B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME DU DROIT DE L'EXÉCUTION DES PEINES ET D'UNE MEILLEURE PROTECTION DES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES

1. La nécessité d'une réforme globale du droit de l'exécution des peines

Votre rapporteur comprend la volonté de l'auteure de la proposition de loi de supprimer l'attribution automatique des crédits de réduction de peines. De nombreuses critiques existent contre ce système.

L'article 20 de la proposition de loi n° 126 (2016-2017) tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale , présentée par MM. François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et plusieurs de nos collègues et adoptée par le Sénat en janvier 2017, vise à supprimer le principe de l'attribution automatique de crédits de réduction de peine pour tous les condamnés détenus et à adapter en conséquence le régime actuellement prévu pour les réductions supplémentaires de peine (article 721-1 du code de procédure pénale), qui deviendrait le seul régime de réductions de peine.

Selon les auteurs de la proposition de loi n° 126 (2016-2017), « la réduction de peines ne peut plus être un droit octroyé par provision » ; ils ont proposé en conséquence une refonte du régime de réductions de peine pour qu'elle soit corrélée au comportement en détention du condamné.

Si votre rapporteur estime incohérent et contraire au principe d'égalité devant la loi d'exclure les seuls auteurs de violences conjugales, au même titre que les condamnés pour terrorisme, du bénéfice des crédits de réduction de peine, elle n'est pas insensible à l'objectif recherché par l'auteure de la proposition de loi.

La suppression des crédits automatiques de réduction de peine pour tous les condamnés enverrait un signal symbolique fort tant aux condamnés qu'aux victimes. Pour autant, il convient d'accompagner cette mesure d'une simplification du régime des réductions supplémentaires de peine et de créer de nouvelles mesures permettant un suivi post-sentenciel des détenus, à l'instar de ce qu'a prévu la proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice , présentée par le président de votre commission, notre collègue Philippe Bas, et adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

De même, si votre commission n'est pas favorable à la création d'un nouveau régime d'application des peines dérogatoire, elle est favorable à la suppression de l'obligation d'examen 13 ( * ) , par le juge de l'application des peines, avant mise à exécution , de toutes les peines d'une durée inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou un an en état de récidive légale . Cette mesure permettrait de répondre à la légitime incompréhension des victimes ou des proches de victimes de ne pas voir incarcérée une personne condamnée à une peine d'emprisonnement de 18 mois, par exemple. Elle est déjà prévue par l'article 27 de la proposition de loi n° 641 (2016-2017) d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, présentée par le président de votre commission, notre collègue Philippe Bas, et adoptée par le Sénat le 24 octobre 2017.

2. Une indispensable amélioration de la protection des victimes de violences conjugales

Votre rapporteur partage la démarche de l'auteure de la proposition de loi : il est en effet nécessaire d'améliorer les dispositifs actuels d'exécution des peines concernant les auteurs de violences conjugales.

Un renforcement du contrôle exercé par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation est souhaitable dans le cadre des aménagements de peine : l'obligation de suivi de soins psychiatriques ou en addictologie doit faire l'objet de vérifications supplémentaires. De même, la qualité des contenus des suivis auxquels sont soumis les personnes condamnées pour violences conjugales - qu'ils s'agissent d'une prise en charge spécifique ou de groupe de paroles - devrait être améliorée et les mesures évaluées.

Les services pénitentiaires d'insertion et de probation devraient également pouvoir vérifier plus régulièrement auprès des victimes qu'elles ne font pas l'objet d'incivilités, voire d'infractions, de la part des personnes condamnées pour violences conjugales, même en l'absence de peine complémentaire d'interdiction d'entrer en contact avec la victime.

De telles mesures pourraient utilement faire l'objet d'une circulaire de la garde des sceaux. L'efficacité du suivi exercé par les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation reste néanmoins conditionnée par leurs moyens humains : or, en 2018, un conseiller pénitentiaire peut avoir à traiter simultanément plus de 100 dossiers.

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En conclusion, votre commission des lois ne mésestime pas l'importance des motifs qui ont conduit au dépôt de la présente proposition de loi.

Elle considère toutefois que celle-ci ne permet pas de lutter effectivement contre la récidive des violences conjugales et continue à appeler de ses voeux une réforme globale du régime de l'exécution des peines.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission n'a pas adopté la proposition de loi n° 621 (2016-2017) sur le régime de l'exécution des peines des auteurs de violences conjugales .

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution , la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.


* 13 Prévue par l'article 723-15 du code de procédure pénale.

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