EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 décembre 2016, sous la présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 16 (2016-2017) ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du code de la consommation et sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en oeuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services

M. Martial Bourquin, rapporteur . - Nous sommes saisis en première lecture d'un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant deux ordonnances intervenues récemment dans le domaine du droit de la consommation : l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation. Ces ordonnances ont été prises sur le fondement de dispositions relevant de deux lois distinctes : d'une part, l'article 161 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation ; d'autre part, l'article 14 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

Alors que, longtemps, la ratification d'ordonnances par des projets de loi ad hoc revêtait un caractère exceptionnel, le Gouvernement a choisi, depuis plusieurs mois, de multiplier l'inscription à son ordre du jour réservé de plusieurs textes de ratification expresse d'ordonnances, comme s'y était d'ailleurs engagé M. Benoît Hamon lorsqu'il était ministre au cours du débat sur le projet de loi relative à la consommation. Il faut s'en féliciter : d'une part, en elle-même, la ratification d'une ordonnance redonne de la cohérence à notre hiérarchie des normes juridiques, puisqu'elle transforme des textes qui revêtent seulement un caractère réglementaire en des dispositions de rang législatif ; d'autre part, le Parlement peut ainsi reprendre l'intégralité de ses prérogatives sur une matière abandonnée temporairement au pouvoir exécutif, afin de s'assurer que le Gouvernement a respecté les limites de l'habilitation qui lui a été accordée et, le cas échéant, de modifier la teneur de certains dispositifs qu'il a adoptés.

Ce projet de loi a donc une ambition extrêmement limitée : il se borne à opérer des corrections techniques au travail de recodification du code de la consommation qui a représenté, pour les ministères et la commission supérieure de codification, un travail considérable de près de dix ans, consistant à redistribuer dans un code entièrement refondu près de 1 100 articles législatifs...

Il a fallu pas moins de trois habilitations pour que ce travail puisse s'achever ; le recours à une ordonnance était incontestablement le meilleur moyen d'y parvenir. Cette entreprise de recodification était nécessaire, car notre droit de la consommation s'était considérablement étoffé au cours des trente dernières années, sous deux effets conjugués : d'abord, la création de règles et de procédures de protection nouvelles pour les consommateurs - je pense notamment aux procédures de surendettement et, plus récemment, à la procédure d'action de groupe ; ensuite, un foisonnement du droit européen en la matière, qui a vu se multiplier les règlements et les directives.

La version initiale du code de la consommation, datant de 1993, n'était, par sa structure même, plus en mesure de donner un accès intelligible à cet ensemble de normes. L'ordonnance du 14 mars 2016 a recodifié à droit constant, à l'exception du volet concernant les pouvoirs d'enquête en matière de consommation. L'habilitation votée en 2014 prévoyait d'harmoniser et de fusionner dans un seul corps de règles les procédures et les pouvoirs applicables en vue de sanctionner les violations du droit de la consommation. Jusqu'alors, les règles étaient dispersées entre le code de la consommation et le code de commerce, ce qui créait des difficultés pratiques de mise en oeuvre. Cette tâche a donc été menée à bien. La bonne application du droit de la consommation par les professionnels sera ainsi plus efficacement assurée. L'ordonnance du 26 mars 2016 a, quant à elle, pour simple but d'assurer la correcte transposition d'une directive récente, en introduisant de nouvelles obligations jusqu'ici non prévues par notre législation relative aux opérations de crédit immobilier. Ces modifications concernent notamment l'information générale du consommateur, la remise d'une fiche d'information standardisée, l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur, le service de conseil et d'évaluation du bien immobilier, ainsi que les règles de conduite et de rémunération applicables aux intermédiaires en opérations de crédit.

Le projet de loi de ratification ne modifie guère la substance de ces deux ordonnances. Il apporte pour l'essentiel des corrections juridiquement nécessaires. Il n'innove sur le fond que sur deux points, très circonscrits. D'abord, il fusionne les bases des dispositifs d'application des règles relatives à la sécurité des produits et à leur conformité. Issues de dispositions distinctes de la loi du 1 er août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services et de la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs, les notions de conformité et de sécurité des produits sont, en pratique, étroitement imbriquées. Par souci de simplification, l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi de ratification estimait qu'il serait souhaitable de fusionner ces bases juridiques : c'est l'objet de l'article 5 du présent projet de loi. Ensuite, les règles de protection contre les pratiques commerciales trompeuses sont étendues aux « non-professionnels », c'est-à-dire notamment aux associations ou aux syndicats de copropriétaires. C'est l'objet de l'article 2 quater .

Au cours des auditions auxquelles j'ai procédé, ni la codification ni la transposition de la directive en matière de crédit immobilier n'ont suscité d'observations critiques. Cela montre que la qualité du travail réalisé a été reconnue.

En revanche, les représentants des avocats, reçus à leur demande, ont émis des réserves sur certaines questions de fond, notamment sur la procédure d'action de groupe et sur la médiation. Comme ils l'avaient fait valoir en 2014, ils souhaiteraient disposer d'un droit d'action subsidiaire aux associations de consommateurs. À ce jour, seules neuf actions de groupe ont été lancées. Cela peut paraître timide, mais il est sans doute trop tôt pour vouloir, deux ans après sa mise en place, déjà modifier cette procédure complexe. Nous avions décidé d'instaurer un filtre en permettant aux seules associations d'agir, à la différence de la class action américaine paralysant la justice et la consommation. Les États-Unis sont en train de revenir sur leur législation et regardent avec intérêt l'action de groupe à la française. Du reste, le Gouvernement doit en principe remettre dans les prochains mois au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en oeuvre de la procédure d'action de groupe et proposer, le cas échéant, les adaptations nécessaires. Il ne me semble donc pas opportun d'aborder cette question dans le présent texte. Les avocats nous ont donc représenté leur demande initiale. La loi relative à la consommation prévoyait une clause de revoyure qui fonctionnera dans quelques mois, et sur la base de laquelle nous pourrons légiférer de nouveau, si besoin, sur leur intervention à titre subsidiaire.

Les associations de consommateurs ont également mis en exergue au cours des auditions les pratiques de certains établissements de crédit qui n'appliquent pas toujours de manière optimale leurs obligations découlant de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, notamment en ce qui concerne l'offre de crédit renouvelable. Cette question doit d'abord pouvoir se régler par des contrôles renforcés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les lieux de ventes. Nous avions préféré faire appel à la DGCCRF pour les contrôles et l'amende plutôt qu'aux tribunaux. Elle joue désormais un rôle essentiel pour l'application de la loi.

Si malgré cela, ces comportements perduraient à l'avenir, on pourrait réfléchir à imposer, comme le demandent certaines associations, une dissociation systématique entre carte de fidélité et carte de paiement ou de crédit. Je ne pense pas qu'il soit opportun de le faire dans le cadre de ce projet de loi, même s'il existe une vraie difficulté qui devra être réglée : souvent, les cartes de fidélité sont le support de crédits revolving concourant au surendettement.

L'Assemblée nationale ayant déjà procédé aux modifications techniques du texte qui s'imposaient, je vous propose d'adopter sans modification le texte de ce projet de loi.

Nous pourrions néanmoins être tentés de nous intéresser, à nouveau, à la question de l'assurance-emprunteur dans le cadre des crédits immobiliers. Actuellement, un consommateur contracte un crédit à un taux très bas, mais il doit souscrire une assurance très coûteuse avec des profits indus pour l'assureur ou la banque. Un dispositif permettant la résiliation annuelle de l'assurance-emprunteur a été adopté dans le cadre de la loi Sapin 2.

Le Sénat avait considéré que cette disposition introduite en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale était un cavalier et tombait en conséquence sous le coup d'une irrecevabilité. L'Assemblée nationale a maintenu son texte en lecture définitive, alors qu'il omettait certaines coordinations, comme l'avait souligné Daniel Gremillet, notre rapporteur pour avis.

Le Conseil constitutionnel a été saisi du texte et devrait rendre sa décision demain, 8 décembre. En fonction du sens de cette décision, nous aurons alors une alternative : soit le dispositif d'assurance-emprunteur est validé par le Conseil constitutionnel, et alors il conviendrait d'apporter les coordinations nécessaires ; soit le dispositif est supprimé, et nous devrons apprécier s'il convient de reprendre ce débat au fond. Disposons-nous aujourd'hui, plus qu'il y a quelques semaines, d'une évaluation suffisante de la situation actuelle de l'assurance-emprunteur et des effets potentiels qu'aurait un dispositif de résiliation périodique sur l'offre d'assurance pour l'avenir ? La Fédération bancaire française (FBF) juge qu'un délai de trois ans pour remettre en concurrence, voire résilier, l'assurance-emprunteur est raisonnable.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Merci pour cet excellent travail. Ce projet de loi de ratification est le dernier texte de l'année 2016 inscrit à l'ordre du jour, le 21 décembre prochain.

M. Daniel Gremillet . - Interrogeons-nous sur l'intérêt de travailler sur l'assurance-emprunteur, et notamment sur le bon délai de renégociation. Nous attendons avec intérêt les résultats de l'évaluation en cours. Souvent, ce sont les personnes en meilleure santé qui bénéficient de cette concurrence entre les assureurs, et non pas les personnes les plus exposées, qui le restent, de par leur fragilité. Je suis impatient de connaître l'avis du Conseil constitutionnel et souhaite que notre commission travaille sur le sujet.

M. Yannick Vaugrenard . - Merci pour ce travail remarquable. Vous rappelez le peu de critiques sur ce texte. L'action de groupe a été longuement débattue lors de l'examen du projet de loi relatif à la consommation. Le fait qu'il n'y ait eu que neuf actions de groupe ne doit pas plaider en défaveur du dispositif, car un délai de deux ans est beaucoup trop court pour que les consommateurs et les associations s'approprient totalement ce dispositif. Nous avons eu raison d'autoriser cette action pour des associations reconnues, c'est un filtre qui évite l'engorgement des tribunaux que connaissent les États-Unis.

La clause de revoyure est utile pour privilégier l'expérimentation et l'évaluation, afin de modifier le dispositif si besoin. Recourir à la DGCCRF plutôt qu'aux tribunaux est un gage d'efficacité : cela évite l'engorgement de ces derniers et la DGCCRF intervient plus rapidement.

L'assurance-emprunteur touche de nombreux ménages, qui pourraient économiser 1 000 euros par an. Nous attendons avec impatience l'avis du Conseil constitutionnel, afin de pouvoir intervenir suffisamment tôt. Les banques ne doivent pas avoir de monopole par rapport à l'emprunteur.

M. Martial Bourquin, rapporteur . - Nous traiterons de la question de l'assurance-emprunteur en fonction de la décision du Conseil constitutionnel, afin d'éviter les profits indus. Attention également à ce que les assurances aient non seulement un coût limité, mais qu'elles protègent aussi efficacement. Évitons ce monopole des banques et des assurances, qui n'est pas sain, mais, si nous le cassons, veillons à conserver une couverture efficace.

Oui, le délai de deux ans pour juger de l'action de groupe est trop court. Lorsque nous avons discuté de ce dispositif, en 2013, nous sortions de la loi de modernisation de l'économie, et ne voulions pas pénaliser les entreprises. La loi doit protéger, sans bloquer l'économie. Le filtre associatif est une garantie.

La clause de revoyure est essentielle : les avocats ne mettent plus en cause le filtre associatif, mais veulent intervenir à titre subsidiaire. Nous examinerons ce sujet lorsque nous appliquerons cette clause.

M. Jean-Claude Lenoir, président . - Je partage vos observations ainsi que celles de M. Vaugrenard : conservons des garde-fous pour éviter toute manipulation.

Les articles 1 er à 12 sont adoptés sans modification.

Le projet de loi est adopté sans modification.

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