, d'interdire des spectacles ou des manifestations pour troubles à l'ordre public, etc. 46 ( * ) .

Le préfet de police exerce également près de quarante polices spéciales , certaines en lieu et place du maire, dont la liste est consultable en annexe au présent rapport. Tel est notamment le cas de la police des édifices menaçant ruine 47 ( * ) ou de celle des animaux dangereux et errants 48 ( * ) .

Ainsi, comme l'écrivait M. Jacques Moreau en 1985, « le préfet de police cumule approximativement, en matière de police, les pouvoirs d'un préfet et d'un maire » 49 ( * ) .

1.2. Les origines historiques et techniques de ce régime

Ce régime dérogatoire trouve ses origines dans le Consulat et est intimement lié à l'histoire de Paris , le ministre de l'intérieur, Pierre Waldeck Rousseau, déclarant par exemple en 1883 : « Recherchez les journées qui ont changé à Paris la forme du gouvernement, thermidor, brumaire, les journées de juillet [...], vous verrez qu'il n'y a jamais eu à Paris une révolution politique sans qu'elle soit devenue une révolution dans toute la France ».

Ces spécificités juridiques correspondent également aux contraintes propres à la capitale , Paris étant à la fois le siège des institutions de la République et la première agglomération de France avec plus de 2,2 millions d'habitants, 3,2 millions de déplacements motorisés chaque jour et 29 millions de touristes chaque année.

1.3. Des évolutions récentes mais limitées pour renforcer les pouvoirs de police du maire de Paris

Trois lois successives ont renforcé les pouvoirs de police du maire de Paris en lui confiant :

- la salubrité sur la voie publique, le maintien du bon ordre dans les foires et marchés (loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 50 ( * ) ) ;

- la police des troubles de voisinage (loi n° 2002-276 du 27 février 2002 51 ( * ) ) ;

- une compétence sur la circulation et le stationnement , partagée avec le préfet de police (loi n° 2002-276 précitée et loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 52 ( * ) , cf. infra ).

Le maire de Paris est également compétent pour la police de la conservation des dépendances domaniales incorporées au domaine public de sa ville. Il s'agit, concrètement, de prévenir et de réprimer les atteintes à l'intégrité de ce domaine.

2. Le projet de loi : confier de nouvelles polices spéciales au maire de Paris

Le présent projet de loi vise à renforcer les pouvoirs de police du maire de Paris dans une « optique de simplification administrative (et de clarification) de la répartition des compétences » 53 ( * ) .

Si le préfet de police conserverait le pouvoir de police générale, le maire de Paris se verrait confier de nouvelles polices spéciales , qui s'ajouteraient à celles qu'il exerce déjà (bon ordre dans les foires, troubles de voisinage, etc . 54 ( * ) ). En conséquence, le préfet de police serait chargé du contrôle de légalité concernant ces nouvelles missions du maire de Paris et détiendrait un pouvoir de substitution 55 ( * ) .

L'article 21 traite plus particulièrement de la police de la circulation et du stationnement, de la salubrité des immeubles à usage d'habitation ou d'hébergement, de la police des funérailles et de celle des baignades.

2.1. Police de la circulation et du stationnement : la réforme d'un régime mixte pour renforcer les prérogatives du maire

En l'état du droit, la police de la circulation et du stationnement est partagée entre le maire de Paris , d'une part, et le préfet de police , d'autre part.

La police de la circulation et du stationnement

Cette police spéciale comprend :

- la réglementation des voies (fermeture de certaines portions, notamment en cas de troubles à la tranquillité publique, délimitation des pistes cyclables, etc .) ;

- la définition des zones de stationnement , le contrôle du stationnement payant et la répression du stationnement gênant ;

- la gestion des fourrières .

Hors de Paris, cette police spéciale est partagée entre le maire (voies communales), le président du conseil départemental (routes départementales) et le préfet de département (voies nationales et routes classées à grande circulation).

Le maire de Paris est compétent pour tous les axes ne faisant pas l'objet d'une réglementation spécifique , le préfet de police n'exerçant alors qu'un contrôle « classique » de légalité.

Les pouvoirs du préfet de police sont accrus sur des portions précisément définies au niveau réglementaire et correspondant aux :

- axes permettant d'assurer la continuité des itinéraires principaux de la région Île-de-France (boulevard périphérique, quai Voltaire, rue de Varenne, Boulevard de Sébastopol, etc .). Définis par le décret n° 2014-1541 du 18 décembre 2014 56 ( * ) , ces axes dépendent du maire de Paris mais les décisions de ce dernier sont soumises à l'avis conforme du préfet de police . À titre d'exemple, un tel avis conforme a été nécessaire pour permettre d'interdire la circulation sur les voies sur berge de la rive droite en septembre 2016 ;

- axes où se déroulent des manifestations de voie publique à caractère revendicatif, festif, sportif ou culturel. Ces axes peuvent être temporairement régis par le préfet de police, après avis du maire de Paris ;

- axes environnant les lieux sensibles, qui sont directement régulés par le préfet de police (ministères, Banque de France, tribunal de grande instance de Paris, UNESCO, etc .) ;

L'article 21 tend à réformer cette répartition des compétences dans une double logique.

En premier lieu, il propose de renforcer les prérogatives du maire de Paris . L'exercice de la police de la circulation lors des manifestations festives, sportives et culturelles non itinérantes lui serait ainsi confié 57 ( * ) . Le maire serait également saisi pour avis sur les axes environnant des lieux sensibles , voies qui resteraient sous l'autorité du préfet de police.

Le maire exercerait enfin le pouvoir de police sur les « axes essentiels à la sécurité de Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics ». Cette catégorie de voies remplacerait celle actuellement définie par le décret n° 2014-1541 (sur laquelle le maire est déjà compétent) tout en couvrant un « périmètre légèrement plus grand » d'après l'étude d'impact 58 ( * ) . Le contrôle du préfet de police serait plus souple : il ne disposerait plus d'un avis conforme mais émettrait des prescriptions lors de l'aménagement des voies concernées pour y garantir la fluidité de la circulation. Contrairement à aujourd'hui, le préfet de police pourrait ainsi donner son accord pour l'aménagement d'une voie, tout en formulant des réserves que le maire de Paris serait dans l'obligation de suivre.

En second lieu, l'article 21 vise à consacrer de nouvelles catégories de voies au niveau législatif dans un objectif de sécurité publique et de gestion des situations de crise :

- le préfet de police pourrait régir à titre temporaire certains axes afin d'assurer la sécurité de personnes faisant l'objet d'une protection particulière. Tel pourrait être le cas des itinéraires utilisés lors des transferts de certains prisonniers vers le palais de justice de Paris ;

- le préfet de police définirait également, après avis du maire de Paris, des axes « concourant » à la sécurité des personnes et des biens en cas de crise ou d'urgence. Ces axes resteraient sous l'autorité du maire mais le préfet de police pourrait émettre des avis . Les voies concernées seraient notamment celles du Plan Rouge Alpha Circulation (PRAC), dispositif qui vise à faciliter l'extraction des blessés et l'acheminement des forces d'intervention en cas d'attentat.

Répartition de la police de la circulation - et du stationnement (projet de loi)

Types de voies

Alinéas de l'article 21 59 ( * )

Exemples

Compétences du maire

Compétences du préfet de police

Évolutions par rapport au droit en vigueur

Axes sensibles pour la sécurité ou en raison de la présence d'institutions 60 ( * )

15

Ministères, Banque de France, TGI de Paris, UNESCO, etc .

Avis simple

Exercice permanent du pouvoir de police

Nouvel avis formel pour le maire

Tout axe, pour assurer la sécurité de personnes faisant l'objet d'une protection particulière

16

Transfert de certains prisonniers vers le tribunal de Paris

Aucun avis formel

Exercice temporaire du pouvoir de police

Nouvelle catégorie de voies

Axes où sont organisées des manifestations à caractère revendicatif

16

Manifestations politiques ou syndicales

Avis simple

Exercice temporaire du pouvoir de police

Aucune évolution

Axes où se déroulent des manifestations festives, sportives ou culturelles non itinérantes 61 ( * )

16

Fêtes d'école, vide-greniers

Exercice temporaire du pouvoir de police

Aucun avis formel

Nouveau cas d'exercice du pouvoir de police par le maire

Axes essentiels à la sécurité et au bon fonctionnement des pouvoirs publics

17

Boulevard périphérique, traversées Nord-Sud ou Est-Ouest de Paris

Exercice permanent du pouvoir de police

Prescriptions lors de l'aménagement des voies pour y garantir la fluidité de la circulation

Suppression de l'avis conforme du préfet de police, remplacé par des prescriptions

Axes concourant à la sécurité des personnes et des biens en cas de crise ou d'urgence

18

Axes du Plan Rouge Alpha Circulation (PRAC)

Exercice permanent du pouvoir de police

. Définition de ces axes par arrêté - . Avis simple

Nouvelle catégorie de voies

Source : Commission des lois du Sénat

D'un point de vue géographique, le nouveau régime des axes essentiels et concourant à la sécurité des personnes peut être illustré ainsi :

NB : les axes « essentiels » à la sécurité figurent en bleu clair, les axes « concourant » (dispositif PRAC notamment) en rouge.

Source : Direction de la modernisation et de l'action territoriale

2.2. Salubrité des immeubles : un nouveau partage des compétences

Le préfet de police exerce aujourd'hui la majeure partie de la police de la salubrité des bâtiments parisiens.

Le maire de Paris est uniquement compétent pour :

- les édifices appartenant à la ville 62 ( * ) ;

- les règles d'hygiène prévues par le code de la santé publique pour les « locaux d'habitation et assimilés », mais pas pour les « logements loués meublés ou garnis, hôtels, locaux affectés à de l'hébergement collectif », qui relèvent du préfet de police 63 ( * ) .

La police de salubrité des bâtiments

Cette police spéciale vise à s'assurer que l'état des bâtiments ne représente pas un danger pour la santé des habitants et des riverains .

Elle permet de prendre des mesures en cas de « danger grave ou imminent tel que les accidents naturels » ( article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales). À titre d'exemple, cette police permet d'intervenir pour garantir la solidité des bâtiments en cas d'inondation.

Enfin, le détenteur de la police de salubrité des bâtiments peut prendre des arrêtés pour « fixer les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière (...) de salubrité des habitations » (articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique).

Hors de Paris, la police spéciale de la salubrité des bâtiments est exercée par les maires seuls ou, pour les dispositifs relevant du code de la santé publique, par le Gouvernement, les préfets de département et les maires 64 ( * ) .

Cette police se différencie d'autres procédures proches, à savoir :

- les articles L. 1331-22 à L. 1331-30 du code de la santé publique, qui permettent à l'État de prescrire des travaux contre les habitats insalubres ( « insalubrité remédiable » ) ou à interdire l'accès à ces immeubles ( « insalubrité irrémédiable » ) ;

- les articles L. 521-1 à L. 521-4 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoient le relogement des occupants d'immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine ;

- les articles L. 129-1 à L. 129-7 ( sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation ) et L. 511-1 à L. 511-7 ( édifices menaçant ruine ), dont les modalités d'application à Paris sont précisées par l'article 25 du présent projet de loi.

L'article 21 tend à transférer au maire de Paris la majeure partie de la police de salubrité des bâtiments.

Concrètement, le préfet de police serait uniquement chargé d'assurer la salubrité des bâtiments entièrement dédiés à l'accueil du public et entrant dans la procédure ERP 65 ( * ) .

Le maire de Paris deviendrait compétent pour :

- les bâtiments à usage principal d'habitation, comme les immeubles résidentiels ;

- ceux à usage total d'hébergement, à l'instar des établissements hôteliers ;

- ceux à usage partiel d'hébergement. Comme le souligne l'étude d'impact, ces bâtiments peuvent comprendre à la fois des zones d'hébergement et des zones ERP (salles de réunion, salles de sport, etc .).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le service des architectes de sécurité (SAS) de la préfecture de police serait mis à disposition du maire de Paris pour la gestion de ces bâtiments mixtes.

Selon l'étude d'impact, cette nouvelle répartition des rôles « tend à assurer au maire de Paris la faculté de disposer de l'ensemble des leviers lui permettant d'assurer une politique coordonnée et efficace au profit des parisiens dans le champ de l'habitat » 66 ( * ) .

Pour les immeubles faisant l'objet de mesures de salubrité mais menaçant également ruine, il serait fait application des règles fixées à l'article 25 du présent projet de loi 67 ( * ) .

2.3. La police des funérailles et des lieux de sépulture : une unification du pouvoir de police à préciser

Le préfet de police est actuellement chargé de la police funéraire 68 ( * ) alors que le maire est compétent pour la sûreté des monuments funéraires 69 ( * ) .

La police funéraire et la police des monuments funéraires

La police funéraire consiste à réglementer l'organisation des funérailles , à assurer le maintien de l'ordre et de la décence dans les lieux de sépulture, à garantir l'inhumation de tous les corps, à régir les modes de transport des cadavres ainsi que la procédure de scellement des cercueils.

La police des monuments funéraires vise à assurer la sûreté de ces ouvrages , notamment en imposant leur réparation ou leur démolition lorsqu'ils représentent un danger grave ou imminent.

Ces deux polices spéciales sont confiées au maire, sauf à Paris où le préfet de police détient la police funéraire et le maire celle des monuments funéraires.

L'article 21 tend à transférer la police funéraire au maire de Paris, tout en maintenant sa compétence pour les monuments funéraires . Cette mesure répond à l'observation de notre collègue Alain Marc qui soulignait dès 2015 qu'il n'était « pas évident de justifier la compétence de la préfecture de police concernant la police des funérailles » 70 ( * ) .

Le texte transmis au Sénat comporte toutefois une ambiguïté : pour organiser ce transfert, il ne fait référence qu'à l'article L. 2213-8 71 ( * ) du code général des collectivités territoriales (CGCT) alors que d'autres articles de ce même code traitent de la police funéraire.

Pour assurer la lisibilité du texte, votre commission a ainsi adopté l'amendement COM-91 de son rapporteur afin d' expliciter la compétence du maire de Paris en matière d'inhumation (article L. 2213-7 du CGCT), de transport des corps, de décence dans les cimetières (article L. 2213-9) et de surveillance des lieux de sépulture (article L. 2213-10).

2.4. Police des baignades : une nouvelle compétence pour le maire de Paris

En l'état du droit, le préfet de police exerce la police des baignades à Paris, conformément à l'article XXXII de l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII 72 ( * ) .

La police des baignades

Confiée aux maires sur le reste du territoire national, cette police spéciale consiste à réglementer l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique des baignades et des activités nautiques.

Elle comprend, notamment, la délimitation de zones surveillées « présentant une garantie suffisante pour la sécurité » 73 ( * ) .

L'article 21 propose de transférer la police des baignades au maire de Paris.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, la mairie de Paris pourrait utiliser cette prérogative pour organiser des activités nautiques au bassin de la Villette en 2017 et au bois de Vincennes en 2019. Dans son dossier de candidature pour les Jeux olympiques de 2024, la ville a également proposé qu'une partie des épreuves nautiques ait lieu sur la Seine.

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-90 de son rapporteur et l'article 21 ainsi modifié .

Article 22 - (art. L. 2512-27 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Transfert au maire de Paris de la compétence de délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports

En l'état du droit, le préfet de police assure l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ainsi que la remise de ces titres aux intéressés 74 ( * ) .

En pratique, les demandeurs doivent se rendre dans des « antennes de police administrative », installées dans les mairies d'arrondissement mais gérées par des agents de la préfecture de police.

Historiquement, cette compétence est basée sur une interprétation relativement large de l'article III de l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII 75 ( * ) .

La gestion des cartes nationales d'identité et des passeports

Hors de Paris, les maires sont chargés « en tant qu'agents de l'État » 76 ( * ) de :

- recueillir les demandes de cartes nationales d'identité et de passeports . Les agents de la commune assurent ainsi le suivi administratif des dossiers ainsi que les relevés d'empreintes digitales ;

- remettre les documents établis par les préfectures et sous-préfectures aux personnes intéressées .

Si toutes les communes ont l'obligation d'instruire les demandes de cartes nationales d'identité, seules les municipalités volontaires délivrent des passeports. Elles bénéficient, dans ce dernier cas, d'une dotation spécifique de 5 030 euros par an et par appareil de relevé d'empreintes. Aujourd'hui, 2 088 communes seraient équipées pour délivrer des passeports 77 ( * ) .

L'article 22 propose de confier aux services placés sous l'autorité du maire de Paris le recueil des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports .

Conformément au droit commun, la préfecture de police établirait ensuite ces documents, en lien avec l'Imprimerie nationale, mais ils seraient remis par les services du maire de Paris.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23 - (art. L. 325-2, L. 325-13 et L. 411-2 du code de la route) - Gestion du service public des fourrières

À Paris, le préfet de police - et non le maire - gère le service public des fourrières 78 ( * ) . Il administre trois fourrières 79 ( * ) et six « préfourrières » 80 ( * ) .

Chaque année, 250 000 véhicules sont placés dans les fourrières et préfourrières parisiennes 81 ( * ) .

La mise en fourrière des véhicules

Deux motifs justifient la mise en fourrière 82 ( * ) :

- les véhicules sont stationnés en infraction des dispositions du code de la route ou de certaines dispositions législatives spéciales (transport de marchandises dangereuses, esthétique des sites, etc .) ;

- les véhicules font l'objet d'une peine d'immobilisation ou de confiscation infligée sur le fondement du code pénal.

La décision de mise en fourrière d'un véhicule peut être prise par un officier de police judiciaire ou par un « agent de police judiciaire adjoint , chef de la police municipale ou qui occupe ces fonctions » . Le chef de la police municipale peut, lui-même, habiliter des agents de la police municipale à prendre ce type de décisions.

L'ensemble de ces agents peut, en cas de besoin, « ouvrir ou faire ouvrir les portes du véhicule, manoeuvrer ou faire manoeuvrer tous appareils » et « conduire le véhicule ou le faire conduire vers le lieu de mise en fourrière » .

L'article 23 permet à la mairie de Paris de mettre en oeuvre le service public des fourrières , conformément au droit applicable sur le reste du territoire national (article L. 325-13 du code de la route).

Il s'inscrit dans la logique de l'article 21 et des nouvelles compétences octroyées au maire de Paris en matière de circulation et de stationnement.

Le présent article clarifie , en outre, le rôle des agents en charge du service de fourrière (article L. 325-2 du code de la route).

En l'état du droit, les agents de surveillance de Paris (ASP) constatent des infractions de stationnement par radio et demandent à un officier de police judiciaire (OPJ) de la police nationale de prescrire la mise en fourrière.

Le présent article permet aux ASP , mais également aux contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique, de procéder eux-mêmes à la demande d'enlèvement du véhicule , sans attendre la décision de l'OPJ 83 ( * ) .

Enfin, l'article 23 actualise les dispositions du code de la route (article L. 411-2) selon lesquelles l'exercice de la police de la circulation à Paris est régi par les règles particulières de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales 84 ( * ) .

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-92 de son rapporteur et l'article 23 ainsi modifié.

Article 24 - (art. L. 532-1 du code de la sécurité intérieure ; - art. 21 du code de procédure pénale) - Statut juridique des contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique

L'article 24 modifie le statut de certains contrôleurs de la préfecture de police afin de leur confier les mêmes prérogatives qu'aux agents de surveillance de Paris (ASP).

Pour exercer ses missions, le préfet de police s'appuie sur des agents de la Ville de Paris placés sous son autorité et que le présent projet de loi propose de replacer sous les ordres du maire de Paris 85 ( * ) .

Initialement, ces agents étaient répartis dans deux corps de catégorie C : les ASP - compétents pour le contrôle du stationnement et la gestion de la circulation - et les préposés - en charge des fourrières.

En 2010, le corps des contrôleurs a été créé pour accroître les perspectives professionnelles des ASP : il s'agit d'un corps de catégorie B ouvert aux ASP souhaitant exercer des missions d'encadrement et occuper des postes de « chef de vigie » .

Les contrôleurs sont répartis en quatre spécialités : voie publique, fourrière, institut médico-légal et surveillance spécialisée.

En l'absence de modification du code de la sécurité intérieure, les contrôleurs n'ont pas été habilités à réaliser les missions opérationnelles des agents de surveillance de Paris .

Contrairement aux ASP, les contrôleurs :

- ne sont pas des agents de police judiciaire adjoints (article 21 du code de procédure pénale) ;

- ne peuvent pas, d'un point de vue formel, constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police et du maire de Paris (article L. 532-1 du code de la sécurité intérieure).

En pratique, les contrôleurs sont ainsi cantonnés à des tâches administratives et de gestion . Ils ne peuvent pas être appelés en appui opérationnel des ASP.

L'article 24 vise à répondre à cette difficulté en qualifiant les contrôleurs ayant choisi la spécialité « voie publique » 86 ( * ) d'agents de police judiciaire adjoints et en leur attribuant une compétence de verbalisation .

Votre rapporteur a toutefois constaté que l'harmonisation des prérogatives entre les agents de surveillance de Paris et les contrôleurs n'était pas complète dans le texte transmis au Sénat .

En effet, contrairement aux ASP, les contrôleurs n'auraient pas été habilités pour le dépistage d'alcoolémie (articles L. 234-4 et L. 234-9 du code de la route), la détection de stupéfiants (article L. 235-2 du même code) et les relevés d'identité (article 78-6 du code de procédure pénale).

Pour répondre à cette difficulté, votre commission a adopté l' amendement COM-93 afin d'aligner entièrement le régime applicable aux contrôleurs sur celui des ASP.

Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .

Article 25 - (art. L. 129-5 et L. 511-7 [nouveau] - du code de la construction et de l'habitation) - Transfert au maire de Paris de la sécurité des occupants - d'immeubles collectifs à usage d'habitation et d'une partie de la police des édifices menaçant ruine

En l'état du droit, le préfet de police assure à Paris la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation 87 ( * ) ainsi que la police des édifices menaçant ruine 88 ( * ) .

Sur le reste du territoire, ces deux compétences sont confiées aux maires.

La sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation - (articles L. 129-1 à L. 129-7 du code de la construction et de l'habitation)

Ces dispositions s'appliquent lorsqu'un équipement commun d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation dysfonctionne ou n'est pas suffisamment entretenu et que cette situation est de nature à créer « des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation » .

Le maire agissant au nom de l'État ou, à Paris, le préfet de police, peut alors prescrire la remise en état de fonctionnement ou le remplacement de cet équipement . Il procède d'office à ces travaux si les propriétaires ne les réalisent pas dans le délai imparti. L'évacuation des lieux peut également être ordonnée en cas d'urgence ou de menace grave et imminente, après rapport d'un expert désigné par le juge administratif.

La liste des équipements collectifs concernés est fixée à l'article R. 129-1 du code de la construction et de l'habitation (ventilation, chauffage collectif, système de sécurité contre les incendies, etc .).

Les édifices menaçant ruine - (articles L. 511-1 à L. 511-6 du code de la construction et de l'habitation)

Ces dispositions s'appliquent lorsque des murs, bâtiments ou édifices menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité publique .

Deux procédures sont possibles, suivant que le péril est ordinaire ou imminent :

- péril ordinaire : après une procédure contradictoire, le maire ou, à Paris, le préfet de police, peut prescrire des travaux de démolition ou de réparation, voire l'interdiction d'habiter les lieux. Il peut exécuter les travaux d'office, après mise en demeure et à défaut d'action des propriétaires dans un délai qui ne peut pas être inférieur à un mois ;

- péril imminent : après rapport d'un expert désigné par le juge administratif, le maire ou, à Paris, le préfet de police, peut ordonner des mesures provisoires pour garantir la sécurité de l'édifice (piochage, étaiement, etc .). Il peut également les exécuter d'office sans mise en demeure préalable du propriétaire. En règle générale, l'arrêté de péril imminent est donc ultérieurement complété par un arrêté de péril ordinaire, permettant de répondre définitivement aux difficultés constatées.

La procédure des édifices menaçant ruine est donc proche de celle relative à la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation, à deux différences près. En premier lieu, les troubles justifiant ces procédures ne sont pas identiques (dysfonctionnement d'un équipement collectif, dans un cas, problèmes de solidité des bâtiments dans l'autre cas). En second lieu, des garanties spécifiques sont prévues pour les habitants d'un édifice menaçant ruine : le propriétaire est tenu d'assurer le relogement des locataires, conformément aux articles L. 521-1 à L. 521-4 du code de la construction de l'habitation.

L'article 25 vise tout d'abord à confier au maire de Paris la sécurité des occupants d'immeubles collectifs à usage d'habitation , le préfet de police se substituant à lui uniquement en cas de carence 89 ( * ) (article L. 129-5 du code de la construction et de l'habitation).

Le maire de Paris assurerait également la police des édifices menaçant ruine (nouvel article L. 511-7 du code du même code).

Comme pour la salubrité des immeubles 90 ( * ) , le préfet de police conserverait toutefois cette compétence pour les établissements recevant du public ( ERP ) sans hébergement. D'après les informations recueillies par votre rapporteur auprès des représentants de la préfecture de police, ce cas de figure est très peu fréquent, les exploitants des zones ERP luttant spontanément contre la vétusté des bâtiments pour garantir un bon accueil du public.

Votre commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-94 de son rapporteur ainsi que l'article 25 ainsi modifié .

Article 26 - Entrée en vigueur des transferts de police spéciale au maire de Paris

L'article 26 précise le calendrier des transferts de pouvoirs de police prévus aux articles 21 à 25 : l'ensemble de ces dispositions entrerait en vigueur au 1 er janvier 2017, à l'exception du transfert de la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports 91 ( * ) qui deviendrait effectif au 1 er avril 2017.

Ces délais semblent toutefois peu compatibles avec le calendrier d'examen parlementaire du présent projet de loi.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a jugé plus prudent de décaler le transfert des pouvoirs de police au 1 er avril 2017 et celui des titres d'identité au 1 er janvier 2018 (amendement COM-95) .

Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié.


* 42 Loi concernant la division du territoire français et l'administration (17 février 1800).

* 43 Arrêté qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris (1 er juillet 1800).

* 44 Article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

* 45 Article L. 2212-13 du code général des collectivités territoriales.

* 46 Rapport n° 433 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat, p. 9

( http://www.senat.fr/rap/l14-433/l14-4331.pdf ).

* 47 Article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation

* 48 Article L. 211-28 du code rural.

* 49 Cité dans l'ouvrage d'Olivier Renaudie, La préfecture de police , 2008, Lextenso éditions (p. 274).

* 50 Loi portant adaptation du régime administratif et financier de la ville de Paris.

* 51 Loi relative à la démocratie de proximité.

* 52 Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 53 Étude d'impact du présent projet de loi, p. 32.

* 54 Cf. supra (point 1.3 du présent commentaire).

* 55 Alors que le contrôle de légalité et le pouvoir de substitution sont exercés, sur le reste du territoire national, par les préfets de département.

* 56 Décret fixant les axes mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales.

* 57 Soit environ 4 000 des 13 000 manifestations organisées chaque année à Paris. Cette disposition se déduit de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales tel que rédigé par le présent projet de loi.

* 58 Étude d'impact du présent projet de loi, p. 33.

* 59 Dans la version du texte transmise au Sénat.

* 60 Y compris les représentations diplomatiques.

* 61 Si la manifestation est itinérante, elle entre, par défaut, dans la catégorie précédente (axes où sont organisées des manifestations à caractère revendicatif et pour lesquels le préfet de police est compétent).

* 62 Cf. supra pour plus de précisions sur la police de la conservation des dépendances domaniales de la Ville de Paris.

* 63 Décret n° 70-415 du 8 mai 1970 relatif à l'organisation sanitaire dans la ville de Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

* 64 Concrètement, pour l'application des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique, des décrets en Conseil d'État fixent des règles générales d'hygiène. Ces règles peuvent être complétées au niveau local par des arrêtés des préfets ou des maires.

* 65 Procédure des « établissements recevant du public » (ERP) visant à prévenir les risques d'incendie et de mouvements de panique dans les immeubles recevant du public (articles L. 123-1 à L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation).

* 66 Étude d'impact du présent projet de loi, p. 33.

* 67 L'article 25 du projet de loi concerne la police des édifices menaçant ruine. Comme dans le cas de la salubrité, cette police spéciale serait partagée entre le préfet (immeubles ERP) et le maire (immeubles à usage principal d'habitation et bâtiments à usage partiel ou total d'hébergement).

* 68 Article R. 2512-35 du code général des collectivités territoriales.

* 69 Article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales.

* 70 Rapport n° 433 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat, p. 20. ( http://www.senat.fr/rap/l14-433/l14-4331.pdf ).

* 71 Selon lequel « Le maire assure la police des funérailles et des cimetières ».

* 72 « (Le préfet de police) fera surveiller spécialement (...) les passages d'eau, bacs, batelets, les bains publics, les écoles de natation, et les mariniers, ouvriers, arrimeurs, chargeurs, déchargeurs, tireurs de bois, pêcheurs et blanchisseurs ».

* 73 Article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales.

* 74 Article 3 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité.

* 75 « (Le préfet de police) délivrera les passeports pour voyager de Paris dans l'intérieur de la République. Il visera les passeports des voyageurs ».

* 76 Article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales.

* 77 Source : « Biométrie : mettre la technologie au service des citoyens » , rapport n° 788 (2015-2016) fait par MM. François Bonhomme et Jean-Yves Leconte au nom de la commission des lois du Sénat, p. 15 ( http://www.senat.fr/rap/r15-788/r15-7881.pdf ).

* 78 Article R. 325-15 du code de la route.

* 79 Fourrières de Chevaleret (13 ème arrondissement de Paris), de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) et de La Courneuve (Seine-Saint-Denis)

* 80 Soit les « préfourrières » de Balard, Bercy, Pantin, Foch, Pouchet et des Halles.

* 81 Source : préfecture de police.

* 82 Articles L. 325-1 à L. 325-1-2 du code de la route.

* 83 Cf. le commentaire des articles 25 et 30 pour plus de précisions sur le statut juridique des agents de surveillance de Paris (ASP) et des contrôleurs de la préfecture de police.

* 84 Article du code général des collectivités territoriales qui détermine la répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris et dont les dispositions sont largement modifiées par l'article 21 du présent projet de loi.

* 85 Cf. le commentaire de l'article 30 pour plus de précisions. Ce transfert d'autorité est justifié par les nouveaux pouvoirs de police confiés au maire de Paris.

* 86 Les agents de la spécialité « fourrière » seraient également transférés au maire de Paris mais il n'a pas été jugé nécessaire de leur donner les mêmes prérogatives que les ASP.

Ceux affectés aux spécialités « institut médico-légal » et « surveillance spécialisée » resteraient sous l'autorité du préfet de police et il n'apparaît pas nécessaire, au regard de leurs fonctions, de leur attribuer des prérogatives comparables à celles de ASP.

* 87 Article L. 129-5 du code de la construction et de l'habitation.

* 88 Article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation.

* 89 Conformément au droit commun du pouvoir de substitution.

* 90 Cf. le commentaire de l'article 21 du présent projet de loi.

* 91 Cf. l'article 22 du présent projet de loi.

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