II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La volatilité du montant du PSRUE continue de constituer une incertitude pour l'équilibre des finances publiques

L'estimation annuelle du montant du PSRUE est effectuée par la direction du budget, grâce à l'utilisation d'un calculateur développé en interne. Compte tenu des nombreux éléments exogènes pouvant influencer en cours de gestion le montant des contributions nationales des États membres, votre rapporteur spécial s'accorde avec la direction du budget sur le fait qu'une évaluation exacte du montant du PSRUE est impossible .

Votre rapporteur spécial a déjà souligné à plusieurs reprises la nécessité d'améliorer les prévisions d'exécution du budget de l'Union européenne , et par conséquent, du montant du PSRUE. Outre le fait que le montant du PSRUE intervient dans le calcul des prévisions du déficit public annuel, votre rapporteur spécial rappelle qu'une évaluation précise est garante de la bonne information du Parlement lors de l'examen annuel du projet de loi de finances .

Toutefois, votre rapporteur spécial souhaite rappeler que la France n'est pas le seul État membre confronté à une forte volatilité du montant du PSRUE . Interrogée par votre rapporteur spécial, la direction du budget lui a fourni des comparaisons entre les prévisions et exécutions des montants des contributions nationales de plusieurs États membres. Ces éléments font apparaître, d'une part, que la prévisibilité des contributions nationales est très variable , et d'autre part, que la France ne se singularise pas par des écarts importants entre les prévisions et les exécutions de sa contribution .

Comparaison entre les prévisions et exécutions de la contribution nationale
de plusieurs États membres au budget de l'Union européenne

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

France

20,74

19,70

-5%

20,17

18,97

- 5,8%

18,69

16,38

- 12,3%

Allemagne

27,67

25,68

- 7,2 %

24,55

24,16

- 1,6%

24,12

16,89

- 30%

Suède

4,67

4,0

- 14,4 %

3,95

4,03

2 %

3,10

2,54

- 18,1%

Finlande

1,97

1,72

- 12,6 %

1,95

1,72

- 12 %

1,90

1,80

- 5,5%

Danemark

2,77

2,63

- 4,9%

2,52

2,40

- 5,1 %

2,65

2,27

- 14,7 %

Source : Commission des finances à partir des données transmises par la direction du budget

Votre rapporteur spécial relève néanmoins que la prévision du montant du PSRUE initialement inscrite dans le projet de loi de finances pour 2018 était plus proche du niveau final de l'exécution , que celle adoptée en loi de finances. En effet, le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait un montant de 20,212 milliards d'euros pour le PSRUE, mais un amendement adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a minoré ce montant de 300 millions d'euros . Si la prévision initiale avait été conservée, la sur-exécution du PSRUE n'aurait été que de 433 millions d'euros, au lieu de 733 millions d'euros.

Certes, l'amendement du Gouvernement visait à tenir compte de l'accord trouvé entre le Conseil de l'UE et le Parlement européen sur le projet de budget pour 2018 . Un tel amendement à l'article déterminant le montant du PSRUE en loi de finances est habituel car le projet de loi de finances est déposé avant l'adoption définitive du budget de l'Union européenne.

Toutefois, la Cour des comptes note que « cet amendement a minoré le déficit budgétaire entre le projet de loi de finances et la loi de finances initiale, par ailleurs affecté par la prise en compte de différents amendements adoptés par l'Assemblée nationale et le Sénat » 4 ( * ) . Votre rapporteur spécial relève ainsi que la minoration du montant du PSRUE a ainsi servi de variable d'ajustement, relativement artificielle, dans le cadre des discussions budgétaires pour 2018 . Par ailleurs, le montant du PSRUE constitue une marge de manoeuvre particulièrement pertinente dans le débat budgétaire puisque, depuis 2018, la loi de programmation des finances publiques l'exclut des dépenses pilotables .

Si votre rapporteur spécial valide le principe d'une minoration sur la base du budget adopté par l'Union européenne, il regrette l'utilisation opportune du PSRUE qui tend à décrédibiliser la sincérité de l'évaluation du montant de la contribution de la France au budget de l'Union européenne .

2. Le recouvrement des droits de douane pour l'Union européenne doit être amélioré

La majoration du PSRUE en raison d'une révision à la baisse des droits de douane rappelle l'importance de ces dernières dans l'équilibre du budget de l'Union européenne. Si la ressource fondée sur le revenu national brut des États membres constitue la principale ressource de l'Union, les droits de douane ont tout de même représenté 14,3 % des ressources propres de l'Union en 2018 .

Par conséquent, les insuffisances du recouvrement des droits de douane constituent un manque à gagner significatif pour l'Union européenne, in fine supporté par le contribuable national par le biais d'une augmentation des contributions des États membres , en tant que ressource d'équilibre du budget européen.

À ce titre, la sous-évaluation des biens importés entraîne une double pénalité pour le budget européen car elle réduit les recettes associées aux droits de douane et minimise la recette perçue au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) .

Un cas emblématique récemment révélé par l'Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) est celui de la sous-évaluation des marchandises textiles importées au Royaume-Uni depuis la Chine . Au terme d'une enquête de plusieurs années, l'OLAF a estimé la perte pour le budget de l'Union de près de 1,9 milliard d'euros en droit de douane , et à 3,2 milliards d'euros le montant de la fraude à la TVA associée 5 ( * ) . Considérant que le Royaume-Uni n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour prévenir la fraude à ces importations chinoises en dépit de ses recommandations et de celles de l'OLAF, la Commission européenne a demandé au Royaume-Uni en septembre 2018 le remboursement de 2,7 milliards d'euros.

En 2017, la Cour des comptes européenne avait souligné les défaillances du contrôle douanier au sein de l'Union européenne 6 ( * ) . Son rapport avait notamment pointé le fait que les États membres suivent des approchées variables pour lutter contre la fraude en matière de provenance et de classement tarifaire des marchandises importées. La Cour des comptes européenne y déplorait par ailleurs que la Commission européenne ne dispose pas de statistiques probantes sur la perte de recettes pour l'Union européenne générée par la sous-estimation des marchandises apportées, alors qu'elle consacre de nombreux travaux à la question de la fraude à la TVA.

Votre rapporteur spécial a auditionné l'OLAF dans le cadre des travaux de contrôle en cours relatifs à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne. D'après l'OLAF, les États membres peuvent être réticents à se montrer proactifs en matière de lutte contre la fraude douanière en raison de l'importance des flux de marchandises pour l'activité économique nationale. Or, les fraudeurs développent une analyse comparative des « maillons faibles » des douanes nationales pour sélectionner les lieux privilégiés pour effectuer leur dédouanement.

D'après l'OLAF, ce phénomène pourrait être partiellement enrayé par la définition d'une stratégie douanière plus uniforme au sein de l'Union européenne. La coordination des douanes nationales pourrait être effectuée par une « agence des douanes » européenne, bien que cette piste soulève des interrogations sur le périmètre, le financement, et les compétences d'une telle entité. Sans préjuger de sa faisabilité à court terme, votre rapporteur spécial estime que cette piste constitue une hypothèse de travail intéressante.

3. L'efficacité des dépenses de l'Union européenne devrait faire l'objet d'une meilleure évaluation

Partageant le constat de la Cour des comptes 7 ( * ) , votre rapporteur spécial regrette que l'efficacité des dépenses de l'Union européenne ne fasse pas davantage l'objet d'une évaluation permettant de comparer l'exécution constatée aux objectifs assignés aux politiques communes (réduction des inégalités territoriales, soutien à la croissance économique, accompagnement du développement rural, etc.).

Certes, l'Union européenne semble vouloir opérer un changement en faveur d'une analyse de la performance depuis plusieurs années. Ainsi, l'initiative « Un budget de l'UE axé sur les résultats » a été lancée en 2015, et les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 sont axées sur la « valeur ajoutée » de l'Union européenne 8 ( * ) .

Toutefois, votre rapporteur spécial regrette que l'évaluation de la performance des dépenses de l'Union européenne ne fasse pas l'objet d'une publication dédiée et annuelle , qui serait complémentaire aux analyses du taux d'exécution du budget de l'Union et de la régularité des dépenses déjà présentées par la Commission européenne et la Cour des comptes européenne.

Votre rapporteur spécial relève par ailleurs que, concernant les dépenses en gestion dite « partagée » 9 ( * ) , les principaux acteurs de la chaîne de dépenses disposent d'informations considérables pour mener une telle analyse de la performance. En effet, dans le cadre de ses travaux de contrôle portant sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, votre rapporteur spécial a constaté que les autorités de gestion, de certification et d'audit nationales collectent, par le biais de l'analyse de la régularité et légalité des dépenses, des informations précieuses sur la pertinence des aides européennes versées et de leur impact pour les bénéficiaires .


* 4 Note d'exécution budgétaire 2018, p.18

* 5 D'après le rapport d'activité de l'OLAF de 2017, publié en juin 2018

* 6 Rapport spécial n° 19 de la Cour des comptes européenne, 2017, intitulé « Procédures d'importation : les intérêts financiers de l'UE pâtissent d'insuffisances au niveau du cadre juridique et d'une mise en oeuvre efficace »

* 7 Note d'exécution budgétaire 2018, p.38

* 8 Rapport d'information n° 651 (2017-2018) fait au nom de la commission des finances par M. Patrice Joly sur les ambitions de l'Union européenne et de la France pour le prochain cadre financier pluriannuel, p.21

* 9 La gestion est partagée entre les États membres et la Commission européenne lorsque les tâches liées à l'exécution budgétaire sont déléguées aux États membres qui remplissent les obligations d'instruction, de contrôle et d'audit

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