DEUXIÈME PARTIE - LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LE PROGRAMME 304 « INCLUSION SOCIALE ET PROTECTION DES PERSONNES » EST MARQUÉ PAR LA MONTÉE EN CHARGE RAPIDE DE LA PRIME D'ACTIVITÉ

En 2017, les crédits portés par le programme 304 sont en hausse de 11 % par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2016. Ceci s'explique par la croissance des deux dispositifs principaux financés par ce programme - et qui représentent plus de 98 % de ses crédits :

- la prime d'activité, d'une part, qui poursuit sa montée en charge consécutive à l'accroissement de son taux de recours ainsi qu'à son ouverture à de nouveaux bénéficiaires en 2016 ;

- les dépenses relatives aux mesures de protection juridique, structurellement orientées à la hausse, d'autre part, qui progressent de 2 % par rapport à l'année précédente.

Cette hausse s'explique aussi également une mesure de périmètre : la suppression du Fonds national des solidarités actives (FNSA), prévue par l'article 63 du projet de loi de finances pour 2017 3 ( * ) , qui était jusqu'à présent financé par une dotation du programme 304 ainsi que par une fraction de 15,2 % du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité. L'ensemble des dépenses qu'il finance sont reprises par le budget de l'État, majorant les crédits du programme 304 de 205 millions d'euros 4 ( * ) .

Évolution des crédits de paiement du programme 304
entre 2016 et 2017

(en euros)

Exécutés en 2015

Ouverts en LFI pour 2016

Demandés pour 2017

Évolution 2016-2017

Action 11 - Prime d'activité et autres dispositifs

2 525 332 457

4 364 007 000

4 969 000 000

+ 13,9 %

Action 12 - Économie sociale et solidaire

4 177 815

245 000

-

-

Action 13 - Autres expérimentations

890 180

845 639

845 639

0

Action 14 - Aide alimentaire

45 621 341

44 211 902

42 419 677

- 4 %

Action 15 - Qualification en travail social

5 968 029

6 526 335

6 526 335

Action 16 - Protection juridique des majeurs

239 377 505

637 359 975

650 000 000

+ 2 %

Action 17 - Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

25 268 262

29 984 392

30 000 000

+ 0,05 %

Action 18 - Aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (ARFS)

-

60 002 000

10 000 000

- 83,3 %

Total programme 304

2 846 635 589

5 143 182 243

5 708 791 651

+ 11 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

1. Le succès de la prime d'activité entraîne une révision à la hausse des dépenses en 2016 et 2017
a) Une prime ouverte à un nombre important de personnes

La prime d'activité , créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1 er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE).

Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti - pour une personne célibataire sans enfant, ce montant est environ égal à 1 500 euros net par mois. Son montant est calculé en prenant en compte la composition et les ressources du foyer. La prime d'activité comporte une bonification individuelle, ciblée sur les revenus compris entre 0,6 et 0,95 SMIC et qui progresse jusqu'à un montant maximal d'environ 67 euros par mois.

D'après les estimations réalisées lors de la réforme , 5,6 millions de personnes actives sont éligibles à la prime d'activité , correspondant à 4 millions de ménages.

La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans, ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC (soit environ 890 euros). Elle a également été ouverte à compter du 1 er juillet 2016 aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire et, depuis le 1 er octobre 2016, aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité ainsi qu'aux personnes bénéficiant d'une rente d'accident du travail/de maladie professionnelle en raison d'une incapacité permanente partielle, exerçant une activité professionnelle rémunérée.

b) Le succès de la prime d'activité conduit au dépassement de la prévision budgétaire

La loi de finances initiale pour 2016 avait prévu une enveloppe de 3,95 milliards d'euros au titre de la prime d'activité. Cette programmation budgétaire était réalisée à partir d'une hypothèse de taux de recours de la prime de 50 % (soit 2 millions de foyers bénéficiaires).

Votre rapporteur spécial avait émis des réserves quant à la possibilité d'une montée en charge aussi rapide de la prime d'activité , alors même que le taux de recours du RSA « activité » n'était que de 32 %. Il pouvait en effet être craint que de nombreux bénéficiaires de la PPE qui percevaient cette prime « automatiquement » via une réduction d'impôt sur le revenu du foyer fiscal (ou, le cas échéant, via un chèque adressé par voie postale), n'entreprennent pas les démarches nécessaires à l'obtention de la prime d'activité - a fortiori ceux n'ayant droit qu'à de faibles montants.

Pourtant, force est de constater que la prime d'activité a trouvé son public . D'après la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), 2,37 millions de foyers percevaient une prime d'activité en juin 2016 représentant 4 millions de personnes - soit un taux de recours de 60 % . Parmi ces bénéficiaires, 400 000 personnes étaient des jeunes de moins de 25 ans. Le montant moyen de prime versée est d'environ 160 euros par mois.

En revanche, la prime d'activité a fait un nombre important de perdants . D'après la rapporteure générale de la commission des finances de l'Assemblée nationale Valérie Rabault 5 ( * ) , le nombre de perdants à la création de la prime d'activité est évalué entre 1,2 million et 1,4 million , pour un montant annuel moyen de 610 euros, soit 51 euros par mois. Il s'agit de personnes qui ne sont pas éligibles à la prime d'activité alors qu'elles bénéficiaient de la PPE. En tenant compte de la réforme de la décote de l'impôt sur le revenu réalisée en loi de finances pour 2016, le nombre de perdants est évalué à 740 000 (contre 1,5 million de gagnants et 2,25 millions de ménages pour lesquels la réforme a été neutre).

Ce résultat meilleur qu'escompté s'agissant du taux de recours à la prime d'activité montre que la simplification des minima sociaux et des prestations sociales est un moyen efficace de lutter contre le non-recours . En effet, contrairement au RSA « activité », la prime d'activité se caractérise par des modalités de déclaration et de versement plus simples et efficaces : le formulaire de demande est dématérialisé et un simulateur en ligne permet de vérifier son éligibilité à la prime ; la prime est versée à « droits figés » pendant trois mois 6 ( * ) , ce qui permet de réduire les indus ; la prime d'activité est déconnectée du RSA « socle » ce qui atténue son caractère stigmatisant.

Compte tenu de la montée en charge plus rapide que prévue de la prime d'activité, et de son ouverture à de nouveaux publics, la dépense révisée pour l'année 2016 s'élève à 4,2 milliards d'euros, soit 200 millions d'euros de plus que la prévision initiale. Pour l'année 2017, le présent projet de loi de finances estime la dépense de prime d'activité à 4,34 milliards d'euros . Ce chiffre paraît cohérent avec la poursuite d'une légère augmentation du taux de recours - un nombre de personnes n'y auront de toute façon pas recours compte tenu des montants versés trop faibles.

Contrairement au RSA « activité », la prime d'activité est financée directement sur les crédits inscrits au programme 304 et non par le Fonds national des solidarités actives (FNSA). En 2016, le FNSA ne finance donc plus que le RSA « socle » versé aux jeunes actifs, la prime de Noël versée aux allocataires du RSA et de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité, ainsi que les frais de gestion de la prime d'activité. En conséquence, le présent projet de loi de finances prévoit de le supprimer et d'inscrire au budget de l'État les dépenses qu'il prenait en charge 7 ( * ) .

c) Des réformes paramétriques des minima sociaux prévues par l'article 49 du projet de loi de finances pour 2017

Dans un référé portant sur les minima sociaux de septembre 2015 8 ( * ) , la Cour des comptes soulignait plusieurs dysfonctionnements : des résultats insatisfaisants en matière de lutte contre la pauvreté malgré une dépense dynamique, des incohérences entre les dispositifs posant un problème d'équité et d'efficacité ainsi qu'une gestion complexe et coûteuse. Elle préconisait ainsi de procéder à une fusion des minima sociaux autour de trois grandes allocations : le revenu de solidarité active (RSA), qui constituerait l'allocation de solidarité de droit commun ; l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour prendre en compte les difficultés spécifiques liées au handicap ; l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

À la suite de ces observations, le Premier ministre a confié au député Christophe Sirugue une mission portant sur la réforme des minima sociaux, afin de faire des propositions permettant d'harmoniser et de simplifier ces prestations et de faciliter l'accès au droit.

Les propositions du rapport « Sirugue » sur la réforme des minima sociaux

Le rapport « Repenser les minima sociaux » remis au Premier ministre par M. Christophe Sirugue le 18 avril 2016, après avoir rappelé les limites actuelles du système des minima sociaux (complexité des dispositifs qui s'articulent imparfaitement, non-recours, coûts de gestion), propose trois scénarios de simplification :

- un scénario 1 qui consiste en la mise en oeuvre de douze mesures de simplification du système actuel , sans préjuger de réformes plus profondes pouvant être appliquées ultérieurement, comme la suppression du cumul entre l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de solidarité spécifique (ASS).

- un scénario 2 qui propose de regrouper les dix minima sociaux existants en cinq pôles : un pôle « solidarité », intégrant le revenu de solidarité active (RSA) actuel, l'allocation temporaire d'attente (ATA), l'allocation veuvage et le revenu de solidarité (RSO) versé dans les départements d'outre-mer ; un pôle « handicap et invalidité », regroupant l'AAH et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ; un pôle « vieillesse » constitué de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ; deux autres pôles construits autour d'une prestation unique, l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'ASS.

- un scénario 3 , plus ambitieux, qui vise une refonte globale du système des minima sociaux en substituant à l'ensemble des dispositifs existants une couverture sociale unique, d'un montant de 400 euros, versée sous condition de ressources. Cette couverture serait assorties de deux compléments : un complément de soutien pour les personnes âgées, handicapées ou invalides, dont le retour au travail est incertain, d'un montant de 400 euros ; un complément d'insertion, pour aider à l'insertion des personnes en âge et en capacité de travailler, pour un montant de 100 euros, et assorti d'un accompagnement de la part des pouvoirs publics.

Tirant les conséquences des propositions de Christophe Sirugue, l'article 49 du projet de loi de finances pour 2017 propose plusieurs réformes paramétriques relatives aux minima sociaux . S'agissant des prestations financées par la mission « Solidarité », il convient notamment de souligner les mesures suivantes :

- une harmonisation du dispositif d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires de l'ASS avec celui des bénéficiaires du RSA . Les bénéficiaires de l'ASS auront désormais automatiquement accès à la prime d'activité, sans avoir à remplir de dossier spécifique ;

- la suppression de la possibilité de cumul entre l'ASS et l'AAH (cf. infra ).

2. Un montant d'aide alimentaire stable

L' aide alimentaire permet de mettre à disposition des personnes les plus démunies des denrées qui sont distribuées par des réseaux associatifs nationaux ou locaux.

La mission « Solidarité » regroupe deux principaux types de financements de l'État au titre de l'aide alimentaire.

D'une part, la contribution de la France au fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) mis en place pour la période 2014-2020 et dont le programme opérationnel prévoit d'octroyer à la France une dotation de 587,39 millions d'euros. Cette dotation est financée par des crédits européens à hauteur de 499 millions d'euros (85 %), via un fonds de concours relevant du programme 304, ainsi que par des crédits nationaux à hauteur de 88,11 millions d'euros (15 %).

La contribution nationale au FEAD s'élève, en 2017, à 12,58 millions d'euros pour un montant total consacré à l'aide alimentaire au titre du FEAD de 83,85 millions d'euros.

D'autre part, des crédits complémentaires destinés à soutenir les épiceries sociales - celles-ci n'étant pas éligibles au FEAD 9 ( * ) -, à subventionner les têtes de réseau associatives nationales afin de prendre en charge une partie de leurs coûts de fonctionnement au titre de l'aide alimentaire (logistique, formation des bénévoles, etc.), à financer les services déconcentrés qui mettent en oeuvre la distribution de l'aide alimentaire, ainsi qu'à verser une subvention pour charges de service public à France Agrimer en tant qu'organisme intermédiaire de gestion du FEAD.

Conformément au taux d'augmentation prévu par le programme opérationnel du FEAD, la contribution du fonds croît de 2 % en 2017. Cette augmentation est également appliquée aux crédits versés aux épiceries sociales et aux têtes de réseau associatives.

Au total, les financements dédiés à l'aide alimentaire représentent un montant total de 113,7 millions d'euros (dont 42,4 millions d'euros de crédits budgétaires et 71,27 millions de subventions européennes). Ces financements doivent permettre, comme l'année dernière, à plus de 4 millions de personnes de bénéficier d'une aide alimentaire en 2017.

Les crédits en faveur de l'aide alimentaire en 2017

(en millions d'euros)

Montant

FEAD

Contribution UE

71,27

Contribution nationale

12,58

Épiceries sociales

8,23

Subventions aux têtes de réseau associatives nationales

4,56

Aide alimentaire déconcentrée

14,88

Subvention pour charge de service public à France Agrimer

2,17

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

3. Les mesures de protection juridique des majeurs poursuivent leur forte progression malgré la politique de convergence tarifaire menée

Les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs intérêts en raison d'une altération de leurs facultés mentales ou corporelles font l'objet de mesures de protections, prononcées par le juge des tutelles . Elles peuvent être confiées soit à un membre de leur famille, soit à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) , c'est-à-dire à un service mandataire, à un mandataire individuel ou à un préposé d'établissement.

La loi de finances pour 2016 a procédé à une simplification du financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs , jusqu'alors financés par plusieurs financeurs publics (les organismes de sécurité sociale, l'État ou les départements) en fonction de prestations sociales perçues par les personnes concernées par les mesures de protection.

Désormais, les mandataires individuels sont financés uniquement par l'État et les services mandataires sont financés quasi-totalement par l'État, les départements continuant de contribuer à hauteur de 0,3 % à leurs dotations. Votre rapporteur spécial continue de s'interroger sur l'utilité du maintien de la contribution subsidiaire des départements au financement des services mandataires, et préconise de pousser la simplification à son terme en procédant à une recentralisation totale du financement.

Comme les années précédentes, le nombre de mesures de protection financées poursuit sa progression en 2017, pour s'établir à 454 089 (contre 437 320 mesures financées en 2016), dont :

- 368 298 mesures prises en charge par les services mandataires (81,1 %) pour un montant de 567,7 millions d'euros ;

- 85 791 mesures prises en charge par les mandataires individuels (18,9 %), pour un montant de 79,3 millions d'euros. Ceci représente une augmentation à nouveau importante du nombre de mesures confiées à des mandataires individuels (+ 13 % par rapport à 2016).

Évolution nombre de dispositifs de protection juridique des majeurs
entre 2010 et 2017

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Services mandataires

320 645

328 783

334 390

341 245

347 986

354 629

361 399

368 298

Mandataires individuels

36 294

37 925

44 271

52 206

59 391

66 423

75 921

85 791

Total

356 939

366 708

378 661

393 451

407 377

421 052

437 320

454 089

Source : ministère des affaires sociales et de la santé

En raison de l'augmentation du nombre de personnes devant faire l'objet d'une mesure d'accompagnement ou de protection, la dotation prévue pour 2017 augmente de 1,5 % par rapport à 2016 et s'élève à 647 millions d'euros . L'évolution sur la période 2010-2016 montre une progression constante et significative du coût des MJPM, qui est passé de 520,3 à 639,2 millions d'euros (+ 22,8 %).

Évolution du coût des dispositifs de protection juridique des majeurs 10 ( * )
pour les financeurs publics entre 2010 et 2016

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

État

211,2

209,4

217,4

224,8

231,6

239,3

637,3

Départements

5,7

4,1

4,0

3,0

1,6

1,7

1,9

Sécurité sociale

303,4

323,1

335,4

343,0

362,4

379,5

-

Total

520,3

536,6

556,8

570,8

595,6

620,5

639,2

Source : ministère des affaires sociales et de la santé

Outre la progression du nombre de mesures prises, l'augmentation du coût des services mandataires est liée à une revalorisation de la masse salariale de 0,27 % en 2017.

S'agissant des services mandataires, la progression de leur coût peut également s'expliquer, d'après le ministère des affaires sociales, par la professionnalisation du secteur « qui a eu pour impact de voir l'accroissement du nombre de mandataires souhaitant exercer cette activité à temps plein » 11 ( * ) . Cette progression est effective malgré les efforts entrepris en vue maîtriser les budgets des services mandataires et de réduire les écarts entre les services les mieux et les moins dotés.

En effet, la dotation des services mandataires est calculée en fonction d'indicateurs prenant en compte la charge de travail à partir de trois critères : la nature de la mesure, le lieu d'exercice (domicile ou établissement) et la période d'exercice. Ces indicateurs permettent de calculer un total de points de service permettant d'appréhender l'importance quantitative de l'activité du service concerné et de constater des éventuels écarts entre services fournissant des prestations comparables - à partir d'une valeur de point service calculée en divisant le budget du service par le nombre de points générés par les indicateurs.

D'après les informations transmises par le ministère des affaires sociales à votre rapporteur spécial, les écarts de dotations allouées aux services ont été réduits : de 2009 à 2015, la part des services ayant une valeur du point service correspondant à la moyenne nationale minorée ou majorée de 20 % est passé de 25 % à 8,5 %.

Évolution de la répartition des services selon leur positionnement
par rapport à la moyenne nationale de la valeur du point service

Source : ministère des affaires sociales et de la santé

4. Une réforme urgente de l'Agence française de l'adoption

L' Agence française de l'adoption (AFA) , créée en 2005 sous forme de groupement d'intérêt public (GIP), a pour mission d'informer, de conseiller et de servir d'intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers de moins de quinze ans.

Le paysage de l'adoption en France est marqué par une baisse continue du nombre d'adoptions internationales . En 2015, seules 815 adoptions internationales ont été réalisées, contre plus de 3 000 en 2009. Parmi ces 815 adoptions, le nombre de celles réalisées par l'intermédiaire de l'agence française de l'adoption (AFA) était de 201 en 2015 12 ( * ) (soit 22 % des adoptions internationales) et devrait être du même ordre en 2016.

Évolution du nombre d'adoptions internationales depuis 2009

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre d'adoptions internationales

3 019

3 508

2 003

1 569

1 343

1 069

815

dont adoptions réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

514

568

402

304

256

239

201

Part des adoptions internationales réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

17 %

16,2 %

20,1 %

19,4 %

19,1 %

22,4 %

24,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Bien qu'elle concerne l'ensemble des pays d'accueils et qu'elle s'explique notamment par la baisse du nombre d'enfants proposés à l'adoption et par l'évolution du profil des enfants adoptables 13 ( * ) , cette décrue pose la question de l'organisation de la politique d'adoption en France , et de la coexistence de l'agence et des autres intermédiaires que sont les 34 organismes agréés, dont l'action est parfois mal coordonnée.

Cette préoccupation a été exprimée par la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2014 14 ( * ) . Elle relevait notamment des délais d'attentes importants et un coût de l'adoption élevé, de 15 000 euros par adoption tous pays confondus, supérieur à celui des organismes autorisés pour l'adoption (9 112 euros). La Cour des comptes recommandait d'engager une réflexion sur les missions et les modalités d'intervention de l'AFA .

Dans ce contexte, le Gouvernement a engagé une réflexion sur l'organisation du dispositif d'adoption internationale et prévoit un regroupement de l'AFA et du GIP « Enfance en danger » , qui gère le service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) et l'observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE) au sein d'un nouveau GIP. La perspective d'un tel regroupement est inscrite dans les conventions d'objectifs entre l'État et les GIP pour 2015-2017.

Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des affaires étrangères (IGAE) afin d'expertiser les modalités de rapprochement des deux organismes. Cette mission a proposé que le nouveau GIP poursuive quatre objectifs :

- améliorer la connaissance des situations des enfants et des interventions les concernant ;

- identifier les bonnes pratiques professionnelles et en diffuser les recommandations en s'appuyant sur la recherche ;

- mieux articuler l'adoption nationale et internationale, tout en conservant une visibilité du dispositif sur l'adoption internationale ;

- être au service des stratégies de l'État et des collectivités territoriales.

Plusieurs associations représentant les parents 15 ( * ) , bien qu'elles partagent les objectifs de ce regroupement en particulier l'ambition de créer un organisme unique de la protection des enfants et de dynamiser le fonctionnement de l'AFA, ont exprimé leur craintes que la disparition juridique de l'AFA entraîne la disparition de ses accréditations dans la trentaine de pays d'origine dans lesquels elle est accréditée , ce qui aurait pour conséquence de voir les procédures d'adoption internationale auxquelles l'AFA est partie suspendues voire annulées 16 ( * ) . Votre rapporteur spécial partage cette inquiétude.

En matière de protection de l'enfance, il convient également de noter la hausse sensible de la prise en charge par l'État du dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs isolés étrangers (MIE) piloté par les départements, qui a été expérimenté en 2013 et pérennisé par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant. Au titre du MIE, les départements qui engagent des actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes isolés étrangers peuvent obtenir un remboursement des dépenses engagées sur la base d'un montant forfaitaire fixé à 50 euros par jour et par jeune, dans la limite de cinq jours, via le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE). Le coût de ce dispositif sera en augmentation de 9 % par rapport à l'année dernière, pour atteindre un montant de 15,26 millions d'euros.

5. Une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d'origine fortement sous-consommée

La loi de finances pour 2016 a permis la mise en place, à compter du 1 er janvier 2016, d'une nouvelle aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d'origine (ARFS) .

Cette aide est destinée aux travailleurs immigrés âgés disposant de faibles ressources afin de leur permettre de compenser la perte de certaines prestations sociales servies sous condition de résidence (par exemple les aides personnelles au logement) lors de leurs séjours prolongés qu'ils effectuent dans leurs pays d'origine. Elle est exclusive des aides au logement et des minima sociaux.

Les conditions d'éligibilité à cette aide sont très restrictives puisqu'elle est ouverte aux ressortissants étrangers : en situation régulière, âgés d'au moins soixante-cinq ans ou ayant atteint l'âge légal de départ à la retraite en cas d'inaptitude au travail, vivant seul dans un foyer de travailleurs migrants ou dans une résidence sociale, qui justifient d'une résidence régulière ininterrompue en France pendant les quinze années précédant la demande d'aide (hors ressortissants communautaires), qui ont fait valoir les droits aux pensions de retraite auxquelles ils peuvent prétendre, qui effectuent des séjours dans leur pays d'origine supérieurs à six mois par an, et dont les ressources annuelles sont inférieures à 6 600 euros.

Le montant annuel d'aide versé est de 6 600 euros lorsque les ressources du demandeur sont inférieures à 600 euros par an, et décroît à mesure que ces ressources augmentent pour atteindre le plafond de 6 600 euros (l'aide est alors de 600 euros par an, soit 50 euros par mois).

Le Gouvernement prévoyait qu' environ 10 000 à 15 000 personnes bénéficient de cette aide en 2016 , pour un coût estimé à 60 millions d'euros, sur un montant total de personnes ressortissantes de pays tiers âgés de plus de 65 ans résidant en foyer de travailleurs migrants ou en résidence sociale estimé à 35 000 personnes.

Cependant, l'objectif fixé n'a pas été atteint , probablement par manque d'information des personnes éligibles quant à la possibilité de recourir à cette nouvelle aide. En conséquence, les crédits inscrits au titre de l'ARFS pour l'année 2017 sont fortement revus à la baisse : il s'élèvent à 10 millions d'euros contre 60 millions d'euros en 2016. Ceci traduit un certain manque d'ambition du Gouvernement qui devrait entreprendre une campagne d'information auprès des publics visés afin qu'ils se saisissent de cette aide.


* 3 Voir le commentaire de l'article 63, rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ci-dessous.

* 4 Ce montant correspond à 15,2 % du rendement prévu par la contribution exceptionnelle de solidarité en 2017.

* 5 Valérie Rabault, Rapport d'information n° 3973 sur l'application des mesures fiscales, 19 juillet 2016.

* 6 Le montant de la prime d'activité, calculé en fonction des revenus du trimestre précédent, est versé mensuellement pendant trois mois et ne varie pas quel que soit le changement de situation familiale ou professionnelle de l'allocataire.

* 7 Voir commentaire de l'article rattaché ci-dessous.

* 8 Cour des comptes, référé n° 72597 portant sur les minima sociaux, 21 septembre 2015.

* 9 La gratuité de la distribution des denrées est imposée par le règlement du FEAD, ce qui exclut les épiceries sociales, qui soutiennent les personnes en difficulté contre une participation financière symbolique.

* 10 Hors préposés d'établissement pour lesquels les chiffres ne sont pas disponibles.

* 11 Réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 12 Les autres adoptions ont été réalisées soit par le biais d'organismes autorisés pour l'adoption (OAA), soit dans le cadre de procédures individuelles.

* 13 De plus en plus d'enfants proposés à l'adoption sont des enfants dits « à besoins spécifiques », c'est-à-dire âgés de plus de cinq ans, en fratrie ou souffrant de pathologies ou de handicaps.

* 14 Cour des comptes, «L'organisation de l'adoption internationale en France : une réforme à poursuivre », insertion au rapport public annuel 2014.

* 15 Les associations Enfance & familles d'adoption, Mouvement de l'adoption sans frontière et Association des parents adoptant en Russie.

* 16 Lettre ouverte à M. François Hollande, Président de la République, 7 septembre 2016.

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