B. LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DE LA LOI DU 22 JUILLET 2013 : UN BILAN CONTRASTÉ

1. Les conseillers consulaires, un rôle à conforter

Depuis 2014, les conseillers consulaires sont devenus des interlocuteurs privilégiés pour les Français établis hors de France . Élus de proximité, ils relaient les difficultés rencontrées par nos compatriotes et jouent un rôle majeur dans l'animation de la communauté des Français de l'étranger. L'utilité et l'apport des conseillers consulaires font consensus , comme l'ont démontré les auditions de votre rapporteur.

Ces élus souffrent toutefois d'un déficit de notoriété : seuls 16,6 % des inscrits ont participé à l'élection des premiers conseillers consulaires en 2014. Pour nos collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, « seule une communication institutionnelle suffisante de la part du ministère [de l'Europe et] des affaires étrangères peut pallier » ce manque d'information 40 ( * ) .

De même, les conseillers consulaires exercent des missions essentiellement consultatives et non décisionnelles, ce qui complique leur enracinement dans notre système institutionnel.

En pratique, leur rôle dépend de l'attitude de l'administration , qui « oscille, selon les postes consulaires, entre une association spontanée des conseillers consulaires et la manifestation d'une hostilité [...]. Existe également une indifférence polie conduisant certains postes consulaires à s'acquitter envers les élus des Français de l'étranger de leurs obligations minimales prévues par la loi » 41 ( * ) . Certains conseillers consulaires se plaignent également de ne pas être conviés lors des visites ministérielles ou de cérémonies d'hommages nationaux.

La loi du 22 juillet 2013 avait été annoncée comme un grand progrès démocratique, compte tenu des moyens d'action et d'influence qui seraient accordés aux conseils consulaires et à leurs membres.

Néanmoins, de vraies difficultés matérielles persistent, notamment dans les pays les plus étendus : « les conseillers consulaires ne sont pas toujours en mesure de répondre matériellement aux convocations des postes diplomatiques, des postes consulaires ou [...] à la nécessité de rencontrer nos compatriotes » 41 ( * ) .

Les dispositifs de formation des conseillers consulaires sont également insuffisants , alors même que le décret n° 2014-144 du 18 février 2014 précité leur garantit un droit à la formation « dans les domaines de compétence des conseils consulaires ».

Ces difficultés ont été parfaitement identifiées par le groupe de travail de l'Assemblée des Français de l'étranger, créé au sein de sa commission des lois par M. Olivier Piton 42 ( * ) . L'AFE a spécialement regretté qu'il n'y ait pas un recueil exhaustif des droits et obligations des élus et demandé qu'ils soient définis dans une circulaire comme ce fut le cas de 2006 à la réforme de 2013.

Les sénateurs représentant les Français établis hors de France ont également posé des questions écrites ou sont intervenus à plusieurs reprises concernant la reconnaissance de ces droits et obligations des conseillers consulaires et de l'Assemblée des Français de l'étranger.

2. Un système de représentation complexe

L'articulation entre les conseils consulaires (instance de proximité) et l'Assemblée des Français de l'étranger (instance de représentation au niveau central, composée de 90 conseillers consulaires) reste complexe à appréhender pour nos compatriotes établis hors de France.

À l'occasion de son discours du 2 octobre 2017 devant l'AFE, le Président de la République a d'ailleurs chargé M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, de lancer une concertation pour simplifier le régime de représentation des Français de l'étranger .

Initialement, le Gouvernement devait tirer les conclusions de cette concertation et présenter des mesures concrètes d'ici la fin de l'année 2018. À ce stade, l'exécutif s'est toutefois limité à trois orientations générales, présentées par M. Jean-Baptiste Lemoyne en mars 2018 43 ( * ) :

- maintenir les conseillers consulaires , tout en renforçant les efforts de formation des élus pour mieux les préparer à l'exercice de leur mandat ;

- conforter le lien entre les conseillers consulaires et les parlementaires ;

- conserver un « relais au niveau national » pour les Français de l'étranger tout en améliorant la lisibilité du dispositif et en réformant l'Assemblée des Français de l'étranger.

Cette dernière orientation est celle qui suscite le plus de débats car elle pourrait remettre en cause l'équilibre de la représentation des Français de l'étranger.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, le Gouvernement envisagerait de créer une catégorie unique de représentants : tous les conseillers consulaires siègeraient désormais à l'AFE, contre seulement 90 des 443 conseillers consulaires aujourd'hui.

Gage de simplification institutionnelle, cette mesure pourrait toutefois comporter une contrepartie difficilement acceptable pour les Français de l'étranger : le Gouvernement envisagerait de réduire d'un tiers, voire de moitié, le nombre de conseillers consulaires pour maîtriser les effectifs de cette « nouvelle » AFE 44 ( * ) . Or, une telle contrepartie remettrait en cause le lien de proximité entre les conseillers consulaires, d'une part, et nos compatriotes établis hors de France, d'autre part .

Entendu en audition par votre rapporteur, M. Nicolas Warnery, directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, a précisé que cette réforme d'envergure ne serait pas prête pour les prochaines élections consulaires et de l'AFE prévues en 2020 . Dans l'hypothèse où elle aboutirait, elle concernerait uniquement les scrutins organisés à compter de 2026.


* 40 Rapport d'information n° 481 (2014-2015), op. cit. , p. 24.

* Rapport d'information n° 481 (2014-2015), op. cit. , p. 14.

* 41 « Les fonctions et les prérogatives des conseillers consulaires et des conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger », op. cit. , p. 23.

* 42 « La représentation non parlementaire des Français établis hors de France : propositions d'améliorations », mars 2018, rapport consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-afe.fr/IMG/pdf/rapport_du_groupe_de_travail_sur_la_representation_non_parlementaire_des_francais_etablis_hors_de_france_propositions_d_ameliorations.pdf .

* 43 Discours prononcé devant l'Assemblée des Français de l'étranger le 15 mars 2018 et consultable à l'adresse suivante : http://discours.vie-publique.fr/notices/183000586.html .

* 44 Alors que l'Assemblée des Français de l'étranger comprend aujourd'hui 90 membres, elle en compterait entre 200 et 300 à l'issue de la réforme envisagée par le Gouvernement.

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