II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une sous-exécution des dépenses relatives au logement en contradiction avec la priorité affichée par l'État en la matière

Le taux de consommation de la ligne budgétaire unique, qui concentre l'ensemble des crédits de la mission destinés au logement social est, cette année, particulièrement faible. Il s'élève à 86 % en CP et 68% en AE, ce qui devrait se traduire par une diminution des engagements d'opérations de construction et de réhabilitation.

Cette sous-exécution se produit alors même que les crédits prévus pour le logement par la loi de finances pour 2017 étaient en diminution par rapport à ceux prévus pour 2016.

En conséquence, l'effort consacré à la politique du logement social est passé sous le seuil des 200 millions en AE et CP. L'année 2017 a connu une baisse en termes de logements locatifs sociaux et très sociaux financés par rapport à 2016 (4 844 en 2017 contre 5 413 en 2016), mais une hausse par rapport à 2015 (4 844 en 2017 contre 4 172 en 2015).

Cette évolution est préoccupante, alors même que les besoins restent particulièrement élevés . Vos rapporteurs spéciaux estiment ainsi que le nombre de demandeurs de logements sociaux s'élève à 62 699, et les besoins s'élèvent à 21 500 logements neufs par an (dont plus de la moitié en logements sociaux et en accession) 152 ( * ) . Cette problématique est particulièrement prégnante pour certains territoires ultramarins, comme la Guyane ou Mayotte, qui fait face à d'importants flux migratoires, et dont l'insalubrité des logements est de plus en plus alarmante.

Exécutions des crédits de la mission par programme en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Selon le Gouvernement, cette sous-exécution peut admettre plusieurs explications :

- les mouvements sociaux en Guyane et les événements climatiques de grande ampleur dans l'arc antillais qui ont pu avoir des répercussions sur le démarrage des chantiers ;

- une diminution dans certains cas de la capacité des bailleurs sociaux pour monter des opérations de construction de logements sociaux ;

- une insuffisante capacité du secteur du BTP à faire face à la demande (retard dans les livraisons).

La sous-consommation est particulièrement importante à La Réunion et en Guadeloupe (difficultés des opérateurs à produire les dossiers dans le calendrier prévu avec un déport des décisions au 3 e voire au 4 e trimestre). En outre, le Gouvernement indique que « la mise en oeuvre du principe d'auto-assurance a conduit le responsable de programme à redéployer et prioriser certaines dépenses, au regard de la succession d'aléas de gestion de grande ampleur en 2017 » . Vos rapporteurs spéciaux contestent le recours au principe d'auto-assurance dans un pareil cas, qui conduit à « sacrifier » les crédits disponibles pour la politique du logement outre-mer en raison d'aléas qui en sont purement indépendants, ces derniers ne constituant pas des dépenses contraintes, bien qu'absolument nécessaires.

2. Une sur-exécution des dépenses relatives aux exonérations de cotisations sociales patronales traduisant le manque d'évaluation suffisamment réaliste de ces dépenses

Les exonérations de charges sociales sont le poste de dépenses le plus important de la mission (51 % des crédits consommés de la mission en 2017) et constituent à ce titre un enjeu majeur. Elles connaissent cette année une surconsommation de 8 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP, tandis que le montant total des charges à payer à l'ACOSS constitué au titre de l'année 2017 s'élève à 25 millions d'euros.

Cette surconsommation peut s'expliquer en partie par le report de l'intégration de la réforme du régime des indépendants. Elle traduit également l'absence regrettable d'évaluation suffisamment réaliste des dépenses d'exonérations, dont la surconsommation est préjudiciable aux autres dépenses de la mission qui ne constituent pas des dépenses contraintes (logement, politique contractuelle de l'État, notamment).

3. L'atteinte de l'objectif « SMA 6 000 » : une évolution encourageante, même si elle ne doit pas masquer la nécessité de poursuivre l'amélioration du dispositif

En 2017, l'objectif à long terme « SMA 6 000 » a été très légèrement dépassé avec 6 010 bénéficiaires. Ce projet qui avait vu le jour en 2009 à l'occasion des États généraux de l'Outre-mer a été progressivement mis en place en augmentant le budget du dispositif de manière significative (en fonctionnement et investissement). L'objectif intermédiaire de 4 000 bénéficiaires avait été atteint en 2011.

Évolution des effectifs du SMA

(en ETP)

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Effectif total du SMA

5 296

5 296

5 301

5477

5525

dont volontaires

4 205

4 204

4 206

4387

4400

nombre de bénéficiaires

5 666

5 764

5 847

6010

6000

dont personnel civil et militaire

1 091

1 092

1 095

1090

1125

Source : commission des finances du Sénat (d'après la DGOM)

Vos rapporteurs spéciaux saluent l'atteinte de cet objectif, alors même que le service militaire adapté continue à obtenir de bons résultats (son taux d'insertion atteint 77 % en 2017). Ils souhaitent néanmoins que des mesures visant à approfondir les efforts (meilleurs taux d'encadrement, poursuite des investissements) se manifestent dès le projet de loi de finances pour 2019.

En effet, l'atteinte de l'objectif SMA 6 000 » a entraîné dès 2017 une baisse des crédits d'investissement consommés de 24,6 % en AE (contre une hausse de 6,4 % en CP).

4. Une sous-exécution des crédits de soutien à l'investissement public préoccupante pour les territoires d'outre-mer

Ensuite, le soutien à l'investissement public était envisagé en loi de finances pour 2017 avec des moyens stabilisés en AE dans le cadre de la politique contractuelle mais aussi avec les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), à hauteur de 40 millions d'euros en AE et 34,8 millions d'euros en CP pour financer un plan de rattrapage des équipements structurants, soit un effort supplémentaire de 7,5 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances pour 2016.

Cependant, la consommation des crédits a été fortement réduite. Les contrats État-région, de développement et de projets ainsi que les autres opérations de l'action n° 02 « Aménagement du territoire » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ont subi une sous-exécution de 26,8 millions d'euros en AE et de 40,4 millions d'euros en CP, en comparaison de la loi de finances initiale.

Là encore, vos rapporteurs spéciaux regrettent l'application du principe de fongibilité entre actions du programme afin de faire face aux événements de grande ampleur (mouvement social en Guyane et événements climatiques), par définition indépendants de l'objet même de ce programme ayant pour vocation de réduire l'écart structurel de niveau de vie entre l'outre-mer et l'hexagone.


* 152 Rapport général n° 140 (2016-2017) de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

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