EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 18 janvier 2017, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Xavier Pintat et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 173 (2016-2017) autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession du Monténégro.

M. Xavier Pintat, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du Protocole au Traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République du Monténégro, signé à Bruxelles le 19 mai 2016. Une fois ce Protocole ratifié par l'ensemble des parties, le Monténégro deviendra ainsi le 29e pays de l'Alliance atlantique.

Le Sénat est saisi en deuxième de ce projet de loi de ratification, l'Assemblée nationale l'ayant, pour sa part, adopté le 1er décembre 2016.

Je rappelle que le Monténégro est un petit Etat des Balkans (14 000 kilomètres carrés, 620 000 habitants) qui a recouvré son indépendance seulement en 2006, en se séparant pacifiquement de la Serbie, après avoir été successivement intégré, à l'issue de la première guerre mondiale, dans le royaume serbe et dans l'ensemble yougoslave, puis, après l'éclatement de celui-ci, dans un Etat partagé avec la Serbie. Pays multiethnique et multiconfessionnel où les différentes communautés cohabitent harmonieusement, il est le seul Etat de la région à avoir échappé aux guerres fratricides qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie.

Peu après son indépendance, il a fait part de son souhait de rejoindre la communauté euro-atlantique, manifesté également par sa candidature à l'Union européenne. Pour ce pays qui se situe dans une « zone de turbulences », il s'agit avant tout de garantir sa sécurité et sa stabilité. Le Monténégro fait valoir, à cet égard, que la stabilité que lui garantira l'OTAN bénéficiera aussi aux pays voisins.

L'accession du Monténégro à l'Alliance atlantique s'inscrit dans la politique dite « de la porte ouverte » appliquée à l'égard des pays de l'est de l'Europe après la fin de la guerre froide et qui avait, avant le Monténégro, permis l'adhésion :

- de la Pologne, la République tchèque et la Hongrie en 1999 ;

- de la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie et les Etats Baltes en 2004 ;

- de la Croatie et l'Albanie en 2009.

Cette politique « de la porte ouverte » poursuivait, avant tout, un but politique : il s'agissait d'oeuvrer à la stabilité de la zone euro-atlantique en promouvant dans ces pays la paix, la liberté et la démocratie. Le Monténégro fait partie de la dernière vague d'élargissement de l'OTAN, lancée à l'occasion du Sommet de Bucarest de 2008, dont la mise en oeuvre n'est pas sans poser de difficultés. Si, comme je l'ai dit, l'Albanie et la Croatie sont assez rapidement parvenues à l'adhésion, le Monténégro est le seul pays parmi les autres candidats (l'Ancienne République de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie), à remplir aujourd'hui les conditions pour devenir membre de l'OTAN.

Il ne s'agit pas d'idéaliser ce pays où le pouvoir est, des années, aux mains de la même formation politique - M. Milo Djukanovic étant à sa tête depuis 25 ans - et où la corruption reste répandue.

Mais il n'en a pas moins franchi avec succès les différentes étapes du processus, depuis le plan d'action pour l'adhésion (MAP) - obtenu en décembre 2009 - jusqu'à l'engagement de négociations d'adhésion, auquel les Alliés donnent leur feu vert en décembre 2015. Il a accompli des progrès dans de nombreux domaines, notamment dans le cadre de sa candidature à l'Union européenne et de la reprise de l'acquis communautaire, même s'il ne faut pas nier l'existence d'une marge de progression, particulièrement en matière d'état de droit et de lutte contre la corruption. Si le Monténégro s'est doté, dans la plupart des domaines, d'un cadre législatif et réglementaire adapté, l'enjeu est désormais de mettre celui-ci en application.

D'un point de vue militaire, il faut l'admettre, la contribution financière du 29e membre de l'Alliance à son budget sera modeste puisqu'elle en représentera 0,027 % (environ 1 million d'euros), soit la moitié de la contribution de l'Islande, qui en est jusqu'à présent le plus petit contributeur.

Le budget de la défense du Monténégro s'élève, quant à lui, à 47 millions d'euros en 2016, soit 1,25 % du PIB du pays. Il devrait toutefois être porté à 1,4 % du PIB en 2020. Cet effort permettra d'augmenter un peu les effectifs militaires, qui devraient passer de 1 850 en 2016 à 1 950 en 2020, et de moderniser une partie des équipements hérités de l'armée yougoslave et en partie obsolètes, les priorités de modernisation étant définies en fonction des objectifs d'intégration à l'OTAN.

En outre, le Monténégro prend part activement aux opérations extérieures, dans le cadre tant de l'OTAN avec une contribution d'une vingtaine de soldats à l'opération Resolute Support en Afghanistan, que de l'Union européenne avec une participation aux opérations EUTM Mali et Atalanta de lutte contre la piraterie. Il faut souligner, à cet égard, la « sensibilité maritime » que le Monténégro est susceptible d'apporter à l'Alliance atlantique qui pourrait s'avérer utile pour le traitement des problématiques méditerranéennes (migrants, lutte contre les trafics).

C'est d'ailleurs essentiellement dans ce domaine que se développe la coopération militaire bilatérale de la France avec ce pays, qu'il s'agisse de soutenir son équipe de protection embarquée dans le cadre d'Atalanta ou de proposer des formations, par exemple à l'action de l'Etat en mer.

Enfin, d'un point de vue stratégique, l'entrée du Monténégro dans l'OTAN permet d'établir une continuité de la zone otanienne sur la côte adriatique, en complétant le chaînon manquant entre la Croatie et l'Albanie.

Après avoir étudié le dossier et procédé à des auditions, votre rapporteur considère que le Monténégro remplit les conditions d'adhésion à l'OTAN.

Celle-ci n'en reste pas moins une question discutée, au plan tant interne qu'international.

Pour une partie de l'opinion publique monténégrine, essentiellement la minorité serbe, marquée par les bombardements de l'OTAN contre la Serbie qui ont aussi concerné, de manière limitée, le Monténégro, l'entrée de celui-ci dans l'Alliance atlantique ne va pas de soi. La question, sans doute instrumentalisée par l'opposition proserbe, a même été l'un des mots d'ordre des manifestations organisées contre le pouvoir à l'automne 2015, qui s'étaient accompagnées d'une tentative de déstabilisation du Parlement. Elle a également occupé une large place dans les débats qui ont précédé les élections législatives du 16 octobre 2016, considérées par certains observateurs comme un référendum sur le sujet.

Si ces élections ont été remportées par les formations favorables à l'accession à l'OTAN, elles n'en ont pas moins donné lieu à une nouvelle tentative de déstabilisation du pouvoir, dans laquelle ont été pointés du doigt des ressortissants russes et serbes.

Par ailleurs, on ne saurait occulter, dans le contexte stratégique actuel, les difficultés suscitées par cet élargissement avec la Russie, qui s'est ouvertement opposée à l'accession du Monténégro à l'OTAN à partir du moment où cette éventualité est devenue plus concrète, c'est-à-dire à compter de décembre 2015.

Cette réaction tient sans doute pour partie aux intérêts économiques que la Russie compte traditionnellement dans ce pays, que ce soit dans le parc hôtelier de la côte adriatique ou dans des entreprises comme le fabricant d'aluminium KAP. Il faut également mentionner les liens culturels que la Russie cherche à maintenir avec ce pays à forte composante slave, même si le Monténégro n'a jamais eu pour elle la même importance que la Serbie.

Mais c'est sûrement plus encore la perspective d'un nouvel élargissement de l'OTAN, dans un contexte de tensions exacerbées avec cette organisation militaire, qui explique la réaction russe. S'agissant d'un petit pays de 620 000 habitants qui, de surcroît, ne borde pas les frontières russes, celle-ci relève certes davantage d'une position de principe qu'elle ne traduit un réel enjeu stratégique. Il n'en demeure pas moins que la Russie considère l'expansion de l'OTAN, qu'elle perçoit comme principalement dirigée contre elle, comme une menace directe pour sa sécurité. Selon la dernière version de la Doctrine militaire russe publiée en décembre 2014, il s'agit même du premier danger militaire auquel la Russie est susceptible de faire face.

Ces tensions avec la Russie au sujet de l'élargissement de l'OTAN se sont aggravées depuis la crise ukrainienne, largement imputable à la volonté de la Russie d'empêcher un rapprochement avec l'Occident d'un pays qu'elle considère comme un partenaire stratégique. Il résulte de tout cela une dégradation du contexte sécuritaire en Europe, qui se caractérise par une augmentation de la fréquence et de l'ampleur des démonstrations de force de la part de la Russie (incursions aériennes et maritimes dans les espaces relevant de la souveraineté d'Etats de l'Alliance, exercices militaires impliquant un très grand nombre d'hommes et de moyens à proximité des frontières occidentales, déploiement de missiles de capacité nucléaire à Kaliningrad et en Crimée...) et un investissement massif du champ de la guerre informationnelle dans l'objectif de déstabiliser les pays occidentaux. Cette montée des tensions a engendré corrélativement, une réponse proportionnée de l'Alliance atlantique avec les décisions prises lors des sommets de Newport (septembre 2014) et de Varsovie (juillet 2016), qui prévoient un renforcement des capacités militaires déployées sur le flanc est, afin de rassurer les alliés orientaux.

Dès lors, quelle position préconiser ?

Dans leur rapport de 2015 sur les relations avec la Russie, nos collègues Robert del Picchia, Josette Durrieu et Gaëtan Gorce avaient identifié l'élargissement à l'est de l'OTAN, concomitamment à celui de l'UE, comme l'une des causes de la dégradation des relations entre la Russie et les pays occidentaux ces dernières années, dégradation qui n'a fait que s'aggraver à l'occasion de la crise ukrainienne. Ils en appelaient à une retenue sur cette question, plaidant notamment pour la non-appartenance des pays de l'espace post-soviétique, en particulier l'Ukraine, à des alliances militaires.

S'agissant de l'adhésion à l'OTAN du Monténégro, la position de la France, réservée au départ, a évolué en 2015 au vu des progrès accomplis par ce pays et à la condition d'un compromis d'ensemble sur la question de l'élargissement, consistant à limiter le feu vert au seul cas monténégrin.

Votre rapporteur propose de soutenir cette position. Il s'agit, en effet, à la fois de ne pas décevoir les attentes d'un petit pays qui s'est résolument engagé dans la voie de l'adhésion à l'OTAN et en a franchi avec succès les différentes étapes, de conforter un pôle de stabilité dans les Balkans, au bénéfice des pays voisins, et de compléter l'arc de sécurité otanien sur la côte adriatique.

En revanche, cette adhésion, dont il faut souligner qu'elle n'est en aucune manière dirigée contre la Russie, doit, à notre sens, être la dernière, il faut clairement s'y engager.

Il est, par ailleurs, nécessaire de poursuivre les efforts de dialogue et de coopération avec la Russie dans le cadre du Conseil OTAN-Russie qui, après avoir suspendu ses activités du fait de la crise ukrainienne, a tenu trois réunions durant l'année 2016, ce qui est un signe encourageant.

Enfin, il faut souligner que l'adhésion du Monténégro à l'OTAN ne préjuge en rien de son adhésion à l'Union européenne.

Sous réserve de ces observations, je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi, qui sera discuté en forme normale en séance publique le jeudi 26 janvier matin.

M. Robert del Picchia. - Dans notre rapport d'information sur la Russie, nous soulignions effectivement le problème que posent à la Russie les élargissements successifs de l'OTAN, qu'elle perçoit comme dirigés contre elle. Comment les Russes vont-ils réagir à l'entrée du Monténégro dans l'OTAN ? In fine, ne va-t-elle pas porter tort à ce pays, compte tenu des relations étroites qu'il entretient avec la Russie, notamment au plan économique ? Ce tort ne risque-t-il pas d'être supérieur à l'avantage qu'il retirera de son adhésion à l'OTAN ? En d'autres termes, le jeu en vaut-il la chandelle pour le Monténégro ? En ce qui nous concerne, cela ne va pas améliorer nos relations avec la Russie, même si le Monténégro n'est pas un enjeu stratégique pour celle-ci. Les Russes nous rappelleront sûrement leur position, qui est la même que vis-à-vis de l'Ukraine. Concernant celle-ci, nous n'en serions pas là aujourd'hui si nous avions pris fermement l'engagement de ne pas chercher à l'intégrer dans l'OTAN.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Je ne voterai pas en faveur de ce texte, non pas parce que cette adhésion mécontente les Russes mais par militantisme européen. J'ai regretté à l'époque l'échec de la communauté européenne de la défense (CED), de même que j'ai regretté qu'à la fin de la guerre froide, l'UE se soit précipitée pour conforter l'OTAN au lieu de chercher à bâtir une défense européenne. Or, les déclarations caricaturales et méprisantes de Donald Trump sur l'Europe devraient inciter les Européens, qui achètent massivement des armes aux Américains et qui comptent largement sur eux pour leur sécurité, à se prendre en main et à bâtir enfin une Europe de la défense, l'OTAN devant devenir plus européenne.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il faut souligner que M. Trump se montre aussi sévère avec l'OTAN qu'avec l'UE.

M. Jacques Legendre. - Ce n'est pas si évident de voter en faveur de l'entrée du Monténégro dans l'OTAN dès lors que ce pays a des liens historiques avec la Russie, notamment sur le plan militaire. Ainsi, les bouches de Kotor, qui abritaient d'ailleurs la base navale de l'ex-Yousgolavie, ont accueilli depuis le XVIII eme siècle des officiers russes en formation, dans le cadre d'échanges avec la marine russe. En outre, je ne suis pas convaincu de l'apport du Monténégro à la sécurité de l'OTAN. Enfin, je pense que cet élargissement ne peut que renforcer la perception qu'a la Russie d'un encerclement par l'OTAN. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer ici en faveur de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine tout en défendant l'idée que ce pays doit se tenir à l'écart de l'OTAN. Il me semble que dans le contexte actuel, nous devons veiller à ne pas alimenter les tensions avec la Russie. De surcroît, je ne voudrais pas qu'une accession de ce pays à l'OTAN facilite son entrée dans l'UE à laquelle je ne suis pas du tout favorable. En ce qui me concerne, je ne voterai donc pas ce projet de loi.

M. Gilbert Roger. - Il est beaucoup question de ce sujet à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Mon groupe soutient la position du rapporteur, y compris ses réserves sur le fait que cette adhésion ne préjuge en rien de l'entrée du Monténégro dans l'UE. Soulignons, à cet égard, que l'ambiguïté qu'on a laissé planer concernant la possibilité d'un double élargissement -à l'UE et à l'OTAN- de l'Ukraine a été à l'origine de la crise.

M. Jean-Marie Bockel. - J'ai trouvé la présentation du rapporteur convaincante. Si on pouvait revenir en arrière, on s'y prendrait sans doute différemment concernant les élargissements de l'OTAN, compte tenu de la dimension géopolitique de ce sujet. Néanmoins, une démarche au long cours a été engagée par le Monténégro, complémentaire de celle d'autres pays de l'ex Yougoslavie, dont l'adhésion à l'OTAN n'a pas posé problème à la Russie. Certes, l'OTAN se trouve face à des défis et va devoir évoluer, qu'il s'agisse de ses missions ou de la relation transatlantique. Mais il me semble que ce n'est pas le moment de montrer des signes de faiblesse en renonçant à une démarche qui est solide et pertinente ; en outre, pour le Monténégro qui, en soi, n'est pas un enjeu considérable pour l'OTAN, ce serait catastrophique. L'OTAN y perdra beaucoup en crédibilité. Il faut aller mener ce processus jusqu'à son terme.

Mme Nathalie Goulet. - En ce qui me concerne, je voterai ce texte. Ce n'est pas parce que c'est un petit pays qu'il n'a pas d'importance d'un point de vue stratégique. En outre, la demande émane du Monténégro, pas de l'OTAN, c'est donc ce pays que nous soutenons en votant cette ratification. Enfin, ce pays, comme d'autres des Balkans, se tourne vers l'OTAN car il a besoin d'assurer sa sécurité, il ne va pas attendre pour cela qu'émerge une défense européenne.

M. Robert Hue. - Ce rapport est équilibré, mais n'emporte pas mon adhésion. Nous entrons dans une période d'interrogations, voire, avec l'arrivée du nouveau président américain Donald Trump, de turbulences concernant l'Europe et l'OTAN. Dans ce contexte, il me paraît prématuré de donner notre aval à ce texte. Faute de visibilité, il serait préférable de suspendre provisoirement le processus. Je m'abstiendrai donc.

M. Michel Billout. - Le groupe communiste, républicain et citoyen votera contre ce texte pour plusieurs raisons. D'abord, parce que sur le principe, nous portons un regard très critique sur l'OTAN, dont les activités ne contribuent pas à renforcer la paix dans le monde mais plutôt à augmenter les tensions. Ensuite, parce que même si l'apport que représente le Monténégro à l'OTAN n'est pas essentiel, cet élargissement ne va pas dans le sens d'une amélioration de nos relations avec la Russie. Enfin, on peut effectivement s'interroger sur l'opportunité d'intégrer un nouveau pays dans l'OTAN au moment où le président de la puissance dirigeante de cette organisation en souhaite sa refonte totale et notamment de son article 5 relatif à l'assistance mutuelle entre ses membres. Cette adhésion nous paraît donc également prématurée.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Une vingtaine d'Etats membres de l'OTAN ont déjà ratifié ce protocole. Je félicite le rapporteur pour son travail. Cette adhésion répond à une demande forte du Monténégro, où plus de 80 % de la population y est favorable. Ce pays accomplit de gros efforts en matière de gouvernance économique, de lutte contre la corruption. Ce serait un très mauvais signal vis-vis des pays des Balkans, qui ont besoin d'être stabilisés et encouragés, de renoncer à l'engagement qui a été pris en raison des déclarations de Donald Trump. J'appelle donc à voter en faveur de cette ratification.

M. Xavier Pintat, rapporteur . - En réponse à Robert del Picchia et Gilbert Roger, je soulignerai que la Russie a indiqué dans le passé qu'elle ne s'opposerait pas à l'adhésion du Monténégro à l'OTAN ; sa posture est assez récente ; ses lignes rouges sont l'adhésion à l'OTAN de la Géorgie, de l'Ukraine ou encore de la Serbie, cette dernière n'étant d'ailleurs pas candidate.

Le Monténégro entretient à cet égard des relations amicales et apaisées avec la Serbie et s'attache aussi à garder de bonnes relations avec la Russie. Néanmoins, les engagements russes dans le pays ont eu tendance à se réduire ces dernières années, alors que des pays comme l'Autriche ou l'Italie y développent leurs investissements.

En réponse à Yves Pozzo di Borgo, je pense que l'Europe de la défense ne peut être créée ex nihilo, personne ne nous suivrait dans cette voie. En revanche, européaniser davantage l'OTAN à la faveur du retrait américain a du sens, c'est même nécessaire pour assurer la sécurité du territoire européen. L'intégration du Monténégro se justifie d'un point de vue stratégique et géographique, dès lors que la Croatie et l'Albanie sont membres de l'OTAN. J'ajoute que ce pays peut être un point d'appui pour le traitement de problématiques régionales comme la question des réfugiés.

A notre collègue Jacques Legendre, je rappelle, comme notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, qu'une grande majorité d'Etats alliés ont d'ores et déjà ratifié le protocole. En revanche, il faut dire clairement que l'élargissement de l'OTAN n'ira pas au-delà du Monténégro et que ne sont donc pas concernées la Géorgie, l'Ukraine ou encore la Serbie, afin d'éviter toute provocation à l'égard de la Russie. La France, à l'origine assez prudente au sujet de l'adhésion du Monténégro, a finalement pris en compte ses progrès. Elle a une coopération militaire dynamique avec ce pays et des perspectives commerciales pour le renouvellement d'une partie de ses matériels militaires. Il serait donc paradoxal de renoncer à cette ratification. Mais cela ne vaut pas blanc-seing pour une entrée dans l'UE. Je crois avoir déjà répondu aux autres questions et observations.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Il s'agit d'un sujet important. Il nous faut bien mesurer la situation dans laquelle nous nous trouvons avec un président américain qui joue sur les divisions des Européens et parie sur la dislocation de l'Europe, lance des attaques contre l'OTAN, alors qu'au même moment, nous faisons face, à travers le Brexit, à une crise de l'Europe de la défense. La ratification de ce projet de loi peut être une opportunité à condition de bien énoncer, comme l'indique le rapporteur, les lignes rouges à ne pas franchir. Le débat en séance publique sera l'occasion de les rappeler. L'idée est d'approuver l'accession du Monténégro à l'OTAN et de s'en tenir là, en rappelant que la France n'est pas favorable à un élargissement de l'OTAN ni à l'Ukraine, ni à la Géorgie, ni à la Serbie.

M. Alain Joyandet. - Comment s'est déroulé le vote à l'Assemblée nationale ?

M. Xavier Pintat, rapporteur. - Le texte a été adopté à la majorité, certains de nos collègues votant contre.

M. Robert del Picchia. - J'étais plutôt défavorable à ce projet de loi, mais j'ai été finalement convaincu par le rapporteur et les propos de notre président. Je voterai donc pour son adoption.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité, le groupe communiste, républicain et citoyen votant contre et onze sénateurs s'abstenant.

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