III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

L'article unique de la proposition de résolution présentée par le président Bruno Retailleau et les membres du groupe Les Républicains, apparentés et rattachés est légèrement plus précis que son intitulé, puisqu'il tend à créer une commission d'enquête « sur les moyens de reconquérir » notre souveraineté numérique.

En premier lieu, votre commission a constaté que cette proposition de résolution ne prévoyait pas un nombre de membres supérieur à vingt et un pour la commission d'enquête qu'elle tend à créer (puisqu'elle en comprendrait précisément vingt et un).

En deuxième lieu, votre commission a constaté qu'elle n'avait pas pour effet de reconstituer avec le même objet une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois.

En dernier lieu, votre commission a étudié le champ d'investigation retenu par la proposition de résolution pour la commission d'enquête, afin de vérifier s'il conduit à enquêter sur des faits déterminés ou bien sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale.

Dans son exposé des motifs, la proposition de résolution rappelle d'abord le contexte de la « révolution numérique », les transformations technologiques et les « perspectives de progrès considérables » qu'elles ont ouvertes.

Toutefois, elle souligne ensuite le « défi colossal [posé] à l'exercice de notre souveraineté » par ces évolutions. Relevant que « l'État voit en effet se bouleverser les conditions dans lesquelles il exerce sur son territoire ses fonctions régaliennes », elle mentionne à ce titre de nouvelles formes d'atteintes à la sécurité des biens et des personnes, et en particulier les menaces pesant sur les « infrastructures stratégiques » et sur « l'intégrité démocratique des processus électoraux ».

Elle évoque également les enjeux pour la défense nationale, « la capacité à mener une cyberguerre [étant] aujourd'hui devenue une composante incontournable de toute doctrine de défense crédible », et pour la fiscalité et la monnaie, face à des modèles d'affaires « échappant largement aux cadres fiscaux conçus pour une économie physique et territorialisée ».

Ella ajoute que c'est le rôle normatif de la puissance publique lui-même qui semble remis en cause, face à un « écosystème numérique, contrôlé et façonné par une poignée d'acteurs, toujours plus puissants, qui écrasent les marchés et nous placent en situation de dépendance technologique, édictent leurs propres normes, poursuivent leurs propres objectifs et servent leurs propres intérêts », citant notamment les exemples « du droit du travail, du droit de la propriété intellectuelle ou encore du droit des contrats ».

L'exposé des motifs se conclut sur la difficulté actuelle du législateur à répondre à ces évolutions, la création d'une commission d'enquête étant justifiée pour « identifier, d'une part, les champs fondamentaux de notre souveraineté numérique » et « pour esquisser, d'autre part, les moyens de la reconquérir, qu'ils relèvent de la règlementation ou de la mise en oeuvre de politiques publiques. »

Il apparaît à votre rapporteur que cette commission d'enquête devrait donc faire porter ses investigations sur les conditions dans lesquelles l'évolution des technologies numériques remet en cause l'exercice par l'État de ses fonctions régaliennes (en matière de sécurité, de défense, de pouvoir normatif, de fiscalité et de monnaie) et sur les moyens dont dispose la puissance publique (législation, régulation, investissements) pour reconquérir une telle « souveraineté numérique ». Il ne s'agirait donc pas d'enquêter sur des faits déterminés, mais, au sens large, sur la gestion de services publics .

Ainsi, la proposition de résolution entre-t-elle bien dans le champ défini par l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée, au titre de la gestion d'un service public, sans qu'il soit nécessaire d'interroger la garde des sceaux aux fins de connaître l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires en cours.

Dès lors, votre commission a constaté que la proposition de résolution n° 383 (2018-2019) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la souveraineté numérique était recevable .

Par conséquent, il n'existe aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage » .

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