C. AU PRIX D'UNE GESTION DES CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE CONFRONTÉE AU POIDS DES NÉCESSITÉS

Le bouclage de l'exercice 2017 a été favorisé par des reports de charges, mais a également dû solliciter une recomposition des moyens au détriment du programme d'administration territoriale pour couvrir les impasses de financement du programme 216.

1. La sous-exécution des crédits prévus pour financer la vie politique

La loi de finances initiale (LFI) pour 2017 avait ouvert 3,100 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,106 milliards d'euros en crédits de paiement. Une fois pris en compte les mouvements de crédits opérés en gestion, les rattachements de fonds de concours et les attributions de produits, les dotations disponibles pour 2017 en crédits de paiement ont été portées à 3,179 milliards d'euros, soit, avec un plafond supérieur de 2 % au niveau voté en loi de finances initiale, une modification nette apparemment mineure, mais qui aurait pu entraîner un dépassement de la norme de dépense.

Cependant, finalement, la consommation des crédits a atteint 3,019 milliards d'euros, soit 95 % des autorisations finalement disponibles et un taux d'exécution de 97,2 % des seuls crédits votés en loi de finances initiale.

L'écart avec les dotations ouvertes (87 millions d'euros) provient surtout d'une sous-exécution des crédits du programme 232 provisionné pour assurer le financement de la vie politique.

Un déficit de consommation de 96,2 millions d'euros doit être constaté en fin de gestion sur ce programme, soit plus de 20 % des crédits disponibles.

2. Des modifications de crédits globalement modestes mais ponctuellement significatives

Appréciée à partir de leur valeur nette, les mesures prises au cours de l'exercice 2017 pour adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler de peu d'importance. Cependant, une fois décomposées, elles doivent être jugées plus significatives, ayant été mobilisées pour financer des impasses de budgétisation tôt diagnostiquées.

Mouvements et consommation de crédits de la mission en 2017

Source : Chorus-contrôle budgétaire et comptable ministériel, dans Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2017

Elles ont emprunté les deux vecteurs classiques que sont les mouvements réglementaires, d'un côté, et, de l'autre, les ajustements de la loi de finances rectificative de fin d'année.

Les premiers (hors rattachements de fonds de concours) ont porté sur un total de crédits de 106,2 millions d'euros, pour un bilan net de -16,7 millions d'euros en crédits de paiement, mais des ouvertures nettes de 22,3 millions d'euros en autorisations d'engagement.

La loi de finances rectificative a procédé, de son côté, à l'ouverture de 19,4 millions d'euros de crédits de paiement (20,2 millions d'autorisations d'engagement). Au total, le bilan des mouvements se solde par une modeste variation consolidée des dotations en crédits de paiement avec une disponibilité supplémentaire de 2,7 millions d'euros. Pour les autorisations d'engagement, le bilan est plus conséquent avec 42,5 millions d'euros de plus.

Dans ce contexte d'ensemble, les évolutions intervenues sur les différents programmes de la mission apparaissent nettement plus significatives.

Si les mesures administratives de gestion des crédits du programme 232 consacré principalement au financement de la vie politique, que la loi de finances rectificative de fin d'année n'a pas modifiés, ont été modestes en valeur, il en est allé autrement pour les deux autres programmes de la mission.

Sur le programme 307, si, au total, les mouvements réglementaires de crédits ont atteint un niveau très modeste (0,3 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances), les crédits concernés par des ajustements en cours de gestion ont impliqué une masse de plus de 58 millions d'euros (3,4 % des crédits ouverts par la loi de finances). Les reports entrants (23,6 millions d'euros) complétés par des transferts de crédits (6,3 millions d'euros) ont été à peu près effacés par les annulations des décrets d'avances de juillet et novembre 2017 (- 25,6 millions d'euros).

La Cour des comptes critique régulièrement l'opération de transfert par laquelle le programme 307 se voit crédité des moyens qu'il met à la disposition du programme 147 (« politique de la ville ») au titre des délégués du préfet. Cette opération de régularisation financière, qui intervient en fin d'année, apparaît inéluctable compte tenu des intentions du ministère de l'intérieur de conserver in fine la responsabilité de ces agents.

Les modifications de crédits en gestion appliquées au programme doivent être complétées par la prise en compte des opérations du schéma de fin de gestion. Les crédits mis en réserve ont été en quasi-totalité annulés (pour un montant de plus de 50 millions d'euros). Ces annulations présentent a priori un caractère paradoxal au vu des jugements portés sur la programmation des crédits, tant par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel que par le responsable du programme. Le premier n'avait pas accordé son visa à la programmation des crédits hors titre 2 tandis que le second avait demandé la levée de la réserve de précaution pour plus de 11 millions d'euros. En outre, la mobilisation d'un volume d'emplois supérieur à la prévision aurait pu conduire à accroître encore davantage la pression sur le programme. Mais, les conditions pratiques du recrutement (voir supra ) ainsi que la sous-consommation de crédits d'investissement ont permis de demander au programme 307 un effort net dont le programme 216 a dû être exempté.

Celui-ci a, au total, supporté des ajustements administratifs en gestion pour un solde négatif de 18,2 millions d'euros. Mais, ces mouvements de crédits ont eu une nature très différente de ceux subis par le programme 307. En premier lieu, il convient de relever que la loi de finances rectificative de fin d'année a ouvert au programme 19,6 millions d'euros de crédits supplémentaires si bien qu'au total, les modifications apportées aux crédits en cours d'année ont dégagé des moyens supplémentaires à hauteur de 1,4 million d'euros.

Par ailleurs, les modifications réglementaires actant une baisse des crédits ont répondu à une justification technique tandis que les autres modifications se traduisant par des hausses de moyens ont été destinées à financer des dépenses non provisionnées.

Avec un cumul des changements réglementaires de crédits, nettement supérieur au solde net, de 53,9 millions d'euros, l'essentiel des réductions de moyens est venu de transferts effectués au profit d'autres ministères (en particulier, le ministère de la transition écologique et solidaire au titre des services déconcentrés de la sécurité routière). Par ailleurs, un virement de 4,4 millions d'euros a été réalisé à partir de dotations prévues pour financer le fonds interministériel de prévention de la délinquance afin de financer le « plan tourisme ».

En revanche, les décrets d'avances ont dû apporter des moyens supplémentaires au programme alors même que la quasi-totalité de la mise en réserve a dû être levée, afin de financer des impasses de la programmation budgétaire initiale.

3. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307. Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et autres attributions de produits (plus de 78 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2016) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,6 %.

Il apparaît que plus de 17 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2017. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, les ressources correspondant à cette sous-consommation ne laissent d'engendrer quelques interrogations. Circonstances aggravantes, une partie des recettes en question provient de financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur. Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude. Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur. Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI).

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