II. LE PHÉNOMÈNE PRÉOCCUPANT DES « COMBATTANTS TERRORISTES ÉTRANGERS » (CTE)

Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011 et plus spécialement depuis l'établissement du Califat de l'Etat islamique en juin 2014, beaucoup de jeunes vivant en Europe, mais aussi dans le reste du monde, sont partis rejoindre les rangs de l'Etat islamique en Iraq et au Levant (EIIL), ainsi que d'autres groupes violents en Syrie et en Irak. Ce phénomène des combattants étrangers est devenu une préoccupation majeure de la communauté internationale.

Outre les exactions qu'ils commettent dans ces territoires étrangers envers les populations locales ou d'autres Européens, ces combattants, de retour dans leur pays, constituent une menace pour la sécurité, comme l'ont montré les attentats, commis en France en novembre 2015. En effet, ces attentats, revendiqués au nom de l'EIIL, leur ont été attribués de manière certaine. La menace sur le territoire national reste actuellement très élevée et depuis 2013, une trentaine de tentatives d'attentats a été déjouée en France et de nombreuses cellules et réseaux de recrutement ont été démantelés.

En août 2014, le Conseil européen, après avoir déclaré que ce phénomène constituait une grave menace pour la sécurité européenne, a préconisé d'accélérer la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures décidées par le Conseil européen « Justice et affaires intérieures » en juin 2013 dans quatre domaines prioritaires : prévention de la radicalisation, détection des déplacements suspects, enquêtes et poursuites et coopération avec les pays tiers.

En septembre 2014, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2178 précitée.

En décembre 2014, le Conseil ministériel de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a également fait part de sa profonde préoccupation et a notamment demandé aux Etats participants de « coopérer pleinement pour retrouver, priver de sanctuaire et traduire en justice les combattants terroristes étrangers, sur la base du principe « extrader ou juger » ; « de renforcer la coopération internationale entre les Etats (...) pour prévenir le financement du terrorisme, y compris en ce qui concerne les combattants étrangers » et « d'empêcher la circulation de combattants terroristes étrangers en effectuant des contrôles efficaces aux frontières et en surveillant de près la délivrance de documents d'identité et de voyage et d'échanger des informations à cet égard ».

Dans son rapport du 8 janvier 2016 « Les combattants étrangers en Syrie et en Irak », l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui voit dans ce phénomène « une menace majeure et croissante pour la sécurité nationale et internationale », retient le risque de voir ces combattants, une fois de retour dans leur pays d'origine (Etat de nationalité ou de résidence), gagner de nouveaux adeptes à leur cause qu'ils formeront ensuite aux méthodes terroristes . Elle craint, en outre, qu'ils ne représentent un facteur d'exacerbation des clivages potentiels des divers groupes ethniques et religieux au sein des sociétés démocratiques.

Dans ce contexte, cette assemblée appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe, à apporter « une réponse globale aux problèmes des combattants étrangers en établissant un bon équilibre entre la répression des comportements criminels, la protection des populations, la prévention de la radicalisation, la déradicalisation et la réinsertion des combattants de retour dans leur communauté d'origine et à s'attaquer aux causes profondes de la radicalisation », ainsi qu'à ratifier le présent protocole additionnel.

Selon le ministère des affaires étrangères et du développement international 3 ( * ) , le nombre total de combattants étrangers au sein de Daech et du Jabhat Fatah al-Cham (ex-Jabhat al Nosra) s'est stabilisé en 2015, plafonnant autour de 15 000 combattants , puis s'est progressivement contracté pour atteindre 12 000 individus actuellement .

Les contingents des CTE européens actuellement en zone syro-irakienne seraient d'environ 690 Français, 500 Allemands, 400 Belges, 190 Néerlandais, 125 Espagnols et 120 Suédois . Il faut y ajouter un contingent russophone très important de près de 5 000 djihadistes, dont entre 1 500 et 2 000 Nord-Caucasiens, ainsi que la présence de 700 Turcs qui combattraient au sein de Daech ou du Jabhat Fatah al-Cham. Ce sont les pays arabes, hors Syrie et Irak, qui fournissent le plus grand nombre de combattants étrangers à Daech : environ 4 000 Tunisiens, 2 500 Saoudiens, 2 000 Jordaniens, 2 000 Marocains, 900 Libanais et 600 Libyens.

Parmi les Français ou résidents en France présents en Syrie et en Irak, on dénombrait 287 femmes et 22 mineurs combattants. Près de 460 mineurs de moins de 15 ans ont été emmenés sur zone par leurs parents ou sont nés sur place. Raqqah est le principal point d'ancrage des « combattants terroristes étrangers » (CTE) français, tendance qui se renforce avec l'arrivée de familles de combattants de Mossoul, ville où se trouvait une centaine de Français avant le début des combats.

Ceci est d'autant plus préoccupant que certains CTE français exercent des responsabilités dans les organisations terroristes opérant sur la zone irako-syrienne, ont participé à des opérations suicide ou ont pris part sur place aux exactions commises par les groupes djihadistes contre la population syrienne, notamment dans les villes d'Al Raqqah et Azzaz, sans compter des apparitions sur des films de propagande de l'Etat Islamique montrant des exécutions, appelant au jihad armé et à la commission d'actions terroristes.

Selon le ministère des affaires étrangères et du développement international 4 ( * ) , on observe un net tarissement des arrivées de CTE français en zone syro-irakienne depuis le 2 e semestre 2015, qui s'explique par les succès de l'action militaire : la France y participe avec les opérations « Barkhane » au Sahel et « Chammal » en Irak et en Syrie et en soutenant également, avec la coalition internationale, l'action des forces de sécurité irakiennes pour reprendre Mossoul, ainsi que les efforts pour reconquérir Raqqa. Les défaites militaires de Daech en Libye (Syrte) ne sont pas de nature à modifier la donne pour les CTE occidentaux et français, qui sont très peu présents sur le théâtre libyen.

Au total, plus de 1500 CTE européens sont revenus de la zone syro-irakienne, la plupart en Europe. Le Royaume-Uni totalise le plus grand nombre de retours (328), devant la France qui compte environ 200 returnees ou « revenants ».

Le rythme des retours en France s'est ralenti en raison de l'augmentation du nombre de décès de Français - un combattant terroriste étranger (CTE) français sur quatre ayant atteint la zone syro-irakienne depuis 2012 y a trouvé la mort - et des mesures prises par Daech pour empêcher leurs départs du Levant. Il est à craindre cependant que les CTE français en Syrie et en Irak qui rencontrent actuellement des difficultés financières, du fait de la forte baisse des soldes octroyées par Daech à ses combattants depuis 2015, n'aient la tentation de rentrer en France.


* 3 Réponse au questionnaire et audition.

* 4 Audition et réponse au questionnaire.

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