II. ANALYSE PAR PROGRAMME

En tant que programme portant la plus grande part des interventions de la mission, le programme 169 est déterminant pour l'évolution des dépenses de la mission. Il obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation qui appellent une attention certaine.

Les deux autres programmes qui composent la mission sont, l'un, le programme 167, lié à des actions destinées à favoriser le lien entre la Nation et sa défense. Ce programme est tributaire du calendrier commémoratif mais peut aussi faire l'objet de régulations non-négligeables, compte tenu de son volume, en exécution. L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à indemniser les victimes d'actes de barbarie et de spoliations commis lors de la seconde guerre mondiale. En ce sens, ce dernier programme est également surtout destiné à provisionner des transferts tout en abritant également les moyens d'une action de recherche et d'identification qui doit gagner en efficacité.

A. LE PROGRAMME 167 MAINTIENT SES CRÉDITS D'ORGANISATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ ET EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Les crédits du programme 167 sont stables en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Toutefois, l'action 01 « Journée "défense et citoyenneté" » bénéficie d'une certaine dynamique de ses moyens, qui progresseraient de 2,6 %, tandis que ceux réservés à l'action 2 « Politique de mémoire » baisseraient de 1,8 %.

La répartition des crédits du programme attribue 40,4 % des crédits à l'action « Journée "défense et citoyenneté" », avec 15,7 millions d'euros (en CP), et un peu moins de 60 % à l'action 2 avec 22,2 millions d'euros (en CP). Cette répartition est toutefois largement faciale, la JDC demandant une importante participation d'autres programmes extérieurs à la mission.

1. La journée « défense et citoyenneté » (JDC) doit rechercher une plus grande efficacité

L'action 01 est consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée, depuis la réorganisation du service militaire 23 ( * ) , d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français dès 18 ans. Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN) dont les effectifs sont désormais portés par la mission « Défense ».

Bénéficiant d'une enquête réalisée à sa demande par la Cour des comptes, votre rapporteur spécial a établi un rapport sur la JDC au cours de l'année 2016 24 ( * ) , fondé sur le suivi d'une journée entière par votre rapporteur, dont les principales conclusions sont récapitulées dans l'encadré ci-dessous :

Principales conclusions du rapport de votre rapporteur spécial

Les coûts de la journée défense et citoyenneté sont globalement maîtrisés, mais l'évaluation des coûts complets et l'information apportée au Parlement doivent être améliorée.

Priorité doit être donnée au contenu de la journée défense et citoyenneté, que les problématiques d'organisation semblent éclipser.

La journée défense et citoyenneté doit s'appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l'esprit de défense.

La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français.

La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d'un suivi personnalisé.

Le projet de loi de finances pour 2017 ne traduit pas encore pleinement ces recommandations qui visent à donner encore plus d'efficacité à un rendez-vous majeur pour la Nation.

a) Les coûts réels de la JDC ne sont pas précisément identifiés

La dotation est en légère augmentation par rapport à 2016 (+ 0,4 million d'euros), dans un contexte de hausse du nombre de jeunes appelés à y participer (810 000 jeunes contre 795 000 prévus en programmation 2016).

Les crédits « transports JDC » et « Alimentation » couvrent respectivement les dépenses de déplacement et d'alimentation des jeunes convoqués aux sessions des JDC ainsi que celles relatives aux intervenants et encadrants et représentent la majeure partie des crédits portés par le programme 167 au titre de la JDC.

L'enveloppe des dépenses de transport qui pèse déjà lourdement dans les dépenses de la journée s'alourdirait sensiblement (+ 12 %). Le ministère explique cette dérive par la hausse prévisionnelle du nombre de jeunes convoqués en JDC. Toutefois, celle-ci est sans proportion avec l'inflation des dépenses de transport. Les dépenses d'alimentation, premier poste des dépenses de la JDC, seraient, quant à elles, maîtrisées du fait de l'abaissement du coût moyen du repas.

À ces crédits budgétaires directs portés par la mission, il convient d'ajouter les crédits provenant de la mission « Défense », soit en 2017, pour le programme 167, 97,3 millions d'euros.

Compte tenu de l'importance de ces crédits de soutien, votre rapporteur spécial s'était interrogé sur le coût réel de la JDC et le « coût moyen par participant » affiché par l'indicateur 1.2 de l'action (coût de 140 euros en prévision pour 2016), le ministère de la défense indiquant lui-même que « les crédits d'administration générale et de soutien commun relevant du programme 178 sont exclus du calcul du coût de la JDC . En effet, depuis la mutualisation, il n'est plus possible de disposer d'une remontée (Chorus) systématique , détaillée et individualisée des prestations réalisées par les bases de défense au profit de la JDC ». Du côté du ministère, la situation n'a pas réellement évolué, « une réflexion sur les coûts complets de la journée étant en cours ».

En revanche, la commission des finances a saisi la Cour des comptes d'une enquête au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les conclusions de cette enquête ont été rendues au premier semestre 2016 . Le coût complet de la JDC serait compris entre 116 et 118 millions d'euros conduisant à un niveau de coût moyen par participant supérieur à celui mentionné dans les documents budgétaires. Il serait de 150 euros et non de 142,5 euros (un supplément de coût unitaire de 5,2 %).

b) La JDC doit être davantage orientée vers la culture de la défense et l'illustration de la citoyenneté

Le contenu de la JDC a beaucoup évolué en 2016 : le module « secourisme », qui était apprécié par les jeunes mais impliquait des coûts élevés, est remplacé par une sensibilisation à la sécurité routière , conformément à une décision du Premier ministre, actée par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 25 ( * ) .

Le changement de contenu a conduit le ministère à revoir à la baisse son indicateur 1.1 « Taux de satisfaction de l'usager » de la JDC, la prévision pour 2016 étant un taux de 86 %, contre 90,6 % en réalisation pour 2014. La modification intervenue avait été expliquée par les mauvais chiffres de la sécurité routière en 2014 et le fait que la formation de secourisme semblait redondante avec celle déjà dispensée au cours de l'enseignement secondaire 26 ( * ) . En réalité, il semble avoir eu pour principal mérite de dégager une économie de l'ordre de 4 millions d'euros par an .

Votre rapporteur spécial note toutefois avec intérêt que, le module de sécurité routière ayant un format plus court que celui du secourisme, les enseignements de défense verraient leur durée allongée de trente minutes , ce qui est conforme au Livre blanc « Défense et sécurité nationale » de 2013 qui recommandait de recentrer le contenu de la JDC sur sa vocation première de sensibilisation à l'esprit de défense .

Contenu de la Journée « défense et citoyenneté » en 2016

Présentation de la JDC et formalités administratives (25 mn)

Présentation animateurs / groupe (25 mn)

Animation 1 « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire »
(65 mn, soit 20 mn de plus qu'en 2015 )

Animation 2 « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » (50 mn)

Animation 3 « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen » (60 mn, soit 10 mn de plus qu'en 2015 )

Information Jeunesse citoyenne 1 : « Droit à l'information » (30 mn)

Information Jeunesse citoyenne 2 : « Sécurité routière » (30 mn)

Test d'évaluation des acquis fondamentaux (30 mn)

Visite, témoignage, présentation de matériels (60 mn)

Évaluation de la journée - remise des certificats (25 mn)

Pauses (2 x 15 mn) et déjeuner (60 mn)

Source : projet communiqué par le ministère de la défense - Les modules « Défense » apparaissent en gras

Si la JDC concerne un nombre croissant de jeunes, il convient de s'assurer que le taux de participation effectif se rapproche encore du taux de 100 % qui doit rester la cible des organisateurs afin que la JDC contribue encore mieux à la transmission qu'elle entend promouvoir.

Il faut en effet noter que certains jeunes échappent à leurs obligations. En effet, la DSN convoque un jeune à la JDC dès lors qu'il a préalablement effectué son recensement en mairie, étant précisé qu'il peut se conformer à son obligation d'accomplir la JDC jusqu'à ses 25 ans. Or, chaque année, certains ne se font pas recenser et échappent ainsi à leur obligation. Sur la classe de naissance 1989 (qui est complète car les jeunes ont 25 ans révolus), 98,65 % des jeunes ont été recensés et 95,6 % 27 ( * ) sont en règle avec leurs obligations 28 ( * ) , ce qui signifie que 33 250 jeunes n'ont pas accomplis leur JDC .

La DSN travaille actuellement à faciliter le recensement et la convocation des jeunes en dématérialisant l'ensemble des procédures administratives concernant les appelés, via le système d'information PRESAje qui fait l'objet d'une ouverture de crédits de 4,3 millions d'euros en programme 212 de la mission « Défense ». Cette dématérialisation, qui comprend un « e-recensement », accordera aussi aux personnels des mairies un gain de temps tout à fait bénéfique.

c) Les informations réunies lors de la JDC sur les jeunes en difficulté doivent être mieux traduites en actes contre le « décrochage »

Au cours de la journée de défense et de citoyenneté, les jeunes en difficulté sont identifiés. Un entretien leur est proposé au cours duquel des solutions leur sont présentées. Par ailleurs, un circuit d'échange d'informations existe avec des organismes susceptibles de venir en aide à ces jeunes.

La JDC mobilise des dépenses de subvention correspondant à un versement à l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) dans le cadre d'une convention dont le ministère de la défense est cosignataire avec d'autres ministères (affaires sociales, justice, éducation nationale...). On souligne la modicité de cet engagement qui représente 30 000 euros.

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » du système scolaire sans formation.

Votre rapporteur spécial souhaite que la JDC soit l'occasion de mesures plus actives destinées à prévenir et réparer le décrochage, ce qui suppose un renforcement des liens avec les organismes susceptibles d'offrir une seconde chance scolaire ou, plus globalement, un accompagnement à des jeunes dont la détection ne doit être qu'un pas dans un parcours réellement requalifiant.

À cet égard, il entre dans les projets du ministère de la défense de réorganiser sa direction du service national pour en faire une direction du service national et de la jeunesse. Il faut encourager cette initiative. La politique publique en faveur de la jeunesse en difficulté doit être renforcée. Dans la mesure de leurs missions, les armées peuvent apporter beaucoup à un engagement plus actif dans la remédiation des difficultés que rencontrent de trop nombreux adolescents.

2. La politique de mémoire met l'accent sur la rénovation des sépultures de la Première guerre mondiale

La conduite de la politique de mémoire est assurée par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une enveloppe de 22,2 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 1,8 % par rapport à la loi de finances pour 2016, déjà fortement décroissante par rapport aux crédits ouverts en 2015.

Cette baisse résulte de la réduction des crédits de fonctionnement, les crédits d'intervention étant eux en légère hausse (+ 2,1 millions d'euros). Elle traduit un ralentissement de l'activité d'entretien des lieux de mémoire conduite en direct par la DMPA dans un contexte où l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire ressortira comme prioritaire. Une part importante des crédits inscrits au titre de cette action est déléguée à des tiers, ONAC-VG (10,23 millions d'euros) et GIP Centenaire principalement.

Les crédits se répartissent entre les deux opérations stratégiques « Mémoire » et « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ».

En 2017, les crédits de l'opération stratégique « Mémoire » s'inscrivent en baisse (- 1,5 million d'euros). Compte tenu de la fin du cycle mémoriel lié au soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale , ces crédits restent à un niveau tout à fait satisfaisant qui permettra de contribuer à 200 événements et de soutenir 600 acteurs de la mémoire. L'année 2017 sera notamment marquée par les cérémonies de commémoration de l'entrée en guerre des États-Unis et par la prise de Vimy par les Canadiens le 9 avril 1917.

De leur côté, les crédits de l'opération stratégique « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » sont rehaussés de 1 million d'euros. Ils devraient permettre de poursuivre la réalisation du programme pluriannuel de rénovation des nécropoles et carrés militaires de la guerre 1914-1918 .

Ils comprennent la subvention accordée à l'ONAC-VG pour l'entretien et la rénovation des lieux de mémoire et des sépultures de guerre, qui est augmentée de 1 million d'euros (9,96 millions d'euros).

Cette augmentation, pourtant très bienvenue, laisse un peu perplexe dans un contexte de consommation effective des crédits délégués à l'ONAC-VG assez largement inférieure aux disponibilités.

Dans le cadre du programme pluriannuel de rénovation des sépultures de guerre l'établissement a bénéficié de 20,42 millions d'euros de délégations de crédits. Ce montant correspond à la programmation initiale. Pourtant, les crédits consommés par l'ONAC-VG n'auraient pas dépassé 12 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial note avec regret que le projet d'un monument dédié aux soldats engagés dans les OPEX, dont le principe a été arrêté depuis 2011 soit encore à réaliser.

Un monument Opex toujours en bonne voie ?

L'an dernier, votre rapporteur spécial avait cru pouvoir se féliciter des avancées du projet d'instaurer un monument commémorant l'engagement de nos forces dans les nombreuses opérations extérieures (OPEX) auxquelles participe la France. Malheureusement, ce dossier, qui a été engagé depuis de déjà nombreuses années a connu un rebondissement regrettable. Il semble toutefois que de nouvelles espérances puissent être formées à son sujet.

Afin de témoigner une reconnaissance spécifique envers les soldats engagés dans les opérations extérieures menées par la France, le ministère de la défense a décidé en 2011 d'édifier dans la capitale un monument dédié aux soldats morts en Opex . Ce projet, engagé en 2012 et qui avait bénéficié d'un million d'euros de crédit en loi de finances pour 2013, semblait pouvoir être finalisé en 2014 et aboutir à l'érection d'un monument place Vauban , près des Invalides. Toutefois, ce premier projet n'a pu aboutir, en raison notamment de l'opposition des riverains.

Se fondant sur les conclusions de la mission de réflexion confiée au général d'armée (2 e section) Pierre de Percin Northumberland, le cabinet du ministre de la défense a finalement décidé :

- d'implanter le monument dans le parc André Citroën (Paris, 15 e ) ; la maire de Paris a émis un avis favorable en juin 2015 et le projet devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en novembre prochain ;

- d'ériger un « mur des noms » avec une éventuelle sculpture, qui pourrait s'intégrer dans un espace de verdure ;

- d'inscrire sur ce monument les noms des « Morts pour la France » uniquement.

Des dépenses ont été engagées pour acquitter indemnités versées aux trois candidats qui avaient présenté un projet dans le cadre l'appel d'offre organisé pour le projet initial, déclaré sans suite, pour un total de 45 000 euros.

Dans une lettre du 29 juin 2015, la maire de Paris a confirmé qu'elle émettait un avis favorable quant à l'installation du monument aux morts en opérations extérieures sur l'esplanade du parc André Citroën (Paris -- 15 e arrondissement). Toutefois, l'esplanade n'a pas recueilli l'approbation des concepteurs du parc. Ils ont toutefois proposé d'accueillir le mémorial dans un des jardins du parc.

Le nouveau projet consiste à ériger un monument commémoratif dans un espace paysager requalifié, dans le respect des contraintes architecturales et techniques. Conduit en lien avec la mairie de Paris et les concepteurs du parc, il est en cours de définition sur le plan technique, juridique et financier et devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en avril 2017.

Le concours pour la création du mémorial sera lancé à l'automne 2016 avec une désignation du lauréat en février 2017. Les travaux de construction du monument seront entrepris après l'achèvement, prévu en décembre 2017, des aménagements de requalification du jardin Eugénie Djendi relevant de la mairie de Paris.


* 22 Rapport d'information de M. Philippe Marini fait au nom de la commission des finances n° 132 (2013-2014) -- 12 novembre 2013.

* 23 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

* 24 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, Sénat, n °475 (2015-2016) 16 mars 2016.

* 25 Article 24 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 26 NB : cela est également le cas de la sécurité routière. Cf. article L. 312-13 du code de l'éducation.

* 27 Chiffres en métropole communiqués en réponse au questionnaire budgétaire par le ministère de la défense.

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