B. UN PROGRAMME VOLONTARISTE DE CESSIONS DEVRA ÊTRE MIS EN oeUVRE POUR RÉPONDRE AU BESOIN DE FINANCEMENT DU COMPTE EN 2017

1. Un besoin de financement du compte évalué à 7,5 milliards d'euros minimum

Outre les opérations liées à la recapitalisation du secteur énergétique, quatre dépenses sont d'ores et déjà prévues au titre de l'année 2017, pour un montant total de 515 millions d'euros :

- le versement d'une fraction du reliquat de l'augmentation de capital du Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies souscrite en octobre 2015, pour un montant de 90 millions d'euros ;

- une contribution aux recapitalisations et aux augmentations de capital de différentes banques multilatérales de développement, pour un montant évalué à 145 millions d'euros 28 ( * ) ;

- la dernière tranche du programme de renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement (AFD) décidé en 2014, pour un montant prévisionnel de 280 millions d'euros.

En 2017, le besoin de financement du compte peut donc être estimé à 7 ,5 milliards d'euros au minimum.

2. En l'absence de versement du budget général, la soutenabilité du compte repose sur une hausse des cessions en 2017

À ce stade, le Gouvernent exclut l'hypothèse d'un abondement du budget général pour assurer la soutenabilité du compte spécial.

Aussi, les dépenses programmées pour 2017 devront être financées soit par des cessions, soit par les crédits résultant du solde positif du compte reporté à l'issue de l'exercice 2016.

En effet, pour les comptes d'affectation spéciale, le dernier alinéa de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances dispose que « les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés sur l'année suivante », pour un montant « qui ne peut excéder le solde du compte ». Par conséquent, le premier alinéa du II du même article interdit, « sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances », tout versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial à partir d'un compte d'affectation spéciale.

En 2015, le solde de l'exercice était à l'équilibre.

Solde des exercices 2014 et 2015

(en millions d'euros)

2014

2015

Recettes

6 867,7

3 449,8

Dépenses

7 285,7

3 419,8

Solde de l'exercice

- 418

30

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Aussi, le solde cumulé du compte spécial reporté sur 2016 reste au niveau atteint à la fin de l'exercice 2014, soit 2,4 milliards d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Solde de l'exercice

- 494

1 220

- 418

30

Solde cumulé

1 567

2 787

2 369

2 399

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si le montant du solde cumulé disponible en 2017 ne sera connu qu'à l'issue de la gestion 2016, il peut toutefois faire l'objet d'une première estimation.

En dépenses, les opérations réalisées en 2016 s'élèvent à 1,23 milliard d'euros au 31 août.

Dépenses effectuées au 31 août 2016

(en millions d'euros)

Bénéficiaire

Objet de l'opération

Coût

Commissariat à l'énergie atomique

Avance de trésorerie dans le cadre du reclassement des titres Areva

376

Agence française de développement (AFD)

Deuxième tranche du renforcement en fonds propres de l'AFD

280

BpiFrance Participations

Acquisition de l'intégralité des titres de la société FSI-Équation, qui détient 25,7 % de la société Eramet

245,6

Le Nickel

Première tranche du prêt accordé à la société filiale d'Eramet afin de lui permettre de mettre en oeuvre un plan de redressement de sa compétitivité

150

Banques multilatérales de développement

Recapitalisations, souscriptions et augmentations de capital

135,8

Laboratoire français de fractionnement et de biotechnologies (LFB)

Deuxième libération de l'augmentation de capital de 2015

40

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

Troisième libération de la souscription au capital de 2015

2,8

Agence française de développement (AFD) et Société immobilière de Guyane (SIGUY)

Deuxième libération de l'augmentation de capital de 2015 de la SIGUY par l'intermédiaire de l'AFD

2,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

En recettes, les opérations effectuées s'élèvent à seulement 78,6 millions d'euros à la même date.

L'essentiel des recettes provient des trois opérations suivantes :

- la réduction de capital de la Française des jeux, à la suite d'une augmentation du capital social par incorporation de réserves, pour un montant de 66,1 millions d'euros ;

- le remboursement du solde de l'avance en compte courant d'associé accordée en 2003 à la Société immobilière de Guyane (SIGUY) par l'intermédiaire de l'AFD, pour un montant de 5,5 millions d'euros ;

- la distribution de plusieurs fonds de capital-risque par Bpifance Investissement, pour un montant de 4,7 millions d'euros.

À la date du 31 août 2016, l'ensemble des opérations effectuées sur le compte d'affectation spécial fait donc apparaître un déficit de près de 1,2 milliard d'euros.

D'après les informations transmises par l'APE, cinq opérations supplémentaires devraient mobiliser le compte spécial en dépenses d'ici la fin de l'exercice 2016 :

- la deuxième libération de la souscription au capital de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB), pour un montant estimé à 122 millions d'euros ;

- une avance d'actionnaire de 63 millions d'euros au profit de la société FSI-Équation, afin que cette dernière puisse souscrire à l'émission d'obligations d'Eramet ;

- la libération de la souscription au capital de la Société pour le logement intermédiaire (SLI), pour un montant estimé à 16 millions d'euros ;

- la souscription à une nouvelle augmentation de capital de Radio France, pour un montant de 28 millions d'euros ;

- le rachat d'Areva TA aux côtés du CEA et de DCNS, décidé en 2015 compte tenu du caractère stratégique de cette structure, qui conçoit et assure la maintenance des réacteurs nucléaires de propulsion navale (d'après les informations parues dans la presse spécialisée, l'APE participerait à l'opération à hauteur de 50 % mais la valorisation retenue n'est pas connue) 29 ( * ) .

Sur le plan des recettes, le versement du produit de la cession des aéroports de Lyon et Nice, dont le montant s'élève à 1,76 milliard d'euros, est attendu pour novembre 2016.

Au total, d'après le présent projet de loi de finances, la variation du solde du compte spécial devrait toutefois s'élever à 1,1 milliard d'euros à l'issue de l'exercice 2016, d'autres recettes non dévoilées à ce jour devant permettre d'abonder le compte d'ici la fin de l'année.

Variation anticipée du solde des comptes spéciaux
à l'issue de l'exercice 2016

(en millions d'euros)

2016

CAS Pensions

0,7

CAS Participations financières de l'État

1,1

CCF Avances aux collectivités territoriales

0,8

CCF Prêt à des États étrangers

- 0,2

CCF Prêts à des particuliers et à des organismes privés

- 0,1

Autres

0,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Aussi, le résultat anticipé de l'exercice 2016 devrait permettre de porter le solde cumulé du compte de 2,4 milliards d'euros à 3,5 milliards d'euros en 2017 .

En supposant que ce solde reporté soit entièrement épuisé en 2017, la mise en oeuvre d'un programme de cessions d'un montant minimum de 4 milliards d'euros en 2017 serait donc nécessaire afin de combler le besoin de financement du compte sans abondement du budget général.

Or, sur les trois derniers exercices, les recettes du compte spécial hors versements du budget général s'élèvent en moyenne à 2,4 milliards d'euros .

La soutenabilité du compte repose donc sur l'hypothèse d'une hausse de 65 % du montant des recettes tirées des cessions par rapport à la moyenne des derniers exercices.

Il peut être noté que l'hypothèse sous-jacente retenue par le Gouvernement est encore plus volontariste : pour un montant prévisionnel de dépenses de 7,5 milliards d'euros, les recettes devront atteindre 6 milliards d'euros pour que le déficit du compte à l'issue de l'exercice 2017 se limite à 1,5 milliard d'euros, comme prévu dans le cadre du présent projet de loi de finances. À titre de comparaison, la valeur du portefeuille coté juridiquement cessible de l'État est estimée à 33,8 milliards d'euros par la Cour des comptes, pour une valeur globale de 67,5 milliards d'euros 30 ( * ) .

Un tel montant de cessions ne serait pas inédit : en 2007, les recettes du compte hors versement général s'élevaient par exemple à 7,7 milliards d'euros.

Évolution des recettes du compte spécial
hors versements du budget général

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Recettes

17 180

7 725

2 080

515

534

635

621

2 751

1 857

2 646

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Toutefois, le besoin de financement pourrait être revu à la hausse si l'État actionnaire décidait de faire jouer la clause de l'accord lui permettant d'acquérir une partie du capital d'Alstom auprès de Bouygues.


* 28 Pour la participation au capital de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB) et de la Société interaméricaine d'investissement (SII), les montants sont exprimés en dollars américains dans les documents budgétaires. Le montant retenu en euros a donc été calculé à partir d'une hypothèse de taux de change de 1,09 euro pour un dollar.

* 29 La Tribune, « Pourquoi l'État va "nationaliser" Areva TA », 21 décembre 2015.

* 30 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2015, p. 6.

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