B. LA RÉFORME DE LA TAXE D'HABITATION PROPOSÉE PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET MISE EN oeUVRE DANS LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

À périmètre courant , le montant des crédits inscrits sur cette action augmente de plus de 3 milliards d'euros , du fait de la réforme de la taxe d'habitation portée par l'article 3 du présent projet de loi de finances.

1. Le dispositif prévu à l'article 3 du présent projet de loi de finances

L'article 3 du présent projet de loi de finances met en oeuvre l'engagement du Président de la République, pris au cours de la campagne électorale du printemps dernier, « d'exonérer » 80 % des Français de la taxe d'habitation. Ce dispositif sera analysé en détail dans le Tome II du rapport général . On peut néanmoins en présenter les grandes lignes :

- cet allègement fiscal prendra la forme d'un dégrèvement - et non d'une exonération -, d'où l'inscription sur la présente mission des crédits correspondants ;

- en bénéficient les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un plafond donné (qui tient donc compte également de la composition du foyer) ;

- la mesure sera mise en place progressivement sur trois ans : les contribuables concernés bénéficieront d'un tiers du dégrèvement - calculé dans les conditions présentées au point ci-dessous - en 2018, de deux tiers en 2019 et de 100 % en 2020 ;

- le dégrèvement sera calculé sur la base des taux et des abattements de 2017 ; si le dégrèvement ainsi calculé était inférieur à la contribution due, la différence serait acquittée par le contribuable.

2. Des effets concentrés sur les « classes moyennes »

D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 13 ( * ) , cette mesure représentera - en 2020, lorsqu'elle aura été mise en place dans son intégralité - un gain de pouvoir d'achat moyen de 325 euros par ménage acquittant actuellement la taxe d'habitation. Le gain effectif variera cependant de façon importante, selon le décile de revenus et la localisation du contribuable .

Présentée comme devant bénéficier essentiellement aux « classes moyennes », cette mesure voit effectivement ses effets concentrés sur celles-ci, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Effets de la réforme par décile de niveau de vie

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

On observe ainsi que les ménages des déciles 4 à 8 verront leur niveau de vie augmenter de 400 à 500 euros par an en moyenne, soit une hausse de 2 % à 2,5 % (jusqu'au septième décile). Plus précisément, l'ensemble des ménages ayant des revenus inférieurs à la médiane ne payeront plus de taxe d'habitation et 70 % des bénéficiaires de cette mesure ont un niveau de vie compris entre le troisième et le septième décile. À l'inverse, les contribuables des deux premiers déciles n'en bénéficieront que marginalement, dans la mesure où ils sont déjà éligibles, pour la plupart, aux exonérations et dégrèvements existants .

Si l'on se concentre uniquement sur les gagnants de la réforme, au sein de chaque décile, on observe que les gains par bénéficiaires sont plus importants dans les déciles élevés , dans la mesure où le montant de la taxe d'habitation est au moins partiellement corrélé au revenu.

Nombre de gagnants et gain moyen des gagnants
par décile de niveau de vie

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

Enfin, on peut noter que le montant de l'avantage fiscal ne sera pas proportionné au seul revenu, mais dépendra également du montant de taxe d'habitation acquitté, qui dépend pour sa part de la politique fiscale de la collectivité territoriale mais aussi de sa situation économique et de la présence ou de l'absence de bases de fiscalité économique importantes. Ainsi, à revenus équivalents, le montant de l'allègement pourra être très différent .

La carte ci-dessous, également issue de l'étude de l'OFCE précitée, illustre cette hétérogénéité territoriale du bénéfice de la réforme.

Gain moyen en euros par ménage et par département

Source : Observatoire français des conjonctures économiques

3. Une solution qui fragilise les ressources des collectivités territoriales sans résoudre le problème de la vétusté des valeurs locatives

La mesure proposée par le Gouvernement vise à donner du pouvoir d'achat aux « classes moyennes », mais également à apporter une solution au caractère injustice de la taxe d'habitation , souvent souligné. En effet, si le montant moyen de la taxe d'habitation évolue effectivement avec le revenu, on observe des écarts significatifs au sein d'une même commune et entre communes, sans que ces écarts puissent être justifiés de façon satisfaisante.

La solution retenue par le Gouvernement n'est pas satisfaisante . Tout d'abord, pour des revenus identiques, l'allègement fiscal pourra varier de façon importante. De plus, les ressources des communes et groupements seront diminuées si l'État décidait à l'avenir de modifier le dégrèvement mis en place dans le présent projet de loi de finances. Enfin, elle ne résout pas la question de la vétusté des valeurs locatives, qui continueront à être utilisées pour la taxe d'habitation de 20 % des Français, mais également pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, la cotisation foncière des entreprises, la répartition du produit de la CVAE des entreprises multi-établissements et pour le calcul des attributions et versements au titre des dispositifs de péréquation.

Aussi, plutôt que mettre en place une réforme incertaine quant à la pérennité des ressources des collectivités territoriales, votre rapporteur spécial estime nécessaire de mener la révision des valeurs locatives, tout en s'attachant à prendre en compte les revenus dans le calcul de la cotisation due . Celui-ci est d'ores-et-déjà pris en compte, à travers les abattements, exonérations et dégrèvements existants, mais il aurait sans doute été préférable d'aller plus loin et d'étendre, même progressivement, le plafonnement de la taxe d'habitation en fonction des revenus 14 ( * ) . N'oublions jamais que les contribuables à la taxe d'habitation n'ont - en général - pas la possibilité de la déduire de leur impôt sur le revenu, contrairement aux entreprises qui peuvent déduire la contribution économique territoriale qu'elles acquittent de la base de calcul de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu.


* 13 Pierre Madec et Mathieu Plane, « Évaluation de la réforme de la taxe d'habitation d'Emmanuel Macron », OFCE, Sciences Po Paris, 26 juin 2017.

* 14 Article 1414 A du code général des impôts.

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