B. DES EFFORTS RÉCENTS EN MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS QUI MÉRITERONT D'ÊTRE CONFIRMÉS ET AMPLIFIÉS

Alors que l'afflux constant d'un grand nombre de personnes en situation irrégulière contribue encore malheureusement à désorganiser les services publics mahorais 17 ( * ) et à nourrir certains mouvements sociaux - voire certaines manifestations violentes -, l'État a récemment consenti des efforts importants dans la lutte contre l'immigration irrégulière :

- des moyens techniques ont été débloqués pour l'interception des embarcations clandestines (mise en service de quatre radars de la marine nationale ; renforcement des capacités nautiques) ;

- des renforts humains ont été déployés pour lutter contre les filières d'immigration clandestine et s'attaquer aux ressorts économiques et financiers du phénomène (augmentation des effectifs de la police aux frontières ; doublement du nombre de réservistes de la gendarmerie nationale, affectation de 20 gendarmes et d'un escadron de gendarmerie mobile, à temps plein, pour lutter contre l'immigration irrégulière ; création, en juin 2018, du groupe d'enquête et de lutte contre l'immigration clandestine -GELIC- structure spécifique à Mayotte qui rassemble des personnels de la sécurité publique, de la police aux frontières, de la gendarmerie, de la douane et des finances publiques) ;

- un nouveau centre de rétention administrative a ouvert en septembre 2015 à Pamandzi offrant des conditions sanitaires, de sécurité et d'accompagnement enfin satisfaisantes aux retenus ;

- enfin, pour coordonner l'action de l'État, un sous-préfet chargé de la lutte contre l'immigration irrégulière à Mayotte, M. Julien Kerdoncuf, est entré en fonctions le 14 mai 2018 et a été nommé à la tête d'un état-major dédié.

Votre rapporteur tient naturellement à saluer ces avancées et le changement dans l'ampleur des moyens enfin consacrés à ce problème . En matière de lutte contre l'immigration irrégulière, ces moyens nouveaux commencent à payer : avec près de 2 400 éloignements réalisés au mois de décembre 2018, les forces de police ont retrouvé des niveaux d'efficacité inconnus depuis 2016.

Mais votre rapporteur tient aussi à souligner qu'il ne s'agit pour l'essentiel que d'un rattrapage , sur la base d'une situation extrêmement dégradée et qui a longtemps donné aux Mahorais le sentiment d'être abandonnés par l'État. Ces efforts méritent donc d'être non seulement poursuivis, mais amplifiés dans toutes leurs dimensions :

- concernant les moyens matériels, beaucoup d'acteurs se font encore l'écho de leur insuffisance (les équipements nautiques ne sont ainsi souvent pas assez nombreux pour assurer des rotations satisfaisantes et une présence permanente en mer) ;

- concernant les moyens humains, les renforts d'effectifs alloués (pour assurer les patrouilles en mer, les interpellations, la surveillance du CRA, etc .) restent encore sous-dimensionnés par rapport aux objectifs ambitieux affichés et risquent de ne pas suffire pour accompagner la montée en charge des éloignements réalisés.

Votre rapporteur estime en particulier que des moyens supplémentaires méritent d'être alloués à la lutte contre l'habitat et le travail illégaux , qui alimentent de véritables filières.

Il reste persuadé que la recherche d'une solution durable au problème passe aussi par la poursuite de la coopération diplomatique avec l'Union des Comores pour favoriser le développement économique de toute la région et mieux dissuader ainsi les candidats au départ.

Il rappelle enfin que les dispositions adaptant les conditions d'acquisition de la nationalité française à la situation migratoire particulière de Mayotte 18 ( * ) introduites à son initiative par le Sénat dans la loi du 10 septembre 2018 précitée ne prendront tout leur sens que si elles sont accompagnées de larges campagnes d'information et de publicité adaptées .

*

* *

Pour l'ensemble de ces raisons, et à l'invitation de votre rapporteur, votre commission a adopté sans modification la proposition de loi n° 277 (2018-2019) relative au délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte.


* 17 Le Conseil d'État relève par exemple que « sont notamment constatées une saturation des services sanitaires et une sur-occupation des établissements scolaires, conduisant à une scolarisation par rotation, dont pâtit l'ensemble de la population résidant à Mayotte. » (Conseil d'État, avis n° 394925 sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers).

* 18 Ces dispositions instaurent une condition supplémentaire, spécifique à Mayotte, pour l'acquisition de la nationalité par un enfant né de parents étrangers, à raison de sa naissance et de sa résidence en France. Il est ainsi désormais exigé que, au moment de la naissance, l'un des parents réside en France de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. Dérogatoires, elles sont destinées à tenir compte des « caractéristiques et contraintes particulières » de Mayotte au sens de l'article 73 de la Constitution et ont été déclarées conformes à la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page