II. LA PROPOSITION DE LOI ET LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE : AJUSTER LA LOI DU 22 JUILLET 2013, SANS EN MODIFIER L'ÉQUILIBRE

La proposition de loi n° 57 (2018-2019) et la proposition de loi organique n° 58 (2018-2019) de Christophe-André Frassa et de plusieurs de ses collègues visent à ajuster le régime de représentation des Français de l'étranger en vue des scrutins de 2020, sans en modifier l'équilibre .

Elles reprennent les dix recommandations du rapport d'information « Représentation des Français établis hors de France : les premiers enseignements de la loi du 22 juillet 2013 » fait en 2015 par nos collègues Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte 45 ( * ) .

A. CONFORTER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS ÉLECTIFS

Les textes soumis à votre commission visent à conforter les conditions d'exercice des mandats de conseiller consulaire et de membre de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE).

Ils tendent, tout d'abord, à ajuster les conditions de prise en charge des frais de mandat . En l'état du droit, la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 précitée prévoit que ces frais sont « remboursés » a posteriori , ce qui représente une contrainte de trésorerie pour les élus. Désormais, l'administration consulaire serait explicitement autorisée à verser des avances sur frais de mandat aux conseillers consulaires et aux membres de l'AFE (article 1 er de la PPL) .

De même, l'administration pourrait conclure un contrat global d'assurance pour couvrir les dommages résultant des accidents subis par ces élus dans le cadre de leur mandat ( même article 1 er de la PPL , s'inspirant du dispositif en vigueur entre 1984 et 2013 pour les membres de l'AFE). En effet, le système actuel a démontré ses limites : il représente une source de complexité et de renchérissement des coûts, chaque élu devant contracter une assurance individuelle.

Enfin, les vice-présidents des conseils consulaires pourraient parrainer un candidat à l'élection présidentielle alors que cette prérogative est aujourd'hui réservée aux 90 membres de l'Assemblée des Français de l'étranger 46 ( * ) (article 2 de la PPLO) .

L'effet de cette mesure sur le nombre de « parrains » resterait limité : on dénombre aujourd'hui 160 vice-présidents de conseil consulaire, dont une large partie sont membres de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) et peuvent déjà présenter un candidat à l'élection présidentielle.

B. SÉCURISER LA PROCÉDURE ÉLECTORALE

La proposition de loi et la proposition de loi organique visent également à ajuster les procédures applicables à l'élection des conseillers consulaires et des membres de l'AFE et, de manière plus marginale, à l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger.

1. La sécurisation des actes préparatoires pour les élections consulaires et des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger

Les actes préparatoires aux scrutins seraient sécurisés, tant en matière d' enregistrement des candidatures que de gestion de la propagande électorale .

a) L'enregistrement des candidatures

Les ambassades et les consulats ont rencontré des difficultés lors de l'enregistrement des candidatures aux élections consulaires et des membres de l'AFE de 2014.

Dans l'exemple des élections consulaires, l'administration a enregistré la candidature d'un Français dans la circonscription du Paraguay alors qu'il n'était pas inscrit sur la liste électorale consulaire ; à Québec, une liste de candidats a pu se présenter alors qu'elle ne respectait pas le principe de parité.

Face à ces difficultés, l'article 3 de la proposition de loi tend à sécuriser la procédure d'enregistrement des candidatures en laissant davantage de temps à l'administration pour effectuer ses contrôles et en élargissant les motifs de refus d'enregistrement.

b) La gestion de la propagande électorale

En 2014, le contrôle des professions de foi des candidats et des bulletins de vote a été laissé à la charge des postes consulaires, conduisant à des divergences d'interprétation et à « des situations, non sanctionnées, où des candidats se prévalaient de partis politiques avec lesquels ils n'avaient rien en commun » 47 ( * ) .

Dès lors, l'article 5 de la proposition de loi vise à créer une commission centrale de propagande pour les élections consulaires et pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Compétente pour l'ensemble des circonscriptions 48 ( * ) , cette commission contrôlerait, avant leur diffusion, la conformité des professions de foi et des bulletins de vote .

2. La sécurisation des opérations électorales pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger
a) La gestion des procurations

Le régime des procurations pour l'élection des membres de l'AFE serait assoupli : les électeurs (conseillers consulaires en l'occurrence) pourraient donner procuration à un mandataire de leur choix au sein de l'ensemble de la circonscription électorale et pas uniquement au sein de leur circonscription consulaire (article 2 de la PPL) .

À titre d'exemple, un conseiller consulaire inscrit sur la liste électorale de l'ambassade française au Bénin pourrait donner procuration à un conseiller inscrit dans ce même pays mais également dans un autre État de la circonscription « Afrique occidentale » (Burkina Faso, Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, etc .).

b) La sécurisation des plis remis à l'administration

Fruit d'une initiative sénatoriale, le vote par remise de plis à l'administration permet aux conseillers consulaires de s'exprimer à distance pour l'élection des membres de l'AFE, sans avoir à se déplacer jusqu'au bureau de vote situé à Paris.

La remise de plis à l'administration : un vote à distance et de manière anticipée

Après passage dans l'isoloir, l'électeur remet son pli en main propre à l'ambassadeur ou au chef de poste consulaire dans son pays de résidence. Ce fonctionnaire est chargé de transférer le pli jusqu'au bureau de vote de Paris.

Plusieurs garanties sont prévues afin d'assurer la sincérité et le secret du vote. À titre d'exemple, l'électeur signe la liste d'émargement ainsi que son pli. Il reçoit également un récépissé d'enregistrement.

Les plis sont numérotés afin d'assurer leur traçabilité jusqu'au bureau de vote. Ils sont acheminés jusqu'à Paris soit sous enveloppe, soit par la valise diplomatique. Les assesseurs du bureau de vote de Paris tiennent un registre central des remises de plis pour contrôler leur bon acheminement.

La remise de plis à l'administration a toutefois soulevé des difficultés d'organisation lors de l'élection des membres de l'AFE en 2014 : les ambassadeurs et les chefs de poste consulaire n'ont disposé que de neuf jours pour faire parvenir les plis au bureau de vote , ce qui s'est révélé insuffisant au regard des contraintes logistiques et des délais de livraison postale.

D'après l'exposé des motifs de la proposition de loi, ses auteurs souhaitent accroître le délai laissé à l'administration pour acheminer les plis jusqu'à Paris 49 ( * ) . Cet ajustement impliquerait de modifier l'ensemble du calendrier de l'élection des membres de l'AFE. Cette élection se déroulerait désormais cinq semaines après les élections consulaires, contre un mois en l'état du droit (article 4 de la PPL) .

3. Des conséquences sur les élections sénatoriales

La proposition de loi aurait également des conséquences sur l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger 50 ( * ) .

Comme précédemment, le délai laissé à l'administration pour acheminer les plis qui lui sont remis serait allongé, passant de huit à quinze jours (article 4 de la PPL) .

En outre, la proposition de loi permettrait de mieux dissocier :

- l'introduction dans l'urne, dès l'ouverture du bureau de vote, des bulletins remis à l'administration ;

- et, une fois cette opération terminée, le vote à l'urne.

Il s'agit, concrètement, de « prévoir un créneau horaire dédié, d'une part, au dépouillement des plis et, d'autre part, au vote physique à l'urne » afin de garantir le bon déroulement des opérations électorales 51 ( * ) .

4. Une nouvelle hypothèse d'organisation d'élections consulaires partielles

L'article 6 de la proposition de loi tend à prévoir l'organisation, dans un délai de trois ans, d'une élection consulaire partielle lorsqu'un siège de conseiller consulaire n'a pas pu être pourvu, faute de candidats.

Il fait écho aux difficultés rencontrées en Ukraine , circonscription consulaire dans laquelle aucune candidature n'a été déposée en 2014. Depuis lors, le conseil consulaire siège sans aucun membre élu, comme l'a confirmé le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 52 ( * ) . Cette anomalie perdurera au moins jusqu'au prochain renouvellement des conseils consulaires (2020) : l'État refuse d'organiser une élection partielle car il considère qu'il « n'y a jamais eu de sièges occupés puis devenus vacants » 53 ( * ) .


* 45 Voir, en annexe, le tableau de correspondance entre, d'une part, les recommandations du rapport d'information de nos collègues Christophe-André Frassa et Jean Yves Leconte et, d'autre part, les dispositions de la proposition de loi et de la proposition de loi organique.

* 46 Outre les membres de l'AFE, sont habilités à parrainer un candidat pour l'élection présidentielle : les députés, les sénateurs, les députés européens et certains élus locaux, dont les maires et les conseillers départementaux ou régionaux. Voir le commentaire de l'article 2 de la proposition de loi organique pour plus de précisions.

* 47 Rapport d'information n° 481 (2014-2015) précité, p. 35.

* 48 Soit 130 circonscriptions pour les élections consulaires et 15 circonscriptions pour l'élection de membres de l'AFE.

* 49 Initialement, la proposition de loi ne comprenait pas cette disposition, malgré la volonté affichée par ses auteurs dans l'exposé des motifs. Votre commission a corrigé cette erreur matérielle à l'initiative de son rapporteur, en prévoyant explicitement l'allongement de neuf à seize jours du délai d'acheminement des plis pour l'élection des membres de l'AFE.

* 50 Comme pour l'élection des membres de l'AFE, les grands électeurs élisant les sénateurs représentant les Français établis hors de France peuvent voter de deux manières : en se rendant à l'urne (bureau de vote de Paris) ou en remettant un pli à l'ambassadeur ou au consul dans leur État de résidence.

* 51 Rapport d'information n° 481 (2014-2015) précité, p. 31.

* 52 Réponse à la question écrite n° 13722 de notre collègue Christophe-André Frassa, Journal officiel du 8 janvier 2015.

* 53 Rapport d'information n° 481 (2014-2015) précité, p. 35.

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