II. LA RÉVISION OPPORTUNE PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI

La modification proposée s'inscrit dans le droit fil des travaux de votre commission des lois et du Sénat.

A. LE CHOIX DU CARACTÈRE OPTIONNEL DES COMPÉTENCES « EAU » ET « ASSAINISSEMENT »

L'article unique de la proposition de loi présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues vise à limiter les effets de la réforme opérée par la loi NOTRe en écartant le caractère obligatoire, à compter du 1 er janvier 2020, du transfert des compétences des communes en matière d'eau et d'assainissement aux communautés de communes dont elles sont membres.

En conséquence, ces deux domaines resteraient inscrits au sein des compétences optionnelles de ces intercommunalités.

Deux motifs justifient cette proposition aux yeux de ses auteurs :

- « conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale, notamment au regard de la gestion de ces compétences qu'elle est la plus à même de réaliser » 7 ( * ) .

Il s'agit donc de l'application du principe de subsidiarité qui permet de rationaliser l'exercice des compétences en retenant le niveau le plus pertinent pour leur mise en oeuvre ;

- surmonter les difficultés des transferts organisés par la loi du 7 août 2015 dont la nature et le calendrier diffèrent selon la date de création de la communauté de communes.

Constatant notamment la disparité actuelle des modes de gestion et nécessairement la longueur des délais d'harmonisation en résultant dans le cadre intercommunal, notre collègue Alain Joyandet a déposé une proposition de loi prévoyant une mesure analogue. Cependant, son objet est plus large que celui de la proposition de loi soumise à l'examen de votre commission des lois puisqu'elle propose de l'élargir aux communautés d'agglomération 8 ( * ) .

B. UNE PROPOSITION APPROUVÉE PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS

Dans l'esprit qui l'avait guidée dans le cadre de ses travaux sur la loi NOTRe du 7 août 2015, votre commission des lois, suivant son rapporteur, a adopté sans modification l' article unique de la proposition de loi soumise à son examen, qui répond à des demandes fréquemment exprimées sur le terrain.

Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un refus absolu d'intercommunaliser l'eau et l'assainissement ; plus simplement c'est l'expression d'une demande à bénéficier de la souplesse nécessaire pour ne pas désorganiser l'exercice de ces compétences, complexes à mettre en oeuvre dans les zones rurales au peuplement irrégulier alors que les secteurs urbanisés sont nécessairement plus homogènes. L'expérience incline à penser que le transfert se fait naturellement dès lors que les conditions le permettant sont remplies.

1. Le poids des contraintes techniques et juridiques

La donnée essentielle en la matière est, en effet, la pertinence du périmètre de gestion de ces services qui relève de considérations matérielles et techniques, un « principe physique de tuyaux », pour reprendre les termes de notre collègue Françoise Gatel, vice-président de l'Association des maires de France (AMF), laquelle se déclare extrêmement favorable à la mesure proposée pour son pragmatisme. L'association observe que « l'organisation des services de l'eau répond à des logiques de qualité et de disponibilité de la ressource qui dépassent les frontières administratives ».

Ces services doivent donc être mis en oeuvre au niveau le plus approprié qui est fonction des caractéristiques propres de chaque territoire. Votre rapporteur note à cet égard le bien-fondé de certaines structures syndicales car elles interviennent sur le juste périmètre, ce qui ne serait plus le cas au niveau d'un EPCI à fiscalité propre. Comme le remarque l'AMF, « (u)n grand nombre de syndicats bien structurés (...) risque aujourd'hui la déstabilisation du fait de l'émiettement sur plusieurs communautés ». Ce qui apparaît paradoxal au regard de l'objectif de mutualisation poursuivi par la réforme.

À ces données techniques s'ajoute la diversité des modes d'exercice des deux compétences - régie ou délégation de service public -, qui caractérise aujourd'hui leur mise en oeuvre. Il en résultera nécessairement une grande complexité pour les intercommunalités appelées à reprendre les obligations juridiques antérieurement souscrites par les communes ou les syndicats.

2. La nécessité d'un transfert rationnellement organisé

Pour les motifs précédemment exposés, votre commission considère qu'il revient aux communes de décider du niveau d'exercice de leurs compétences en matière d'eau ou d'assainissement. Il importe de laisser ces collectivités s'organiser au mieux et selon leur rythme, étant entendu que le texte retenu par votre commission ne constitue pas un retour en arrière mais promeut une intégration plus progressivement organisée pour en assurer la peformance.

Cette mesure est approuvée par M. Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), même s'il considère que « les maires sont parfois mieux à même de gérer localement » ces compétences.

Votre rapporteur a noté l'opposition de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) au changement proposé par le texte en discussion, qui est motivée par « la nécessité de stabiliser les textes et les objectifs, d'en finir avec le « yo-yo législatif » ». Ses interlocuteurs lui ont expliqué que le chantier du transfert de l'eau et de l'assainissement est déjà engagé ou en cours de préparation dans de nombreuses communautés.

La mesure prévue par la proposition de loi ne saurait toutefois constituer un élément déstabilisant alors que la réforme portée par la loi NOTRe ne devrait prendre effet que dans trois ans. Par ailleurs, elle n'interdit nullement aux communautés de communes prêtes à franchir le pas d'y procéder. Mais en les déchargeant d'un dossier complexe sans leur interdire de le traiter, le renoncement au transfert obligatoire doit permettre de faciliter la mise en place des nouvelles intercommunalités. Dans de nombreux cas, celles-ci résultent de fusions multiples à assimiler : il leur faut, dans les mois à venir, traiter de la reprise des compétences auparavant exercées par les intercommunalités regroupées, adapter leurs statuts et leur organisation aux novations introduites par la loi NOTRe.

L'AMF illustre la démarche de votre rapporteur en observant que le maintien de l'eau et de l'assainissement au rang des compétences optionnelles des communautés de communes permettra d'organiser le retrait des communes des syndicats.

La modification proposée rejoint le texte qui avait été adopté par le Sénat, sur la proposition de votre commission des lois suivant ses rapporteurs, notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest et notre collègue René Vandierendonck, lors de l'examen en deuxième lecture de la loi NOTRe : l'eau et l'assainissement avaient alors été classés au rang des compétences optionnelles des communautés de communes afin de faciliter leur fonctionnement et au nom du principe de subsidiarité.

Au terme de ses travaux, votre commission des lois a donc décidé de maintenir l'eau et l'assainissement dans sa totalité parmi les compétences optionnelles ouvertes au choix des communautés de communes.

En conséquence, le IV de l'article 64 de la loi NOTRe qui organisait leur transfert obligatoire serait abrogé.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi sans modification.


* 7 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 291 (2016-2017) pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes.

* 8 Cf . proposition de loi n° 320 (2016-2017) visant à maintenir l'eau et l'assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes ou des communautés d'agglomération après 2020.

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