III. UN PROGRAMME AUQUEL SONT RATTACHÉS TROIS GRANDS OPÉRATEURS : SNCF RÉSEAU, LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS ET VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

1. Si le programme 203 et l'AFITF jouent un rôle majeur dans le financement de SNCF Réseau, le contrat de performance qui fixera la trajectoire financière de l'établissement se fait toujours attendre

La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a créé un groupe public ferroviaire qui s'est constitué le 1 er juillet 2015 et comprend un établissement public « de tête » , la SNCF , et deux établissements publics opérationnels, le gestionnaire de l'infrastructure , SNCF Réseau , et l'opérateur de mobilité , SNCF Mobilités .

L'un des principaux enjeux de cette réforme résidait dans la constitution d'un gestionnaire unique de l'infrastructure au sein de SNCF Réseau , qui regroupe désormais les équipes de l'ex-RFF , de l'ex-SNCF Infra et de l'ex-direction des circulations ferroviaire de la SNCF au sein d'un établissement public comptant 54 100 salariés à la fin de l'année 2015. Le Gouvernement escompte que cette unification permettra de dégager à terme 500 millions d'euros d'économies grâce à la suppression de doublons et aux gains de productivité .

Les liens financiers entre SNCF Réseau et le programme 203 sont très importants puisque l'action 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires » , qui représente 77,8 % des crédits dudit programme , porte pour 2017 2 457 millions d'euros de crédits d'intervention (AE=CP), soit un montant identique à celui de 2016, en faveur de SNCF Réseau .

Ces crédits visent à financer l e coût de l'utilisation du réseau ferré national par les trains régionaux de voyageurs (TER) , les trains nationaux classiques (trains Intercités) et les trains de fret , que les péages que perçoit par ailleurs SNCF Réseau ne parviennent pas à couvrir .

En vertu de ce mécanisme, SNCF Réseau percevra ainsi en 2017 :

- 1 675,7 millions d'euros (AE=CP) pour le financement de l'utilisation de son réseau par les TER . Ce montant correspond à la redevance d'accès facturée par SNCF Réseau pour l'utilisation par les TER du réseau ferré national hors Île-de-France ;

- 529,4 millions d'euros pour le financement de son utilisation par les trains nationaux classiques de voyageurs (trains Intercités), dont l'État est l'autorité organisatrice ;

- 251,9 millions d'euros pour le financement de son utilisation par les trains de fret .

Les liens financiers de SNCF Réseau avec l'AFITF sont également significatifs, puisque l'agence devrait lui verser quelque 600 millions d'euros en 2016 au titre de la modernisation et du développement du réseau .

Toutefois, les retards de paiement de l'AFITF se sont multipliés au cours du temps et elle doit désormais 734 millions d'euros à SNCF Réseau , dont 535 millions d'euros au titre de la ligne à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique

Or la dette financière nette de SNCF Réseau s'élevait au 30 juin 2016 à 40,8 milliards d'euros en normes françaises 9 ( * ) et à 44,1 milliards d'euros en normes IFRS .

Selon le directeur général délégué de SNCF Réseau entendu par votre rapporteur spécial, le contrat de performance de l'établissement prévu par la réforme de 2014 devrait enfin être signé avec l'État au cours du mois de novembre 2016 . Ce contrat d'une durée de dix ans , actualisé tous les trois ans et soumis à l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), devra notamment définir la trajectoire financière de SNCF Réseau 10 ( * ) .

2. La société du Grand Paris, rattachée au programme 203 bien qu'elle soit uniquement financée par des taxes affectées, monte rapidement en puissance

La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, dont l'article 1 er dispose que « le Grand Paris est un projet urbain, social et économique basé sur la construction d'un nouveau réseau de transport public », a créé la Société du Grand Paris (SGP) , établissement public de l'État à caractère industriel et commercial (EPIC) qui emploie 160 personnes et dont « la mission principale est de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation ».

Baptisé Grand Paris Express , le réseau de transport public porté par la SGP est constitué de 72 gares (que la SGP a pour mission de construire et d'aménager) et de 200 kilomètres de lignes nouvelles interconnectées au réseau existant (métro, RER et transilien).

Lors de la dernière estimation réalisée en 2012 , le coût du Grand Paris Express a été évalué à 22,625 milliards d'euros , auxquels il convient d'ajouter :

- 798 millions d'euros au titre de la participation de 55 % de la SGP au prolongement de la ligne 14 jusqu'à Mairie de Saint-Ouen ;

- 450 millions d'euros pour la réalisation des interconnexions avec le réseau existant ;

- 1,6 milliard d'euros pour la contribution de la participation de la SGP au plan de mobilisation de la région (Éole, ligne 11, schéma directeur des RER).

Au total, la SGP investira donc 25 milliards d'euros à l'horizon 2030.

Pour financer ces dépenses, la SGP dispose pour le moment :

- de trois recettes fiscales affectées dynamiques , pour un montant de 568 millions d'euros en 2017 ( 66 millions d'euros au titre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER, 385 millions d'euros au titre de la taxe locale sur les bureaux en Île-de-France et 117 millions d'euros au titre de la taxe spéciale d'équipement) 11 ( * ) ;

- d'un engagement de l'État et des collectivités territoriales à lui verser des dotations en capital, auxquels la SGP pourrait faire appel en tant que de besoin, et qui représenteraient au maximum respectivement 1 milliard d'euros et 225 millions d'euros ;

- à compter des mises en services, des produits de son domaine (péages, redevances commerciales, etc.).

Les investissements et interventions (qui correspondent à la participation au plan de mobilisation de la région) de la SGP connaissent une montée en charge progressive : 8,5 millions d'euros en 2010, 35,1 millions d'euros en 2011, 77,4 millions d'euros en 2012, 153,6 millions d'euros en 2013, 304,9 millions d'euros en 2014, 817 millions d'euros en 2015 et 968 millions d'euros en 2016, sur un budget 2016 total de 1,112 milliard d'euros .

En 2015, pour la première année, la SGP a dépensé davantage qu'elle n'a perçu de recettes, ce qui l'a conduit à prélever 316 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'établissement, accumulé depuis 2010 12 ( * ) . Elle devrait avoir épuisé totalement ce fonds de roulement au cours de l'année 2017. Son besoin de financement étant évalué à 8 milliards d'euros d'ici 2020, elle va donc avoir recours à l'emprunt.

Elle a ainsi signé en 2014 un protocole d'accord avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui prévoit qu'elle bénéficiera de 4 milliards d'euros de prêts du fonds d'épargne d'ici 2022. Une première tranche de 1 milliard d'euros a ainsi été débloquée en 2015. Toujours en 2015, la SGP a également emprunté 1 milliard d'euros auprès de la Banque européenne d'investissements (BEI) 13 ( * ) , dans le cadre d'une enveloppe globale qui pourra s'élever au maximum à 4 milliards d'euros à l'horizon 2023. La SGP a pour objectif le remboursement de tous ses emprunts à l'horizon 2070.

3. Voies navigables de France est parvenu à mettre en oeuvre la réforme prévue par la loi de 2012 mais doit moderniser son réseau

Voies navigables de France (VNF) , établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, gère le réseau de voies navigables français . Il est chargé de son exploitation , de son entretien , de sa maintenance , de son amélioration ainsi que de son extension .

La loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France lui a transférer au 1 er janvier 2013 les services de navigation de l'État , jusqu'alors mis à sa disposition, et qui comptent quelque 4 000 agents .

Au 1 er janvier, le réseau géré par l'établissement comprenait 6 700 kilomètres de voies navigables , plus de 3 000 ouvrages d'art et 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d'eau.

VNF devrait compter 4 501 ETP en 2017, son schéma d'emploi prévoyant une diminution de 71 ETP par rapport à 2016. Sa masse salariale s'élevait à 255,5 millions d'euros en 2016.

La subvention pour charges de service public que reçoit l'établissement sur les crédits du programme 203 représente environ 39 % de ses ressources . Cette subvention s'établira à 252,4 millions d'euros (AE=CP) en 2017, en très légère augmentation , par rapport à 2016, pour permettre à l'établissement d'absorber la hausse du point d'indice de la fonction publique décidée par le Gouvernement.

VNF perçoit également les recettes de la taxe hydraulique , que le présent projet de loi de finances prévoit de plafonner à hauteur de 131,8 millions d'euros contre 132,8 millions d'euros en 2016. Les redevances domaniales représentent environ 30 millions d'euros et les péages seulement 15 millions d'euros .

VNF reçoit également des subventions de l'AFITF pour l'aider à remettre en état son réseau .

Selon les responsables de l'établissement public, entendus par votre rapporteur spécial, les investissements actuellement consentis pour la régénération, la modernisation et le développement de nos voies navigables, à hauteur de 150 millions d'euros par an , demeurent insuffisants pour maintenir le réseau en état et empêcher son vieillissement .

Ainsi, certains ouvrages , notamment sur le petit gabarit, se dégradent et deviennent moins fiable , au point qu'il n'est plus possible d'y circuler (c'est le cas du canal Sambre-Oise par exemple).

Pour les remettre à niveau, il faudrait notamment procéder à des drainages , régénérer les écluses , renforcer l'automatisation et améliorer la sécurité des installations . La situation devrait demeurer sous contrôle encore cinq à six ans , mais deviendrait plus difficile au-delà sans investissements supplémentaires.

Prenant conscience de cette inquiétude, le secrétaire d'État chargé des transports a annoncé le 8 février 2016 un plan d'investissement exceptionnel pour l'entretien du réseau routier et fluvial qui a permis d'augmenter de 30 millions d'euros le financement initial de 40 millions d'euros de VNF par l'AFITF en 2016, portant ce financement à 70 millions d'euros .

Le projet stratégique de VNF pour la période 2015-2020 vise d'abord à hiérarchiser les différents segments du réseau , avec une offre de service fret sur le réseau à grand gabarit , une offre touristique sur les voies navigables plus modestes qui s'y prêtent et une offre de gestion hydraulique pour les autres usages de l'eau (agriculture, industrie, etc.). Un nouveau contrat d'objectifs et de performance devrait prochainement être signé avec l'État.

Sa tutelle, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), dresse un bilan très positif du travail accompli depuis le vote de la loi de 2012. Selon son directeur général, entendu par votre rapporteur spécial, la fiabilisation et la modernisation du réseau ont significativement progressé , notamment sur les questions de mise en sécurité et de remise à niveau du réseau à grand gabarit. Des dispositifs d'aide au report modal pour les opérateurs souhaitant expérimenter le recours à la voie d'eau ont été mis en place. Enfin, VNF a largement atteint ses objectifs en matière écologique , notamment à travers sa démarche de labellisation ISO 14 000, le déploiement d'un label « développement durable » et sa coopération accrue avec les agences de l'eau.


* 9 Dette en valeur de remboursement hors intérêts courants échus.

* 10 Cette trajectoire financière devra définir les moyens financiers alloués aux différentes missions de SNCF Réseau, les principes appliqués pour la détermination de la tarification annuelle de l'infrastructure et l'encadrement de ses variations annuelles globales, l'évolution des dépenses de gestion d'infrastructure ainsi que les mesures prises pour maitriser ces dépenses et les objectifs de productivité correspondants, et enfin la chronique de taux de couverture par les ressources de SNCF Réseau du coût complet à atteindre annuellement ainsi que la trajectoire à respecter du rapport entre la dette nette de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle.

* 11 Ce qui devrait représenter environ 10 milliards d'euros sur 20 ans (de 2010 à 2030) et 30 milliards d'euros sur 60 ans (de 2010 à 2070, horizon prévu pour l'arrivée à échéance des derniers emprunts souscrits par la SGP).

* 12 Au 1 er janvier 2015, ce fonds de roulement s'élevait à 1,036 milliard d'euros.

* 13 En vertu d'un arrêté pris sur le fondement de l'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la SGP ne peut souscrire d'emprunts d'une durée supérieure à douze mois auprès d'un établissement de crédit ni d'une société de financement. Elle peut en revanche contracter des emprunts supérieurs à douze mois auprès de la CDC et de la BEI qui ne relèvent d'aucune de ces deux catégories.

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