EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 3 novembre 2016 sous la présidence de Mme Michèle André, la commission a examiné le rapport de Mme Fabienne Keller et M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Avant de vous présenter les moyens consacrés à la politique d'aide publique au développement en 2017, je souhaitais rappeler succinctement les évolutions de l'aide internationale, marquées par la crise migratoire, et dresser un premier bilan du quinquennat qui s'achève.

Tout d'abord, l'aide publique au développement (APD) connaît une hausse importante au niveau international, notamment du fait des dépenses en faveur des réfugiés.

L'APD de 2015 - dernière année pour laquelle nous disposons de chiffres - est marquée par le poids des dépenses en faveur des réfugiés, qui, sous certaines conditions, peuvent être comptabilisées comme de l'aide. En une seule année, ces dépenses ont plus que doublé. En Allemagne, la hausse est de 2,8 milliards de dollars, soit une multiplication par dix-sept ! En Italie, l'aide en faveur des réfugiés représente désormais plus du quart des dépenses totales.

La progression importante de l'aide de l'ensemble des pays donateurs, qui atteint un niveau record de 132 milliards de dollars, soit une hausse de 7 % en un an, tient pour une bonne part à ces évolutions.

Dans ce contexte, la France se démarque par une baisse de ses dépenses en faveur des réfugiés et par une hausse modérée de son aide, de 2,8 %. Dans le même temps, l'APD allemande augmente de 26 % et celle de la Grèce de 39 %.

Ainsi, notre pays occupe la cinquième place parmi les pays donateurs en volume, mais la onzième place en pourcentage du revenu national brut (RNB), avec une aide de 0,37 %. Elle se fait distancer par l'Allemagne - à 0,52 % -, qui était encore classée derrière la France en 2013.

À cet égard, il ne vous aura pas échappé qu'Angela Merkel a récemment effectué une tournée diplomatique au Mali, au Niger et en Éthiopie et reçu les présidents tchadien et nigérian. L'Allemagne croit au développement et y voit sans doute une part de la réponse à la crise migratoire, de même qu'un outil pouvant bénéficier à son industrie. La France devrait sans doute s'inspirer de cet exemple. Mais tel n'a pas été le cas durant le quinquennat qui s'achève, dont je voudrais maintenant dresser le bilan.

En effet, l'aide française est en baisse : un milliard d'euros en moins pour le développement sur le quinquennat.

Loin de la tendance allemande, l'aide française a fortement décru au cours des dernières années. Ce constat se vérifie que l'on prenne en compte l'agrégat de l'OCDE - passé de 0,45 % en 2012 à 0,37 % aujourd'hui - ou les ressources financières consacrées à cette politique, dont vous trouverez l'évolution depuis 2007 dans la note de présentation qui vous a été distribuée.

La tendance est simple : une baisse continue par rapport au niveau de 2012, encore aggravée en exécution. Le budget 2016 a permis d'inverser cette courbe - passez-moi l'expression -, à l'initiative du Parlement, puisque le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoyait d'accentuer encore la baisse. Le budget 2017 devrait confirmer cette tendance à la hausse, même s'il existe un risque élevé de voir le montant qui vous est présenté « raboté », lorsque l'Assemblée nationale examinera la mission en séance.

Quoi qu'il en soit, cette inversion est tardive et ne suffit pas à occulter les années de baisse. Quand on compare les dépenses réalisées chaque année entre 2013 et 2016 à la moyenne des dépenses exécutées entre 2007 et 2012, on constate que le bilan du quinquennat de l'actuel Président de la République se résume à une perte d'un milliard d'euros pour le développement.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Je partage les regrets de Fabienne Keller quant au sort qui a pu être réservé aux crédits de cette politique, mais je voudrais souligner que la tendance s'est véritablement inversée.

En loi de finances pour 2016, les crédits étaient en hausse de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette année, le projet de loi de finances nous propose une nouvelle augmentation de 133 millions d'euros.

Le budget pour 2017 prévoit notamment une augmentation des moyens de l'Agence française de développement (AFD), qu'il s'agisse des prêts ou des dons. Les crédits destinés à bonifier les prêts sont en hausse de 80 millions d'euros, en ligne avec l'objectif assigné à l'Agence d'accorder 12,5 milliards d'euros de prêts chaque année à compter de 2020, contre 9 milliards d'euros aujourd'hui. S'agissant des dons, l'enveloppe progresse de 30 millions d'euros.

On peut également souligner qu'en 2017, les subventions aux organisations non gouvernementales (ONG) atteindront 90 millions d'euros, soit le double du montant qui leur était consacré 2012. Ainsi, l'engagement du Président de la République de multiplier par deux ce canal de financement sur l'ensemble du quinquennat a bien été respecté.

Par ailleurs, la contribution de la France au Haut-commissariat pour les réfugiés avait exceptionnellement augmenté de 50 millions d'euros l'an dernier. Cette augmentation est maintenue.

Enfin, le montant des crédits demandés au titre du Fonds européen de développement (FED) progresse de 42 millions d'euros, du fait d'appels à contribution de la Commission européenne supérieurs à ceux des années précédentes.

En outre, nos collègues députés ont choisi d'aller au-delà de cette progression de 133 millions d'euros, en affectant 270 millions d'euros à l'AFD, à partir du produit de la taxe sur les transactions financières. La hausse serait alors de 400 millions d'euros par rapport à l'an dernier et le budget 2017 serait supérieur de 100 millions d'euros à celui de 2012.

Cependant, cette affectation est doublement menacée.

D'une part, le Gouvernement pourrait être tenté - comme il l'a fait l'an dernier - de revenir, au moins partiellement, sur le montant affecté. À ce stade, seule la première partie du projet de loi de finances a été examinée à l'Assemblée nationale et la position du Gouvernement sur les crédits de la mission n'est pas encore connue.

D'autre part, le Gouvernement souhaiterait affecter ce montant au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui finance essentiellement de l'aide multilatérale, plutôt qu'à l'AFD, qui offre pourtant une visibilité bien plus grande à notre aide. Vous l'aurez compris, notre préférence va à une affectation directe à l'AFD, qui permettrait par exemple de mettre en place la facilité consacrée aux pays en crise proposée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Je souligne, à ce propos, que le Gouvernement est en train de contourner la décision prise par le Parlement, l'an dernier, d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD, en transférant ce montant au FSD. Qui plus est, cette enveloppe s'est essentiellement substituée à des crédits budgétaires. En définitive, la décision du Parlement n'aura eu pour conséquence que d'augmenter de 20 millions d'euros les aides budgétaires globales, qui ne sont pas gérées par l'AFD.

Je souhaitais, enfin, faire un point sur les annulations de dette. En 2017, la France annulera 330 millions d'euros de dettes multilatérales auprès de diverses institutions internationales, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros de contrats de développement et de désendettement.

Ces chiffres sont modestes par rapport aux années précédentes et correspondent à une tendance internationale : les annulations de dette ne représentent plus que 0,2 % de l'APD totale, après en avoir représenté jusqu'à 20 % en 2005. Nous assistons à la fin du grand mouvement de désendettement lancé au milieu des années 1990. Ces initiatives semblent avoir permis de desserrer la contrainte budgétaire qui pesait sur les pays concernés pour leur permettre de se concentrer sur leur développement. Mais l'objectif d'une dette soutenable dans la durée n'est que partiellement satisfait et la perspective que certains pays replongent dans le surendettement n'est pas écartée.

Dernier sujet que je souhaitais aborder : le renforcement des fonds propres de l'AFD. Comme nous vous l'avons exposé à plusieurs reprises, les fonds propres de l'Agence doivent être renforcés pour lui permettre de poursuivre son activité à son niveau actuel et, a fortiori , pour respecter l'objectif de hausse qui lui a été assigné. Le présent projet de loi de finances prévoit, comme en 2015 et 2016, de convertir une créance de l'État vis-à-vis de l'AFD en obligations perpétuelles, ce qui améliorera ses ratios financiers. Mais l'essentiel de cette opération devrait se faire dans le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons bientôt. En tout état de cause, le renforcement des fonds propres de l'Agence suit son cours, ce dont nous nous félicitons.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Avant de conclure, quelques mots sur le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur lequel nous vous avons présenté un rapport détaillé en avril dernier, comprenant notamment des comparaisons avec l'Italie et l'Allemagne.

À notre initiative, le rapprochement a été introduit dans le projet de loi « Sapin 2 » et suit son cours, même si sa forme en est très atténuée par rapport au projet initial, qui prévoyait une intégration de l'AFD dans la grande maison qu'est la CDC. Les derniers mois ont été mis à profit pour renforcer les liens entre ces deux institutions financières, tant au niveau des directions générales que des équipes.

Une convention devrait être signée début décembre et permettra notamment d'aligner les stratégies, de prévoir des échanges de personnels, voire de mutualiser les réseaux. Enfin, le fonds de 500 millions d'euros évoqué l'an dernier, qui est destiné à financer des projets d'infrastructures en Afrique et sera copiloté par la CDC et l'AFD, devrait se concrétiser.

En conclusion, c'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous invitons à proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Michel Bouvard . - Je souhaite intervenir sur les deux derniers points qui viennent d'être évoqués par nos rapporteurs spéciaux.

Le Président de la République avait annoncé, à l'occasion du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations, un projet d'intégration entre l'AFD et la CDC. Faute d'adhésion au modèle qui aurait consisté à créer, au sein de la Caisse, un troisième pilier, à côté de la section générale et de la section du fonds d'épargne, le projet se révèle finalement plus modeste et je dois d'ailleurs dire qu'il n'aurait même pas pu voir le jour sans la détermination de nos rapporteurs spéciaux.

À ce stade, j'ai trois interrogations.

Les rapporteurs spéciaux nous indiquent que la convention entre l'AFD et la CDC devrait être signée en décembre, mais sera-t-elle soumise à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ?

Le besoin en fonds propres de l'AFD est estimé à 2,5 milliards d'euros d'ici à 2020. Quel est l'échéancier de mise en place de ces fonds ? Surtout, cette enveloppe est-elle basée sur le périmètre actuel des engagements de l'Agence ou sur une projection incluant ses interventions futures et les ambitions qu'elle est censée porter ?

Enfin, le projet d'intégration de l'AFD ne correspondait pas seulement à un besoin de recapitalisation, il visait aussi à éviter que cet outil, qui relève de la souveraineté nationale, se retrouve sous le contrôle de l'autorité européenne de régulation basée à Francfort. Où en est-on de ce point de vue ?

M. Marc Laménie . - Les rapporteurs spéciaux peuvent-ils nous donner des précisions sur le statut juridique, la gouvernance et le nombre d'employés de l'AFD ? De la même manière, quel est le rôle d'Expertise France dans ce schéma ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Comme le relève Michel Bouvard, nous sommes en effet très loin du projet initial de rapprochement, avec une AFD complètement intégrée à la CDC, dont elle constituerait le troisième pilier. Cette solution demandait d'importantes modifications législatives et il aurait fallu définir la responsabilité de chaque entité par rapport aux créances de l'autre. C'est pourquoi une version allégée a été retenue, qui met en oeuvre une convention entre les deux institutions. L'augmentation des fonds propres vise à résoudre le problème de la limite d'intervention de l'AFD dans certains pays, où elle a atteint le plafond d'encours possibles, mais le volume prévu devrait aussi lui permettre de faire face à l'augmentation de ses engagements. Nous devrons vérifier cela lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative.

Plus généralement, l'AFD est un établissement public industriel et commercial, dont Yvon Collin et moi-même sommes d'ailleurs membres du conseil d'administration. Elle a par ailleurs le statut d'établissement de crédit mais devrait prochainement se transformer en une société de financement, qui relèvera par conséquent du contrôle prudentiel de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et non plus de l'autorité européenne. L'objectif est que ce changement de statut soit opérationnel au premier semestre 2017.

M. Michel Bouvard . - Nous échappons donc au contrôle européen ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Oui. Cela dit, les règles prudentielles sont les mêmes, que l'organisme financier soit contrôlé au niveau national ou européen. Mais il est vrai que l'AFD est un établissement particulier du fait de son champ d'intervention et des objectifs qu'elle poursuit, et qu'il est juste qu'elle soit placée sous contrôle national.

Marc Laménie m'interroge sur la gouvernance de l'AFD : l'État y joue un rôle très important. Nous avons rencontré le nouveau directeur général et avons passé en revue les questions qui se posent, notamment en termes de pilotage des objectifs, l'augmentation souhaitée des encours devant aller de pair avec la mise en oeuvre des projets concernés. L'Agence devra en particulier être attentive au suivi des pays les plus fragiles : il est plus facile d'augmenter massivement les encours dans les pays émergents, et répondre ainsi aux objectifs affichés, que de s'engager fortement dans ceux qui ont peut-être des besoins plus importants.

M. Maurice Vincent . - Je souhaite également remercier les rapporteurs pour leur travail, notamment en ce qui concerne le projet de rapprochement entre l'AFD et la CDC. L'examen de la convention mentionnée n'est pas encore prévu à l'ordre du jour de la commission de surveillance, mais je pense que cet examen est nécessaire, et je ne doute pas qu'il sera conduit.

Même si le processus se révèle plus complexe que prévu, le rapprochement entre les deux organismes me semble très positif. Nous avançons dans la bonne direction mais devrons rester attentifs au bon déroulement des étapes à venir, tant dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative que pour celles qui interviendront après les élections de 2017...

En tout cas, l'orientation choisie doit permettre à la France de mettre en place une meilleure capacité d'intervention à l'international, ce que j'appelle de mes voeux.

M. Daniel Raoul . - À la lecture de la note de présentation qui nous a été distribuée, il me semble que les rapporteurs spéciaux pourraient indiquer, comme le montrent les différents graphiques, que les dépenses d'APD n'ont pas seulement diminué durant le quinquennat, mais bien depuis 2011.

Vous proposez d'adopter les crédits de la mission et du compte spécial. Cela concerne-t-il la version qui devrait être adoptée par l'Assemblée nationale ou celle du projet de loi initial ?

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Nous votons ici sur les crédits de la mission, qui n'ont pas encore été examinés en séance par l'Assemblée nationale. S'ils devaient être modifiés, nous modifierons éventuellement notre position. Nous pourrons faire le point le 24 novembre, lors de l'examen définitif de l'équilibre des missions. Par ailleurs, nous sommes favorables à la proposition de l'Assemblée nationale d'affecter 270 millions d'euros à l'AFD. Je vous rappelle cependant qu'en 2016, le Parlement avait voté une augmentation de même montant, qui se soldera finalement, en exécution, par un montant de 20 millions d'euros seulement...

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Il est vrai qu'il est encore un peu tôt pour savoir ce que décidera finalement l'Assemblée nationale, mais nous ne voulons pas que ce qu'il s'est passé en 2016 se reproduise en 2017 !

Je précise, pour compléter la réponse de Fabienne Keller, que l'AFD emploie environ 1 800 personnes, dont 1 200 recrutées par contrat en France métropolitaine et 600 environ en contrat local. Plus de 700 personnes sont en poste en agence à l'étranger ou en outre-mer.

Le rapprochement entre les deux structures vise aussi à créer des synergies entre les réseaux de la CDC et ceux de l'AFD. Ainsi, l'Agence pourra bénéficier du réseau de la Caisse des dépôts en France, ce qui doit permettre de mieux travailler avec les collectivités territoriales qui mettent en oeuvre des actions de développement via la coopération décentralisée. Et à l'étranger, nous pourrons nous appuyer sur un « pavillon France » pour être collectivement plus efficaces.

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Pour répondre à la remarque de Daniel Raoul, nous pourrions tout à fait modifier la formulation du rapport, mais il y a une logique à faire le bilan du quinquennat.

De ce point de vue, je rappelle que l'aide publique au développement française atteint 0,36 % du RNB, soit la moitié du taux des Britanniques... Nous sommes loin du compte ! Je signale d'ailleurs qu'au Royaume-Uni, il existe un consensus politique très large sur la nécessité d'obtenir ce niveau d'APD. Nous pourrions nous en inspirer !

Alors que nous sommes confrontés à la question des migrations, si nous n'accompagnons pas les pays du sud, dont la démographie va doubler en trente ans, nous ne pourrons pas limiter la pression à long terme. Car même si le revenu global de ces pays augmente, le revenu par personne est appelé à diminuer, ce qui aggravera le phénomène. Nous devons donc nous engager pour demain ! C'est en favorisant le développement endogène que l'on contiendra la pression migratoire.

M. Claude Raynal . - Vous nous dites que l'Allemagne fait plus que la France, mais la France est un pays qui cherche à rééquilibrer ses comptes, pas l'Allemagne. On ne peut donc pas les comparer aussi facilement. Pour redresser les comptes, il faut trouver des économies. Si ce n'est sur telle politique publique, ce sera sur telle autre. Laquelle ?

J'ajoute que la France fournit un effort de défense considérable, qui profite à l'Europe, ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne, dont il n'est pas illogique que l'effort en matière d'aide au développement soit plus important. Les choses doivent être considérées dans leur ensemble. Dans la période compliquée que nous traversons, chacun doit prendre sa part !

Mme Michèle André , présidente . - Le rapport qui vient de nous être présenté fait apparaître combien il est important de mettre en lumière les évolutions démographiques dans le monde. Il me semble que notre commission pourrait tenter, peut-être au début de 2017, après cette période chargée, de porter un regard prospectif sur ces évolutions, afin d'éclairer les grands enjeux d'avenir.

Dans le cadre de mes travaux à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, j'ai été frappée du nombre important d'enfants qui, en Afrique, ne sont pas déclarés à l'état civil dans leur propre pays et se trouvent de ce fait, au sens strict, sans papiers. C'est un phénomène inquiétant.

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - Cette proposition est tout à fait pertinente et des auditions pourraient nous apporter des éclairages fort utiles. Je rappelle que, dans le cadre de la délégation à la prospective du Sénat, j'ai publié, en 2012, un rapport sur le défi alimentaire à l'horizon 2050, qui abordait déjà un certain nombre de ces questions.

Je reviens à une question qui nous a été posée tout à l'heure, relative à la saisine de la commission de surveillance sur la convention entre l'AFD et la CDC. À notre initiative, la rédaction de l'article 52 bis de la loi « Sapin 2 » précise explicitement que la commission de surveillance doit rendre un avis à ce sujet. Vous voyez que nous n'avons rien oublié !

Mme Fabienne Keller , rapporteure spéciale . - Certes, comme le rappelle Claude Raynal, l'heure est aux économies budgétaires, mais je signale tout de même que, parmi les missions de l'État, c'est l'aide publique au développement qui a le plus diminué en 2015. Or, je ne suis pas certaine que cela constitue réellement une économie, car l'aide au développement est bien plutôt un investissement. L'argument du redressement budgétaire n'est pas recevable ; soyons-y attentifs : les budgets qui concernent le long terme sont toujours les plus pénalisés dans ces périodes...

Dans notre rapport de l'an passé, nous avons mis en avant le fait que l'Allemagne déploie une aide technique très importante, considérablement supérieure à la nôtre, et est attentive aux synergies qui peuvent exister avec l'industrie. Le modèle de l'Agence allemande de coopération technique, la GiZ, est, de ce point de vue, très bien pensé. Les études n'y sont pas sous-traitées ; elles sont produites en interne, et fort bien adaptées, ce faisant, aux capacités de réponse industrielle allemandes. Ainsi, l'aide au développement peut aussi se concevoir comme un outil d'accompagnement pour d'autres politiques.

Comme la présidente de la commission, je crois que nous devons nous placer dans la perspective démographique et je signale, à mon tour, un intéressant rapport de la délégation à la prospective, celui de Jean-Pierre Sueur relatif aux villes du futur, qui apporte de précieux enseignements sur les phénomènes de concentration urbaine.

Enfin, je rejoins également Michèle André sur le problème des enfants sans identité. Alors qu'on a l'image d'une société africaine inclusive, dans laquelle les solidarités familiales jouent à plein, nous avons été frappés, lors d'un déplacement à Dakar, par le nombre des enfants dans cette situation. Croiser les différents regards et les grandes tendances, y compris dans les pays émergents, doit aussi nous aider à rester pleinement présents dans le jeu économique. La force inertielle de la démographie est telle qu'elle permet de prévoir ce qu'il en sera en 2050. Voyez le problème que cela pose à l'Allemagne...

M. Yvon Collin , rapporteur spécial . - La remarque de Fabienne Keller sur l'importance de l'aide technique en Allemagne rejoint une question - qui ne nous a pas été posée cette année... -, celle de l'aide liée. L'idée étant que les entreprises françaises puissent bénéficier de l'aide au développement consentie par la France. Or, le principe veut que l'aide ne soit pas liée, à l'exception de certains dispositifs très concessionnels et limités. Pour autant, cela ne nous interdit pas de réfléchir aux moyens de mieux flécher notre aide, comme le font nos voisins d'outre-Rhin...

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

Page mise à jour le

Partager cette page