EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 15 novembre 2016 sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis », et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une mission importante au sein du pôle économique et financier de l'État. Elle porte principalement les crédits de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). L'exercice 2017 est particulier : les crédits de la mission, 10,9 milliards d'euros, sont en hausse de 1,1 %, ce qui tranche avec la baisse continue de ces dernières années.

Cette hausse a deux raisons principales. Tout d'abord, s'agissant de la DGFiP, l'exercice 2017 sera marqué par la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Afin de faire face au pic d'activité de l'année de transition évoqué par Bruno Parent, le directeur général des finances publiques, lors de son audition devant notre commission le 19 octobre 2016, 500 ETP sont « sauvegardés » par rapport à la trajectoire initiale. Le schéma d'emplois prévoit donc une suppression de 1 630 ETP, nettement inférieure aux 2 130 de l'an dernier.

Il faut toutefois reconnaître que les incidences budgétaires du prélèvement à la source n'ont pas encore été affinées. Combien d'emplois seront concernés à terme ? Les agents du contrôle fiscal, par exemple, hériteront d'une nouvelle mission : contrôler les collecteurs - comme l'administration le fait déjà pour la TVA - et non plus seulement les contribuables. La formation des agents commencerait en 2017. Quelque quarante applications informatiques devront être adaptées. Une campagne de communication nationale est prévue. Ces éléments ne sont pas encore intégrés dans le budget et devront être précisés. La discussion en commission à l'Assemblée nationale sur l'article 38 du projet de loi de finances a répondu aux interrogations récentes de notre rapporteur général : au sujet du taux neutre, trois niveaux de taux, progressifs, ont été prévus ; la familialisation a été améliorée, avec la prise en compte les naissances. C'est la preuve qu'on peut, dans la perspective d'une séance publique, améliorer le texte...

M. François Marc . - Et voilà...

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Nous aurions pu compléter le texte en séance. Le Sénat aurait pu avoir un apport positif.

M. Didier Guillaume . - Eh oui : quel dommage.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial. - Reste une question : la réversibilité du processus. Déjà 10 millions d'euros de crédits de paiement ont été engagés en 2016 pour commencer à modifier les programmes informatiques. Là encore, nous aurions pu poser la question au Gouvernement.

La mise en oeuvre du prélèvement à la source, toutefois, n'exclut pas la poursuite de la modernisation de la DGFiP. La dématérialisation des procédures se poursuit. En 2017, la télédéclaration de l'impôt sur le revenu concernera 23 millions de contribuables, contre 21 millions en 2016. La facturation électronique deviendra obligatoire en 2017 pour les fournisseurs de l'État, du moins pour les grandes entreprises et les personnes publiques, et la généralisation aux autres fournisseurs interviendra en 2018 et 2020. L'actuel portail impôts.gouv.fr sera remplacé par un espace numérique sécurisé et unifié (ESNU) pour les particuliers et les professionnels, avec une ergonomie totalement refondue.

Autre enjeu, la réorganisation du réseau territorial de la DGFiP - avec près de 4 000 points de contact, il s'agit de l'un des réseaux les plus denses des administrations d'État. Sur ce dernier point, je souhaiterais souligner que des problèmes peuvent se poser dans le cadre de la réorganisation des trésoreries en milieu rural, qui donnerait lieu à 120 fusions en 2017. Depuis la loi NOTRe -Nouvelle organisation territoriale de la République -, le président du conseil départemental élabore avec le préfet un schéma départemental d'amélioration et d'accessibilité des services au public, dont la raison d'être est d'éviter que toutes les administrations ne quittent en même temps un même territoire. Or, trop souvent, chaque administration prend sa décision de son côté, et il arrive même qu'une décision de fermeture soit arrêtée avant l'adoption du schéma départemental, même si celui-ci n'est pas prescriptif.

Un mot, enfin, sur le contrôle fiscal. Les résultats sont bons. Le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) a été élargi, avec l'ouverture de plusieurs antennes locales. Mais le travail n'est pas fini : si 19 160 déclarations avaient été traitées au 31 août 2016, rapportant quelques 6,3 milliards d'euros au total, le nombre total de dossiers à traiter est de 46 972.

L'autre grande particularité de l'exercice 2017 concerne la douane, et la mise en oeuvre du plan de lutte contre le terrorisme, annoncé par le Président de la République le 16 novembre 2015. Celui-ci prévoit la création de 1 000 postes de douaniers supplémentaires dont 500 en 2017, pour une création nette de 250 ETP, et une enveloppe de 45 millions d'euros pour financer l'achat de nouveaux équipements : gilets pare-balle, scanners, véhicules, informatique... En réalité, presque tous les métiers de la DGDDI sont concernés par la lutte contre le terrorisme, de la surveillance des flux de personnes et de marchandises à l'analyse de données informatiques : il est donc normal que l'enveloppe liée au plan anti-terroriste leur bénéficie. On saluera notamment l'effort réalisé en matière d'investissement, qu'il s'agisse du renouvellement de la flotte aérienne, avec sept avions Beechcraft 350, et de la flotte maritime, avec plusieurs vedettes garde-côtes, ou des moyens informatiques. Le nouveau Centre informatique douanier (CID), situé à Osny, est un bon exemple de mutualisation interministérielle : la douane, qui n'occupe plus qu'une partie des capacités disponibles, loue le reste à d'autres administrations - justice, éducation, culture ou Cour des comptes -, pour un coût d'ailleurs situé dans la moyenne basse du marché.

Cela dit, s'agissant des moyens informatiques, il ne suffit pas d'avoir des données : encore faut-il savoir les analyser. La douane s'est dotée d'outils très utiles à cet égard. Malheureusement, le cadre juridique actuel fait obstacle au recrutement des meilleurs data scientists et data analysts , car il est impossible pour l'administration de s'aligner sur les conditions salariales offertes par le secteur privé... Il s'agit d'un problème important, qui dépasse d'ailleurs le seul cas de la douane, et l'État perd un temps précieux : nous vous proposons donc un amendement autorisant le recrutement d'une dizaine de ces profils atypiques, pour un million d'euros.

Autre point à noter, les dépenses d'intervention en faveur des débitants de tabac. La récente signature du protocole d'accord sur la modernisation du réseau des buralistes pour la période 2017-2021 permet une dédramatisation bienvenue. J'en veux pour preuve le courrier que m'a envoyé le responsable départemental de l'association des débitants de tabac d'un département, qui se dit satisfait.

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte également, sur le programme 218, un ensemble de structures très diverses telles que Tracfin, l'Inspection générale des finances (IGF), l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), la direction des affaires juridiques et les fonctions support du secrétariat général des ministères économiques et financiers. Ses crédits augmentent de 1,7 %, soit 16,4 millions d'euros en 2017. L'éclatement du programme complique les gains d'efficience, bien sûr, mais ils sont possibles. Par exemple, la transformation du service des achats de l'État (SAE) en direction des achats de l'État (DAE) pourrait permettre d'accroître la mutualisation des achats, non seulement à Bercy mais dans l'ensemble des ministères, aujourd'hui inégalement impliqués.

Enfin, le programme 148 « Fonction publique » porte les crédits de l'action sociale interministérielle, de la formation des fonctionnaires et de l'apprentissage. Ses crédits augmentent de 4,6 % en 2017, soit 10,7 millions d'euros, surtout pour financer des places supplémentaires au sein des instituts régionaux d'administration (IRA). L'objectif de recruter 10 000 apprentis en 2016 est en passe d'être atteint.

En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », leur hausse correspondant essentiellement aux objectifs de lutte contre le terrorisme.

M. Richard Yung . - Très bien !

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - L'année 2016 a marqué plusieurs évolutions dans le pilotage et la gouvernance de la politique immobilière de l'État. En particulier, la direction de l'immobilier de l'État a pris la suite du service France Domaine en septembre dernier. Le projet de loi de finances pour 2017 en porte les traductions relatives à l'architecture budgétaire.

Deux points principaux sont à relever. En dépenses, l'unification des vecteurs budgétaires immobiliers interministériels. L'ancien programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est intégré au sein du CAS. Le CAS peut désormais financer les dépenses d'entretien lourd, sans qu'elles augmentent la valeur du bien. En recettes, la contribution obligatoire au désendettement de l'État appliquée sur chaque produit de cession est supprimée - ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Mais une contribution exceptionnelle reste possible : le ministère des affaires étrangères contribuera ainsi à hauteur de 60 millions d'euros, au titre des cessions immobilières à l'étranger. Surtout, une nouvelle recette est retracée au sein du CAS : le produit de certaines redevances domaniales.

Le compte est donc financé par les produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 500 millions d'euros en 2017, comme en 2016, et les produits des redevances domaniales, estimés à 85 millions d'euros. Je note avec mauvaise humeur que le Gouvernement ne nous a pas transmis la liste des biens à céder cette année. J'y vois une mesure de rétorsion contre la publicité que nous avions donnée à quelques cessions fantaisistes prévues l'année dernière...

En regard, le compte intègre désormais deux programmes distinguant les opérations immobilières nationales et les opérations immobilières déconcentrées. Il finance les dépenses de modernisation du parc immobilier de l'État, ainsi que les dépenses d'entretien lourd. Pour ces deux programmes, il est prévu un montant total 525 millions d'euros en crédits de paiements pour 2017.

Cela précisé, la réforme proposée s'accompagne d'une diminution des crédits immobiliers interministériels de 7 % à périmètre constant. Cette baisse réduit la portée de la nouvelle étape de la politique immobilière de l'État, l'entretien ne pouvant se faire au niveau prévu. De plus, c'est une réforme au milieu du gué qui est présentée : la maquette budgétaire n'est pas rénovée et les nouvelles règles du CAS doivent encore être précisées.

Deuxièmement, la réforme proposée ne résout pas certaines difficultés. Fonction support, l'immobilier est aussi le support de politiques : les produits de cessions demeurent ainsi minorés par le dispositif des décotes « Duflot » en faveur du logement social. L'État est ainsi amené à vendre des biens décotés à Paris, alors que la Ville de Paris cède sur son patrimoine propre des immeubles au prix fort. Un nouvel avatar de ce conflit d'objectifs risque de se produire avec la future « foncière solidaire ». Surtout, malgré le renforcement de France Domaine, de nombreux pans du parc immobilier demeurent peu ou mal appréhendés. C'est le cas des opérateurs, c'est aussi le cas du parc de logements de l'État, comme l'a souligné le référé de la Cour des comptes en mai sur la « Masse des Douanes ». Cet établissement public administratif créé en 1998 compte quelques 3 324 logements. Avec Thierry Carcenac, nous l'avons désespérément cherché tant dans le document de politique transversale (DPT) « Politique immobilière de l'État » que dans l'annexe consacrée aux opérateurs de l'État, et avons dû nous résoudre à reconnaître en lui une nouvelle catégorie d'opérateur : l'objet administratif non identifié ! Ce n'est pas une nouveauté - il y a déjà eu un rapport de la Cour des comptes en 2006 : personne n'a donc été meilleur que les autres jusqu'à présent ; espérons que cela change !

Huit ans après la conclusion des premiers schémas immobiliers les concernant, les opérateurs, qui possèdent pourtant 27,5 millions de mètres carrés pour une valeur identique à celle des biens possédés en propre par l'État, demeurent largement à l'écart de la démarche de modernisation de la politique immobilière de l'État. Les universités représentent près des deux tiers de l'immobilier des opérateurs. Une reprise de l'expérimentation de la dévolution a été annoncée, mais dans des conditions telles que plusieurs universités ont préféré ne pas se porter candidates, comme nous avons pu le constater notamment lors de notre déplacement en Alsace. Il faudrait que ces conditions changent si nous voulons que les cessions reprennent. Alors que les campus vieillissent, une véritable politique immobilière pourrait permettre aux universités de céder certains actifs pour financer leurs dépenses immobilières.

L'examen des différentes missions du budget de l'État souligne le problème récurrent de la fonction immobilière. S'y chevauchent souvent des acteurs pluriels, des stratégies multiples et des difficultés diverses. C'est pourquoi, dans le cadre des réflexions qui vont s'ouvrir ces prochains mois, il conviendrait de préciser les termes de la politique immobilière de l'État. Voilà un bel objectif pour les candidats à la présidence de la République, qui changerait de l'identité nationale et des Gaulois...

Pour répondre aux défis de rationalisation, d'entretien et de mise aux normes du parc, une stratégie à moyen terme, donnant une visibilité sur les crédits disponibles, doit être définie. De même, face à la baisse progressive des produits de cessions, il convient d'investir la ressource des redevances domaniales en définissant une stratégie de valorisation de notre parc.

La mission « Crédits non répartis », anciennement « Provisions », prévue par la LOLF comprend deux dotations visant à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Dénuée de stratégie de performance, elle est la moins dotée du budget général. Il convient, toutefois, de noter que ce montant ne comprend pas, à ce stade, les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront intégrés par voie d'amendement en cours de navette.

Les crédits, pour 2017, sont en diminution, en raison de l'absence de budgétisation du programme relatif à la « Provision relative aux rémunérations publiques », qui correspond à un retour à la situation qui prévalait depuis 2009. L'ouverture de crédits sur ce programme en 2016 - pour des mesures d'accompagnement indemnitaires liées à la réorganisation territoriale de l'État - correspondait, en effet, à une première depuis sept ans. Pour 2017, aucun crédit n'est donc prévu, puisqu'ils ont été intégralement répartis entre les différentes missions concernées.

Quant à la dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », elle se voit attribuer, un montant identique aux crédits ouverts en 2016 : 324 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP. Cette différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer les éventuelles prises à bail privées des administrations qui pourraient survenir dans l'année. On peut néanmoins s'interroger sur le montant prévu, puisque depuis 2012, le montant d'AE réellement consommé n'a jamais dépassé 150 millions d'euros, soit la moitié du montant ouvert chaque année.

Par ailleurs, s'agissant de la mission, il convient de noter - comme l'a également souligné la Cour des comptes dans ses notes d'analyse d'exécution budgétaire de la mission - que l'usage de ces crédits s'avère parfois contestable, puisque s'éloignant de l'exigence d'imprévisibilité prévue par la LOLF. Cette mission n'est pas destinée à pallier les aléas de gestion pour lesquels les techniques budgétaires de droit commun peuvent être utilisées.

Par ailleurs, une budgétisation plus juste de certains programmes permettrait également de rester dans le droit commun et de réduire le recours à la mission « Crédits non répartis ». C'est le cas des fonds spéciaux du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement », qui font l'objet d'une ouverture de crédits récurrente et stable depuis 2011, alors qu'une augmentation, dans la mission d'origine, aurait été utile. Une meilleure budgétisation dans la mission d'origine pourrait ainsi réduire le recours aux crédits de la présente mission.

Lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique jeudi 10 novembre, l'Assemblée nationale a adopté quatre articles additionnels rattachés. Il s'agit de trois amendements du Gouvernement : un article complétant le dispositif d'indemnisation des fonctionnaires victimes de l'amiante mis en place par l'article 146 de la loi de finances pour 2016 ; un article visant à étendre le dispositif dit « Sauvadet » d'accès à l'emploi titulaire pour les agents contractuels des établissements publics ; un article visant à renforcer les moyens de lutte contre les arrêts maladie des fonctionnaires, prenant la suite de l'expérimentation.

S'ajoute un article introduit par notre collègue Jean-Louis Dumont instaurant des plafonds de surfaces de bureau par ministère occupant ainsi que pour les opérateurs placés sous sa tutelle - je vois mal comment cela peut fonctionner... Afin d'assurer une analyse approfondie de ces articles, il vous est proposé d'en réserver l'examen pour la réunion « balai » d'examen définitif des missions.

En signe d'encouragement, car si les réformes ne vont pas assez loin, elles vont dans le bon sens, je vous propose d'adopter les crédits relatifs au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et à la mission « Crédits non répartis ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En matière d'immobilier de l'État, les années se suivent et se ressemblent : l'État n'a toujours pas défini de politique globale. Ayant vendu beaucoup de biens de qualité, il lui reste surtout des biens de moindre importance. Doit-on consacrer le produit des cessions au désendettement ? Doit-on consacrer des crédits à l'entretien ?

Le fait même que les députés aient modifié beaucoup de dispositions concernant le prélèvement à la source montre bien qu'en dépit de ce que le gouvernement prétend, le texte initial n'est pas opérationnel. La réforme est-elle réversible ? Elle l'est tant qu'elle n'a pas commencé à être mise en oeuvre. La position de la majorité sénatoriale est de lui préférer une mensualisation contemporaine qui ne fasse pas poser sur les entreprises la charge du prélèvement et qui préserve le lien direct entre particulier et administration. Le travail sur l'année de transition ne sera donc pas perdu. Profitons des outils que la DGFiP a développés, tels que le nouveau portail internet.

M. Marc Laménie . - Peut-on dresser un bilan positif des regroupements de trésoreries dans le monde rural ? Il ne faut pas oublier qu'elles ont un rôle d'appui aux élus locaux que nous sommes, notamment dans les petites communes. Certes, la dématérialisation a permis des économies ; mais l'efficacité est-elle au rendez-vous ?

Vous avez parlé des 504 opérateurs de l'État ; ont-ils tous leur utilité ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Dans le rapport, vous indiquez que la Direction de l'immobilier de l'État ne gère que 10 % des crédits relatifs à l'immobilier. Est-on dans la gesticulation ou a-t-on vraiment franchi un cap ? J'ai été alerté par certains opérateurs : habituellement, s'ils réduisent leurs emprises, ils bénéficient d'un retour financier. Mais ce dernier est irrégulier. L'Institut géographique national, par exemple, a financé les travaux qu'il a dû faire pour se déplacer au sein de ses emprises, mais il n'en voit pas la contrepartie financière. C'est contreproductif ! Quant à la Société de valorisation immobilière (Sovafim), le rapporteur spécial peut-il nous en dire un peu plus ? Je croyais cette affaire terminée !

M. Jean Pierre Vogel . - La douane a-t-elle engagé une réflexion sur une éventuelle mutualisation des hélicoptères avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et les agences régionales de santé (ARS), comme cela avait été envisagé ? Y a-t-il des freins, peut-être corporatistes, qui expliqueraient qu'on n'en entende plus parler ? Cela réduirait pourtant considérablement les coûts de maintenance en conditions opérationnelles.

M. Richard Yung . - Félicitons d'abord nos deux rapporteurs spéciaux : tant de travail pour rien, quel gâchis !

M. Didier Guillaume . - C'est vraiment dommage !

M. Richard Yung . - Il y a des économies à faire, on sait où les trouver. Vous parlez de réunion balai - le coup de balai sera venu bien avant ! Le CAS immobilier pourrait nous occuper des heures. Je note cependant que l'on taxe le ministère des affaires étrangères de 60 millions d'euros, mais que le ministère de la défense profite de l'intégralité du produit de ses cessions.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Et le logement taxe le CAS !

M. Richard Yung . - C'est une mécanique très compliquée. Il faut vraiment être français pour inventer un dispositif pareil. Avec Éric Doligé, nous avons mis du temps pour comprendre les explications de la responsable du CAS ! Nous voterons néanmoins les crédits.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - Il est vrai que les cessions à venir seront moins attractives que par le passé. Mais nous manquons surtout d'une stratégie globale de valorisation du patrimoine, qui établisse ce que l'État a intérêt à occuper, ce qu'il a intérêt à mettre en location pour payer l'entretien, et ce qu'il a intérêt à céder. Il y a eu tout de même des progrès, notamment concernant la connaissance du parc ou le développement d'une expertise en fait de renégociation des baux.

La directrice de l'immobilier de l'État nous l'a dit très clairement : je n'ai pas vocation à créer une foncière publique. La foncière solidaire, avec certes des objectifs louables, complexifie encore la situation... Nous assistons parfois à des situations absurdes, comme celle de l'école d'architecture de Nanterre, en friche depuis dix ans, qui coûte 50 000 euros de frais de gardiennage au budget annuel de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine depuis cinq ans. Et la mairie de Nanterre est incapable de se mettre d'accord avec les représentants de l'État ; la mairie n'a d'ailleurs répondu à aucune de nos sollicitations !

La liste des opérateurs est sélective : la Comédie française y est, mais pas la « Masse des Douanes ». L'inventaire de leurs biens n'est toujours pas terminé. Certains sont mis en observation sans qu'on voie bien pourquoi, comme l'Agence de mutualisation des universités et établissements (Amue), qui a très peu de patrimoine.

Une rationalisation de l'immobilier de l'État, intégrant l'ensemble des fonctions qui s'y rattachent, ne pourrait pas passer à côté de la question des loyers budgétaires, qui ont fait l'objet d'une valse-hésitation ces dernières années. Je crois qu'ils sont très utiles pour connaître le coût complet d'une politique publique. L'IGN, comme les universités, devrait normalement conserver le quart de la valeur de ses cessions. La Sovafim, dans le cadre de son opération Fontenoy-Ségur, a perdu de l'argent en procédant à un swap . À quoi sert-elle encore ? Il n'est pas admissible que par des opérations hasardeuses, une société publique perde de l'argent dans une opération de couverture de change !

Le CAS a été néanmoins un immense progrès. Souvenons-nous d'où nous venons : avant la loi organique relative aux lois de finances, on ne savait rien de rien des biens de l'État. C'était une boîte noire absolue. Là, il reste quelques boîtes noires et grises, comme la « Masse des Douanes ». Il faudra accélérer dans l'avenir, sinon, nous y serons encore dans quinze ans.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - S'agissant de la fusion des trésoreries rurales de la DGFiP évoquée par Marc Laménie, je vous renvoie à l'encart qui y est consacré dans le rapport. La réforme des intercommunalités devrait entraîner des regroupements et, en contrepartie, devrait prévoir des accueils organisés dans les maisons des services publics, ce qui n'est pas toujours le cas. Des évolutions sont à venir concernant les trésoreries spécialisées, comme elles des hôpitaux ou des offices HLM. Nous souhaiterions éviter des décisions verticales qui, sans vision transversale au niveau du territoire, supprimeraient tous les services dans les territoires ruraux.

S'agissant de la mutualisation des hélicoptères évoquée par Jean Pierre Vogel, la directrice générale des douanes et droits indirects nous a indiqué que des questions techniques empêchaient la mutualisation opérationnelle des hélicoptères, mais que des progrès avaient été faits en matière de mutualisation des dépenses de maintenance et de carburants.

S'agissant du prélèvement à la source, j'insiste : si le texte n'est pas opérationnel, il ne tient qu'à nous de le rendre tel. Sur la réversibilité de la réforme, nous gagnerions à entendre le ministre.

Notre amendement propose de transférer 1 million d'euros de crédits de personnel du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » vers le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges ». Il s'agit de permettre le recrutement de profils atypiques par la douane, notamment en matière d'analyse de données.

M. Michel Bouvard , rapporteur spécial . - C'est très important : il en va de la capacité de l'État à exercer ses fonctions régaliennes, en l'occurrence à lutter contre la fraude. Il est dramatique que de simples raisons de statut empêchent de recruter des personnes indispensables.

La commission a adopté l'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés.

Elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Crédits non répartis » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Les articles 55 decies , 55 undecies , 55 duodecies et 55 terdecies sont réservés.

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Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

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