D. - Autres dispositions

ARTICLE 26 (Art. L. 1418-7 du code de la santé publique, art. L. 161-13-1, L. 162-5-13, L. 225-1-1, L. 241-2, L. 381-30, L. 381-30-1, L. 381-30-2, L. 381-30-3, L. 381-30-5 du code de la sécurité sociale et article 4 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.) - Relations financières entre l'État et la sécurité sociale

. Commentaire : le présent article prévoit diverses mesures de transferts entre l'État et la sécurité sociale, telle la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées, transférées de l'État à la sécurité sociale, compense les pertes de recettes résultant pour la sécurité sociale de mesures non pérennes instaurées en 2017 et prévoit un transfert de recettes de la sécurité sociale vers l'État d'un montant de 4,3 milliards d'euros, en contrepartie du surplus de recettes résultant, pour les administrations de sécurité sociale, de la suppression de cotisations sociales et de l'augmentation du taux de la CSG.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Des flux multiples

Les relations financières entre l'État et la protection sociale 446 ( * ) recouvrent de multiples objets , qui entraînent, selon les cas, des flux de nature fiscale ou budgétaire , en particulier concernant la sécurité sociale : versement par l'État en tant qu'employeur de « cotisations » pour ses personnels, participation de l'État au financement de prestations ou de politiques publiques gérées par la sécurité sociale, compensation d'allègements de cotisations sociales ou encore affectations d'impôts ou de taxes venant compléter les cotisations, qui constituent la recette naturelle de la sécurité sociale.

2. Un principe général de compensation par l'État de toute mesure affectant les recettes ou les charges de la sécurité sociale

Dès lors que les exonérations et les allègements résultent de politiques décidées par l'État, leur compensation est nécessaire pour éviter des transferts de charges entre l'État et les organismes de sécurité sociale . Le principe de compensation des exonérations de cotisations sociales par l'État est régi par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale , au terme duquel l'État doit compenser intégralement aux régimes de sécurité sociale concernés :

- toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisation , « pendant toute la durée de leur application ». Cette règle concerne également toute mesure de réduction ou d'abattement d'assiette ;

- tout transfert de charges opéré entre l'État et les régimes et organismes de protection sociale .

Conformément au IV de l'article LO. 111-3 du même code, seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent déroger au principe général de compensation . En 2017, les dispositifs d'allègements généraux de cotisations sociales et les mesures d'exonérations ciblées représentent un montant total estimé à 38,6 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale, en hausse de 5 % par rapport à 2016. Le montant des exonérations ciblées est évalué à 7,89 milliards d'euros.

En outre, l'article L. 131-7 précité liste un certain nombre d'exceptions au principe général de compensation intégrale à l'euro l'euro , parmi lesquelles les allègements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale mais aussi les principales mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité. Ces mesures font pourtant bien l'objet d'une compensation par l'État mais celle-ci n'est pas effectuée à l'euro l'euro en d'autres termes, aucune dette de l'État n'est constatée si la perte de recettes est supérieure à la prévision initiale - ce qui correspond à une dérogation au principe de compensation de droit commun.

3. Les différentes modalités de compensation utilisées

Les compensations de l'État aux organismes de sécurité sociale prennent généralement l'une des trois formes suivantes :

- l'affectation d'un panier de recettes fiscales . Il s'agit de la modalité la plus largement utilisée par le passé, notamment pour les allègements généraux de cotisations sociales en faveur des bas salaires. Les recettes fiscales affectées sont réparties entre branches selon des clefs définies par arrêté. Toutefois, les dynamiques propres à chacune des taxes peuvent induire des évolutions différentes des recettes affectées et ne reflètent donc pas nécessairement la dynamique des exonérations ;

- l'affectation de fractions de TVA nette . Afin de limiter le nombre de recettes « partagées » entre l'État et la sécurité sociale, depuis plusieurs années l'affectation de fractions de TVA nette est privilégiée à celle de « paniers » de différentes recettes. En 2017, une fraction de 7,11 % de TVA nette a été affectée par l'État à la sécurité sociale.

- le versement de dotations budgétaires imputées sur les missions concernées par la politique dont relèvent les mesures d'exonérations.

Plus récemment a été utilisé le transfert de dépenses de la sécurité sociale vers l'État , dans le cadre de la compensation des pertes de recettes issues du pacte de responsabilité et de solidarité : rebudgétisation, par exemple, des aides au logement (aides personnalisées au logement - APL-, et allocations de logement familiales - ALF).

Enfin, l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale énonce un principe de neutralité des flux financiers entre l'État et la sécurité sociale . Afin de ne pas avoir d'impact négatif sur la trésorerie des régimes obligatoires de base, les conventions entre l'État et ces derniers ne peuvent prévoir une périodicité supérieure à dix jours pour le versement des sommes dues par l'État.

Fin 2016, l'État présentait une dette nette de 371 millions d'euros vis-à-vis de la sécurité sociale, contre 59 millions d'euros en 2015.

B. LA COMPENSATION NON INTÉGRALE OPÉRÉE EN 2017

Au titre de l'exercice 2017, plusieurs mesures ont entrainé des pertes de recettes pour la sécurité sociale :

- l'effet en année pleine de la baisse du taux de cotisation d'allocations familiales jusqu'à 3,5 SMIC prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 447 ( * ) , ce qui représente une perte de recettes de 1,07 milliard d'euros ;

- l'extinction complète de la recette temporaire tirée en 2015 et 2016 de la mesure de prélèvement à la source des cotisations des caisses de congés payés , pour une minoration des recettes de 500 millions d'euros 448 ( * ) ;

- les mesures de baisse de cotisations sociales des exploitants agricoles et des travailleurs indépendants 449 ( * ) , pour un montant à compenser de 0,6 milliard d'euros ;

- la suppression du cofinancement de l'État pour les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) 450 ( * ) , le fonds d'intervention régional et les maisons départementales des personnes handicapées , représentant un accroissement des charges de la sécurité sociale à hauteur de 1,64 milliard d'euros .

Au total, l'ensemble de ces mesures a entraîné une perte de recettes brute de 3,8 milliards d'euros en 2017 pour les organismes de sécurité sociale , mais une perte de recettes nette de 2,96 milliards d'euros, dès lors que deux dispositifs introduits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ont été comptabilisés en réduction du montant à compenser (cf. infra ).

Compensation de la troisième phase de mise en oeuvre
du Pacte de responsabilité et de solidarité en 2017

(en millions d'euros)

Mesures entraînant des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Mesures de compensation

Extension du champ de taux réduit de cotisations d'allocations familiales (LFSS 2016)

- 1 074

Suppression de cofinancements et autres transferts de dépenses

+ 175

Perte de recettes liée à la baisse du rendement de la mesure de prélèvement à la source des cotisations des caisses de congés payés (LF 2015)

- 500

Compensation d'exonérations

+ 2 778

Baisse des cotisations maladies des exploitants agricoles et des travaux indépendants

- 630

Transferts de recettes

+ 16

Transfert du financement des ESAT (LFSS 2016)

- 1 470

Transfert de la part État du FIR vers l'assurance-maladie

- 116

Transfert de taxe sur les véhicules de sociétés (TVS)

Minoration de la fraction de TVA nette

+ 150

-134

Transfert des MDPH à la CNSA

- 58

Transfert interne

+ 879

TOTAL brut à compenser

- 3 848

TOTAL net

+ 2 969

TOTAL net des mesures internes à la sécurité sociale

- 2 969

Source : commission des finances du Sénat (à parti des données de l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances pour 2017)

Le montant total net de pertes de recettes, qui s'élève à 2,97 milliards d'euros, a été compensé par la loi de finances pour 2017 selon les trois axes de mesures suivants :

- la compensation d'exonérations de cotisations sociales jusqu'ici non compensées , pour un montant total 2,78 milliards d'euros, soit 94 % du montant total net de la perte de recettes ;

- la suppression de cofinancements État-sécurité sociale , par une suppression du cofinancement de la sécurité sociale de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) et des allocations de logement temporaire à destination des personnes défavorisées, pour un montant total de 175 millions d'euros ;

- des transferts de recettes, prenant la forme d'une minoration de 0,08 point de la fraction de TVA affectée au régime général ( - 134 millions d'euros ), et l'affectation totale du produit de la taxe sur les véhicules de société au profit de la sécurité sociale (+ 150 millions d'euros).

Comme votre rapporteur général l'avait relevé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2017 451 ( * ) , le montant des compensations portées par le budget de l'État ne coïncidait pas avec le montant total des mesures entraînant une perte de recettes pour la sécurité sociale . En effet, deux dispositifs parallèles introduits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ont été comptabilisés en réduction du montant à compenser, pour 879 millions d'euros, soit près du quart des compensations nécessaires . :

- le prélèvement des ressources mises en réserve au sein de la section III du fonds de solidarité vieillesse au profit du régime général à hauteur de 719 millions d'euros ;

- la modification de la période d'imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés , provoquant une imposition spécifique du dernier trimestre 2017 et une recette ponctuelle de 160 millions d'euros.

Or, les ressources provoquées par ces deux mesures sont uniquement ponctuelles .

C. LES FINANCEMENTS ÉCLATÉS DE CERTAINS DISPOSITIFS

1. L'agence française de la biomédecine (ABM)

L'Agence de la biomédecine (ABM) est un établissement public administratif de l'État crée par la loi de bioéthique de 2004 452 ( * ) , qui exerce ses missions dans « les domaines du prélèvement et de la greffe d'organes, de tissus et de cellules, ainsi que dans les domaines de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines » 453 ( * ) .

Le budget de l'ABM s'élevait en loi de finances pour 2017 à 76,4 millions d'euros. Le projet annuel de performance de la mission « Santé » annexé au projet de loi de finances pour 2017 présente les ressources de l'ABM, constituées des composantes suivantes :

- une subvention pour charges de service public de l'État de 13,2 millions d'euros, retracée au sein du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission Santé ;

- des ressources propres, pour 36 millions d'euros ;

- une subvention de l'assurance maladie, pour 26,5 millions d'euros ;

- 600 000 euros d'autres recettes.

2. La prise en charge des frais de santé des personnes écrouées

Dans un récent rapport 454 ( * ) , notre collègue Antoine Lefèvre a mis en évidence le caractère éclaté du financement des dépenses pour la santé des personnes détenues, partagé entre l'État et l'Assurance maladie.

Ainsi, les dépenses de santé des personnes détenues sont prises en charge par l'assurance maladie pour la part « obligatoire » et par l'administration pénitentiaire - c'est-à-dire l'État - pour la part « complémentaire ».

Le circuit de financement des dépenses de santé des détenus a récemment été simplifié : jusqu'en 2016, les dépenses de santé des personnes écrouées susceptibles d'être prises en charge par une assurance complémentaire (part « complémentaire ») étaient financées par l'administration pénitentiaire qui remboursait l'établissement de santé. Aux termes de l'article L. 381-30-5 du code de la sécurité sociale, la part relevant de la sécurité sociale (part « obligatoire ») était quant à elle prise en charge, selon les modalités de droit commun, par l'assurance maladie.

L'article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 455 ( * ) a centralisé le circuit de financement : l'assurance maladie avance désormais à l'établissement de santé l'ensemble des frais de santé des personnes écrouées (parts « obligatoire » et « complémentaire ») et adresse ensuite au ministère de la justice une facture globale correspondant à la part « complémentaire » .

En outre, aux termes des articles L. 381-30-2 et L. 381-30-3 du code de la sécurité sociale, l'État verse, au nom des personnes écrouées qui ne travaillent pas, une cotisation à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), en contrepartie de leur affiliation au régime général d'assurance maladie.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA SUPPRESSION DES COTISATIONS SOCIALES EN CONTREPARTIE DE LA HAUSSE DE LA CSG GÉNÈRE UN SURPLUS DE RECETTES DE 5,4 MILLIARDS D'EUROS POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. L'augmentation de 1,7 point du taux de CSG procure 22,4 milliards d'euros de recettes supplémentaires

En contrepartie d'une hausse de 1,7 point du taux de CSG, l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 propose une suppression en deux temps, au cours de l'année 2018, des cotisations salariales d'assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé.

L'augmentation du taux de la CSG, s'applique aux revenus d'activité, de remplacement, (à l'exception des indemnités journalières, des allocations chômage et des pensions de retraite et d'invalidité actuellement exonérées de CSG ou assujetties au taux réduit), du patrimoine et des jeux. Un surcroît de recettes de 22,4 milliards d'euros est attendu de cette mesure.

Impact financier de l'augmentation de taux de CSG par assiette en 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. ... en contrepartie de suppressions et exonérations de cotisations sociales

L'article 7 du projet de loi de financement propose d'abaisser de 3,15 points les cotisations et contributions acquittées sur le salaire brut par les salariés du secteur privé .

Alors que la hausse du taux de CSG s'appliquerait à compter du 1 e janvier 2018, la baisse des cotisations salariales se décomposerait en deux temps , au cours de l'année 2018 :

- d'une part, la totalité de la cotisation salariale d'assurance maladie (soit 0,75 %) et 1,45 des 2,40 points de contribution d'assurance chômage seraient supprimés au 1 er janvier 2018 ;

- d'autre part, au 1 e octobre 2018, 0,95 point supplémentaire de la contribution salariale d'assurance chômage serait supprimé.

L'exonération de la contribution salariale d'assurance chômage, de 2,40 % à compter d'octobre 2018, entraînerait une perte de recettes de 9,4 milliards d'euros pour l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic). En année pleine, la perte de recettes s'élèverait à 13,1 milliards d'euros. Celle-ci serait compensée à l'euro l'euro par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

De la suppression au 1 er janvier 2018 de la cotisation salariale maladie résulterait une perte de recettes pour la sécurité sociale de 4,8 milliards d'euros .

En outre, dans la mesure où les travailleurs indépendants n'acquittent pas de cotisations salariales ni de cotisations d'assurance chômage, une autre modalité de compensation est prévue à l'article 7 du projet de loi de financement : il s'agit d'une part d'une diminution de 2,15 points du taux de cotisations d'allocations familiales pour tous les travailleurs indépendants, et d'autre part, d'un renforcement de l'exonération dégressive des cotisations d'assurance maladie et maternité. Cette mesure entraîne une perte de recettes de 1,9 milliard d'euros pour la sécurité sociale.

3. 5,9 milliards d'euros « restitués » à l'État

Les mesures proposées par le Gouvernement à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 se traduisent par un excédent de 5,4 milliards d'euros pour la sécurité sociale.

Hors la non-compensation par l'État de la baisse des cotisations maladie des exploitants agricoles, le surplus aurait été porté à 5,9 milliards d'euros 456 ( * ) .

Ainsi, la perte de recettes pour l'Unédic résultant de la suppression des cotisations d'assurance chômage est intégralement supportée par la sécurité sociale en 2018 (9,4 milliards d'euros compensés par l'ACOSS).

Évaluation du bilan du dispositif hausse de CSG / baisse de cotisations salariales

(en milliards d'euros)

Hausse du taux de CSG

22,4

Baisse des cotisations salariales maladie

-4,7

Baisse des cotisations salariales chômage compensée par l'Acoss

-9,4

Baisse des cotisations des travailleurs indépendants

-2,3

Mesures de compensation dans la fonction publique

-0,6

Impact sécurité sociale

5,4

Autres effets (dont non compensation des baisses de cotisations sur les exploitants agricoles)

0,47

Transfert à l'État au titre de la mesure CSG

5,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe 10 du présent projet de loi de financement

B. LES MESURES DE TRANSFERT ENTRE L'ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. La suppression de cofinancements État - sécurité sociale

a) La suppression de la subvention de l'État à l'Agence de la biomédecine

Le I du présent article prévoit de modifier l'article L. 1418-7 du code de la santé publique, qui détaille les ressources de l'agence. La mention de la possibilité d'un financement par une subvention de l'État serait ainsi supprimée. L'agence pourrait désormais être financée par des subventions de l'Union européenne ou d'organisations internationales, une dotation globale versée dans les conditions prévues par l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale, des taxes et redevances créées à son bénéfice, des produits divers, dons et legs et des emprunts.

b) La suppression de la participation de l'État à la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées

La suppression de la participation de l'État à la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées est proposée aux 1°, 2°, 5° à 8° du II et au III du présent article.

En particulier, le 7° du II du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 381-30-1 du code de la santé publique, selon laquelle les personnes écrouées bénéficient de la dispense d'avance de frais et de la prise en charge par le régime général de l'assurance maladie de la part lui incombant, du ticket modérateur et des participations forfaitaires, ainsi que du forfait journalier hospitalier, auparavant pris en charge par le ministère de la Justice.

2. D'autres transferts État-sécurité sociale tiennent compte de mesures proposées en projets de loi de finances et de loi de financement

Le présent article vise à prendre en compte les conséquences des transferts de charges entre l'État et la sécurité sociale résultant de mesures inscrites en projet de loi de finances et en projet de loi de financement.

a) Les transferts de charges pesant sur l'État

Les transferts de charges de la sécurité sociale vers l'État ont pour conséquence une augmentation des dépenses de l'État de 5,2 millions d'euros . Ces transferts, présentés dans le tableau infra , comprennent :

- le financement par le budget général de contrats à durée déterminée mis à la disposition de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), financement à l'heure actuelle par la fonction publique hospitalière ;

- le financement par l'État de 80 postes supplémentaires de chefs de clinique universitaire en médecine générale (CCU-MG) dans le cadre du « Pacte territoire santé II » ;

-la prise en charge financière, par la subvention pour charges de service public (SCSP) des agences régionales de santé (ARS) des conseillers techniques et pédagogiques régionaux en soins infirmiers, d'un montant de 2,6 millions d'euros, prévue à l'article 18 du projet de loi de financement.

b) Les transferts de charges pesant sur la sécurité sociale

Les transferts de charges de l'État vers la sécurité sociale entraînent une majoration des dépenses de la sécurité sociale de 162 millions d'euros , auxquels s'ajoute l'harmonisation des frais d'assiette et de recouvrement (FAR) appliqués aux impositions recouvrées par l'État pour le compte de la sécurité sociale, prévue à l'article 18 du projet de loi de financement, avec un taux uniforme de 0,5 %, entraînant une perte de recettes de 150 millions d'euros pour la sécurité sociale. Au total, les transferts de l'État vers la sécurité sociale génèrent une perte de recettes de 312 millions d'euros .

Les transferts de l'État à la sécurité sociale proposés en projet de loi de financement et en projet de loi de finances concernent :

- le transfert des missions de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS), proposé à l'article 51 du projet de loi de financement, et la suppression du financement de l'ANESM par la Caisse nationale de solidarité à l'autonomie (CNSA) et l'État, qui constitue une dépense de 900 000 euros ; cette dernière mesure conduit à réduire de ce montant les crédits budgétaires du programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

- la suppression du financement de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) par l'État, pour un montant de 8,9 millions d'euros, qui conduit à une réduction des crédits budgétaires du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission Santé ;

- la recentralisation des politiques sanitaires jusqu'ici exercées par certains départements et financée par l'assurance maladie via le fonds d'intervention régional (FIR), pour un montant de 2,2 millions d'euros.

Tableau récapitulatif des mesures prévues en 2018

(en millions d'euros)

Mesures concernant la sécurité sociale

Mesures concernant l'État

Surplus de recettes affectées lié à la hausse de la CSG / suppression et exonération de cotisations

+ 5 885

Mise en oeuvre des frais d'assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l'État pour la sécurité sociale

-150

Mise en oeuvre des frais d'assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l'État pour la sécurité sociale

+ 150

Mesures de transfert

-162

Mesures de transfert

+ 133,8

Financement de l'Agence de la biomédecine

Financement de l'EHESP

Couverture santé des personnes écrouées

Fusion HAS-ANESM

Recentralisation compétences sanitaires FIR

Emploi mis à la disposition de la DGOS

Prise en charge par les ARS des conseillers techniques régionaux en soins infirmiers

Financement par l'État de 80 postes de CCU-MG

- 14

-9

- 136

-1

-2

+0,2

+3

+2

Couverture santé des personnes écrouées

Fusion HAS-ANESM

Recentralisation compétences sanitaires FIR

Emploi mis à la disposition de la DGOS

Prise en charge par les ARS des conseillers techniques régionaux en soins infirmiers

Financement par l'État de 80 postes de CCU-MG

+ 136

+1

+2

-0,2

-3

-2

Mesures décidées en lois financières 2016-2017

-1 279

Modification période d'imposition de taxe sur les véhicules de sociétés (TVS)

Prélèvement sur les ressources FSV

Acompte de C3S

-160

-719

-400

Transferts de recettes

- 4 299

Transferts de recettes

+ 4 299

Transfert du prélèvement de solidarité

Minoration de la fraction de TVA

- 2 567

- 1 732

Transfert du prélèvement de solidarité

Minoration de la fraction de TVA

+ 2 567

+ 1 732

TOTAL net

0

TOTAL net

4 583

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable du présent article annexée au projet de loi de finances pour 2018

C. LA COMPENSATION DES MESURES NON PÉRENNES INSTAURÉES EN 2017

Comme votre rapporteur général l'avait relevé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2017 457 ( * ) , le montant des compensations portées par le budget de l'État ne coïncidait pas avec le montant total des mesures entraînant une perte de recettes pour la sécurité sociale . En effet, deux dispositifs parallèles introduits par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ont été comptabilisés en réduction du montant à compenser, pour 879 millions d'euros, soit près du quart des compensations nécessaires . :

- le prélèvement des ressources mises en réserve au sein de la section III du fonds de solidarité vieillesse (FSV) 458 ( * ) au profit du régime général à hauteur de 719 millions d'euros, prévu par l'article 34 de la loi de financement pour 2017 ; cette section III a été supprimée, tandis que les réserves prélevées ont été affectées au fonds de financement de l'innovation pharmaceutique (FFIP), crée par l'article 95 de la loi de financement précitée ;

- la modification de la période d'imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS) , prévue par l'article 19 de la loi de financement pour 2017, provoquant une imposition spécifique du dernier trimestre 2017 et une recette ponctuelle de 160 millions d'euros, soit le quart du produit annuel de TVS.

Or, les ressources provoquées par ces deux mesures sont uniquement ponctuelles et ne constituent pas par nature une ressource pérenne pour la sécurité sociale.

En outre, l'article 112 de la loi de finances rectificative pour 2016 459 ( * ) a créé une contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité (C3S) , due l'année de réalisation du chiffre d'affaires, par les sociétés redevables de la C3S dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euros, et imputée sur le montant de C3S calculé sur ce même chiffre d'affaires l'année suivante. Exclusivement affecté à l'assurance maladie, le rendement de cette contribution devait s'élever à 400 millions d'euros .

L'article 4 du projet de loi de financement pour 2018 propose la suppression de la contribution supplémentaire à la C3S.

D. LES TRANSFERTS DE RECETTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE VERS L'ÉTAT

Le présent article ainsi que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient un transfert de recettes d'un montant de 4,3 milliards d'euros, de la sécurité sociale vers l'État afin de tenir compte :

- des transferts État-sécurité sociale précédemment décrits ;

- de la compensation nécessaire en 2018 des mesures non pérennes instaurées en 2017 ;

- du surplus de recettes pour la sécurité sociale résultant de la baisse des cotisations sociales en contrepartie de l'augmentation du taux de CSG .

1. Le transfert du prélèvement de solidarité vers l'État

Le prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine, créé par l'article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 460 ( * ) , s'applique aux revenus du patrimoine et aux produits de placement, à un taux de 2 %.

Pour mémoire, en réponse à la décision préjudicielle rendue le 26 février 2015 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans l'affaire dite « de Ruyter » 461 ( * ) , la loi de financement pour 2016 a affecté le produit des contributions sociales sur les revenus du capital (CSG, CRDS, prélèvement social, contribution de solidarité additionnelle (CSA) mais également prélèvement de solidarité ) au financement exclusif de prestations sociales non contributives prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

L'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit de transférer les recettes du prélèvement de solidarité, estimées à 2,6 milliards d'euros pour 2018 du FSV à l'État.

2. L'ajustement de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

Le 4° du II du présent article propose une diminution de la fraction de TVA affecté à la CNAMTS, qui passerait de 7,03 % à 0,35 %.

Par ailleurs, le 3° du II ajoute une nouvelle mission à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), consistant à compenser la perte de recettes pour l'Unédic découlant de l'exonération de la contribution salariale d'assurance chômage , proposée à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Le IV propose l'affectation de 5,64 % du rendement de la TVA à l'ACOSS pour 2018.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de la commission des finances, un amendement du Gouvernement modifiant les dispositions du présent article relatives au champ des missions de l'ACOSS, afin d'assurer une coordination avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Cet amendement propose la suppression du 3° du II et la modification du IV du présent article, de sorte que ce denier renvoie la définition des nouvelles missions de l'ACOSS au projet de loi de financement, en particulier :

- au V de l'article 7, lui-même modifié par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale : s'il était initialement prévu que l'ensemble des cotisations salariales transitent par l'ACOSS pour être reversées avec la prise en charge des montants exonérés à l'assurance chômage, seule la compensation de l'exonération de cotisation salariale d'assurance chômage serait finalement centralisée par l'ACOSS , pour le compte des autres recouvreurs des cotisations d'assurance chômage, permettant de ne pas modifier les flux financiers actuels ;

- au II de l'article 8 du projet de loi de financement, qui retient déjà un dispositif de compensation prenant la forme d'une prise en charge par l'ACOSS des pertes de recettes imputables aux affectataires résultant du renforcement de l'allégement général en 2019.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. REMÉDIER À LA COMPENSATION NON INTÉGRALE RÉALISÉE EN 2017 APPARAISSAIT INÉVITABLE

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, votre rapporteur général avait noté que la compensation proposée ne portait pas sur l'intégralité des mesures entraînant une perte de recettes pour la sécurité sociale . Deux dispositifs proposés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 étaient en effet comptabilisés en réduction du montant à compenser . Il s'agissait :

- en premier lieu, d'une opération purement comptable entre le FSV et la CNAMTS, dans le cadre de l'abondement du nouveau Fonds de financement de l'innovation pharmaceutique (FFIP), qui permettait d'ailleurs, comme le soulignait notre ancien collègue Francis Delattre, dans son rapport pour avis fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, d'exclure des dépenses dynamiques du champ de l'ONDAM. Cette opération ne pouvant avoir un impact qu'au titre de 2017, une nouvelle mesure de compensation pour la sécurité sociale apparaissait inévitable en 2018 ;

- en outre, du décalage de la période d'imposition de la TVS, accompagné d'une imposition spécifique pour le dernier trimestre 2017, qui n'a constitué qu'une simple opération de trésorerie, nécessitant une nouvelle mesure de compensation en 2018.

Enfin, la création d'une contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité (C3S) par la loi de finances rectificative pour 2016, dont la suppression, y compris pour 2017, est proposée par le projet de loi de financement, visant à enregistrer un gain de trésorerie ponctuel.

En tout état de cause, cette comptabilisation de recettes non pérennes ne pouvait constituer un moyen sérieux de compensation , ce dont témoigne la compensation de ces pertes de recettes prévue par le présent article.

B. SOUS COUVERT DE SIMPLIFICATION DES FINANCEMENTS, L'ÉTAT RÉGULE SA DÉPENSE EN LA REPORTANT SUR L'ASSURANCE MALADIE

Si le transfert intégral du financement de l'Agence française de biomédecine à l'Assurance maladie participe plutôt d'une volonté de rationalisation des flux financiers entre les deux sphères publiques, le transfert de la prise en charge des frais de santé actuellement pour partie à la charge de l'État vers la sécurité sociale constitue une régulation de la dépense de l'État aux dépends de l'assurance maladie.

D'après les chiffres avancés par notre collègue Antoine Lefèvre, à la suite de la mise en oeuvre du nouveau circuit de financement des dépenses de santé des personnes détenues, plus de 90 % de la dotation prévue par la loi de finances initiale pour 2016 au sein du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission Justice , soit 30,5 millions d'euros, ont été consacrés au paiement des dettes de l'administration pénitentiaire aux établissements de santé et, selon le ministère de la justice, seuls 3,2 millions d'euros ont été versés à la CNAMTS, alors même que l'appel de fonds pour 2016 s'élevait à 30,7 millions d'euros .

Ainsi, « l'État ne s'endette plus auprès des établissements de santé, mais auprès de l'assurance maladie » 462 ( * ) .

Si ce transfert de la prise en charge du ticket modérateur, du forfait journalier hospitalier et du paiement des cotisations versées à l'ACOSS fait sens, dès lors qu'il consiste à financer ces dépenses via la solidarité nationale, il n'en demeure pas moins que l'État se défausse en réalité sur la sécurité sociale. Ainsi, comme pour l'aide médicale d'État (AME), l'État régule sa dépense en la reportant sur l'assurance maladie .

Votre rapporteur général considère que la solution proposée d'un transfert de la prise en charge de ces dépenses vers la sécurité sociale apparaît comme une solution pour le moins simpliste , d'autant qu'elle ne s'accompagne pas de stratégie claire permettant d'apurer les dettes passées envers les établissements de santé.

C. UN SCHÉMA DE TRANSFERTS TRANSITOIRE

La perte de recettes pour l'Unédic résultant de la suppression des cotisations d'assurance chômage proposée à l'article 7 du projet de loi de financement serait intégralement compensée par l'ACOSS en 2018.

L'ACOSS continuerait à verser aux régimes d'assurance chômage les sommes correspondant aux contributions salariales exonérées. Cette « compensation » serait financée par l'affectation de 5,64 % de TVA à l'ACOSS, proposée par le présent article. Or, cette fraction de TVA est fixée en fonction du coût estimé des exonérations à date d'aujourd'hui. Tout écart entre le coût de l'exonération et le niveau de la compensation reposerait sur la sécurité sociale :

- dans le cas où les recettes de TVA seraient supérieures aux charges résultant de la compensation à l'Unédic, le surplus de recettes serait redistribué aux branches du régime général ;

- si les recettes de TVA se révélaient inférieures aux charges résultant de la compensation à l'Unédic, le poids des pertes serait réparti entre les branches du régime général ;

Au total, tout écart serait imputé entre les différentes branches du régime général, afin de garantir que le résultat de l'ACOSS demeure nul.

Le choix de faire peser sur la sécurité sociale le poids éventuel de l'écart qui pourrait résulter entre les recettes de TVA affectées à l'ACOSS et le coût des exonérations de cotisations d'assurance chômage reste discutable. D'ailleurs, le Gouvernement insiste sur le caractère transitoire de la stratégie proposée pour 2018, dans l'attente des futures réformes sur la gouvernance de l'Unédic et sur l'avenir de l'assurance chômage.

En outre, la perte de recettes pour l'Unédic des exonérations de cotisations chômage sera plus élevée en année pleine, et pourrait s'élever à près de 13 milliards d'euros - elle est étalée en deux temps en 2018. Le Gouvernement concède ainsi qu'en 2019, le schéma de transferts devra être intégralement repensé .

Alors que les recettes basées sur les cotisations sociales devraient logiquement s'amenuiser, et que le surplus de recettes résultant de l'augmentation de la CSG en contrepartie de la suppression des cotisations salariales est « restitué » à l'État, la problématique des ressources des régimes sociaux reste en suspens . Cette question est ainsi renvoyée au rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale , que le Gouvernement devrait remettre au Parlement avant la fin du premier trimestre 2018, aux termes de l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022.

Compte tenu de l'amendement adopté par la commission des finances lors de l'examen du rapport de notre collègue Alain Joyandet sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, supprimant la hausse du taux de la CSG sur les revenus de remplacement, la commission des finances a adopté un amendement FINC-15 ajustant la fraction de TVA affectée à l'Assurance maladie, afin de compenser la perte de recettes résultant de cette mesure.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 27 - Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne

. Commentaire : le présent article évalue le montant du prélèvement sur recettes reversé par la France au budget de l'Union européenne à 20,2 milliards d'euros pour l'exercice 2018, soit une hausse de 12,8 % par rapport à la prévision actualisée pour 2017 et de 6 % par rapport à l'exécution constatée en 2016.

I. L'EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES AU PROFIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN 2016 ET 2017

L'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances 463 ( * ) définit le prélèvement sur recettes reversé au budget européen comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires » ; celui-ci doit être « dans [sa] destination et [son] montant » défini et évalué « de façon précise et distincte ».

Le prélèvement sur recettes européen est composé d'une part relative à la ressource fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres, et d'une part relative à la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) , qui constitue la ressource d'équilibre du budget de l'Union européenne.

Son montant annuel est essentiellement déterminé par le besoin de financement de l'Union et le montant de la correction britannique.

Ces trois dernières années, l'estimation du prélèvement sur recettes européen inscrite en loi de finances initiale s'est avéré nettement inférieur au montant effectivement reversé à l'Union. La sous-exécution de la participation française au budget européen a ainsi atteint 1 milliard d'euros en 2015 et 1,2 milliard d'euros en 2016.

La prévision actualisée de prélèvement sur recettes pour 2017 s'élève quant à elle à 17,9 milliards d'euros , soit 790 millions d'euros de moins que l'estimation inscrite en loi de finances initiale pour 2017.

Écart entre l'exécution et la prévision en loi de finances initiale du PSRUE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »)

Ce décalage important entre la prévision initiale et l'exécution résulte essentiellement de la moindre consommation des crédits de paiement du budget européen . Lors de l'exercice 2016, le taux d'exécution des crédits de paiement du budget européen dans son ensemble s'est établi à 92 %.

Les retards observés dans la mise en oeuvre des programmes de la politique de cohésion sont la principale cause de cette sous-exécution . En effet, mi-2017, moins de 10 % des crédits d'engagement de la politique de cohésion avaient donné lieu à des paiements, alors même que la moitié de la période de programmation 2014-2020 était écoulée. En 2016, la sous-consommation était particulièrement prononcée s'agissant du Fonds social européen et l'Initiative pour l'emploi des jeunes, pour lesquels respectivement seuls 79 % et 33 % des crédits ouverts ont été effectivement consommés.

II. LA CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU BUDGET EUROPÉEN PRÉVUE EN 2018

Le présent article estime le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 20,2 milliards d'euros en 2018. Celui-ci retrouverait ainsi un niveau proche de celui constaté en 2014.

Cette prévision se fonde sur une hypothèse de besoin de financement de l'Union européenne de l'ordre de 145 milliards d'euros de crédits de paiement en 2018, selon le projet de budget présenté par la Commission européenne en mai dernier. La Commission européenne prévoit en effet une montée en charge des programmes de la politique de cohésion en 2018.

L'estimation inscrite dans le présent projet de loi de finances tient également compte des données prévisionnelles concernant la ressource TVA (4,4 milliards d'euros) et du montant de la contribution française au « rabais » britannique (soit 1,3 milliard d'euros).

Dès lors, le montant de ressource RNB nécessaire pour équilibrer le budget européen en 2018 est estimé à 15,8 milliards d'euros s'agissant de la France.

Décomposition du prélèvement sur recettes au profit de l'UE

(montants en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

20 212

Ressource TVA

4 368

4 527

4 720

4 368

4 437

dont correction britannique

1 427

1 494

1 725

1 384

1 303

Ressource RNB

15 977

15 172

14 268

14 322

15 775

Autres prélèvements

3

4

8

-

0

Exécution

20 347

19 702

18 996

17 900*

Évolution en exécution n-1/n

- 9,4 %

- 3,2 %

- 3,6 %

- 5,8 %

Part dans les recettes fiscales nettes

7,4 %

7,0 %

6,7 %

6,3 %

* Prévision actualisée

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »

En outre, le prélèvement sur recettes prévu pour 2018 inclut, pour la troisième année consécutive, la participation française au financement de la « facilité pour les réfugiés en Turquie » 464 ( * ) , situé en-dehors du budget européen mais piloté par un comité présidé par la Commission européenne. Cette contribution s'élèvera à 68 millions d'euros en 2018, venant s'ajouter aux 228 millions d'euros déjà versés en 2016 et 2017.

Au-delà de 2018, le Gouvernement prévoit une forte augmentation du prélèvement sur recettes européen : celui-ci s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019 et 24,1 milliards d'euros en 2020 . Compte tenu du niveau exceptionnellement bas de la contribution française en 2017, la somme reversée au budget européen progresserait ainsi de 35 % entre 2017 et 2020.

Si les plafonds de dépenses fixés pour sept ans n'ont pas été remis en cause par la révision du cadre financier pluriannuel décidée en juin 2017, l'accumulation des besoins en crédits de paiement en fin de programmation entraînera mécaniquement une hausse des contributions nationales. Aussi le Gouvernement considère-t-il cette majoration comme « inévitable, sauf à préempter une part conséquente du prochain cadre financier pluriannuel pour le paiement d'engagements passés » 465 ( * ) .

Il convient de souligner que cette prévision triennale n'intègre pas le « risque Brexit » qui pourrait conduire à majorer les sommes versées par les autres États contributeurs nets à la suite du départ du Royaume-Uni de l'Union européenne en mars 2019.

Évolution du PSRUE sur la période 2014-2020

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet de loi de finances pour 2018)

Enfin, en application de la charte de budgétisation du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, il est prévu d' inclure le prélèvement sur recettes européen dans l'objectif de dépenses totales de l'État (ODETE) mais de l'exclure de la norme de dépenses pilotables . Jusqu'ici le prélèvement sur recettes était inclus dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », c'est-à-dire hors charge de la dette et pensions. Comme le relève le Gouvernement, « selon les années, les variations du PSRUE ont pu constituer des effets d'aubaine pour les autres dépenses ou au contraire des contraintes insurmontables ». Considérant que la contribution versée annuellement à l'Union européenne est largement contrainte par le cadre financier pluriannuel et par l'exécution effective du budget européen, il est proposé de l'écarter des dépenses pilotables.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'estimation du montant du prélèvement sur recettes européen proposée par le présent article apparaît équilibrée au regard des données actuellement disponibles et des hypothèses de consommation des crédits de paiement retenues par la Commission européenne.

Comme chaque année, cette prévision pourra être ajustée par le Gouvernement en fin d'examen du présent projet de loi de finances afin de tenir compte de l'accord final du Conseil et du Parlement européen sur le projet de budget européen pour 2018 (qui interviendra fin novembre) et de l'exécution des fonds européens au cours du second semestre 2017. Par ailleurs, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ne devrait pas avoir d'impact budgétaire avant 2019.

La proposition d'exclure le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne du périmètre des dépenses pilotables est quant à elle pertinente . Il s'agit en effet d'un versement doublement contraint : d'une part, par le cadre financier pluriannuel et, d'autre part, par l'exécution du budget annuel. Ce dernier devant impérativement être exécuté à l'équilibre, la ressource RNB, versée selon un rythme mensuel par les États membres, constitue la principale variable d'ajustement.

La modification de la norme de dépenses est toutefois effectuée à un moment particulièrement opportun, alors même qu'une forte augmentation est prévue ces trois prochaines années. Afin de garantir la crédibilité de cette règle, il conviendra donc de veiller à son maintien après 2020, y compris dans l'hypothèse où le prélèvement sur recettes venait à diminuer .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 446 La protection sociale recouvre un champ plus large que la sécurité sociale, correspondant à l'ensemble des administrations de sécurité sociale, Unédic et régimes de retraite complémentaire compris.

* 447 Article 7 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 448 Le régime général de la sécurité sociale a bénéficié en 2015 et 2016 de recettes supplémentaires dans le cadre de la mise en place de la retenue à la source des cotisations et contributions de sécurité sociale sur les indemnités versées par les caisses de congés payés (1,5 milliard d'euros en 2015, 500 millions d'euros en 2016 et 0 en 2017). La moindre recette était donc de 500 millions d'euros en 2017.

* 449 Ces dispositions figurent à l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

* 450 Article 74 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 451 Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur général, Tome II, fascicule 1, volume 1 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances).

* 452 Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

* 453 Projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017.

* 454 « Soigner les détenus : des dépenses sous observation », rapport d'information de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances n° 682 (2016-2017) - 26 juillet 2017.

* 455 Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015.

* 456 Toutefois, il s'agit d'un excédent provisoire, celui-ci devant être revu à la baisse en 2019 au regard de l'impact financier en année pleine de la suppression de la cotisation salariale chômage.

* 457 Rapport général fait au nom de la commission des finances par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, rapporteur général, Tome II, fascicule 1, volume 1 : Les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances).

* 458 Il s'agit de la section comptable créée dans le cadre de la réforme des retraites de 2010 et spécifiquement dédiée à la mise en réserve des recettes affectées au financement du maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou d'un enfant handicapés nés entre le 1 er juillet 1951 et le 31 décembre 1955.

* 459 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 460 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 461 CJUE, 26 février 2015, aff. 623/13, Ministre de l'économie et des finances c/ Gérard de Ruyter.

* 462 « Soigner les détenus : des dépenses sous observation », rapport d'information de M. Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances n° 682 (2016-2017) - 26 juillet 2017.

* 463 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 464 Facilité créée à la suite de la déclaration des chefs d'État et de gouvernement européens du 29 novembre 2015 et gérée par un comité ad hoc, présidé par la Commission européenne.

* 465 Dossier de presse du projet de loi de finances pour 2018.

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