B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une évolution des dépenses brouillée par le périmètre instable de la mission, en prévision comme en exécution

Hors programme 343 « Plan France Très haut débit », dont la logique budgétaire est particulière (cf. infra ), les crédits de la mission « Économie » exécutés en 2017 sont supérieurs de 102,7 % en CP aux crédits exécutés en 2016 , soit 3,5 milliards d'euros en 2016 contre 1,7 milliard d'euros en 2016.

Toutefois, ce quasi-doublement tient presque en totalité aux nouveaux changements de périmètre qui affectent la mission, à la fois en prévision et en cours d'exécution .

S'agissant de la programmation initiale, ces principaux mouvements sont :

- la prise en charge de la « compensation carbone » (116,7 millions d'euros) sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ». Créée en 2015 (cf. infra ), la compensation carbone était initialement rattachée au programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » ;

- le transfert à Bpifrance Assurance Export des garanties publiques au commerce extérieur (72,6 millions d'euros) , auparavant assurées par la Coface, qui seront à compter de 2017 financées par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Il ne s'agit toutefois que des modifications les plus importantes. La mission « Économie » se caractérise en effet par d'incessants changements de périmètre de faible ampleur , qui brouillent le suivi de ses crédits par les gestionnaires, le Parlement et le citoyen. L'année 2017 ne fait à cet égard pas exception.

À ces mesures de périmètre en loi de finances initiale sont venus s'ajouter d'importants mouvements en cours de gestion, dont un majeur, la recapitalisation d'Areva, à hauteur de 1,5 milliard d'euros en crédits de fonctionnement portés par le programme 134, par voie de décret d'avance. En outre, la compensation carbone , surévaluée au titre de l'exercice 2016, a été sous-évaluée au titre de l'exercice 2017 : son montant a dû être porté à 228,8 millions d'euros en cours de gestion.

Toutefois, ces importantes modifications de périmètre, dont la mission « Économie » est coutumière, masquent une légère baisse des dépenses à périmètre constant : entre 2016 et 2017, les AE diminuent en effet de 2,2 % et les CP de 1 % .

Si cet effort pris dans son ensemble doit être salué, il appelle cependant quelques réserves quant à sa répartition entre les différentes composantes de la dépense. Ainsi :

- l'essentiel des économies pèse en réalité sur les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises , selon une logique de rabot plus que de remise à plat de l'action publique dans ce domaine ;

- les dépenses de personnel et de fonctionnement, où se trouvent des gisements d'économies structurelles, sont bien moins maîtrisées , du fait non seulement des rigidités inhérentes à ces catégories, mais aussi et surtout de la faiblesse du pilotage budgétaire face à des acteurs fragmentés.

Ceci étant dit, cette rigidité met a priori la mission « Économie » à l'abri de tout risque d'insoutenabilité à moyen terme : l'enjeu du pilotage de la dépense n'est pas tant d'assurer sa soutenabilité que de lutter contre son inertie .

2. Une réduction des dépenses d'intervention sans remise en cause de la logique de rabot

Compte tenu des rigidités inhérentes aux dépenses de personnel et de fonctionnement, accentuées par l'éclatement des structures, les efforts de la mission « Économie » reposent principalement, cette année encore, sur les dispositifs d'intervention en faveur des entreprises , regroupés au sein du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Les dispositifs en faveur des entreprises relevant du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme »

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Dispositif d'intervention

2015

2016

2017

Évolution 2015-2017

Aide au départ des commerçants

8,2

3,1

-100,0%

Associations de consommateurs

8,6

9,5

8,2

-4,7%

FISAC

12,3

21,5

3,6

-70,7%

Développement des PME

7,3

8,2

4,6

-37,0%

Mission des services à la personne

1

1

0,4

-60,0%

Subventions tourisme

2,6

1,4

6,1

134,6%

Subventions CTI

17,4

15,9

13,1

-24,7%

Subventions AFNOR

8,9

8,2

8,2

-7,9%

Subventions APCE

2,6

0,8

0

-100,0%

Agence France Entrepreneur

1,8

10

Subventions politique industrielle

30

22,2

17,8

-40,7%

Subventions à la Poste

1,4

1,3

1,4

0,0%

Subventions organismes internationaux

9,8

13,7

5,1

-48,0%

Mutations industrielles-constructions navales

2,2

0,6

-100,0%

COFRAC

0,2

0,2

0,2

0,0%

Bpifrance Garantie

26

23

12,8

-50,8%

Économie sociale et solidaire

3,6

3,3

Divers

2,7

0,4

Transport à la presse

130

119

121

-6,9%

TOTAL à périmètre constant

268,5

257,7

216,2

-19,5%

Bpifrance Assurance Export

13,9

Compensation carbone

228,8

Aide d'urgence à Saint Martin, Calais et Corse

8,7

TOTAL

268,5

257,7

467,6

74,2%

Entre 2015 et 2017, après retraitements, ces aides affichent une baisse de 19,5 %, passant de 268,5 millions d'euros à 216,2 millions d'euros .

Il convient en particulier de signaler la baisse tendancielle de la dotation et des projets financés par le Fisac (Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce), dont les dépenses effectivement engagées (9,8 millions d'euros en AE) sont désormais très inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (16,2 millions d'euros).

Évolution de la dotation et des dépenses du Fisac
(2010-2018)

(en AE, en millions d'euros)

Réforme du Fisac*

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution résulte notamment de la profonde réforme de 2014 88 ( * ) , consistant à passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, dans la limite de l'enveloppe budgétaire initiale, avec une gestion en AE ? CP. Ceci, dit, au-delà du changement de méthode de sélection des dossiers, il existe bien une volonté de réduire l'enveloppe financière globale consacrée par l'État à la lutte contre la désertification et la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. De fait, 10 millions d'euros pour près de 65 millions d'habitants représente une somme très modeste. Dès lors, deux solutions sont envisageables à la place du statu quo :

- soit la réforme du Fisac fait ses preuves , et démontre qu'il est possible de financer des projets pertinents, sans effets d'aubaine et avec des résultats tangibles sur l'aménagement du territoire, et alors il conviendra d'augmenter sensiblement les moyens du fonds - au besoin en mettant fin à d'autres dispositifs moins efficaces. C'est notamment à cet effet que le Sénat avait adopté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement tendant à porter les crédits du Fisac à 30 millions d'euros , afin de redonner à cet outil les moyens de ses ambitions ;

- soit la réforme de 2014 ne permet pas d'apporter les bonnes réponses , et alors, plutôt que de conserver un dispositif devenu anecdotique, ses crédits devront être transférés directement à d'autres acteurs, le cas échéant au niveau local, à qui reviendrait l'initiative de financer les projets , ce qui aurait au moins le mérite d'éviter la lourdeur de la double instruction des dossiers.

D'une manière générale, l'effort fourni par le programme 134 répond cette année encore à une logique de « rabot » plutôt qu'à une politique volontariste de rationalisation et de sélection de ces multiples dispositifs .

En effet, le programme 134 de la mission « Économie » se caractérise par une multiplicité de dispositifs d'aide , très éclatés, ayant chacun des objectifs différents et des modalités d'intervention variées (subventions directes et indirectes, prêts, actions de communication etc.). Il résulte de cette sédimentation historique une gestion « en silo », des objectifs mal évalués , des interventions parfois concurrentes, parfois insuffisantes, mais toujours mal coordonnées. L'architecture fragmentée du programme complique le pilotage budgétaire, et ceci d'autant que ces aides sont souvent versées à de multiples intermédiaires, qui s'en font en retour les défenseurs auprès du législateur (réseaux consulaires, organismes professionnels, établissements publics etc.).

Il en résulte une faiblesse structurelle du pilotage budgétaire , les responsables « nominaux » devant bien souvent se contenter d'interventions ponctuelles sur tel ou tel élément, mais n'étant pas en mesure de fixer - et a fortiori de mettre en oeuvre - de réelles priorités. Pourtant, des possibilités d'économies existent encore sur certains dispositifs.

3. Les dépenses de personnel : une rigidité due à l'éclatement des structures

Les dépenses de personnel représentent à elles seules 54,9 % des crédits de la mission « Économie » à périmètre constant et 26,6 % à périmètre courant (hors programme 343), soit 920,2 millions d'euros en exécution pour l'année 2017. Elles sont réparties entre les programmes 220 et 305, qui portent les moyens humains de grandes structures administratives (l'Insee et la DG Trésor), et le programme 134, qui est un programme d'intervention mais porte aussi les crédits de personnel relatifs aux multiples structures chargées de mettre en oeuvre les différents dispositifs .

Certes, l'exécution 2016 des crédits de titre 2 est inférieure de 1,8 % à la prévision en loi de finances initiale , une diminution comparable à celle des années précédentes, et les plafonds d'emplois sont respectés : 12 299 ETPT en prévision et 12 022 ETPT en exécution pour l'État, et 2 612 ETPT en prévision et 2 551 ETPT en exécution pour les opérateurs.

Plafond d'emplois de la mission « Économie » pour les services de l'État

(en ETPT)

Programme

Exécution
2016

LFI
2017

Exécution 2017

Écart 2016/2017

Écart exécution/prévision

[134] Développement des entreprises et du tourisme

5 071

5 074

4 929

-2,8%

-2,9%

[220] Statistiques et études économiques

5 335

5 454

5 381

0,9%

-1,3%

[305] Stratégie économique et fiscale

1 616

1 629

1 581

-2,2%

-2,9%

TOTAL MISSION

12 022

12 157

11 891

-1,1%

-2,2%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ceci dit, la comparaison entre la prévision initiale et l'exécution ne doit pas masquer une très grande rigidité des dépenses de personnel constatées d'une année sur l'autre : ainsi, les crédits de titre 2 exécutés en 2017 sont en légère hausse de 0,8 % par rapport à 2016 , après une diminution très modérée de 0,1 % en 2015 et de 0,3 % en 2016.

Cette augmentation s'explique toutefois principalement par des mesures catégorielles transversales , et non pas spécifiques à la mission elle-même. L'année 2017 a en effet été marquée par la hausse de la valeur du point de la fonction publique, la hausse de l'indemnité mensuelle de technicité (IMT), et le dispositif « parcours professionnels carrières et rémunérations » (PPCR). En outre, l'indemnité de résidence à l'étranger des agents de la direction générale du Trésor concernés tend à augmenter , du fait du taux de change de l'euro.

Reste que l'on constate une hausse tendancielle de la part relative des dépenses de titre 2 au sein de la mission à périmètre constant, puisque les dépenses d'intervention diminuent progressivement.

Or, en toute logique, la réduction du format des interventions (s'agissant au moins du programme 134) devrait s'accompagner d'une réduction des effectifs qui en ont la charge, et de la masse salariale correspondante. En d'autres termes, il apparaît que l'État accorde de moins en moins d'aides, mais que celles-ci coûtent de plus en plus cher à gérer .

Cette rigidité inhérente aux dépenses de personnel laisse peu de marge aux gestionnaires de programme , et conduit ceux-ci à rechercher des économies sur les autres catégories de dépenses, et notamment les dépenses d'intervention (cf. supra ). On ne saurait toutefois se satisfaire de ce simple constat, qui reviendrait à ignorer deux pistes d'amélioration importantes :

- tout d'abord, il serait souhaitable que la surévaluation des crédits de titre 2 en loi de finances initiale prenne fin . L'exécution inférieure à la prévision mais quasi-stable par rapport à l'exécution de l'année précédente suggère que le pilotage pourrait être resserré. De même, il semble que les plafonds d'emplois, constamment respectés ces trois dernières années, ne soient pas une contrainte très forte , dans la mesure où le nombre d'agents n'est pas un déterminant majeur de la masse salariale de la mission (par rapport, notamment, aux repyramidages et au taux de change) ;

- ensuite , de véritables marges de manoeuvre sur le titre 2 pourraient être dégagées à condition qu' une politique volontariste de rationalisation des dispositifs et de mutualisation des moyens soit mise en place, en particulier pour les opérateurs et les AAI.

4. Des économies de fonctionnement importantes, en dépit de l'éclatement des structures

Hors programme 343 et après neutralisation de la recapitalisation d'Areva, les dépenses de fonctionnement de la mission « Économie » affichent une baisse de 10 % en CP par rapport à l'exécution 2016, et sont inférieures de 5,6 % à la prévision initiale. Elles représentent au total 27,4 % des crédits de la mission hors programme 343.

Cet effort doit être salué, dans la mesure où l'éclatement des structures qui caractérise la mission rend très complexe la réalisation d'économies transversales sur les dépenses de fonctionnement . De fait, ces dépenses étaient en hausse de 1,7 % en 2016 par rapport à 2015.

Ainsi, ce sont non seulement les crédits des structures relevant de l'État qui affichent un effort réel, grâce notamment à la dématérialisation des procédures, à l'amélioration de la politique d'achats ou encore de la politique immobilière, mais aussi les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs.

Cette baisse est presque intégralement portée par Business France , dont la SCSP est inférieure de 4,3 % à l'exécution 2016 et de 5,8 % à la prévision en loi de finances initiale. Celle-ci résulte non seulement des gains de productivité permis par la fusion en 2015 de l'Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance) et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), mais aussi et surtout de la volonté de diversification des recettes de cet opérateur - dont les recettes d'exploitation sont aujourd'hui supérieures aux subventions publiques.

Évolution des subventions aux opérateurs du programme 134

(crédits de titre 3) (en CP) (en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI
2017

Exécution 2017

Exé 2017 / Exé 2016

Exé 2017 / LFI 2017

ANFr - Agence nationale des fréquences

30,6

31,3

30,6

0%

-2,2%

Business France (fusion AFII et Ubifrance)

96,2

97,8

92,1

-4,3%

-5,8%

EPARECA - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

5,9

6

5,7

-3,4%

-5%

FNPCA - Fonds national de promotion du commerce et de l'artisanat

financement par une ressource affectée (9,9 M€ en 2016)

INPI - Institut national de la propriété industrielle

financement par une ressource affectée (171,1 M€ en 2016)

Total SCSP :

132,7

135,1

128,4

-3,2%

-5%

Seules sont mentionnées les subventions pour charges de service public (SCSP) du programme 134.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

5. La subvention à la Banque de France : l'épuisement des gisements d'économies ?

En revanche, la subvention à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État notamment au titre du secrétariat des commissions de surendettement 89 ( * ) , en baisse continue depuis plusieurs années, affiche cette année une hausse par rapport à l'exécution 2016, mais aussi par rapport à la prévision en loi de finances initiale (celle-ci était de 250 millions d'euros, comme en loi de finances initiale pour 2018).

Évolution de la subvention versée à la Banque de France

(en millions d'euros) (titre 3) (en AE = CP)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

316,64

316,73

304,62

290

279,5

251,56

259,84

250

Source : documents budgétaires et questionnaire budgétaire

Les années précédentes, la subvention avait pu être réduite du fait des gains de productivité réalisés par la Banque de France . Ces gains reposent sur la dématérialisation des procédures et l'accélération du traitement des dossiers les moins complexes, permis par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

La difficulté à identifier de nouveaux gisements d'économies se retrouve dans les indicateurs de performance . Ainsi, l'indicateur 4.1, qui mesure le délai moyen de traitement d'un dossier, fixait une cible de 3,7 mois pour 2017, mais celle-ci a dû être révisée en cours d'exercice (3,94 mois) et a finalement été largement dépassée (4,11 mois). Il en va de même pour le coût complet du traitement d'un dossier , mesuré par l'indicateur 4.3 : la prévision initiale de 2017, soit 883 euros, a dû être revue à la hausse à 926 euros, pour finalement s'établir à 1 033 euros. Compte tenu de cette exécution difficile, il est permis de douter que la prévision retenue pour 2018, soit 811 euros , puisse être atteinte - et encore moins celle de 752 euros, prévue pour 2020.

6. Le plan « France très haut débit » : des moyens effectivement mobilisés mais insuffisants au regard de l'ambition affichée

Le programme 343 porte une partie de la participation de l'État au financement du plan « France très haut débit » , qui s'élève à 3,3 milliards d'euros d'ici 2022 au total, soit la moitié du financement public engagé 90 ( * ) .

Le plan « France très haut débit »

Annoncé par le Premier ministre le 28 février 2013 dans le cadre de la feuille de route numérique du Gouvernement, le plan « France très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers couverts en 2017 .

Sont considérés comme des réseaux « très haut débit » les réseaux offrant un débit supérieur à 30 Mbits/seconde, y compris avec des technologies « cuivre » ou « câble coaxial » traditionnelles. Seuls les réseaux entièrement en fibre optique ( Fiber to the Home - FttH ) offrent un débit supérieur à 100 mégaoctets.

Le plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2022, ainsi répartis :

- 6 à 7 milliards d'euros dans les « zones d'initiative privée » , financés par les opérateurs. Ces zones dites « conventionnées » couvrent environ 10 % du territoire mais 57 % de la population dans les 3 600 communes les plus denses, et donc les plus rentables. Les opérateurs s'engagent à y déployer sur fonds propres des réseaux privés mutualisés entre tous les opérateurs ;

- 13 à 14 milliards d'euros dans les « zones d'initiative publique » . Ces zones moyennement ou peu denses, dites « non conventionnées », couvrent 43 % de la population. Y seront déployés des réseaux publics ouverts à tous les opérateurs, en FttH ou avec des technologies intermédiaires. Les réseaux d'initiative publique (RIP) seront financés à moitié par les opérateurs eux-mêmes (dans le cadre de co-financements), et à moitié par des subventions publiques (État, collectivités territoriales, Union européenne).

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire et le rapport annuel de la mission France très haut débit

Sur le plan budgétaire , la participation de l'État au plan « France Très haut débit » a d'abord été portée, à hauteur de 900 millions d'euros, par le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Depuis 2014, les crédits restants, soit un total de 2,1 milliards d'euros, sont inscrits sur le programme 343 « Plan France très haut débit » .

La loi de finances initiale prévoyait 409,5 millions d'euros en AE et aucun CP au titre de l'exercice 2017 . Les montants effectivement engagés ont été légèrement moins importants, à 394,3 millions d'euros en AE, mais cette moindre exécution s'explique essentiellement par les engagements plus rapides constatés en 2016, qui avaient nécessité d'importantes ouvertures d'AE en gestion. De fait, l'objectif d'une couverture intermédiaire de 50 % du territoire, prévu pour fin 2017, a été atteint dès la fin de l'année 2016 .

Ouverture des crédits sur le programme 343
« Plan France très haut débit »

(crédits de titre 6 - intervention) (en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Échéancier initial

AE

1 412

188

150

208

25

3

1,6

0

CP

220

561,95

571,59

372,85

Crédits
LFI

AE

1 412

188

409,5

208

CP

Crédits exécutés

AE

1 104

721,9

394,3

CP

-13

8,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires successifs.

Cet engagement plus rapide que prévu des AE n'est toutefois pas le signe d'une progression satisfaisante du plan France Très haut débit . Dans son rapport du 31 janvier 2017 sur le sujet 91 ( * ) , la Cour des Comptes estime plutôt que ces surcoûts sont le signe d'un dépassement important du coût total du Plan, évalué à 34,9 milliards d'euros au lieu de 20 milliards d'euros sur la période . Le rapport estime également que « si l'objectif de couverture intermédiaire (50 % en 2017) sera bien atteint, l'insuffisance du co-investissement privé compromet l'atteinte de l'objectif de 100 % en 2022 . Les juridictions financières appellent donc à actualiser les objectifs, à mieux prendre en compte les technologies alternatives à la fibre optique jusqu'à l'abonné, afin de construire un « mix technologique » moins coûteux, et à intégrer un objectif de haut débit minimal pour tous ».

En outre, ces chiffres nationaux dissimulent des réalités locales extrêmement hétérogènes, où les retards des procédures administratives s'ajoutent aux difficultés opérationnelles . Selon l'Agence du numérique, le déploiement d'un réseau d'initiative publique (RIP) peut prendre jusqu'à cinq ou six ans, toutes étapes confondues (diagnostic, adoption du schéma départemental d'aménagement numérique, préparation du projet, choix du constructeur et de l'exploitant, attribution des marchés, construction du réseau etc.). Sur le terrain, des délais plus longs encore sont parfois constatés pour chacune de ces phases .

De fait, dans les territoires urbains, le déploiement du très haut débit atteint même 66,2 % des locaux concernés en 2017, dont 55,4 % en FttH. En revanche, le déploiement des réseaux d'initiative publique dans les territoires ruraux est bien moins satisfaisant : seuls 31,2 % des ménages et locaux professionnels ont accès au très haut débit, dont une petite part seulement (5,5 %) peut bénéficier de la FttH .

Lors de la conférence nationale des territoires, le 17 juillet 2017, le Président de la République a réaffirmé l'objectif d'une couverture du territoire en très haut débit d'ici 2022 , notamment par la mobilisation de toutes les solutions technologiques en complément de la fibre optique, y compris le cas échéant des technologies non filaires telles que les fréquences hertziennes récemment libérées ou la 4G pour les zones où le déploiement de réseaux physiques est trop onéreux.

Si vos rapporteurs spéciaux saluent cette ambition renouvelée, ils appellent toutefois à ce que « l'objectif intermédiaire » d'un « bon haut débit pour tous » en 2020 (supérieure à 8 Mbits/seconde), annoncé le même jour par le Président de la République, n'ait pas pour effet de décaler à plus long terme l'objectif du très haut débit pour tous.

Surtout, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les annonces du Président de la République manquent à ce jour de garanties ou de perspectives précises dans quatre domaines :

- premièrement, l'ambition réaffirmée d'une couverture intégrale en très haut débit en 2022 ne s'accompagne d'aucun engagement financier supplémentaire , alors même que la Cour des comptes a identifié des risques de dépassements importants. Compte tenu de la contrainte budgétaire, vos rapporteurs spéciaux appellent à une nette accélération des procédures en cours, afin de tirer parti des conditions actuelles des marchés financiers, c'est-à-dire des taux relativement faibles encourageant les opérateurs et les investisseurs, notamment institutionnels, à investir dans des infrastructures de communication dont la rentabilité est de long terme ;

- deuxièmement, il conviendrait d'utiliser dès maintenant, lorsque nécessaire, la possibilité, créée par l'article 78 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants, le cas échéant assortis de sanctions financières pouvant atteindre 3 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'opérateur ;

- troisièmement, et surtout, il est impératif de ne pas perdre de vue que l'objectif ultime est bien la couverture intégrale du territoire en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH) , non pas seulement en « très haut débit », qui n'offre pas un débit suffisant pour le développement économique et donc la cohésion des territoires.


* 88 Dans le cadre de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE).

* 89 Le contrat de performance signé en 2011 entre l'État et la Banque de France prévoit un paiement au coût réel des prestations effectuées par la Banque de France pour le compte de l'État. Ces prestations sont : le secrétariat des commissions de surendettement ;  la tenue du compte du Trésor ; la mise en circulation des monnaies métalliques neuves ; l'organisation des séances d'adjudication des valeurs du Trésor ; la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers ; le secrétariat du comité monétaire de la zone franc.

* 90 Sur le plan budgétaire, la participation de l'État au plan « France très haut débit » est portée par deux outils :

- jusqu'en 2014, le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA), à hauteur de 900 millions d'euros ;

- depuis 2015, le programme 343 « Plan France très haut débit », qui prend le relais du FSN pour les financements restants, soit 2,1 milliards d'euros à horizon 2022.

* 91 Cour des Comptes, Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan, 31 janvier 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page