1. Les réticences psychologiques et personnelles

Plusieurs associations entendues par votre rapporteure ont souligné que le choc engendré pour certaines femmes par l'annonce du diagnostic, qui constitue un moment suffisamment anxiogène, ne se prête pas à une discussion immédiate des perspectives en matière de reconstruction. L'acceptation du diagnostic et la volonté de combattre la maladie, qui nécessitent un accompagnement psychologique solide, constituent une première étape qui conduit un nombre important de patientes à ne pas considérer la possibilité d'une reconstruction dans l'immédiat, à la reporter ou tout simplement à l'écarter.

Le rapport précité de l'observatoire sociétal des cancers de 2014 révèle que près de neuf femmes sur dix ont confié avoir rencontré un élément difficile à vivre (en moyenne 2,5) dans leur parcours de reconstruction. Une femme sur quatre indique n'être pas satisfaite du résultat.

Une étude réalisée par le Dr Delphine Hequet pour l'Institut Curie et publiée en 2013, à partir d'un échantillon de 132 patientes ayant choisi de ne pas subir une reconstruction, met ainsi en lumière les différentes raisons qui peuvent participer de cette décision :

- 56 % ne souhaitent pas subir de nouvelle chirurgie ;

- 38 % ont accepté l'asymétrie de leur corps, dont 18 % indiquent que cette asymétrie a été acceptée par leur conjoint ;

- 29 % redoutent des complications ;

- 25 % mettent en avant un âge qu'elles considèrent comme trop

avancé ;

- 20 % craignent que la reconstruction constitue un obstacle à la

détection d'une récidive ;

- 14 % indiquent le coût financier ;

- 9 % craignent des douleurs.

La reconstruction ne doit pas s'entendre dans un champ strictement chirurgical. La reconstruction peut également être externe, dans le cas de femmes préférant le port de prothèses externes, et identitaire. L'acceptation de l'asymétrie peut en effet amener certaines femmes à privilégier une reconstruction ne nécessitant pas d'intervention chirurgicale, notamment par le tatouage afin d'« habiller » leur cicatrice. Cette méthode leur permet non seulement de retrouver une féminité dans le choix des motifs de tatouage mais également de se libérer de tout sentiment de honte et de démontrer qu'elles restent maîtresses de leur corps. Le refus de la mastectomie peut également être le moyen de répudier un modèle qui fait du sein un élément central des représentations archétypales de la féminité.

L'âge constitue également un paramètre déterminant : l'âge moyen des femmes atteintes d'un cancer du sein au moment du diagnostic est de 63 ans.

La première préoccupation des patientes et de leur médecin est logiquement, prioritairement, curative. La perspective d'une reconstruction mammaire s'évalue donc à l'aulne des traitements qui s'imposent dans chaque cas. Si une reconstruction immédiate peut être envisagée dans certains cas de cancers in situ , les indications de radiothérapie après mastectomie dans le cas de cancers infiltrants, notamment en cas d'envahissement des ganglions, conduisent à différer une chirurgie réparatrice.

2. Les difficultés d'ordre socioéconomique et géographique

Le dernier plan cancer pour la période 2014-2019 avait pour double objectif :

ï de réduire les restes à charge dans la gestion des suites d'une mastectomie

À cet égard, la Direction de la sécurité sociale du ministère des solidarités et de la santé indique que les tarifs de remboursement de six actes de reconstruction mammaire ont été revalorisés de 23 % entre 2013 et 2015. Depuis juin 2014, l'assurance maladie prend également en charge des actes de symétrisation mammaire 1 quand ils sont réalisés après un traitement du cancer du sein par chirurgie.

Les implants mammaires à enveloppe lisse et texturée sont pris en charge au titre de la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) sans reste à charge pour les patientes, pour les indications de reconstruction mammaires. De même, les prothèses mammaires externes qu'elles soient transitoires ou non sont prises en charge au titre de la LPPR, sans reste à charge pour les patientes.

En revanche, certaines dépenses restent non couvertes, comme le tatouage définitif de l'aréole.

- de réduire les inégalités d'accès aux procédures de reconstruction mammaire

Dans ses critères d'agrément pour la pratique de la chirurgie carcinologique mammaire, l'INCa prévoit que « l'accès, sur place ou par convention, aux techniques de plastie mammaire et aux techniques permettant la détection du ganglion sentinelle est assuré aux patientes. » Selon les associations, cette exigence est inégalement respectée sur le territoire.

1 Mastoplastie unilatérale de réduction ou d'augmentation avec pose d'un implant.

Par ailleurs, l'association RoseUp a indiqué à votre rapporteure que 70 % des chirurgiens pratiquant des interventions de reconstruction n'exercent pas en secteur 1 ou en option de pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM), avec pour conséquence de rendre les délais d'attente très longs et de conduire les femmes à se tourner vers les hôpitaux privés ou le secteur privé des hôpitaux publics ou du secteur non lucratif.

La Ligue nationale contre le cancer souligne ainsi qu'« une femme sur deux déclare un reste à charge moyen de 1 391 euros », qui peut être lié soit directement à l'intervention chirurgicale, trois femmes sur quatre déclarant un reste à charge moyen de 1 330 euros pour ce type de frais, soit à des soins supplémentaires, deux femmes sur trois déclarant un reste à charge moyen de 574 euros pour ce type de soins. Ces dépassements varient selon le statut de l'établissement de prise en charge. Les centres de lutte contre le cancer n'autorisent pas les dépassements d'honoraires.

Une intervention par lambeau libre, qui réclame bien souvent deux chirurgiens et 8 heures de microchirurgie pour revasculariser le lambeau, présente un coût important pour l'établissement qui peut choisir de ne pas proposer cette technique faute de rentabilité. Il convient donc de s'interroger sur l'opportunité d'une revalorisation de la prise en charge de certaines techniques.

À l'heure actuelle, les tarifs de prise en charge par l'assurance maladie des techniques de reconstruction 1 inscrites à la classification commune des actes médicaux sont les suivants :

Tarifs de prise en charge par l'assurance maladie des techniques de reconstruction mammaire

Libellé de la technique

Tarif de prise en charge par l'assurance maladie

Reconstruction du sein par dédoublement du sein restant

333,23 €

Reconstruction du sein par lambeau unipédiculé de muscle droit de l'abdomen

668,59 €

Reconstruction du sein par lambeau musculocutané

libre de muscle droit de l'abdomen, avec anastomoses vasculaires

932,24 €

Reconstruction du sein par pose d'implant prothétique

296,36 €

Reconstruction du sein par lambeau musculocutané pédiculé autre que du muscle droit de l'abdomen

618,25 €

Reconstruction du sein par lambeau bipédiculé de muscle droit de l'abdomen

668,59 €

DIEP avec anastomoses vasculaires

850,80 €

Source : Direction de la sécurité sociale

1 À la condition qu'elles concernent une reconstruction du sein pour absence congénitale (agénésie) ou acquise (amputation).

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