EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 64 et 66 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) - Maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communauté de communes et des communautés d'agglomération

L'article 1 er de la proposition de loi tend à introduire la faculté pour les communes membres d'une communauté de communes de différer, du 1 er janvier 2020 au 1 er janvier 2026 au plus tard, le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement ».

Ne seraient concernées par ce dispositif que les communes membres des communautés de communes qui n'exerceraient pas, à la date de publication de la présente loi, ces deux compétences ou l'une d'entre elles, soit à titre optionnel (c'est-à-dire les communautés de communes qui exerceraient la totalité de la compétence comptabilisée comme une compétence optionnelle), soit à titre facultatif. En effet, jusqu'au 1 er janvier 2020, la compétence « assainissement » peut continuer à être exercée partiellement, en tant que compétence facultative, par les communautés de communes, à condition que ces dernières exercent le nombre minimal de compétences optionnelles prévues par la loi (soit trois, conformément au II de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales).

Pour mémoire, la proposition de loi dans sa rédaction initiale prévoyait que le dispositif devait s'appliquer au transfert des deux compétences. La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision de sa rapporteure, dont l'un prévoit notamment l'application du dispositif à l'une des deux compétences, permettant ainsi aux communes membres d'une communauté de communes de transférer l'une mais de retarder le transfert de l'autre, apportant ainsi une souplesse à ce dispositif.

La décision de différer le transfert devrait être prise par une minorité de blocage d'au moins un quart des communes membres de l'intercommunalité représentant au moins un cinquième de la population intercommunale.

Elle devrait intervenir avant le 1 er juillet 2019. Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, cette date du 1 er juillet 2019 a été retenue afin de laisser un délai d'au moins six mois pour assurer dans de bonnes conditions le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes dans lesquelles la minorité de blocage n'aurait pas été recueillie.

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit cependant la faculté, pour l'organe délibérant de la communauté de communes qui n'exercerait aucune ou seulement l'une de ces deux compétences, de se prononcer par un vote pour leur transfert après le 1 er janvier 2020. Les communes membres pourraient s'y opposer selon les mêmes modalités définies précédemment, dans les trois mois suivant l'adoption de la délibération de la communauté de communes. Dans le cas où la minorité de blocage ne serait pas réunie, le transfert serait effectif à compter du troisième mois suivant l'adoption de la délibération de la communauté de communes. Dans le cas contraire, ce refus serait sans incidence sur le transfert obligatoire qui interviendrait, dans tous les cas, le 1 er janvier 2026.

La minorité de blocage ainsi définie à l'article 1 er de la proposition de loi s'inspire de celle prévue à l'article 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi ALUR) qui permet à une minorité d'au moins 25 % des communes représentant 20 % de la population intercommunale de s'opposer au transfert obligatoire de la compétence en matière de plan local d'urbanisme, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale aux communautés de communes ou aux communautés d'agglomération dont elles sont membres.

La minorité de blocage instituée par l'article 136 de la loi ALUR

Dans le cadre du transfert de la compétence en matière de plan local d'urbanisme (PLU), de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte intercommunale aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération existantes au 27 mars 2017, date de publication de la loi ALUR, le législateur a institué, à l'initiative du Sénat, une minorité de blocage permettant à au moins 25 % des communes membres d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération représentant au moins 20 % de la population de l'intercommunalité, de s'opposer à ce transfert.

La loi ALUR prévoit le transfert obligatoire de cette compétence aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération à compter du « lendemain de l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la publication de ladite loi », soit le 27 mars 2017, sauf recours à la minorité de blocage dans les trois mois précédant cette date, soit entre le 27 décembre 2016 et le 26 mars 2017. En revanche, cette minorité de blocage ne s'applique pas aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération créées après le 26 mars 2017 qui, dès leur création, deviennent compétentes de plein droit en matière de PLU, de documents d'urbanisme en tenant lieu ou de carte intercommunale.

En cas de recours à la minorité de blocage avant le 26 mars 2017, l'article 136 de la loi ALUR précitée prévoit un transfert automatique de la compétence le premier jour de l'année suivant l'élection du président de l'EPCI à fiscalité propre, consécutive au renouvellement général des conseils municipaux, soit au 1 er janvier 2021. Là encore, les communes membres ont la faculté de s'y opposer si elles réunissent une minorité de blocage dans les trois mois précédents, c'est-à-dire entre le 1 er octobre 2020 et le 31 décembre 2020. Si la minorité de blocage n'est pas réunie, l'intercommunalité devient compétente à compter du 1 er janvier 2021.

Enfin, après le 26 mars 2017, l'organe délibérant de la communauté de communes ou de la communauté d'agglomération peut décider, à tout moment, le transfert de la compétence, qui devient effectif dans les trois mois suivant l'adoption de la délibération le prévoyant, sauf si la même minorité de blocage est réunie au cours de ce délai, auquel cas le transfert de la compétence n'a pas lieu.

Selon la direction générale des collectivités locales, avant le 26 mars 2017, sur les 758 EPCI à fiscalité propre potentiellement concernés, c'est-à-dire les communautés de communes et les communautés d'agglomération qui n'étaient pas compétentes en la matière, les communes membres de 696 d'entre eux, soit plus de 90 %, ont recouru à ce dispositif. Avant cette date, 479 communautés de communes et d'agglomération avaient bénéficié d'un transfert volontaire de la compétence de la part de leurs communes membres ou bien à la suite d'une fusion d'EPCI à fiscalité propre dont au moins l'un exerçait déjà ladite compétence.

D'après les éléments de la direction générale des collectivités locales d'octobre 2017, sur 1 017 communautés de communes existantes :

- 197 exercent aujourd'hui la compétence « eau », soit environ 20 % ;

- 710 assument la compétence « assainissement », soit environ 70 %.

Nombre total

Nombre d'EPCI compétents
en matière d'eau

Nombre d'EPCI compétents en matière d'assainissement

Communautés
de communes

1 017

197

710

Source : commission des lois du Sénat à partir de données
de la direction générale des collectivités locales.

Ainsi, le dispositif proposé par le présent article concernerait les seules communautés de communes n'exerçant pas encore l'une ou l'autre, voire les deux compétences, soit 80 % de celles qui n'exercent pas encore la compétence « eau » et 30 % de celles qui n'assument pas la compétence « l'assainissement ».

Votre commission s'étonne que le présent dispositif ne s'appliquerait pas également aux communautés d'agglomération. En effet, la révision de la carte intercommunale a conduit à l'élargissement des périmètres intercommunaux, et donc à la création de communautés d'agglomération « rurales » : en d'autres termes, certaines communautés d'agglomération correspondent en réalité à des communautés de communes, en raison de la forte proportion en leur sein de petites communes isolées.

Selon les éléments recueillis auprès de la direction générale des collectivités locales, sur les 219 communautés d'agglomération actuelles, 113 sont aujourd'hui compétentes en matière d'eau, soit un peu plus de 50 %, et 174 en matière d'assainissement, soit près de 80 %.

Catégorie juridique

Nombre total

Nombre d'EPCI compétents
en matière d'eau

Nombre d'EPCI compétents en matière d'assainissement

Communautés d'agglomération

219

113

174

Source : commission des lois du Sénat à partir des données
de la direction générale des collectivités locales.

Si les communes ont massivement transféré l'assainissement à la communauté d'agglomération dont elles sont membres, il n'en est pas de même pour la compétence « eau », ce qui reflète les difficultés rencontrées sur le terrain.

Votre commission considère que les réalités diverses des communautés de communes et de la plupart des communautés d'agglomération ne justifient pas dans tous les cas l'unification des compétences « eau » et « assainissement ». C'est pourquoi elle plaide pour laisser une certaine souplesse en la matière aux communes et à leurs intercommunalités, au vu des réalités locales.

C'est pourquoi elle a adopté les amendements identiques COM-38 de son rapporteur, COM-3 de Pierre-Yves Collombat, COM-14 de Marie-Pierre Monier et COM-33 de Daniel Grémillet qui réintroduisent l'article 1 er de la proposition de loi précitée pour le maintien des compétences "eau" et "assainissement" dans les compétences optionnelles des communautés de communes , dans la présente proposition de loi, ce qui tend à :

- d'une part, pérenniser le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes et des communautés d'agglomération, avec l'abrogation du IV de l'article 64 et du II de l'article 66 de la loi précitée n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- d'autre part, supprimer, par voie de conséquence, le dispositif de minorité de blocage proposé par le présent article permettant de différer le transfert de ces deux compétences au plus tard le 1 er janvier 2026.

Par ces amendements, votre commission a confirmé la position adoptée par le Sénat, le 23 février 2017, lors de l'examen de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes , la seule à même de répondre aux difficultés rencontrées par les territoires. Cette position vise à prendre en considération les difficultés rencontrées dans certains territoires tout en permettant aux intercommunalités qui le souhaiteraient de poursuivre le processus de transfert de l'une ou des deux compétences.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5216-5 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) - Sécabilité de la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » et suppression de l'inclusion des « eaux de ruissellement urbaines » au sein de la compétence « assainissement » pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération

L'article 2 de la proposition de loi prévoit, sous couvert de coordination et de sécurisation du droit en vigueur, l' inclusion de la gestion des eaux pluviales urbaines et des eaux de ruissellement urbaines dans la compétence « assainissement » , pour l'ensemble des catégories juridiques d'EPCI à fiscalité propre.

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait uniquement que le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, au 1 er janvier 2020, devait s'opérer sans préjudice de la minorité de blocage prévue à l'article 1 er .

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des lois puis l'Assemblée nationale ont précisé, par l'adoption de deux amendements, le périmètre de la compétence « assainissement » en indiquant qu'il comprenait la « gestion des eaux pluviales » et celle « des eaux de ruissellement » des zones urbaines et des zones à urbaniser, en s'inspirant ainsi d'une décision du Conseil d'État du 4 décembre 2013 ( voir infra ) sur laquelle se fondent également les administrations d'État, en particulier la direction générale des collectivités locales. Cette « précision », selon les mots de la rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a été apportée aux articles L. 5214-16 pour les communautés de communes, L. 5216-5 pour les communautés d'agglomération, L. 5215-20 pour les communautés urbaines et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales pour les métropoles, ainsi qu'aux articles 64 et 66 de la loi n° 2015-791 précitée portant nouvelle organisation territoriale de la République pour les dispositions transitoires applicables aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération.

1. Un rattachement discutable de la gestion des eaux pluviales urbaines à l'assainissement

Le rattachement de la « gestion des eaux pluviales urbaines » à l'« assainissement » ne va pas de soi, et soulève des difficultés tant juridiques que techniques .

Tout d'abord, la décision du Conseil d'État du 4 décembre 2013, Communauté urbaine « Marseille Provence Métropole » 11 ( * ) , sur laquelle se fonde l'analyse de la direction générale des collectivités locales, est antérieure à la loi NOTRe , et ne permet donc pas d'apporter un éclairage suffisant et pertinent sur la portée de ses articles 64 et 66.

Ensuite, le cas d'espèce à l'origine de cette décision s'applique à un contexte particulier : la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole était dotée d'un réseau unifié de collecte des eaux usées et des eaux pluviales. Par ailleurs, les communautés urbaines exercent de plein droit l'intégralité des compétences « eau », « assainissement », « voirie » et « gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations » (Gemapi), et le caractère urbanisé des communautés urbaines (et des métropoles) renforce le lien entre l'assainissement et la gestion des eaux pluviales. La jurisprudence du Conseil d'État doit donc s'entendre dans ce contexte particulier.

En outre, rien n'indique que le Conseil d'État, dans sa décision, ait rattaché la compétence « gestion des eaux pluviales » à l'« assainissement » plus qu'à la compétence « eau » puisqu'il l'attribue à la compétence « eau et assainissement » dans sa globalité, en application du a) du 5° du I de l'article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur.

Par ailleurs, le service public de gestion des eaux pluviales urbaines est définie aux articles L. 2226-1 et L. 2226-2 du code général des collectivités territoriales et est distinct de celui de l'assainissement. Et les articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales relatifs au service public de l'assainissement ne font référence qu'aux eaux usées et non aux eaux pluviales.

Enfin, la nature et le régime juridique de ces deux services publics sont différents :

- la gestion des eaux pluviales urbaines correspond à un service public administratif, dont le financement repose sur le budget général de la collectivité compétente, aucune recette spécifique ne lui étant attribuée ;

- le service public de l'assainissement est un service public industriel et commercial et est financé, à ce titre, par un budget annexe équilibré par les redevances acquittées par les usagers.

Pour résoudre cette difficulté réelle, la direction générale des collectivités locales a précisé, dans sa circulaire précitée du 18 septembre 2017, que les modalités de financement du service public de gestion des eaux pluviales urbaines n'étaient pas remises en cause par son rattachement à la compétence « assainissement » et qu'il reviendrait à l'organe délibérant de l'EPCI compétent en matière d'assainissement de fixer forfaitairement la proportion des charges de fonctionnement et d'investissement qui fera l'objet d'une participation du budget général versé au budget annexe du service public d'assainissement au titre de la gestion des eaux pluviales.

Il existe néanmoins une incertitude juridique sur la notion d'« aires urbaines » que la réponse de l'ancienne secrétaire d'État chargée des collectivités territoriales, Mme Estelle Grelier, à une question orale posée par notre ancien collègue Maurice Vincent ne semble pas complètement dissiper. La ministre indiquait en effet que « lorsque la loi mentionne la gestion des eaux pluviales urbaines, il faut entendre la gestion des eaux pluviales dans les zones urbanisées et à urbaniser, qui peuvent à leur tour se définir comme les zones couvertes par un document d'urbanisme. Il en résulte que la gestion des eaux pluviales doit être assurée par les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'assainissement, y compris lorsqu'ils sont situés en zone rurale, pour la partie de leur territoire classée dans une zone constructible par un document d'urbanisme ». En d'autres termes, le rattachement de la « gestion des eaux pluviales » à l'assainissement ne serait opérationnel que dans les zones faisant l'objet d'un document d'urbanisme, et ne s'appliquerait donc pas aux zones agricoles, aux zones naturelles et aux territoires relevant d'un règlement national d'urbanisme (RNU). Telle est également l'interprétation de notre collègue députée Émilie Chalas, rapporteure de l'Assemblée nationale. Ceci soulève des difficultés évidentes de partage, au sein d'une même intercommunalité, des espaces dans lesquels les eaux pluviales seraient rattachées à l'assainissement des autres territoires.

Enfin, le rattachement de la gestion des eaux pluviales urbaines à l'assainissement soulève également des difficultés techniques . Si, dans certains territoires, il existe une cohérence entre les réseaux d'assainissement et les réseaux d'eaux pluviales, dans d'autres, la gestion des eaux pluviales peut être plus efficacement assurée en lien avec d'autres compétences, comme la gestion de la voirie qui peut d'ailleurs relever d'autres échelons territoriaux, comme les départements, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), la gestion des espaces verts ou encore l'urbanisme. Selon des données de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement de 2008, les réseaux séparatifs représenteraient environ les deux tiers des réseaux, le tiers restant étant des réseaux unitaires qui tendraient à se réduire.

2. Le rattachement non justifié de la « gestion des eaux de ruissellement » à l'« assainissement »

Les difficultés soulevées précédemment s'appliquent également au rattachement de la « gestion des eaux de ruissellement » à la compétence « assainissement ».

Sous couvert de précision et de coordination avec la jurisprudence du Conseil d'État, la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale va au-delà en rattachant, sans le justifier, la gestion des eaux de ruissellement à la compétence « assainissement ». Or il n'en est rien puisque le Conseil d'État n'a pas abordé la question du rattachement des eaux de ruissellement à l'assainissement et s'est prononcé uniquement sur celle des eaux pluviales.

Il convient en effet de distinguer eaux pluviales et eaux de ruissellement. Au cours de l'examen de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations , notre collègue Mathieu Darnaud a relevé que : « Les inondations par ruissellement se produis [ai] ent lorsque, à la suite d'un événement pluvieux plus ou moins exceptionnel, les facteurs qui concour[ai]ent habituellement à l'évacuation des eaux (évaporation, infiltration dans le sol, écoulement naturel vers un cours d'eau ou vers la mer, évacuation par les réseaux d'assainissement des eaux usées ou par des réseaux séparés) ne suffis[ai]ent plus . Outre l'intensité de la pluie, la topographie, l'état du sol (sécheresse ou gel, artificialisation, pratiques agricoles réduisant les capacités de rétention et d'infiltration des eaux...), l'insuffisance des réseaux d'évacuation ou encore l'urbanisation des chemins naturels d'évacuation des eaux peuvent aggraver le phénomène. »

Face à ce constat, notre collègue a souligné la nécessité de donner aux communes et aux EPCI à fiscalité propre les moyens de mieux maîtriser le ruissellement des eaux et ses effets, afin de concourir à la prévention des inondations via des investissements divers destinés à mieux réguler les écoulements 12 ( * ) . Votre commission s'était d'ailleurs interrogée sur l'opportunité d'élargir le périmètre de la compétence « Gemapi » à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, ainsi qu'à la lutte contre l'érosion des sols. Estimant difficile d'élargir une compétence quelques semaines avant son transfert obligatoire aux EPCI à fiscalité propre mais considérant que cette question mériterait d'être abordée ultérieurement, elle avait finalement opté pour un élargissement des possibilités d'affectation de la taxe « Gemapi » au financement des opérations et équipements de maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement et de lutte contre l'érosion des sols, réalisés en application du 4° du I de l'article L. 211-7 du code de l'environnement 13 ( * ) . Cet article n'a cependant pas été retenu dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

L'article 7 de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 précitée prévoit finalement la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement aux fins de prévention des inondations, abordant notamment la question de l'amélioration « du financement des opérations et équipements concourant à la prévention des inondations par la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ». Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ce rapport, qui aurait dû être remis fin février 2018, serait encore en cours de rédaction, ne permettant pas d'éclairer le Parlement sur cette question.

Il en ressort qu'en raison de ses conséquences, la gestion des eaux de ruissellement pourrait plutôt relever de la compétence « Gemapi » que de l'assainissement, constat partagé par plusieurs personnes entendues par votre rapporteur.

3. La position de votre commission

Comme pour l'article 1 er , les réalités diverses des communautés de communes et de la plupart des communautés d'agglomération ne justifient pas dans tous les cas l'unification des compétences « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines ». Il convient de laisser la plus grande souplesse aux élus locaux pour définir au mieux l'organisation qui leur paraît la plus pertinente, au vu des réalités locales.

C'est pourquoi, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-39 , qui reprend l'article 4 de la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes précitée, selon lequel le transfert de la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » serait laissé à la libre appréciation des communes membres des intercommunalités, afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire.

Ainsi, sans remettre en cause le rattachement, bien que discutable, de cette compétence à l'assainissement, cette faculté favoriserait une sécabilité limitée laissée à la libre appréciation des élus locaux. Il ne s'appliquerait en revanche qu'aux communautés de communes et aux communautés d'agglomération, non aux communautés urbaines et aux métropoles pour lesquelles la question ne se pose pas.

Par voie de conséquence, ce même amendement prévoit également de supprimer l'inclusion de la gestion des eaux de ruissellement au sein de l'assainissement pour ces mêmes catégories juridiques d'intercommunalités, dont la justification est encore moins évidente. Votre commission invite en outre le Gouvernement à remettre le rapport prévu à l'article 7 de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 précitée afin d'éclairer le Parlement sur cette question et trouver les solutions les plus adaptées. Il convient de rappeler que seront prochainement organisées les Assises de l'Eau, réunissant les principaux acteurs de la filière de l'eau, qui devraient aborder plusieurs problématiques dont celles liées au financement de la gestion des eaux pluviales et de ruissellement. Les conclusions de ces Assises permettront au législateur de disposer d'éléments complémentaires sur ces questions.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. L. 5214-21 et L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales) - Assouplissement des règles de représentation-substitution des communes par les communautés de communes et d'agglomération au sein de syndicats compétents en matière d'« eau » et d'« assainissement »

L'article 3 de la proposition de loi tend à assouplir les règles de représentation-substitution des communes par les communautés de communes ou d'agglomération dont elles sont membres au sein des syndicats exerçant les compétences « eau » et « assainissement ».

Aujourd'hui, lorsqu'un syndicat intercommunal exerçant la compétence « eau » ou « assainissement » regroupe des communes appartenant à au moins trois EPCI à fiscalité propre différents à la date de transfert de cette compétence, l'intercommunalité se substitue, au sein du syndicat, aux communes qui la composent 14 ( * ) . Ce mécanisme ne modifie pas les attributions du syndicat de communes, qui devient alors un syndicat mixte au sens de l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales, non plus que le périmètre dans lequel ce syndicat exerce ses compétences.

Si elle ne souhaite pas se maintenir au sein d'un syndicat mixte compétent en matière d'« eau » ou d'« assainissement », la communauté de communes ou la communauté d'agglomération peut être autorisée par le représentant de l'État dans le département, après avis de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) à se retirer dudit syndicat, au 1 er janvier de l'année suivant la date du transfert de la compétence.

En revanche, lorsqu'un syndicat exerçant la compétence « eau » ou « assainissement » regroupe des communes appartenant à un ou deux EPCI à fiscalité propre dont l'un ou les deux se voient attribuer la compétence « eau » ou « assainissement », le transfert de l'une ou de l'autre de ces compétences à cet ou ces EPCI à fiscalité propre emporte automatiquement le retrait des communes membres de l'EPCI à fiscalité propre dudit syndicat, pour la ou les compétences correspondantes.

Enfin, lorsqu'un EPCI à fiscalité propre a un périmètre identique à celui d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte, il est substitué de plein droit à ce syndicat pour la totalité des compétences exercées. Il en est de même si le périmètre d'un syndicat est inclus dans celui de l'EPCI à fiscalité propre.

Ainsi, le droit en vigueur se résume de la façon suivante :

Mécanisme de représentation-substitution au sein des syndicats compétents en matière d'« eau » et d'« assainissement »

Syndicat comportant des communes appartenant
à au moins trois EPCI
à fiscalité propre

Substitution de l'EPCI à fiscalité propre bénéficiant
du transfert de la compétence « eau »
ou « assainissement » à ses communes membres
au sein du syndicat intercommunal ou mixte.

Syndicat comportant des communes appartenant
à un ou deux EPCI
à fiscalité propre

Retrait des communes membres du syndicat intercommunal ou mixte lorsqu'il y a transfert d'une compétence à l'EPCI à fiscalité propre dont elles sont membres, pour la compétence correspondante.
Dans ce cas, le mécanisme de représentation-substitution
ne s'applique pas.

Source : commission des lois du Sénat

L'objectif de cette disposition visait initialement à réduire le nombre de syndicats intercommunaux compétents en matière d'« eau » et d'« assainissement ».

Le texte initial de la proposition de loi tendait à supprimer ces dispositions spécifiques à l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » propres aux communautés de communes, en application de l'article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales, au bénéfice de l'application du droit commun de la représentation-substitution. Ainsi, les communautés de communes se substitueraient à leurs communes membres au sein d'un syndicat intercommunal ou mixte, sans condition de nombre minimum d'EPCI à fiscalité propre y participant, mettant ainsi fin à la distinction entre « au moins trois » et « au plus deux » EPCI au sein de tels syndicats.

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a étendu ce dispositif à l'article L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales, applicable aux communautés d'agglomération. Par cet élargissement, il s'agit de préserver les syndicats existants et d'assurer la continuité des services qu'ils rendent à leurs usagers, ce dont se félicite votre commission.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Intitulé de la proposition de loi

Par cohérence avec l'adoption des amendements COM-38, COM-3, COM-14 et COM-33 maintenant, à l'article 1 er , les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et d'agglomération, votre commission a adopté les amendements identiques COM-37 de son rapporteur, COM-29 de Maryse Carrère et COM-32 d'Alain Marc modifiant l'intitulé de la proposition de loi pour y mentionner explicitement les communautés d'agglomération.

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


* 11 CE, 4 décembre 2013, Communauté urbaine « Marseille Provence Métropole », n° 349614.

* 12 Travaux de terrassement, creusement de noues et de fossés, modification du revêtement de la voirie, plantations et végétalisation des surfaces, développement des réseaux d'évacuation et de traitement, etc .

* 13 Article 9 de la proposition de loi n° 164 (2017-2018) dont est issue la loi n° 2017-1838 précitée.

* 14 Deuxième alinéa du II de l'article L. 5214-21 du code général des collectivités territoriales pour les communautés de communes ; IV de l'article L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales pour les communautés d'agglomération.

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