EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA RECONSTRUCTION MAMMAIRE : UNE ÉTAPE TOUT SAUF ÉVIDENTE

A. UN RECOURS LIMITÉ EN DÉPIT DE PROGRÈS TECHNIQUES NOTABLES

1. Une étape qui concerne moins d'une femme sur cinq

Près de 59 000 nouveaux cas de cancers du sein ont été diagnostiqués en 2017 1 . Grâce aux progrès du dépistage systématisé, le cancer du sein est désormais un cancer qui se traite relativement mieux que d'autres : le taux de survie pour les cancers in situ atteint même 95 % à dix ans 2 après exérèse complète. L'INCa évalue à 99 % le taux de survie à cinq ans lorsque le dépistage intervient à un stade précoce. Pour autant, l'annonce du diagnostic d'un cancer du sein peut constituer une épreuve traumatisante pour nombre de patientes.

D'après les données du PMSI pour 2014, 73 791 mastectomies ont été réalisées dans le cadre du traitement d'un cancer du sein, dont 70 % ont été partielles et 30 % totales. Ces actes ont concerné un total de 65 480 femmes, pour des cas incidents (nouveaux cancers) mais également prévalents, c'est-à-dire pour des femmes ayant déjà été traitées par le passé pour un cancer du sein. Parmi elles, la proportion de patientes ayant fait le choix d'une reconstruction mammaire et son échelonnement dans le temps peuvent être retracés de la façon suivante :

Proportion de femmes ayant opté pour une reconstruction mammaire après une mastectomie, selon le délai après l'ablation

Délai par rapport au geste de 2014

Nombre de femmes

MP 1 ou MT 2

en 2014

(n=65 480)

MP seule en 2014

(n=43 968)

MT seule en 2014

(n=17 971)

MP+MT

en 2014

(n=3 541)

immédiat

6 302 (9,6 %)

2 643 (6 %)

2 734 (15,2 %)

925 (26,1 %)

1 ère année

3 120 (4,8 %)

815 (1,9 %)

1 742 (9,7 %)

563 (15,9 %)

2 e année

4 063 (6,2 %)

787 (1,8 %)

2 610 (14,5 %)

666 (18,8 %)

3 e année

3 283 (5 %)

688 (1,6 %)

2 114 (11,8 %)

481 (13,6 %)

4 e année 3

1 241 (1,9 %)

293 (0,7 %)

792 (4,4 %)

156 (4,4 %)

Ensemble

11 463 (17,5 %)

4 274 (9,7 %)

5 596 (31,1 %)

1 593 (45 %)

1 Mastectomie partielle

2 Mastectomie totale

3 Toutes les femmes n'ont pas de suivi de quatre ans

Source : Institut national du cancer

1 Institut national du cancer, Les cancers en France , édition de 2017.

2 Brochure sur les cancers du sein de la Ligue nationale contre le cancer (janvier 2018).

Parfois en complément de radiothérapie et/ou de chimiothérapie, le traitement chirurgical des cancers du sein consiste en une mastectomie le plus souvent partielle, sinon totale. La mastectomie n'est pas toujours indiquée dans le traitement du cancer du sein. Elle n'intervient en effet que dans environ :

- 23 % à 25 % des traitements de cancers du sein infiltrants pour lesquels les cellules cancéreuses ont infiltré les tissus voisins des canaux et lobules ;

- 30 % à 31 % des traitements de cancers du sein in situ pour lesquels les cellules cancéreuses sont circonscrites à l'intérieur des canaux et lobules.

À l'inverse, certains pays affichent des taux de mastectomie beaucoup plus élevés, comme aux Pays-Bas ou aux États-Unis.

La reconstruction mammaire peut être réalisée soit dans le même temps opératoire que la mastectomie (reconstruction immédiate), soit de manière différée. Un geste sur le sein controlatéral sain peut être réalisé pour symétrisation mammaire. La reconstruction peut nécessiter plusieurs interventions successives.

Lorsque le cancer est localisé sur un seul sein, par crainte que le cancer se manifeste plus tard sur l'autre sein, des patientes peuvent réclamer une mastectomie controlatérale.

2. Les techniques de chirurgie reconstructrice existantes

Quatre principales méthodes de reconstruction mammaire sont aujourd'hui disponibles :

- par pose d'une prothèse mammaire ;

- par lambeau avec prélèvement de muscle, comme le lambeau du muscle grand dorsal, qui est pédiculé, ou le lambeau du gracilis (cuisse, TUG 1 ), qui est libre ;

- par lambeau sans prélèvement de muscle et consistant en un transfert d'un lambeau de peau et de graisse libre, provenant de l'abdomen (DIEP 2 ) ou des fesses (PAP 3 et SGAP 4 ) ;

- par greffe adipocytaire (transfert de graisse).

1 « Transverse Upper Gracilis ».

2 « Deep Inferior Epigastric Perforator ».

3 « Profunda Artery Perforator ».

4 « Super Gluteal Artery Perforator ».

L'Institut national du cancer (INCa) indique que la reconstruction du sein par pose d'implant prothétique est l'acte le plus fréquemment réalisé en cas de geste immédiat et dans les deux premières années, l'autogreffe sous-cutanée sus-fasciale de tissu cellulo-adipeux pour comblement de dépression cutanée devenant ensuite le geste le plus fréquent.

Le type de chirurgie reconstructive choisi dépend de plusieurs facteurs :

- l'étendue de la chirurgie de traitement du cancer et de la quantité de tissu retirée du sein ;

- les traitements complémentaires, comme la radiothérapie qui peut engendrer des changements cutanés et est généralement incompatible avec une reconstruction simultanée ;

- la quantité de tissu disponible pour la reconstruction et la santé du tissu dans la région à reconstruire ;

- la taille et la forme de l'autre sein ;

- l'état de santé général de la patiente et les troubles de santé existants éventuels ;

- la constitution corporelle de la patiente et de ses préférences et attentes.

La Haute Autorité de santé (HAS) rappelle que, « quelle que soit la méthode retenue, une reconstruction mammaire nécessite le plus souvent deux ou trois interventions, avec un intervalle de trois à six mois entre chacune d'entre elles. » 1

On estime que 10 % des chirurgies par lambeaux échouent en raison des complications intervenant dans la vascularisation des tissus transplantés.

Les éléments publiés par l'INCa sur son site permettent d'identifier les indications, avantages et inconvénients associés aux différentes techniques de reconstruction :

1 Haute Autorité de santé, Éléments d'information complémentaires à intégrer dans la fiche destinée aux patientes de la SoFCRPE d'avril 2015 avant la pose d'un implant mammaire pour reconstruction mammaire après un cancer du sein , novembre 2015.

Reconstruction par prothèses mammaires internes

Indications et contre-indications

Cette technique nécessite une bonne qualité de peau. De manière générale, la reconstruction mammaire par implant n'est pas proposée aux femmes qui ont reçu ou qui recevront une

radiothérapie au sein ou au thorax.

Avantages et inconvénients

Avantages

- la pose de l'implant est simple, la durée d'hospitalisation courte ;

- la prothèse est introduite par la cicatrice de mastectomie : il n'y a pas de cicatrice supplémentaire ;

- pas de prélèvement des tissus d'une autre partie du corps.

Inconvénients

- donne souvent un résultat figé ;

- lorsque les seins sont volumineux, une chirurgie de l'autre sein est parfois nécessaire afin d'équilibrer leur apparence ;

- la prothèse peut s'altérer et nécessiter d'être changée, après quelques années ;

- un risque extrêmement faible de développer un lymphome anaplasique à grandes cellules du sein.

Complications possibles

- réaction fibreuse autour de la prothèse. Dans certains cas, une coque se forme, celle-ci arrondit le sein, le durcit et le rend douloureux ;

- suintement au niveau de la prothèse ou sa rupture ;

- déplacement ou plissement de l'implant.

Reconstruction par lambeaux

Indications et contre-indications

Technique contre-indiquée chez les fumeuses qui ont une moins bonne vascularisation de

leurs tissus.

Avantages et inconvénients

Avantages

- les résultats esthétiques sont souvent satisfaisants ;

- la forme et la souplesse du sein sont plus naturelles, moins figées qu'avec un implant mammaire.

Inconvénients

- intervention plus complexe et plus longue que pour la pose d'un implant mammaire ;

- 12 à 18 mois sont le plus souvent nécessaires à l'obtention d'un résultat satisfaisant sur le plan physique et psychologique ;

- même si elle s'atténue le plus souvent avec le temps, une nouvelle cicatrice est créée à l'endroit où le lambeau est prélevé.

Complications possibles

- une infection ;

- un hématome ;

- une accumulation de liquide (lymphorrée) au niveau de la zone où le tissu a été prélevé ou replacé ;

- la mort du lambeau par défaut d'alimentation en sang (nécrose). Ce risque est accru en cas de surcharge pondérale ou de tabagisme. Il est plus important en cas de reconstruction par DIEP.

Reconstruction par lambeau du muscle grand dorsal 1

Avantages et inconvénients

Avantages

- assure une reconstruction de bonne qualité ;

- moins contraignante et moins longue que la reconstruction par lambeau du muscle grand droit de l'abdomen.

Inconvénients

- crée une cicatrice supplémentaire dans le dos avec une force musculaire moins grande du côté opéré ;

- la couleur et la texture de la peau du dos peuvent varier de celles de la région du sein et créer des différences de teinte ou d'aspect au niveau du buste une fois la reconstruction effectuée ;

- quand le volume de muscle transféré est insuffisant par rapport au volume de l'autre sein, un implant est ajouté pour compléter la reconstruction.

Complications

- les complications propres à une prothèse interne quand elle est utilisée dans le cadre d'une reconstruction par lambeau de grand dorsal.

Reconstruction par lambeau du muscle grand droit de l'abdomen (TRAM) 2

Indications

S'adresse de préférence à des femmes qui présentent un excès de graisse au niveau de l'abdomen.

Avantages et inconvénients

Avantages

- permet de reconstruire le sein sans utiliser de prothèse.

Inconvénients

- crée une cicatrice supplémentaire au niveau de l'abdomen ;

- fragilise la paroi de l'abdomen. Un renfort synthétique est souvent mis en place (plaque en maille souple).

Complications

- une éventration.

1 Le chirurgien prélève la quasi-totalité de ce muscle et la quantité de peau dont il a besoin dans le but de reformer le sein enlevé. Ce lambeau musculo-cutané reste relié à l'aisselle par l'artère, le nerf et la veine du creux axillaire qui lui permettent de rester vivant.

2 Le chirurgien prélève une palette cutanée importante (du dessus du pubis au-dessus du nombril) à laquelle est attaché un morceau du muscle grand droit pour reformer le sein. Il fait remonter ce lambeau musculo-cutané vers la zone à reconstruire en le faisant glisser sous la peau de l'abdomen. Ensuite, il adapte en supprimant de l'épiderme (s'il a trop de peau), ou de la graisse (si le volume du lambeau est supérieur à celui du sein que l'on souhaite reformer).

Reconstruction par DIEP 1

Indications et contre-indications

S'adresse à des patientes qui présentent un excès de graisse au niveau de l'abdomen. Elle est

toutefois contre-indiquée chez les femmes qui sont en forte surcharge pondérale.

Avantages et inconvénients

Avantages

- permet de récréer un sein de volume important et d'aspect naturel sans toucher aux muscles de l'abdomen.

Inconvénients

- intervention longue et complexe qui nécessite les compétences d'un chirurgien plasticien expérimenté en microchirurgie.

Source : Institut national du cancer

L'institut précise qu'une nouvelle technique s'est développée dans la période récente et consiste en un transfert graisseux pour reconstruction mammaire après mastectomie totale. Cette technique est également appelée greffe de graisse autologue, lipomodelage ou encore lipostructure.

Selon les données du PMSI pour 2014, 37,8 % des femmes ayant eu recours à une reconstruction mammaire après mastectomie se sont vu poser un implant prothétique, 32,2 % d'entre elles ont eu une mastoplastie unilatérale de réduction et 30,4 % ont fait l'objet d'une autogreffe sous-cutanée sus-fasciale de tissu cellulo-adipeux pour comblement de dépression cutanée par abord direct. Seulement 4,5 % de ces femmes ont eu recours à une procédure de DIEP.

La proportion de chaque type de procédure varie selon le délai écoulé après la mastectomie :

Proportion des quatre principales techniques dans les procédures de reconstruction mammaire en fonction du délai après mastectomie

Principales techniques

Délai par rapport à la mastectomie

Ensemble

Immédiat

1 ère année

2 e année

3 e année

4 e année 1

Reconstruction du sein

par pose d'implant prothétique

35,9 %

26,3 %

23,2 %

19,9 %

11,6 %

37,8 %

Mastoplastie unilatérale de réduction

18,8 %

24,3 %

22,8 %

24,8 %

20 %

32,2 %

DIEP

0,9 %

1,7 %

5 %

5,3 %

3,2 %

4,5 %

Autogreffe sous-cutanée sus-fasciale de tissu cellulo-adipeux pour comblement de dépression cutanée

2,1 %

32,3 %

39,5 %

45,9 %

39,4 %

30,4 %

1 Toutes les femmes n'ont pas un suivi de quatre ans.

Source : Institut national du cancer

1 Il s'agit d'une variante de la reconstruction par lambeau du muscle grand droit de l'abdomen. Seuls un lambeau de peau et de graisse avec une artère et une veine sont prélevés au niveau du bas ventre, puis glissées sous la peau de l'abdomen jusqu'au sein à reconstruire. Le muscle grand droit est laissé en place. La peau et la graisse prélevées n'étant plus nourries par le muscle auquel elles étaient fixées, leurs vaisseaux sanguins sont raccordés à ceux de la région du thorax où elles vont désormais être fixées.

B. UN PARCOURS SEMÉ D'OBSTACLES

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page