II. À LA VEILLE DE LA RÉFORME SYSTÉMIQUE, DES PERSPECTIVES DE MOYEN TERME DÉGRADÉES AUXQUELLES LE GOUVERNEMENT EST TENU DE RÉPONDRE

A. LES DERNIÈRES PRÉVISIONS DU CONSEIL D'ORIENTATION DES RETRAITES SOULIGNENT L'ABSENCE DE PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME DE RETRAITES

1. Sans mesure nouvelle, notre système de retraite est en déséquilibre dans tous les scénarios jusqu'en 2040

Dans son dernier rapport annuel, publié en juin 2017, le Conseil d'orientation des retraites (Cor) dresse des perspectives financières du système des retraites beaucoup plus dégradées à moyen terme que dans son précédent rapport pour l'année 2016.

Quel que soit le scénario de productivité du travail, facteur le plus déterminant pour l'équilibre financier du système de retraite, ce dernier ne serait pas assuré avant 2040 (dans le meilleur des cas) alors qu'il devait l'être à partir de 2024 dans les précédentes prévisions ( voir les graphiques ci-après ).

L'évolution des projections entre 2016 et 2017 résulte d'un nouvel exercice complet de projections, mené cette année par le Cor, dont les déterminants n'avaient pas été modifiés depuis 2012.

Trois changements d'importance 72 ( * ) sont à noter par rapport à l'exercice de 2012 et ont un impact négatif sur le solde financier des retraites :

- la révision des hypothèses démographiques et de population active par l'Insee (octobre 2016) tout d'abord. Elles pointent la réduction du solde migratoire annuel moyen (+ 70 000 par an au lieu de + 100 000 précédemment 73 ( * ) ) et l'augmentation plus forte de l'espérance de vie en particulier pour les hommes (allongement de 1,7 an de l'espérance de vie à 60 ans pour les hommes en 2060, par rapport aux dernières prévisions) ;

- la révision des hypothèses relatives à la masse salariale de la fonction publique ensuite . Les conséquences du gel du point d'indice entraînent un retard dans la convergence du traitement moyen dans la fonction publique avec celle du salaire moyen dans le secteur privé. Si le gel de l'indice a un impact positif global sur les finances publiques, il entraîne un besoin de financement plus grand pour les régimes de retraite de la fonction publique et dégrade donc le solde financier du système de retraite ;

ÉVOLUTION DU SOLDE DU SYSTÈME DE RETRAITE
PRÉVISIONS DU COR ENTRE 2016 ET 2017

Rapport annuel 2016

Rapport annuel 2017

- le recul de la période dite de « raccordement » enfin , entre d'une part, les trajectoires de court terme du solde financier (horizon 2025-2030) qui s'appuient sur des données socio-économiques observées et, d'autre part, les trajectoires de long terme qui résultent des hypothèses macro-économiques contenues dans les différents scénarios du conseil (productivité du travail à 1 %, 1,3 %, 1,5 % ou 1,8 %). Notre économie affichant depuis la crise économique un taux de productivité inférieur à 1 % 74 ( * ) , la période de raccordement avec les scénarios de productivité du Cor, qui était située entre 2025 et 2028 lors du précédent exercice de projections, a été repoussée à 2032, ce qui conduit à dégrader significativement la trajectoire du solde au cours des années 2020.

Ce dernier déterminant ne relève pas que d'une convention comptable. Il souligne en réalité la fragilité des projections de moyen terme et a fortiori de long terme du Cor, qui par définition, ne s'appuient pas sur des résultats réellement constatés de l'économie. Or, plus l'économie tarde à rejoindre le sentier de croissance dessinée par les hypothèses des scénarios du Cor, plus le retour à l'équilibre financier est retardé. Ceci confirme l'intuition de votre rapporteur qu'il conviendrait de limiter à un horizon de moyen terme (n+25ans) l'exercice de projection et se fixer l'objectif politique d'un équilibre financier sur la période.

Les projections sur une plus longue période, s'appuyant à la fois sur des perspectives démographiques plus favorables une fois que sera passée la « bosse démographique » liée à la retraite de la génération du baby-boom 75 ( * ) et sur des hypothèses macro-économiques correspondant peu aux performances réelles de l'économie française, peuvent même d'ailleurs conduire à l'inaction politique.

Le rapport du COR a toutefois le mérite, cette année, de lever tous les doutes sur la nécessité de conduire une réforme pour assurer l'équilibre financier de nos retraites. Votre commission n'a de cesse de le rappeler depuis plus de trois ans avec la proposition de repousser l'âge minimum légal d'au moins un an pour le porter à 63 ans afin de l'aligner sur l'âge du taux plein, sans décote provisoire, dans les régimes complémentaires du secteur privé 76 ( * ) .

2. Pour la première fois depuis sa création en 2014, le Comité de suivi des retraites formule une recommandation pour le respect de l'objectif de pérennité financière du système des retraites

Créé par la réforme des retraites de 2014 77 ( * ) , le Comité de suivi des retraites remet chaque année avant le 15 juillet un rapport sur le respect par le système des retraites des trois objectifs qui lui sont assignés par la loi : pérennité financière, équité et niveau de vie des personnes retraitées.

Il constate dans son dernier rapport, en s'appuyant sur les travaux du Cor, que « à échéance 2020, le solde global du système serait de - 0,4% du PIB, en légère dégradation par rapport au dernier exercice de projection (- 0,2%). (...) A long terme, le système ne serait pas équilibré dans les scénarios de croissance de la productivité à 1 % et 1,3 % et l'horizon d'équilibre reculerait sensiblement dans les autres scénarios ».

Le comité nuance toutefois la gravité de ce constat en mettant en parallèle, le besoin de financement non couvert (- 0,4 % du PIB soit 8 milliards d'euros environ par an) et les réserves financières détenues par certains régimes : 118 milliards d'euros à l'Agirc-Arrco et 19 milliards d'euros au Fonds de réserve des retraites une fois la dette sociale amortie en 2024 78 ( * ) .

Usant pour la première fois de cette prérogative, le Comité recommande « au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires, afin de ramener le système sur une trajectoire d'équilibre » , sans toutefois faire « de recommandation précise sur le calendrier qui dépend de divers arbitrages qui reviennent au Gouvernement » . Dans la perspective de la réforme systémique, le Comité suggère d'envisager « de procéder à des ajustements dans le cadre de la réforme annoncée » ou en amont, « le projet de réforme n'ayant jusqu'à présent pas été présenté comme visant la couverture de besoins de financement ».

Le Comité évoque plus particulièrement trois mesures pouvant servir à tendre vers l'équilibre :

- « la sous-indexation des pensions, permettrait des économies assez rapides et se répercuterait sur les années suivantes », mais pourrait « poser des difficultés d'acceptation au moment de la hausse de la CSG » ;

- « la poursuite de l'élévation du taux d'emploi des seniors qui augmenterait la croissance du PIB et génèrerait des ressources supplémentaires pour les régimes de retraite » ;

- le lancement d'une « réflexion approfondie » , devant prendre en compte la dette sociale portée par la Cades et l'Acoss, « sur le devenir du Fonds de réserve des retraites dont les perspectives sont aujourd'hui mal définies alors qu'il dispose de fonds prévus à l'origine pour « aider à passer la bosse démographique » » .

Votre rapporteur rappelle qu'au titre de l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement est tenu de « présenter au Parlement les suites, qu'il entend donner aux recommandations » formulée par le Comité de suivi des retraites. Il constate que ce premier PLFSS n'a pas été le véhicule législatif retenu pour la réponse du Gouvernement.


* 72 Mis en exergue dans le dernier rapport du Comité de suivi des retraites (quatrième avis) qui confirme, au-delà de la timidité de ses recommandations, son utilité d'aide à la compréhension du rapport du Cor.

* 73 Qui serait principalement due, non pas à une diminution du nombre d'étrangers entrant sur le territoire national, mais à un accroissement des Français s'expatriant (Insee, octobre 2015).

* 74 D'après le Cor, la productivité apparente du travail, par heure travaillée, était de 1,7 % entre 1990 et 1998, de 1,2 % entre 1998 et 2008 et de 0,7 % entre 2008 et 2015.

* 75 Ces générations (1945-1970) sont caractérisées par une population nombreuse, un taux d'emploi des femmes importants et des carrières plus complètes, ce qui entraîne un haut niveau de dépenses de retraite.

* 76 L'accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015 instaure en effet une décote provisoire de 10 % pendant trois ans sur la retraite complémentaire d'un assuré qui partirait à la retraite à l''âge d'obtention de son taux plein dans le régime de base. Cette décote provisoire s'annule si la personne reporte d'un an son départ à la retraite.

* 77 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice de notre système de retraite

* 78 Le FRR dispose actuellement d'un actif de 36 milliards d'euros mais il est chargé de reverser 2,1 milliards d'euros par an à la Cades jusqu'à l'extinction de la dette sociale, programmée en 2024. Ces actifs, investis sur les marchés rapportent des intérêts importants, ce qui permet de reconstituer une partie de la soulte versée chaque année à la Cades. Le Comité estime donc qu'une fois la dette sociale amortie, il devrait lui rester environ 19 milliards d'euros.

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