IV. UN ENDETTEMENT QUI N'EST TOUJOURS PAS MAÎTRISÉ

A. UN INFLÉCHISSEMENT APPARENT DE LA TRAJECTOIRE DE LA DETTE LIÉ À UN ENVIRONNEMENT DE TAUX FAVORABLE

1. Une hausse modérée de l'endettement

S'agissant de la dette, le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016 prévoyait que « la progression de l'endettement s'infléchirait nettement à compter de 2015 (...) pour se stabiliser à un ratio de 96,5 % en 2016 et 2017 ».

Le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2017 faisait état d'une prévision plus ambitieuse encore , la dette publique étant pour la première fois depuis 2007 supposée « refluer légèrement » à compter de 2016.

Si l'endettement constaté à l'issue de l'exercice 2016 (96,3 % du PIB) se situe entre la prévision du RESF 2016 et celle du RESF 2017, l'ampleur de la hausse par rapport à 2015 (+ 0,7 point) n'avait pas été anticipée, en raison à la fois du résultat meilleur que prévu enregistré en 2015 et de la croissance plus faible qu'escomptée observée en 2016.

Prévisions d'évolution du ratio d'endettement entre 2015 et 2016

(en points de PIB, en %)

2015

2016

Variation

RESF 2016

96,3

96,5

+ 0,2

RESF 2017

96,2

96,1

- 0,1

Exécution

95,6

96,3

+ 0,7

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de la base Ameco)

Par rapport à la dynamique observée entre 2011 et 2014, la hausse modérée du ratio d'endettement observée depuis 2015 semble néanmoins, en première analyse, confirmer le reflux progressif annoncé par le Gouvernement lors de l'examen du budget.

Évolution du ratio d'endettement depuis 2011

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Dette publique

85,2

89,5

92,3

94,9

95,6

96,3

Variation annuelle

+ 3,6

+ 4,3

+ 2,8

+ 2,6

+ 0,7

+ 0,7

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de la base Ameco)

En réalité, cet infléchissement de la trajectoire de la dette traduit pour l'essentiel l'effet mécanique du contexte de taux bas , et non un réel effort de redressement des comptes publics.

2. Un infléchissement de la trajectoire de la dette en « trompe-l'oeil »

Comme le rappelait notre ancien collègue Philippe Marini dans une étude menée sur la dette publique et ses perspectives d'évolution, si, « dans une approche intuitive, on est tenté de penser que la variation de la dette des administrations publiques au cours d'une année devrait correspondre strictement au solde comptable dégagé par elles », dans la réalité « il n'en est rien, et des écarts - parfois très importants - existent entre ces deux données » 44 ( * ) .

Autrement dit, une dissonance peut apparaître entre l'évolution respective de l'endettement et du déficit. En effet, quand bien même le solde stabilisant la dette serait atteint, une variation exogène de l'endettement peut survenir en raison de l'« ajustement stock-flux » lié à l'accumulation d'actifs financiers (sans effet sur le déficit en comptabilité nationale), aux modifications de la valeur de la dette libellée en devises et à des ajustements statistiques résiduels (liés notamment aux différences entre comptabilité de caisse et comptabilité d'exercice).

Or, si l'ajustement stock-flux était nul en 2013 et en 2014, il a fortement limité la dynamique de l'endettement à compter de l'année 2015.

Contribution de l'ajustement stock-flux à l'évolution du ratio d'endettement

(en points de PIB)

2013

2014

2015

2016

France

0,0

0,0

- 0,8

- 1,2

Zone euro

0,1

0,0

- 1,0

- 0,3

Source: commission des finances du Sénat (d'après : Eurostat, « Stock-flow adjustment (SFA) for the Member States, the euro area and the EU28 for the period 2013-2016 », 24 juin 2017)

Cette évolution traduit essentiellement l'effet des primes d'émission perçues par l'État dans un contexte de taux historiquement bas , qui ont atteint 20,8 milliards d'euros en 2016, après 22,7 milliards d'euros en 2015 45 ( * ) .

En effet, pour assurer la liquidité des titres sur l'ensemble de la courbe des taux, l'Agence France Trésor réalise des émissions sur des souches anciennes servant un taux supérieur à celui du marché. Afin de compenser la différence entre le taux de marché et le coupon, l'acheteur verse à l'État une prime d'émission qui, si elle est neutre pour le déficit maastrichtien, permet de contenir l'endettement.

Comme l'a récemment rappelé votre rapporteur général, les primes d'émission constituent « une conséquence inévitable du maintien de la liquidité des titres français dans un contexte de taux très bas » et non le résultat d'une stratégie condamnable visant à reporter la charge de la dette dans le futur 46 ( * ) . En effet, la part des émissions sur souches anciennes n'apparaît ni en augmentation par rapport à la période qui a précédé la baisse des taux, ni plus élevée que chez nos principaux voisins.

Il doit néanmoins être souligné qu' en leur absence, la dynamique de l'endettement de la France ne se serait pas infléchie par rapport à la tendance observée avant 2015 .

Impact de l'ajustement stock-flux sur l'évolution
du ratio d'endettement de la France

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et d'Eurostat)


* 44 Rapport d'information n° 361 (2001-2002) de Philippe Marini relatif à la dette publique et ses perspectives d'évolution, fait au nom de la commission des finances, 17 juillet 2002, p. 174.

* 45 Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, p. 26.

* 46 « La dette publique de la France : un poids du passé, un défi pour l'avenir », rapport d'information n° 566 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017, pp. 86-88.

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