EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Charles Guené, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ».

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » . - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 prévoit la fusion de deux missions budgétaires auparavant distinctes, « Égalité des territoires et logement » - qui inclut le logement et l'hébergement d'urgence que présentera Philippe Dallier - et « Politique des territoires », pour plus de cohérence, dans la mission « Cohésion des territoires ». Cela fait coïncider le périmètre de la mission avec celui du ministère de la cohésion des territoires, et rassemble certains dispositifs contribuant à la politique d'aménagement du territoire. Moins cohérent est le transfert du financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales », alors que d'autres outils contractuels comme les contrats de plan État région (CPER) et les contrats de ville restent dans la mission « Cohésion des territoires ».

Les programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » représentent toutefois moins de 2 % des crédits de la nouvelle mission « Cohésion des territoires ».

En 2018, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » devrait s'élever à 191 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 58 %, en raison du transfert du financement des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». Mais les crédits de paiement augmenteront pour financer les contrats signés en 2017, et les nouveaux engagements seront financés par la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL).

En 2018, sont également prévues une baisse des nouveaux engagements pour la prime d'aménagement du territoire et la poursuite des efforts sur les dépenses de personnel et de fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

Je regrette le transfert du financement des contrats de ruralité vers un autre programme et l'absence de financement dédié à ces contrats. Autant en 2017, la loi de finances prévoyait 216 millions d'euros en autorisations d'engagement pour les contrats de ruralité, autant en 2018, il n'y a pas de crédits dédiés, alors que cet outil moderne accompagne les territoires et représente un véritable progrès. Fin septembre 2017, 400 contrats avaient été signés sur 480 demandes. Cela montre tout l'intérêt des collectivités pour ce nouvel outil.

Le projet de loi de finances pour 2018 marque un recul sur deux points : le transfert des crédits des contrats du ruralité du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » et l'absence de crédits dédiés à ces contrats. Une enveloppe indicative de 45 millions d'euros d'autorisations d'engagement est prévue en 2018 sur la DSIL pour financer la deuxième année des contrats de ruralité signés en 2017. Mais elle sera probablement insuffisante pour signer de nouveaux contrats.

Les moyens prévus en faveur de la prime d'aménagement du territoire étaient initialement de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. L'Assemblée nationale les a abondés de 5 millions d'euros. Malgré tout, cette somme est largement inférieure à ce qui était attribué auparavant, d'autant que 4 millions d'euros seront nécessaires pour financer la reprise du site de Whirlpool à Amiens. Il restera très peu de crédits pour accompagner les entreprises dans les territoires les plus fragiles.

S'agissant de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, elle pourrait soit faire l'objet de la création d'une nouvelle structure sur le modèle de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), soit être portée par le CGET. Je suis favorable à cette dernière solution afin de ne pas multiplier les structures et de s'appuyer sur l'expertise reconnue du CGET.

Les crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) s'élèvent à 34 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse, en raison du rattrapage du retard de mise en oeuvre du programme exceptionnel d'investissement en Corse. Trois points méritent d'être soulignés. Une nouvelle action, le « plan littoral 21 » en région Occitanie, est inscrite en 2018. Elle sera abondée d'un million d'euros en autorisations d'engagement. C'est peu, mais le dispositif montera en puissance les années suivantes.

L'action « Eau et agriculture en Bretagne », qui finance le plan de lutte contre les algues vertes, verra ses crédits diminuer fortement en 2018 par rapport à ceux prévus en 2017. Un transfert de crédits de 5 millions d'euros sera effectué en cours d'exécution par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il est toutefois curieux que seulement 2,5 millions d'euros soient inscrits alors que les besoins sont supérieurs et qu'il sera abondé par ailleurs. Sans être totalement insincère, ce budget manque de lisibilité.

Les moyens dévolus au Marais poitevin seront de nouveau réduits, pour atteindre un million d'euros en autorisations d'engagement. Or un rythme de croisière de 2,5 millions d'euros à 3 millions d'euros de crédits par an serait nécessaire. Cette orientation pose un double problème de moyens et de méthode. Si une action du PITE ne doit pas durer indéfiniment, il faut trouver au préalable, avec les acteurs locaux, les moyens de poursuivre leurs mesures dans le cadre du droit commun.

J'ai donc un avis très réservé sur l'évolution proposée de ces deux programmes entre 2017 et 2018 en raison de l'arrêt du financement des contrats de ruralité par le programme 112, l'absence de financement dédié à ces contrats et la réduction du PITE qui pénalise certains territoires. L'année dernière, j'avais souligné devant le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, en toute objectivité, que les contrats de ruralité représentaient un net progrès. Même si les sommes sont faibles, les actions concrètes sont importantes sur le terrain.

M. Marc Laménie . - Quel est le devenir de la politique d'aménagement du territoire, avec la disparition des contrats de ruralité et des pôles d'excellence rurale ? Dans les années 1970 et 1980, on parlait beaucoup de l'aménagement du territoire, tant dans les zones urbaines que rurales. Aujourd'hui, ce faible écho est inquiétant. Quelles sont les pistes à examiner pour l'avenir ?

M. Patrice Joly . - Les contrats de ruralité ont été mis en place en 2017, après les comités interministériels aux ruralités de 2015-2016. C'est un outil moderne répondant aux besoins des territoires avec des engagements de l'État pluriannuels et multisectoriels. Ceci est important pour développer une approche globale de long terme du développement territorial - ce qui péchait auparavant. Il est très regrettable de diminuer les moyens alloués à cet outil en début de parcours.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires doit fournir aux territoires de l'ingénierie de développement, au-delà d'une aide technique. Pour cela, il faut de la matière grise. Cette agence donnerait ainsi à ces territoires ruraux les moyens de penser leur avenir. Pourra-t-elle aussi porter des opérations sur le développement des villes-centres et des centres-villes ? Nous n'avons pas d'information sur cette possibilité. Il faut construire l'avenir des petites communes en grande souffrance. Il est temps d'avoir une véritable politique d'aménagement du territoire et que les territoires ruraux soient traités avec la même attention que les métropoles.

Mme Nathalie Goulet . - J'ai écouté la présentation de ce rapport avec beaucoup d'attention. Il y a énormément de mesures éparpillées en faveur des territoires ruraux, de nombreuses missions et ministères concernés : tantôt pour le haut-débit, les maisons de santé, l'Office national des forêts ou les routes. Lorsque nous aurons fini de passer du temps à rédiger des contrats - qui manquent d'évaluation et dont les budgets sont coupés en cours de période - nous pourrons réellement développer l'intelligence territoriale ! Dispose-t-on d'un récapitulatif de tous les programmes concernant la ruralité ? Nous manquons de visibilité. Comme le disait Marc Laménie, quelle politique veut-on pour les zones rurales, et avec quels emplois ?

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Je suis entièrement d'accord avec Patrice Joly : le contrat de ruralité est un outil moderne pour une approche globale et dans la durée et constitue un vrai progrès. Nous devons agir pour garantir une bonne visibilité.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires ne résoudra pas tout. Il faut aussi développer de l'ingénierie en interne, c'est complémentaire. En 2017, on pouvait réserver jusqu'à 10 % du montant des contrats de ruralité au financement de l'ingénierie territoriale en interne. Par ailleurs, appuyons-nous sur l'expertise du CGET, quitte à renforcer ses moyens.

Ayons une approche globale de l'aménagement du territoire, des perspectives et des actions inscrites dans la durée, pour donner de la visibilité aux acteurs publics et privés, à moyen et long termes, ainsi que des outils de contractualisation.

Le document de politique transversale ou « orange budgétaire » sur l'aménagement du territoire récapitule l'ensemble des crédits consacrés à ce thème. Il est utile mais mériterait certainement d'être retravaillé.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires » .

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de réserver son examen définitif des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

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