EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Après avoir consulté tous les groupes politiques, le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, a déposé, le 12 avril dernier, une proposition de résolution n° 458 (2018-2019) visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat.

Lors de sa réunion du 14 mai 2019, la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure de législation partielle 2 ( * ) en commission, selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission.

L'ampleur formelle des modifications qu'envisage cette proposition de résolution peut sembler considérable au premier abord : une centaine d'articles de notre Règlement se trouveraient modifiés - soit presque les deux tiers du nombre total  d'articles qu'il contient - et une vingtaine d'articles nouveaux seraient créés.

Pourtant, malgré son volume, le présent texte a, sur le fond, une portée volontairement limitée et un objectif beaucoup plus humble - bien que très utile : clarifier, simplifier, codifier, bref rendre enfin plus lisibles - et à droit quasi constant - les règles de droit parlementaire applicables au Sénat.

Cette réforme a bien peu à voir avec celle dans laquelle se sont difficilement lancés nos collègues députés.

D'une part, nos réformes du Règlement restent inspirées de la tradition du pluralisme sénatorial, aussi sont-elles presque toujours assez consensuelles - elles ne donnent en tous cas pas lieu aux bruyants « boycotts » des débats que peut connaître le Palais Bourbon. Pendant ses travaux, votre rapporteur a d'ailleurs tenu à rencontrer l'ensemble des présidents de groupe et de commission 3 ( * ) pour s'assurer de l'absence d'objections à cette révision et recueillir leurs suggestions. En commission, un tiers des amendements adoptés et intégrés au texte provient d'initiatives de nos collègues auxquelles avait été donné un avis favorable par votre rapporteur qui tient ici à les remercier pour leur contribution à cette entreprise d'amélioration de notre « charte commune ».

D'autre part, nous sommes déjà beaucoup plus avancés que les députés en matière de modernisation de nos procédures - plusieurs innovations issues de la « réforme Larcher » 4 ( * ) de 2015 ont manifestement constitué une source d'inspiration pour nos collègues de l'Assemblée nationale : législation en commission, contrôle du respect du domaine de la loi et du règlement, « droit de réplique » pendant les questions d'actualité au Gouvernement... Le Sénat peut être fier de ses initiatives, qui ont permis d'améliorer nos procédures tout en respectant les droits des groupes minoritaires et d'opposition.

Sans rien remettre en cause des grands principes des discussions parlementaires auxquels nous sommes tous résolument attachés, le règlement du Sénat pourrait cependant aujourd'hui gagner en cohérence et en lisibilité.

Bien des règles concernant un même sujet y figurent de façon éparses, parfois réparties dans plusieurs chapitres, et la sédimentation des dispositions au fil des années - voire des Républiques - rend souvent notre Règlement difficile d'accès : le praticien désireux d'embrasser l'ensemble des règles régissant les travaux des commissions et leur publicité doit, par exemple, se référer actuellement à pas moins de 10 articles qui ne sont pas consécutifs mais répartis au sein de trois chapitres.

Notre Règlement comprend par ailleurs plusieurs dispositions totalement obsolètes : en cas d'urgence, il prévoit par exemple que les délégations de vote soient faites « par télégramme », avec l'obligation de transmettre une lettre de confirmation dans les cinq jours. Il dispose également que les pétitions sont réunies au sein d'un « feuilleton », qui n'est plus publié depuis de nombreuses années. Il mentionne encore des questions orales avec débat, qui n'ont plus d'utilité depuis la création des débats d'initiative sénatoriale en 2009. Pour les scrutins publics, le Règlement prévoit que les secrétaires doivent se tenir - très précisément - dans le couloir droit de l'hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre », ce qui n'est pourtant plus le cas en pratique depuis longtemps.

Certaines procédures sont inutilement complexes : des mécanismes de « double annonce » président encore à certaines procédures de nomination en séance, tandis que certaines obligations annuelles mériteraient être allégées et leur périodicité réduite.

Enfin, notre droit parlementaire, marqué au Sénat par l'importance accordée à la tradition et aux précédents ainsi que par la brièveté et le laconisme des règles écrites, pêche parfois par l'obscurité excessive de procédures qui ne sont fixées qu'au travers de règles coutumières. Loin de vouloir absolument tout figer par des normes écrites - on ne sort souvent de l'ambiguïté qu'à son détriment 5 ( * ) - votre rapporteur estime que les plus importants de ces usages gagneraient néanmoins à figurer expressément, ou plus explicitement, dans notre Règlement.

Approuvant pleinement la démarche du Président Gérard Larcher, votre commission n'a ajouté à celles déjà envisagées par la proposition de résolution que quelques précisions et clarifications de portée limitée.

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION : UNE CLARIFICATION DU RÈGLEMENT À DROIT QUASI CONSTANT

Outre une volonté d'amélioration rédactionnelle du Règlement, notamment pour en moderniser certaines expressions sans rien retirer à la précision juridique de ses énoncés, la présente proposition de résolution poursuit trois objectifs principaux :

- Rendre plus lisible et plus facile d'accès le Règlement , par des simplifications et des clarifications (règles de discussion des motions, règle de l'entonnoir, procédure des propositions de résolution européenne) ou des mises en cohérence (regroupements en chapitre des dispositions éparses sur les organismes extraparlementaires, sur l'organisation des travaux des commissions et sur la publicité des travaux des commissions permanentes) ;

- Simplifier et alléger certaines procédures , en séance publique (supprimer des mécanismes de « double annonce » pour les nominations), r endre pluriannuelles certaines obligations annuelles (nomination de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes), faciliter la planification des travaux par la Conférence des Présidents (meilleure anticipation des demandes d'inscription à l'ordre du jour prioritaire par le Premier ministre, instauration d'un délai pour la communication des sujets de contrôle) ;

- Codifier des pratiques préexistantes (modalités de remplacement d'un membre du Bureau ou d'un membre de commission hors session, possibilité de nommer plusieurs rapporteurs) ou résultant de la Conférence des Présidents (organisation des questions au Gouvernement et des questions orales), et supprimer des dispositions obsolètes ou inappliquées (recours au scrutin public ordinaire en cas de doute sur la commission au fond compétente, références aux procès-verbaux, annonce du dépôt en séance des textes législatifs, questions orales avec débat sur des sujets européens...).


* 2 Tous les articles à l'exception des articles 1 er , 8, 13, 14, 15 et 17.

* 3 Le président David Assouline, chargé au sein du Bureau de mettre en oeuvre le vote électronique dans l'hémicycle, a également bien voulu être entendu sur la prochaine mise en place de ce dispositif.

* 4 Résolution réformant les méthodes de travail du Sénat dans le respect du pluralisme, du droit d'amendement et de la spécificité sénatoriale, pour un Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace.

* 5 Comme le relève un ancien secrétaire général du Sénat : « La préférence pour les règles coutumières et les usages [...] est certainement la marque d'une "culture" différente répugnant aux formalisations excessives et accordant plus d'importance aux conventions entre les membres et au respect des règles que le Sénat se donne à lui-même par ses usages. Sans doute, l'absence de formalisation est elle aussi le plus sûr rempart de sa liberté, notamment face au Conseil constitutionnel. Le risque est sous la V e République, de sortir de l'ambiguïté à son détriment. » A. Delcamp, « La procédure législative, regard et pratiques sénatoriales », Association française de droit constitutionnel, Le bicamérisme , p.42.

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