III. LA TAXE DE 3 % SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES : UNE RÉPONSE IMPARFAITE MAIS NÉCESSAIRE, QUI DOIT NÉANMOINS ÊTRE NEUTRE POUR LES ENTREPRISES DÉJÀ IMPOSÉES SUR LEURS BÉNÉFICES À JUSTE PROPORTION DE LA VALEUR CRÉÉE

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE COM(2018) 148 FINAL RELATIVE À LA TAXE SUR LES SERVICES NUMÉRIQUES (TSN)

La proposition de directive COM(2018) 148 final est présentée par la Commission européenne comme une solution provisoire , dans l'attente de la réforme globale de l'imposition des bénéfices, et afin d'éviter la multiplication d'initiatives unilatérales au niveau des États membres.

Elle vise à instituer une taxe sur les services numériques (TSN). Il s'agirait d'une taxe indirecte assise sur le chiffre d'affaires tiré de certaines activités numériques , qui échappent aujourd'hui, dans une large mesure, à l'impôt sur les bénéfices des sociétés.

Seraient ainsi considérés comme « produits imposables » les produits tirés des activités suivantes, visées à l'article 3 :

- la vente d'espaces publicitaires en ligne à destination des utilisateurs ;

- les activités d'intermédiation facilitant la vente ou l'échange de biens ou de services entre utilisateurs ;

- la vente de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs .

Ces activités ont pour caractéristique commune de donner une place essentielle aux utilisateurs dans la création de valeur, y compris en l'absence de transaction commerciale directe 22 ( * ) .

La TSN serait perçue au profit des États membres dans lesquels se trouvent les utilisateurs et collectée par l'intermédiaire d'un guichet unique analogue à celui qui existe en matière de TVA : toutes les obligations (identification, déclaration, paiement) pourraient être accomplies en une seule fois, dans un seul État membre au choix de l'entreprise assujettie (« l'État membre d'identification »), charge à ce dernier de répartir ensuite le produit de la TSN entre les différents États membres 23 ( * ) . La procédure serait déclarative : il appartient à l'assujetti de calculer la taxe dont il est redevable et d'effectuer la déclaration et le paiement, dans les trente jours suivant la fin de la période concernée.

Afin de ne toucher ni les « jeunes pousses » ni les entreprises en phase de croissance, cette taxe s'appliquerait aux seules entreprises (groupe ou entité) dont le chiffre d'affaires consolidé serait supérieur aux deux seuils cumulatifs suivants :

- 750 millions d'euros de chiffre d'affaires au niveau mondial , toutes activités confondues ;

- 50 millions d'euros de chiffre d'affaires au niveau de l'Union européenne résultant des activités imposables au sens de la directive (cf. supra ).

Afin de réduire les cas éventuels de double imposition , lorsque les mêmes produits sont soumis à la TSN et à l'impôt sur les sociétés, la TSN serait déductible en tant que charge de l'assiette de l'impôt sur les sociétés acquitté par l'entreprise , que les deux taxes soient payées dans le même État membre ou dans différents États membres. Dans la mesure où la définition des charges déductibles relève de la compétence des États membres, cette disposition ne figure toutefois pas dans le dispositif lui-même.

Le taux proposé est de 3 % , ce qui pourrait permettre de rapporter, d'après les estimations de la Commission européenne, environ 5 milliards d'euros à l'ensemble des États membres .


* 22 Sur la question du « travail gratuit » des utilisateurs de services numériques, voir notamment le rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin de janvier 2013, au titre de la mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique.

* 23 La proposition de directive prévoit également des mécanismes d'échange d'informations entre les États membres auxquels la taxe est due.

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