II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La situation financière de l'AFITF demeure très fragile en dépit de la « pause » sur les grands projets d'infrastructure annoncée par le Gouvernement

En 2017, l'AFITF a perçu 2 400,2 millions d'euros de recettes affectées : 351,0 millions d'euros au titre de la redevance domaniale autoroutière (soit + 20,9 millions d'euros par rapport à 2016), 515,8 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire (soit + 3,4 millions d'euros par rapport à 2016), 408,9 millions d'euros de produit des amendes radars (soit + 37,3 millions d'euros par rapport à 2016) et 1 124 millions d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), contre 763,5 millions d'euros en 2016, 339 millions d'euros de TICPE ayant été alloués au remboursement anticipé des dettes Dailly du contrat de partenariat relatif à l'écotaxe poids lourds dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017.

À noter que l'AFITF n'a pas bénéficié en 2017, contrairement aux années précédentes, du versement de la troisième et dernière tranche de 100 millions d'euros au titre de la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes prévue dans le cadre du premier plan de relance autoroutier. Ce versement devrait intervenir en 2018. Pour mémoire, le montant total de cette contribution est de 1,2 milliard d'euros , dont 100 millions d'euros par an entre 2016 et 2018, le solde étant étalé d'ici la fin des concessions, au moyen de 20 annuités de 60 millions d'euros .

Les ressources de l'AFITF
sur la période 2014-2017

Source : Cour des comptes et AFITF

Toujours en 2017, l'AFITF a dépensé 1 944,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) , alors que son budget initial s'élevait à 3 220,4 millions d'euros, soit une forte diminution de 1 276,2 millions d'euros : c'est là la conséquence directe de la « pause » sur les grands projets d'infrastructure annoncée par le Président de la République le 1 er juillet 2017.

Les crédits engagés par l'AFITF en 2017 sont également en forte baisse de 530,2 millions d'euros lorsqu'on les compare aux 2 474,4 millions d'euros de 2016.

Ce recul concerne tous les modes de transport , à l'exception des transports collectifs (+41,6 millions d'euros), dont les engagements sont passés de 229,8 millions d'euros en 2016 à 271,4 millions d'euros en 2017, tant pour les projets d'infrastructures de transport collectif en Île-de-France que pour les projets en régions.

Les engagements routiers sont pour leur part passés de 1 083 millions d'euros en 2016 à 728 millions d'euros en 2017, soit une baisse de 355 millions d'euros . Si l'engagement complémentaire de 290 millions d'euros en faveur de la nouvelle route du littoral à La Réunion en 2016 était exceptionnel, ce recul traduit également de moindres engagements sur les CPER, sur des opérations de développement telles que l'A45 (report de l'engagement en 2018) ou bien encore sur le réseau existant.

Alors que les engagements en faveur du mode ferroviaire avaient connu un triplement en 2016 , en particulier avec l'engagement de 720 millions d'euros pour l'achat de matériel roulant en faveur des lignes Paris-Cherbourg et Paris-Le Havre , en vertu de l'accord conclu entre la région Normandie et l'État dans le cadre du transfert à cette région de ces deux lignes de trains d'équilibre du territoire-TET (voir infra ), ils ont diminué de 198 millions d'euros en 2017.

Ils sont ainsi passés de 1 024,5 millions d'euros en 2016 à 826,3 millions d'euros en 2017 malgré un nouvel engagement de 364,1 millions d'euros au titre du matériel roulant des TET, de 132,9 millions d'euros pour le projet Lyon-Turin ou bien encore de 89,9 millions d'euros pour l'électrification de la ligne Serqueux-Gisors.

À noter également la nouvelle baisse des engagements en faveur du mode de transport fluvial passés de 88 millions d'euros en 2015 à 76,9 millions d'euros en 2016 puis 72,2 millions d'euros en 2017 , en raison de l'absence d'engagements nouveaux au profit du projet de canal Seine-Nord Europe.

En ce qui concerne les crédits de paiement , et si l'on exclut les dépenses liées à l'écotaxe poids lourds, la montée en puissance de l'AFITF est très nette ces dernières années, avec 1 714,7 millions d'euros dépensés en 2014, 1 754,5 millions d'euros en 2016, 1 972,4 millions d'euros en 2016 et 2 106,8 millions d'euros en 2017 , soit 134 millions d'euros supplémentaires consommés par rapport à l'année précédente.

Cette hausse des dépenses est principalement liée aux grands projets ferroviaires et routiers .

En matière ferroviaire, les dépenses ont ainsi atteint 964,5 millions d'euros en 2017, soit 144,1 millions d'euros de plus qu'en 2016, en raison des versements consentis en faveur de 5 grands projets structurants :

- la LGV Sud Europe Atlantique , pour laquelle l'AFITF a versé à SNCF Réseau une subvention d'investissement de 252,6 millions d'euros ;

- la LGV Bretagne Pays-de-la-Loire , pour laquelle l'AFITF a payé la première année du loyer immobilier dû par SNCF Réseau au titulaire du contrat de partenariat pour un montant de 64,6 millions d'euros ;

- le contournement Nîmes-Montpellier , pour lequel l'AFITF a payé la première année du loyer immobilier dû par SNCF Réseau au titulaire du contrat de partenariat pour un montant de 22,7 millions d'euros ;

- le tunnel ferroviaire Lyon-Turin , auquel l'AFITF a consacré 61,2 millions d'euros afin que la société de projet puisse poursuivre ses travaux de reconnaissance en attendant le lancement des travaux définitifs ;

- l'acquisition du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET), pour un montant de 246,2 millions d'euros .

En matière routière, les crédits de paiement consommés ont atteint 811,4 millions d'euros en 2017, soit 32,4 millions d'euros de plus qu'en 2016.

Cette augmentation est directement liée au financement de la nouvelle route du littoral à La Réunion ( 100 millions d'euros , soit + 79,7 millions d'euros ), alors que les autres dépenses routières sont en baisse (-18,9 millions d'euros pour la régénération, - 16,7 millions d'euros pour la sécurité des tunnels).

L'AFITF a également accéléré en 2017 son désendettement vis-à-vis de SNCF Réseau , puisque le montant de la dette dont elle doit s'acquitter auprès de l'opérateur du réseau ferré national, née du besoin de financement de la seconde phase de la LGV Est et de la LGV Sud Europe Atlantique, a diminué de 232,5 millions d'euros en 2017 pour atteindre 228,5 millions d'euros . Il s'agit là d'un effort de réduction important puisque cette dette représentait encore 745,7 millions d'euros fin 2015 et 460,9 millions d'euros fin 2016.

En dépit de ce progrès significatif, les « restes à payer » de l'AFITF représentent toujours 12,0 milliards d'euros , en légère baisse de 210 millions d'euros par rapport à 2016.

Ils sont concentrés sur le mode ferroviaire, qui représente 63 % de leur total , et présentent pour une partie d'entre eux une grande rigidité car mis en oeuvre dans le cadre de contrats de partenariat public-privé , avec, par exemple, 335,4 millions d'euros dus sur la subvention initiale d'investissement de la LGV Sud Europe Atlantique, 2,0 milliards d'euros pour la couverture des loyers immobiliers de la LGV Bretagne Pays-de-la-Loire ou bien encore 2,3 milliards d'euros pour la couverture des loyers immobiliers du contournement Nîmes-Montpellier.

Évolution des restes à payer de l'AFITF,
corrigés de l'écotaxe poids lourds (2005-2017)

Source : AFITF

A ces montants déjà connus vont s'ajouter la poursuite de la prise en charge du renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET) transférés aux régions, évaluée à 3,5 milliards d'euros au total (seuls 1,7 milliards d'euros avaient été engagés à la fin de l'année 2017) ou bien encore le financement du projet ferroviaire Lyon-Turin et du Canal Seine-Nord Europe .

Au total, la situation financière de l'AFITF demeure très précaire et il apparaît clairement qu'elle va devoir continuer à faire face dans les années à venir à une véritable « bosse de financement » , que le Gouvernement a commencé à prendre en compte en majorant la trajectoire de dépenses de l'AFTIF dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, avec 2,4 milliards d'euros en 2018, 2,5 milliards d'euros en 2019 et 2020 puis 2,4 milliards d'euros en 2021 et 2022, soit un total de 12,2 milliards d'euros entre 2018 et 2020.

2. Les crédits en faveur de l'entretien du réseau routier non concédé, qui s'était dégradé ces dernières années, ont diminué en 2017 mais restent à un niveau élevé

Alors que le réseau routier non concédé subissait un vieillissement de plus en plus préoccupant , les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience ces dernières années de la nécessité de faire de l'entretien et de la régénération des chaussées une véritable priorité .

Mais, alors que les dépenses de l'État en faveur du mode de transport routier avaient atteint 1 322,2 millions d'euros en AE et 1 362,2 millions d'euros en CP en 2016, ils ont représenté 1 241,6 millions d'euros en AE et 1 299,2 millions d'euros en CP en 2017, soit une baisse de 80,6 millions d'euros en AE et de 62,8 millions d'euros en CP.

Après leur forte progression de ces dernières années (elles étaient passées de 337,7 millions d'euros en 2014 à 401,5 millions d'euros en 2015 puis 486,9 millions d'euros en 2016), les dépenses en matière d'entretien routier ont diminué de 44 millions d'euros en 2017 pour s'établir à 442,8 millions d'euros .

Cette baisse s'explique principalement par un très fort recul de -23,6 millions d'euros des crédits de mise en sécurité des tunnels, qui sont passés de 147,3 millions d'euros en 2012 à 39,1 millions d'euros en 2017.

Les dépenses de régénération du réseau routier se sont pour leur part stabilisées à 276,8 millions d'euros , soit un niveau très proche de celui de 2016.

Pour mémoire, les moyens consacrés à la régénération avaient été multipliés par 2,6 entre 2012 et 2016 , notamment grâce aux crédits du plan de relance de l'entretien routier de 120 millions d'euros porté par le précédent Gouvernement et financé par l'AFITF : il est en effet important de maintenir ce niveau d'investissements dans le temps pour permettre à notre réseau routier de retrouver un haut niveau de performance.

La nouvelle baisse de 4,9 millions d'euros des crédits dévolus à l'entretien préventif des chaussées ne va en revanche pas dans le bon sens : elle fait suite à des diminutions de crédits de 11,5 millions d'euros en 2016, 6,2 millions d'euros en 2015 et 7,3 millions d'euros en 2014, si bien que leur montant se limite désormais à 35,6 millions d'euros .

3. Le quasi-doublement en 2017 des dépenses de la Société du Grand Paris témoigne de la montée en puissance du chantier du Grand Paris Express, avec le début de la construction de la ligne 15 sud

Les dépenses de la Société du Grand Paris, qui étaient de 292 millions d'euros en 2014, de 563 millions d'euros en 2015 et de 909 millions d'euros en 2016 se sont élevées à 1 782 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 96,0 % qui correspond à un quasi-doublement .

Ses recettes se sont élevées à 539 millions d'euros , en croissance de + 1,3 % par rapport aux 532 millions d'euros de 2016 et de + 3,9 % par rapport aux 519 millions d'euros de 2015, mais en retrait de 60 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales. Elles proviennent principalement du produit de trois taxes affectées : la taxe annuelle sur les surfaces à usage de bureaux, la taxe spéciale d'équipement et l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER.

À noter également que la SGP a souscrit son premier emprunt au cours de l'année 2017, pour un montant de 700 millions d'euros , ses dépenses dépassant désormais largement ses recettes et son fonds de roulement étant épuisé.

Les dépenses d'investissement de la SGP, qui étaient passées de 180,1 millions d'euros en 2014 à 261,1 millions d'euros en 2015, puis à 483 millions d'euros en 2016, soit une hausse de 85 % , ont augmenté de 127 % en 2017 pour atteindre 1 098 millions d'euros , un niveau supérieur de 42 millions d'euros à celui qui était prévu par le budget initial de l'opérateur.

Ces dépenses d'investissement comprennent principalement les dépenses liées aux acquisitions foncières (172 millions d'euros), les études de maîtrise d'oeuvre , les travaux de déviation des réseaux et les autres travaux préparatoires, ainsi que les premiers travaux de génie civil .

En 2017, ce sont les chantiers et réalisations en faveur de la ligne 15 sud qui ont concentré la majorité des dépenses d'investissement de la SGP, puisque celle-ci leur a consacré 761 millions d'euros .

Il ne s'agit là que d'un début puisque les investissements annuels de la SGP devraient représenter entre 2 et 3 milliards d'euros de 2018 à 2025, avec un pic à 3,5 milliards d'euros en 2019.

La réévaluation à l'automne dernier des coûts à la charge de la SGP à 38,5 milliards d'euros en valeur 2012 a toutefois conduit le Gouvernement à annoncer le 22 février 2018 un décalage de la mise en service de certaines lignes ou portions de ligne. Il est dorénavant prévu que les dépenses de la SGP représentent 16 milliards d'euros sur la période 2018-2022 .

En outre, une mission a été confiée début 2018 par le Gouvernement à notre collègue député Gilles Carrez (Les Républicains, Val-de-Marne), afin d'identifier de nouvelles recettes pour financer le projet .

4. Voies navigables de France a maintenu en 2017 un niveau d'investissement relativement important en dépit d'une nouvelle diminution de sa subvention pour charges de service public

Voies navigables de France (VNF) , établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé des transports, a pour mission la gestion des voies navigables au nom de l'État . Il bénéficie à ce titre d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 203.

Alors que la loi de finances initiale avait prévu que cette somme s'élèverait à 251,4 millions d'euros en 2017, elle s'est finalement limitée à 244,6 millions d'euros , soit un niveau quasiment identique à celui de 2016. Cette réduction correspond aux 6,8 millions d'euros de la réserve de précaution sur la subvention de VNF , qui a fait l'objet d'une annulation en cours de gestion.

Si VNF a perçu 136,8 millions d'euros au titre de la taxe hydraulique, 4,0 millions d'euros ont été rétrocédés au budget général en raison du plafonnement de la taxe fixé à 132,8 millions d'euros . VNF a également perçu 28,2 millions d'euros au titre de ses redevances domaniales et 13,6 millions d'euros de recettes issues de péages.

VNF a bénéficié en 2017 de 70 millions d'euros de subventions de l'AFITF au titre de la restauration et de la modernisation du réseau fluvial . S'il est important, ce chiffre est néanmoins en recul par rapport aux 94,5 millions apportées par l'AFITF à VNF en 2016 grâce au plan de relance de l'investissement pour l'entretien du réseau routier et fluvial qui avait été annoncé par le précédent Gouvernement le 8 février 2016.

Le niveau d'investissements en faveur des infrastructures a représenté 135,8 millions d'euros en 2017, dont 30,3 millions d'euros pour la remise en état du réseau à grand gabarit , 29,2 millions d'euros pour la modernisation des méthodes d'exploitation , 27,6 millions d'euros pour la protection de l'environnement et la sécurité et 8,2 millions d'euros pour le partenariat public-privé des barrages Aisne-Meuse .

Mais, selon les responsables de l'établissement public, que votre rapporteur spécial avait entendus lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, les investissements actuellement consentis pour la régénération, la modernisation et le développement de nos voies navigables demeurent insuffisants pour maintenir le réseau en état et empêcher son vieillissement : selon eux, 230 millions d'euros par an pendant 10 ans seraient nécessaire pour permettre une véritable remise en état et une régénération du réseau .

Consciente du problème, la ministre chargée des transports a demandé à la direction de l'établissement de faire réaliser un audit précis et indépendant du réseau pour vérifier si ce chiffre , avancé depuis quelques années, constitue toujours un reflet fidèle de la réalité et pour fournir des éléments de réflexion sur la hiérarchisation des besoins . Celui-ci devrait être disponible pour l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

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