EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 1 ER FÉVRIER 2017

M. Mathieu Darnaud , rapporteur. - Après l'échec de la commission mixte paritaire du 21 décembre dernier, le Sénat est à nouveau saisi du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n'est que la reprise, sous quelques réserves, de celui qu'elle avait voté en première lecture.

Si nos deux assemblées se sont rejointes pour approuver la fusion de la commune et du département de Paris en une collectivité unique à statut particulier, des oppositions de principe demeurent sur l'organisation politique et institutionnelle de cette future collectivité, ainsi que sur la création de nouvelles métropoles hors de l'Île-de-France. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture cristallise ces désaccords, malgré la volonté que nous avons exprimée en commission mixte paritaire de poursuivre les échanges pour rapprocher les points de vue de nos deux assemblées, ce qui n'avait alors pas pu être fait, faute de temps.

Le calendrier précipité a été préjudiciable à un dialogue fructueux entre nos deux assemblées. Nous déplorons l'engagement de la procédure accélérée, s'agissant d'une réforme qui fait évoluer en profondeur le statut de la ville-capitale, dont la dernière modification d'ampleur date de plus de trente ans, et qui s'est enrichie de nombreuses dispositions en première lecture, en particulier en matière d'aménagement métropolitain.

La commission mixte paritaire a été convoquée dès le 21 décembre dernier, soit le lendemain de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un texte considérablement enrichi de trente-cinq nouveaux articles.

Nous avons constaté la persistance d'oppositions de principe, dont plusieurs fondamentales. D'abord, l'Assemblée nationale rejette les retouches apportées par le Sénat au statut de Paris, en refusant le rééquilibrage au profit des arrondissements, en maintenant un regroupement ponctuel de secteurs qui n'est que partiellement justifié - à ce sujet, nous avons observé des divergences au sein même de la majorité municipale parisienne - et en s'opposant à une rationalisation aboutie des pouvoirs de police, même si nous avons réussi à tomber d'accord sur les aérodromes parisiens, un amendement de M. Capo-Canellas ayant été repris par nos collègues députés.

Ensuite, nos deux assemblées ont adopté des avis très tranchés et très différents en ce qui concerne les évolutions du régime métropolitain. C'est tout le paradoxe de ce texte, destiné au départ à traiter du statut de Paris : ce sont les autres dispositions qui ont le plus cristallisé les oppositions.

La méthode suivie pour créer de nouvelles métropoles ne nous paraît pas aller dans le bon sens. Peut-être est-il aujourd'hui nécessaire de redéfinir ce qu'on entend par « métropole ». En tout état de cause, il eût été à la fois plus simple et plus sain que le Gouvernement annonce d'emblée ses intentions. Or après qu'il nous eut proposé la création de deux fois deux métropoles, avec des motivations différentes, nous avons vu arriver trois métropoles supplémentaires qui n'étaient pas du tout annoncées, et dont la création laisse présager que d'autres, comme Limoges ou Amiens, viendront bientôt frapper à la porte.

Enfin, des cavaliers intempestifs ont été introduits dans le projet de loi, ce dont Mme Cécile Untermaier, vice-présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, s'est émue : « J'ai le sentiment qu'on est en train de vider les placards de l'administration ! » a-t-elle relevé...

En définitive, je constate que l'Assemblée nationale n'a tenu aucun compte des débats pourtant riches qui ont eu lieu au Sénat, si ce n'est sur la question des aérodromes. De surcroît, elle est revenue sur les arbitrages rendus lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, en prévoyant, à l'article 37 ter , la création de la Foncière solidaire, dont l'articulation avec les établissements publics fonciers demeure une difficulté.

Dans ces conditions, je vous soumets une motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je suis en complet désaccord avec l'idée de voter encore une fois une question préalable : ce serait la quatrième fois en moins de deux mois que, sur des textes importants, le Sénat déciderait de ne rien dire. La Constitution lui donne pourtant la possibilité de s'exprimer après la commission mixte paritaire en adoptant des amendements, avant que l'Assemblée nationale ne soit éventuellement appelée, en lecture définitive, à adopter soit son texte, soit celui établi par notre assemblée. Si nous vous suivions, monsieur le rapporteur, nous nous priverions de la possibilité de nous exprimer !

Du reste, s'il était aussi évident que vous le dites que la bonne procédure consiste à décider de ne pas peser dans le débat, on comprendrait mal pourquoi MM. Charon, Karoutchi, Marseille, Dupont, Dallier, Reichardt, Mme Joissains, MM. Guerriau, Delahaye, Cadic, Gabouty, Lefèvre, Favier et Chiron auraient déposé les amendements que nous avons sous les yeux, sans compter nos autres collègues qui en déposeront en vue de la séance publique. Tous ont considéré qu'il y avait matière à discuter : ils seront sans doute en désaccord avec la question préalable. Ou alors il y aurait une contradiction totale au sein des groupes de la majorité sénatoriale...

Pour ma part, je vous invite à rejeter la motion. Je m'étonne que M. Darnaud l'ait déposée, parce qu'il est, je crois, ouvert au débat et tout à fait partisan que le Sénat joue pleinement son rôle. Puisque nous avons la possibilité de débattre et d'adopter un texte, faisons-le ! Il reviendra ensuite à l'Assemblée nationale de trancher, conformément à la Constitution. Si le Sénat prend l'habitude de renoncer à s'exprimer, que penseront de lui nos concitoyens ?

M. Philippe Bas , président . - Le Sénat s'est prononcé dans le détail sur ce texte, à l'issue d'un débat extrêmement riche. Il l'a amendé en profondeur, jouant ainsi pleinement son rôle législatif. Seulement, depuis lors, l'Assemblée nationale a systématiquement détruit ce travail.

M. Jean-Pierre Sueur . - Elle n'a rien détruit : elle s'est prononcée !

M. Philippe Bas , président . - Ce faisant, elle a fermé la porte à tout accord avec le Sénat sur ce texte. Comme, au surplus, il s'agit d'un texte extrêmement politique - remarquez que je ne reproche pas à ses auteurs de faire de la politique en cette période - il me semble que le Sénat joue son rôle en décidant de donner un coup de semonce, pour signifier qu'il n'est pas dupe de ce qui est en train de se passer pour Paris.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous en sommes à quatre coups de semonce !

M. Roger Madec . - Monsieur le président, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, surtout pas dans la période actuelle, où notre institution est mise en cause de plusieurs côtés.

Certes, il n'y a pas eu de dialogue en commission mixte paritaire, mais sur un certain nombre de thèmes, je pense qu'un accord pouvait être trouvé.

La position que M. le rapporteur nous propose est, selon moi, purement politicienne et assez incompréhensible. Le rôle d'une assemblée n'est pas de bloquer, mais de proposer !

M. Pierre-Yves Collombat . - En votant cette motion, nous ne nous priverons que d'une chose : parler aux murs !

M. Alain Vasselle . - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat . - Nous savons tous qu'il s'agit d'un texte en partie double : au départ, j'étais assez séduit par l'idée de modifier le statut de Paris, mais, chemin faisant, je me suis aperçu que le débat se terminait en empoignades pour savoir où serait le pouvoir et tenter de conserver des majorités - pour aujourd'hui, car, demain ou après-demain, bien entendu, on changera les choses. Le résultat ne m'a pas spécialement satisfait. Nous avons assisté, en vérité, à un bel exemple d'activités politiciennes ! C'est dommage, car le statut de Paris mérite réellement d'être amélioré.

En ce qui concerne l'extension du domaine des métropoles, on va ajouter aux incohérences de la loi NOTRe de nouvelles incohérences... Ce n'est pas dans la précipitation que l'on pourra traiter ce type de problèmes. Personne n'a pris la peine de mesurer ce qu'implique la généralisation des métropoles !

M. Jean-Pierre Sueur . - Vous pensez donc qu'il faut débattre ?

M. Pierre-Yves Collombat . - Je pense qu'on se moque du monde ! On voudrait absolument, avant la débâcle, faire passer un certain nombre de textes pour faire plaisir à un certain nombre de gens - songez au redécoupage des régions. Arrêtons le massacre !

M. Alain Vasselle . - Très bien !

M. Christian Favier . - Même si l'on peut souscrire à un certain nombre de critiques formulées par M. le rapporteur, en ce qui concerne notamment le recours à la procédure accélérée pour une réforme aussi importante que la modification du statut de Paris, mais aussi la création de nouvelles métropoles, dont la signification doit, en effet, être bien mesurée, ce qui justifie la tenue d'un débat spécifique, je ne suis pas favorable à la question préalable. Quel que soit le sort réservé à ses propositions par l'Assemblée nationale, le Sénat, chambre des collectivités territoriales, doit jouer tout son rôle !

M. François Grosdidier . - Monsieur Sueur, la majorité sénatoriale n'est pas dans la contradiction ; elle fait face à un dilemme. Le même dilemme qui se pose à nous chaque fois que les députés refusent de prendre en compte les points de vue du Sénat : nous sommes partagés entre le souci de manifester notre opposition en rejetant l'ensemble du texte et celui d'améliorer ce texte ou de le rendre moins mauvais. Ce dilemme est constant dans notre assemblée, quelles que soient les majorités.

Le texte, à certains égards, a été élaboré pour faire plaisir, avec des critères de détermination des métropoles qui manquent d'objectivité. De ce point de vue, je regrette qu'aucune des deux assemblées n'ait pris en compte le critère premier de la conurbation.

Je ne reviens pas sur mon argumentaire au sujet de la métropole de Metz par rapport à celle de Nancy, mais on voit bien que, avec des critères très subjectifs, on crée des avantages pour certains, des désavantages pour d'autres. Sur ce point précis, le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas destiné à faire plaisir à tel ou tel, monsieur Collombat, mais à rétablir une situation plus équilibrée et plus objective.

M. Mathieu Darnaud , rapporteur. - Notre débat en première lecture a été particulièrement nourri, et nous n'avons pas opposé de fin de non-recevoir aux innombrables amendements de dernière minute.

En ce qui concerne les métropoles, un sujet de grande importance, chaque semaine amène son lot de nouveautés ! À trois reprises, nous avons découvert une nouvelle métropole, qui sortait du chapeau. Souvenez-vous de l'embarras de M. le ministre lorsque nous l'avons interrogé sur la métropole de Tours, et qu'il ne savait pas encore bien quelle position adopter : une semaine plus tard, il affirmait la nécessité absolue de créer cette métropole pour faire face à celle d'Orléans...

Pour que le Sénat puisse se faire entendre dans de bonnes conditions, il faut un minimum d'expertise. Comment voulez-vous que nos travaux soient fructueux quand les éléments nous sont communiqués au compte-gouttes, ce qui nous place dans l'incapacité de nous prononcer sérieusement sur le fond ?

Monsieur Sueur, sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, le Sénat a montré sa volonté de travailler de façon objective au bénéfice des territoires. Preuve que notre attitude est loin d'être purement politicienne !

Simplement, il faut parfois dénoncer la façon dont les textes sont examinés et le peu de respect que l'on témoigne à la Haute Assemblée. Parler à des murs, pour reprendre l'expression de M. Collombat, finit par lasser... Sur le fond comme sur la forme, nous avons toutes les raisons d'adopter la motion COM-33 tendant à opposer la question préalable.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

L'ensemble des amendements deviennent sans objet.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je suis très mécontent !

M. Philippe Bas , président. - En conséquence, la commission des lois n'ayant pas adopté de texte, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Les amendements qui avaient été déposés pourront l'être de nouveau en vue de la séance publique. Dans l'hypothèse où la question préalable ne serait pas adoptée par notre assemblée, l'examen des articles porterait sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Le sort des amendements examinés par la commission des lois est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Motion tendant à opposer la question préalable

M. DARNAUD, rapporteur

33

Question préalable sur le projet de loi

Adopté

Article 1 er
Création d'une collectivité territoriale à statut particulier
dénommée « Ville de Paris »

M. CHARON

16

Faculté, pour le conseil de Paris, de proposer des modifications ou adaptations des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration.

Satisfait ou sans objet

Article 2
Régime juridique du conseil de Paris

M. CHARON

17

Modalités de représentation du conseil de Paris au sein d'organismes extérieurs.

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis A (Supprimé)
Compétence du maire d'arrondissement
en matière d'attribution de subventions

M. CHARON

25

Compétence du maire d'arrondissement en matière d'attribution de subventions aux associations

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis B (Supprimé)
Compétence du maire d'arrondissement
en matière d'attribution des logements sociaux

M. CHARON

26

Compétence du maire d'arrondissement en matière d'attribution de logements sociaux

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis C (Supprimé)
Compétence du maire d'arrondissement
en matière de nettoyage et de voirie

M. CHARON

27

Compétence du maire d'arrondissement en matière de nettoyage et de voirie

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis D (Supprimé)
Faculté pour les maires d'arrondissement de conclure des conventions
avec des communes limitrophes

M. CHARON

28

Possibilité pour les maires d'arrondissement de conclure des conventions avec des communes limitrophes

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis E (Supprimé)
Compétence du maire d'arrondissement en matière de petite enfance

M. CHARON

29

Compétence du maire d'arrondissement en matière de petite enfance

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis F (Supprimé)
Gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles

M. CHARON

30

Gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles

Satisfait ou sans objet

Article 16 bis (Supprimé)
Modalités de répartition de la dotation de gestion locale
entre les arrondissements en cas de désaccord avec le conseil municipal

M. CHARON

31

Modalités de répartition de la dotation de gestion locale entre les arrondissements en cas de désaccord avec le conseil municipal

Satisfait ou sans objet

Article 16 ter (Supprimé)
Modification des modalités de répartition
de la dotation d'animation locale

M. CHARON

32

Modalités de répartition de la dotation d'animation locale

Satisfait ou sans objet

Article 17
Création d'un secteur électoral regroupant
les quatre premiers arrondissements de Paris

M. CHARON

18

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 18
Création d'un secteur électoral regroupant
les quatre premiers arrondissements de Paris

M. CHARON

19

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 19
Mise en place d'une conférence d'arrondissements chargée de préparer
le secteur regroupant les quatre premiers arrondissements parisiens

M. CHARON

20

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 20
Date d'entrée en vigueur du nouveau secteur unique

M. CHARON

21

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 21
Transfert de certaines polices spéciales
du préfet de police vers le maire de Paris

M. KAROUTCHI

11

Police de la circulation en Île-de-France

Satisfait ou sans objet

Article 28
Réforme de la police des jeux et création de « clubs de jeux »

M. CHARON

22

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 33 bis
Conditions d'utilisation du boni de liquidation des offices publics de l'habitat (OPH)

Mme JOISSAINS

1

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

M. CHIRON

3

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

M. MARSEILLE

7

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

M. DALLIER

15

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article 36
Création des sociétés publiques locales d'aménagement
d'intérêt national (SPLA-IN)

M. CHIRON

2

Périmètre d'intervention des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

M. CHIRON

4

Direction des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

M. MARSEILLE

5

Périmètre d'intervention des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

M. MARSEILLE

6

Direction des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

M. LEFÈVRE

8

Périmètre d'intervention des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

M. LEFÈVRE

9

Direction des SPLA-IN

Satisfait ou sans objet

Article 37 quinquies
Publicité aux abords des monuments historiques

M. MARIE

14

Concours d'architecture

Satisfait ou sans objet

Article 38
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour créer un établissement public local chargé de l'aménagement,
de la gestion et de la promotion du quartier d'affaires de La Défense

Mme GONTHIER-MAURIN

23

Périmètre du quartier d'affaires de La Défense

Satisfait ou sans objet

Article 39 bis
Validation législative des déclarations d'utilité publique (DUP) des travaux du Grand Paris Express

M. FAVIER

24

Validation législative pour le Grand Paris Express

Satisfait ou sans objet

Article 40 sexies
Conditions de recours aux « contrats de l'article 22 »

M. REICHARDT

12

Suppression de l'extension des « contrats de l'article 22 »

Satisfait ou sans objet

Article 40 octies
Marchés publics globaux de la société du Grand Paris

M. REICHARDT

13

Suppression de l'article

Satisfait ou sans objet

Article additionnel après l'article 46

M. KAROUTCHI

10

Organisation de la compétence tourisme en Ile-de-France

Satisfait ou sans objet

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