Rapport n° 625 (2018-2019) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 juillet 2019

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N° 625

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2018 ,

Tome II : Contributions des rapporteurs spéciaux

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1947 , 1990 et T.A. 295

Sénat :

589 (2018-2019)

PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE - M. Patrice Joly, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2018

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Il est composé principalement des éléments suivants :

- la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres ;

- la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) , dite « ressource RNB ».

Bien que le PSRUE représente une dépense au sens de la comptabilité nationale, il est traité comme une moindre recette et son montant est inscrit en première partie de loi de finances.

Traditionnellement, le PSRUE ne faisait pas l'objet d'une contribution dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. Toutefois, votre rapporteur spécial a souhaité qu'il fasse, depuis l'année dernière, l'objet d'un traitement spécifique en raison de son montant conséquent - 20,6 milliards d'euros en 2018 - et de son effet non négligeable sur l'équilibre des finances publiques.

Pour rappel, le PSRUE constitue la majeure partie, mais non la totalité, de la contribution de la France au budget de l'Union européenne . En effet, depuis 2010, son périmètre ne comprend plus les ressources propres traditionnelles (droits de douane et cotisations sur le sucre) versées par la France à l'Union européenne.

1. Pour la première fois depuis 2014, l'exécution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) est supérieure à la prévision inscrite en loi de finances initiale

Évolution du prélèvement sur recettes
au profit de l'Union européenne

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

Crédits votés en LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

19 912

Crédits exécutés

20 347

19 702

18 996

16 380

20 645

Écart LFI/exécution en valeur

123

- 1 040

- 1 173

- 2 310

733

Écart LFI/exécution en %

0,6 %

- 5 %

- 5,8 %

- 12,3 %

3,7 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La loi de finances pour 2018 évaluait le montant du PSRUE à 19,9 milliards d'euros , soit une augmentation de 22 % par rapport au montant exécuté en 2017.

Si la progression du montant du PSRUE avait bien été anticipée en loi de finances, l'évaluation s'est révélée insuffisante . Ainsi, le montant en exécution pour 2018 s'élève finalement à 20,6 milliards d'euros , soit une exécution d'environ 3,7 % supérieure à la prévision inscrite en loi de finances initiale et dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 2 ( * ) .

En fin de gestion, la loi de finances rectificative pour 2018 3 ( * ) a tenu compte de la perspective de cette sur-exécution en majorant de 738 millions d'euros le montant du PSRUE, soit 5 millions d'euros de plus que le montant effectivement exécuté.

Cette sur-exécution du montant du PSRUE, la première depuis 2014, est constatée après plusieurs années de sous-exécution , et en particulier l'exercice 2017 pour lequel le montant exécuté était 12,3 % inférieur à celui inscrit en loi de finances initiale.

2. Les facteurs explicatifs de la sur-exécution

Pour rappel, aux termes de l'article 310 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la contribution des États membres constitue la variable d'ajustement en cas d'évolution non anticipée des dépenses de l'Union européenne .

Ainsi, le montant du PSRUE inscrit dans le projet de loi de finances n'est qu'évaluatif. Il repose sur :

- le projet de budget de la Commission européenne , présenté en N-1. Ce projet de budget établit les prévisions de besoins de financement de l'Union européenne en crédits de paiements pour l'année suivante ;

- les hypothèses d'évolution des assiettes des ressources TVA et RNB de l'ensemble des États membres , actualisées après la réunion du comité consultatif des ressources propres (CCRP) en mai de l'année N-1 ;

- les hypothèses des montants des corrections accordées à certains États membres ainsi que le montant prévisionnel du solde budgétaire de l'exercice en cours, reporté sur le budget de l'année suivante.

Pour l'exercice 2018, les ressources propres de l'Union européenne ont été minorées en cours de gestion, entraînant mécaniquement une contribution plus élevée de la part des États membres.

Premièrement, le solde de l'exercice 2017 , reporté sur l'exercice 2018, s'est avéré plus faible que prévu (556 millions d'euros contre 1 milliard d'euros traditionnellement attendu).

Deuxièmement, la Commission a revu à la baisse ses prévisions concernant les droits de douane perçus par les États membres et reversés au budget de l'Union européenne, après application de frais de perception à hauteur de 20 % des montants collectés. D'après la Cour des comptes, cette révision à la baisse des droits de douane pour 2018 provient du changement de méthode de calcul opéré par la Commission européenne. Alors qu'habituellement l'évaluation des droits de douane était assise sur les prévisions économiques , la Commission européenne a actualisé ces évaluations en mai 2018 en extrapolant le montant des droits de douane constatés sur les quatre premiers mois de l'année .

Cette nouvelle méthode d'évaluation a estimé les droits de douane pour 2018 à 20,2 milliards d'euros , contre 22 milliards d'euros dans le budget adopté. La contribution de la France a été majorée en conséquence de 466 millions d'euros , ce qui représente les deux tiers de l'écart entre le montant du PSRUE inscrit en loi de finances et son exécution .

Les ressources propres traditionnelles et leurs méthodes de calcul

Les ressources propres traditionnelles (RPT), introduites en 1970, sont actuellement composées des droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance des pays extérieurs à l'Union. Jusqu'à fin 2017, elles comprenaient également les cotisations et autres droits prévus dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, qui ont été totalement supprimées en raison de la fin des quotas sucriers. Jusqu'en 2007, elles comprenaient également les prélèvements agricoles, qui ne sont aujourd'hui plus distingués des droits de douane. Les RPT sont perçues auprès des opérateurs économiques par les États membres et pour le compte de l'UE. Les États membres retiennent un pourcentage des montants perçus au titre des frais de perception. Égal à 10 % avant 2001, ce pourcentage a été relevé à 25 % par la décision « ressources propres » 2000-2006. Depuis l'entrée en vigueur, le 1 er octobre 2016, de la décision « ressources propres » 2014-2020, le taux de retenue s'élève à 20 %.

Le montant des RPT versé par chaque État membre (et donc in fine , le montant de RPT perçu par l'UE), est estimé par la Commission européenne sur la base des dernières exécutions constatées de novembre N-2 à octobre N-1 et des prévisions de croissance pour les années N et N+1 des importations hors UE établies par la direction générale de la Commission chargée des affaires économiques et financières (DG ECFIN). L'importance des prévisions de RPT tient à l'effet de leur éventuelle variation sur le taux d'appel de la ressource RNB.

Source : annexe au PLF 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »

Par ailleurs, les dépenses de l'Union européenne ont été plus élevées que prévues , ce qui s'est traduit par une augmentation de la contribution de la France à hauteur de 199 millions d'euros. Alors que la sur-exécution du budget de l'Union européenne aurait pu résulter d'une accélération de décaissements de crédits des fonds structurels, comme c'est habituellement le cas en fin de programmation financière, la Cour des comptes relève que l'exécution plus élevée provient principalement du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE).

L'ensemble de ces évolutions en cours de gestion a été pris en compte par l'adoption de six budgets rectificatifs au cours de l'année 2018.

Facteurs justifiant l'écart entre la prévision et l'exécution
du montant du PSRUE en 2018

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La volatilité du montant du PSRUE continue de constituer une incertitude pour l'équilibre des finances publiques

L'estimation annuelle du montant du PSRUE est effectuée par la direction du budget, grâce à l'utilisation d'un calculateur développé en interne. Compte tenu des nombreux éléments exogènes pouvant influencer en cours de gestion le montant des contributions nationales des États membres, votre rapporteur spécial s'accorde avec la direction du budget sur le fait qu'une évaluation exacte du montant du PSRUE est impossible .

Votre rapporteur spécial a déjà souligné à plusieurs reprises la nécessité d'améliorer les prévisions d'exécution du budget de l'Union européenne , et par conséquent, du montant du PSRUE. Outre le fait que le montant du PSRUE intervient dans le calcul des prévisions du déficit public annuel, votre rapporteur spécial rappelle qu'une évaluation précise est garante de la bonne information du Parlement lors de l'examen annuel du projet de loi de finances .

Toutefois, votre rapporteur spécial souhaite rappeler que la France n'est pas le seul État membre confronté à une forte volatilité du montant du PSRUE . Interrogée par votre rapporteur spécial, la direction du budget lui a fourni des comparaisons entre les prévisions et exécutions des montants des contributions nationales de plusieurs États membres. Ces éléments font apparaître, d'une part, que la prévisibilité des contributions nationales est très variable , et d'autre part, que la France ne se singularise pas par des écarts importants entre les prévisions et les exécutions de sa contribution .

Comparaison entre les prévisions et exécutions de la contribution nationale
de plusieurs États membres au budget de l'Union européenne

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

France

20,74

19,70

-5%

20,17

18,97

- 5,8%

18,69

16,38

- 12,3%

Allemagne

27,67

25,68

- 7,2 %

24,55

24,16

- 1,6%

24,12

16,89

- 30%

Suède

4,67

4,0

- 14,4 %

3,95

4,03

2 %

3,10

2,54

- 18,1%

Finlande

1,97

1,72

- 12,6 %

1,95

1,72

- 12 %

1,90

1,80

- 5,5%

Danemark

2,77

2,63

- 4,9%

2,52

2,40

- 5,1 %

2,65

2,27

- 14,7 %

Source : Commission des finances à partir des données transmises par la direction du budget

Votre rapporteur spécial relève néanmoins que la prévision du montant du PSRUE initialement inscrite dans le projet de loi de finances pour 2018 était plus proche du niveau final de l'exécution , que celle adoptée en loi de finances. En effet, le projet de loi de finances pour 2018 prévoyait un montant de 20,212 milliards d'euros pour le PSRUE, mais un amendement adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, a minoré ce montant de 300 millions d'euros . Si la prévision initiale avait été conservée, la sur-exécution du PSRUE n'aurait été que de 433 millions d'euros, au lieu de 733 millions d'euros.

Certes, l'amendement du Gouvernement visait à tenir compte de l'accord trouvé entre le Conseil de l'UE et le Parlement européen sur le projet de budget pour 2018 . Un tel amendement à l'article déterminant le montant du PSRUE en loi de finances est habituel car le projet de loi de finances est déposé avant l'adoption définitive du budget de l'Union européenne.

Toutefois, la Cour des comptes note que « cet amendement a minoré le déficit budgétaire entre le projet de loi de finances et la loi de finances initiale, par ailleurs affecté par la prise en compte de différents amendements adoptés par l'Assemblée nationale et le Sénat » 4 ( * ) . Votre rapporteur spécial relève ainsi que la minoration du montant du PSRUE a ainsi servi de variable d'ajustement, relativement artificielle, dans le cadre des discussions budgétaires pour 2018 . Par ailleurs, le montant du PSRUE constitue une marge de manoeuvre particulièrement pertinente dans le débat budgétaire puisque, depuis 2018, la loi de programmation des finances publiques l'exclut des dépenses pilotables .

Si votre rapporteur spécial valide le principe d'une minoration sur la base du budget adopté par l'Union européenne, il regrette l'utilisation opportune du PSRUE qui tend à décrédibiliser la sincérité de l'évaluation du montant de la contribution de la France au budget de l'Union européenne .

2. Le recouvrement des droits de douane pour l'Union européenne doit être amélioré

La majoration du PSRUE en raison d'une révision à la baisse des droits de douane rappelle l'importance de ces dernières dans l'équilibre du budget de l'Union européenne. Si la ressource fondée sur le revenu national brut des États membres constitue la principale ressource de l'Union, les droits de douane ont tout de même représenté 14,3 % des ressources propres de l'Union en 2018 .

Par conséquent, les insuffisances du recouvrement des droits de douane constituent un manque à gagner significatif pour l'Union européenne, in fine supporté par le contribuable national par le biais d'une augmentation des contributions des États membres , en tant que ressource d'équilibre du budget européen.

À ce titre, la sous-évaluation des biens importés entraîne une double pénalité pour le budget européen car elle réduit les recettes associées aux droits de douane et minimise la recette perçue au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) .

Un cas emblématique récemment révélé par l'Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) est celui de la sous-évaluation des marchandises textiles importées au Royaume-Uni depuis la Chine . Au terme d'une enquête de plusieurs années, l'OLAF a estimé la perte pour le budget de l'Union de près de 1,9 milliard d'euros en droit de douane , et à 3,2 milliards d'euros le montant de la fraude à la TVA associée 5 ( * ) . Considérant que le Royaume-Uni n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour prévenir la fraude à ces importations chinoises en dépit de ses recommandations et de celles de l'OLAF, la Commission européenne a demandé au Royaume-Uni en septembre 2018 le remboursement de 2,7 milliards d'euros.

En 2017, la Cour des comptes européenne avait souligné les défaillances du contrôle douanier au sein de l'Union européenne 6 ( * ) . Son rapport avait notamment pointé le fait que les États membres suivent des approchées variables pour lutter contre la fraude en matière de provenance et de classement tarifaire des marchandises importées. La Cour des comptes européenne y déplorait par ailleurs que la Commission européenne ne dispose pas de statistiques probantes sur la perte de recettes pour l'Union européenne générée par la sous-estimation des marchandises apportées, alors qu'elle consacre de nombreux travaux à la question de la fraude à la TVA.

Votre rapporteur spécial a auditionné l'OLAF dans le cadre des travaux de contrôle en cours relatifs à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne. D'après l'OLAF, les États membres peuvent être réticents à se montrer proactifs en matière de lutte contre la fraude douanière en raison de l'importance des flux de marchandises pour l'activité économique nationale. Or, les fraudeurs développent une analyse comparative des « maillons faibles » des douanes nationales pour sélectionner les lieux privilégiés pour effectuer leur dédouanement.

D'après l'OLAF, ce phénomène pourrait être partiellement enrayé par la définition d'une stratégie douanière plus uniforme au sein de l'Union européenne. La coordination des douanes nationales pourrait être effectuée par une « agence des douanes » européenne, bien que cette piste soulève des interrogations sur le périmètre, le financement, et les compétences d'une telle entité. Sans préjuger de sa faisabilité à court terme, votre rapporteur spécial estime que cette piste constitue une hypothèse de travail intéressante.

3. L'efficacité des dépenses de l'Union européenne devrait faire l'objet d'une meilleure évaluation

Partageant le constat de la Cour des comptes 7 ( * ) , votre rapporteur spécial regrette que l'efficacité des dépenses de l'Union européenne ne fasse pas davantage l'objet d'une évaluation permettant de comparer l'exécution constatée aux objectifs assignés aux politiques communes (réduction des inégalités territoriales, soutien à la croissance économique, accompagnement du développement rural, etc.).

Certes, l'Union européenne semble vouloir opérer un changement en faveur d'une analyse de la performance depuis plusieurs années. Ainsi, l'initiative « Un budget de l'UE axé sur les résultats » a été lancée en 2015, et les négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 sont axées sur la « valeur ajoutée » de l'Union européenne 8 ( * ) .

Toutefois, votre rapporteur spécial regrette que l'évaluation de la performance des dépenses de l'Union européenne ne fasse pas l'objet d'une publication dédiée et annuelle , qui serait complémentaire aux analyses du taux d'exécution du budget de l'Union et de la régularité des dépenses déjà présentées par la Commission européenne et la Cour des comptes européenne.

Votre rapporteur spécial relève par ailleurs que, concernant les dépenses en gestion dite « partagée » 9 ( * ) , les principaux acteurs de la chaîne de dépenses disposent d'informations considérables pour mener une telle analyse de la performance. En effet, dans le cadre de ses travaux de contrôle portant sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, votre rapporteur spécial a constaté que les autorités de gestion, de certification et d'audit nationales collectent, par le biais de l'analyse de la régularité et légalité des dépenses, des informations précieuses sur la pertinence des aides européennes versées et de leur impact pour les bénéficiaires .

MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT » - MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Action extérieure de l'État », qui représente 3 milliards d'euros, soit 0,92 % du budget de l'État, regroupe en 2018 les crédits des quatre programmes suivants :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » , qui porte les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique, ainsi que les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » , qui regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire, ainsi que les bourses octroyées aux élèves français scolarisés dans les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » , qui rassemble les crédits de fonctionnement du réseau culturel et les subventions versées aux quatre opérateurs de la mission ;

- le programme 347 « Présidence française du G7 » , créé en loi de finances initiale (LFI) pour 2018, qui regroupe les moyens financiers dédiés à la préparation du sommet qui se tiendra à Biarritz à l'été 2019. Ce programme est temporaire et limité aux exercices budgétaires 2018 et 2019.

Les dépenses de la mission sont majoritairement des dépenses d'intervention (titre 6), des dépenses de personnel (titre 2) et des dépenses de fonctionnement (titre 3).

Répartition des crédits de la mission exécutés, par titre

(en autorisations d'engagement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Crédits LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Évolution de l'exécution 2017/2018

LFI 2017/

LFI 2018

105

AE

1899,4

1789,6

- 109,8

94%

1898,7

1880

- 18,7

99%

5%

- 0,7

CP

1903

1788,9

- 114,1

94%

1901,7

1880,1

- 21,6

99%

5%

- 1.3

185

AE

715,4

671,2

- 44,2

94%

718,5

719,8

1,3

100%

7%

3.1

CP

715,4

676,4

- 39

95%

718,5

719,9

1,4

100%

6%

3.1

151

AE

387,3

371,5

- 15,8

96%

368,7

362,8

- 5,9

98%

- 2%

- 18.6

CP

387,3

371,6

- 15,7

96%

368,7

363,4

- 5,3

99%

- 2%

- 18.6

347

AE

14,4

0,2

- 14,2

1%

CP

12

0,08

- 11,92

1%

Total

P347 inclus

AE

3002,1

2832,3

- 169,8

94%

3000,3

2962,8

- 37,5

99%

5%

CP

3005,7

2836,9

- 168,8

94%

3000,9

2963,48

- 37,42

99%

4%

Total

Hors P347

AE

3002,1

2832,3

- 169,8

94%

2985,9

2962,6

- 23,3

99%

5%

- 16.2

CP

3005,7

2836,9

- 168,8

94%

2988,9

2963,4

- 25,5

99%

4%

- 16.8

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution des crédits en 2018 est conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, le taux de consommation des crédits s'élevant à 99 % sur l'ensemble de la mission. Ce taux s'est amélioré par rapport à l'exécution des crédits en 2017, où il ne s'élevait qu'à 94 %.

Les crédits votés en loi de finances initiale pour 2018 ont en effet été inférieurs de 16,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (16,8 millions d'euros en crédits de paiement), à ceux de la loi de finances initiale pour 2017, soit une diminution de 0,6 % à périmètre constant 10 ( * ) , permettant ainsi un rapprochement des crédits votés et exécutés.

Contribution des différents programmes à la baisse des crédits votés en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le programme 151 est le programme le plus concerné par cette baisse de crédits (- 18,6 millions d'euros, soit une diminution de 5 % des crédits), en raison d'une baisse significative des crédits dédiés aux élections en 2018 par rapport à 2017, année des élections présidentielle et législatives. Par ailleurs, la hausse contenue des crédits, hors masse salariale, des programmes 105 et 185 est essentiellement liée, pour le premier programme, à une diminution des contributions internationales aux opérations de maintien de la paix (CIOMP) et, pour le second, à une baisse des crédits dédiés aux Alliances françaises et des dotations aux établissements à autonomie financière.

Une amélioration de l'exécution du programme 185, notamment due à une absence de régulation budgétaire, contrairement à la gestion 2017

Alors que vos rapporteurs spéciaux s'étaient émus, en 2017, de l'annulation de 33 millions d'euros de crédits sur la subvention pour charges de service public de l'AEFE , la gestion 2018 est marquée par une hausse de l'exécution par rapport à l'exercice précédent, principalement en raison de la baisse du taux de réserve de précaution de 8 % à 3 % et de l'absence de régulation budgétaire sur le programme.

Conformément aux annonces du Président de la République, Emmanuel Macron, en octobre 2017, la subvention pour charges de service public de l'AEFE a donc été sanctuarisée en 2018 . Toutefois, cette préservation des moyens de l'enseignement français à l'étranger occulte de réelles tensions budgétaires rencontrées par l'AEFE, et mises en évidence par vos rapporteurs spéciaux lors de leurs récents travaux de contrôle budgétaire sur la question 11 ( * ) .

Hors dépenses de personnel (titre 2), la mission « Action extérieure de l'État » fait toutefois partie des missions dont l'exécution s'est le plus écartée de la loi de finances initiale , comme l'a montré la Cour des comptes. 85 millions d'euros de crédits n'ont pas été consommés, soit 4,1 % des crédits votés en loi de finances initiale.

Exécution des crédits de la mission, hors titre 2

(en millions d'euros)

LFI 2018

Exécution 2018

Écart

Écart (% LFI)

2 076

1 991

- 85

- 4,1%

Note de lecture : hors fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

À l'inverse, les crédits du titre 2 ont été, comme tous les ans depuis 2007, à une exception près, supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale. En 2018, ils représentent 102 % des crédits ouverts en loi de finances initiale . Pourtant, le schéma d'emplois a été plus que respecté
(- 109 ETPT en exécution pour un objectif de - 100 ETPT fixé par la lettre plafond 12 ( * ) ). Le plafond d'emplois de la mission s'élève à 11 905 ETPT en 2018, contre 12 040 en 2017, soit une baisse de 135 ETPT. L'exécution s'établit à 11 851 ETPT.

Évolution des crédits du titre 2 et de l'exécution du plafond d'emplois

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'année 2018 a tout particulièrement été marquée par une gestion complexe des crédits de titre 2 tout au long de l'année :

- dès le mois de mars, un important dépassement des crédits ouverts en LFI était constaté . Il n'a été visé par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel que sous la réserve qu'un plan d'économies et de financement puisse être établi rapidement ;

- un plan de financement, reposant essentiellement sur une diminution des dépenses hors titre 2 , a été présenté ;

- l'effet change-prix , comme chaque année, a fait varier les besoins en crédits de titre 2 en cours de gestion ;

- la fin de gestion a été très problématique : la mise à disposition des crédits nécessaires à la pré-liquidation de la paie du mois de décembre s'est faite au dernier moment et a nécessité :

o le dégel intégral de la réserve de précaution (5,5 millions d'euros) ;

o une ouverture de crédits en loi de finances rectificative ;

o un décret de virement entre programmes ;

o un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles (4,5 millions d'euros) en toute fin de gestion.

Les autorisations d'engagement ouvertes ont , à la suite de l'ensemble des mouvements de crédits intervenus durant l'année 2018, été supérieures de 2,8 millions d'euros aux autorisations d'engagement votées en loi de finances initiale .

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

LFI

LFR

Reports de la gestion précédente

Mouvements réglementaires

Fonds de concours et attributions de produits

Total des AE ouvertes

AE consommées

Programme 105

Titre 2 - Dépenses de personnel

622,2

20,6

0

7,3

0

650,1

650

Autres titres - Autres dépenses

1 276,6

- 55,2

17

1,5

11,1

1 251

1 230

Total

1 898,7

- 34,6

17

8,8

11,1

1 901,1

1 880

Programme 185

Titre 2 - Dépenses de personnel

73,5

0

0

-1,5

0

72

71,7

Autres titres - Autres dépenses

645

- 9,6

0,5

7,1

6,4

649,4

648,1

Total

718,5

- 9,6

0,5

5,6

6,4

721,4

719,8

Programme 151

Titre 2 - Dépenses de personnel

229,2

0

0

2,8

1,5

233,4

232,5

Autres titres - Autres dépenses

139,5

- 11,4

1,4

2,3

0,5

132,5

130,3

Total

368,7

- 11,4

1,4

5,1

2

365,9

362,8

Programme 347

Autres titres - Autres dépenses

14,4

0

0

0

0

14,4

0,2

Total

14,4

0

0

0

0

14,4

0,2

Total mission

3 000

- 55,6

18,9

19,6

19,5

3 002,8

2 962,7

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. UN BUDGET RELATIVEMENT RIGIDE DONT LE PILOTAGE EST CONTRAINT

Les grands postes de la mission « Action extérieure de l'État » que constituent les contributions internationales aux opérations de maintien de la paix, les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs et la masse salariale sont relativement rigides .

Par ailleurs, le pilotage de la mission est contraint par deux types de risque : le risque sécuritaire et le risque de change . Le premier a, à nouveau, conduit au renforcement des conditions de sécurité en France et à l'étranger. Comme l'a montré la Cour des comptes, sur les crédits hors titre 2, comme en 2017, des redéploiements ont été opérés en 2018 de l'étranger vers la France afin de répondre aux besoins de renforcement des prestations de gardiennage et de procéder à des travaux de sécurisation des sites en France. Le second constitue le principal risque identifié par le contrôle interne budgétaire du ministère. Alors que vos rapporteurs spéciaux avaient appelé le Gouvernement , lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, à progresser rapidement vers l'établissement d'un mécanisme effectif de couverture du risque de change, une nouvelle convention est entrée en vigueur le 12 avril 2018. Ils saluent les dispositions nouvelles introduites par cette convention qui apportent un réel progrès en matière de couverture du risque de change lié aux versements des contributions internationales de la France mais ne pourront véritablement les évaluer que lors de l'examen de la loi de règlement de 2019.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux soulignent que le pilotage de la mission en matière de masse salariale n'est pas satisfaisant . Alors que les crédits de personnel sont répartis sur les programmes 105, 151 et 185, les responsables de programme ne pilotent pas leur activité par la masse salariale, mais uniquement par ETPT. Dans un contexte d'objectif de baisse de 5,7 % de la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à l'horizon 2022 , cette absence de pilotage de la masse salariale par les responsables de programme constitue une vraie faiblesse. Vos rapporteurs spéciaux reviendront sur ce sujet lors de leurs prochains travaux de contrôle budgétaire.

B. UNE LÉGÈRE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION QUI MASQUE UNE SUREXÉCUTION CHRONIQUE DES DÉPENSES DE PERSONNEL

La sous-exécution des crédits de la mission, qui s'élève en 2018 à 37,5 millions d'euros, masque des disparités importantes entre l'évolution des crédits hors titre 2 (- 67 millions d'euros 13 ( * ) ) et celle des crédits de titre 2 (+ 29,4 millions d'euros).

Les dépenses de personnel ont en effet été systématiquement supérieures aux crédits votés en loi de finances initiale depuis 2007, à l'exception de l'année 2014 . Cette surconsommation de masse salariale est due en majeure partie aux effets change-prix constatés sur les indemnités de résidence à l'étranger des agents expatriés et à l'effet change sur les agents de droit local. En moyenne, depuis 2012, l'effet change-prix, qui n'est calculé qu'à l'échelle du ministère 14 ( * ) , a représenté 23 millions d'euros par an sur l'ensemble des dépenses de personnel, soit un montant supérieur à l'écart moyen annuel entre les crédits exécutés et les crédits votés en LFI (16,4 millions d'euros).

Contribution de l'effet change-prix à la sur-exécution des crédits de titre 2 du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

LFI

1 062

1 092

1 113

1 105

1 082

1 123

1 090

Exécution

1 105

1 108

1 086

1 118

1 119

1 128

1 118

Écart

43

16

- 27

13

37

5

28

Effet change-prix

30,9

26,7

- 2,3

20,8

42,8

25,9

16,4

Source : contrôleur budgétaire et comptable ministériel

La couverture de l'effet change-prix

L'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) « est destinée à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence » 15 ( * ) .

Les montants d'IRE sont ajustés chaque trimestre au titre du change-prix, pour maintenir constant le pouvoir d'achat des personnels expatriés de l'État. Les ajustements sont calculés en fonction des variations de change entre l'euro et la monnaie locale et du différentiel d'inflation entre la France et le pays de résidence.

Le calcul de l'effet change-prix permet d'ajuster l'IRE en fin de gestion, en intégrant aux prévisions budgétaires, calculées sur la base de l'année N-2, le surcoût ou l'économie qui résulte des évolutions constatées.

Vos rapporteurs spéciaux déplorent cette situation récurrente depuis plus de dix ans et appellent de leurs voeux une rénovation des modalités de prise en compte de l'effet change-prix dans les prévisions budgétaires, qui permette au Parlement de voter des enveloppes de crédits réalistes, respectées en exécution.

Ils soulignent par ailleurs que cette sur-exécution des crédits de titre 2 crée un dépassement des crédits inscrits dans la loi de programmation des finances publiques, comme ils l'avaient déjà montré lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 .

Ils espèrent que le projet de réforme de la couverture de l'effet change-prix , qui est en cours d'examen à la direction du budget et qui consisterait à prendre en compte l'effet prix en loi de finances initiale, permettra de remédier à ces difficultés chroniques et suivront de près sa mise en oeuvre.

C. DES MESURES DE FIN DE GESTION QUI FONT FI DE L'AUTORISATION BUDGÉTAIRE DONNÉE PAR LE PARLEMENT

En toute fin de gestion 2018, un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles de 4,5 millions d'euros a été pris afin de répondre aux besoins de crédits de personnel sur le programme 105, qui n'avaient été ni prévus ni anticipés dans le cadre de la loi de finances rectificative .

Prévue par l'article 7 de la LOLF, « la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, est destinée à faire face à des calamités, et pour des dépenses imprévisibles ». Elle a été très peu utilisée depuis sa création. Son utilisation en 2018 pour la mission « Action extérieure de l'État » est donc d'autant plus remarquable.

Elle n'a en outre financé aucune dépense accidentelle ou imprévisible, mais a servi en réalité à couvrir une sous-budgétisation des crédits de personnel , identifiée dès le début de la gestion sur la mission.

Vos rapporteurs spéciaux déplorent le recours récurrent à diverses mesures de fin de gestion (dégel de la réserve de précaution, décret de virement entre programmes) visant simplement à ajuster les crédits de titre 2 . Ils s'alarment tout particulièrement cette année du recours à un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles pour abonder des crédits de titre 2 à partir des crédits hors titre 2 d'un autre programme, ce qui est contraire aux principes de la LOLF. Ils rappellent que les dépenses de personnel ne doivent pas pouvoir être engagées au travers d'une procédure d'exception échappant au contrôle parlementaire.

D. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE IMMOBILIERE QUI FAIT ENCORE DÉFAUT

Les dépenses d'investissement de la mission exécutées en 2018 l'ont été exclusivement sur le programme 105. Elles représentaient, en loi de finances initiale, 3,7 % des crédits de la mission hors titre 2. En exécution, elles représentent 2 % des crédits.

Dépenses d'investissement (titre 5)

(en millions d'euros)

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Taux d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 105

77

77

61,4

62

80 %

81 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'investissement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sont toutefois également portées, en matière immobilière, par le programme 723 Opérations immobilières nationales et des administrations centrales du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » qui porte les investissements immobiliers structurants du ministère, tandis que le programme 105 finance l'entretien lourd et courant.

Vos rapporteurs spéciaux soulignent , comme l'a également fait la Cour des comptes, que cette partition des crédits entre deux programmes nécessite un effort de présentation pluriannuelle et multiprogrammes. Cette nécessité est d'autant plus grande que le ministère est devenu, dans le cadre de la réforme des réseaux à l'étranger à horizon 2022, l'affectataire unique du parc immobilier de l'État à l'étranger (215 bâtiments dont la valeur est évaluée à 80 millions d'euros) - hors biens relevant du ministère des armées - et est, à ce titre, responsable de sa rationalisation .

E. UNE VIGILANCE À AVOIR SUR L'EXÉCUTION 2019 DES CRÉDITS D'ORGANISATION DU G7

Le coût estimé de la présidence française du G7 s'élève à 36,4 millions d'euros, répartis sur deux ans. En 2018, les crédits votés en loi de finances initiale s'élèvent à 14,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 12 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Toutefois, ces crédits n'ont quasiment pas été consommés : seuls 1,4 % des AE et 0,7 % des CP l'ont été . Cet écart à la prévision s'explique, selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, par le fait que la répartition des crédits entre les années 2018 et 2019 n'avait pu être établie de manière consensuelle avec le ministère de l'action et des comptes publics.

Exécution des crédits du programme 347

(en millions d'euros)

Programme

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart à la prévision

Taux d'exécution

347

AE

14,4

0,2

-14,2

1,4%

CP

12

0,08

-11,92

0,7%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Comme le relève la Cour des comptes, il apparaît toutefois que, lors des précédents sommets du G8 ou du G20, la majeure partie des décaissements intervient l'année précédant la tenue du sommet. Le choix du site et des dates du prochain G7 ayant eu lieu à la mi-juillet 2018, les premiers engagements auraient pu être réalisés cette même année.

Vos rapporteurs spéciaux appellent donc l'attention du Gouvernement sur la passation des marchés publics afférents au futur sommet du G7 et seront vigilants, lors de l'examen de la loi de règlement de 2019, sur l'exécution de ces crédits .

MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE
ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT » - M. Jacques Genest, rapporteur spécial

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) est une mission particulièrement composite, comme l'indiquent assez les objets des trois programmes qu'elle regroupe.

Les programmes de la mission AGTE

Les trois programmes de la mission « AGTE » sont, on le rappelle, d'une inégale densité budgétaire, le programme 307 (« Administration territoriale ») regroupant environ 61,3 % des crédits de paiement ouverts en 2018 par la loi de finances initiale soit 1,7 milliard d'euros.

Les deux autres programmes, « Vie politique, cultuelle et associative » (232) pour 125,8 millions d'euros d'ouvertures en 2018, année marquée par un calendrier électoral peu dense qui détermine le profil budgétaire du programme, et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (216) avec 939,8 millions en loi de finances initiale pour 2018, mobilisent, le premier, 4,3 % des moyens (à comparer aux plus de 15,1% de l'exercice précédent), le second 30,4 % des crédits.

Cette répartition prend en compte une certaine irrégularité de la structure de la mission en raison d'un cycle électoral dont les effets sur la programmation et l'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale sont chroniquement significatifs.

La diversité des programmes regroupés dans la mission est aggravée par le caractère largement hétéroclite du programme 216 (un tiers des dotations) qui finance les moyens mobilisés par une série d'interventions souvent rattachables à des politiques publiques retracées par d'autres missions budgétaires.

Dans le même temps, certains programmes, qui pourraient utilement être inclus dans une mission budgétaire destinée à apprécier les moyens mis en oeuvre pour assurer l'administration générale de l'État ne le sont pas. Ainsi en va-t-il du programme 333 « moyens mutualisés des services déconcentrés » logé dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Il semble que ce dernier doive être prochainement rattaché à la mission AGTE, ce qui constituera un progrès de cohérence sur le plan budgétaire, la question de l'opportunité d'un transfert au ministère de l'intérieur des responsabilités de coordination de l'action publique étant réservée.

Il n'en reste pas moins qu'après cette évolution subsistera dans notre nomenclature budgétaire une mission fort éloignée, au point d'y contrevenir, de l'esprit et de la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.

Cette situation, qui n'est pas propre à la mission AGTE - de nombreuses missions budgétaires abritent des programmes réservoirs à l'image du programme 216 de la mission AGTE- présentent de grands inconvénients qui s'aggravent (voir infra) et devrait être corrigée.

En 2018, les dépenses de la mission ont rétrogradé de 6,6 % (pour les crédits de paiement ) tandis que les autorisations d'engagement mobilisées ont été inférieures de 9 % par rapport au niveau de 2017.

Le cycle électoral, qui trouve sa traduction dans les dépenses du programme 232, explique la quasi-totalité de cette évolution, les dépenses des autres programmes ayant été globalement stabilisées.

Évolution des dépenses de la mission

(en millions d'euros)

Programme

2017

2018

Variation

Administration territoriale (307)

1 705,3

1 718,8

+ 13,5

Vie politique, cultuelle et associative (232)

370,8

175,5

- 195,3

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

943,5

927,3

- 16,2

Total

3 019,6

2 821,6

- 198

Source : RAP 2018

Comme c'est traditionnellement le cas pour la mission, les crédits ouverts par la loi de finances initiale, ont été complétés en exécution par des rattachements de ressources récurrents, provenant de fonds de concours ou d'attributions de produits.

Ces rattachements ont contribué à un excès de dépenses par rapport aux dotations de la loi de finances de l'année, mais le dépassement des crédits est principalement venu de dépenses reportées de l'exercice précédent.

Ici aussi, le programme 232 est en cause.

Au-delà d'évolutions nominales fortement perturbées par le cycle électoral, se détache l'image d'une mission AGTE marquée par une forme d'inertie budgétaire.

Les économies constatées sont contingentes et peuvent être considérées comme fragiles, soit qu'elles bénéficient de reports de charges, soit qu'elles appellent confirmation au regard de tendances passées. Les réformes mises en oeuvre ces dernières années, aux impacts fonctionnels plus que mitigés, n'ont, à ce jour, pas tenu toutes leurs promesses en termes de maîtrise des charges budgétaires.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

En 2018, les dépenses de la mission AGTE ont enregistré une baisse apparemment forte. En réalité, une fois neutralisées les évolutions contingentes, les dépenses de la mission ressortent en légère augmentation, soutenues par une variation positive des dépenses d'investissement et par une progression des dépenses de personnel.

Cette dernière intervient malgré une baisse de l'emploi mobilisé par la mission et traduit ainsi une hausse du coût unitaire du travail, qui demeure toutefois modérée.

Les dépenses ont excédé les crédits ouverts en loi de finances pour des motifs différents, les uns récurrents en lien avec des rattachements de produits traditionnels, les autres liés à l'exécution des crédits de financement de la vie politique au cours de l'année 2017, qui a suscité des reports de charges élevés.

Le plafond de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques a été dépassé lui aussi. Mais, c'est encore aux conditions d'exécution des crédits du programme 232 de financement de la vie politique qu'on le doit.

Néanmoins, le respect de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques est d'ores et déjà compromis pour l'avenir tandis que des reports de charges sur les exercices à venir pourraient compromettre la trajectoire budgétaire rigoureuse, marquée notamment par les importantes annulations de crédits de l'année.

A. UNE BAISSE LARGEMENT CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION

1. Hors cycle électoral et variation des dépenses de contentieux, une légère augmentation des charges...

L'année 2017 avait été marquée par un net alourdissement des charges budgétées, principalement pour assurer le financement de la vie politique.

Sur les 577,3 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires ouverts en 2017 (+ 22,8 %), 370,7 millions d'euros avaient été inscrits, à ce titre, au profit du programme 232, soit près des deux tiers des crédits supplémentaires. Du point de vue de l'exécution des crédits, l'année 2017 avait été marquée par une sous-consommation des dotations ouvertes au programme 232 mais aussi par des dépenses de contentieux nettement supérieures à la dotation budgétaire initiale (139,3 millions d'euros contre seulement 55 millions d'euros programmés). Au total, les deux mouvements s'étaient à peu près compensés (des dépenses inférieures à la prévision de 100 millions d'euros sur le programme 232 et supérieures de 85 millions d'euros au titres des contentieux), mais la sous-exécution du programme 232 n'avait pas empêché d'y constater un niveau de dépenses inhabituellement élevé (370,8 millions d'euros), en lien avec les opérations électorales très denses de l'année.

En 2018, le repli des dépenses doit beaucoup à un retour à l'épuisement progressif des effets du calendrier électoral sur les charges de la mission. La baisse des charges du programme 232 équivaut à 98,5 % de la baisse des dépenses de la mission. En outre, la diminution des dépenses de contentieux par rapport au niveau très élevé de 2017 apporte des économies complémentaires (- 47,8 millions d'euros).

Une fois neutralisées ces évolutions atypiques, contingentes, les dépenses augmentent, légèrement le supplément de dépenses représentant 0,9 % du total des dépenses de 2018 16 ( * ) .

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire

Les dépenses de la mission AGTE sont majoritairement des dépenses de personnel.

Le poids de ces dépenses varie cependant d'une année à l`autre à raison des particularités du programme 232 qui porte presque exclusivement des dépenses de fonctionnement ou d'intervention et dont l'ampleur des dotations est dépendante du calendrier électoral. L'exercice 2018, qui enregistre une augmentation de la part relative des dépenses de personnel dans le total des charges budgétaires de la mission à 69,7 % contre 64,6 % en 2017 le confirme dans la mesure où cette variation résulte pour sa quasi-totalité de la diminution des dépenses liées au cycle électoral.

Structure des dépenses de la mission AGTE par nature

2017 (A)

2018 (B)

Variation B/ A

Dépenses de personnel

64,6 %

69,7 %

+ 5,1

Autres dépenses

35,4 %

30,3 %

- 5,1

dont :

Fonctionnement

27 %

21,6 %

-5,4

Investissement

1,7 %

2,6 %

+ 0,9

Interventions

6,7 %

6,1 %

- 0,5

Opérations financières

NS

0,0 %

NS

Total

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2018

L'augmentation du poids des dépenses de personnel de 5,1 points est compensé par un allègement du poids relatif des dépenses de fonctionnement de 5,4 points et des dépenses d'intervention de 0,5 point, les dépenses d'investissement se révélant plus élevées que celles de l'exercice précédent.

Données sur l'exécution des crédits de la loi de finances initiale
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

Réalisation 2017 (A)

Prévision 2018 (B)

Réalisation 2018 (C)

C-A

C-B

Dépenses de personnel

1 949,1

2 022,5

1 966,6

+ 17,5

- 55,9

Autres dépenses

1 070,6

794,7

855

- 215,6

+ 60,3

dont :

Fonctionnement

815,6

542,3

610

- 205,6

+ 67,7

Investissement

52,5

114,3

75

+ 22,5

- 39,3

Interventions

202,4

138,1

169,9

- 32,5

+ 31,9

Opérations financières

0,0

0

0

- 0,30

0

Total

3 019,7

2 817,2

2 821,6

- 198,1

+ 4,4

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2018

a) Une diminution largement contingente des dépenses autres que de personnel

Les dépenses de fonctionnement et d'intervention de la mission reculent de plus de 20 % en 2018 après avoir connu une très forte augmentation (+ 38 %) en 2017.

C'est le repli des dépenses de fonctionnement, qui, pour être moindre que prévu par la loi de finances initiale, a tiré cet ensemble de dépenses à la baisse. Il a atteint plus de 25 %, les économies (205,6 millions d'euros) touchant particulièrement le programme 232 (149 millions d'euros) mais également le programme 216 (58,4 millions d'euros) tandis que, pour le programme 307, les dépenses de fonctionnement ont été stabilisées.

Les économies constatées sur le programme 216 sont largement imputables aux dépenses de contentieux qui, pour avoir été supérieures au niveau budgété (91,5 millions d'euros contre 80 millions d'euros) en 2018, ont diminué de 47,8 millions d'euros. Quant aux dépenses de fonctionnement du programme 232 leur réduction est la suite mécanique de l'épuisement des effets des élections tenues en 2017 sur les dépenses du programme.

En bref, même si les charges du contentieux ne peuvent être considérées comme totalement indépendantes des actions mises en oeuvre par le ministère (voir infra ), la quasi-totalité des économies constatées en 2018 sur le poste des dépenses de fonctionnement de la mission (196,8 millions d'euros) sont attribuables à des facteurs exogènes et contingents de sorte que la baisse de ces charges ne peut être considérée comme structurelle.

Quant aux dépenses d'intervention et d'investissement, elles ont baissé de 9,9 millions d'euros, moyennant une hausse des dépenses d'investissement de 22,5 millions d'euros plus que compensée par la baisse des dépenses d'intervention (- 32,5 millions d'euros).

Le programme 232 et le cycle électoral sont également primordialement en cause dans ces évolutions. Les dépenses d'intervention de ce programme (principalement les subventions versées aux communes pour financer les frais d'organisation des élections) décroissent de 28,3 millions d'euros. Dans ces conditions, les dépenses d'intervention, une fois neutralisé l'impact du cycle électoral, se replient moins nettement (- 4,2 millions d'euros).

Quant à la dynamique des investissements, poste de dépenses dont le poids dans les charges de la mission AGTE est structurellement second (2,6 % dans le total des charges en 2018), elle ressort comme forte au vu de la consommation des crédits de paiement, particulièrement pour le programme 307 (+ 12 millions d'euros, soit + 49 %), le programme 216 voyant ses dépenses d'investissement progresser aussi nettement (+ 36,8 %). En revanche, la mobilisation des autorisations d'engagement de chacun de ces deux programmes présente une image inversée. Pour le programme 307, la consommation des autorisations d'engagement augmente de 8,2 millions d'euros (+ 23,6 %) tandis que, pour le programme 216, la croissance atteint 69 % (+ 11,7 millions d'euros).

La légère décrue des dépenses d'intervention et d'investissement, une fois éliminées les variations purement contingentes du programme 232, fait place à une augmentation des charges correspondantes de 18,4 millions d'euros.

Au total, hors évolutions propres au cycle électoral et hors variation des dépenses de contentieux (que les dépenses de 2017 soient considérées comme exceptionnellement ou élevées ou les dépenses pour 2018 comme plus structurelles), les dépenses de la mission autres que de personnel, augmentent de 20,2 millions d'euros (soit une progression proche de 2 %).

b) Malgré un schéma d'emplois a priori économe, une progression des dépenses de personnel

La mission AGTE a été placée ces dernières années sous l'influence d'une réorganisation de ses effectifs censée prolonger la forte réduction de long terme des emplois rémunérés par la mission.

Il s'agit du « plan préfecture nouvelle génération » (PPNG), qui prévoyait la suppression de 1 300 ETPT 17 ( * ) en trois ans (2016-2018), soit une réduction des emplois du programme 307 de 4,9 %.

Pour 2018, le plan PPNG impliquait un schéma d'emplois comprenant la suppression de 415 emplois après les emplois supprimés en 2016 (200) et 2017 (685).

Le rapport annuel de performances du programme 307 indique que cet objectif a été atteint.

Néanmoins, il n'a pas exercé tous ses effets sur la consommation du plafond d'emplois du programme 307. Le nombre des ETPT consommé par le programme 307 n'a baissé que de 326 unités.

Quant au programme 216, si le schéma d'emplois prévu (- 35 ETP) a été également mis en oeuvre, l'inscription de nouveaux emplois consécutive à la création de la commission du contentieux du stationnement payant ( avec un effectif cible de 119 ETPT fin 2018) et de moindres transferts en gestion qu'en 2017 (212 contre 628 ETPT) ont conduit à alourdir la consommation des emplois de ce programme (427 ETPT de plus qu'en 2017).

Évolution des emplois en 2018 (en ETPT)

(en ETPT)

Programme

Réalisation 2017

LFI+LFR+

Réalisation 2018

Écart

2018/2017

Écart 2018 réalisés/ 2018 prévus

Transferts en

gestion

Administration territoriale (307)

25 985

25 927

25 659

- 326

- 268

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (232)

6 432

7 070

6 859

+ 427

- 211

Vie politique, cultuelle et associative (207)

50

51

48

- 2

- 3

Total

32 467

33 048

32 566

+ 99

- 482

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les réductions d'emploi liées au schéma d'emplois prévu sur le programme 307, pour être limitées au stade de la consommation effective des emplois à hauteur d'environ 85 ETPT en raison de recrutements rendus nécessaires par le traitement des difficultés rencontrées pour assurer toute son efficacité à la dématérialisation de la délivrance des titres sécurisés.

L'impact du schéma d'emplois agrégé de la mission sur les dépenses de personnel a trouvé dans cette contrainte un premier motif d'atténuation.

Dans un contexte favorable à la maîtrise des dépenses de personnel du fait de d'absence de revalorisation indiciaire générale en 2018 (seul un effet en année pleine très limité a joué en cours d'année après la revalorisation indiciaire de février 2017) et du report du PPCR, qui a engendré une économie de 5,6 millions d'euros pour les deux programmes 307 et 216, il a fallu compter avec certaines autres dynamiques.

La compensation de l'augmentation de la CSG a coûté 7,2 millions d'euros aux deux programmes considérés ici et les effets des mesures catégorielles et du glissement-vieillesse-technicité (GVT) ont impacté à la hausse les dépenses, de sorte que les économies liées à la baisse des emplois ont été effacées au niveau des charges de personnel.

Impact en 2018 du schéma d'emploi agrégé de la mission et d'autres mesures salariales sur les charges salariales de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Parmi les mesures catégorielles, la mise en place du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 au profit des membres du corps préfectoral a suscité une augmentation du coût global et du coût global moyen des rémunérations d'activité versées aux hauts fonctionnaires de ce corps de 6,08 % (en lien avec une sous-budgétisation de la mesure en 2017), pour un coût en année pleine de 4,8 millions d'euros concernant 565 agents de catégorie A+. Cette mesure représente 80 % des mesures catégorielles de l'année.

L'impact des schémas d'emplois des années 2017 et 2018 sur les charges de personnel est modéré pour le programme 216 mais nettement plus fort pour le programme 307 qui génère plus de 80 % des économies afférant à la diminution des emplois du ministère. En 2018, ces économies sont principalement dues à la réduction des emplois de 2017. En contrepartie, les mesures catégorielles appliquées aux effectifs du programme 307, qui résultent d'un plan de requalification associé au « PPNG » engendrent 6,1 millions d'euros de charges, le programme 216 ne portant que peu de mesures catégorielles. Mais, il en va autrement de l'impact du GVT qui induit une dépense supplémentaire de 2,2 millions d'euros pour ce dernier programme, en ligne avec le poids de ses effectifs budgétaires, tandis que le programme 307 connaît également une forte impulsion à ce titre. Quant à l'indemnisation des mesures portant sur le compte épargne-temps retracée en évolution dans le tableau ci-dessus, elle progresse mais modérément.

Les contributions-employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont ajouté 3,9 millions d'euros de charges de titre 2 en 2018 selon une structure qui fait ressortir les économies importantes réalisées du fait de la nature des emplois mobilisés par le programme 307.

La protection assurée par le régime de retraite des fonctionnaires ressort comme structurellement moins effective pour les agents au service de l'administration territoriale (de plus en plus exclus, par leur statut, du bénéfice du régime de retraite des fonctionnaires), et de ses usagers, que pour ceux, souvent d'administration centrale, du programme 216.

Évolution des contributions employeur aux régimes de retraite des agents
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Civils

Militaires

Ouvriers de l'État

Total

Programme 307

- 7,8

0,4

0

- 7,4

Programme 216

7,7

0,4

3,2

11,3

Total

- 0,1

0,8

3,2

3,9

Source : commission des finances du Sénat

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT CROISSANT D'ENGAGEMENTS RESTANT À COUVRIR DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR LA PERSPECTIVE DE NOUVELLES CHARGES

Votre rapporteur spécial rappelle, en préambule, que la mission AGTE, qui incarne pourtant l'État dans ce qu'il a de plus régalien, n'est pas considérée comme une mission prioritaire dans la programmation pluriannuelle des finances publiques.

En 2018, la mission n'aura pas respecté son plafond de dépenses tel que fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Si l'excédent de dépenses paraît « accidentel » en 2018, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques semble déjà obsolète.

En outre, l'exécution se solde par une hausse conséquente des engagements non couverts par des crédits de paiement au titre du programme 307, qui pèseront inévitablement sur les dépenses de la mission à l'avenir, tandis que, pour le programme 216, la réduction des engagements à couvrir semble a priori assez artificielle.

1. Un excédent accidentel de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques d'ores et déjà obsolète pour le reste de la programmation

Une demande de plus de transparence

Votre rapporteur spécial souhaite que les documents budgétaires associés aux différentes catégories de projets de loi de finances consacrent un développement par mission et par programme et titre aux conditions dans lesquelles lesdits projets appliquent la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Une interrogation de méthode

Les normes de dépenses des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ne couvrent pas les contributions de l'État employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, les conditions d'emploi et de rémunération de chaque ministère varient, avec pour conséquence l'existence d'effets asymétriques sur les charges patronales d'une même norme d'évolution des dépenses de personnel. L'élasticité des dépenses brutes (c'est-à-dire des dépenses augmentées de la contribution de l'État employeur au CAS) peut ainsi varier dans des proportions significatives selon la part de l'emploi affilié aux régimes de retraite des fonctionnaires et selon la structure des rémunérations (indices ou indemnités) de chaque ministère. Il pourrait être utile de disposer d'une estimation régulière sur ce point et l'on pourrait s'interroger sur la possibilité de donner aux gestionnaires de programmes davantage de marges en fonction de l'impact sur les coûts totaux de l'emploi (y compris la contribution employeur au CAS) de leur gestion des personnels.

Dans la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la mission AGTE ne faisait pas partie des missions prioritaires. Pour avoir délaissé cette notion, la nouvelle loi de programmation des finances publiques (2018-2022) prolonge cette situation.

Si l'article 8 de la loi de programmation pluriannuelle a prévu que la progression des dépenses soit limitée à 1 % en volume au cours de la période 2018-2020, pour la mission, hors échéances électorales, une norme nettement plus stricte s'applique.

Comparaisons entre la norme de dépense et l'exécution de 2018

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2018

Au-delà des apparences, qui voient les dépenses excéder le plafond des autorisations de crédits fixé pour 2018, la consommation des crédits paraît en ligne avec la programmation, une fois pris en compte un motif de dépenses non-récurrentes, provenant d'un report de charges de l'année 2017.

Sans doute est-il possible de relever une consommation supérieure de 34,5 millions d'euros à la norme de dépenses, mais cet excédent de dépenses reflète le retard mis à consommer les crédits de 2017 du programme 232 sur lequel une économie provisoire de 99 millions d'euros avait été constatée l'an dernier du fait de certaines difficultés d'application des dispositions relatives au financement de la vie politique (voir infra ).

Dès lors, en 2018, des reports importants (72,3 millions d'euros en crédits de paiement) sont venus abonder les crédits ouverts en loi de finances initiale concourant à un dépassement de la norme de dépenses de la loi de programmation pluriannuelle de 49,8 millions d'euros. Ce moteur de dépenses est appelé à s'éteindre au-delà de 2018.

Pour autant, d'autres éléments non programmés devraient entraîner un alourdissement des charges au-delà de la norme pluriannuelle si bien que cette dernière apparaît d'ores et déjà obsolète.

Il s'agit principalement de la non-dématérialisation de la propagande électorale et de sa diffusion qui, intégrée à la programmation n'a pourtant pas été proposée dans le projet de loi de finances pour 2019 au titre des élections européennes, qui aurait pu constituer une bonne occasion d'en tester les effets.

Les autres programmes ont de leur côté davantage respecté les plafonds de dépenses.

Il en est allé ainsi pour le programme 307, à 410 000 euros près selon la Cour des comptes, mais moyennant une augmentation des restes à payer (voir infra ).

Pour le programme 216, la sur-consommation des crédits hors titre 2 par rapport à la norme de dépenses, qui a contribué, à l'inverse, à une réduction des restes à payer, a été compensée par une sous-exécution des dépenses de personnel normées de sorte que les dépenses du programme s'inscrivent, selon la Cour des comptes, en retrait de 14,9 millions d'euros par rapport à la norme de la loi de programmation pluriannuelle.

2. Une forte augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307 et la probabilité forte de concrétisation de charges à ce jour latentes

Les engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de l'exercice budgétaire ont globalement diminué, passant de 839,6 millions d'euros à 774,4 millions d'euros de fin 2017 à la fin de 2018.

Évolution des engagements non couverts par des pays de paiement à la fin des deux exercices budgétaires précédents

(en millions d'euros)

2017

2018

Évolution 2018/2017

Programme 307

68,386

76,517

8,131

Programme 232

14,378

10,266

- 4,112

Programme 216

756,854

687,639

- 69,215

Total

771,232

774,422

- 65,196

Source : commission des finances du Sénat

Cette évolution, a priori satisfaisante, l'est moins quand on considère certains de ses soubassements.

Pour une partie prépondérante, les opérations concernées par l'étalement des paiements des engagements sont portées par le programme 216, notamment du fait des investissements immobiliers qu'il finance. En 2018, le programme a consacré près d'un quart des crédits de paiement ouverts à honorer des engagements antérieurs à l'exercice 2018, les autorisations d'engagement consommées au cours de l'année ayant mobilisé trois quarts des crédits de paiement ouverts. Les restes à payer du programme ont été nettement réduits, de près de 70 millions d'euros. Mais, la pérennité de cette évolution est douteuse.

Les engagements du programme sont difficiles à suivre en l'état de l'information budgétaire, certaines opérations complexes pouvant donner lieu à des décomptes différés. Par ailleurs, les délais prévisionnels de réalisation des projets connaissent un allongement sensible. Les résultats pour 2018 doivent être pris avec d'autant plus de prudence que les autorisations d'engagement consommées ont été fortement réduites (- 99 millions d'euros), alors que de nouveaux projets coûteux ont été annoncés dans le domaine informatique ou immobilier.

Quant au programme 307, les engagements demeurant à couvrir connaissent une nette augmentation, de l'ordre de 12 % après celle (de près de 50 %) observée l'an dernier de sorte qu'en deux ans, les restes à payer ont augmenté de l'ordre de 16 millions d'euros. Cette évolution prolonge celle observée depuis 2015.

Évolution des restes à payer du programme 307 depuis 2015

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2018

Si les dépenses effectuées en 2018 ont permis d'assurer le paiement d'engagements demeurant pendants à hauteur de 28,8 % de ces derniers, les engagements de 2018 ont laissé non payés 27,9 millions d'euros de nouvelles charges.

L'information budgétaire sur cette augmentation des charges à payer est des plus succincte. Tout juste apprend-elle que les charges restant à payer pour couvrir les engagements pris à fin 2018 se répartissent entre 52,62 millions d'euros au titre du programme national d'équipement des préfectures (PNE) et 23,9 millions d'euros au titre des marchés pluriannuels. Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes fait ressortir la dimension composite des restes à payer, indiquant qu'il peut aussi bien s'agir d'engagements correspondant à des factures de fonctionnement courant de fin d'année que de grands projets de modernisation.

Une partie de ces restes à payer concernait l'an dernier la carte nationale d'identité (22,7 millions d'euros) du fait notamment d'un surcoût qui aurait dû être constaté sur ce projet, dont le règlement aurait été étalé.

Une demande pour plus de transparence

Les niveaux des restes à payer sur les engagements pluriannuels, et leur évolution, font l'objet d'une information plus ou moins développée, mais qui, dans tous les cas, doit progresser. Une présentation plus détaillée s'impose (particulièrement pour le programme 307 pour lequel l'information budgétaire est très lacunaire) afin de suivre les engagements (en les imputant aux divers instruments de gestion opérationnelle, plan national d'équipement des préfectures, schémas informatiques ou immobiliers) et les paiements correspondants en isolant l'impact des grands projets et de leur révision en cours de réalisation. Par ailleurs, un échéancier des paiements devrait figurer dans l'information budgétaire mentionnant les écarts constatés en les justifiant.

Les progrès de transparence demandés par votre rapporteur spécial s'imposent d'autant plus que la mission est exposée à de nouveaux grands projets dont le suivi ne saurait être assuré par le Parlement dans les conditions de l'information budgétaire courante. S'y ajoute la considération d'une dynamique de dépenses peu maîtrisable résultant de la perspective de nouvelles charges.

Pour le programme 307, l'on doit mentionner la perspective que le retour du projet d'une carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné à la suite de décisions défavorables du Conseil constitutionnel, mais qui refait surface du fait des règles adoptées par l'Union européenne, puisse se traduire par de nouveaux engagements pour le ministère, qu'il conviendra de couvrir.

Force est ainsi d'observer que certaines charges latentes pouvant s'ajouter à l'avenir, le résultat en gestion de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui ressort comme favorable (avec un excédent de 12,4 millions d'euros au compte de résultat et une augmentation prévisionnel du fonds de roulement de 11 millions d'euros), ne traduit pas nécessairement l'équilibre fondamental de l'établissement.

Il pourrait en aller de même pour la commission du contentieux du stationnement payant confrontée à un risque d'engorgement du fait d'un stock de demandes qui s'élèverait à 57 960 dossiers fin 2018 face à une capacité de traitement annuelle de l'ordre de 10 680 dossiers obérée par un flux d'entrées mensuelles de 10 000 nouvelles demandes.

Enfin, malgré une baisse des dépenses de contentieux et le règlement de dossiers très lourds en 2017 et en 2018, les risques provisionnés à ce titre à fin 2018 atteignent encore 148 millions d'euros sans préjudice des risques non-provisionnés qui pourraient engager plusieurs dizaines de millions d'euros complémentaires.

C. DES DÉPENSES SUPÉIEURES AUX CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALE MAIS INFÉRIEURES AUX DOTATIONS DISPONIBLES APRÈS LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS EN GESTION

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé un repli des dépenses.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2017

2018

Variation

Administration territoriale (307)

1 690,7

1 691,3

+ 0,6

Vie politique, cultuelle et associative (232)

470,1

125,8

- 344,3

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

945,7

939,8

- 5,9

Total

3 106,5

2 756,9

- 349,6

Source : RAP 2017 et 2018

1. Au total, des dépenses supérieures aux ouvertures de la loi de finances initiale mais inférieures aux crédits disponibles

Les dépenses de la mission AGTE (2 821,6 millions d'euros) ont été supérieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (2 756,9 millions d'euros), l'excédent atteignant 64,7 millions d'euros (2,3 % de plus que prévu).

Cependant, les crédits finalement ouverts (2 884,1 millions d'euros) ont excédé les consommations (2 821,6 millions d'euros), de 62,5 millions d'euros, le projet de loi de règlement proposant l'annulation de 33,6 millions d'euros de crédits pour laisser un reliquat de crédits reportables en 2019 de 28,9 millions d'euros.

L'exécution des crédits de la mission AGTE en 2018

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de règlement pour 2018 portant sur le développement des opérations constatées au budget général

Les programmes 307 (« Administration centrale ») et 232 (« Vie politique, cultuelle et associative ») ont connu des dépenses supérieures aux ouvertures de la loi de finances de l'année, avec un excédent, pour le premier, de 27,5 millions d'euros, et, pour le second, de 49,7 millions d'euros. De son côté, le programme 216 a dépensé moins que prévu (12,5 millions d'euros).

Cependant, les dépenses des programmes ont été systématiquement inférieures aux crédits finalement disponibles, les taux de consommation marquant un déficit de 2,6 points, 3,2 points et 11,4 points pour les programmes 307, 216 et 232 respectivement.

Les ouvertures brutes de crédits en cours de gestion ont atteint le montant élevé de 165 millions d'euros, soit 6 % des crédits initiaux, mais ont excédé le niveau final des dépenses et même des reports sur l'exercice suivant.

Partagées entre des reports de crédits de l'exercice précédent élevés (103,2 millions d'euros) et les fonds de concours et attributions de produits, traditionnels dans le cadre de la mission (61,8 millions d'euros), les ouvertures de crédits complémentaires ont bénéficié principalement aux programmes 307 (74,2 millions d'euros) et 232 (72,3 millions d'euros), mais selon un partage différent. Le programme 232 n'a mobilisé que des reports de crédits tandis que, pour le programme 307, pour l'essentiel, les abondements sont venus des fonds de concours et attributions de produits (55,3 millions d'euros, soit les trois-quarts des apports).

À la suite de ces opérations, les dépenses effectives ont laissé un reliquat de crédits reportables dont seul un tiers a fait l'objet de reports sur l'exercice 2019, principalement, en valeur relative, au bénéfice du programme 232.

Moins de 1 % des crédits disponibles ont été reportés au total et cette proportion est encore plus faible pour les crédits de titre 2 (0,2 %).

L'annulation des crédits demandée par le projet de loi de finances porterait à 57,8 millions d'euros les crédits annulés par les lois de finances concernant l'année 2018 compte tenu d'une annulation déjà acquise depuis la loi de finances rectificative de 2018, de 24,2 millions d'euros.

En plus des annulations de crédit « législatives » des annulations réglementaires sont intervenues en cours de gestion (13,7 millions d'euros) de sorte que les crédits annulés sur l'exercice s'élèvent au total à 71,5 millions d'euros , soit davantage que l'excédent de dépenses par rapport aux crédits initiaux. Au total, les annulations atteignent 43,3 % des crédits supplémentaires ouverts en cours d'année.

Les annulations de crédits ont touché principalement le programme 307 (33,8 millions d'euros, soit 43 % des annulations) et le programme 216 (28,9 millions d'euros, soit 40,4 % du total des annulations). Le programme 232 singularisé par un faible taux de consommation des crédits disponibles bénéficie d'un taux élevé de reports.

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission

La réserve de précaution a été mise en place en 2018 dans le cadre du nouveau dispositif applicable qui prévoit un taux de réserve de 0,5 % sur les crédits de personnel et de 3 % sur les autres types de crédits.

La réserve de précaution et sa gestion en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de 2018

Un peu plus de la moitié de la réserve de précaution a été mobilisée en cours d'année.

L'emploi de crédits de la réserve ayant fait l'objet d'un dégel confirme « l'interbudgétarité » à laquelle est soumise la mission. Les crédits ont principalement été virés au programme 303 « Immigration et asile » extérieure à la mission AGTE mais que cette dernière tend de plus en plus à épauler.

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont excédé les crédits ouverts en loi de finances initiale

La loi de finances initiale (LFI) pour 2018 avait ouvert 125,8 millions d'euros de crédits au titre du financement de la vie politique. Les dépenses effectives ont atteint 175,5 millions d'euros sur le programme 232 correspondant.

Les reports de crédits de l'exercice précédents ont atteint 72,3 millions d'euros, portant les dotations disponibles à 198,1 millions d'euros.

Ces reports correspondaient à des crédits ouverts pour financer le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats aux élections de 2017 (présidentielle et législatives principalement) et non consommés en 2017. La sous-consommation des crédits avait ainsi atteint 65,8 millions d'euros en 2017 et, selon le rapport annuel de performances de l'année considérée, il résultait « essentiellement du report en gestion 2018 des remboursements forfaitaires des comptes de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ayant pas achevé l'examen des comptes avant la fin de la gestion 2017 » .

Les délais nécessaires au remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats sont susceptibles de varier en fonction des élections, des délais imposés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour arrêter ses décisions et des contestations de l'élection.

Les délais imposés à la CNCCFP pour arrêter ses décisions sur les comptes de campagne des candidats aux élections (hors présidentielle)

Le délai dont dispose la commission pour se prononcer sur un compte est différent selon que le scrutin a fait ou non l'objet d'une contestation devant le juge de l'élection.

Si l'élection a fait l'objet d'une contestation, quel que soit le motif de la contestation, la commission dispose d'un délai de deux mois décompté à partir de l'expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin.

En revanche, si l'élection n'a pas fait l'objet de contestation, la commission dispose d'un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.

En ce qui concerne l'élection présidentielle de 2017, les décisions de la CNCCFP n'ont été publiées qu'en février 2018. Le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne, arrêté globalement à 41,069 millions d'euros n'a pu être assuré qu'au cours de l'année 2018.

Pour les élections législatives, le montant du remboursement forfaitaire des frais de campagne des candidats a été arrêté à 45,56 millions d'euros selon le rapport d'activité de la CNCCFP pour 2018. Ce chiffrage diffère de celui arrêté par le bureau des élections du ministère de l'intérieur, qui a attribué un remboursement de 45,863 millions d'euros.

Les conditions de versement des remboursements correspondants ne sont pas clairement exposées dans la documentation budgétaire, mais des explications complémentaires ont pu être recueillies auprès du bureau des élections. Après application des dispositions de l'article L 52-11-1 du code électoral, le total des remboursements forfaitaires aux candidats a été de 45,836 millions d'euros (en plus des remboursements des frais de propagande officielle). L'essentiel de ces remboursements a été payé en 2018, notamment du fait de contentieux. Cependant, certains candidats ont pu obtenir un remboursement dès 2017.

Les remboursements des frais de campagne des candidats
aux élections législatives de 2017

Source : réponse à une question de votre rapporteur spécial

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307

Appréciée à partir de leur valeur nette, les mesures prises au cours de l'exercice 2018 pour adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler d'une relative d'importance. Il n'en va pas de même des modifications « existentielles », qui demeurant internes à chaque programme ne nécessitent pas de formalisation particulière, surtout lorsqu'il s'agit de mesures d'ordre.

L'année 2018 comporte de ce point de vue des « ajustements » extrêmement significatifs, justifiés dans le rapport annuel de performances par des erreurs de ventilation des moyens du programme entre les différentes actions qu'il retrace.

Ces ajustements se traduisent par des taux d'exécution des dotations disponibles pour certaines actions du programme 307 « aberrants ».

Il s'agit principalement des taux de consommation des crédits prévus au titre de la coordination de la sécurité des personnes et des biens d'un côté, de la réglementation générale, de la garantie de l'identité et de la nationalité ainsi que de la délivrance des titres, de l'autre, et, enfin, à un moindre titre, du contrôle de légalité.

Taux de consommation des crédits des différentes actions du programme 307
en 2018

Source : commission des finances du Sénat

La « mise en ordre » effectuée à l'occasion du règlement du budget 2018 conduit à modifier l'image de la répartition des moyens affectés à chaque action.

L'action de délivrance des titres ressort comme nettement moins dotée en personnels que dans les restitutions antérieures.

C'est l'inverse qui se constate pour la coordination de la sécurité de la personne et des biens et pour le contrôle de légalité.

Répartition du plafond d'emplois par action

Source : rapport annuel de performances pour 2018

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307. Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et attributions de produits (71,2 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2017) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,2 %.

Il apparaît que plus de 15 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2018. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, il apparaît que les ressources correspondant à cette sous-consommation concernent assez régulièrement des financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur.

Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude et pourraient n'être pas étrangers aux difficultés rencontrées par le France pour mobiliser les ressources du budget européen auxquelles elle apporte une contribution nette élevée.

Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur dans sa contribution aux opérations conduisant à la production des titres sécurisés.

Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI) et sur le niveau effectif des dépenses occasionnées, pour le programme, par la production des titres sécurisés.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE

L'information budgétaire fournie présente des lacunes tant sur les ressources et les charges que du point de vue de la performance.

Des données financières qui mériteraient d'être explicitées sont livrées sans explication, même succinctes.

Quant à la performance, la mission comporte trois programmes assortis chacun d'objectifs suivis par des indicateurs (6 objectifs et 13 indicateurs au total).

Outre que, pour nombre d'indicateurs de performances, les résultats faisant l'objet d'un suivi échappent à la prise du responsable de programme, de nombreux indicateurs ressortent comme peu significatifs tandis que des objectifs primordiaux ne sont pas couverts par le suivi de performance.

Votre rapporteur spécial expose ci-après quelques exemples parmi d'autres des difficultés rencontrées.

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire

Comme c'est la règle, la lecture du RAP pour 2018 recèle de nombreux exemples où l'explicitation attendue des opérations financières qu'il décrit, la « justification au premier euro », est absente.

En matière de recettes, on relèvera, par exemple, la mention de plus de 1,7 million d'euros (contre 5 millions d'euros en 2017) d'attribution de produits correspondant à la vente des informations publiques issues du fichier tenu dans le cadre du système d'immatriculation des véhicules (SIV). Celui-ci correspond aux données nécessaires à l'immatriculation des véhicules. Il s'agit donc d'un fichier destiné à délivrer des titres sécurisés, dont il est pour le moins surprenant d'apprendre sans plus d'autres informations qu'il fait l'objet d'opérations commerciales. L'exploitation commerciale des données fournies par les usagers et traitées par le ministère de l'intérieur, sans doute à destination des concessionnaires automobiles qui, à leur tour, font payer le service de délivrance des certificats d'immatriculation à leurs clients appelle un supplément d'informations, qui permettraient, par exemple, d'en présenter les conditions et d'expliquer les raisons pour lesquelles sa contrevaleur semble connaître des évolutions heurtées (- 66 % de produits en 2018 par rapport à 2017).

Quant aux dépenses, il aurait été pour le moins justifié d'expliciter l'impact sur les charges de la mission d'évolutions a priori remarquables soit par leur nature, soit par leur ampleur. Il en va ainsi de la mise à la charge de la mission des dépenses nécessaires au fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant, qui élargit le périmètre de la mission sans que l'effet budgétaire de cette extension ne soit isolé.

Mais, l'on pourrait également mentionner l'absence de toute information sur les dépenses fiscales concourant au financement de la vie politique. La réduction d'impôt accordée aux personnes consentant des dons et acquittant des cotisations aux partis politiques (article 200 du code général des impôts) continue à être ignorée par la documentation budgétaire alors qu'elle représente des transferts publics d'un montant très significatif.

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits

La loi organique relative aux lois de finances a entendu préserver le principe de spécialité budgétaire, son article 7 posant à ce titre plusieurs normes régulatrices. Ainsi du I de l'article qui énonce qu'une « mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et encore qu'un « programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associées des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » .

Le moins qu'on puisse dire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est qu'elle est très éloignée de satisfaire la lettre et l'esprit de ces dispositions organiques, dont le sens est d'aboutir à une nomenclature budgétaire garantissant les conditions d'une décision éclairée des autorités budgétaires, au premier rang desquelles se situe le Parlement, mais aussi une gestion des politiques publiques rigoureuse.

Il y a lieu de considérer certains des prolongements pratiques de cette contravention aux règles les plus éminentes s'appliquant aux finances publiques.

De ce point de vue, la mission AGTE apparaît, à bien des égards, comme une mission « réservoir » .

Elle regroupe des crédits destinés à financer moins des politiques publiques bien identifiées que des structures administratives chargées de surcroît de missions souvent très générales (comme l'intitulé de la mission l'indique assez) dont l'identification présente certaines difficultés. Par ailleurs, nombre des moyens rattachés à la mission sont en réalité redéployés vers d'autres missions tandis qu'au sein du programme 307 une action rassemble des dotations dites « d'animation et de soutien du réseau » qui ont vocation à être réparties entre d'autres actions du programme.

Ces caractéristiques de la mission AGTE sont autant d'obstacles à l'analyse budgétaire des politiques proposées et exécutées par le Gouvernement. Elles rendent quelque peu obscurs les moyens consacrés aux priorités « stratégiques » de la mission et des missions qui bénéficient des déversements effectués à partir de la mission AGTE.

L'exercice 2018 en témoigne avec l'importance des « corrections techniques » apportées au décompte des emplois et avec des évolutions considérables mais laissés sans explicitation des transferts d'emplois vers d'autres missions ou de virements de crédits d'un programme à l'autre.

Ces facteurs d'obscurité étaient tempérés par l'indication des emplois effectifs des crédits à partir du suivi des crédits déversés à partir de la mission vers d'autres missions (ou, au sein de la mission, entre programmes), les principaux déversements s'effectuant au profit de la mission « Sécurités » (559 millions d'euros), « Immigration, asile et intégration » (37,7 millions d'euros), « Outre-mer » (38,8 millions d'euros) et « Relations avec les collectivités territoriales » (10,8 millions d'euros).

Cette information, pourtant minimale, n'est plus fournie.

Il s'agit d'une régression qu'il convient de corriger afin de disposer des moyens d'une appréciation plus juste des moyens consacrés aux différentes politiques publiques conduites par l'État.

On rappelle ici que l'écart entre les consommations de crédits de la mission AGTE et ses dépenses complètes, une fois les déversements de crédits pris en compte, s'était élevé en 2017 à 501,6 millions d'euros, 16,7 % des emplois de crédits de la mission se trouvant consacrés à des politiques publiques prises en charge en dehors du champ propre de la mission AGTE.

Si le niveau des crédits consommés s'était alors élevé à 3 019,6 millions d'euros, les dépenses « pour compte propre », n'avaient été que de 2 518 millions d'euros.

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral

Le programme 307 « Administration territoriale », qui, jusqu'en 2015 affichait cinq objectifs, n'en affiche plus que trois.

En 2016, l'objectif d'amélioration de la coordination des actions interministérielles avait cessé de faire l'objet d'un suivi en loi de finances.

En 2017, c'est le suivi du développement des actions de modernisation et de qualité des préfectures qui, en lien avec l'affaiblissement des relations directes entre usagers et entités du réseau, avait été abandonné.

Alors même que la période a été marquée par des initiatives, présentées comme fortes, pour redéfinir les missions du réseau, l'information budgétaire se réduit à la portion congrue, semblant traduire une difficulté majeure à passer d'un discours général volontariste sur les principes à l'affirmation, plus substantielle, d'objectifs concrets.

Force est d'observer que les objectifs développés dans les directives nationales d'orientation des préfectures et sous-préfectures , en particulier dans la dernière en date qui couvrait les années 2016-2018, sont loin d'être repris avec exhaustivité dans les documents budgétaires , alors même que ces objectifs, prioritaires, ne sont pas si nombreux que leur traduction dans l'information budgétaire soit de nature à les alourdir plus que de raison.

On les rappelle pour mémoire : « quatre orientations principales se dégagent pour les services : conforter les préfectures au coeur de missions régaliennes de l'État ; moderniser les relations avec l'usager ; incarner la proximité sur le territoire ; déployer les outils d'accompagnement de ces évolutions ».

Votre rapporteur spécial avait recommandé qu'un effort soit conduit pour que les objectifs opérationnels définis dans le cadre des orientations fixées au réseau préfectoral trouvent une traduction permettant d'enrichir une information budgétaire qui doit pouvoir saisir de façon réaliste les réformes entreprises et les orientations données aux moyens financés par le programme d'administration générale territoriale de l'État.

Cette recommandation laissée sans aucune suite doit ici être renouvelée.

Quant aux indicateurs de suivi, au nombre de sept, certains d'entre eux laissent, pour le moins, à désirer.

Sur ce point, on ne peut que répéter qu'il serait utile que les indicateurs de gestion selon lesquels le responsable de programme apprécie les résultats obtenus, dont l'exhaustivité est nettement plus satisfaisante que celle qui caractérise l'information fournie au Parlement, soient indiqués dans les documents de restitution budgétaire.

Quant à des critères plus qualitatifs , on rappelle que certains indicateurs suivent des données dont la réalisation n'incombe qu'en partie au responsable du programme. Ainsi en va-t-il de l'élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Surtout, d'autres fournissent des indications à la faible significativité et susceptibles d'induire des conclusions hâtives, voire erronées.

Dans ce sens, votre rapporteur spécial avait indiqué que, selon lui, le suivi de la détection des fraudes documentaires par les préfectures était certainement sensible à un « effet lampadaire », son interprétation comme témoin de l'efficacité administrative devant être considérée comme soumise à trop d'incertitudes pour qu'il puisse être jugé comme représentatif de celle-ci. Le rapport annuel de performances de l'exercice confirme à sa manière les ambiguïtés évoquées par votre rapporteur spécial. Les services chargés de suivre l'indicateur de performance ont pris l'habitude de décompter leur activité en ce domaine dès qu'une suspicion de fraude leur venait à l'esprit. Ce faisant, ils s'inscrivaient dans la logique de la définition de l'indicateur tel qu'elle figure dans le RAP. Or, ce même RAP indique qu'une méprise s'est produite, les services étant priés de n'informer l'indicateur qu'en cas de suspicion de fraude avérée. On se rapproche ainsi d'une notion de « détection », plus rigoureuse que celle de simple suspicion. Il faut souhaiter que ces instructions plus précises permettent de disposer d'une image plus exacte de la capacité du processus de délivrance des titres sécurisés à combattre la fraude documentaire. Quoi qu'il en soit, on relèvera qu'en accord avec la modification de la définition des cas à ranger sous l'étendard de la lutte contre la fraude le niveau de l'indicateur s'est trouvé considérablement diminué, passant d'une cible de 0,27 % à une cible de 0,08 %.

Cela étant précisé, il reste que, dans le dispositif de suivi de la performance tel qu'il est, rien n'est dit sur les suites données aux constats de fraude si bien que l'orientation, pourtant prioritaire, donnée aux services dans le cadre du plan Préfecture nouvelle génération (PPNG) d'améliorer la détection des fraudes ne fait l'objet que d'une évaluation sommaire dans les documents budgétaires.

De leur côté, les indications données sur la performance atteinte dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés ont été améliorées. Les critiques qu'on leur avait ici adressées venaient de ce qu'elles portaient, non sur les délais de traitement des dossiers présentés par les demandeurs, mais sur le nombre des préfectures parvenant à traiter ces demandes en moins de 15 jours, méthode susceptible d'écraser les écarts de performances. Le suivi du délai moyen de délivrance des permis de conduire, de la carte nationale d'identité et du passeport biométrique permet d'atténuer cet effet d'écrasement. Toutefois, il ne l'évite pas tout à fait dans la mesure où présentant une performance moyenne, il ne restitue ni les très bons résultats parfois obtenus, ni les temps d'attente manifestement excessifs supportés en certains points du territoire et dans certaines circonstances de temps.

Dans ces conditions, il serait justifié pour disposer d'une vision plus juste des performances des services de disposer d'information sur la dispersion des délais subis par les usagers, dont votre rapporteur spécial avait pu relever la grande diversité, selon les situations locales et les périodes de l'année. De la même manière, il convient de compléter les indicateurs de suivi de la performance des services chargés de délivrer les titres sécurisés en élargissant le champ des titres considérés à chacun d'entre eux.

Enfin, et sans préoccupation d'exhaustivité, force est d'observer que le suivi du contrôle de légalité par la mesure d'un taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture peut être affecté par des ruptures de champ. On sait que la dimension des actes prioritaires a fortement varié dans le temps. Les rapports annuels de performances successifs en témoignent qui rendent compte de la variabilité quantitative des actes reçus d'une année sur l'autre, mais aussi de la modulation des contrôles en fonction de choix locaux au demeurant très contraints. Ajoutons qu'un indicateur purement quantitatif ne saurait saisir la qualité du contrôle, qui est évidemment essentielle.

Sur ce point, un indicateur portant sur les prolongements donnés aux contrôles effectués par les services devrait être publié.

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice

Le suivi de la performance du programme repose sur un seul et unique indicateur, le coût moyen des différentes élections par électeur inscrit sur les listes électorales. Il n'offre aucun moyen tangible d'apprécier les résultats de l'action du responsable du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».

L'indicateur suivant les délais de publication des comptes des partis politiques, qui offrait une indication, trop partielle (le délai de traitement des comptes de campagne des candidats aux élections politiques n'était pas appréciable) mais utile, sur les conditions de mise en oeuvre de la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne figure plus dans la maquette de performance.

Les résultats tels qu'ils sont appréhendés ne dépendent pas exclusivement, loin de là, du responsable de programme. En effet, ni les coûts des élections ni le délai de traitement des comptes des partis politiques ne sont réellement pilotés par le secrétaire général du ministère de l'intérieur.

Par exemple, le coût des élections résulte soit de circonstances électorales singulières, qui conduisent à étendre plus ou moins les remboursements effectués au profit des candidats en fonction des résultats des scrutins, soit de décisions éminemment politiques sur lesquelles le responsable de programme est sans prise. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la dématérialisation des documents de propagande électorale, qui a fait l'objet d'une opposition systématique de la part du Parlement.

Néanmoins, des améliorations pourraient intervenir dans le sens d'une meilleure lisibilité de ce qui relève à proprement parler des services de l'État dans le coût des élections. Il serait justifié de distinguer les opérations sous leur maîtrise directe (mise sous pli et adressage de la propagande électorale notamment) des opérations qui ne font l'objet que d'un remboursement passif (impression et affichage de la propagande à la charge des candidats).

Au-delà, on peut regretter que le dispositif de suivi de la performance ne soit pas mobilisé pour être le support d'une information régulière et développée sur les conditions du financement de la vie politique et des cultes.

Il serait justifié de présenter dans ce cadre un bilan des activités de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de leurs effets sur la consommation des crédits du programme.

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète

Quant aux indicateurs de performance du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », pour fournir quelques indications utiles pour le suivi des éléments de la « fonction de production » du ministère, ils sont marqués par leur insuffisance.

Des améliorations sont parfois intervenues ces dernières années. Ainsi en va-t-il pour l'issue des contentieux qui n'était informée que pour celui des étrangers mais peut désormais être appréciée pour une gamme plus étendue de litiges.

Néanmoins, certains indicateurs sélectionnent sans raison évidente des données qui ne sont que partiellement représentatives du problème administratif envisagé et délaissent des données importantes. C'est le cas dans le domaine de la gestion du personnel où manquent des données importantes sur les processus de restructuration des qualifications, de mobilité géographique ou fonctionnelle ou encore sur les éléments quantitatifs de productivité du travail. Ces lacunes sont particulièrement regrettables s'agissant d'une administration de réseau en phase de changement.

Dans sa note d'exécution budgétaire de 2018 consacrée à la mission, la Cour des comptes relève le contraste entre le dispositif de performances publié dans le cadre de l'information budgétaire et la diversité et la richesse des outils mobilisés par le responsable de programme dans le pilotage de ses missions. Cette observation avait pu être vérifiée par la commission des finances du Sénat à propos du programme 307. Le dispositif appliqué au programme 216 répondrait aux exigences de la direction du budget qui norme l'information à fournir sur les programmes supports des différentes missions du budget général. Ce processus n'est pas critiquable en soi, même s'il semble peu mobilisé dans les processus de détermination des choix budgétaires. Mais, il n'est pas nécessaire de réduire la documentation budgétaire aux seules exigences de la direction du budget.

Le Parlement n'est pas étranger aux préoccupations de cette direction, mais il lui serait utile de disposer en sus d'une image moins strictement quantitative des performances du programme 216.

Au total, un effort d'exhaustivité et de représentativité des objectifs et indicateurs de suivi des performances des actions publiques financées par la mission s'impose.

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES

Dans le contexte actuel du suivi de la performance, les résultats obtenus apparaissent pour le moins mitigés.

S'il est bien vrai que l'utilité sociale des actions financées par la mission n'est pas toujours susceptible d'être restituée par des indicateurs ponctuels, à dimension exclusivement quantitative et dont les niveaux dépendent en partie de facteurs extérieurs à l'action des responsables de programme, les indicateurs suivis n'en témoignent pas moins que les objectifs fixés ne sont pas atteints.

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile

Des dix sous-indicateurs du programme 307, huit révèlent des résultats inférieurs aux attentes et présentent un niveau préoccupant .

Les objectifs de performance du programme 307 et leurs indicateurs

Objectif de performance n° 1 : Améliorer la prévention des crises

Indicateurs :

Taux d'établissement recevant du public soumis à obligation de contrôle visités par la commission de sécurité : 91,9 % ;

Taux d'exercice de sécurité civile réalisés dans les délais règlementaires sur les sites soumis à plan particulier d'intervention : 81,8 %

Taux de préfecture ayant réalisé au moins 4 exercices dans l'année : 65,3 %

Objectif de performance n° 2 : Optimiser les conditions de délivrance de titres fiables et l'efficacité des services de délivrance des titres :

Indicateurs :

Taux de dossier de fraude documentaire détectés pour la carte nationale d'identité, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation et, pour les seules préfectures, pour les titres de séjour : 1,3 %

Délais moyens de délivrance des titres :

Part des passeports biométriques délivrés en 15 jours : 53,2 %

Part des cartes nationales d'identité mises à disposition en 15 jours : 58,1 %

Part des permis de conduire délivrés en 19 jours : 96,6 %

Objectif de performance n ° 3 : Moderniser et rationaliser le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire

Indicateurs :

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture : 90,4 %

Taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics : 60 %

Taux d'actes transmis par le système @ctes : 60,5 %

Votre rapporteur spécial souhaite tout particulièrement que les cibles des indicateurs relatifs à la sécurité civile , qui pourraient être enrichis pour tenir compte des nouvelles menaces, soient toutes atteintes.

Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.

Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes.

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres

Le Conseil constitutionnel a invalidé un article de la loi de finances pour 2019 prescrivant la remise d'un rapport sur le bilan du « plan préfecture nouvelle génération » résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement et que le Sénat n'avait pas adopté pour des raisons principalement formelles.

Elles n'équivalaient pas à juger sans intérêt une initiative à laquelle le Gouvernement serait bien inspiré de donner une suite, par exemple dans le cadre de sa réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial en vue de l'examen du PLF 2020.

Au demeurant, quelques informations figuraient sur ce point dans les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial pour le projet de loi de finances de 2019.

Il en ressortait que si le volet « suppressions d'emplois » du PPNG avait pu être mis en oeuvre moyennant les réserves mentionnées plus haut, le volet « redéploiement des emplois » n'avait pu l'être totalement.

On rappelle que le PPNG portait sur 4 000 emplois du réseau dont la partie correspondant aux emplois non supprimés devait être réallouée des opérations de guichet correspondant à la délivrance des titres, désormais abandonnées, aux missions considérées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale et la sécurité.

Or, si globalement les guichets du réseau préfectoral ont bien été fermés aux usagers, les difficultés rencontrées de ce fait ont conduit à reporter la réaffectation des emplois ainsi libérés, les effectifs nécessaires devant en outre être recrutés et formés.

Au total, il était prévu, une fois armé le réseau des 58 centres d'expertise et de ressource titres (CERT) appelé à se substituer au réseau installé des préfectures et sous-préfectures dans la fonction de délivrance des titres, de positionner 603 emplois sur les priorités énoncées afin de porter les moyens consacrés à ces priorités de 2 391 ETP à 2 994 ETP à l'horizon 2020.

Les redéploiements encore à mettre en oeuvre à ce titre porteraient sur un peu plus de la moitié du plan.

Jusqu'à présent, l'augmentation des moyens correspondant aux priorités données au réseau aurait été principalement dirigée vers les préfectures (+ 173 ETP), les sous-préfectures bénéficiant de leur côté de 77 ETP supplémentaires. C'est dire que de nombreuses entités du réseau n'ont bénéficié d'aucun moyen supplémentaire.

En outre, les missions ont fait l'objet de renforcements différenciés. Pour la plupart, les nouveaux moyens ont été destinés à la lutte contre la fraude (+ 89) et au contrôle de légalité et expertise juridique (+ 48), les questions de sécurité et gestion de crise n'étant que fort peu renforcées (+ 11 ETP), de même que la coordination des politiques publiques (+ 25 ETP).

Il est évidemment difficile d'apprécier le bien-fondé des orientations et des allocations de moyens données à un réseau positionné sur l'ensemble du territoire jusqu'à un niveau fin, celui de l'arrondissement, où, dans des parties entières du territoire, correspondant au « monde rural » le sous-préfet se trouve quelque peu seul pour mettre en oeuvre des missions, dont certaines sont impalpables.

Néanmoins, à ce stade, le constat objectif peut être fait que les gains de productivité prévus dans le cadre de l'abandon des fonctions de guichet n'ont pu être aussi importants que prévu et que le renforcement des moyens des missions prioritaires, dont il faut penser sans erreur manifeste qu'il a pu être considéré comme stratégique par les responsables du ministère de l'intérieur, n'a pu être conduit à son terme.

En attendant, la fermeture des guichets du réseau, même tempérée par des mesures non anticipées (la création de points numériques pouvant bénéficier de l'appui de « médiateurs », le développement considérable du centre d'appels de l'agence nationale des titres sécurisés), s'est traduit par l'affaiblissement d'une administration de proximité que la maturité du numérique, notamment sa pénétration en tout point du territoire et auprès de toute personne quel que soit son âge, moins aboutie que supposée, n'a pu entièrement compenser, malgré l'engagement des mairies sélectionnées pour offrir un point d'entrée indispensable à nos concitoyens, dans leurs démarches pour obtenir les titres qui leur sont nécessaires.

En outre, la fermeture des guichets a conduit à mettre en place des technologies de remplacement dont l'efficacité n'a pas toujours été au rendez-vous, obligeant à recourir à des emplois en plus grand nombre que prévu et qu'il a bien fallu recruter et former. Même si des nuances doivent sans doute être apportées, il existe très certainement une relation entre cette désorganisation et la détérioration des résultats obtenus dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés.

Les cibles ne sont pas atteintes et les délais de délivrance s'allongent, excepté pour les permis de conduire.

Encore faut-il rappeler que les indicateurs n'enregistrent que des délais moyens, qui semblent affectés d'une très large dispersion, et qu'ils ne rendent pas compte des délais nécessaires à la délivrance de l'ensemble des catégories de titres et qu'en particulier, ne sont pas restitués les délais de délivrance des certificats d'immatriculation qui ont connu un allongement considérable en 2018 pour les certificats d'immatriculation demandés en dehors du réseau des concessionnaires ou autres intermédiaires privés.

3. Le programme 216, des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier

En ce qui concerne le programme 216, l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère. Les cibles fixées ne sont pas complètement atteintes, mais peu s'en faut.

La performance doit cependant être appréciée en fonction d'une cible qui fixe le taux de réussite devant les juridictions saisies à un niveau de l'ordre de 80 % qui admet un taux de « déconvenue» relativement élevé.

L'exécution 2018 a été une nouvelle fois marquée par un niveau de dépenses de contentieux en excès par rapport aux ouvertures de la loi de finances initiale (91,5 millions d'euros contre 80 millions d'euros) alors même que ces dernières avaient été sensiblement « sincérisées », ce dont votre rapporteur spécial se félicite. Des reports de crédits ont pu compléter les ressources en cours de gestion, mais des redéploiements internes ont été nécessaires.

Au total, l'année 2018 a été moins impactée que l'exercice précédent par des contentieux présentés comme exceptionnels concernant pour la plupart le versement de dotations aux collectivités territoriales par l'État. Il faut souhaiter que ce mouvement se poursuive.

En revanche, le niveau des indemnisations versées à la suite de refus de concours de la force publique, même s'il baisse, reste élevé (33,4 millions d'euros). Le RAP indique que l'analyse juridique des services permettra de réduire cette charge. Il serait peut-être un peu illusoire de souscrire totalement à cette prévision puisqu'aussi bien la responsabilité de l'Etat est en ce domaine sans doute moins corrélée avec une expertise technique qu'avec des orientations décidées sur d'autres motifs.

Quant aux autres chefs de mise en jeu de responsabilité de l'État (droit des étrangers, attroupements, protection des fonctionnaires), il peut être hasardeux d'en prévoir l'évolution dans un contexte très tendu.

Le RAP mentionne que des évolutions concernant les dépenses de contentieux ont été mises en oeuvre à la suite du rapport de l'inspection générale de l'administration de février 2018 qui a préconisé de mieux responsabiliser les directions fonctionnelles du ministère de l'intérieur. La logique de cette préconisation est de « sortir » un certain nombre de charges liées au contentieux du programme 216. Le RAP n'indique pas si ce processus a commencé de s'appliquer en 2018, mais le rapport du contrôleur budgétaire et comptable ministériel ne mentionne que peu d'évolutions.

Votre rapporteur spécial souhaite qu'il ne résulte pas de cette évolution une nouvelle déperdition de l'information budgétaire avec l'éclatement des charges de contentieux dans les différents documents budgétaires correspondants au point que s'en perde la trace.

Quant aux systèmes informatiques , l'année 2018 a été marquée par une réduction des charges correspondantes (- 10 millions d'euros, soit - 12,2 %). L'explosion des dépenses informatiques en 2017 passées de 543 euros par poste en 2016 à 1 537 euros a fait place à un retour à un niveau de dépenses moins inhabituel (743 euros) mais qui paraît élevé. En outre, de nouvelles charges très lourdes devraient être supportées à l'avenir. Le projet de réseau radio du futur qui s'intègre dans la démarche initiée par le comité « Action publique 2022 » n'a « coûté » qu'un million d'euros en 2018 mais est évalué au total à 166,3 millions d'euros.

La durée d'indisponibilité moyenne des applications informatiques a enregistré une baisse appréciable. Mais, elle demeure élevée, particulièrement pour certaines applications informatiques. La portée de l'indicateur d'indisponibilité des applications reste difficile à apprécier. En premier lieu, le résultat de l'indicateur (près de 27 heures d'indisponibilité) ne peut être mis en cohérence avec les informations présentées par le RAP que sous certaines conditions de pondération non explicitées et qui viennent réduire le sens de l'indicateur.

De la même manière, la maîtrise des opérations immobilières, dont les indicateurs varient avec une forte ampleur d'une année sur l'autre, semble perfectible au vu des dépassements de délais et de budgets dont ces indicateurs témoignent. On ne saurait oublier, par ailleurs, les interrogations sur l'état des emprises immobilières des préfectures et des sous-préfectures et leur niveau d'utilisation.

Au total, malgré une diminution des écarts entre les durées de réalisation des grands projets et les durées prévues, ces derniers demeurent à un haut niveau (17,7 %) et contribuent sans doute au dépassement des enveloppes nécessaires à ces projets par rapport aux enveloppes prévues à l'origine, dépassement qui atteint près de 10 %, et qu'il convient de réduire.

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME

Comme on l'a relevé, la mission AGTE n'appartenait pas au groupe des missions prioritaires défini par la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sous l'empire de laquelle la mission se trouvait encore en 2017.

Même si cette catégorie ne figure plus explicitement dans la nouvelle loi de programmation, les faits parlent d'eux-mêmes : la mission AGTE est appelée à contribuer plus que d'autres aux économies de dépenses budgétaires retracées dans la nouvelle loi de programmation pluriannuelle à l'horizon 2022.

À l'échéance de 2020, elle devra à nouveau réduire ses dépenses.

Or, outre que cette mission finance des interventions régaliennes essentielles, elle se trouve confrontée quotidiennement aux contraintes les plus urgentes du moment. Elle est ainsi sollicitée pour améliorer la sécurité des Français et pour fournir une réponse adaptée à des flux d'immigration en forte hausse, et qui présentent des difficultés particulières de traitement. Ainsi en va-t-il, par exemple, dans le domaine de l'asile.

L'exécution pour 2018 dans le prolongement des exercices précédents illustre les tensions entre une programmation budgétaire théorique et le poids des réalités. Elles devraient alourdir durablement les perspectives d'emplois de la mission et ainsi des dépenses de personnel susceptibles d'en découler.

La gestion réelle des emplois (cf. supra ) a été marquée par des besoins apparus du fait des circonstances, dont il y a tout lieu de penser qu'elles ne seront pas transitoires. Outre les emplois nécessaires pour accompagner la dématérialisation des procédures de délivrance des titres sécurisés, en plus grand nombre qu'escompté, il a fallu créer 319 emplois pérennes, dont 170 en 2018, pour renforcer les effectifs des guichets uniques de demande d'asile (les GUDA), ces moyens supplémentaires devant être complétés par le recrutement de contractuels.

La substitution d'emplois précaires, ou pérennisés ou renouvelés d'année en année, aux emplois classiques du ministère conduit à s'inquiéter de voir l'État employeur s'affranchir de règles qu'il impose aux autres agents économiques, mais, également, compte tenu des motifs de ces recrutements, en particulier l'accueil des étrangers, de la capacité réelle des personnels appelés à traiter des demandes complexes à réunir toutes les conditions de technicité nécessaires.

La contrainte d'emplois appliquée au programme 307 se traduit par un retrait de la présence physique de l'État sur l'ensemble du territoire.

L'exécution 2018 ne fait sur ce point que prolonger les évolutions des exercices précédents. En lien avec le déploiement du réseau des CERT et avec les besoins en effectifs des GUDA, les emplois de l'échelon régional ont été renforcés tandis que les moyens des préfectures et sous-préfectures ont été une nouvelle fois amputés.

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2018

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2017

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Les intentions affichées par le Premier ministre de franchir une nouvelle étape de déconcentration tout comme les annonces du Président de la République consécutives au « grand débat national » relatives à l'exigence de maintenir un État de proximité paraissent a priori tout à fait incompatibles avec la poursuite de l'attrition des services préfectoraux.

En outre, la compatibilité entre les objectifs consistant à raccourcir les délais de traitement des demandes d'asile et le maintien des infrastructures de traitement de ces demandes, notamment, de leur positionnement parcimonieux sur le territoire (seuls existent 34 points d'entrée au tire des demandes d'asile) doit être posée.

MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION,
FORÊT ET AFFAIRES RURALES »
ET CAS « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » - MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprend trois programmes budgétaires distincts :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » (2 244 millions d'euros de dépenses en 2018) correspond principalement à la composante nationale des interventions en faveur du développement rural portées au niveau européen par le FEADER ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (552,4 millions d'euros de dépenses en 2018) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer l'intégrité des animaux et végétaux, ne réservant qu'une partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments elle-même ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (645,8 millions d'euros de dépenses en 2018) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à couvrir les coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation).

Par ailleurs, la mission concourt au financement d'une dizaine d'opérateurs, principalement à partir du programme 149, sans compter un nombre difficile à déterminer de partenaires auxquels se trouvent déléguées des missions du ministère et qui sont financés par ce dernier ou directement par les exploitants agricoles.

La mission AAFAR n'est qu'un financeur second de l'agriculture française qui bénéficie de transferts publics, mal circonscrits, mais frôlant sans doute les 20 milliards d'euros par an.

Ces dernières années, la programmation budgétaire avait été marquée par une forme d'insincérité budgétaire consistant à ne pas inscrire en loi de finances initiale les crédits nécessaires à des dépenses certaines. L'exécution du budget 2018 prête moins le flanc à la critique de ce point de vue même si elle n'a pas été totalement purgée de ces pratiques.

Par ailleurs, des dépenses considérables avaient dû être supportées par la mission sans profit pour l'économie agricole, du fait de dysfonctionnements dans l'administration des interventions européennes, qui, de surcroît, avaient gravement perturbé le cours normal des paiements des aides à l'agriculture. L'exercice 2018 bénéficie, à cet égard, d'une forme de normalisation, qui, encore incomplète, doit être confortée.

Après avoir navigué sur les sommets d'une vague largement subie, la mission AAFAR redescend en 2018 vers des eaux apparemment plus tranquilles. Ce pourrait être une bonne nouvelle si l'on pouvait être assuré qu'il ne s'agit pas d'un nouveau creux de vague appelé à être perturbé par de nouvelles tempêtes et si l'agriculture française pouvait durablement s'accommoder d'un calme plat budgétaire que ni sa situation économique ni les transitions auxquelles elle est appelée ne justifient.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2018, LA MISSION AAFAR SORT DE LA TEMPÊTE NON SANS DOMMAGES À RÉPARER

L'exécution des crédits de la mission révèle en 2018 un reflux considérable des dépenses par rapport au sommet atteint l'an dernier. On doit se féliciter que les facteurs exogènes qui avaient lourdement pesé sur les charges de la mission aient atténué leur emprise, offrant l'aubaine d'une exécution budgétaire apparemment plus sereine.

Toutefois, les conditions d'un retour à une consommation des crédits plus conformes aux prévisions de la loi de finances initiale ne peuvent être jugées pleinement satisfaisantes, en particulier parce qu'elles ont pesé sur le revenu des agriculteurs.

A. APRÈS LE FORT EXCÉDENT DES DÉPENSES DE L'EXERCICE PRÉCÉDENT, UNE EXÉCUTION PLUS CALME EN 2018

1. Une exécution en ligne avec les crédits ouverts par la loi de finances de l'année...

Si l'an dernier les crédits ouverts en loi de finances initiale (3,3 milliards d'euros) avaient été largement dépassés par des dépenses effectives de 4,6 milliards d'euros, contraignant à des mouvements de crédits considérables en cours d'année, les dépenses de l'exercice 2018 n'ont excédé les ouvertures de la loi de finances de l'année que de 13,1 millions d'euros.

Dans ces conditions, les mouvements de crédits ont été globalement modestes, même s'ils se sont soldés par une sous-consommation de 2,8 % des crédits disponibles (100,7 millions d'euros sur un total de 3 543 millions d'euros) en fin d'exercice.

Les reports de l'exercice précédent ont atteint un niveau significatif (123,4 millions d'euros) avec une concentration sur le programme 149 (+ 99,7 millions d'euros hors reports de fonds de concours). Il s'est agi principalement de crédits destinés à indemniser les exploitants victimes de la crise de l'influenza aviaire (+ 29 millions d'euros) et de couvrir les dotations allouées aux jeunes agriculteurs (+ 46 millions d'euros). Le programme 206 consacré à la sécurité sanitaire a bénéficié de 6,2 millions d'euros de reports.

Des fonds de concours ont été rattachés pour 16,6 millions d'euros, dont 13,6 millions d'euros au programme 206 correspondant pour une part prépondérante à des rattachements tardifs de l'Union européenne pour couvrir des dépenses liées à l'influenza aviaire.

Enfin, la loi de finances rectificative a procédé à l'annulation de 26,4 millions d'euros de crédits, réduisant les crédits reportables en 2019 d'autant (20 % des crédits non consommés).

Cette décision doit être mise en regard de la budgétisation initiale pour 2019. Cette dernière est marquée par une forte baisse des crédits ouverts, qui avec 2 921 millions d'euros impliquent une baisse des dépenses de 15,1 % (- 521 millions d'euros), au sein de laquelle la réduction de la dotation destinée à couvrir les dépenses imprévues (- 100 millions d'euros, soit moins un tiers par rapport à la budgétisation de 2018) doit être soulignée.

Source : Cour des comptes. Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018

2. Le respect de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 mais...

La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2018-2022 inscrit les crédits de la mission sur une trajectoire fortement baissière avec des crédits ouverts en 2020 inférieurs de 340 millions d'euros par rapport au disponible de début de période.

Plafonds de crédits de paiement de la loi de programmation
des finances publiques 2018-2022

(en milliards d'euros)

Loi de finances initiale 2017

Loi de finances initiale 2017 au format 2018

2018

2019

2020

3,15

2,79

3,18

2,88

2,84

Source : loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-2022

Le Gouvernement explique que cette évolution proviendrait de la réorganisation des allègements de cotisations sociales accordés aux employeurs de travailleurs saisonniers. Les charges correspondantes se sont élevées en 2018 à 482,6 millions d'euros de sorte qu'à périmètre constant les crédits disponibles pour financer les autres charges de la mission excèderaient en 2020 de 142,6 millions d'euros les crédits ouverts en 2018, ouvrant à une progression de 2,5 % par an des dépenses de la mission.

La programmation pluriannuelle des crédits d'une mission aussi sensible à des aléas de gestion comme de conditions économiques des destinataires des dépenses devrait être considérée plus comme une norme régulatrice que comme une norme contraignante.

Ce n'est toutefois pas la lettre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Si, pour 2018, le plafond des crédits de paiement fixé par cette loi a pu être respecté à quelques dizaines de millions d'euros près, les restes à payer 18 ( * ) ainsi que la révision par le Parlement des conditions de suppression de l'allègement des cotisations sur les travailleurs saisonniers (maintien de l'exonération jusqu'à 1,20 SMIC) conduisent à exprimer des doutes sur les exercices à venir.

En ce qui concerne les restes à payer sur engagements 19 ( * ) à fin 2018, ils s'élèvent encore à 1,3 milliard d'euros, malgré la mise en oeuvre d'une procédure de désengagement ayant réduit les engagements du programme 149 de 507,5 millions d'euros en 2018.

État des restes à payer

(en millions d'euros)

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

L'échéancier des engagements à régler n'est pas documenté mais l'on peut faire l'hypothèse que la fin de la programmation européenne de la PAC pourrait se traduire par des décaissements significatifs.

Quant à la modification apportée aux allègements de cotisations sociales sur les travailleurs saisonniers, elle devrait se traduire en 2019 par une surcharge budgétaire de l'ordre de 140 millions d'euros partiellement gagée par une réduction des crédits du programme 149 de 30 millions d'euros, pour un total de l'ordre de 110 millions d'euros.

Dans ces conditions, les marges de progression de la dépense apparaissent d'ores et déjà préemptées.

3. Une forte réduction des dépenses par rapport à l'exercice précédent

Alors que les ouvertures de crédits de la loi de finances de l`année ont été sensiblement équivalentes à celles de l'exercice précédent, les dépenses de la mission ont baissé de plus d'un quart par rapport à 2017.

Comme annoncé lors de l'examen de la loi de finances pour 2018 par votre commission des finances, les dépenses de la mission ont nettement rétrogradé par rapport à l'exercice précédent...

Avec un niveau de dépenses de 4,6 milliards d'euros en crédits de paiement et une consommation des autorisations d'engagement du même ordre, les dépenses de la mission AAFAR avaient connu une explosion en 2017 par rapport à l'année précédente où les crédits de paiement avaient été consommés à hauteur de 3,2 milliards d'euros environ.

L'augmentation des dépenses jouxtait les 40 % pour les crédits de paiement, soit une aggravation nominale de 1 479 millions d'euros, qui représentait un peu plus de 15 % de l'augmentation des dépenses nettes du budget général (hors dette et pensions) entre 2016 et 2017, pour un budget pesant 1,4 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (même périmètre) .

L'exercice 2018 a vu une évolution à rebours, avec un retour à des dépenses proches, mais supérieures de plus de 200 millions d'euros 20 ( * ) , de celles effectuées en 2016.

Données relatives à l'exécution des crédits de la mission en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du sénat d'après les données du RAP 2018

Par rapport à l'an dernier, les dépenses baissent de 1,2 milliard d'euros, soit un repli de 25 %.

La variation des dépenses a été très contrastée selon les programmes concernés , le programme 149 en concentrant la majeure partie avec une baisse de 1 113,7 millions d'euros (soit un abattement d'un tiers par rapport à 2017).

La réduction des dépenses a également touché le programme 206 (- 73,1 millions d'euros après une augmentation de 74,5 millions d'euros en 2017), pour un repli de 11,7 % , tandis que les dépenses de conduite et pilotage des politiques du programme 215 ont connu une réduction plus modérée (- 1,1%).

Du point de vue des évolutions des dépenses par nature, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, dont le poids dans les dépenses de la mission s'allège de près de 9 points, passant de plus de 80 % à 71,4 % du total, ont connu les réductions les plus importantes.

De leur côté, les dépenses de personnel directement payées par les crédits de titre 2, c'est-à-dire hors les contributions versées par le budget pour rémunérer les personnels des opérateurs, ont diminué, mais plus modérément, de 2,1 %.

Évolution des dépenses de la mission par titre
entre 2017 et 2018 21 ( * )

(en millions d'euros)

2017

2018

Variation 2018/2017 (en valeur)

Variation 2018/2017 (en %)

Dépenses de personnel

880,4

862,3

- 18,1

- 2,1

Autres dépenses

3 756,0

2 579,8

- 1 176,2

- 31,3

Dont :

Dépenses de fonctionnement

1 474,8

918,6

- 556,2

- 37,7

Dépenses d'investissement

9,1

8,3

- 0,8

- 8,8

Dépenses d'intervention

2 260,7

1 524,1

- 736,6

- 32,6

Dépenses d'opérations financières

11,3

128,9

+ 117,6

X 11,4

Total

4 636,3

3 442,1

-1 194,2

- 25,8

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Les dépenses d'opérations financières enregistrent, à 128,9 millions d'euros, une très forte progression. Elle résulte de la nécessité de couvrir les besoins du fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA) pour 75 millions d'euros et de l'Agence de services et de paiement (voir infra) pour 45 millions d'euros.

En ce qui concerne les dépenses de personnel, qui représentent près du quart des dépenses de la mission, la réduction des ETPT consommés, très significative, n'a pas tous ses prolongements dans la baisse des dépenses de titre 2.

L'évolution des emplois s'est inscrite en baisse (- 585 ETPT) dans un contexte marqué par des recrutements exceptionnels réalisés ces dernières années et, en particulier, en 2016, illustrés dans le tableau ci-dessous.

Consommation d'emplois
par le programme 215 en 2016

Source : RAP 2016

Le programme 206 a connu une très faible augmentation de sa consommation d'ETPT qui est passée de 4 651 ETPT en 2017 à 4 653 ETPT en 2018 (+ 2), évolution due à la consommation d'emplois d'apprentis (10) auparavant portés par le programme 215.

En ce qui concerne le programme 215, qui avait perdu 390 ETPT en 2017, passant de 8 448 à 8 058 unités, il en perd à nouveau 587 (7 471 ETPT consommé en 2018), soit un repli de 977 ETPT par rapport à 2016 (- 11,5 %) en deux ans.

Le programme avait dû embaucher des centaines d'agents (340 ETPT en 2015 et 505 ETPT en 2016 notamment) pour faire face aux difficultés de gestion des aides agricoles (plan FEAGA) mais aussi à la grave crise d'influenza aviaire de sorte que le repli constaté en 2018, après celui de l'an dernier, doit être relativisé.

Au total, les ETPT mobilisés par la mission ont diminué passant de 12 709 ETPT à 12 124 ETPT, soit une baisse de 4,6 % .

Cette diminution ne se retrouve pas à due proportion dans les évolutions salariales. Les coûts salariaux ne baissent que de 2,1 % , les ETPT économisés relevant pour leur quasi-totalité de catégories d'emplois et de statuts aux rémunérations peu élevées (- 611 ETPT de catégories B et C administratifs ou techniques pour le programme 215) tandis que la consommation d'ETPT administratifs de catégorie A a augmenté de 134 unités entre 2017 et 2018.

Cette discordance traduit un renchérissement du coût unitaire du travail associé à divers autres facteurs : requalification des effectifs ; impact de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique ; effet du GVT.

B. UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES FAVORISÉE PAR DES FACTEURS EXOGÈNES ET PAR DES REPORTS DE CHARGES À PAYER

La réduction des dépenses du programme 149 entre 2017 et 2018 (- 1 113,7 millions d'euros), principal déterminant de la baisse des dépenses de la mission, peut être attribuée à deux facteurs : l'allègement largement exogène de charges exceptionnelles supportées en 2017, pour au moins 1 203,2 millions d'euros ; le report de charges de l'exercice 2018 sur l'exercice 2019, pour un montant difficile à déterminer mais qui jouxte, sans doute, 400 millions d'euros.

a) Des facteurs exogènes
(1) Un changement de périmètre... et puis s'en va

La programmation initiale des crédits pour 2018 a enregistré l'effet de plusieurs modifications du périmètre de la mission.

La plus significative a été la « fermeture » d'une ligne de crédits ouverte en 2017 pour compenser la réduction des cotisations versées à la caisse centrale de mutualité sociale agricole du fait de la baisse de 7 points du taux des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles. Elle avait impliqué un ressaut des dotations de l'ordre de 480 millions d'euros.

La compensation sur crédits de la réduction du taux de cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles n'aura eu qu'une brève existence. Du fait des changements apportés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 au système de financement de la protection sociale (l'augmentation de 1,7 point de la CSG compensée par des réductions de cotisations sociales), qui ont été appliqués aux agriculteurs, la loi de finances pour 2018 a entériné la suppression de la charge correspondant à la réduction du taux de la cotisation d'assurance maladie.

Près de 40 % de la baisse de la dépense de la mission peuvent être attribués à cette modification du périmètre des dépenses prises en charge par le budget agricole.

La réforme de la contribution des exploitants agricoles à leur assurance-maladie a consisté à adopter un barème de cotisations progressif (de 1,5 % à 6,5 % jusqu'à 1,1 plafond annuel de la sécurité sociale) avec un plafonnement du taux de cotisation au-delà (43 000 euros).

Lors de la présentation de la mesure, l'impact de la modulation du barème avait été estimé à 356 millions d'euros sur la base d'une comparaison avec la législation en vigueur en 2015, avant la baisse du taux de cotisation évoquée plus haut.

Cependant, appréciée par rapport à l'état des cotisations appliquées en 2017, un ressaut de charges de l'ordre de 135 millions d'euros doit être constaté. Il a été concentré sur les agriculteurs disposant d'un revenu supérieur au seuil de la cotisation d'assurance-maladie minorée par la baisse de 7 points du taux de cotisation.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'au-delà des économies budgétaires procurées par la suppression de l'allègement de cotisation-maladie cette mesure devait se traduire par un alourdissement global des charges sociales des exploitations, qui appelle un bilan précis.

Le Gouvernement a justifié la suppression de la réduction de la cotisation d'assurance-maladie par la vocation exceptionnelle que cette dernière revêtait dans le cadre d'un plan conjoncturel de soutien à l'élevage. La situation de l'élevage ne paraît pas telle que les motifs conjoncturels allégués puissent être considérés comme anachroniques.

(2) La baisse des dépenses de refus d'apurement

Ces dernières années, la mission a été lestée par des dépenses sans aucun bénéfice pour les exploitants agricoles, les dépenses correspondant aux refus d'apurement prononcés par la Commission européenne.

En 2017, ces dépenses avaient atteint 721 millions d'euros, dont 138 millions d'euros payés en anticipation sur le calendrier de règlement qui devait voir l'exercice 2018 supporter cette charge.

En 2018, les dépenses correspondantes se sont élevées à 177,8 millions d'euros.

La réduction enregistrée sur ce poste a ainsi contribué à une baisse des dépenses de la mission de 543,2 millions d'euros.

(3) L'impact d'une surcharge budgétaire lors de l'exercice précédent

En 2017, le rattrapage significatif, quoique trop partiel (voir infra ), du paiement des aides surfaciques qui avait été suspendu au cours des exercices précédents (campagnes 2015 et 2016) en raison des défaillances de l'infrastructure des paiements agricoles avait conduit à constater des dépenses au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 de 638,2 millions d'euros (elle n'avait été dotée que de 380,6 millions d'euros en loi de finances initiale).

Parmi les dépenses de cette action figurent l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) et les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), deux lignes qui n'avaient supporté aucune charge en 2016, mais occasionné 588,2 millions d'euros de dépenses en 2017.

En 2018, la consommation de ces deux lignes s'est élevée à 404,9 millions d'euros, dégageant une économie de 183,3 millions d'euros.

Au total, les dépenses de l'action n° 24 ont rétrogradé de 180 millions d'euros.

b) Des reports de charges

La mission AAFAR est régulièrement marquée par des reports de charges budgétaires dont l'ampleur a été particulièrement large ces dernières années du fait des difficultés de comblement des impasses financières constatées à la suite des refus d'apurement européen mais aussi en raison des retards de paiement des aides aux exploitants.

La réduction de l'ampleur des refus d'apurement en 2018 et de leurs effets déstabilisants pour le programme 149 ainsi que le retour à un calendrier normal de versement des aides européennes entamé en 2017 pour une partie des aides surfaciques du second pilier de la PAC ont réduit les tensions sur l'exécution des crédits.

Néanmoins, des reports de charges sont documentés par la Cour des comptes.

Ils portent, en premier lieu, sur la dette du ministère de l'agriculture envers la caisse centrale de mutualité sociale agricole. Le chiffrage de cette dette est compliqué par certaines approximations concernant la charge réelle de compensation des exonérations de cotisations sur les salaires des travailleurs saisonniers (le dispositif TO-DE). Compte tenu de la précocité de certaines récoltes (en particulier, les vendanges) la dépense correspondante devrait être de 540 millions d'euros, soit nettement plus que la consommation constatée à fin 2018 (482 millions d'euros). Dans ces conditions, la dette nette de l'État envers la MSA pourrait être de 122 millions d'euros. Les conditions de règlement de cette dette restent à préciser, avec des effets sur les charges de la mission très différents selon qu'elle sera réglée sur crédits budgétaires ou par affectation de recettes fiscales.

En second lieu, les besoins de financement des interventions du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) au titre de la sécheresse subie en 2018 restent à provisionner pour une partie importante. Pour faire face aux indemnisations, le fonds a été doté de 75 millions d'euros en exécution. Lors de la discussion budgétaire le ministre de l'agriculture avait estimé que le coût de la sécheresse de 2018 pourrait atteindre 400 millions d'euros. À ce jour, cette estimation semble avoir été révisée à la baisse. Les 42 départements ayant fait l'objet d'une reconnaissance d'état de calamité laissent augurer une charge de 200 millions d'euros. Mais, des évolutions pourraient intervenir de sorte que les besoins complémentaires pourraient dépasser assez largement la barre des 120 millions d'euros.

Quant aux charges correspondant à des interventions prioritaires dans le cadre de la politique agricole du pays, dont le paiement a été reporté lors des exercices précédents du fait des dysfonctionnements de la chaîne de paiement agricole, leur montant, qui n'est identifiable dans aucun document budgétaire, ni le RAP annexé au projet de loi de règlement, ni le compte général de l'État, est sans doute significatif au regard des conditions dans lesquelles le rattrapage des versements aux agriculteurs créanciers a été effectué.

Le compte général de l'État fait état d'un montant d'engagements non réglés pour les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et l'agriculture biologique, de 333 millions d'euros fin 2018, mais, compte tenu de l'expansion des besoins provenant notamment du nombre significatif de conversions nouvelles en agriculture biologique, cette estimation, qui semble basée sur les engagements initialement programmés, ne fournit pas d'éléments précis sur la situation des charges à payer.

À ce jour, 10 % des demandes d'aides de la campagne 2016 restent à payer et 25 % des dossiers de la campagne 2017.

c) Une exécution qui paraît déjà grever la programmation budgétaire pour 2019

Le budget voté pour 2019 comporte une réduction des crédits du programme 149 de 28 % avec, en particulier, une baisse de la dotation pour dépenses imprévues de 100 millions d'euros (elle passe de 300 millions d'euros à 200 millions d'euros).

Compte tenu d'une charge déjà acquise de refus d'apurement de 120 millions d'euros, qui pourrait se trouver alourdie par le dénouement des très nombreux audits en cours, et vu les reports de charges de l'exercice 2018, le niveau des reports de crédits de 66 millions d'euros de l'exercice 2018 vers l'année 2019 annonce une exécution budgétaire pour 2019 largement préemptée par les besoins non couverts en 2018.

En réalité, aucune marge ne paraît d'ores et déjà disponible pour faire face à de nouveaux aléas, sauf à tabler sur des conditions d'effacement de la dette sociale de l'État empruntant la voie de nouvelles affectations de taxes.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. LA MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (AAFAR), UN VECTEUR BUDGÉTAIRE PERFECTIBLE

Les documents annexés aux lois de finances répondent à des fonctionnalités différentes, les unes normatives, faisant écho au principe de spécialité budgétaire qui s'applique au vote et à l'exécution des crédits, les autres, informatives. Ces dernières ont été développées dans le prolongement de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances qui a souhaité améliorer l'information du Parlement sur les politiques publiques qu'il dote en moyens financiers.

Sur ces deux plans, la mission AAFAR apparaît largement perfectible.

1. Une mission aux limites de la lisibilité et de la conformité avec la loi organique sur les lois de finances

À partir de 2017, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui comportait alors quatre programmes a été restructurée par fusion des crédits du programme 154 consacré au développement de l'agriculture et de ceux du programme 149 qui regroupait jusqu'alors les crédits de la politique de la forêt. Puis, la mission a réintégré en 2018 les crédits de la pêche et de l'aquaculture. Ce ne sont là que deux événements renforçant une impression générale d'illisibilité, qui, au demeurant, s'accompagne d'interrogations plus juridiques, sur la conformité de la mission avec les principes de notre droit budgétaire.

Désormais, la mission est structurée autour de trois programmes :

- le programme 149 (désormais intitulé « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ») regroupe la majeure partie des dépenses de la mission, tout en agrégeant des crédits consacrées à des politiques publiques diverses et spécifiques ;

- le programme 206 est spécifiquement dédié aux actions destinées à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation ;

- enfin, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est un programme transversal de soutien aux actions des services .

Les poids budgétaires de ces programmes sont très inégaux, le programme 149 concentrant les deux tiers des dotations de loi de finances initiale contre 16 % pour le programme 206 et 18,8 % pour le programme 215.

La coagulation de crédits concourant à des politiques publiques - qui, pour pouvoir être subsumées par une problématique d'ensemble portant sur la production de ressources naturelles, n'en obéissent pas moins à des fonctionnalités très différentes et s'inscrivent dans des problématiques socioéconomiques fort diversifiées -, dans un unique programme gagné par une sorte d'obésité progressive, n'est pas de nature à améliorer la lisibilité de la mission.

Cette dernière est également altérée par la multiplication des dotations allant à un nombre considérable de délégataires des missions du ministère de l'agriculture, qu'ils soient des opérateurs ou des organismes liés à l'État par des conventions plus ou moins actualisées et contrôlées, mais aussi par le choix de ne pas isoler les dépenses d'administration propres aux différentes interventions mises en oeuvre par le ministère, ce dernier ne procédant, et encore que partiellement, à une telle individualisation que pour ses actions de contrôle de la sécurité sanitaire « de la fourche à la fourchette ».

En soi, le défaut de lisibilité des masses budgétaires confiées au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, défaut qui s'aggrave chaque année, pose un problème de rang constitutionnel.

En outre, au regard des prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la confusion de crédits de vocations disparates au sein du programme 149 mériterait d'être reconnue comme contrevenant à la lettre et à l'esprit de la LOLF.

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la conformité de la confusion des crédits pour la forêt avec ceux consacrés à l'économie agricole avec les termes de l'alinéa 6 de l'article 7 de la loi organique du 1 er août 2001 relatif aux programmes budgétaires dans la mesure où les objets de ces politiques publiques ne sont pas nécessairement les mêmes.

Rappelant qu'ils avaient exprimé le souhait que les services concernés sollicitent les parlementaires des commissions des finances des deux chambres, pour avis, avant d'engager de telles démarches, ils ne peuvent que constater que l'inclusion réalisée en 2018 des crédits de la pêche et de l'aquaculture dans le programme 149 s'est affranchie de cette ferme recommandation.

Vos rapporteurs spéciaux demandent en ce sens au Gouvernement un recalibrage des programmes composant la mission et souhaitent être consultés sans délai.

2. Une information très insatisfaisante sur les concours publics à l'agriculture

La vocation des documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances est de constituer le support de l'autorisation parlementaire tant dans son objet que dans l'information qu'implique un vote tout à fait éclairé.

Les crédits de la mission AAFAR ne correspondent structurellement qu'à une (faible) partie des concours publics à l'agriculture 22 ( * ) , qui, en 2017, se seraient élevés à 20,6 milliards d'euros.

L'examen du projet de loi de règlement devrait offrir l'occasion d'appréhender au plus près la contribution de la mission aux concours publics soutenant in fine les revenus agricoles, objectif d'autant plus légitime que les dépenses de la mission sont, pour une part importante, la contrepartie nationale d'interventions européennes.

Or, cette information n'est pas rendu disponible dans le rapport annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de règlement.

Les délais de confection des comptes nationaux agricoles sont en cause. À la date d'examen du projet de loi de règlement seuls sont disponibles les comptes prévisionnels de l'agriculture publiés mi-novembre 2018. Quant aux concours publics à l'agriculture, le dernier document mobilisable date du début juillet 2018 et porte sur l'année 2017.

Vos rapporteurs spéciaux réitèrent leur demande que la commission des comptes de l'agriculture de la Nation puisse tenir compte du calendrier d'examen parlementaire des opérations budgétaires sur crédits nationaux pour organiser ses travaux.

Il conviendra d'exposer les résultats de ces travaux dans les rapports de performances annexés aux projets de loi de règlement.

Il est du reste étonnant que ceci ne soit pas fait à ce jour puisqu'aussi bien le premier indicateur de performance de la mission suppose cette information disponible. Il consiste à présenter l'évolution du poids des concours publics dans l'excédent brut des exploitations agricoles et se trouve renseigné, mais sous la forme très agrégée d'un ratio dont l'utilité est des plus réduite.

Dans ces conditions vos rapporteurs spéciaux souhaitent que les composantes de cette information soient suffisamment développées à l'avenir.

À ce stade, les données permettant de situer l'exécution budgétaire de 2018 dans le contexte plus large des concours à l'agriculture sont trop fragmentaires et, quand elles existent, souvent trop incomplètes pour qu'il soit possible de fournir une information précise sur la structure des financements publics fléchés vers l'agriculture.

Dans ce contexte, l'évaluation publiée par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire fournit cependant un point de repère précieux.

Concours publics à l'agriculture

(en milliards d'euros)

Source : MAA, Cour des comptes - Les crédits budgétaires sont présentés en exécution. Ceux du poste « autres crédits MAA » regroupent les programmes 142, 143 et le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ». Les dépenses fiscales sont nettes de la part de taux réduit de TICPE ne bénéficiant pas aux agriculteurs (cf. supra). Les allègements de charges n'incluent pas les dispositifs faisant l'objet d'une inscription budgétaire sur la mission AAFAR

Quelques observations s'imposent toutefois.

Si l'on se reporte aux seules données publiées par les comptables nationaux, en ce qui concerne les concours publics à l'agriculture sur dotations budgétaires nationales, qui, pour 2018, ne sont pas disponibles, le périmètre utilisé par les comptables nationaux pose problème dans la mesure où un certain nombre d'interventions semblent exclues sans justification évidente mais aussi parce que les données publiées ne permettent pas d'identifier les ministères de provenance des financements. Dans la mesure où, pour certaines politiques agricoles (développement de l'agriculture biologique, sécurité sanitaire des aliments...), le budget du ministère de l'agriculture n'est sollicité que pour partie, il faut demander que la présentation des concours publics à l'agriculture permette d'articuler les informations comptables avec les informations budgétaires.

En outre, certaines données budgétaires paraissent établies sur des bases provisoires.

Ainsi semble-t-il en aller pour les crédits correspondant à la compensation des allègements de cotisations sociales sur les travailleurs saisonniers (TO-DE), qui auraient été consommés au-delà des inscriptions portées en loi de règlement avec une charge budgétaire réelle de l'ordre de 540 millions d'euros dès 2018 au lieu des 480,7 millions d'euros mentionnés dans le RAP.

En ce qui concerne les dépenses sur crédits européens (le budget de la PAC), elles apportent 8,9 milliards d'euros à l'agriculture française, dont, théoriquement, 7,2 milliards d'euros au titre du premier pilier et 1,7 milliard d'euros en contrepartie du second pilier. Cependant, des réorientations sont susceptibles d'intervenir entre les deux enveloppes européennes et ces dernières années les impasses de financement constatées sur les interventions du second pilier ont occasionné de tels arbitrages, qui sont loin d'être anodins puisqu'ils suscitent des modifications de la répartition des aides publiques à l'agriculture. Il est plus que regrettable que la contribution du budget européen à l'agriculture française, qui est la première bénéficiaire de la PAC, soit totalement passée sous silence dans le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement. Ce regret n'est pas uniquement politique, il est également technique dans la mesure où l'exécution des crédits européens et nationaux sont étroitement liées.

Quant aux « dépenses fiscales et sociales », elles auraient totalisé de l'ordre de 6,6 milliards d'euros en 2017, soit une fois et demi les dépenses budgétaires imputées sur la mission AAFAR.

Mais, les informations fournies par la documentation budgétaire manquent de fiabilité et d'exhaustivité.

Ainsi, si le RAP documente 2,9 milliards d'euros de dépenses fiscales, cette estimation paraît assez loin de rendre compte de l'effet des dispositifs en vigueur sur le revenu agricole. Nombre de dépenses fiscales ne sont pas chiffrées tandis que des évolutions très marquées ne sont pas justifiées.

Force pourtant est d'observer que les dépenses fiscales, qui sont exposées dans un tableau sommaire occupant 5 pages d'un rapport de performances de 228 pages, représentent une masse financière supérieure à celle des crédits consommés à partir du programme 149 auquel elles sont rattachées et ont augmenté de 123 millions d'euros quand, de leur côté les dépenses dudit programme ont baissé de 1 113 millions d'euros.

Deux dépenses fiscales énergétiques qui représentent près de 80 % des dépenses fiscales en faveur de l'agriculture et de la forêt ?

Deux dépenses fiscales sur les produits énergétiques, le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole et le remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, représentent près de 80 % des dépenses fiscales rattachées à la mission. La première de deux dépenses fiscale s'est élevée à plus de 2 milliards d'euros en 2018 (en hausse de 7 %), soit presque la totalité des dépenses du programme. Pourtant, aucune indication sur le nombre de ses bénéficiaires, et moins encore sur leur qualité, n'est fournie. Or le rattachement de cette dépense fiscale à la mission ressort comme peu justifié selon la Cour des comptes. Cette dernière relève que l'estimation incluse dans le RAP comprend la totalité de la dépense fiscale alors que la réduction du taux de la taxe profite essentiellement au secteur du BTP. La Cour des comptes estime que seuls 42 % de cette dépense fiscale sont fléchés vers l'agriculture, soit un montant rattachable à la mission de 850 millions d'euros plutôt que les 2 milliards d'euros mentionnées. Cette anomalie doit au plus vite être corrigée. Le déficit informationnel sur les dépenses fiscales de la mission caractérise également la seconde de ces dépenses, estimée à 240 millions d'euros en 2018 (soit une hausse de 25 %), le nombre et la qualité des bénéficiaires n'étant pas fournis.

Enfin, en ce qui concerne les allègements de cotisations sociales, dont la prise en compte au titre des crédits budgétaires fluctue sur la base d'arrangements purement institutionnels (voir infra ), ils ne sont pas exposés dans les documents budgétaires lorsqu'ils ne sont pas compensés sur les crédits de la mission.

B. UN IMPACT PLUS MODÉRÉ EN 2018 DE DIFFICULTÉS RÉCURRENTES D'ADMINISTRATION QUI MÉRITENT UNE ATTENTION SOUTENUE

1. La charge des refus d'apurement a été considérablement allégée par rapport aux exercices précédents, mais de nouvelles déconvenues ne sont pas à exclure

L'exécution des crédits en 2018 fait état d'une charge au titre des refus d'apurement européen de 177,8 millions d'euros nets correspondant à divers événements, dont une sanction financière de 178 millions d'euros au titre d'un apurement comptable exigible du fait des retards de paiement de la campagne 2015. La dépense consécutive aux refus d'apurement, qui a bénéficié d'un paiement anticipé en 2017 d'une tranche exigible en 2018 pour 138 millions d'euros (soit un total de passif de 322,8 millions d'euros en 2018) témoigne, malgré cette opération de paiement anticipé, d'une réduction très nette par rapport aux montants des dépenses correspondantes constatées ces dernières années.

Évolution des refus d'apurement
entre 2009 et 2018

Source : Cour des comptes

La moyenne annuelle de la charge budgétaire liée aux refus d'apurement sur la période 2009-2018 a atteint environ 300 millions d'euros avec une contribution importante des charges constatées à ce titre en fin de période. En effet, la moyenne annuelle de la charge de refus d'apurement a été de l'ordre de 500 millions d'euros au cours des années 2014 à 2018.

Dans ce contexte, l'année 2015 a été particulièrement néfaste avec la notification par la Commission européenne de la décision ad hoc 47 pesant 1,146 milliard d'euros qui a été la composante principale des charges supportées ces dernières années.

Vos rapporteurs spéciaux ont consacré un rapport 23 ( * ) à la chaîne de paiements agricoles, publié au mois de janvier de l'année en cours, qui, sur la base d'une enquête confiée par votre commission des finances à la Cour des comptes sur les paiements agricoles et de la consultation de diverses sources, a été l'occasion de relever les points de vulnérabilité de notre chaîne de paiements agricoles et de formuler 9 recommandations principales, auxquelles ils renvoient.

Dans le cadre du présent projet de loi de règlement, force est d'observer que les dépenses engagées, ainsi que le concours des exploitants à cet effet, pour mettre à jour notre registre parcellaire graphique, qui fonde la plupart des aides aux agriculteurs (les aides surfaciques) ont permis de désamorcer des motifs récurrents de sanctions financières, sans toutefois (voir infra) les éliminer tous.

Il n'en reste pas moins que le montant des charges consécutives aux refus d'apurement, qui, cette année sont principalement dues à l'application des règles sur les délais de paiement (et non à des refus d'apurement de conformité) a conduit en 2018 à gaspiller près de 200 millions d'euros sur les retours européens de la France, appelant à une vigilance constante sur une meilleure administration des aides européennes.

D'ores et déjà, une tranche de 120 millions d'euros de refus d'apurement devrait impacter l'exécution budgétaire en 2019, d'autres notifications pouvant intervenir 23 ( * ) .

Au-delà, il conviendra de mettre en oeuvre le « choc de simplification » que l'ensemble des parties prenantes semblent appeler de leurs voeux, afin de se prémunir contre les conséquences sans doute excessives que tire la Commission européenne, des manquements qu'elle est conduite à constater lors de ses audits. Les conditions d'administration de la politique agricole commune, sa « faisabilité », méritent d'être une composante à part entière de la prochaine PAC.

De la même manière, il conviendra de clarifier la distribution des responsabilités entre l'État, son opérateur, l'Agence de services et de paiement (ASP), et les régions.

2. Un coût d'administration élevé des interventions agricoles de la PAC

Le coût d'administration des aides versées aux exploitants a été particulièrement élevé ces dernières années du fait des recrutements nécessités par le traitement des mesures mises en oeuvre pour pallier les dysfonctionnements de la chaîne régulière des paiements agricoles et pour rattraper les retards accumulés mais aussi des investissements nécessaires pour améliorer le registre parcellaire graphique (les prestations courantes de l'Institut national de l'information géographique et forestière ; ex IGN) coûtant chaque année 8 millions d'euros) et les outils informatiques mobilisés par l'ASP.

Le RAP pour 2018 ne documente pas le coût de gestion des aides de la PAC en cours d'année - les dotations versées à l'ASP pour plus de 45 millions d'euros en 2018 destinées à mettre à niveau ses outils informatiques pris en défaut devant la diversité extrême des droits des exploitants devraient l'alourdir sans que ces investissements puissent nécessairement être amortis puisqu'aussi bien une nouvelle PAC s'annonce-, mais il illustre les difficultés rencontrées pour les maîtriser.

Coût de gestion des aides de la PAC

Source : rapport annuel de performances 2018

Les cibles ne sont régulièrement pas atteintes, les coûts de gestion des dispositifs non surfaciques du second pilier étant particulièrement lourds. Nul doute qu'une décomposition des coûts de gestion des aides surfaciques du second pilier désormais intégrés dans le premier indicateur montrerait que l'administration des interventions correspondantes suppose des coûts supérieurs aux aides surfaciques du premier pilier (hors prise en compte des pénalités afférentes).

Encore faut-il observer que l'indicateur ne tient pas compte d'un ensemble de coûts imputés à d'autres entités nationales ou européennes, qu'il s'agisse des coûts supportés par les Agences de l'eau ou le ministère des finances au titre de ses missions de contrôle ou de ceux couverts par le prélèvement sur ressources au profit du budget européen liés aux contrôles de la Commission européenne ou de la Cour des comptes européenne. Il conviendrait d'ajouter encore les coûts croissants exposés par les Régions dans le cadre de l'exercice de leur responsabilité en tant qu'autorité de gestion.

En bref, un empilement de coûts résultant de la superposition des intervenants grèvent la gestion des aides européennes sans résultats appréciables en termes de qualité de l'administration d'aides qui ont donné lieu aux sanctions financières rappelées plus haut et dont certaines exigibles depuis des années sont encore en attente de liquidation à ce jour.

3. Un retour mais encore incomplet au calendrier normal de versements des aides

Les dysfonctionnements de la chaîne des paiements agricoles n'ont pas seulement valu des pénalités financières très lourdes imputées sur le budget de la mission AAFAR ces dernières années, elles ont également entraîné des retards dans le paiement des aides au point que certaines d'entre elles n'avaient tout simplement pas été budgétées dans les lois de finances.

Pour accompagner les exploitants des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place jusqu'en 2017. À leur propos, quelques observations peuvent être faites, l'une pour relever que les conditions monétaires qui ont prévalu au cours de la période récente ont eu l'heureux effet de réduire la charge financière pour le budget de l'État desdites avances, circonstance indépendante de l'action directe de l'État et dont le renouvellement ne serait pas assuré si, d'aventure, de nouvelles avances remboursables devaient être nécessaires, l'autre pour souligner que toutes les aides n'ont pas pu donner lieu à une même couverture par les avances remboursables. Pour certaines des aides (les mesures agroenvironnementales et climatiques - MAEC -, les aides bios...), l'absence de référence claire a gêné la mise en place d'avances remboursables. Enfin, outre les difficultés occasionnées aux exploitants par un mécanisme soumis au plafonnement de minimis et lourd à mobiliser, il faut rappeler que le taux d'avance n'a jamais été de 100 %, des marges plus ou moins importantes selon le type d'aide étant appliquées par l'administration.

En toute hypothèse, le retour à un calendrier normal de versement des aides est une bonne nouvelle pour les exploitants, mais qui se trouve quelque peu ternie par deux considérations.

En premier lieu, tous les retards de paiement ne sont pas rattrapés. Si, pour la campagne 2015, les paiements ont été démarrés en 2017 et achevés en 2018, les aides de la campagne 2016 (hors aides du 1 er pilier de la PAC, qui, sous l'aiguillon d'une réglementation menaçant d'un dégagement d'office les crédits européens non exécutés en bon temps, ont fait l'objet d'un retour à paiement prioritaire) n'ont été payées qu'à hauteur de 90 % des dossiers (pour un montant de l'ordre de 300 millions d'euros, les dossiers les plus difficiles restant à régler). En ce qui concerne la campagne 2017, 75 % des dossiers auraient été payés. Quant à la campagne 2018, s'agissant des MAEC et des aides bio, les paiements auraient été de 50 % pour les premières et de 30 % pour les secondes.

Vos rapporteurs spéciaux insistent pour que les aides correspondant à des priorités fortes de la politique agricole du pays ne fassent pas l'objet d'une attention de second ordre.

À cet égard, la réglementation européenne qui aboutit à accorder une priorité d'exécution aux aides de premier pilier introduit un biais de sélection incohérent avec les objectifs affichés de la PAC. Il convient d'en obtenir l'assouplissement.

Cet objectif s'impose d'autant plus que la pression exercée par le règlement financier européen nourrit une seconde crainte quant aux rattrapages des paiements réalisés à ce jour, celle qu'ils puissent avoir été effectués dans des conditions ne garantissant pas entièrement leur conformité, et qu'ainsi ils alimentent d'éventuelles sanctions financières subséquentes. Certes, le ministère de l'agriculture a pu se baser sur les efforts entrepris pour améliorer les infrastructures de paiement. Néanmoins, l'extrême diversité des points de contrôle prescrits et l'application de corrections forfaitaires par la Commission peuvent toujours entretenir des incertitudes sur l'issue de contrôles appliqués à des volumes déjà considérables d'opérations en temps normal et rendus pléthoriques lorsque s'y ajoute le traitement du stock.

C. UN NIVEAU DE SUBVENTIONS RIGIDE DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DES CONTRAINTES ÉCONOMIQUES FORTES

1. La contribution des subventions aux résultats économiques des exploitations est vitale pour de nombreuses exploitations et pleinement justifiée par les caractéristiques particulières de l'agriculture française...

Les exploitations bénéficient de soutiens publics importants. La subvention moyenne atteint 32 000 euros avec une dispersion toutefois marquée.

Dans ce total, les aides liées à la politique de développement rural à laquelle la mission contribue représentent un tiers.

Source : commission des comptes de l'agriculture

La France se singularise par une polarisation des soutiens autour des exploitations de taille moyenne 24 ( * ) du fait des caractéristiques des exploitations agricoles.

Ces interventions sont nécessaires puisque, sans elles, 30 % des exploitations connaîtraient un excédent brut d'exploitation négatif. Cette proportion demeure importante après versement des subventions, mais elle n'est plus que de 6 %.

Source : SSP, RICA

L'agriculture française est exposée à des contraintes économiques d'autant plus prégnantes que le modèle d'agriculture promu par la politique agricole française est diversifié et tend vers une transition agro-écologique renforcée.

2. ... mais les interventions stagnent

À cet égard, l'exécution du budget agricole en 2018, moins tributaire des chaos observés les années précédentes, conduit à retrouver, une fois dissipée l'illusion budgétaire concomitante, une déplaisante réalité, celle d'une forme de stagnation des interventions destinées à soutenir les capacités de l'agriculture française à se renforcer.

Les dépenses d'intervention retrouvent leur niveau de 2013 traduisant une forme d'inertie de la politique mise en oeuvre.

L'exercice 2018 est d'ailleurs marqué par un niveau très élevé de désengagement d'autorisation d'engagement finalement non consommées (plus de 500 millions d'euros), dont une grande partie semble correspondre à des projets d'investissement restés sans concrétisation, constat qui appelle une analyse approfondie de la programmation et de la conduite des interventions prévues en ce sens.

Les dépenses d'intervention du programme 149
(2012-2018)

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes ; note d'exécution budgétaire 2019

Cette stagnation entretient sans doute une relation étroite avec l'attrition de la base productive agricole. Si cette dernière est moins marquée sous l'angle des surfaces cultivées, elle a été très forte sous celui du nombre des exploitants. De 2000 à 2010, il s'est replié de 3 % par an puis de 2010 à 2016, de 1,9 % l'an. Ce recul a principalement touché les petites exploitations (moins de 25 000 euros de production par an) qui ne représentent plus que 31 % du total (contre 36 % en 2010).

Dans ces conditions, la sous-exécution des crédits destinés à l'installation (- 5,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, - 7,4 millions d'euros en crédits de paiement) dont une partie a été redéployée vers la lutte contre la prédation du loup, dont les coûts fortement croissants n'assurent pas l'efficacité, peut être tout particulièrement déplorée.

D. DES OPÉRATEURS EN DIFFICULTÉ

1. La politique forestière et l'ONF

La gestion durable de la forêt et le développement de la filière bois (action n° 26) étaient dotés de crédits correspondant à 11,4 % des autorisations d'engagement du programme 149 en loi de finances et à 12,1 % des crédits de paiement.

Données sur la programmation budgétaire
de l'action n° 26 du programme 149

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale 2017

268,5

276,4

Loi de finances initiale 2018

242,1

270,3

Évolution

- 26,4

- 6,1

Consommation 2017

245,8

241,3

Consommation 2018

171,9

268,6

Évolution

- 73,9

27,3

Taux d'exécution des dotations 2017

91,5%

87,3%

Taux d'exécution des dotations 2018

71,0%

99,4%

Source : commission des finances du Sénat

La programmation des dotations en faveur de la forêt est fréquemment quelque peu sacrifiée tandis que la consommation des crédits accentue cette regrettable tendance.

En 2018, les crédits de paiement ont été mieux préservés qu'il n'est habituel. En revanche, les autorisations d'engagement déjà amputées en loi de finances initiale ont subi un taux de non-consommation très pénalisant.

Le bras armé de la politique forestière, l'Office national des forêts, rencontre des difficultés considérables. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 fixait à l'établissement des objectifs de redressement fondés sur une maximisation de ses recettes propres et sur une maîtrise de sa masse salariale.

La subvention pour charges de service public qui fait l'objet d'un montage complexe a été renforcée en exécution (+ 18,2 millions d'euros par rapport à 2017). Néanmoins, le résultat de l'exercice s'est à nouveau soldé par une perte (4,8 millions d'euros) 25 ( * ) et l'ONF a dû s'endetter un peu plus pour assurer les investissements nécessaires à sa mission.

Au total, l'endettement de l'ONF avoisine 330 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 606 millions d'euros, soutenu par un prix du bois relativement élevé (même si une stagnation doit être relevée). Il est heureux que les taux d'intérêt permettent de financer cette dette à relativement bon compte. Mais, en soi, la situation de l'ONF n'est tenable que moyennant une approche plus réaliste des capacités d'exploitation du bois prélevé en France. Hormis certaines espèces très recherchées, les débouchés sont médiocres et les coûts d'exploitation de la forêt posent un problème de viabilité.

Vos rapporteurs spéciaux suivront avec attention les résultats de la mission interministérielle diligentée en cours d'année pour dessiner l'avenir de l'établissement.

2. L'ASP et la modernisation de ses outils

Parmi les facteurs identifiés comme ayant causé les dysfonctionnements de la chaîne de paiements agricoles figurent des problèmes de configuration des systèmes informatiques de l'ASP.

Une mise à niveau s'est imposée dont le retard a aggravé les difficultés rencontrées pour assurer les paiements des aides.

L'année 2018 a vu l'affectation à l'ASP d'une partie des crédits dévolus théoriquement aux dépenses imprévisibles (les 300 millions d'euros de la ligne budgétaire ouverte à ce titre dans le budget pour 2018), emploi qui constitue une anomalie au vu de la destination de cette enveloppe budgétaire.

Au total, les transferts au profit de l'ASP ont excédé de 22 millions d'euros les dotations initialement prévues (soit une surcharge de 17 %), notamment du fait du complément évoqué.

Les données des audits des systèmes informatiques de l'agence montrent que des améliorations sont intervenues ces dernières années mais également que beaucoup reste à faire.

Il est très difficile d'estimer les besoins à couvrir qui paraissent très substantiels. Par ailleurs, deux questions se posent relatives à la faisabilité d'une mise à niveau en l'état. La prochaine politique agricole commune est à ce stade peu anticipable mais un nouveau tour de configuration des systèmes devra intervenir. En outre, la multiplicité des conditions de paiement est actuellement si extrême que la direction de l'établissement estime devoir faire face à des process ne se prêtant pas à un traitement de masse standard, configuration qui confère la plus grande efficience aux systèmes informatiques. Dans ces conditions, il y a lieu d'anticiper la réitération de coûts d'adaptation élevés dans l'avenir.

3. L'ANSES, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement et un financement reposant de plus en plus sur une activité d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques au modèle problématique

Les charges courantes de l'ANSES sont rapportées pour 142 millions d'euros dans le format du compte financier (89 millions d'euros pour les charges de personnel ; 53 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement).

Par rapport à 2017, les premières augmentent de 1,6 % et les secondes de 6,2 %. Cette dernière augmentation n'est pas justifiée dans l'information budgétaire disponible.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que les postes de charges publiques dont l'évolution dépasse la norme d'accroissement des dépenses de l'État fassent systématiquement l'objet d'une information précise sur les dynamiques correspondantes, tant en programmation qu'en exécution.

Comparées avec des points de départ plus éloignés dans le temps (l'exercice 2015) les charges de l'ANSeS s'inscrivent sur une pente d'augmentation de près de 10 % sur la période. Les dépenses de personnel ont été à peu près contenues (+ 1,2 %), un allègement significatif des cotisations de retraite (- 1 million d'euros, soit - 9,4 % en trois ans) ayant favorisé ce résultat.

En revanche, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 27,8 % en trois ans, ce qui apparaît considérable.

Les motifs de cette évolution ne sont pas exposés, mais il est permis de l'associer, du moins en partie, à la montée en charge de la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché d'un certain nombre des produits destinés à conforter les rendements agricoles.

Le RAP pour 2018 fait état de la mise en oeuvre, en cours d'année, du « modèle économique produits réglementés » qui est censé permettre d'accompagner la gestion des autorisations de mise sur le marché (AMM). Ce modèle qui repose sur la diversification des recettes de l'ANSeS avec une montée en charge des produits de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques, mais aussi d'autres ressources propres, dans l'équation financière de l'établissement, semble à ce jour déficitaire.

Les perspectives d'augmentation des recettes correspondantes sont floues, d'autant que le Gouvernement entend limiter l'utilisation de ces produits. Quant aux charges correspondantes, leur flexibilité n'est pas assurée. La pertinence du « modèle » reste ainsi à démontrer.

Vos rapporteurs spéciaux expriment à ce stade deux inquiétudes :

- l'une, de principe, qui résulte du constat qu'une agence sanitaire puisse se trouver en porte-à-faux du fait de la confusion de ses activités de contribution à la conception et à la mise en oeuvre de la réglementation sanitaire avec des intérêts financiers impliquant un certain essor des recettes assises sur l'utilisation des produits réglementés ;

- l'autre, plus pragmatique, correspond à l'impact sur les financements consacrés aux activités traditionnelles d'une agence sanitaire (évaluation et expertise) des missions d'administration des AMM confiées à l'ANSeS si ces missions devaient se traduire par un déficit récurrent.

4. L'INAO confronté aux charges de sécuriser la différenciation qualitative des produits

L'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a bénéficié en 2018 d'une subvention pour charges de service public stable par rapport à 2017 mais légèrement en deçà de la prévision de la loi de finances initiale.

Un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) aurait dû s'appliquer au cours de l'exercice mais le contrat précédent 2015-2017 a été prolongé. Un audit conduit dans la perspective du renouvellement du COP a identifié des marges de progrès de l'action de l'INAO.

La perspective d'une diversification des signes permettant de différencier les produits agricoles (et d'en assurer ainsi une meilleure commercialisation) est une tendance lourde de la stratégie agricole qui appelle une maîtrise sans failles. C'est tout particulièrement le cas avec les objectifs fixés dans le domaine de l'agriculture biologique.

Jusqu'à présent cette dernière pèse assez peu sur les charges de l'INAO, qui a bénéficié d'une large externalisation des opérations de certification des productions correspondantes. Le budget 2018 paraît assez insensible à l'extension des surfaces et des fermes converties à l'agriculture biologique.

Cette situation apparaît peu tenable à terme. Le développement de l'agriculture biologique exigera un renforcement des moyens que lui consacre l'INAO qui, en l'état actuel, ne sont pas à la hauteur.

À son tour, cette perspective posera le problème du financement de l'établissement qui est assuré pour un quart par des droits perçus sur les produits bénéficiant de signes de qualité mais sans que l'agriculture biologique ne contribue encore, sous cette forme, aux charges qu'elle implique pour l'INAO.

E. LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, UNE POLITIQUE PUBLIQUE À CONSOLIDER

Le programme 206 de la mission AAFAR est consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l'alimentation.

Vos rapporteurs spéciaux, il y a deux ans, ont consacré à la politique publique destinée à garantir la sécurité sanitaire des aliments un rapport de contrôle et d'évaluation 26 ( * ) qui avait pu souligner les besoins de consolidation d'une politique publique évidemment essentielle.

Y avait aussi été mise en exergue l'illisibilité budgétaire de cette politique et certaines ambiguïtés de l'information budgétaire apportée par le programme 206 de la mission.

Pour l'essentiel, vos rapporteurs spéciaux renvoient aux soixante-et-une recommandations exposées dans leur rapport auxquelles la considération de l'exécution des crédits en 2018 apporte une justification supplémentaire.

Données relatives à l'exécution du programme 206
« Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » en 2018

Exécution 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits consommés en 2018

Crédits consommés 2018/2017 (en %)

Crédits consommés/crédits votés en LFI en 2018 (en %)

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

27,4

30,7

25,7

- 6,2%

- 16,3

Lutte contre les maladies animales

180,7

99,6

113,1

- 37,4%

13,5

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

22,7

20,4

20,6

- 9,3%

0,9

Actions transversales

74,6

75,3

74,8

3,0%

- 0,6

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

2,6

3,8

3,2

23,1%

- 15,8

Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

313,4

318,6

311,2

- 0,7%

- 2,3

Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

4,1

3,7

3,8

- 7,3%

2,7

Total

625,5

552,1

552,4

- 11,7%

100

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances de la mission pour 2018

a) Après les errements de la programmation budgétaire de 2017...

En 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale dans le cadre du programme 206 avaient été fixés à un niveau supérieur de 4,1 % à celui de la loi de finances initiale pour 2016, mais à un niveau inférieur de plus de 8 % par rapport aux dépenses finalement constatées lors de cette année.

Plus encore que cela n'avait été le cas en 2016, la programmation budgétaire témoignait ainsi d'un « volontarisme » déconcertant au vu des défis sanitaires de toutes sortes dont l'intensification ne pouvait manquer d'être anticipée par les autorités sanitaires.

C'est d'ailleurs sur ce dernier motif que la programmation budgétaire avait reçu un avis défavorable du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

L'impasse budgétaire était donc parfaitement prévisible justifiant totalement le jugement d'insincérité porté par votre rapporteur spécial Alain Houpert et finalement repris par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2017.

Au demeurant, la nécessité de procéder à des ajustements de crédits était vite apparue en cours d'année. Des crédits supplémentaires avaient été ouverts pour 148,1 millions d'euros, dont la majeure partie dès le décret d'avance du 20 juillet 2017. 101,4 millions d'euros de crédits d'intervention ont alors été ouverts. Si la plupart des crédits supplémentaires avaient été inscrits pour financer des dépenses de fonctionnement et d'intervention, 18,2 millions d'euros ont abondé les dotations du titre 2, soit une ouverture supplémentaire représentant plus de 6 % des crédits initiaux.

En lieu et place de la baisse des dépenses envisagée à hauteur de 8 % (soit 45,3 millions d'euros), les dépenses de sécurité sanitaire de l'alimentation avaient excédé celles effectuées en 2016 de 13,5 % (+ 74,5 millions d'euros).

Au total, la dérive par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale avait atteint près de 120 millions d'euros (23,4 % des crédits ouverts).

Le taux de consommation des crédits de paiement avait atteint 95,7 % laissant un solde disponible de 26,7 millions d'euros, dont 13,6 millions d'euros au titre des versements du budget européen pour contribuer au financement de la lutte contre l'influenza aviaire, arrivés tardivement et rattachés « en fonds de concours tardifs », reportés sur l'exercice 2018.

b) ... le retour à une situation budgétaire plus satisfaisante en 2018 mais des perspectives incertaines pour 2019

La programmation des crédits en loi de finances initiale a été globalement respectée en exécution. Les reports de crédits mis en place en 2018 ont conduit à un disponible supérieur aux consommations si bien que des annulations de crédits sont intervenues en fin d'année pour un montant de l'ordre de 8 millions d'euros.

Le taux de consommation des crédits a été conforme aux ouvertures ne laissant pas de marges de reports sur l'année 2019, année pour laquelle une réduction des ouvertures en loi de finances initiale (- 2,8 % en crédits de paiement) a été programmée.

Le retour à une programmation plus conforme à la charge des dépenses effectives peut être attribué à l'action n° 02 du programme « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » et, plus particulièrement, à la réduction des dépenses au titre de l'indemnisation des propriétaires dont les animaux sont abattus dans le cadre des mesures appliquées lors des crises sanitaires. En 2018, ces dernières dépenses se sont élevées à 18,2 millions d'euros du fait de l'influenza aviaire, de la tuberculose bovine et de la fièvre catarrhale ovine. L'an dernier ces indemnisations avaient atteint plus de 48 millions d'euros. En outre, d'autres dépenses, plus opérationnelles, correspondant à ces crises ont été réduites en 2018.

Les modalités selon lesquelles les opérations budgétaires sont restituées ne permettent pas d'appréhender la contribution précise des différentes catégories de dépenses associées à des crises, non plus que les restes à payer corrélatifs, d'autant que de nombreuses erreurs d'imputation sont commises chaque année.

Vos rapporteurs souhaitent qu'à l'avenir une information budgétaire plus fonctionnelle soit mise en place, qui permette d'appréhender l'impact sur le programme 206 des crises au cours de l'exercice et pour les années suivantes.

À ce stade, on peut juste indiquer que le fait que la programmation des dépenses en 2018 a permis d'assurer les charges payées au cours de l'exercice rompant ainsi avec les déséquilibres majeurs de l'an dernier provient largement de l'absence de constatation de dépenses de crise majeures au cours de l'exercice mais sans pour autant en tirer des enseignements sûrs pour l'avenir.

À cet égard, une partie importante des copieux restes à payer du programme en fin d'exercice 2018 (57,3 millions d'euros) est attribuable aux charges de l'action n° 02 (32 millions d'euros). Il est, au demeurant, possible compte tenu de la durée des procédures que les charges correspondant aux indemnisations des propriétaires d'animaux n'aient pas toutes été engagées à ce jour.

Dans ces conditions, la combinaison de la programmation des crédits de l'action en 2019 (- 15,1 millions d'euros) et de l'absence de marges de reports de l'exercice 2018 (4,4 millions d'euros), envisagée dans un contexte de recrudescence de risques sanitaires inquiétants, conduit à exprimer des doutes sur la soutenabilité des moyens confiées à la direction générale de l'alimentation pour assumer ses missions dans ce domaine.

c) Une exécution budgétaire qui matérialise certains déséquilibres de l'action publique de sécurité sanitaire des aliments

L'action publique mise en oeuvre sous l'égide de la direction générale de l'alimentation tend à s'inscrire dans des logiques diversifiées alliant la prévention des crises et la réaction à celles-ci une fois déclenchées.

Chacun de ces objectifs se trouve lui-même compartimenté, la prévention pouvant s'attacher à modifier en profondeur les modalités de la production agricole ou, de façon plus routinière, à exercer une surveillance constante des productions primaires ou des processus plus proches de la mise à disposition des produits alimentaires sur le marché.

En régime courant (c'est-à-dire quand les crises ne suscitent pas de lourdes dépenses indemnitaires), l'essentiel de l'effort budgétaire porte sur la surveillance en continu de la santé des végétaux (un peu) et des animaux (beaucoup), les moyens de prévention les plus en amont et les plus proches de l'assiette du consommateur se trouvant moins développés.

L'exécution 2018 ne dément pas cette configuration constante. Hors titre 2, la surveillance des végétaux (10,6 % des dépenses) mobilise nettement moins de moyens que celle des animaux (46,6 %) tandis que les interventions sur les stades de l'aval de la chaîne alimentaire (en particulier, l'inspection en abattoir) ne concentre que 8,5 % des moyens.

La faiblesse des moyens mis en oeuvre à ce dernier stade a fait l'objet d'une prise de conscience puisque ces dernières années des effectifs supplémentaires avaient été recrutés pour assurer une plus forte surveillance des abattoirs de volailles.

Cependant, l'exécution du programme 206 en 2018 n'a pas été au rendez-vous du comblement de notre déficit en moyens de contrôle.

Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. Si une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, a dû être inscrite en 2018 à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires 27 ( * ) , le constat récurrent que la France peine à respecter ses obligations européennes n'est pas susceptible de sortir sérieusement modifié de l'exécution 2018.

C'est d'ailleurs très largement que les cibles du programme 206 ne sont pas atteintes.

Les défaillances sont manifestes dans le domaine du suivi des contrôles. Le dispositif de performances du programme en rend compte malgré la dilution de l'information à laquelle il aboutit du fait de l'agrégation excessive d'éléments de gestion qu'il conviendrait de décomposer à ce stade, afin de fournir une information plus proche de celle accessible au responsable du programme.

En ce qui concerne l'information contenue dans le RAP, si le suivi des constats de non-conformité semble s'améliorer (83 % de suites données contre 72 % seulement en 2016), on est assez loin d'un suivi systématique, qui devrait s'imposer. Par ailleurs, l'amélioration traduite par l'indicateur vaut ce que vaut ce dernier, étant observé que sous le pavillon des « suites données aux inspections non conformes » peuvent se cacher bien des marchandises.

Dans la version plus détaillée de l'indicateur qui a été un temps accessible et à laquelle il convient de revenir, on pouvait ainsi relever que les mises en demeure adressées par les services ne donnaient lieu à réitération du contrôle que dans moins de 70 % des cas alors même que la cible de 95 % apparaît déjà très permissive. Les établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable ne faisaient l'objet d'un suivi renforcé que dans 88 % des cas (contre une cible également fixée à 95 %).

Encore faut-il qu'ils soient inspectés. Or, si pour les abattoirs l'obligation européenne d'une inspection permanente est peu ou prou mise en oeuvre, il est loin d'en aller de même pour les établissements situés plus en aval de la production. Les conditions dans lesquelles un transformateur de produits laitiers a pu poursuivre ses activités malgré la persistance de résultats défavorables de ses examens d'autocontrôle suggèrent une défaillance de la supervision publique.

À cet égard, on observera qu'alors que les résultats des autocontrôles des opérateurs sont désormais beaucoup plus largement diffusables aux services de l'État, les moyens correspondants d'en assurer un suivi ne sont pas à ce jour réunis.

Quant à la qualité des prélèvements, si le RAP estime que les résultats obtenus sont très satisfaisants, vos rapporteurs spéciaux inclinent plutôt à estimer qu'un taux de déperdition de plus de 20 % correspondant au pourcentage de prélèvements insusceptibles d'être exploités n'est pas acceptable.

Le volet de performances du programme comporte encore un autre motif de perplexités avec le suivi du plan Ecophyto. Tout en se félicitant que ce dernier soit suivi dans le cadre de la mission AAFAR, vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'on pourrait y voir une entorse à la logique. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'est responsable financièrement de ce plan que de façon très seconde, secondaire même, si l'on exclut du champ les crédits destinés à l'agriculture biologique 28 ( * ) , puisqu'il n'apporte que 325 000 euros de crédits au dispositif contre 41 millions d'euros par le ministère de l'écologie et ses opérateurs, les Agences de l'eau. Mais, il est vrai que les agriculteurs sont, de loin, les premiers contributeurs au financement de l'action publique en ce domaine avec la redevance pour pollutions diffuses. En toute hypothèse, la préoccupation principale est bien dans ce domaine de devoir constater l'échec massif d'un projet par ailleurs enrichi au fil du temps de nouveaux objectifs, parmi lesquels la fin de l'utilisation du glyphosate à échéance de 3 ans. Cet objectif annoncé en 2018, qui n'est pas partagé par l'ensemble des représentants de la profession agricole, suppose une politique publique particulièrement vigoureuse à laquelle l'année budgétaire 2018, année de son annonce, n'a apporté aucun prolongement appréciable.

d) Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances

Vos rapporteurs spéciaux doivent ici répéter leur insatisfaction face au maintien de conditions de budgétisation de la politique de sécurité sanitaire des aliments qui enfreignent gravement la lisibilité budgétaire souhaitée par la loi organique relative aux lois de finances.

La nomenclature budgétaire n'offre pas de lisibilité de la politique publique de sécurité sanitaire de l'alimentation, ce diagnostic pouvant s'appuyer sur la dissémination des données budgétaires tant au sein du programme 206 que dans la documentation budgétaire générale. En cela, elle manque au respect de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans ces conditions, il est impossible d'appréhender la dynamique de la dépense destinée spécifiquement à assurer la protection des consommateurs contre les risques sanitaires de l'alimentation, et, plus généralement, de l'effort public consacré à la sécurité sanitaire des aliments.

Vos rapporteurs spéciaux ont pu mettre en évidence les problèmes posés par la définition du périmètre de cette politique publique.

Schématiquement, on rappellera que le programme 206 comprend des interventions visant à assurer l'intégrité sanitaire des matières premières animales et végétales, interventions dont le poids dans les dépenses du programme est très largement majoritaire, mais aussi d'autres interventions plus proches du risque sanitaire lié à la consommation des aliments. Si les premières interventions ont une vocation marquée de préservation de l'intégrité des cheptels et des végétaux, elles ne sont cependant pas étrangères à la problématique générale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Dans une conception où celle-ci va « du champ à l'assiette », la nomenclature budgétaire ne retient pas sans raison les différentes actions du programme 206 comme concourant à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation. Pour autant, les crédits ouverts n'en financent pas moins des interventions hétéroclites dont certaines n'ont qu'un lien très ténu avec les objectifs affichés par l'intitulé du programme.

Ce constat conduit à juger que le programme 206 n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances qui a entendu préserver le principe de spécialité des crédits tout en en enrichissant la conception par une prise en compte plus systématique de leur destination fonctionnelle de moyens au service d'une politique publique donnée .

Dans ces conditions et au-delà même du contenu de la mission budgétaire, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'exprimer leur refus de décerner un certificat de qualité à la présentation budgétaire des interventions nécessitées par la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui est sérieusement défectueuse.

Sur ce point, une série d'observations complémentaires s'imposent.

En premier lieu, doit être évoquée l'extrême fragmentation des moyens déployés, éparpillés dans plusieurs missions budgétaires . Celle-ci reflète l'interministérialité des interventions de l'État, qui témoigne d'une superposition des services opérationnels qui est loin d'être optimale.

Du point de vue de l'information budgétaire, il serait, à tout le moins, justifié d'entreprendre l'élaboration d'un document de politique transversale unifiant les crédits de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent, en outre, que les crédits de personnel du programme se trouvant agglomérés dans une action dédiée (l'action n° 6), il est impossible de disposer d'une vue satisfaisante de l'affectation des personnels (et des crédits correspondants) aux différentes catégories d'intervention financées par le programme.

En témoignent les données fournies à vos rapporteurs spéciaux pour rendre compte des personnels spécifiquement dédiés à la surveillance de la qualité sanitaire des aliments dans le cadre de leur contrôle sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui n'apparaissent pas comme tels dans la nomenclature budgétaire.

Ainsi, selon ces données, les effectifs affectés par la DGAL à la sécurité sanitaire des aliments stricto sensu, dans le cadre de l'action 3 du programme 206, se seraient élevés en 2015, à 1 844 ETPT (soit environ 2 820 agents) sur les 4 511 ETPT du programme 206, soit 40,9 % des ETPT du programme.

Il apparaît ainsi nécessaire de mieux imputer les emplois et les crédits de rémunération aux différentes interventions opérationnelles du programme , en particulier à celles concourant spécifiquement à la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Vos rapporteurs spéciaux suggèrent enfin que l'information budgétaire fasse l'objet d'une amélioration sur un point particulier. Il s'agit des produits tirés des nombreux prélèvements obligatoires appliqués dans le champ de la politique sanitaire de l'alimentation.

Une présentation systématique de ces prélèvements (dont certains attendent depuis des années la détermination de leurs taux) devrait être fournie dans le cadre des documents budgétaires d'autant que certains d'entre eux résultant directement des obligations européennes contractées par la France ont un lien très direct avec les interventions financées sur les crédits du programme 206.

Sur ce point, l'annonce de la mise en oeuvre d'une taxe sanitaire appelée de ses voeux par le comité action publique 2022 n'a pas prospéré en 2018.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CASDAR » qui a été créé par la loi de finances pour 2006.

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural orientées par les priorités du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Celui-ci, qui couvre actuellement les années 2014 à 2020, a pour priorité de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire » en s'inscrivant dans le cadre de « Projet agro-écologique pour la France » .

L'importance des enjeux est évidente dans un contexte où les innovations doivent permettre d'améliorer des modes de production présentant des coûts de toute nature et exposés à des risques qu'il importe de réduire.

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres

La mission repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 (voir infra ) sont principalement destinés aux chambres d'agriculture et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR). Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances .

Quant au programme 776 , davantage orienté vers la recherche appliquée 29 ( * ) , il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles et FranceAgriMer. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi pour une proportion de 35 % par la procédure d'appel à projets .

Le schéma ci-dessous illustre l'emploi des ressources du CAS en 2017. Compte tenu de l'inertie de la gestion des interventions financées par le compte, il donne un aperçu fiable de la structure des dépenses de 2018.

On y observe que chaque programme est dirigé vers des partenaires propres et prépondérants : les chambres d'agriculture pour le programme 775 (60 % des dépenses) et les instituts techniques agricoles pour le programme 776.

Dans les deux cas, FranceAgrimer se voit déléguer une partie des disponibilités de chaque programme.

Budget de la programmation PNDAT

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2017 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

2. Après des déconvenues récurrentes par rapport aux prévisions de recettes du compte, une meilleure anticipation, mais une charge non négligeable pour les exploitants

Le CASDAR, alimenté jusqu'en 2015 par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts, en perçoit depuis la totalité.

La taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles

La taxe est due par les exploitants agricoles au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés en dehors du régime de la TVA, sous le régime du remboursement forfaitaire agricole. Elle est assise sur le chiffre d'affaires de l'année précédente ou du dernier exercice clos auquel sont ajoutés les paiements accordés aux agriculteurs au titre des soutiens directs attribués en application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, à l'exclusion du chiffre d'affaires issu des activités de sylviculture, de conchyliculture et de pêche en eau douce. Le tarif de la taxe est composé d'une partie forfaitaire comprise entre 76 euros et 92 euros par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et à 0,05 % au-delà.

Évolution de la recette du CASDAR

(en millions d'euros)

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2017 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

Après l'extension de l'affectation de recettes, les prévisions (147,5 millions d'euros en 2016 et 2017) ont été systématiquement déjouées avec une moins-value de recettes de 16,7 millions d'euros en 2016 et de 14,1 millions d'euros (dont 15,3 millions d'euros pour la seule taxe, des recettes diverses de 1,3 million d'euros ayant été constatées) en 2017.

Pour l'exercice 2018, la prévision de recettes a été ajustée avec davantage de réalisme à 136 millions d'euros, évolution conforme aux recommandations de vos rapporteurs spéciaux.

Le produit de la taxe a été un peu meilleur que prévu permettant de financer le CAS à hauteur de 136,2 millions d'euros auxquels se sont ajoutées des recettes diverses pour 311 639 euros.

L'augmentation des recettes de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles affectées au compte s'est ainsi élevée entre 2017 et 2018 à 3,1 %.

Cette évolution traduit l'amélioration du chiffre d'affaires des exploitants agricoles en 2017 30 ( * ) après la très nette dégradation de 2016.

La production des exploitations « moyennes et grandes » a augmenté de 6 % en 2017, accroissement qui ne se répercute que partiellement dans les produits de la taxe, en raison notamment de son barème dégressif et largement forfaitaire.

Ces deux caractéristiques limitent l'élasticité du produit de la taxe dans les périodes de croissance de l'assiette mais, à l'inverse, elles altèrent l'ampleur des stabilisateurs automatiques lorsque la conjoncture agricole se retourne.

Par ailleurs, force est de constater que plusieurs intervenants majeurs de la filière agroalimentaire, qui in fine , sont susceptibles de tirer parti des interventions financées par le CAS sont totalement exonérés de cette taxe, que les agriculteurs redevables ne sont souvent pas en position de répercuter dans leurs prix de vente. Or, même si la charge unitaire moyenne de la taxe apparaît modérée (de l'ordre de quelques dizaines d'euros), le niveau très faible des revenus agricoles impose une retenue fiscale rigoureuse.

Vos rapporteurs spéciaux sont ainsi amenés à s'interroger sur l'imposition qui alimente le CAS, d'autant qu'au-delà de son affectation formelle au compte d'affectation spéciale, qui l'exonère de tout écrêtement, les modalités effectives de son emploi l'assimilent à une recette affectée.

Par ailleurs, comme c'est structurellement le cas (voir le tableau ci-dessous), le CAS a, à nouveau connu une inflation de son solde cumulé qui tend vers la moitié des recettes annuelles tirées de la taxe affectée.

Exécution et prévision des recettes du CASDAR
et dépenses constatées 31 ( * )

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Solde cumulé

2006

134,46

145,96

99,70

46,26

2007

98,00

102,05

101,34

46,97

2008

102,50

106,30

98,47

54,8

2009

113,50

110,56

112,34

53,02

2010

114,50

104,89

111,21

46,7

2011

110,50

110,44

108,38

48,72

2012

110,50

116,76

114,35

51,13

2013

110,50

120,58

106,98

64,73

2014

125,50

117,10

132,40

49,43

2015

147,50

137,10

131,30

55,23

2016

147,5

130,8

129,2

56,83

2017

147,5

133,4

128,1

62,13

2018

136

136,5

131,2

67,6

Source : commission des finances du Sénat

Dans ces conditions, les interrogations sur les conditions de financement du CAS, la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles pouvant se révéler lourdement procyclique en raison de la volatilité des conditions économiques de l'activité agricole, persistent ainsi que celles sur ses effets redistributifs et les conditions concrètes de son recouvrement.

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant

La gestion des crédits de paiement peut être résumée comme suit pour 2018.

Dépense et gestion des crédits du CASDAR

(en millions d'euros)

Programme 775

Programme 776

Total

LFI

65

71

136

LFR

0

Reports

11,5

43,9

55

Crédits disponibles

76,5

114,5

191

Crédits consommés

62,2

69,01

131,2

Crédits non consommés

14,3

45,5

59,04

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Le taux de consommation des crédits ressort comme satisfaisant hors crédits reportés.

La gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour le programme 776, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excède.

Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

C'est ainsi que pour l'exercice 2018, les crédits ouverts en cours d'année et non consommés sont équivalents en quasi-totalité aux crédits nécessaires à l'exécution d'engagements déjà décidés.

B. AMÉLIORER LES INFORMATIONS SUR LES PERFORMANCES ATTEINTES ET RECOURIR DAVANTAGE AUX APPELS À PROJETS POUR CONTRER LA LOGIQUE D'ABONNEMENT AUX AIDES

L'évaluation à mi-parcours du programme national de développement agricole et rural réalisée par le CGAAER publié en 2017 avait formulé 7 recommandations déclinées en une quarantaine de suggestions d'actions concrètes.

Vos rapporteurs spéciaux saluent cette initiative qui permet de disposer d'une visibilité renforcée sur les difficultés à surmonter pour améliorer la portée du PNDAR et la contribution des interventions du CAS à son succès.

Ils appellent à ce que l'évaluation ne reste pas sans suite.

En l'état, la justification au premier euro des deux programmes du CASDAR présente, une fois de plus, un caractère lacunaire .

Pour le programme 775 , le rapport annuel de performances ne fournit pas d'information suffisamment détaillée sur l'utilisation des crédits destinés au réseau des chambres d'agriculture , à la fédération des coopératives agricoles et aux organismes nationaux de vocation agricole et rurale (ONVAR) .

L'indicateur utilisé consiste à suivre les effectifs desdits organismes consacrés par eux à atteindre les grands objectifs du programme national de développement agricole et rural. On se doute bien que là est leur pente naturelle et qu'il n'est pas très difficile de fournir au logiciel censé accueillir les déclarations des organismes les données permettant d'extérioriser des résultats probants.

Il résulte de ce manque d'information une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter.

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais, outre que cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics, le programme ne comporte aucun indicateur permettant d'en rendre compte .

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par vos rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » destinés à l'animation des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui porte notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CASDAR .

Quant au développement des conventions avec les ONVAR 32 ( * ) , présenté par le ministère de l'agriculture comme correspondant à l'émergence d'un « CASDAR-ONVAR », si l'on peut y voir une diversification bienvenue des partenariats mobilisés par le dispositif, il est regrettable que la communication du ministère aille jusqu'à suggérer qu'une sorte de droit de tirage automatique puisse lui être associé .

L'élaboration d'un véritable projet national d'optimisation agro-économique des exploitations agricoles doté des moyens et d'une gouvernance adaptée s'impose. Il faut aujourd'hui dissiper l'éclatement des actions entreprises en ce domaine dont témoigne l'agencement des ressources du ministère de l'agriculture qui couvrait une dispersion budgétaire trop forte des moyens et de leur gestion (voir, à ce propos, la superposition des crédits dans les différents programmes de la mission AAFAR et dans le CASDAR).

S'agissant du programme 776 , l'information est, là aussi, insuffisante.

Le RAP décrit insuffisamment les projets sélectionnés dans le cadre des procédures d'appel à projets et les actions d'accompagnement thématiques innovantes .

Pour le programme 776 , l'indicateur unique 33 ( * ) se décline en deux sous-indicateurs de moyens : le premier repose sur la « part des financements portant principalement sur des problématiques de développement durable pour la compétitivité de l'agriculture » et le second sur la « part de financements impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) » rapportés à l'ensemble des financements du programme.

Au regard des cibles, les résultats visés sont mieux qu'atteints en 2018.

Néanmoins, la significativité du premier sous-indicateur n'est guère satisfaisante. Il n'est pas difficile de « verdir » des projets de recherche appliquée quand les objectifs du PNDAR sont énoncés en des termes tellement généraux que leur référentiel comporte une élasticité si forte qu'il est sans lisibilité autre que conjecturale.

Vos rapporteurs spéciaux attendent davantage de précisions dans l'énoncé et le suivi des objectifs poursuivis.

Ce n'est pas trop demander que le ministère de l'agriculture s'attache à restituer les résultats des recherches appliquées financées par les exploitations agricoles, qui, de leur côté, ont droit à cette information.

Parmi les constats réalisés dans le cadre de l'évaluation du PNDAR évoquée plus haut il était mentionné que l'articulation entre le FEADER et le CAS restait à réaliser .

Cette observation semble pouvoir être étendue aux contreparties nationales du FEADER financées par la mission AAFAR.

À l'heure où la thématique de l'agro-écologie oriente fortement les choix publics dans le domaine de l'agriculture, il est nécessaire de renforcer la programmation de la recherche, ce qui passe par une information plus satisfaisante du Parlement.

Toujours, en ce sens, vos rapporteurs spéciaux, prenant acte de la priorité accordée au développement de l'agriculture sous mode de production biologique, souhaitent appeler l'attention sur la nécessité de renforcer les capacités d'action de l'Institut technique de l'agriculture biologique, d'autant que les contributions des agriculteurs passés au bio aux recettes du CAS sont en expansion.

MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » - MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2018

1. La mission « Aide publique au développement » : une exécution en ligne avec la loi de programmation des finances publiques

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

En 2018, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ont représenté le quart du total de l'aide publique versée par la France 34 ( * ) , et 37 % des crédits budgétaires dédiés à cette politique.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement »
en 2018, à périmètre courant

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide économique et financière au développement (110)

2 154,1

932,0

840,5

961,4

1 100,0

929,2

51,1 %

99,7 %

130,9 %

96,7 %

Solidarité à l'égard des pays en développement (209)

1 529,1

1 560,2

1 843,4

1 739,1

1 801,3

1 703,6

117,8 %

109,2 %

97,7 %

98,0 %

Mission

3 683,2

2 492,2

2 683,9

2 700,5

2 901,3

2 632,8

78,8 %

105,6 %

108,1 %

97,5 %

Source : commission des finances du Sénat

En 2018, les crédits exécutés de la mission se sont élevés à 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement . Le taux d'exécution des crédits votés en loi de finances initiale est respectivement de 108,1 % et de 97,5 % . Le taux d'exécution des crédits de paiement marque ainsi une légère amélioration par rapport à l'exercice 2017, pour lequel il s'était élevé à 96 %.

Taux d'exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement » (en CP)

Source : commission des finances du Sénat

L'exécution des crédits de paiements en 2018 est globalement conforme , quoique légèrement inférieure, au plafond défini par la loi de programmation des finances publiques 35 ( * ) , et qui était fixé à 2,68 milliards d'euros (soit un écart de 1,8 % ).

Trajectoire de la mission « Aide publique au développement »
prévue par la LPFP 2018-2022

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

Exécution 2018

LPFP 2018

LPFP 2019

LPFP 2020

Progression exécution/LPFP 2020

2,63

2,68

2,81

3,10

17,9 %

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, l'exercice a été marqué par plusieurs mouvements en cours de gestion , justifiant notamment la sur-exécution de 8,1 % des autorisations d'engagement de la mission, par rapport à la loi de finances initiale.

Sur le programme 110 , la loi de finances rectificative 36 ( * ) a procédé à une ouverture de 527 millions d'euros en autorisations d'engagement justifiée par les prêts accordés à l'Association internationale de développement (AID) et au Fonds international de développement (FIDA) , pour un montant respectif de 500 millions et 27 millions d'euros.

Pour rappel, l'AID constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale. Ses ressources sont constituées tous les trois ans par appels de fonds des États contributeurs. La loi de finances initiale avait anticipé l'opération de prêt par l'Agence française de développement en le faisant porter par le programme 853 37 ( * ) . Toutefois, un changement de doctrine comptable ( cf. ci-après ) a nécessité de modifier le canal de financement de ce prêt, se traduisant ainsi par une majoration des autorisations d'engagement du programme 110.

Sur le programme 209 , le principal mouvement provient de la révision à la baisse de la contribution de la France au fonds européen de développement (FED) . Alors que la contribution initialement prévue s'élevait à 859 millions d'euros , l'actualisation des prévisions de décaissements du fonds l'a ramenée en exécution à 796 millions d'euros , soit une réduction de 64 millions d'euros .

Cette marge de manoeuvre budgétaire a été en partie annulée par la loi de finances rectificative . Celle-ci a ainsi procédé à l'annulation de 37 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 33 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 209.

Les 31 millions d'euros restant ont été mobilisés pour financer le programme humanitaire à destination de la Syrie , annoncé en cours d'exercice budgétaire par le Président de la République, Emmanuel Macron. Ainsi, ce plan, d'un montant de 50 millions d'euros, ne correspond pas en réalité à une nouvelle mesure budgétaire . D'après la direction du budget, son financement est composé de :

- 5 millions d'euros de crédits existants et initialement destinés à la Syrie ;

- 31 millions d'euros de crédits de paiement provenant de la minoration de la contribution de la France au FED ;

- 14 millions d'euros de crédits de paiement provenant de dégel.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018 sur la mission
« Aide publique au développement »

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Programme

LFI 2018

Reports
entrants

Décrets
d'avance

Vire-ment
ou
transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits disponi-bles

Exécu-tion 2018

Écart
consommé/
prévu

Prog. 110

961,4

60,7

-

-  0,6

-4,0

-

-

1 017,4

929,2

- 8,7 %

Prog. 209

1 739,1

3 150,1

-

- 3,0

-26,7

0,2

-

1 712,7

1 703,6

- 0,5 %

Mission

2 700,5

63 800,1

-

- 3,7

-30,7

0,2

-

2 730,2

2 632,8

- 3,6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. L'exécution du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est marquée par une sous-exécution importante des autorisations d'engagement

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 permet de financer l'achat par des pays étrangers de matériels et services d'entreprises françaises ;

- le programme 852 permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France ;

- le programme 853 porte le versement à l'Agence française de développement de la « ressource à condition spéciale » (RCS) qui lui permet d'octroyer des prêts à des États étrangers à des conditions concessionnelles ;

- le programme 854 était destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF).

545 millions d'euros ont été exécutés en autorisations d'engagement et 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement , pour un taux d'exécution global respectivement de 34 % et 74 %, contre 79 % et 74 % en 2017.

Le faible taux d'exécution des autorisations d'engagement provient d'une sous-utilisation de ces crédits par les programmes 851 et 852.

Concernant le programme 851 , sur les 800 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale, la moitié devait être consacrée à des prêts à l'Iran , permettant de financer des projets d'infrastructure faisant appel à des biens et services français. Toutefois, compte tenu des tensions diplomatiques entre les États-Unis et l'Iran, ces projets ont été ajournés. Par conséquent, la loi de finances rectificative a annulé 400 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur ce programme. En dépit de cette annulation, le taux de consommation de ces crédits , c'est-à-dire le rapport entre les crédits exécutés et les crédits disponibles après l'adoption de la loi de finances rectificative, ne s'élève qu'à 30 % .

Ce faible taux masque néanmoins la progression de la consommation de ces crédits depuis 2017 . En effet, en 2018, 120 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été exécutés sur le programme, soit quatre fois plus que l'année précédente. La montée en charge de ce programme est justifiée par le Trésor par le développement des prêts non concessionnels , « qui concentrent l'essentiel de la demande, et sont sans coût à terme pour l'État » 38 ( * ) .

Concernant le programme 852, aucun traitement de dettes n'a été réalisé en 2018 . D'après la direction du budget, ceci s'explique à la fois par la baisse tendancielle du stock de dettes pour lesquelles une décision de traitement a déjà été prise, et une dégradation de la soutenabilité de la dette de certains pays de l'initiative « Pays pauvres très endettés » (IPPTE).

Les 268 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale avaient vocation à bénéficier au Congo, à l'Irak, à la Somalie, et au Zimbabwe. La direction du budget a toutefois indiqué à vos rapporteurs spéciaux que des traitements de dette significatifs devraient intervenir dans les prochaines années, en particulier pour la Somalie et le Soudan .

Le programme 854 , destiné à porter les prêts consentis à la Grèce depuis 2010, est en sommeil depuis 2012 .

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

197,0

268,0

800,0

353,1

120,1

208,2

61 %

78 %

15 %

59 %

852 - Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

0,2

0,2

268,5

268,5

-

-

0 %

0 %

0 %

0 %

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

1 392,0

225,0

545,0

1 033,0

425,0

1 008,0

31 %

448 %

78 %

98 %

854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total

1 589,2

493,2

1 613,5

1 654,6

545,1

1 216,2

34 %

247 %

34 %

74 %

Source : commission des finances du Sénat

Le montant des recettes du compte de concours financier est de 1,19 milliard d'euros en 2018, alors que la loi de finances initiale l'avait évalué à 388 millions d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros .

Cette augmentation des recettes provient exclusivement du programme 853, en raison du remboursement par l'Agence française de développement du prêt que l'État lui avait octroyé afin de porter la contribution de la France à l'Association internationale de développement (AID). Ce prêt concessionnel, d'un montant de 800 millions d'euros , est porté à l'AFD sur une durée de 40 ans , à taux nul . Le coût de la bonification de ce prêt est pris en charge par l'État.

Pour rappel, trois leviers permettent à l'AFD d'accorder des prêts :

- la ressource de marché sous forme d'émissions obligataires . Les prêts sont accordés à conditions de marché ;

- les crédits de bonification du programme 110 , lorsqu'elle lève elle-même des ressources sur les marchés, à un taux d'intérêt qui dépend de ses conditions de financement. Elle utilise ensuite des crédits de bonification pour abaisser ce taux pour le bénéficiaire final, et ainsi octroyer un prêt concessionnel ;

- la « ressource à condition spéciale » (RCS) , correspondant aux prêts du programme 853. Dans ce cas, elle ne lève pas de ressources sur les marchés mais elle utilise directement la ressource prêtée par l'État pour réaliser son prêt 39 ( * ) .

En l'espèce, le prêt à l'AID devait initialement être porté par le programme 853 , et être ainsi considéré comme une opération financière. Or, ces crédits risquaient d'être comptabilisés comme de la dépense publique au sens de Maastricht par Eurostat et l'INSEE.

Ainsi, afin d'éviter que ce prêt ne participe au montant du déficit public, la direction du budget et la direction générale du trésor se sont accordées, en cours de gestion, sur la nécessité de basculer ce prêt vers le programme 110. Ainsi, l'Agence française de développement a levé les ressources sur les marchés et a bénéficié des crédits budgétaires de la mission pour « bonifier » le prêt.

Le coût de bonification ayant été estimé à 500 millions d'euros , les autorisations d'engagement du programme 110 ont été majorées de ce montant en loi de finances rectificative. Le basculement comptable du programme 853 au programme 110 est budgétairement neutre pour le programme 853.

Cette évolution de doctrine devrait se traduire, à l'avenir, par une raréfaction des recours au compte de concours financier pour octroyer des prêts.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La trajectoire à la hausse de l'aide publique au développement appelle à la vigilance

Le Président de la République, Emmanuel Macron, a fixé une trajectoire ambitieuse de l'aide publique au développement pour les prochaines années. Lors de la conférence des Ambassadeurs le 29 août 2018, il a concrétisé cette ambition en fixant pour objectif que l'aide publique au développement atteigne 0,55 % de notre revenu national brut en 2022 .

Cet objectif s'est traduit par une hausse conséquente des crédits de la mission dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux souhaitent appeler à la vigilance du Gouvernement sur plusieurs points .

Premièrement, l'exécution doit être en phase avec la prévision . Or, vos rapporteurs spéciaux constatent que les taux d'exécution de la mission sont inférieurs à ceux réalisés au début des années 2000. Si les aléas en cours de gestion sont inévitables, vos rapporteurs spéciaux considèrent que l'amélioration de l'exécution des crédits votés par le Parlement est garante de l'engagement effectif en faveur d'une hausse de l'aide publique au développement .

Deuxièmement, la progression des engagements ne doit pas préempter de façon excessive les marges de manoeuvre pour l'avenir . En effet, les « restes-à-payer », c'est-à-dire les engagements non couverts par des crédits de paiements, progressent, et s'établissent à 7,6 milliards d'euros pour la mission fin 2018. La loi de programmation des finances publiques prévoit une concentration de la hausse des crédits de paiement en fin de cycle . A l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2018, vos rapporteurs spéciaux avaient déjà souligné que cette concentration pouvait être facteur de risque pour la mise en oeuvre concrète de la programmation .

Enfin, vos rapporteurs spéciaux rappellent que le projet de loi de programmation et d'orientation devra nécessairement apporter des précisions chiffrées sur la progression des montants alloués chaque année d'ici 2022 à l'aide publique au développement. A quelques mois de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, il aurait été souhaitable d'en disposer plus en amont de la programmation.

2. La volatilité de la contribution de la France au Fonds européen de développement reste un facteur d'incertitude de la mission

La volatilité de la contribution au FED constitue un risque budgétaire pour la mission « Aide publique au développement », ces crédits représentant 30 % de l'ensemble des crédits de paiement exécutés en 2018 , et près de 15 % des crédits du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Ce constat, relayé par la Cour des comptes 40 ( * ) , s'explique par deux facteurs :

- d'une part, la difficulté pour la Commission européenne d'anticiper le rythme de décaissement des projets , ce qui tient à la nature même du FED ;

- d'autre part, l'évolution des clés de contribution des États membres.

Certes, la minoration de la contribution de la France en cours d'exercice a permis en 2018 de mobiliser des marges de manoeuvres budgétaires, mais la contribution à un fonds multilatéral ne saurait constituer une ressource budgétaire stable .

Prévisions et exécutions de la contribution au FED

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Vos rapporteurs spéciaux relèvent que la Commission européenne a proposé en mai 2018 d'intégrer le FED dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l'Union européenne. Cette intégration devrait permettre de mieux piloter cet instrument de la politique d'action extérieure de l'Union européenne.

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux regrettent le manque d'informations relatives aux frais de gestion du FED 41 ( * ) , ainsi qu'à la répartition géographique de ses décaissements . En effet, en 2018, l'affectation géographique de 11 % des décaissements du FED n'est pas connue 42 ( * ) .

3. Le dynamisme du produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) n'a pas bénéficié au développement

Pour rappel, la taxe sur les transactions financières (TTF) , prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts, a été créée par la première loi de finances rectificative pour 2012 43 ( * ) . Elle est assise sur les opérations d'achat d'actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1 er janvier de l'année d'imposition. Initialement fixé à 0,2 %, son taux a été porté à 0,3 % en 2017 .

Elle constitue, avec la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) , les deux taxes affectées à l'aide publique au développement.

La loi de finances pour 2018 prévoyait l'affectation d'une part de TTF à l'Agence française de développement , et d'une part au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). Le montant de ces parts s'élevait respectivement à 528 millions d'euros et 270 millions d'euros, le reste du produit de la taxe étant affecté au budget général de l'État .

Or, la part reversée au budget de l'État a été réévaluée à la hausse en cours de gestion en raison, d'après la direction du budget, du dynamisme des encaissements de recettes constaté en août . Ainsi, la part affectée au budget général de l'État est passée d'un montant évaluatif de 693 millions d'euros en loi de finances à 802 millions d'euros en exécution 44 ( * ) , soit une progression de 15 % . Par conséquent, le dynamisme de la TTF n'a pas bénéficié au financement de l'aide publique au développement , ce qui est quelque peu contradictoire avec la volonté de mobiliser des moyens ambitieux pour celle-ci.

Par ailleurs, d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, sur les 270 millions d'euros affectés à l'AFD, seuls 70,4 millions d'euros ont fait l'objet d'un décaissement en 2018 . La rebudgétisation de ces crédits au sein de la mission « Aide publique au développement » à partir de 2019, recommandée depuis plusieurs exercices par vos rapporteurs spéciaux, devrait permettre un meilleur pilotage de cette ressource.

Répartition du produit de la TTF en 2018

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

MISSION « ANCIENS COMBATTANTS,
MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION » - M. Marc Laménie, rapporteur spécial

I. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION CONFORME EN 2018 AUX DIFFÉRENTES NORMES DE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dotée de 2,461 milliards d'euros, en loi de finances initiale (contre 2,538 milliards d'euros en 2017), a finalement occasionné 2,433 milliards d'euros de dépenses en 2018.

Elle a ainsi dégagé une économie de 28 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire initiale, s'ajoutant aux économies programmées en loi de finances initiale (77 millions d'euros) malgré une modeste extension du périmètre de la mission et des revalorisations très mesurées de certaines allocations versées aux anciens combattants et aux victimes de la persécution nazie.

La mission comporte trois programmes d'ampleur très inégale :

- le programme 158 « Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » ;

- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » ;

- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » ;

- le programme 158 « Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ».

Le tableau ci-dessous détaille la diversité des dotations des différents programmes de la mission.

S'en détache la prédominance du programme 169 (95 % des dotations) qui regroupe les différents transferts en dépenses en faveur du monde combattant.

Crédits ouverts par la loi de finances initiale
de l'année 2018

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

En % du total (CP)

167

Liens entre la Nation et son armée

42,8

42,7

1,7 %

169

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 316,8

2 317,7

94,2 %

158

Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

100,8

100,8

4,1 %

Total

2 460,4

2 461,2

100 %

Source : Rapport annuel de performances 2018

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE ONT ÉTÉ RESPECTÉES ET PRESQUE INTÉGRALEMENT CONSOMMÉES

La programmation budgétaire de la loi de finances initiale a été respectée, les dépenses étant légèrement inférieures aux crédits ouverts.

1. Les crédits finalement disponibles ont globalement respecté les autorisations initiales

Globalement, les modifications de crédits intervenues en cours d'année n'ont apporté que très peu d'évolutions à la programmation initiale, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Mouvements infra annuels de crédits

(en millions d'euros)

P 167

P 169

P 158

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

42,8

42,7

2 316,9

2 317,7

100,80

100,80

2 460,5

2 461,2

Total des mouvements de crédits

- 1,2

- 0,1

- 21,0

- 21,0

1,9

1,9

- 20,3

- 19,2

Dont

Reports

0,11

1,14

0,1

0,1

1,9

1,9

2,2

3,24

Virements

Transferts

Décrets d'avance

Répartition dépenses accidentelles

Annulations (LFR du 10 décembre 2018)

1,3

1,3

21,2

21,2

0

0

22,5

22,5

Fonds de concours (pour mémoire)

0,06

0,06

0,1

0,1

0,16

0,16

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits finalement disponibles ont assez largement respecté les ouvertures de la loi de finances initiale (99,2 % des crédits initiaux ont été ouverts) malgré un bilan consolidé négatif des mouvements nets de crédits mis en oeuvre en cours d'année :

- 3,2 millions d'euros de crédits de paiement ont été reportés, la plupart sur le programme 158 ;

- quant aux annulations de crédits, elles ont atteint 22,5 millions d'euros, dont, essentiellement, 21,2 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 169.

2. Les crédits disponibles ont été consommés en quasi-totalité mais moyennant quelques nuances

Les dépenses ont atteint 2 432,8 millions d'euros pour un total de crédits de paiement ouverts en début d'exercice de 2 461,2 millions d'euros, réduits en gestion à 2 441,9 millions d'euros, une fois pris en compte les fonds de concours et les annulations de crédits.

Exécution des crédits de la mission en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits disponibles en 2018

Crédits exécutés en 2018

Exécution 2018/Exécution 2017 (en %)

Exécution 2018/LFI 2018 (en %)

167

AE

36,2

42,8

41,6

40,9

+ 13

- 4,4

CP

35

42,7

42,5

40,4

+ 15,4

- 5,4

169

AE

2 379,4

2 316,8

2 295,8

2 295,7

- 3,5

- 1,0

CP

2 374,3

2 317,7

2 296,7

2 296,6

- 3,3

- 1,0

158

AE

94

100,8

102,7

95,8

+ 2

- 4,9

CP

94

100,8

102,7

95,9

+ 2

- 4,9

Total

AE

2 509,6

2 460,4

2 440,1

2 432,4

- 3,1

- 1,1

CP

2 503,3

2 461,2

2 441,9

2 432,9

- 2,8

- 1,1

Note : les crédits disponibles en 2018 cumulent les crédits de la loi de finances initiale, les attributions de produits et rattachements de fonds de concours et les mouvements de crédits consolidés intervenus au cours de l'année

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Dans ce contexte, où, globalement, les conditions d'exécution des dotations ont dégagé des taux de consommation élevés , on doit mentionner quelques nuances.

Ainsi, le programme 158 , qui ne concentre que 4 % des moyens de la mission, a connu un taux d'exécution des crédits initiaux plus faible, à 95,1 % , que la moyenne.

Il en est allé de même pour le programme 167 pour lequel la consommation des crédits n'a atteint que 94,6 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année.

Finalement, l'exécution la plus tendue a concerné les crédits du programme 169.

Cependant, la mécanique budgétaire qui voit la plus grande partie des dépenses du programme 169 de la mission fléchées vers le compte d'affectation spéciale « Pensions » (le programme 743 de ce compte) doit être prise en compte. Les dépenses constatées sur ce programme ont été légèrement inférieures aux sorties du programme 169 de sorte que l'avoir du ministère des armées au sein de la trésorerie du compte a été amélioré de l'ordre de 8 millions d'euros.

3. Les opérations de fin de gestion n'ont pas été à la hauteur de la contribution théorique attendue de la réserve de précaution mais elles se traduisent par une forte contrainte sur l'exercice à venir

Du fait des besoins constatés, la réserve de précaution, qui avait d'abord été fixée à 3 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale pour les crédits hors titre, 2 a été largement dégelée en gestion.

Sur les 72,4 millions d'euros gelés, 65 % de crédits ont été rendus disponibles en cours de gestion (46,9 millions d'euros concernant pour la plupart les crédits du programme 169).

Votre rapporteur spécial relève que l'exécution des crédits de la mission justifie pleinement les appréciations tendant à souligner le caractère artificiel des conditions dans lesquelles la réserve de précaution était mise en oeuvre lors de la précédente période de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Il se félicite que davantage de réalisme ait pu être introduit dans la nouvelle programmation, tout en regrettant, au plan symbolique, que perdure le gel des droits conférés aux anciens combattants et victimes de guerre, qui, pour virtuel qu'il doive être, représente pour le moins une maladresse par laquelle l'État jette le doute sur des engagements solennels au nom d'une norme technique à la portée pratique rien moins qu'évidente.

Dans ce contexte, il est à remarquer qu'une partie de la réserve de précaution a alimenté les annulations de crédits mentionnées plus haut.

Les marges laissées libres par l'exécution ont été globalement annulées, avec un niveau net des annulations de crédits de 19,3 millions d'euros (compte tenu de reports entrants de 3,2 millions d'euros et d'annulations de 22,5 millions d'euros).

Si ces annulations ont principalement concerné des dépenses de guichet (programme 169) et peuvent être ainsi considérées comme de simple constatation, l'annulation portant sur les autorisations d'engagement du programme 167 doit toutefois être signalée. Malgré son niveau modéré (1,3 million d'euros), elle a entraîné une réduction non négligeable des capacités d'engagement du responsable de programme puisqu'atteignant 2,8 % de l'ouverture initiale.

Quant aux annulations des crédits du programme 169 (une annulation brute de 21,2 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année), elles témoignent d'un calibrage très serré de la gestion budgétaire de ce programme . L'annulation en cause a presque totalement asséché les reports de crédits mobilisables pour boucler un exercice 2019 budgété en-deçà de la consommation de 2018 à hauteur de 134 millions d'euros (- 5,8 % sous les dépenses constatées au cours de ce dernier exercice).

Dans ces conditions, il semble que les gestionnaires de la mission comptent sur les disponibilités ouvertes par une « créance » de 32,98 millions d'euros (11,9 millions d'euros au titre de la retraite du combattant ; 21,05 millions d'euros au titre de la PMI) détenue par le ministère sur la trésorerie du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Toutefois, ce disponible représente moins de 1,9 % des dépenses correspondant aux deux allocations considérées, ce qui, compte tenu de la trajectoire de budgétisation de 2019, conduit à estimer peu « précautionneuse » la gestion malthusienne de la réserve de précaution de 2018.

B. LES DÉPENSES DE LA MISSION SE SONT INSCRITES EN DESSOUS DU PLAFOND FIXÉ PAR LA PROGRAMMATION TRIENNALE DES FINANCES PUBLIQUES

Malgré un niveau élevé de consommation des crédits, la mission a respecté la norme de dépense de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022.

Observation de méthode

L'article 15 de la loi de programmation en vigueur, qui détermine la valeur des « plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'État, hors contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements » comporte une certaine dose d'approximation.

Pour ce qui concerne sa dimension formelle 45 ( * ) , compte tenu de la coexistence de plusieurs conceptions des plafonds de crédits alloués aux missions budgétaires (s'agit-il des plafonds des lois de finances initiales, des lois de finances initiales corrigées par les lois de finances rectificative, des plafonds législatifs ou de ces derniers complétés par les crédits ouverts en gestion au titre, par exemple, des attributions de produits qui, dans certains cas, peuvent atteindre des niveaux élevés quoique variables d'un exercice à l'autre ?), il existe une marge d'interprétation du sens de la norme.

Il serait sans doute plus simple, étant donné l'objectif poursuivi, de se référer à un concept de dépenses par exercice.

Dans le cadre de l'examen de la loi de règlement il paraît convenable, en l'état actuel des choses, de se référer aux dépenses constatées en comptabilité budgétaire sans omettre les reports de crédits. L'esprit de la loi de programmation des finances publiques est bien d'identifier la norme de dépense appliquée à chaque mission budgétaire.

Comparaison entre le plafond de la loi de programmation pluriannuelle
et l'exécution des crédits en 2018

(en millions d'euros)

Plafond de la loi de programmation des finances publiques

2 460

Crédits ouverts en 2018

2 461,2

Changement de périmètre

2,45

Contribution au CAS « Pensions »

0,4

Crédits ouverts périmètre de la loi de programmation des finances publiques

2 458,5

Exécution hors CAS « Pensions »

2 432,5

Marges sous le plafond 2018

29,95

Source : commission des finances du Sénat d'après le programme annuel de performances pour 2018 et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (2018-2022)

Les crédits initialement ouverts comme les dépenses finalement réalisées se sont inscrits sous la barre de la loi de programmation des finances publiques.

La consommation des crédits a laissé une marge de près de 30 millions d'euros qui a été presque totalement « économisée » dans la perspective de l'exercice à venir.

La loi de programmation dessine une trajectoire franchement baissière du plafond de crédit de la mission, ce dernier devant passer de 2,540 milliards d'euros en 2017 à 2,250 milliards d'euros en 2020 soit une réduction de 11,5 % entre ces deux échéances.

Trajectoire des plafonds de crédits de la mission dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022

(en milliards d'euros)

Loi de finances pour 2017

Loi de finances pour 2017 (format 2018)

2018

2019

2020

2,54

2,54

2,46

2,34

2,25

Source : loi de programmation des finances publiques 2018-2022

Par rapport à la trajectoire de la loi de programmation, la budgétisation de 2019 comporte une forme de surenchère en amplifiant encore la baisse des crédits ouverts plus forte par rapport à la programmation.

L'exécution 2018 contribue à cette inflexion en ménageant un « acquis de décroissance » supérieur à ce qui avait été anticipé.

Néanmoins, au-delà de la question de la reproductibilité de cet acquis, l'essentiel est bien de souligner que la programmation des crédits de la mission dépend d'un « volontarisme » auquel votre rapporteur spécial ne peut souscrire puisqu'il repose sur une sourde altération des politiques de mémoire et de reconnaissance de la Nation aux anciens combattants et aux victimes des persécutions nazies.

Votre rapporteur spécial renvoie sur ces différents points aux développements consacrés à la budgétisation de la mission pour 2019.

C. UNE DIMINUTION DES DÉPENSES CONCENTRÉE SUR LE PROGRAMME 169

D'un point de vue budgétaire, l'évolution des dépenses de la mission est déterminée par le programme 169 du fait de son poids relatif.

Or, les dépenses de ce programme s'inscrivent sur une tendance spontanément baissière moyennant quelques écarts à la tendance résultant principalement de revalorisations irrégulières des allocations correspondant à la dette viagère.

La mission, du fait de la réduction de la population couverte par les engagements viagers du programme 169, dégage ainsi régulièrement chaque année des économies qu'on peut qualifier « d'économies de constatation » 46 ( * ) même si les revalorisations, généralement modérées, des prestations qui en constituent l'essentiel des charges doivent également être prises en compte.

L'exécution 2018 confirme cette tendance.

Retour sur l'évolution des dépenses de la mission en 2015, 2016 et 2017

En 2015 , la mission avait dégagé des économies de 152,5 millions d'euros (soit une baisse de l'ordre de 5 % par rapport aux dépenses de 2014) principalement concentrées sur les crédits prévus au programme 169 dont les dépenses avaient accusé un repli de 210 millions d'euros . La baisse des dépenses de la mission aurait été sensiblement plus forte (elle aurait même dépassé 7 %) en dehors d'un événement exceptionnel : l'accord conclu entre la France et les États-Unis pour solder la dette de réparation envers certaines victimes de la déportation reconnue par la France. Cet accord avait, en effet, conduit à inscrire une dotation exceptionnelle de 54,5 millions d'euros au titre de 2015 , de sorte qu'en dehors de l'impact ponctuel de cet accord les économies réalisées en 2015 se seraient élevées à 207 millions d'euros , soit un repli des dépenses de 6,8 %.

En 2016, les dépenses de la mission ont poursuivi leur diminution mais dans des proportions plus mesurées. Les économies constatées s'étaient élevées à 129,7 millions d'euros, soit un niveau proche de l'année précédente. Toutefois, cette évolution pouvait être qualifiée de partiellement « faciale » du fait de l'accord mentionné qui avait occasionné une dépense non-récurrente. Une fois neutralisé son impact, les économies structurelles dégagées en 2016 pouvaient être estimées à 74,1 millions d'euros , soit un niveau beaucoup plus faible qu'en 2015. En bref, le rythme de réduction des charges de la mission avait nettement décéléré en 2016 .

Avec 86,7 millions d'euros, l'année 2017 avait dégagé des économies du même ordre et ainsi confirmé la contraction des économies réalisées sur la mission par rapport à une tendance historique généralement calée sur les données démographiques.

Ainsi que l'a illustré le tableau récapitulant les données d'exécution des crédits par programme en 2018 (voir supra ), les économies réalisées sur les dépenses de la mission se sont à nouveau concentrées en 2018 sur les dépenses du programme 169.

L'allègement des charges dudit programme se reflète dans la baisse des dépenses d'intervention de la mission qui proviennent pour 91 % d'entre elles du programme 169.

Évolution des consommations de crédits par titre

(en millions d'euros)

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits exécutés en 2018

Exécution 2018/ Exécution 2017

Exécution 2018 / Crédits ouverts en LFI 2018

Titre 6
(dépenses d'intervention)

2 408,1

2 360,7

2 335,4

- 72,7

- 25,3

Autres titres

95,3

104

97,3

+ 2

- 6,7

dont :

Titre 3
(dépenses de fonctionnement)

93,6

98,7

93,6

0

- 5,1

Total

2 503,4

2 464,7

2 432,7

- 70,70

- 32

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De fait, les dépenses du programme 169, qui se sont inscrites en baisse de 77,8 millions d'euros par rapport à 2017 (elles se situent en deçà des ouvertures de crédits de la loi de finances initiale à hauteur de 21 millions d'euros), diminuent de 3,3 %.

Quant aux deux autres programmes de la mission, leurs dépenses ont augmenté par rapport à 2017, de 13 % pour le programme 167, en lien avec le déroulement des commémorations de la Grande Guerre, et de 2 % pour le programme 158 du fait d'une certaine dynamique intrinsèque d'indemnisations bénéficiant d'une indexation particulière (voir infra ).

II. UN AFFADISSEMENT DE L'EFFORT DE LA NATION ENVERS LES ANCIENS COMBATTANTS

La structure des dépenses du programme 169 peut être déclinée à partir des quatre grandes actions suivantes correspondant à des regroupements de prestations de nature homogène :

- l'administration de la dette viagère qui compte les pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et les prestations rattachées, ainsi que la retraite du combattant ;

- la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité : soins médicaux gratuits et appareillage des mutilés, remboursement des réductions de transport accordées aux invalides, remboursement des prestations de sécurité sociale accordées aux invalides... ;

- les interventions au titre de la solidarité : majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et des victimes de guerre, subventions aux associations, action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et subventions versées à cet organisme, Institution nationale des Invalides ;

- les actions en faveur des rapatriés .

À ces allocations financées sur des crédits budgétaires, il faut ajouter les transferts réalisés à partir des régimes dérogatoires du droit commun des prélèvements obligatoires .

Le tableau ci-après, qui présente les principales évolutions des dépenses du programme entre 2017 et 2018, montre l'influence prédominante de la dette viagère sur les tendances de la dépense en niveau.

Évolution des dépenses du programme 169 entre 2017 et 2018

(en milliers d'euros et en %)

Exécution en 2017

Exécution en 2018

Évolution 2018/2017
(en millions d'euros)

Évolution 2018/2017
(en %)

Administration de la dette viagère

1 875,4

1 807,8

- 67,7

- 3,6

Pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre

1 134,4

1 069,4

- 65

- 5,7

Retraite du combattant

741

738,4

- 2,6

- 0,4

Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

138,9

132,2

- 6,7

-4,8

Soins médicaux gratuits

52

47,9

- 4,1

- 7,9

Remboursement des réductions de transport

2,5

2,3

- 0,2

-8

Remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides

84,3

82

- 2,3

- 2,7

Solidarité

341,2

337,1

- 4,1

- 1,2

Majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre

244,7

237

- 7,4

- 3,1

Pécules

ND

ND

Subventions aux associations

2

3,4

1,4

+ 70

Action sociale de l'ONACVG

26,4

26,4

0

0

Subventions versées à l'ONACVG

58

57,4

- 0,6

- 1

Institution nationale des Invalides

12,1

12,9

0,8

6,6

Actions en faveur des rapatriés

18,9

19,4

0,5

+ 2,6

Total

2 374,4

2 296,6

- 77,8

- 3,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

C'est la simple traduction de la répartition des charges du programme, les poids en crédits de chacune de ces grandes têtes de chapitre diffèrant nettement.

Crédits de paiement du programme 169 consommés en 2018 (M€)

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2018

La dette viagère mobilise 81 % des dotations suivie des actions dites de solidarité (12 %) tandis que les interventions au titre des droits complémentaires ne représentent que 6 % des crédits, contre 1 % pour les interventions en faveur des rapatriés.

Dans ce contexte, si la baisse des dépenses a atteint 77,8 millions d'euros entre 2017 et 2018, le repli des dépenses liées à la rente viagère (-67,7 millions d'euros) en a été le principal facteur représentant près de 9/10 e de la contraction des charges du programme.

La réduction des dépenses liées à la dette viagère traduit principalement les effets d'une baisse régulière du nombre des bénéficiaires des allocations correspondantes. Il n'y aurait pas là en soi matière à mettre en évidence un affadissement de l'effort de la Nation en faveur de ses anciens combattants.

Si cette appréciation doit être formulée c'est sur la base d'une négligence trop fréquente d'assurer une revalorisation des allocations dispensées aux anciens combattants, hésitations largement vérifiées au cours de l'année 2018, mais aussi des hésitations à élargir la reconnaissance due aux anciens combattants.

A. UN RECUL DES CHARGES DE LA DETTE VIAGÈRE FAVORISÉ PAR UNE FAIBLE REVALORISATION DES DROITS

1. Un exercice 2018 marqué une nouvelle fois par un déficit de revalorisation des principales allocations de reconnaissance aux anciens combattants tempéré pour la seule retraite du combattant par l'effet de mesures acquises

Les différents postes de dépense du programme 169 figurés dans le graphique ci-après font ressortir la part prépondérante des pensions militaires d'invalidité (46,6 % du total), suivies des charges liées à la retraite du combattant (32,2 %), les dépenses liées à divers droits accordés aux anciens combattants comptant pour un peu plus de 21 % des dépenses du programme.

Crédits de paiement du programme 169 consommés en 2018

Source : RAP pour 2018

Les modalités de revalorisation des deux principales allocations de reconnaissance, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, suivent un régime marqué par le rôle majeur du « rapport constant ».

Modalités de revalorisation des pensions correspondant
aux pensions militaires d'invalidité et à la retraite du combattant

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État, à la date de cette évolution, et non plus de manière rétroactive comme dans le dispositif en vigueur auparavant, suivant ainsi les règles du rapport constant.

Quant au montant de la retraite du combattant, il est fixé par référence à un nombre de points d'indice de PMI , déterminé à l'article L. 256 du CPMIV G. Il peut donc varier sous l'effet de deux facteurs : le nombre de points d'indice de PMI et la valeur de celui-ci.

D'autres allocations de reconnaissance, en particulier celles versées aux anciens membres des forces supplétives de la guerre d'Algérie et à leurs conjoints survivants, sont quant à elles indexées sur l'évolution des prix.

En 2018, le jeu du rapport constant a une fois de plus conduit à une indexation de la valeur du point PMI très modérée, largement inférieure à l'inflation, tandis qu'aucune revalorisation nouvelle de la retraite du combattant n'a été décidée.

Séquence de l'évolution de la valeur du point PMI

Revalorisation du point d'indice PMI

Jusqu'au 31 décembre 2016

1 er janvier 2017

1 er avril 2017

Valeur du point d'indice PMI

14,40 €

14,42 €

14,45 €

Source : Cour des comptes

La retraite du combattant a toutefois profité de la revalorisation de 2 points intervenue au 1 er septembre 2017, qui a exercé des effets en année pleine en 2018 suscitant un certain dynamisme, mais transitoire, des charges correspondantes et une revalorisation de la valeur unitaire de la retraite du combattant.

Revalorisation de la retraite du combattant

Jusqu'au 31 décembre 2016

1 er janvier 2017

1 er avril 2017

1 er septembre 2017

Nombre de points d'indice

50

50

50

52

Valeur du point d'indice MPI

14,40 €

14,42 €

14,45 €

14,45 €

Montant annuel en €

720

721

722,5

751,4

Source : Cour des comptes

En année pleine, l'application de la revalorisation de 2 points de la retraite du combattant a conduit à en augmenter le montant unitaire de 4,6 %.

Ce dernier effet rend compte de l'essentiel du différentiel de charges entre les deux allocations qui a vu les dépenses résultant des pensions militaires d'invalidité (PMI) reculer de 5,7 % (un peu plus que la baisse de 4,5 % des effectifs pensionnés) tandis que les charges liées à la retraite du combattant ne fléchissaient que de 0,4 %, soit nettement moins que la réduction des effectifs qui atteint 6,04 %.

Les évolutions ici décrites confirment pour l'une (la valeur du point de PMI) et n'infirment pas pour l'autre (la valeur de la retraite du combattant dont la relative résistance en 2018 n'est due qu'à des mesures acquises) une tendance à un décrochage de la valeur réelle de ces deux allocations, plus ou moins tempéré, mais par à coups, par des attributions de points, gnéralement lors des échéances électorales, qui ne suffisent pas à combler les retards pris.

En ce qui concerne l'indexation du point de PMI, même s'il faut tenir compte des effets que pourrait receler l'intégration de certaines primes dans le traitement indiciaire des fonctionnaires (effet neutralisé en 2018 par la suspension du protocole « PPCR »), l'absence régulière de toute revalorisation du point d'indice de la fonction publique pèse sur sa dynamique. Quant à la retraite du combattant, la séquence récente de ses revalorisations parle d'elle-même.

Séquence des augmentations de la retraite du combattant
entre 2007 et 2012

Alors qu'il s'élevait à 37 points au 1 er juillet 2007, soit 495,06 euros à la valeur du point à cette date, il a été revalorisé chaque année entre 2008 et 2012 :

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2008 : 39 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2009 : 41 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2010 : 43 points , soit 592,97 euros ;

- un point supplémentaire au 1 er juillet 2011 : 44 points , soit 595,55 euros ;

- quatre points supplémentaires au 1 er juillet 2012 : 48 points , soit 665,28 euros.

Depuis cette date, la retraite du combattant n'avait connu pour seule revalorisation que celle liée à l'évolution de la valeur du point de PMI, particulièrement modérée du fait du gel de la valeur du point d'indice de la fonction publique pendant six ans.

2. Un déclin particulièrement net de la population des bénéficiaires des deux allocations de reconnaissance pour les titulaires de la retraite du combattant qui s'est confirmé en 2018

Entre 2010 et 2018, le nombre des allocataires des pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre s'est replié de 102 264 unités, soit près de 33,1 %, ce repli atteignant 399 659 personnes pour les bénéficiaires de la retraite du combattant (environ - 29,8 %).

Évolution des effectifs des Pensions militaires d'invalidité
et des Retraites du combattant de 2007 à 2018

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Afin d'élargir la perspective temporelle, on peut rappeler que, sur le long terme, la réduction du nombre des bénéficiaires des deux prestations n'a pas été concomitante.

Jusqu'à la moitié des années 2000 (voir le graphique ci-dessous), le contingent des titulaires de la retraite du combattant s'est accru, dans des proportions importantes d'ailleurs.

Ce n'est qu'au-delà de cette date (voir le tableau ci-dessous) que leur nombre a rejoint la tendance à la baisse du nombre des bénéficiaires de pensions militaires d'invalidité.

Évolution du nombre des bénéficiaires des rentes viagères

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2010

Quoi qu'il en soit, désormais, la pente de la décrue des titulaires de la retraite du combattant tend à s'accentuer tandis que celle des pensionnés invalides suit une tendance au repli plus régulière .

L'exercice 2018 confirme ces observations.

Par rapport à 2017, les titulaires de pensions militaires d'invalidité reculent de près de 4,5 % tandis que pour les bénéficiaires de la retraite du combattant le repli dépasse 6 %.

La baisse du nombre des titulaires de la retraite du combattant est d'autant plus forte que cette allocation n'ouvre pas de droit à réversion, contrairement aux pensions militaires d'invalidité dont près de 30 % des bénéficiaires le sont au titre des droits dérivés. En outre, elle semble inéluctable en l'état, le nombre des cartes du combattant attribuées chaque année étant loin de couvrir les décès (185 720 cartes ont été attribuées entre 2010 et 2017 pour un cumul de sorties nettes du dispositif de l'ordre de 340 000 personnes).

3. Un effet de composition influence l'évolution de la charge des pensions d'invalidité

Si la baisse de la population titulaire des pensions d'invalidité est quelque peu freinée par l'existence de droits dérivés, l'augmentation de la part relative dans le total des titulaires de droit des bénéficiaires de réversion, conduit à réduire le montant unitaire des pensions versées.

Ce dernier a reculé de 0,8 % en 2018, prolongeant une baisse qui a atteint 8 % depuis 2010.

Un autre effet de composition a sans doute joué en 2018. La répartition des pensions militaires d'invalidité suit une hiérarchie des niveaux de pensions accusée, certains grands invalides de guerre voyant leurs pensions très nettement supérieures au niveau moyen. Dans ces conditions, en fonction des niveaux des pensions sorties du stock, une discordance entre les évolutions de la population pensionnée et le montant des pensions versées peut se produire.

B. LES ÉCONOMIES SUR LES MAJORATIONS DES RENTES MUTUALISTES ONT ÉTÉ NETTEMENT PLUS CONTENUES SI BIEN QUE LEUR POIDS DANS LES DÉPENSES DU PROGRAMME 169 CONTINUE DE S'ALOURDIR...

1. Une déformation lente des interventions de la mission...

Face à une réduction des charges d'allocations viagères qui, structurellement, avoisine les 5 %, les charges liées aux rentes mutualistes ont tendance à connaître un repli plus modéré, de sorte que leur poids relatif dans les dépenses en faveur des anciens combattants se renforce.

La rente mutualiste du combattant

La rente (ou retraite) mutualiste du combattant est un système de rente par capitalisation créé par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d'une majoration financée par l'État , en plus de la rente constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918. Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs dispositions législatives et réglementaires ont permis, successivement, d'en étendre le bénéfice à tous les titulaires de la carte d'ancien combattant, aux victimes de guerre (veuves, veufs, orphelins ou ascendants des civils ou militaires décédés en opération) et aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation (TRN) . Ce dispositif a été maintenu par l'article L. 222-2 du code de la mutualité.

L'adhésion doit avoir lieu dans un délai de dix ans à compter de l'attribution de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation. Au-delà, la majoration spécifique est réduite de moitié.

Les majorations s'appliquent au montant de la rente résultant des versements personnels et sont versées par les mutuelles et les sociétés mutualistes aux souscripteurs et remboursées par l'État l'année suivante . Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond annuel majorable des rentes mutualistes du combattant a été fixé par l'article 101 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 (loi de finances pour 2007) à 125 points de pension militaire d'invalidité, soit 1 806,25 euros au 1 er janvier 2018, en augmentation très modérée du fait de l'ampleur de l'indexation du point de PMI .

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond majorable. Les versements effectués pour constituer la rente sont déductibles du revenu imposable, dans la limite de la constitution d'une rente majorée égale à ce même plafond. En cas de décès, ils peuvent être transmis à un bénéficiaire hors droits de succession. Au-delà du plafond majorable, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Onze organismes gèrent la rente mutualiste du combattant, dont la Caisse autonome de retraite des anciens combattants (CARAC) avec 181 191 adhérents, la France Mutualiste avec 104 846 adhérents, CNP Assurances, avec 49 870 adhérents et MUTEX, avec 26 673 adhérents.

Après un repli, en 2017, de 5,8 millions d'euros par rapport à 2016 (- 2,3%) parallèle à la décrue du nombre des bénéficiaires, les majorations de rentes mutualistes ont connu en 2018 un recul plus accusé, de 7,7 millions d'euros (soit -3,1 %).

Un regard rétrospectif sur les trois plus importantes catégories de dépenses du programme 169 (les PMI, la retraite du combattant et les majorations des rentes mutualistes versées par l'État), qui concentrent plus de 89 % du total des dépenses, fait ressortir des évolutions notables.

Entre 2010 et 2018, le nombre des bénéficiaires de ces dépenses a diminué de 584 361 unités (cette grandeur est le résultat de l'addition de la baisse des bénéficiaires de chaque intervention, sachant qu'une même personne peut bénéficier de plusieurs d'entre elles).

Les reculs relatifs les plus significatifs ont concerné les titulaires de pensions militaires d'invalidité (- 33 % en 2018 par rapport à 2010) et des retraites du combattant (- 30 %).

En revanche, le nombre de bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes versées par l'État, s'ils sont moins nombreux en 2018 qu'en 2010, n'a diminué que de 19,5 %.

La baisse tendancielle du nombre des bénéficiaires de chacune des interventions n'a pas eu de prolongements identiques sur leurs coûts si bien que l'élasticité des charges budgétaires aux évolutions concernant les bénéficiaires de ces trois interventions ressort fortement dispersée.

De date à date, les dépenses des pensions militaires d'invalidité ont régressé de 35,8 % soit un peu plus que la population des bénéficiaires. En revanche, pour la retraite du combattant, du fait des revalorisations mentionnées plus haut, le différentiel entre la réduction des bénéficiaires et celle des dépenses a montré une certaine inélasticité de celles-ci par rapport aux évolutions de la population (- 6,4 % contre - 30 % pour la population des bénéficiaires).

Mais c'est pour la majoration des rentes mutualistes que les dépenses se révèlent à long terme les plus rigides par rapport aux modifications du nombre des bénéficiaires.

Celui-ci a diminué de 19,5 % tandis que les charges liées au régime de majoration ont légèrement augmenté depuis 2010.

Évolution des effectifs et des dépenses des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2018

(en nombre de bénéficiaires et en milliers d'euros)

2010

2018

2018/2010
(en %)

2018/2010
(en nombre)

Pensions militaires d'invalidité

Effectifs

308 940

206 676

- 33

- 102 264

Dépenses

1 766 641

1 064 811

- 35,8

- 701 830

Retraite du combattant

Effectifs

1 339 730

940 071

- 30,0

- 399 659

Dépenses

798 393

733 269

- 6,4

- 65 124

Majoration des rentes mutualistes

Effectifs

423 356

340 918

- 19,5

- 82 438

Dépenses

226 300

237 025

+ 0,6

+ 10 725

Total

Effectifs

2 072 026

1 487 665

- 28,2

- 584 361

Dépenses

2 791 334

2 035 501

- 27,1

- 756 229

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2018

Ces évolutions différenciées proviennent du sort très contrasté connu par les valeurs unitaires de chacune des interventions envisagées.

Évolution de la valeur unitaire annuelle des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2018

(en euros)

2010

2018

2018/2010 (en %)

2018/2010 (en valeur)

Pensions militaires d'invalidité

5 476

5 033

- 8,1

- 443

Retraite du combattant

584

756

29,4

+ 172

Majoration des rentes mutualistes

581

683

17,4

+ 101

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2018

En particulier, la valeur de la pension militaire d'invalidité moyenne s'est fortement repliée tandis que, pour les deux autres chefs de dépenses, une revalorisation est intervenue. Alors que le coût moyen par bénéficiaire des majorations des rentes était de l'ordre de 581 euros en 2010, il s'est élevé à 683 euros en 2018.

Dans ces conditions, le poids des charges budgétaires liées aux majorations des rentes mutualistes dans le total des dépenses du programme ne cesse de s'alourdir . Il s'élevait à 8 % en 2010 et représente en 2018 10,3 % des dépenses du programme.

2. ... qui n'est pas sans susciter quelques interrogations

La contribution de l'État aux rentes mutualistes aboutit, pour les bénéficiaires, à un quasi-doublement de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent, lorsqu'ils sont titulaires de la carte du combattant.

Néanmoins, le nombre des bénéficiaires de ces deux catégories de dépenses est très inégal puisque les prestataires de la retraite du combattant (près d'un million) excèdent de près de 600 000 ceux qui bénéficient des majorations des rentes mutualistes par l'État (340 000 en 2018) alors même que la population potentiellement concernée par ces dernières est plus importante.

Cette situation reflète une sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État, sous-utilisation qui appelle une élucidation. En l'état, le taux de mobilisation du dispositif est un peu inférieur à 25 %.

À ce stade, votre rapporteur spécial se limitera à relever qu'elle conduit à des économies significatives. Leur quantification dépend de l'horizon retenu. Instantanément, l'économie de charges s'élève à 40 millions d'euros, chiffre associé à un taux de pénétration de 100 % dans la population des militaires de 50 ans et plus (58 000 personnes supplémentaires bénéficieraient alors des majorations). Mais, l'on pourrait également considérer les engagements de l'État sur la base d'une souscription par la totalité des bénéficiaires potentiels du dispositif qui sont au nombre de 1,7 million à comparer aux 340 000 bénéficiaires actuels. Dans cette hypothèse, les engagements de l'État au titre des rentes mutualistes seraient alourdis de plusieurs centaines de millions d'euros et le dispositif serait à long terme le premier chef de dépenses du programme 169.

Les dynamiques divergentes entre les charges de la dette viagère et celles liées aux majorations des rentes mutualistes illustrent un processus plus global de déformation de l'effort de la nation au bénéfice de ses anciens combattants vers des interventions moins « universelles » adressées à des sous-populations.

III. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT LOIN DE RENDRE COMPTE DE L'EFFORT PUBLIC CONSACRÉ À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS SES ANCIENS COMBATTANTS

Il convient de compléter le paysage suggéré par les crédits de la mission par la mention de deux circuits de financement complémentaires, constitués, l'un, par des dépenses rattachables aux actions financées par la mission mais prises en charge par d'autres missions budgétaires, l'autre, par des transferts effectués au profit des anciens combattants et victimes de guerre à travers les dépenses fiscales correspondant aux divers avantages fiscaux qui leur sont réservés.

Une demande de meilleure information budgétaire

Les informations budgétaires communiquées par les ministères ont connu une régression considérable ces toutes dernières années dès lors que les documents annexés aux projets de loi de finances ne comportent plus d'indication permettant d'apprécier les moyens totaux des politiques publiques rattachées à une mission budgétaire, mais qui peuvent bénéficier d'autres concours que ceux spécifiés par une mission particulière. L'amélioration de l'information sur les dépenses mobilisées par chacune des politiques publiques financées à travers le budget de l'État a été au coeur de la loi organique sur les lois de finances de 2001. De ce point de vue, la suppression récente des tableaux récapitulant les coûts budgétaires complets d'une politique donnée constitue un recul regrettable qu'il convient d'inverser au plus tôt.

A. DES DÉPENSES EFFECTIVES SUPÉRIEURES AUX DÉPENSES DIRECTES ET INSUFFISAMMENT RECENSÉES

En ce qui concerne les crédits « déversés » par d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté et le service militaire volontaire.

L'attrition de l'information budgétaire déplorée plus haut conduit à avancer quelques estimations.

Le montant du soutien fourni par la mission « Défense » (chiffres pour 2019) peut être estimé à 90,2 millions d'euros pour la journée défense citoyenneté et 48,5 millions d'euros pour le service militaire volontaire pour un total de 138,7 millions d'euros.

Dans ces conditions, les dépenses complètes de la mission se seraient élevées, en réalité, à 2 571,5 millions d'euros, marquant un repli de 1,4 % par rapport aux dépenses de 2017 contre un recul facial de 3,3 %.

Votre rapporteur spécial s'interroge toutefois, une fois encore, sur l'exhaustivité des dépenses extérieures prises en compte pour donner une vision plus complète des dépenses publiques liées à l'accomplissement des objectifs assignés aux crédits de la mission.

En plus des concours apportés à l'Institution nationale des invalides par le ministère de la santé, il convient de considérer les contributions des collectivités territoriales dont un recensement mériterait de figurer dans les documents budgétaires afin de mieux rendre compte de l'effort public consacré aux différentes politiques publiques financées par la mission, mais aussi celles, sans doute beaucoup plus modestes, des services sollicités pour accompagner les politiques financées par la mission (réparations au titre des spoliations, diffusion de la mémoire par les services de l'enseignement public...).

Enfin, l'action des associations et des bénévoles mérite ici d'être saluée.

B. LES TRANSFERTS PUBLICS AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS DÉPASSENT DE BEAUCOUP LES DÉPENSES PUBLIQUES DU FAIT DE RÉGIMES FISCAUX AVANTAGEUX

Quant aux transferts réalisés au bénéfice des anciens combattants à travers les régimes fiscaux dérogatoires qui leur reconnaissent des avantages particuliers, ils sont évalués par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 743 millions d'euros, soit 30,5 % des dépenses budgétaires de la mission , en hausse de 0,9 % (contre une baisse des dépenses sur crédits de 3,3 %).

Dans ces conditions, l'effort public consolidé consacré aux différents objectifs poursuivis par la mission doit a minima être relevé d'à peu près un tiers par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale une fois les dépenses fiscales additionnées aux dépenses publiques qu'ils permettent d'engager.

Votre rapporteur spécial observe toutefois que les prescriptions détaillées de dépenses de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ne s'appliquent pas aux dépenses fiscales 47 ( * ) si bien que leur niveau, quoiqu'élevé, ne conduit pas à réviser l'appréciation portée plus haut sur le respect du triennal par les consommations de crédits.

La dynamique des dépenses fiscales tranche avec celle des crédits.

Les six dépenses fiscales inventoriées dans le rapport annuel de performances passent de 736 millions d'euros en 2017 à 743 millions d'euros en 2018.

Depuis 2010 leur croissance a été particulièrement forte. Alors, les cinq dépenses fiscales recensées s'élevaient à 430 millions d'euros. Dans un contexte de quasi-homogénéité entre le champ de l'évaluation de ces transferts entre 2010 et 2018, on relève ainsi une augmentation de 72,7 % du poids des dépenses fiscales en huit ans.

Avec 313 millions d'euros en plus, elles ont considérablement atténué la baisse de 991 millions d'euros constatée sur les dépenses de la mission au cours de cette période.

Encore faut-il observer que seules quatre des six dépenses fiscales recensées dans le rapport annuel de performances sont évaluées tandis que l'inventaire des transferts alloués aux anciens combattants et à leurs ayants droits par la Cour des comptes conduit à constater que le recensement proposé par la documentation budgétaire continue d'être incomplet.

Exemples de dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires selon la Cour des comptes

L'impôt sur le revenu (IR)

Le projet annuel de performances (PAP) ne fait pas figurer :

- la part des dépenses fiscales découlant des dispositifs prévus par le programme 158 qui correspondrait à 3,5 % de la dépense n° 120126 ; le ministère de la défense, la direction du budget et le Secrétariat général du Gouvernement ont indiqué qu'ils étaient disposés à répartir la dépense fiscale qui figure aujourd'hui au titre du programme 169 entre les deux programmes 158 et 169 et à rattacher les montants correspondants dans le PAP. Des travaux seront entrepris à ce sujet ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du CPMIVG ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'IR.

Les droits de mutation

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Les droits de succession

Le PAP ne mentionne pas que :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Les prélèvements sociaux

Certaines aides bénéficient d'exonérations de prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Cette exonération est d'ailleurs codifiée par l'article L. 136-2-III-3° du code de la sécurité sociale. Le coût de ces avantages est difficile à évaluer en raison des modulations susceptibles d'intervenir. Compte tenu de l'augmentation des taux de la CSG en 2018, il devrait s'alourdir par rapport aux données suivantes appréciées par la Cour des comptes sur la base de différents échanges : le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros ; quant à la retraite du combattant, l'exonération avait été estimée à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le PAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique.

On mentionnera encore, pour mémoire, que les rapports de performances non plus que les projets annuels de performances ne comprenaient pas les différentes exonérations d'impôt sur la fortune prévues au profit :

-  des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts ;

-  de la rente mutualiste, dont la valeur de capitalisation n'était pas imposable ;

-  de l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF.

Source : à partir de la note d'analyse budgétaire 2015. Cour des comptes

La montée en puissance des transferts fiscaux dans le total des expressions de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants conjointe avec celle des majorations accordées aux rentes mutualistes conduit à une concentration des manifestations de soutien de la Nation à ses anciens combattants dans un contexte où les allocations les plus « universelles » n'ont bénéficié ces dernières années que de revalorisations ponctuelles.

IV. QUELQUES OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES À PARTIR DE L'EXÉCUTION 2018

A. UNE ANNÉE 2018 SANS VÉRITABLE ÉLAN NOUVEAU POUR LES ANCIENS COMBATTANTS MAIS...

Si l'exécution des crédits au cours de l'exercice 2018 porte la marque de mesures acquises de revalorisation de la retraite du combattant, aucune nouvelle revalorisation n'a été mise en oeuvre sur ce point au cours d'une année où seule se seront appliqués les effets d'une indexation marginale du point de PMI.

Le bilan des mesures adoptées en loi de finances en 2017 et 2018 traduit un faible effort de revalorisation des droits des anciens combattants excepté pour les anciennes forces supplétives des combats algériens, mais avec des effets difficilement palpables.

Bilan législatif 2017 et 2018

La loi de finances pour 2017 a apporté quelques modifications au code des pensions militaires et des invalides de guerre (CPMIVG) :

- l'article 53 du projet de loi de finances (article L. 141-19 du CPMIVG) a étendu le bénéfice du supplément de pension accordé à certains conjoints ou partenaires survivants d'un ayant droit aux personnes relevant de cet état âgées de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge (avec un impact de 130 000 euros en 2017) ;

- l'article 55 a amélioré les pensions de réversion dues aux ayants cause des militaires tués dans l'exercice de leurs fonctions sur le territoire national et de plusieurs catégories d'agents de la sécurité civile décédés en service et cités à l'ordre de l'armée (coût de 100 000 euros) ;

- L'article 51 du projet de loi de finances pour 2018 a ouvert aux militaires radiés des cadres ou rayés des contrôles avant l'application d'un décret de juillet 1962 réformant les règles de cumul des allocations des anciens combattants et à leurs ayants cause le bénéfice du cumul d'une pension de retraite et d'une pension militaire d'invalidité liquidée au taux du grade.

Si cette dernière mesure est susceptible d'avoir un effet financier non négligeable (6 millions d'euros), elle ne peut être considérée autrement que comme la réparation bienvenue mais tardive d'une inégalité choquante.

Finalement, seul le nouveau tour de revalorisation des allocations de reconnaissance au bénéfice des forces supplétives décidée par la loi de finances de l'année dans le prolongement d' une précédente mesure de la loi de finances pour 2017 peut être considérée comme significative d'une certaine volonté politique.

Les mesures en faveur des anciens des forces supplétives
et de leurs ayants droit

L'article 54 du projet de loi de finances pour 2017 a revalorisé l'allocation de reconnaissance versée aux conjoints et ex-conjoints survivants, non remariés, d'anciens membres des formations supplétives (pour un coût de 570 000 euros).

L'article 50 du projet de loi de finances pour 2018 a prolongé cette revalorisation de sorte qu'en deux ans les allocations de reconnaissance accessibles aux populations concernées ont été majorées de 200 euros, pour être portées à un niveau de 3 663 euros (ou 2 555 euros si le titulaire du droit opte pour une allocation de complément d'un capital).

La traduction concrète de ces mesures supposera un effort de liquidation des droits qui implique de surmonter des difficultés pratiques importantes.

Dans ce contexte où les motifs de satisfaction sont rares, l'année 2018 aura au moins permis de résister, avec plus ou moins d'efficacité, aux projets de renforcement de l'austérité budgétaire que la direction du budget semble souhaiter amplifier 48 ( * ) au détriment des anciens combattants en remettant en cause les allocations de reconnaissance de la Nation jugées par elle inadaptées aux conditions nouvelles d'exercice de la mission militaire marquées par sa professionnalisation. Elle a permis également, après la déception causée par le refus de la secrétaire d'État d'étendre aux militaires présents sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964 le bénéfice de la carte du combattant, de cheminer vers l'adoption d'une mesure demandée de longue date.

B. UN PROGRAMME 167 MARQUÉ PAR LES DÉPENSES OCCASIONNÉES PAR LA COMMÉMORATION DU CENTENAIRE DE LA GRANDE GUERRE ET QUI INSPIRE UNE DÉCEPTION CERTAINE SUR LE FRONT DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

Les dépenses du programme 167 (40,3 millions d'euros) ont augmenté de 5,3 millions d'euros par rapport à 2017 (soit une hausse de 15,1 %).

Les dépenses occasionnées par la Journée défense et citoyenneté et imputées à la mission ont été contenues (- 6,8 %). Ce résultat semble traduire une certaine désaffection envers un dispositif pourtant obligatoire puisque les prévisions de fréquentation avaient été fixées à 804 000 jeunes pour une réalisation plus limitée que prévu, de 770 245 jeunes.

On ne peut donc s'en féliciter.

Quant aux dépenses de la politique de mémoire, elles ont été polarisées sur la commémoration de la Grande Guerre, l'année 2018 ayant été un temps évidemment fort de celle-ci.

Les actions de mémoire ont quelque peu pâti de l'augmentation des subventions nécessitées par ces cérémonies exceptionnelles, par ailleurs particulièrement justifiées.

Votre rapporteur spécial signale, à ce propos, tout particulièrement l'hommage national rendu au lieutenant-colonel Beltrame auquel il s'autorise ici à manifester une reconnaissance émue.

Le cycle des commémorations du premier conflit mondial a permis d'associer largement les forces vives du pays, de nombreux projets décentralisés ayant été conduits avec la participation des jeunes. Par ailleurs, malgré quelques couacs, le sensationnalisme a pu être évité.

Quant à l'attention portée aux lieux de mémoire et aux sépultures de guerre son niveau reste problématique au vu des objectifs. Une fois de plus 2018 aura vu reportée la mise en oeuvre des travaux d'aménagement du site du mémorial opérations extérieures (OPEX) tant attendu.

C. LES SOUTIENS APPORTÉS À L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES, UNE STABILITÉ AVANT UN PLUS FORT ENGAGEMENT ?

La loi de règlement témoigne de la stabilité de la subvention versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI). Celle-ci s'est établie à 12,09 millions d'euros.

Cette subvention représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,9 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres (11,4 millions d'euros en 2018).

L'exécution 2018 a dégagé des résultats d'exploitation plus favorables que l'an dernier. L'INI a pu extérioriser un bénéfice (498 000 euros) dont une partie a permis d'abonder le fonds de roulement de l'établissement, en augmentation de 342 000 euros.

Si ces résultats sont à saluer, il convient de les replacer dans le contexte d'une équation financière alourdie par le projet de modernisation du rôle de l'INI.

Si certaines charges récurrentes pourront être allégées du fait de la réorientation des activités vers une offre de soins moins irréaliste (ainsi de la fermeture du bloc opératoire), la lourdeur des pathologies traitées ainsi que les besoins des pensionnaires ne permettront pas d'optimiser beaucoup des charges de personnel qu'il convient de calibrer en fonction des situations des usagers.

Dans le même temps, le programme d'investissement de l'INI comporte des enjeux importants puisqu'il représente au minimum 50 millions d'euros. En l'état des informations de votre rapporteur spécial, il serait financé à hauteur de 10 à 15 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par une dotation du ministère de la défense. En ce sens, 800 000 euros ont été attribués à l'INI en 2018, soit environ un quart des dépenses d'investissement de l'exercice.

La capacité d'autofinancement de l'INI est à ce jour fortement sollicitée sans réduction de son fonds de roulement et la reproduction du résultat opérationnelle constaté en 2018 n'est pas assurée tandis que de nouveaux investissements devraient peser davantage à l'avenir.

Dans ces conditions et puisque l'INI est de plus en plus intégré à une offre de soins ouverte sur l'ensemble de la patientèle, qu'elle soit d'origine militaire ou civil, votre rapporteur spécial est conduit à maintenir sa perplexité devant le principe apparemment adopté d'une exclusivité de la participation des budgets militaires au financement du projet concernant l'établissement.

D. UN LOURD PROBLÈME D'ADMINISTRATION DES DROITS

Les délais nécessaires à la conclusion de certaines procédures condit ionnant l'ouverture des droits offrent un problème récurrent qui a été aggravé ces dernières années par l'ouverture de nouveaux droits.

En ce qui concerne les délais moyens de traitement des dossiers de pension militaire d'invalidité, un gain de 40 jours ressort de l'indicateur de performance correspondant.

Il faut certes s'en féliciter mais le délai de traitement des demandes demeure très élevé : 220 jours sont nécessaires. Quant au stock de dossiers déposés avant le 1 er janvier 2016, le rapport de performances indique qu'il a été réduit de 46 % sans autre indication. Il reste que, fin 2018, 8 789 dossiers demeuraient sans réponse des services. Compte tenu du nombre des décisions rendues en 2018 (9 439), on pourrait s'attendre à un objectif plus ambitieux que celui retenu par le responsable de programme qui, compte tenu d'un flux de demandes de l'ordre de 7 000, indique ne pas descendre en-deçà d'un stock « incompressible » de 5 000 dossiers. Il est vrai que des difficultés sérieuses paraissent entourer d'incertitudes le traitement de la phase médico-sociale du dispositif, une insuffisance de moyens localement importante grippant la procédure.

En ce qui concerne la procédure de délivrance de la carte du combattant, la situation est encore pire. Chaque agent n'a traité que 968 dossiers en moyenne en 2018 contre un flux espéré de 1 100 dossiers. Or, le nombre des demandes consécutives à l'octroi par l'article 87 de la loi de finances pour 2015 de la carte de combattant sous condition d'une participation aux opérations extérieures de 4 mois a suscité un nombre de demandes de l'ordre de 150 000 auxquelles s'est ajouté, par anticipation de la disposition de la loi de finances pour 2019 sur la présence en Algérie, un flux complémentaire qui pourrait s'élever à 50 000 demandes. Dans ces conditions, un agent ne peut traiter que moins de 0,5 % des dossiers en stock, situation qui justifierait pour assurer la bonne administration de l'ensemble, la réunion de 200 ETP. Or, déjà largement inférieur à ces besoins, les ETP disponibles ont encore été réduit passant de 49 à 46.

Votre rapporteur spécial demande afin de ne pas affecter de virtualité les droits ouverts par le Parlement que le Gouvernement présente un plan de recrutement permettant de donner toute sa traduction à ces droits.

E. L'ILLUSTRATION EN 2018 DE L'IMPÉRATIF D'UN PLUS FORT ENGAGEMENT POUR HONORER LA DETTE DE RÉPARATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS ANTISÉMITES

Même si le programme 158 placé sous l'autorité du secrétaire général du Gouvernement et qui regroupe plusieurs catégories d'interventions publiques en faveur des victimes, et de leurs ayants droits, de crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale (victimes de spoliations, de déportation et d'actes de barbarie), n'a pas consommé toutes les dotations ouvertes par la loi de finances initiale, il est le seul des trois programmes de la mission à avoir justifié des ouvertures nettes de crédits en gestion.

Les crédits non consommés à la fin de l'exercice ont été reportés en totalité.

Cette séquence budgétaire illustre la persistance de besoins encore élevés au titre de la réparation des crimes commis pendant l'Occupation, notamment du fait des spoliations antisémites.

Votre rapporteur spécial a consacré un rapport 49 ( * ) à cette question en 2018 par lequel il a souhaité rompre avec le discours ambiant quelque peu lénifiant qui aurait pu avoir pour prolongement extrêmement inapproprié la fin de la mission confiée à la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (la CIVS).

L'année 2018 a vu la publication d'un décret (n° 2018-829) le 1 er octobre élargissant la mission de la CIVS pour la rendre plus proactive afin de mieux assurer le rétablissement des droits des spoliés.

La tâche est considérable ainsi que l'a exposé votre rapporteur spécial et ne se bornera pas aux seules oeuvres dites « MNR » qui ont sans doute détourné l'attention de bien d'autres circuits de spoliation.

Il faut se féliciter qu'un consensus entre le Parlement et le Gouvernement ait pu se faire autour de la nécessité de construire une « CIVS augmentée ». Il faut que les dispositifs pratiques qui doivent accompagner ce consensus soient mis en place, ce qui réclamera sans doute un nouveau pas vers un consensus plus « interne » aux services administratifs mais également aux opérateurs du marché de l'art.

À ce stade, votre rapporteur spécial rappelle que le stock des dossiers en instance et les parts réservées appellent des solutions dont l'exécution du budget en 2018 ne porte que marginalement la trace et que la programmation budgétaire de 2019 n'annonce pas.

MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES » - MM. Philippe Dallier et Bernard Delcros,
rapporteurs spéciaux

I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA MISSION

La mission « Cohésion des territoires » est issue de la fusion en 2018 des missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Elle est composée de six programmes distincts :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » met en oeuvre la politique d'hébergement et de veille sociale ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte plus de 80 % des crédits de la mission à travers le versement des aides personnelles au logement ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » finance les aides à la pierre et plusieurs actions relatives au logement, à la construction, à l'urbanisme et à l'aménagement ;

- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comprend le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), la prime d'aménagement du territoire (PAT) et les dépenses de fonctionnement et de personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) , dont les crédits proviennent de différents ministères, finance des plans gouvernementaux interministériels répondant à certains enjeux territoriaux particuliers comme la qualité de l'eau en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin, le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe et, depuis 2018, une nouvelle action en faveur du littoral méditerranéen, « Plan littoral 21 »;

- le programme 147 « Politique de la ville » porte les moyens de l'État consacrés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

En 2018, le périmètre du programme 112 a évolué : le financement des nouveaux contrats de ruralité et des Pactes État-métropole a été transféré vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements. » Les crédits de paiement du programme 112 doivent permettre de solder jusqu'à 2020 les restes à payer des engagements pris en 2017.

A. LA DIMINUTION MARQUÉE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait , pour l'ensemble de la mission, 17 650,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 17 687,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits sont en diminution par rapport à 2017 de 1 142,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 6,1 %, et de 894 millions d'euros en crédits de paiement, soit 4,8 %. Cette diminution s'explique presque intégralement par la réduction des crédits budgétaires consacrés aux aides au logement (voir infra).

Exécution des crédits de la mission en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

Prévision
2017

Exécution
2017

Exécution 2017 / prévision en %

Prévision
2018

Exécution
2018

Exécution 2018 / prévision

Exécution 2018 / exécution 2017

en millions d'euros

en %

en millions d'euros

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

1 741,7

2 071,0

+ 18,9 %

1 953,7

2 075,2

+ 121,5

+ 6,2 %

+ 4,2

+ 0,2 %

CP

1 741,7

1 963,0

+ 12,7 %

1 953,7

2 099,5

+ 145,8

+ 7,5 %

+ 136,4

+ 7,0 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

15 469,4

15 515,0

+ 0,3 %

14 256,2

14 346,2

+ 90,0

+ 0,6 %

- 1 168,8

- 7,5 %

CP

15 469,4

15 515,0

+ 0,3 %

14 256,2

14 346,2

+ 90,0

+ 0,6 %

- 1 168,7

- 7,5 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

864,9

541,1

- 37,4 %

744,0

694,0

- 49,9

- 6,7 %

+ 152,9

+ 28,2 %

CP

819,3

611,3

- 25,4 %

734,0

685,0

- 49,0

- 6,7 %

+ 73,6

+ 12,0 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

462,8

322,6

- 30,3 %

208,7

152,2

- 56,6

- 27,1 %

- 170,5

- 52,8 %

CP

258,0

214,9

- 16,7 %

267,6

240,4

- 27,2

- 10,2 %

+ 25,5

+ 11,8 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

52,7

43,3

- 17,8 %

58,9

49,2

- 9,7

- 16,5 %

+ 5,9

+ 13,5 %

CP

49,3

47,1

- 4,4 %

47,3

55,7

+ 8,4

+ 17,8 %

+ 8,6

+ 18,2 %

147 - Politique de la ville

AE

514,7

366,4

- 28,8 %

429,0

400,2

- 28,8

- 6,7 %

+ 33,8

+ 9,2 %

CP

429,7

368,6

- 14,2 %

429,0

399,2

- 29,8

- 6,9 %

+ 30,6

+ 8,3 %

Total programmes

AE

19 106,2

18 859,5

- 1,3 %

17 650,5

17 717,0

+ 66,5

+ 0,4 %

- 1 142,6

- 6,1 %

CP

18 767,4

18 720,0

- 0,3 %

17 687,8

17 826,0

+ 138,2

+ 0,8 %

- 894,0

- 4,8 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

La mission « Cohésion des territoires » est la mission qui connaît la deuxième plus forte baisse de crédits du budget général , après la mission « Travail et emploi », hors remboursements et dégrèvements et hors fonds de concours et attributions de produits 50 ( * ) .

À la fin de l'exercice 2018, le niveau d'exécution des crédits de la mission par rapport aux prévisions en loi de finances initiale est de 100,4 % pour les autorisations d'engagement et 100,8 % pour les crédits de paiement . L'écart est toutefois beaucoup plus important au niveau des programmes, dans la mesure où la masse très importante des crédits d'aides personnelles au logement du programme 109 détermine l'évolution globale de la mission.

Taux d'exécution des crédits de paiement par rapport aux prévisions en loi de finances initiale

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

S'agissant du programme 112 , le niveau des autorisations d'engagement consommées a été divisé par deux par rapport à 2017. Cette baisse résulte en partie d'une diminution des autorisations ouvertes en loi de finances initiale, mais également d'une sous-exécution de 27 % des autorisations votées en loi de finances initiale (LFI).

Les autorisations d'engagement du programme 162 ont également été sous-consommées : seules 83,5 % des autorisations ont effectivement été engagées. La consommation des crédits de paiement est en revanche supérieure de 17,8 % aux crédits votés en loi de finances initiale. L'importance des différences rencontrées s'explique par la nature très spécifique du programme 162. En effet, celui-ci réunit des dépenses d'investissements pluriannuelles dont la temporalité dépend de l'avancement des différents projets. De plus, 5,2 millions d'euros de CP et d'AE en provenance programme 149 ont abondé la sous-action relative au plan de lutte contre les algues vertes.

Globalement, les mouvements de crédit en cours de gestion ont été plus modérés en 2018 qu'en 2017, année marquée par d'importantes annulations de crédit sur les aides à la pierre (programme 135) et la politique de la ville (programme 147), tandis que la sous-budgétisation des crédits d'hébergement d'urgence avait conduit à ouvrir 275 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 177.

En 2018, aucun décret d'avance n'a été pris et les mouvements réglementaires les plus notables, de nature technique, concernent le programme 147 « Politique de la ville » (voir infra).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Ouverts LFI
(hors FDC et ADP)

Prévus LFI,
(y. c.
FDC et ADP)

Ouverts après la LFI

Total crédits ouverts

Crédits consom-més

Écart consommé
/
ouvert

Reports de la gestion précédente

Mouvements
réglemen-taires

FDC et ADP

LFR

Total

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

1 953,7

1 953,7

64,6

- 0,2

+ 60,2

+ 124,7

2 078,4

2 075,2

- 3,1

CP

1 953,7

1 953,7

96,2

- 0,2

+ 60,2

+ 156,2

2 109,9

2 099,5

- 10,5

109 - Aide à l'accès au logement

AE

14 256,2

14 256,2

0,0

+ 90,0

+ 90,0

14 346,2

14 346,2

+ 0,0

CP

14 256,2

14 256,2

0,0

+ 90,0

+ 90,0

14 346,2

14 346,2

+ 0,0

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

318,1

744,0

23,7

823,4

- 13,2

+ 833,8

1 151,9

694,0

- 457,9

CP

308,1

734,0

109,2

440,5

- 9,4

+ 540,2

848,3

685,0

- 163,4

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

194,3

208,7

1,2

+ 0,2

7,4

- 5,2

+ 3,6

197,9

152,2

- 45,7

CP

253,2

267,6

6,5

+ 0,2

7,4

- 7,0

+ 7,1

260,4

240,4

- 20,0

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

33,9

58,9

1,4

+ 5,2

20,0

- 1,0

+ 25,5

59,4

49,2

- 10,3

CP

27,3

47,3

20,1

+ 5,2

17,0

- 0,8

+ 41,4

68,8

55,7

- 13,0

147 - Politique de la ville

AE

428,6

429,0

0,1

- 15,7

0,3

- 12,3

- 27,6

401,0

400,2

- 0,9

CP

428,6

429,0

0,5

- 15,7

0,3

- 12,3

- 27,2

401,4

399,2

- 2,2

Total mission

AE

17 184,8

17 382,8

91,0

- 10,5

851,1

+ 118,4

+ 1 050,0

18 234,8

17 717,0

- 517,9

CP

17 227,1

17 372,8

232,5

- 10,5

465,2

+ 120,6

+ 807,9

18 035,0

17 826,0

- 209,0

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances et l'annexe 1 au projet de loi de règlement pour 2018. FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produit.

B. LE NIVEAU TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES

D'après l'annexe 1 au projet de loi de règlement, 92 dépenses fiscales sont rattachées à la mission « Cohésion des territoires » , pour un coût total estimé de 14,5 milliards d'euros en 2018, soit 81,4 % du montant des crédits de paiements consommés la même année.

Le montant des dépenses fiscales indiqué dans les documents budgétaires doit toutefois être considéré avec beaucoup de prudence. Pour 14 dépenses fiscales, le coût estimé est remplacé par la mention « å ». Pour 21 autres dépenses fiscales, le coût estimé en 2018 n'est pas encore connu : le total indiqué supra reprend donc le montant constaté en 2017. C'est le cas notamment de la déduction d'impôt sur le revenu pour dépenses de réparation et d'amélioration 51 ( * ) dont le coût était en 2017 de 1,8 milliard d'euros. Toutefois, le coût en 2017 lui-même n'est pas connu pour 12 dépenses fiscales rattachées à la mission.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES RELATIFS AU LOGEMENT ET À L'URBANISME (M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

Les programmes suivis par votre rapporteur spécial sont les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville », qui représentent 98,9 % des crédits consommés en 2018 par la mission « Cohésion des territoires ».

A. LE PROGRAMME 177 : LES DIFFICULTÉS DE LA POLITIQUE DE L'HÉBERGEMENT

1. Une gestion budgétaire en voie d'amélioration...

Le programme 177 a connu en 2018 une sur-exécution par rapport à la prévision en loi de finances initiale de 121,5 millions d'euros, soit 6,2 %, en autorisations d'engagement (contre 18,9 % en 2017) et de 145,9 millions d'euros, soit 7,5 %, en crédits de paiement (contre 12,7 % en 2017). Les dépassements ont donc été mieux contenus en 2018 qu'au cours de l'exercice précédent.

Les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative révèlent la tension persistante dans la gestion du programme avec un montant de 60,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Ces ouvertures ont permis de combler des insuffisances régionales relatives à l'hébergement d'urgence et de rembourser des crédits gagés en cours de gestion au profit de l'aide au logement temporaire destinée aux gens du voyage.

Elles sont toutefois nettement moins importantes qu'en 2017, année au cours de laquelle le Gouvernement avait dû prendre deux décrets d'avance, ouvrant au total sur ce programme, loi de finances rectificative comprise, des crédits supplémentaires de 276,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274,6 millions d'euros en crédits de paiement.

Les reports de crédits sont en diminution : si les reports entrants, c'est-à-dire de l'exercice 2017 vers l'exercice 2018, sont encore de 64,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 96,2 millions d'euros en crédits de paiement, les reports sortants vers l'exercice 2019 sont limités à 3,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 10,5 millions d'euros en crédits de paiement.

L'exécution de ce programme permet à cet égard de confirmer l'utilité d'adopter et de promulguer la loi de finances rectificative de fin de gestion dès la première quinzaine de décembre et non, comme c'était le cas généralement jusqu'en 2017, dans les tous derniers jours de l'année.

Au cours de l'exercice 2017, en effet, des crédits obtenus par la loi de finances rectificative de la fin du mois de décembre 52 ( * ) n'avaient pu, pour des raisons techniques, être consommés au cours de cet exercice et l'ont été par conséquent au début de 2018. En revanche, les crédits ouverts par la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018 53 ( * ) ont pu être délégués dès le lendemain de la promulgation de la loi auprès des budgets opérationnels de programme (BOP), pour mise en paiement avant la fin de l'année.

Comparaison de l'exécution du programme 177 en 2017 et 2018

En millions d'euros

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires. Le montant total des crédits ouverts prend également en compte, en 2017, des fonds de concours apportés à hauteur de 0,4 million d'euros et, en 2018, des transferts de crédits à hauteur de 0,2 million d'euros correspondant à une contribution à des dépenses prises en charges à titre principal par d'autres ministères.

2. ... mais une délimitation du programme budgétaire insuffisamment aboutie

La Cour des comptes met en cause, une nouvelle fois, le recours aux crédits du programme 177 pour l'accueil de demandeurs d'asile et de réfugiés , qui devrait relever des programmes 303 « Immigration et asile » et 104 « Intégration et accès à la nationalité française » de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Si les centres d'accueil et d'orientation (CAO), mis en place à partir de l'année 2015 pour mettre des migrants à l'abri, ne sont plus financés par le programme 177 depuis le 1 er janvier 2017, les centres d'hébergement d'urgence pour migrants (CHUM) d'Île-de-France ont continué en 2018 à être financés par ce programme. Le projet de loi de finances pour 2019 a mis fin à cette situation en transférant la gestion de ces centres aux programmes 303 et 104 à compter de l'exercice 2019.

Toutefois la séparation entre les deux dispositifs demeure incomplète : ainsi les demandeurs d'asile occupaient-ils 5,3 % des places dans les dispositifs d'hébergement généralistes en octobre 2018, soit 7 155 places pour un montant de 59,3 millions d'euros, places qui n'étaient donc pas utilisables pour les publics visés par ces dispositifs. Le programme 177 finance également une aide à l'accompagnement et à l'installation des réfugiés à hauteur de 9,6 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial est conscient de la difficulté de séparer de manière absolue l'enjeu de l'hébergement d'urgence, soumis au principe d'inconditionnalité de l'accueil 54 ( * ) , de celui de la mise à l'abri des migrants et des réfugiés, et approuve les progrès réalisés au cours des années passées.

Il s'associe toutefois à la recommandation de la Cour des comptes de limiter les financements croisés entre ces deux missions . À tout le moins, le Gouvernement devrait être en mesure, lors de la présentation de la prochaine loi de finances, de présenter au Parlement un recensement exhaustif des dispositifs d'asile auxquels contribue en pratique le programme 177 , en indiquant pour chacun d'entre eux le nombre de places concerné, les montants budgétaires constaté en 2018, estimé en 2019 et prévisionnel pour 2020 et la raison pour laquelle ces dispositifs ne sont pas financés par la mission « Immigration, asile et intégration ».

3. Les limites du programme « Logement d'abord »

Le programme « Logement d'abord », lancé par le Gouvernement à l'automne 2017, n'a pas produit en 2018 tous les résultats escomptés.

Le nombre de nuitées d'hôtels a continué à progresser et semble même accélérer, passant de 45 751 en 2017 à 48 198 en juin 2018.

Évolution du nombre de nuitées d'hôtel

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires et des notes d'exécution budgétaire de la Cour des comptes. L'augmentation pour 2018 est estimée en extrapolant sur l'ensemble de l'année le chiffre atteint au mois de juin.

Votre rapporteur spécial constate que la mise en oeuvre , depuis 2015, d'un plan national de réduction des nuitées hôtelières n'a pas permis de réduire le nombre de nuitées, ni même de le stabiliser . Cette forme d'hébergement est pourtant très insatisfaisante, en raison de son coût élevé comme de l'impossibilité d'y assurer un suivi adapté des personnes hébergées.

Or le nombre de nuitées d'hôtels serait encore plus élevé si on y incluait les hôtels qui ont été rachetés et transformés en résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS). Selon les réponses aux questionnaires budgétaires reçues en septembre 2018, deux appels d'offres ont permis l'ouverture de 3 675 places sur le programme 177 (l'objectif initial étant de 5 000) et de 5 351 places sur le programme 303.

Votre rapporteur spécial soutient ces opérations de rachat d'hôtels , car les locaux sont alors transformés et adaptés aux besoins des personnes hébergées, qui peuvent bénéficier d'un meilleur suivi. Toutefois elles ne sauraient remplacer le modèle des CHU et des CHRS , en particulier parce que les hôtels rachetés sont souvent situés dans des zones périphériques, mal desservies par les transports en commun.

S'agissant du logement adapté , 1 378 places supplémentaires seulement ont été créées en pension de famille . Votre rapporteur spécial craint que l'objectif de création de 10 000 places sur le quinquennat soit difficile à atteindre .

L'intermédiation locative 55 ( * ) progresse difficilement, notamment parce que les délais de captation et d'adaptation des logements sont plus longs que prévus. M. Julien Denormandie, ministre chargé du logement, a ainsi indiqué lors de son audition devant la commission des finances sur le présent projet de loi de règlement qu'il était particulièrement difficile de trouver des propriétaires prêts à participer au dispositif.

Or le plan « Logement d'abord » a pour objectif de créer 40 000 places supplémentaires en intermédiation locative sur la période 2018-2022, dans le cadre budgétaire du programme 177 56 ( * ) . Le rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement indique que 6 155 places ont été créées au cours de l'année 2018, ce qui correspond à l'objectif fixé pour cette année-là ; toutefois, l'atteinte de la cible sur le quinquennat suppose que près de 8 500 places soient créées chacune des années suivantes. Les objectifs du Gouvernement reposent donc sur une montée en charge considérable qui aboutirait finalement à un doublement de l'offre existante 57 ( * ) , alors même qu'on peut craindre que les logements les plus faciles à capter aient déjà été identifiés et intégrés au dispositif.

4. Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

L'année 2018 a vu la montée en charge du mécanisme de la « tarification plafond » dans les CHRS, qui devait conduire à une économie globale par la mise en oeuvre d'une convergence tarifaire entre ces établissements.

Si votre rapporteur spécial a appelé depuis plusieurs années à une rationalisation des coûts dans l'hébergement d'urgence 58 ( * ) , il doit constater que la mise en place des tarifs plafonds s'apparente en fait à un « rabot ». Un groupe de travail constitué par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a ainsi constaté que, loin des objectifs initiaux, des établissements vertueux eux-mêmes ont subi une diminution de leur budget 59 ( * ) .

Or les économies budgétaires réalisées apparaissent limitées . Les crédits des CHRS, fixés en 2018 à 627,2 millions d'euros en crédits de paiement en loi de finances initiale, ont été consommés à un niveau de 639,1 millions d'euros suite au transfert en cours de gestion de crédits complémentaires, ce qui correspond à une diminution de 18,7 millions d'euros, soit 2,8 %, par rapport à l'exécution en 2017. Dans le même temps, le nombre de places est resté quasiment stable : il s'établissait à 44 627 au 30 juin 2018 contre 44 691 places à la fin 2017 60 ( * ) .

V otre rapporteur spécial est surtout contraint de constater que les CHRS ne contribuent pas suffisamment à la fluidité des parcours de logement . La part des personnes sortant de CHRS et accédant à un logement adapté était de 11% seulement en 2018, contre 14 % en 2016 et 12 % en 2017, alors même que la cible était fixée au niveau très ambitieux de 18 %. La part des personnes accédant à un logement autonome est, elle, de 40 %, en hausse par rapport à 2016 (31 %) mais en diminution par rapport à 2017 (43 %).

B. LE PROGRAMME 109 : LA RÉDUCTION DES AIDES AU LOGEMENT FINANCÉE PAR LES BAILLEURS SOCIAUX

L'une des principales orientations budgétaires du présent Gouvernement a consisté à diminuer de manière marquée les crédits consacrés à la politique du logement, qu'il s'agisse des aides à la pierre (programme 135, voir infra ) ou, s'agissant du programme 109, des aides à la personne.

1. Une importante diminution des crédits

En conséquence des mesures prises au cours de l'année 2017, les crédits consommés sur le programme 109 sont passés de 15,5 milliards d'euros en 2017 à 14,3 milliards d'euros en 2018, soit une baisse de 1,3 milliard d'euros ou 7,5 % .

Ces sommes correspondent à la dotation d'équilibre versée par l'État au fonds national d'aide au logement (FNAL), également alimenté par le produit de plusieurs cotisations versées par les employeurs 61 ( * ) . Les ressources totales du FNAL se sont élevées à 17,2 milliards d'euros en 2018, contre 18,4 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,2 milliard d'euros qui correspond à la baisse de la dotation de l'État.

Évolution des crédits de paiements du programme 109 « Aide au logement »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La diminution entre 2017 et 2019 ans devrait être de 2,1 milliards d'euros, soit 13,4 %, selon les prévisions faites dans la dernière loi de finances initiale. Il est toutefois probable que cette diminution ne se réalise pas .

La diminution de 900 millions d'euros prévue au titre de l'année 2019 est en effet liée à la mise en oeuvre d'un mécanisme de « contemporanéité du versement des aides au logement » , c'est-à-dire que celles-ci seraient versées en fonction du revenu actuel et non de celui perçu il y a deux ans. Or les doutes émis par votre rapporteur spécial au sujet de la réalité de cette économie dès 2019 ont été confirmés par le report de la mise en oeuvre de cette réforme très complexe.

Votre rapporteur spécial s'inquiète donc tout particulièrement pour la soutenabilité de ce programme en 2019 . Aucune réponse n'est donnée à ce jour sur la manière dont le Gouvernement assurera le paiement des aides au logement jusqu'à la fin de l'année 2019. Une ouverture de crédits pourrait devenir nécessaire par décret d'avance ou dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année. Il serait en effet inenvisageable de laisser encore croître la dette du FNAL à l'égard des organismes de sécurité sociale (voir infra).

Risque de soutenabilité du programme 109 en 2019

En millions d'euros

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

2. Des mesures d'économie excessives sur lesquelles il sera nécessaire de revenir

Les mesures d'économies relatives aux aides personnelles au logement , ayant produit un effet en 2018, sont de plusieurs natures.

Votre rapporteur spécial constate que, selon les estimations faites par la Cour des comptes, la mise en extinction de l'APL « Accession » , à laquelle il s'était opposé, ne semble avoir produit en 2018 que des effets très limités . Quant à la mesure du gel des paramètres de dépenses et de ressources, qui comprend en particulier la non-revalorisation de l'APL au 1 er octobre 2018, elle ne produira son plein effet qu'en année pleine en 2019.

Les principales mesures d'économie sont toutefois la mise en oeuvre de la réduction de loyer de solidarité , qui a produit une économie budgétaire de 800 millions d'euros, et l'effet en année pleine de la diminution de cinq euros des aides personnelles au logement mise en oeuvre le 1 er octobre 2017, pour un rendement de 391 millions d'euros, l'un et l'autre conformes aux prévisions.

Pour mémoire, la réduction de loyer de solidarité (RLS) consiste en une diminution du loyer des logements sociaux pour des ménages remplissant des conditions de ressources, liée à une diminution des aides au logement pour les ménages qui bénéficient de la RLS.

Il convient de rappeler que l'intention initiale du Gouvernement était de donner à cette mesure une portée beaucoup plus importante , puisqu'elle devait entraîner une économie budgétaire de 1,5 milliard d'euros sur les aides au logement. L'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale avait permis d'étaler la montée en charge du dispositif sur trois ans. Le Sénat avait pour sa part supprimé le dispositif de la RLS et réintroduit celui de l'APL « Accession ». L'Assemblée nationale avait ensuite, sur la proposition du Gouvernement 62 ( * ) , rétabli la suppression de l'APL « Accession » et la création de la RLS avec une montée en charge prévue de 800 millions d'euros en 2018 et 2019 et de 1,5 milliard d'euros en 2020.

Les difficultés rencontrées par le secteur suite à la mise en place de la RLS , régulièrement rappelées par votre rapporteur spécial mais longtemps sous-estimées par le Gouvernement, ont finalement conduit celui-ci à rencontrer les représentants des bailleurs sociaux au cours des premiers mois de 2019, par application d'une clause de « revoyure ». À l'issue de cette phase de concertation, le Gouvernement a accepté de limiter l'impact de la RLS à 1,3 milliard d'euros en 2020, dans le cadre d'un accord signé le 25 avril 2019 avec l'Union sociale de l'habitat (USH).

L'accord du 25 avril prévoit notamment la fixation du rendement final de la RLS à 1,3 milliard d'euros, et non 1,5 milliard comme prévu précédemment ; la baisse de la cotisation des bailleurs sociaux au fond national des aides à la pierre (FNAP), compensée par une augmentation de la contribution d'Action logement ; le retour de la TVA à 5,5 % sur certains types de logements sociaux ; des remises commerciales de la Caisse des dépôts et consignations et la mise en place par celle-ci d'une enveloppe de 800 millions d'euros de titres participatifs.

Source : commission des finances, à partir de l'accord du 25 avril

Votre rapporteur spécial sera bien entendu très attentif à la mise en oeuvre, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, des mesures permettant de préserver la soutenabilité à long terme de la situation des organismes de logement social.

3. La croissance de la dette du FNAL malgré une faible surconsommation des crédits

Il n'est pas surprenant, en soi, que le programme 109 nécessite des ouvertures de crédits en cours de gestion. Il doit en effet assurer l'équilibre du FNAL, dont les dépenses (aides personnelles au logement) comme les ressources autres que budgétaires (cotisations des employeurs, notamment) dépendent de la situation économique et non pas de décisions discrétionnaires. Elles ne peuvent donc pas être prévues à l'euro près lors de la préparation du budget.

En 2017, l'exécution de ce programme avait été particulièrement heurtée. L'ouverture de crédits nouveaux dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative n'avait pu être limitée à 45,6 millions d'euros que parce que le Gouvernement avait réduit en cours d'année le montant des aides au logement de cinq euros, outil de régulation budgétaire dont votre rapporteur spécial avait regretté le caractère brutal 63 ( * ) .

En 2018, l'exécution du programme 109 a été plus conforme aux prévisions et à l'autorisation parlementaire , puisqu'aucune mesure de ce type n'a été prise en cours d'année. La loi de finances rectificative de fin d'année a tout de même ouvert des crédits nouveaux à hauteur de 90 millions d'euros, montant plutôt limité puisqu'il correspond à 0,6 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Toutefois cette meilleure sincérité n'a pas permis de réduire la dette du FNAL vis-à-vis des organismes payeurs , comme le fait observer la Cour des comptes. Cette dette s'établit à 304 millions d'euros en fin d'année, en augmentation de 50 millions d'euros. Pour mémoire, cette dette, qui était de 171 millions d'euros à la fin 2014, avait augmenté à 400 millions d'euros environ en 2015 avant de diminuer à 258 millions d'euros fin 2016.

Votre rapporteur spécial avait regretté, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour l'année 2015, une pratique consistant alors à afficher une sous-exécution du programme 64 ( * ) en laissant croître la dette du FNAL, de manière à respecter optiquement les normes de dépense budgétaire. Si rien ne permet de conclure à un retour de cette pratique, il appelle à un assainissement de la situation du FNAL vis-à-vis des organismes de Sécurité sociale, qui passe nécessairement par une résorption progressive de la dette.

C. LE PROGRAMME 135 : LE RÔLE MINORITAIRE DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES PARMI LES AIDES À LA CONSTRUCTION

Le programme 135 porte notamment les crédits consacrés aux aides à la pierre .

Il relève d'une gestion budgétaire atypique , de sorte que le montant des crédits indiqué dans les documents budgétaires donne une vision peu exacte de l'effort réel des politiques de l'État en faveur de la construction et de la rénovation de l'habitat.

1. Les dépenses fiscales constituent le principal financement public des objectifs du programme 135

D'une part, ces politiques passent pour l'essentiel par les dépenses fiscales . Pas moins de 50 dépenses fiscales sont en effet rattachées au programme 135 à titre principal, pour un coût total estimé en 2018 à 11,4 milliards d'euros. On peut y rajouter 4 dépenses fiscales rattachées à ce programme de manière subsidiaire, pour un coût estimé à 1,8 milliard d'euros 65 ( * ) .

Votre rapporteur spécial s'étonne particulièrement du chiffrage indiqué par les documents budgétaires pour la dépense fiscale « Taux de TVA réduit pour les logements sociaux » . Il rappelle en effet que, pour compenser une mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS) plus progressive que prévu dans le projet initial du gouvernement, la loi de finances pour 2018 a, sur sa proposition, prévu de remonter provisoirement ce taux de 5,5 % à 10 % pour la plupart des opérations menées par les organismes de logement social. Le gain lié à cette mesure a été évalué à 870 millions d'euros en 2018, 1,05 milliard d'euros en 2019 et 690 millions d'euros à compter de 2020 66 ( * ) . Il paraît donc peu compréhensible que le coût estimé de cette dépense fiscale reste absolument constant dans les documents budgétaires 67 ( * ) .

Les services du ministère de l'économie et des finances et le cabinet du ministre de l'action et des comptes publics, interrogés sur ce point, indiquent seulement que les données disponibles n'ont pas permis de simuler l'incidence du passage du taux de TVA de 10 % spécifiquement sur cette dépense en 2018 et 2019. La méthode de chiffrage serait en cours d'adaptation pour ces dépenses fiscales.

Compte tenu de l'impact important de cette réforme, aussi bien pour le secteur du logement social que pour l'équilibre des finances publiques, votre rapporteur spécial considère qu'il est anormal que, 18 mois après l'adoption de la loi de finances pour 2018, le Gouvernement ne transmette au Parlement aucun élément sur l'impact de cette réforme . Un chiffrage réaliste devra nécessairement être fourni dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. La question du taux de TVA des logements sociaux devra en effet être réexaminée à cette occasion, comme s'y est encore engagé le Gouvernement dans l'accord conclu avec les organismes de logement social le 25 avril dernier (voir infra) .

2. Les crédits budgétaires proviennent en majorité des organismes du secteur du logement

Les crédits budgétaires consommés en 2018 ont été de 694 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 685 millions d'euros en crédits de paiement, soit 6 % seulement du montant des dépenses fiscales .

Or ces crédits affichés ne correspondent pas à l'effort budgétaire réel de l'État . Les crédits de paiement consommés au titre du programme 135 comprennent en effet :

- d'une part des reports de la gestion précédente à hauteur de 109,2 millions d'euros. Ces reports sont liés au fonctionnement particulier du programme (voir infra ) ;

- d'autre part des fonds de concours à hauteur de 440,5 millions d'euros. Ces fonds de concours proviennent principalement du fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui est abondé par une contribution de l'État à hauteur de 38,8 millions d'euros, des cotisations versées par les organismes de logement social (à hauteur de 375,3 millions d'euros) et par Action Logement (50 millions d'euros), ainsi que par le produit de la majoration du prélèvement « SRU » 68 ( * ) .

En outre, la contribution de l'État au budget du FNAP est comptée deux fois dans les crédits budgétaires : la première fois parmi les crédits ouverts en loi de finances initiale, au titre de l'action 1 « Construction locative et amélioration du parc », et la deuxième fois lorsqu'ils sont reversés par le FNAP par voie de fonds de concours au profit de la même action 69 ( * ) .

Ainsi, sur 809,5 millions d'euros ouverts au total en 2018 en neutralisant ce double compte, 401,7 millions d'euros , soit 49,6 %, provenaient de fonds de concours (hors contribution de l'État mentionnée précédemment), tandis que 298,6 millions d'euros , soit 36,9 %, avaient été ouverts en lois de finances 70 ( * ) , et 109,2 millions d'euros , soit 13,5 %, ont été reportés depuis l'exercice précédent. Sur ces crédits ouverts, seulement 685 millions d'euros ont été consommés, le reliquat, soit 163,4 millions d'euros, étant reporté à l'année 2019.

Origine des crédits ouverts sur le programme 135

En millions d'euros

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.

Dans la mesure où les crédits reportés depuis l'exercice précédent proviennent eux-mêmes en grande partie du produit d'une cotisation des bailleurs sociaux qui n'a pu être utilisée en fin d'exercice précédent (voir infra ), on peut considérer que moins de la moitié des crédits affichés dans le programme 135 proviennent réellement de l'État .

Force est ainsi de constater que l'État fait le choix de soutenir les politiques visées par le programme 135 principalement par des dépenses fiscales et par des cotisations des bailleurs sociaux et des employeurs , c'est-à-dire des ressources sur lesquelles il a, par définition, moins de prise que sur des crédits budgétaires.

Ces ressources sont soumises à un risque de tarissement en cas de retournement du cycle économique . En cas de nouvelle crise majeure, on pourrait craindre que le secteur du logement social ne soit plus en mesure de remplir le rôle d'amortisseur qu'il a joué lors de la crise financière de 2008 : les bailleurs sociaux avaient alors été en mesure de reprendre de nombreux programmes immobiliers que les promoteurs privés ne pouvaient plus réaliser.

Loin de s'atténuer, la tendance s'accentue d'année en année, puisque l'État a graduellement diminué les crédits budgétaires attribués au fonds national des aides à la pierre, jusqu'à les annuler dans le budget 2019. Le programme est ainsi marqué par une déconnexion croissante entre le montant des crédits de paiement voté en loi de finances initiale et celui réellement consommé , une fois pris en compte les fonds de concours.

Crédits votés en loi de finances initiale
et consommés en exécution

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales et des lois de règlement.

3. Les aides à la pierre : une activité moins soutenue que prévu et une gestion budgétaire atypique

Le fonds national des aides à la pierre (FNAP) avait, dans son projet de budget pour 2018, prévu des dépenses d'un montant de 486,8 millions d'euros, dont 470,0 millions d'euros devaient faire l'objet d'un transfert à l'État par un fonds de concours consacré aux opérations nouvelles et aux démolitions 71 ( * ) . Or le niveau de dépenses effectif a été de 440,5 millions d'euros, dont 423,7 ont été versés par le fonds de concours précité 72 ( * ) .

Certaines recettes, comme l'indique la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, ont été moins importantes que prévu mais c'est aussi l'incapacité de certains territoires à engager des dossiers qui n'a pas permis de répondre aux objectifs fixés par le conseil d'administration du FNAP. En particulier, le montant de logements financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) a été de 34 930 , alors que la cible était de 40 000 logements . Un montant de 46,3 millions d'euros en autorisations d'engagement a ainsi été annulé par un décret du 7 février 2019.

Le niveau important des reports constitue également une difficulté de gestion de ce programme qui a été identifiée lors de l'audition « pour suite à donner » de la Cour des comptes relative à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) organisée le 3 mars dernier devant la commission des finances 73 ( * ) : le recouvrement de la cotisation additionnelle n'a lieu qu'à l'automne, de sorte que, compte tenu des délais de traitement et de transit par le FNAP, les fonds correspondants ne peuvent plus être utilisés pour l'exercice en cours et sont reportés . Le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a reconnu devant la commission qu'il serait « souhaitable d'accélérer les choses ».

Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour indique que l'une des raisons de ce retard est le contrôle effectué par la direction du budget sur les rattachements des crédits du FNAP au programme 135, de sorte que l'arrêté de rattachement n'est publié qu'une vingtaine de jours après la décision de versement. Or la nécessité de ce contrôle n'apparaît pas clairement.

Plus généralement, la Cour note la tension qui s'exerce entre la règle de l'annualité budgétaire et la nécessité de programmer les crédits d'aide à la pierre sur plusieurs années , tout en respectant la règle de bonne gestion selon laquelle le montant annuel des nouvelles opérations programmées ne peut être supérieur au montant total des versements effectués par le fonds au profit de l'État au cours de l'exercice.

Ce constat rejoint celui fait par votre rapporteur spécial dans le cadre du contrôle budgétaire qu'il a mené au cours de l'année 2018 sur le fonds national des aides à la pierre 74 ( * ) . Il avait alors recommandé de sécuriser les fonds sur le plan pluriannuel et de simplifier et stabiliser les règles de répartition et d'utilisation de ces fonds.

La Cour souligne enfin le nombre élevé d'erreurs d'imputation des charges à payer (par exemple au niveau de l'enregistrement des factures) dans Chorus. Elle indique que, selon une étude du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de décembre 2017, le délai moyen de traitement des factures et pièces justificatives communiquées par les bailleurs est de six mois , même si certains services déconcentrés s'efforcent de payer en priorité les bailleurs les plus fragiles.

4. L'ANAH : cibler la qualité

L'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) est un opérateur doté en 2018 de 110 millions d'euros de crédits budgétaires en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, mais majoritairement financé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone qui lui a rapporté 550 millions d'euros. L'ANAH a indiqué avoir financé en 2018 la rénovation thermique de 94 081 logements, soit une hausse de 17 % par rapport à 2017, dont 62 345 « passoires thermiques » dans le cadre du programme « Habiter mieux » 75 ( * ) .

Votre rapporteur spécial note que, si ce dernier résultat constitue une augmentation de près de 20 % environ par rapport à 2017, il n'a toujours pas permis d'atteindre l'objectif ambitieux fixé à 75 000 pour l'année 2018.

En outre, il insiste une nouvelle fois sur la nécessité de maintenir le niveau de qualité des rénovations qui a contribué à l'appréciation positive portée par la Cour des comptes sur le programme « Habiter mieux » dans une enquête réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat 76 ( * ) .

À cet égard, si la nouvelle aide « Habiter mieux Agilité » 77 ( * ) a profité à plus de 9 000 ménages pour sa première année d'application en 2018, c'est avec le dispositif complet de rénovation qu'il convient de viser la cible de 75 000 rénovations de « passoires thermiques » par an . La trésorerie très importante accumulée par l'Agence grâce, notamment, à la très forte croissance du prix du carbone en 2018 doit lui permettre de maintenir le niveau de qualité nécessaire.

D. LE PROGRAMME 147 : LES RÉSULTATS TOUJOURS INSUFFISANTS DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L'exécution du programme 147 a été moins heurtée en 2018 qu'en 2017, année au cours de laquelle il avait connu d'importantes annulations de crédit 78 ( * ) . Il n'y a pas eu de mouvement de crédit important en cours d'année et les crédits annulés en loi de finances rectificative ont porté sur ceux qui avaient été mis en réserve.

1. Une année de transition en attendant le lancement des opérations du nouveau programme de renouvellement urbain

Les crédits de paiement ont été consommés à hauteur de 399,2 millions d'euros , pour un montant ouvert en loi de finances initiale de 428,6 millions d'euros. Cet écart s'explique principalement par :

- une annulation de crédits de 12,3 millions d'euros en loi de finances rectificative ;

- un transfert de crédits de 15,7 millions d'euros à destination d'autres ministères au titre de la mise à disposition d'agents par ces ministères.

Les crédits du programme 147 sont dans l'ensemble stables sur les années 2016 à 2018, après une diminution au cours des années précédentes. Les crédits consommés sont toutefois systématiquement inférieurs aux crédits ouverts, même si le taux de consommation a été plus élevé en 2018, à un niveau de 93,1 %, qu'au cours des quatre années précédentes où il variait entre 85 % et 92 %.

Évolution des crédits ouverts et consommés sur le programme 147

En millions d'euros

Source : commission des finances, à partir des données des projets de loi de règlement.

Dès l'année 2019, les crédits consommés devraient augmenter dans la mesure où le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) 79 ( * ) entre progressivement en phase opérationnelle.

2. L'ANRU et le démarrage ralenti du NPNRU

S'agissant du programme national de rénovation urbaine (PNRU) 80 ( * ) , dont les engagements sont clos depuis la fin 2015, 91 % des 30 000 opérations étaient soldées à la fin 2018, année au cours de laquelle 328 millions d'euros ont été payés.

L'engagement du NPNRU, en revanche, a été plus lent que prévu . Depuis la création de ce programme par la loi de programmation pour la ville de 2014 81 ( * ) , le lancement effectif a été ralenti, notamment par le manque de crédits de l'État. Si ces crédits sont désormais assurés depuis 2018, les dépenses de l'Agence relatives à ce programme étaient au mois d'octobre 2018 de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24 millions d'euros en crédits de paiement, alors que le budget initial de l'Agence prévoyait des autorisations d'engagement de 464 millions d'euros et des crédits de paiement de 108 millions d'euros 82 ( * ) . Il faut toutefois noter que l'adoption tardive de la loi ELAN 83 ( * ) a pu ralentir l'engagement des crédits.

3. Une dette liée aux ZFU en augmentation

La Cour des comptes met en cause l'augmentation de la dette à l'égard de l' Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) liée à l'exonération de charges en zone franche urbaine (ZFU).

Seules les entreprises entrées dans le dispositif avant le 1 er janvier 2015 bénéficient du dispositif, qui a été supprimé au profit des exonérations de droit commun lors de la transformation du dispositif des zones franches urbaines en zones franches urbaines - territoire entrepreneur (ZFU-TE).

Or un nombre d'entreprises plus élevé que prévu continue à rester dans le dispositif ZFU, de sorte que les crédits prévus au programme 147 ne sont plus suffisants pour rembourser le manque à gagner à l'ACOSS. Les paiements effectifs se révélant chaque année nettement supérieurs au chiffrage initial, la dette s'est accrue progressivement de 5,4 millions d'euros en 2015 à 37,7 millions d'euros en 2018.

À titre d'exemple, cette dépense a été chiffrée à 21,5 millions d'euros seulement en loi de finances initiale pour 2018. Or le montant effectif des paiements a été de 30,9 millions d'euros. Le manque à gagner de 9,4 millions d'euros a été comblé principalement par des redéploiements de crédits.

Votre rapporteur spécial s'inquiète de l'augmentation persistante de cette dette . L'augmentation des crédits en 2019 et 2020 risque donc de servir à combler cette dette et non pas seulement à financer des projets de rénovation urbaine.

4. Une performance insuffisante pour réduire l'écart entre les quartiers de la politique de la ville et les autres territoires

La Cour des comptes note que la part des jeunes en provenance des quartiers prioritaires pris en charge par l'EPIDe 84 ( * ) est de 30 % seulement , au lieu des 50 % prévus ; ce programme étant financé aux deux tiers par le programme 102 « Aide au retour à l'emploi » et au tiers par le programme 147, elle suggère de faire assurer l'intégralité de son financement au programme 102 pour en faciliter la gestion, tout en maintenant le critère de localisation des jeunes en quartier prioritaire.

Votre rapporteur spécial met l'accent , une nouvelle fois, sur l'indicateur 3.1 « Écart de revenu et d'emploi entre les QPV et celui des agglomérations environnantes » 85 ( * ) : il s'agit d'un indicateur important pour la mesure de la réussite des politiques de la ville, mais insuffisant car, au-delà d'un revenu global, il devrait aussi vérifier l'évolution de la mixité sociale au sein des QPV, par exemple en étudiant dans quel sens évolue la proportion de ménages aisés et de ménages pauvres.

En outre, cet indicateur évolue de manière négative et n'atteint pas ses objectifs. Le rapport de revenu entre les QPV et leur agglomération a en effet diminué en passant de 47,5 % en 2015 à 47,1 % en 2016 et 46,4 % en 2017 alors que, pour cette année-là, l'objectif était fixé à 50 %. Votre rapporteur spécial s'étonne que le même objectif ait été fixé pour les exercices 2018 , année pour laquelle les chiffres ne sont pas encore disponibles, et 2020 , alors qu'aucune mesure particulière n'est présentée pour inverser la courbe.

Il constate que, malgré l'ensemble des politiques menées en faveur des quartiers depuis la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine en 2003, il demeure toujours aussi difficile de réduire l'écart entre ces quartiers et le reste de leur agglomération .

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » ET 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. BERNARD DELCROS)

A. LE PROGRAMME 112, UN PROGRAMME EN PERTE DE VITESSE

1. Les dépenses fiscales associées au programme 112 ont un rôle essentiel pour maintenir l'égalité entre les territoires

Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme 112 pour un coût total de 464 millions d'euros en 2018 . En hausse de 5 millions d'euros par rapport à 2017, les dépenses fiscales représentent près du double du montant des crédits de paiement du programme.

Principales dépenses fiscales du programme 112

(en millions d'euros)

Les dispositifs d'exonération sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) représentent moins de la moitié des dépenses fiscales du programme 112. Elles constituent un atout pour l'attractivité des territoires ruraux et c'est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial mène une mission de contrôle à laquelle ont été associés la sénatrice Frédérique Espagnac et le sénateur Rémy Pointereau en tant que co-rapporteurs.

2. La baisse très marquée du niveau des autorisations d'engagement risque de conduire à moyen terme à une réduction de l'enveloppe accordée au programme 112

Après une hausse marquée des autorisations d'engagement en 2017 afin de permettre la mise en oeuvre des contrats de ruralité (212 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2017) et des pactes État-métropoles (30 millions d'euros), l'année 2018 se caractérise par une forte réduction du niveau des autorisations d'engagement .

Évolution des autorisations d'engagement
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La diminution des autorisations d'engagement et l'augmentation concomitante des crédits de paiement conduisent à faire diminuer les restes à payer du programme. Cette évolution témoigne d'une perte de dynamisme et de la diminution globale des crédits alloués aux nouveaux contrats territoriaux pour le programme 112 .

Les dépenses du programme relèvent pour l'essentiel d'une logique de contractualisation pluriannuelle. Ainsi, 64% des CP du programme couvrent des engagements souscrits avant 2018. Les contrats de plan État-région (CPER pour 108,5 millions d'euros en CP), les contrats de ruralité (41,5 millions d'euros) et les pactes État-métropole (2,9 millions d'euros) représentent plus des deux tiers de la consommation des crédits de paiement du programme . La baisse du niveau global des autorisations d'engagement, si elle est satisfaisante du point de vue de la liquidation des restes à payer, montre un désengagement progressif de l'État et la diminution à moyen terme des crédits consacrés à la contractualisation avec les collectivités territoriales .

3. Le transfert des contrats de ruralité vers le programme 119 en 2018 a conduit à la disparition de toute enveloppe dédiée

La loi de finances pour 2018 a transféré le financement des nouveaux contrats de ruralité du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». Les crédits de paiement prévus sur le programme 112 jusqu'en 2020 servent uniquement à couvrir les restes à payer des engagements pris en 2017. Le Pacte État-métropole a également été transféré vers le programme 119.

Votre rapporteur avait déjà souligné à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2018 le manque de cohérence d'un tel transfert. La mission Cohésion des territoires est en effet la mieux indiquée pour offrir un financement spécifique aux différents types de contrats conclus par l'État avec les collectivités et en assurer le suivi et l'évaluation . De plus, le transfert vers le programme 119 masque en réalité une diminution globale des crédits : si la DSIL a bien été augmentée de 45 millions d'euros en 2018, elle a diminué de ce même montant en 2019. Il en résulte une diminution des moyens accordés en particulier aux territoires ruraux .

De plus, les crédits la DSIL ne font pas l'objet d'affectation a priori . La sortie du programme 112 a donc eu pour conséquence la suppression de tout fléchage des financements vers les contrats de ruralité, ce qui marque à l'évidence un recul de la ruralité dans le spectre des priorités nationales.

4. La consommation des autorisations et des crédits du programme 112 s'est beaucoup éloignée des montants votés en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

Niveau de consommation des crédits

LFI 2018

Exécution 2018

Pourcentage d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Engagements territoriaux FNADT -CPER

121

102

121,1

108,5

100,08%

106,37%

FNADT hors CPER et hors services publics

9,8

20,7

7

18

71,43%

86,96%

PAT

15

20,7

14,4

19

96,00%

91,79%

Contrats de ruralité

0

44,2

0

41,5

/

93,89%

Pacte État-métropoles

0

15,2

0

2,9

/

19,08%

Services au public dont MSAP

10,7

12,3

17,4

18,5

162,62%

150,41%

Source : commission des finances du Sénat d'après la note d'analyse d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

L'exécution des crédits a été très inégale entre les différentes actions du programme. Après une année 2017 largement perturbée par les annulations de crédit, les annulations pour 2018 se sont pour l'essentiel limitées aux réserves de précaution, soit 5,24 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7,01 millions en crédits de paiement.

La sous-consommation des crédits est cependant préoccupante . En effet, seulement 78,31 % des autorisations d'engagements et 70,00 % des crédits de paiement ont été consommés . Ces taux très faibles s'expliquent en partie par les difficultés de gestion et de pilotage pluriannuel de la dépense. Ils trahissent surtout une mauvaise estimation des besoins de financement par les gestionnaires .

La sous-consommation des crédits des contrats de ruralité et du pacte État-métropoles s'explique également en partie par le transfert des nouvelles autorisations et crédits vers le programme 119 et par une mauvaise appréciation des restes à liquider en 2018 .

A l'inverse, les crédits en faveur des maisons de services au public (MSAP) du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) ont fait l'objet d'une très forte surconsommation de 162,6% en AE et de 150,4% des CP . L'objectif de 1000 MSAP a été largement atteint ( 1350 MSAP ) mais au prix d'un financement qui n'est plus paritaire. L'État, qui devait intervenir à parité avec les opérateurs pour financer la moitié des investissements avec les porteurs de projet, a finalement financé plus de la moitié du coût total des MSAP.

B. LE PROGRAMME 162, UN PROGRAMME COMPOSITE QUI N'ATTEINT PAS SES OBJECTIFS ET DONT L'EXÉCUTION EST ÉLOIGNÉE DE LA LOI DE FINANCE INITIALE

Les autorisations d'engagement par action
du programme 162

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La part prépondérante qu'occupe le Programme exceptionnel d'investissement (PEI) en faveur de la Corse explique que les crédits ouverts par fonds de concours représentent près de 70% des CP consommés du programme. En effet, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a abondé l'action 04 à la fois au titre des reports de crédits de fonds de concours pour 20 millions d'euros en CP et en permettant l'ouverture par voie de fonds de concours de 20 millions d'euros d'AE et 17 millions d'euros de CP à la fin de l'année.

1. L'exécution des crédits du programme 162 est très éloignée des autorisations et crédits votés en loi de finances initiale

L'exécution des autorisations
d'engagement du programme 162

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution des crédits de paiement
du programme 162

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La consommation des autorisations d'engagement est très contrastée entre les différentes actions du programme. Les AE et les CP ont été très largement dépassées pour l'action 02 du fait d'un transfert de gestion de 5,2 millions d'euros en AE et en CP depuis le programme 149 dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes . Ces transferts nuisent à la clarté et la sincérité budgétaires du programme.

La forte sous-consommation d'AE du programme exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse s'explique principalement par les retards dans la mise en oeuvre des différents projets de l'action.

Les crédits de paiement de la nouvelle action « Plan littoral 21 » ont été sous-exécutés, du fait d'un lancement moins rapide que prévu des études préalables . Cette sous-exécution a notamment permis d'abonder l'action 06 relative au Marais poitevin.

La sur-exécution des crédits de paiement du PEI Corse résulte des conditions spécifiques de gestion du fonds de concours abondé par l'AFITF . À la suite de retards en 2017 dans la mise à disposition des crédits de paiement ouverts par la voie du fonds de concours, 20 millions d'euros en CP ont été reportés sur l'exercice 2018. Au total, l'AFITF a contribué à hauteur de 37 millions d'euros en CP et 21 millions d'euros en AE en 2018 au PEI Corse. Les CP ouverts par fonds de concours n'ayant pas été entièrement consommés, 11,6 millions d'euros ont été reportés sur l'exercice 2019.

2. La quasi-totalité des objectifs de performance du programme ne sont pas atteints

Dans l'ensemble, les objectifs assignés aux différentes actions du programme ne sont pas atteints :

- L'action relative aux algues vertes en Bretagne n'atteint pas ses objectifs : au lieu d'une diminution de 5,5mg/L de la concentration moyenne en nitrate des cours d'eau en Bretagne, on assiste à une augmentation pour atteindre 39,2 mg/L . Le rapport annuel de performance indique que cette hausse serait due à une forte pluviométrie en début d'été.

- Les indicateurs du PEI Corse ne permettent pas d'évaluer l'efficacité des nombreuses dépenses: l'indicateur très parcellaire de gain de temps de parcours sur les axes routiers en Corse est resté inchangé en 2018 du fait des retards dans la mise en service de la déviation de Propriano.

- Les indicateurs d'exposition à la chlordécone des populations de Martinique et de Guadeloupe donnent également des résultats très négatifs. Les taux de non-conformité des aliments sont entre 2 et 6 fois supérieures aux objectifs assignés .

Le programme 162 n'atteint donc pas ses objectifs . C'est pourquoi votre rapporteur spécial déplore une inadéquation entre les moyens déployés et les objectifs du programme.

Les moyens affectés à la lutte contre les algues vertes ne sont pas proportionnés à l'ampleur de l'objectif. Le volet préventif du plan de lutte ne représente en effet que 2,6 millions d'euros, soit un montant très en deçà de la problématique des pollutions agricoles en Bretagne.

Votre rapporteur spécial s'inquiète également du cumul des retards pour les projets du PEI Corse, cette action ayant justement vocation à « combler les retards de développement de l'île ». Il recommande d'améliorer le pilotage du programme d'investissement et le suivi des projets.

Concernant le plan de lutte contre la chlordécone, compte tenu de l'augmentation des taux de non-conformité, votre rapporteur spécial ne peut que relever à nouveau à quel point les moyens de l'action n'apparaissent pas en adéquation avec les enjeux sanitaires et environnementaux du sujet .

MISSION « CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT » - M. Didier Rambaud, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

Le plafond des crédits de paiements (CP) de la mission « Conseil et contrôle de l'État » inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 86 ( * ) était fixé à 0,52 milliard d'euros 87 ( * ) , hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Contrairement au montant inscrit en loi de finances pour 2018, de l'ordre de 0,518 milliard d'euros, les crédits exécutés en 2018 ont dépassé ce plafond , atteignant 0,528 milliard d'euros hors contribution de la mission au CAS « Pensions », laquelle s'élève à 136,78 millions d'euros .

1. Un taux d'exécution élevé et stable, en raison de la forte rigidité des crédits

Le montant total des CP exécutés atteint 665,0 millions d'euros, soit une hausse de 3,1 % par rapport à 2017, tandis que la loi de finances prévoyait une progression de 2,2 % des crédits. Cet écart s'explique par un plus fort taux d'exécution, atteignant 99,5 % , contre 99,3 % en 2017 et se traduisant par une saturation du montant total des crédits inscrits en loi de finances pour 2018.

Même s'il atteint son niveau maximal depuis 2014, ce taux demeure relativement proche des valeurs enregistrées au cours des années précédentes, se situant systématiquement au-dessus de 97,5 % . La gestion des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » est en effet sujette à une forte rigidité en raison de la prépondérance des dépenses de titre 2, qui représentent 84,4 % des crédits exécutés .

Évolution de la consommation des crédits de la mission
de 2014 à 2018 (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation des crédits pour chaque programme se situe très légèrement en deçà de l'autorisation budgétaire votée en loi de finances pour 2018, à l'exception notable du programme 340, pour lequel près de 30 % des crédits de paiement (CP) n'ont pas été consommés, contre 20 % en 2017.

Évolution du taux de consommation des crédits par programme
entre 2017 et 2018 (en CP)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits exécutés 2017

Crédits prévus en LFI 2018*

Total crédits prévus 2018

Crédits exécutés 2018

Total crédits exécution 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

Écart total exécution/
prévision 2018

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

T2

HT2

165

AE

323,1

77,2

337,6

82,9

420,6

333,8

72,3

406,1

3,3 %

- 6,8 %

- 1,1 %

- 12,9 %

- 14,5

- 3,4 %

CP

323,1

64,9

337,6

68,8

406,4

333,8

70,4

404,2

3,3 %

7,8 %

- 1,1 %

2,3 %

- 2,2

- 0,5 %

126

AE

35,4

5,8

34,7

6,0

42,1

36,3

6,2

42,5

2,4 %

6,4 %

4,4 %

3,1 %

0,3

0,7 %

CP

35,4

5,8

34,7

6,0

42,1

36,3

6,2

42,5

2,4 %

6,4 %

4,4 %

3,1 %

0,3

0,7 %

164

AE

187,4

26,4

192,6

27,9

220,6

190,7

24,6

215,4

1,8 %

- 7,4 %

- 1,0 %

- 11,9 %

- 5,2

- 2,4 %

CP

187,4

27,7

192,6

26,5

219,1

190,7

27,3

218,0

1,8 %

- 1,7 %

- 1,0 %

3,0%

- 1,1

- 0,5 %

340

AE

0,4

0,0

0,4

0,1

0,5

0,3

0,0

0,3

- 10,4 %

82,9 %

- 23,4 %

- 48,9 %

- 0,1

- 26,1 %

CP

0,4

0,0

0,4

0,1

0,5

0,3

0,0

0,3

- 10,4 %

59,2 %

- 23,4 %

- 76,0 %

- 0,1

- 29,0 %

Total

AE

546,3

109,4

565,4

116,9

683,7

561,2

103,1

664,3

2,7 %

- 6,1 %

- 0,7 %

- 11,8 %

- 19,5

- 2,8 %

CP

546,3

98,5

565,4

101,4

668,2

561,2

103,9

665,0

2,7 %

5,2 %

- 0,7 %

2,5 %

- 3,1

- 0,5 %

* Crédits votés en LFI 2018 y compris fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La mission « Conseil et contrôle de l'État » se caractérise, en 2018, par une exécution régulière, la consommation se révélant très proche de la prévision , avec un écart de 19,5 millions d'euros en AE (soit 2,8 % des crédits votés) et 3,1 millions d'euros en CP (soit 0,5 % des crédits votés).

En valeur absolue, l'écart entre la consommation et la prévision des crédits de la mission est principalement porté par le programme 165  « Conseil d'État et autres juridictions administratives » , pour lequel 14,5 millions d'euros en AE et 2,2 millions d'euros en CP n'ont pas été consommés, tandis qu'en exécution, le programmes 126 « Conseil économique, social et environnemental » a dépassé de 0,7 % le montant des crédits inscrits.

Concernant le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques », si l'écart entre les crédits inscrits et les crédits consommés demeure limité en valeur absolue, de l'ordre de 0,1 million d'euros, il représente néanmoins près de 30 % des crédits votés en loi de finances initiale .

2. Une gestion régulière soutenue par un abondement de crédits

En 2018, la mission a bénéficié d'un solde positif de mouvements de crédits , avec un abondement de 3,33 % du montant des crédits inscrits (+ 22,28 millions d'euros en CP), portant le montant total des crédits ouverts à 690,43 millions d'euros en CP, et leur taux de consommation à 96,32 % .

Exécution des crédits de la mission en 2018
par programme

(en millions d'euros et en %)

Programme

Écart entre les crédits consommés / prévus*

Écart entre crédits ouverts / crédits prévus

Taux d'exécution consommés / prévus

Taux d'exécution consommés / ouverts

Conseil d'État et autres juridictions administratives (165)

- 2,20

17,12

96,56 %

92,39%

Conseil économique, social et environnemental (126)

0,31

0,33

100,73 %

99,96 %

Cour des comptes et autres juridictions financières (164)

- 1,08

4,84

99,51 %

97,36 %

Haut Conseil des finances publiques (340)

- 0,14

- 0,01

71,02 %

73,05 %

Total pour la mission

- 3,11

22,28

99,53 %

96,32 %

* Crédits votés en LFI 2018 y compris fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le montant des reports sur 2018 de crédits votés en 2017 est particulièrement élevé . Représentant 22,32 millions d'euros en CP, ces reports expliquent la quasi-totalité de la variation entre les crédits votés et les crédits ouverts. Sur les 17 millions d'euros de reports entrants relatifs au programme 165, 15,4 millions d'euros correspondent au financement de l'opération de relogement du tribunal administratif de Marseille . Ces crédits n'ont en effet pas été utilisés en 2017, l'acte de vente des nouveaux locaux ayant été reporté de décembre 2017 à début 2018.

Par ailleurs, les annulations de crédits réalisées par la loi de finances rectificative pour 2018 88 ( * ) demeurent très limitées , de l'ordre de 0,6 million d'euros, contre 6,4 millions d'euros en 2017. Portant intégralement sur des crédits de personnel (titre 2), elles résultent de recrutements effectués plus tardivement que prévu dans l'année. Les deux principaux programmes dérogeant à la règle de mise en réserve des crédits 89 ( * ) , ces annulations de crédits, aussi minimes soient-elles, ont permis de contribuer au respect de la norme de dépenses de l'État .

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Programme

Montant inscrit en LFI 2018

Reports entrants

Décrets d'annulation

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts

Crédits consommés

Conseil d'État et autres juridictions administratives (165)

AE

420,56

18,87

0,02

0,10

439,55

406,10

CP

406,43

17,00

0,02

0,10

423,56

404,23

Conseil économique, social et environnemental (126)

AE

42,15

0,00

-0,16

0,48

42,48

42,46

CP

42,15

0,00

-0,16

0,48

42,48

42,46

Cour des comptes et autres juridictions financières (164)

AE

220,56

5,17

0,00

0,00

-0,42

- 0,05

225,25

215,37

CP

219,10

5,32

0,00

0,00

-0,42

- 0,05

223,94

218,02

Haut Conseil des finances publiques (340)

AE

0,47

-0,01

0,45

0,35

CP

0,47

-0,01

0,45

0,33

Total mission

AE

683,74

24,04

0,00

0,02

-0,60

0,53

707,74

664,27

CP

668,15

22,32

0,00

0,02

-0,60

0,53

690,43

665,04

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'exécution des crédits est conforme aux prévisions réalisées en loi de finances initiale pour 2018, traduisant pour chaque programme une budgétisation sincère, à l'exception du programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » pour lequel 30 % des crédits inscrits n'ont pas été consommés, contre 20 % en 2017.

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

1. En dépit du renforcement de ses effectifs, la Cour nationale du droit d'asile présente un bilan dégradé par rapport à 2017

Dans son rapport sur le projet de loi de règlement pour 2017, votre rapporteur spécial se faisait l'écho des inquiétudes émises par le responsable du programme, qui redoutait un risque de prolongation des délais de jugement devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en 2018 .

En effet, après une hausse exceptionnelle en 2017 (+ 34 %), le nombre de recours enregistrés auprès de la Cour a continué de progresser en 2018 , pour atteindre 58 671 recours (+ 9,5 %). Pour faire face à cet afflux de demandes, la loi de finances initiale pour 2018 a autorisé la création de 102 emplois supplémentaires et prévu une enveloppe de deux millions d'euros destinée à l'extension des locaux de la Cour et l'installation de nouvelles salles d'audience.

Malgré cette augmentation conséquente des moyens alloués à la Cour, force est de constater que les appréhensions de votre rapporteur spécial se sont révélées parfaitement justifiées . Ainsi, en 2018, le stock d'affaires a progressé de 47 %, passant de 25 511 à la fin de l'année 2017 à 36 868 à la fin de l'année 2018, ce qui s'est traduit par une dégradation du délai moyen constaté de jugement des affaires 90 ( * ) , augmentant de 39 jours (+ 17 %), pour atteindre six mois et 15 jours.

Évolution du délai moyen constaté de jugement des affaires
à la Cour nationale du droit d'asile

(en jours)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En pratique, tandis que le délai pour traiter les recours en procédure normale a été fixé à cinq mois par le législateur 91 ( * ) , le délai moyen constaté atteint huit mois et quatre jours en 2018, contre six mois et 17 jours en 2017 , soit un accroissement de 48 jours.

Le bilan est tout aussi alarmant concernant les recours en procédure accélérée , qui représentent une part croissante des décisions rendues par la Cour (43 % des décisions en 2018, contre 40 % en 2017 et 16,5 % en 2016) : le délai moyen constaté progresse de 42 jours entre 2017 et 2018 (+ 46 %), passant de deux mois et 28 jours à quatre mois et 11 jours, contre une cible initiale de cinq semaines.

Si ces résultats peu engageants résultent en très grande partie de la hausse spectaculaire du nombre de recours enregistré, votre rapporteur spécial relève que les nombreux mouvements sociaux ayant affecté le fonctionnement de la Cour en 2018 ont également contribué à la progression des délais, en multipliant le nombre de renvois. Il importe donc que les créations de poste prévues en loi de finances pour 2019 se traduisent par une amélioration des conditions de travail à la Cour et s'accompagnent d'une diminution des affaires en stock.

2. Malgré une hausse du contentieux, les juridictions administratives affichent une bonne maîtrise des délais de jugement

Les objectifs du principal indicateur de performance du programme ont globalement été respectés en 2018 .

Si la durée moyenne de jugement devant le Conseil d'État augmente de quinze jours par rapport à 2017, pour atteindre sept mois et 27 jours en 2018, elle demeure inférieure à l'objectif fixé ainsi qu'à la prévision réalisée dans le projet annuel de performance pour 2018, s'élevant à neuf mois.

Les délais demeurent maîtrisés tant du côté des tribunaux administratifs que des cours administratives d'appel, malgré une hausse exceptionnellement forte du contentieux (+ 8 % en 2018). Tandis que le délai moyen constaté s'améliore dans les tribunaux administratifs (- 12 jours rapport à 2017), il progresse très faiblement dans les cours administratives d'appel (+ 3 jours).

Cette maîtrise des délais s'accompagne d'un travail de rajeunissement des stocks en première instance, le stock de dossiers de plus de deux ans diminuant de plus de 13 %, ce dont votre rapporteur spécial se félicite .

B. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »

1. Un recours aux attributions de produits pour compenser la hausse des dépenses de personnel

Les crédits ouverts sur le programme 126 ont fait l'objet d'une légère surconsommation en 2018, de l'ordre de 100,73 %, les dépenses de personnel et de fonctionnement se révélant supérieures aux montants inscrits en loi de finances initiale, respectivement de 4,38 % et 16,67 %.

Ces légers dépassements ont nécessité l'ouverture de crédits supplémentaires par voie d'attributions de produits . Issues des recettes de valorisation du Palais d'Iéna, les attributions de produits réalisées en 2018 s'élèvent à 2,58 millions d'euros , soit un montant supérieur à la prévision initiale de 2,1 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial regrette qu'en 2018, à nouveau, près des deux-tiers du montant des attributions de produits réalisées aient abondé les dépenses du titre 2 , alors que le projet annuel de performance prévoyait l'ouverture de crédits d'attributions de produits sur les dépenses hors titre 2.

En effet, dans la mesure où, depuis 2018 , l'État ne prend plus en charge le financement des opérations d'investissement , les attributions de produits revêtent une importance accrue pour le CESE, la rénovation du Palais d'Iéna devant être financée par les recettes issues de sa valorisation . Le recours récurrent aux attributions de produits pour couvrir les dépenses de personnel pourrait donc, à terme, entraver les travaux de rénovation.

2. Portée par le recrutement de personnel qualifié, une activité consultative en hausse

En 2018, l'activité du CESE s'est caractérisée par un rythme soutenu de production intellectuelle , avec 31 avis rendus, contre 27 en 2017, soit un chiffre supérieur à la cible 2020, fixée à 25 avis. Les retombées presse enregistrent également une nette augmentation (+ 10 %), en raison notamment des retombées presse liées à la réforme du CESE.

La progression de cette activité consultative est fortement liée au recrutement de personnel de catégories A+ et A . Ainsi, la loi de finances initiale pour 2018 prévoyait un repyramidage des emplois du CESE, conduisant au recrutement de six agents de catégorie A+ et quatre agents de catégorie A, en remplacement de dix emplois de catégorie C non pourvus. Toutefois, cette année encore, le schéma d'emploi a été sous-exécuté, à + 3 ETPT, portant la consommation d'emplois à 146, contre un plafond fixé à 150 ETPT.

C. LE PROGRAMME 164 « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

1. Une sous-consommation du plafond d'emplois persistante malgré la progression des dépenses de personnel

En exécution 2018, les dépenses de titre 2 ont progressé de 1,8 % par rapport à l'exécution 2017, sous l'effet de mesures catégorielles (revalorisation indemnitaire des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes et revalorisation de l'indemnité mensuelle de technicité pour l'ensemble du personnel) et de l'évolution de la structure du personnel. Ainsi, la part des agents de catégories A+ et A, déjà prépondérante, a continué de progresser en 2018 (+ 30 ETPT par rapport à 2017), tandis que la part des agents de catégorie de B et C a poursuivi sa baisse (- 21 ETPT par rapport à 2017). Cette évolution résulte de l'élargissement des missions de la Cour 92 ( * ) , de la technicité accrue des métiers des juridictions financières, ainsi que de la rationalisation des fonctions support.

En parallèle, malgré un schéma d'emploi de + 9 ETPT, lui permettant d'atteindre 1 772 ETPT, la consommation d'emplois reste inférieure de 3,7 % au plafond prévu en loi de finances initiale pour 2018 (1 840 ETPT 93 ( * ) ). Votre rapporteur spécial relève donc que, cette année encore, la consommation intégrale des crédits alloués à la masse salariale s'accompagne donc d'une sous-consommation du plafond d'emplois .

Pour la Cour des comptes 94 ( * ) , cette situation appelle un e révision du socle de la masse salariale , permettant de combler l'écart entre la budgétisation des crédits et le plafond d'emplois. Cependant, la création de 50 emplois supplémentaires sur la période 2019 - 2022 95 ( * ) pour accompagner l'extension des compétences de contrôle de la Cour devrait permettre un réajustement progressif de la masse salariale.

2. Un effort de maitrise des dépenses de fonctionnement

Par rapport à 2017, les dépenses de fonctionnement ont baissé de 1,2 million d'euros en AE , pour s'établir à 24,35 millions d'euros en 2018. Cette évolution s'explique en premier lieu par la diminution, en 2018, des derniers frais induits par la réforme territoriale , notamment les activités d'équipement. Par ailleurs, la Cour mène depuis plusieurs années une politique active de renégociation des marchés d'expertise liés à la certification des comptes de l'État et du régime général de la sécurité sociale, permettant de réduire les coûts associés à ces activités. Enfin, des économies substantielles ont été réalisées grâce à un recours accru à la mutualisation des achats .

Si ces efforts sont louables, votre rapporteur spécial note que les gains générés par la politique d'optimisation des achats, engagée depuis plusieurs années, sont désormais en passe d'atteindre leur limite , nécessitant d'engager une réflexion quant aux futurs leviers de maîtrise de la dépense.

3. Une maquette budgétaire corrigée pour mieux mesurer l'effet des travaux de certification sur les comptes de l'État et de la sécurité sociale

Le calcul de l'indicateur du programme 164 permettant de mesurer l'effet sur les comptes des travaux de certification 96 ( * ) a été révisé dans le projet annuel de performance pour 2018.

Précédemment, la méthodologie retenue pour le calcul de cet indicateur , mesurant le taux « corrections réalisées/corrections demandées » constitué par la moyenne des taux mesurés pour la certification des comptes de l'État et pour la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, conduisait à une interprétation négative de la performance réalisée . En effet, depuis 2015, ce taux diminuait, non en raison d'une moindre prise en compte des corrections demandées, mais sous l'effet de la fiabilisation des comptes de l'État , se traduisant par une diminution du volume financier d'anomalies détectées par la Cour.

La nouvelle méthode de calcul de cet indicateur correspond, pour un exercice donné, au nombre de constats d'audit formulés par la Cour l'année suivante sur les comptes de l'État et du régime général de sécurité sociale .

En pratique, les prévisions reposent sur l'hypothèse d'une poursuite de la fiabilisation des comptes , entrainant une diminution du nombre de constats d'audit. La nouvelle méthode de calcul rend cette évolution plus lisible : tandis que 135 constats ont été réalisés en 2017, une cible de 117 constats était fixée pour 2018. La prévision actualisée annonce cependant 131 constats d'audits pour l'année 2018 , témoignant des difficultés de l'administration pour répondre aux constats d'audit relevés sur les comptes .

D. LE PROGRAMME 340 « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

1. Un taux de consommation des crédits en nette diminution

Atteignant près de 80 % en 2017, le taux de consommation des crédits inscrits au programme 340 a chuté à 71 % en 2018 . Cette sous-consommation s'explique par une légère surbudgétisation des crédits de personnel d'une part, et par l'absence de recours à des prestations d'études en 2018 d'autre part. La dotation du titre 3, relative aux dépenses de fonctionnement, n'a ainsi été consommée qu'à hauteur de 25 % en CP.

2. La pertinence du programme toujours en question

Compte tenu du faible montant des crédits inscrits et de l'absence de réelle mesure de la performance - le programme ne comprenant qu'un seul indicateur, satisfait à 100 % chaque année - votre rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de l'existence de ce programme . Cette observation, réitérée depuis plusieurs années, est partagée par le Gouvernement et la Cour des comptes, mais toute modification portant sur l'existence du programme 340 ne pourra être réalisée qu'à travers une loi organique .

MISSION « CULTURE » - MM. Vincent Éblé et Julien Bargeton,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une exécution conforme à la budgétisation initiale

L'exécution des crédits de la mission « Culture » a été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2018 . Les dépenses de la mission s'élèvent ainsi pour l'année 2018 à environ 2,97 milliards d'euros, en autorisations d'engagement et 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement . Le taux d'exécution des crédits de la mission s'établit à 95,7 % pour les autorisations d'engagement et 98,9 % pour les crédits de paiement.

Exécution des crédits de la mission « Culture » par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

LFI 2018

Consommé 2018

Taux d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

932,09

904,69

899,76

898,25

96,53 %

99,29 %

Création

848,72

779,09

850,31

795,78

100,19 %

102,14 %

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 328,79

1 263,81

1 225,44

1 219,86

92,22 %

96,52 %

Total

3 109,60

2 947,60

2 975,51

2 913,90

95,69 %

98,86 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation des crédits de paiement de la mission « Culture » est restée, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », conforme à la trajectoire définie par la programmation pluriannuelle 97 ( * ) . Celle-ci avait prévu un montant de 2,73 milliards d'euros pour l'année 2018, l'exécution a été inférieure à ce montant de 27 millions d'euros.

Exécution des crédits de la mission « Culture », hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » par rapport à la programmation pluriannuelle

(en milliards d'euros, en crédits de paiement)

LPFP

Exécution

Écart

2,73

2,7

0,03

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les principales caractéristiques de l'exécution par programmes sont les suivantes :

- le taux d'exécution du programme « Patrimoines » est relativement élevé en 2018, proche de 100 % pour les crédits de paiement. Cette situation s'explique notamment par une consommation quasi intégrale des crédits destinés à l'entretien des monuments historiques et rendue possible par le dégel en fin de gestion des crédits mis en réserve initialement ( cf. infra ) ;

- le programme « Création » a connu, comme en 2017, une légère surexécution , puisque le taux d'exécution dépasse, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, le seuil de 100 %. Cette situation résulte de la nature des dépenses portées par le programme, en grande partie contraintes par des conventionnements passés avec des établissements culturels ;

- le taux d'exécution le moins élevé de la mission est celui du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . En effet, sont inscrits dans ce programme à la fois les crédits des politiques transversales de la mission « Culture » et les crédits support du ministère de la culture, dont les dépenses de personnel. C'est ce programme qui offre le plus de marges de gestion.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Évolution entre l'exéc. 2018 et l'exéc. 2017

Évolution entre l'exéc. 2018 et la LFI 2018

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Total

Dont T2

Patrimoines

AE

931,5

932,1

899,8

-3,4%

-31,7

0,0

-3,5%

-32,3

0,0

CP

877,7

904,7

898,2

2,3%

20,5

0,0

-0,7%

-6,4

0,0

Création

AE

780,5

848,7

850,3

8,9%

69,8

0,0

0,2%

1,6

0,0

CP

784,2

779,1

795,8

1,5%

11,6

0,0

2,1%

16,7

0,0

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

AE

1 196,0

696,8

1 328,8

711,4

1 225,4

709,0

2,5%

1,8%

29,4

12,2

-7,8%

-0,3%

-103,4

-2,4

CP

1 187,2

696,8

1 263,8

711,4

1 219,9

709,0

2,8%

1,8%

32,7

12,2

-3,5%

-0,3%

-43,9

-2,4

Total

AE

2 908,0

696,8

3 109,6

711,4

2 975,5

709,0

2,3%

1,8%

67,5

12,2

-4,3%

-0,3%

-134,1

-2,4

CP

2  849,1

696,8

2 947,6

711,4

2 913,9

709,0

2,3%

1,8%

64,8

12,2

-1,1%

-0,3%

-33,7

-2,4

Source : commission des finances du sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses de personnel de la mission sont toutes rassemblées au sein du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », pour un montant exécuté en 2018 de 708,99 millions d'euros, en augmentation de 1,75 % par rapport à l'année précédente. Le plafond d'emplois a été respecté , puisque le plafond exécuté s'élève à 10 922 ETPT, c'est-à-dire 210 ETPT inférieur au plafond d'emplois ministériel autorisé. La Cour des comptes appelle à une diminution de cet écart, tout en reconnaissant la difficulté du ministère de la culture à pourvoir l'ensemble des vacances de postes. Vos rapporteurs spéciaux ont souligné à plusieurs reprises par le passé le défaut d'attractivité des emplois du ministère de la culture en raison d'un décalage indemnitaire avec les autres ministères.

2. L'exécution 2018 du budget des opérateurs rattachés à la mission

De nombreux opérateurs sont rattachés à chacun des programmes de la mission : au total, 74 opérateurs sont répartis entre les programmes « Patrimoines », « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le montant de l'ensemble des subventions qui leur sont versées (subventions pour charges de service public et dotations en fonds propres) s'établit en 2018 à 1,03 milliard d'euros en crédits de paiement , en augmentation de 23 millions d'euros par rapport à l'année 2017.

Les écarts constatés en 2018 entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont principalement imputables :

- pour le Centre des monuments nationaux, à une subvention complémentaire destinée à l'entretien des monuments historiques (5,45 millions d'euros), une avance sur le montant des investissements de 2019 (19 millions d'euros en autorisations d'engagement et 15 millions d'euros en crédits de paiement), le début des opérations concernant la réhabilitation du château de Villers-Cotterêts (3,8 millions d'euros) et d'autres opérations non prévues pour un montant de 6,45 millions d'euros (dont 500 000 euros consacrés à la réparation de l'Arc de Triomphe en décembre 2018) ;

- pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), à un transfert de 29,6 millions d'euros au titre du financement du fonds national d'archéologie préventive. Ce transfert a lieu chaque année ;

- pour l'Opéra national de Paris, au versement de deux compléments de subvention d'investissement dans le cadre du projet de la salle modulable à Bastille. Le montant total de ces versements s'élève à 33,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 24,5 millions d'euros en crédits de paiement ;

- pour l'établissement public du parc et de la grande halle de la Villette, au versement de deux subventions spécifiques, l'une pour les travaux de modernisation et d'isolation acoustique du Zénith (3,6 millions d'euros) et l'autre pour les travaux relatifs à la construction d'un nouveau bâtiment d'exploitation du Parc (6,2 millions d'euros).

Montant des subventions versées aux opérateurs rattachés à la mission « Culture »
en 2017 et en 2018

(en millions d'euros)

Exécution 2017

Prévision LFI 2018

Exécution 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Patrimoines

541,07

527,09

445,32

452,32

521,17

521,15

Création

302,56

303,18

280,75

281,35

341,51

326,61

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

183,37

178,60

162,89

192,89

186,58

184,26

Total

1 027,00

1 008,87

888,95

926,55

1 049,26

1 032,02

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Les dépenses fiscales rattachées à la mission

Le soutien budgétaire aux politiques culturelles de la mission « Culture » est complété par un ensemble de dépenses fiscales qui sont rattachées à la mission, 22 au total, dont 14 pour le programme « Patrimoines ». Le montant exécuté de ces dépenses fiscales s'élève en 2018 à 302 millions d'euros . Ce montant est globalement stable par rapport à l'année 2017, et légèrement en dessous des prévisions initiales de la loi de finances pour 2018 qui estimait le montant total à 315 millions d'euros pour cette même année.

À nouveau cette année, la Cour des comptes souligne dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire que le pilotage des dépenses fiscales de la mission « Culture » pourrait être amélioré si le ministère de la culture pouvait disposer des données économiques et fiscales pertinentes. Vos rapporteurs spéciaux ont plusieurs fois appelé à une clarification de la répartition des bénéficiaires des dépenses fiscales dans le domaine culturel, y compris pour celles, importantes en montant, qui ne sont pas rattachées à la mission « Culture » 98 ( * ) .

Évolution du montant des dépenses fiscales rattachées aux programmes
de la mission « Culture »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une utilisation perfectible de la réserve de précaution

L'utilisation de la réserve de précaution dans le cadre de la mission « Culture » apparaît perfectible , à deux égards en particulier.

La réserve de précaution appliquée aux crédits de la mission, y compris aux subventions versées aux opérateurs qui lui sont rattachés, a été abaissée en 2018 de 8 % à 3 %. Néanmoins, cette réserve devrait, sauf aléas de gestion, être annulable selon la conception de la direction du budget. Deux exemples au sein de la mission « Culture » montrent que l'utilisation de cette réserve pourrait être améliorée par les gestionnaires du ministère de la culture.

Tout d'abord, le programme « Création » a bénéficié, dès le mois de juillet 2018, d'un dégel intégral des crédits mis en réserve. La raison de ce dégel à une date relativement précoce de l'année est imputée, selon la Cour des comptes 99 ( * ) , à la demande des organisateurs de festivals d'été. Cette situation est d'autant plus regrettable que des besoins de fin de gestion, non prévus dans la loi de finances initiale, ont nécessité l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative, pour un montant comparable, autour de 20 millions d'euros. Il s'agissait alors de financer l'aménagement de la salle modulable de l'Opéra de Paris.

Compte tenu des observations du responsable du programme qui estime que le financement intégral de l'ensemble des organismes culturels labellisés ne pourrait pas être assuré dans le cadre de l'enveloppe de crédits disponibles en début de gestion pour le programme « Création », la Cour des comptes recommande au ministère de prévoir un mécanisme qui pallierait l'annulation intégrale ou partielle des crédits mis en réserve.

La réserve de précaution est par ailleurs appliquée aux bourses sur critères sociaux, financées sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui constituent pourtant une dépense inéluctable . La pratique d'une surbudgétisation de ces bourses, doublée d'une application de la mise en réserve en début de gestion, constitue pour le ministère de la culture une « niche budgétaire » qui permet aux gestionnaires du programme de bénéficier d'une certaine souplesse de gestion. C'est pourquoi la Cour des comptes maintient une recommandation formulée à plusieurs reprises depuis 2013 : « cesser la pratique consistant à appliquer la réserve de précaution sur les bourses sur critères sociaux, dépenses inéluctables ». Vos rapporteurs spéciaux y souscrivent.

2. Des investissements qui appellent à une vigilance renforcée

Vos rapporteurs spéciaux ont mis en évidence dans leurs précédents rapports, tant en loi de finances initiale qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, la nécessité de maintenir une vigilance sur l'important programme d'investissements immobiliers du ministère de la culture.

L'exécution 2018 donne plusieurs indices du poids financier que les nombreux chantiers d'envergure engagés par le ministère et ses opérateurs vont faire peser sur le budget de la mission « Culture ». Si la soutenabilité de la mission n'est pas en question à court terme, il apparaît en revanche indispensable de veiller à ne pas déstabiliser l'équilibre de la mission en engageant de nouveaux projets.

Une première indication du poids financier croissant du programme d'investissements immobiliers sur la mission est l' augmentation du montant des restes à payer de la mission en 2018, qui correspondent au solde des engagements n'ayant pas donné lieu à consommation de crédits de paiement au 31 décembre 2018. Ceux-ci sont évalués pour l'exécution 2018 à 808,43 millions d'euros, ce qui constitue une augmentation de près de 58 millions d'euros en un an. La baisse constatée de ces restes à payer de 2012 à 2016 correspondait à la fin d'un cycle de grands chantiers culturels. Leur augmentation à compter de la fin de l'année 2017 est donc le signe d'une reprise des grands projets immobiliers qu'il convient de surveiller avec attention.

Si la part la plus importante de ces restes à payer correspond à des engagements portés par le programme « Patrimoines », on constate également une forte progression en 2018 du montant des restes à payer du programme « Création », qui augmentent de 52,09 millions d'euros en 2017 à 106,58 millions d'euros en 2018. Il s'agit d'un doublement du montant de ces engagements non couverts par des crédits de paiement, dont la part au sein de l'ensemble des restes à payer de la mission « Culture » a également doublé. Cette évolution reflète la relance des investissements du programme, en particulier la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin et la Cité du théâtre aux ateliers Berthier.

Évolution du montant des restes à payer de la mission « Culture »,
par programme, de 2012 à 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, la dynamique de la politique d'investissements de la mission « Culture » se traduit également à travers l'augmentation constatée du montant des dépenses de titre 7 , les dépenses d'opérations financières, qui correspondent aux dotations en fonds propres versées aux opérateurs de la mission. Ces dépenses s'ajoutent aux dépenses d'investissement, de titre 5, pour donner une image exhaustive de la politique de la mission « Culture » en la matière.

En 2018, les dotations en fonds propres versées aux opérateurs représentaient 211,64 millions d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de 28 millions d'euros en un an, et 194,52 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire 30 millions d'euros de plus qu'en 2017.

Le lancement à l'automne 2018 du projet de réhabilitation du Château de Villers-Cotterêts et de création d'un laboratoire de la francophonie constitue en ce sens un nouvel investissement d'ampleur pour la mission « Culture », qui s'ajoute aux grands chantiers déjà engagés et dont il conviendra de suivre les coûts et les délais de mise en oeuvre.

3. Un contexte favorable à l'entretien et à la restauration des monuments historiques

Vos rapporteurs spéciaux observent que l'exécution budgétaire du programme « Patrimoines » en 2018 confirme la tendance favorable à l'entretien et à la restauration des monuments historiques . Ce contexte, porté par la mission sur le patrimoine en péril confiée à Stéphane Bern et par l'organisation du premier loto du patrimoine à l'occasion des journées européennes du patrimoine en septembre 2018, a permis la réalisation de projets de restauration et d'entretien de monuments historiques qui se traduit par un taux d'exécution des crédits dédiés au sein du programme « Patrimoines » en très nette augmentation. Les crédits de paiement consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques ont ainsi été exécutés à 93,8 %, en augmentation de 10 points par rapport à l'année précédente.

Comparaison des crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques en 2017 et 2018 (hors grands projets)

(en millions d'euros et en %)

Prévisions LFI

Exécution

Taux d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2017

313,08

293,20

260,09

245,60

83,1 %

83,8 %

2018

326,24

292,85

284,91

274,77

87,3 %

93,8 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette meilleure consommation des crédits votés en loi de finances initiale s'explique par le dégel intégral , en fin de gestion, des crédits du programme mis en réserve initialement, qui ont très majoritairement été affectés à l'entretien et la restauration des monuments historiques à travers le versement au Centre des monuments nationaux de crédits destinés au financement des opérations identifiées dans le cadre de la mission Bern.

Vos rapporteurs se satisfont de ce regain d'intérêt pour la préservation des monuments historiques et de la traduction qu'il a trouvé dans l'exécution du budget 2018. Ils souhaitent la poursuite de cette politique, notamment à destination du patrimoine des petites communes, parallèlement à la conduite des opérations de plus grande envergure, au premier rang desquelles la restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris à la suite de l'incendie du 15 avril 2019.

MISSION « DÉFENSE » - M. Dominique de Legge, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

En 2018, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission « Défense » se sont élevées à 45,68 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 43,29 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un taux de consommation s'élevant à 95,48 %en AE et 99,99 % en CP. Il convient de relever que les dotations prévues en loi de finances initiale sont identiques à celles prévues par la loi de programmation des finances publiques.

Entre 2017 et 2018, les dépenses ont augmenté de 1,8 milliard d'euros en AE et de 1 milliard d'euros en CP . Comme lors de la précédente exécution, cette hausse est principalement portée par les programmes 212 « Soutien de la politique de défense » et 146 « Équipement des forces » .

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en autorisations d'engagement

(en euros)

Exécution 2017

Prévision 2018

Exécution 2018

Taux d'exécution

Évolution des dépenses (2017-2018)

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 429 203 446

1 443 246 886

1 435 018 485

99,43 %

0,41 %

178 - Préparation et emploi des forces

8 687 036 101

9 194 480 316

8 728 665 886

94,93 %

0,48 %

212 - Soutien de la politique de défense

22 477 871 445

23 475 663 979

23 034 105 749

98,12 %

2,41 %

146 - Équipement des forces

11 272 497 954

13 727 695 193

12 483 221 589

90,93 %

9,70 %

Total

43 866 608 946

47 841 086 374

45 681 011 709

95,48 %

3,97 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en crédits de paiement

(en euros)

Exécution 2017

Prévision 2018

Exécution 2018

Taux d'exécution

Évolution des dépenses (2017-2018)

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 370 203 609

1 395 781 759

1 394 974 330

99,94 %

1,78 %

178 - Préparation et emploi des forces

8 537 256 182

8 443 380 262

8 962 768 820

106,15 %

4,75 %

212 - Soutien de la politique de défense

22 346 043 300

23 143 696 896

22 919 129 385

99,03 %

2,50 %

146 - Équipement des forces

10 004 533 324

10 309 946 885

10 009 685 339

97,09 %

0,05 %

Total

42 258 036 415

43 292 805 802

43 286 557 874

99,99 %

2,38 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme lors de la précédente exécution, l'augmentation des AE entre 2017 et 2018 résulte pour l'essentiel d'une hausse des dépenses de titre 5 (investissement), à hauteur de 1,9 milliard d'euros , et de titre 2 (personnel), à hauteur de 594 millions d'euros . Les dépenses de fonctionnement diminuent quant à elles de 480 millions d'euros par rapport à l'exécution 2017.

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en euros)

Exécution 2017

Prévision 2018

Exécution 2018

Taux d'exécution

Évolution des dépenses (2017-2018)

Titre 2

20 122 277 773

20 562 287 012

20 364 960 481

99,04 %

1,19 %

Titre 3

13 902 847 333

12 241 505 147

13 422 331 468

109,65 %

- 3,58 %

Titre 4

Titre 5

9 527 698 458

14 697 926 502

11 520 256 401

78,38 %

17,30 %

Titre 6

269 502 120

325 513 217

351 234 014

107,90 %

23,27 %

Titre 7

44 283 262

13 854 496

22 229 337

160,45 %

- 99,21 %

Total

43 866 608 946

47 841 086 374

45 681 011 701

95,48 %

3,97 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En CP, la hausse constatée est imputable à une augmentation des dépenses de personnel (+ 243 millions d'euros), de fonctionnement (+ 235 millions d'euros) et d'investissement (+ 463 millions d'euros).

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en euros)

Exécution 2017

Prévision 2018

Exécution 2018

Taux d'exécution

Évolution des dépenses (2017-2018)

Titre 2

20 122 277 773

20 562 287 012

20 364 960 481

99,04 %

1,19 %

Titre 3

13 342 933 769

12 086 148 472

13 577 770 295

112,34 %

1,73 %

Titre 4

Titre 5

8 499 436 749

10 269 380 491

8 962 717 090

87,28 %

5,17 %

Titre 6

273 057 055

336 283 089

332 523 033

98,88 %

17,88 %

Titre 7

20 331 069

38 706 738

48 586 975

125,53 %

58,16 %

Total

42 258 036 415

43 292 805 802

43 286 557 874

99,99 %

2,38 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution 2018 n'a donné lieu à aucun décret d'avance : les ouvertures et annulations de crédits en cours d'exercice ont été réalisées intégralement par la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018 100 ( * ) , dont le solde total est nul pour la mission « Défense » ; et des mesures réglementaires. Au total, la consommation des crédits de paiement de la mission a été inférieure de 119 millions aux crédits finalement ouverts.

Le faible montant des reports de début d'exercice (38,87 millions d'euros) contraste avec les reports massifs qui étaient effectués depuis la fin de gestion 2015 et qui avaient finalement été consommés dans les derniers jours de l'exercice 2017 101 ( * ) . Les fonds de concours et attributions de produits dont a bénéficié la mission représentent un montant significatif, de 783,89 millions d'euros.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

(en CP, en millions d'euros)

Programme

LFI 2018

LFI 2018 (hors FDC et ADP*)

Virement ou transfert

Décrets d'annulation

Reports

Fonds de concours et attributions de produits

LFR de fin de gestion

Ouvertures / annulations

Crédits ouverts

Exécution 2018

144

1 395,65

1 395,78

19,07

0,00

0,00

0,25

- 20,00

- 0,81

1 394,97

1 394,97

178

8 066,88

8 443,38

93,30

- 0,02

7,68

700,98

404,19

529,90

8 973,28

8 962,77

212

22 845,70

23 143,70

-97,79

0,00

29,24

13,79

- 65,00

- 118,02

23 025,68

22 919,13

146

10 243,25

10 309,95

16,28

- 0,05

2,05

68,87

- 319,19

- 298,74

10  011,21

10 009,69

Total

42 551,48

43 292,81

30,87

- 0,07

38,98

783,89

0

112,34

43 405,14

43 286,56

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un surcoût Opex marqué par une sous-budgétisation chronique et une absence de solidarité interministérielle contraire aux dispositions de la loi de programmation militaire

La loi de finances pour 2018 avait inscrit un niveau de crédits au titre du surcoût des opérations extérieures (Opex) s'élevant à 345 millions d'euros en dépenses de personnel pour le titre 2 (245 millions d'euros pour les Opex et 100 millions d'euros pour les missions intérieures) et de 405 millions d'euros hors titre 2.

Comme l'avait prévu votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 102 ( * ) , compte tenu du niveau de consommation des années antérieures, cette provision totale de 750 millions d'euros a été significativement dépassée, la dépense au titre des Opex et des Missint s'élevant in fine à un niveau record de 1,36 milliard d'euros .

L'écart à la prévision reste significatif, même s'il est largement inférieur à celui constaté lors de l'exécution 2017 .

Évolution des surcoûts Opex et Missint

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données de la direction du budget

La couverture des besoins de financements additionnels a été réalisée en 2018 par la loi de finances rectificative 103 ( * ) , qui ouvre 404,19 millions d'euros au bénéfice du programme 178 et compense intégralement ces ouvertures par des annulations du même montant touchant d'autres programmes de la mission. Des virements et des redéploiements internes ont également été effectués.

Financement du surcoût Opex-Missint non prévu par la dotation budgétaire

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La compensation intégrale au sein de la mission « Défense », par des annulations et reploiements, des ouvertures de crédits nécessaires au financement du surcoût résultant des Opex et des Missint est contraire au principe de financement interministériel figurant à l'article 4 de la précédente loi de programmation militaire et repris dans la loi de programmation militaire 2019-2025, aux termes duquel « en gestion, les surcoûts nets [...] non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel. Hors circonstances exceptionnelles, la participation de la mission Défense à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État ». Ainsi que le relève la Cour des comptes dans sa note relative à l'exécution budgétaire 2018 de la mission « Défense », « le Parlement a adopté, à moins de cinq mois d'intervalle, deux positions contradictoires ».

Si le mécanisme de solidarité interministérielle devrait avoir moins à jouer à mesure que la dotation budgétaire Opex-Missint sera augmentée, son absence totale dès 2018 constitue une contravention flagrante et regrettable de la nouvelle loi de programmation militaire. Il conviendra que la clause de sauvegarde prévue à l'article 4 du projet de loi de programmation militaire, permettant un financement interministériel de ceux-ci, soit effectivement activée .

Votre rapporteur spécial estime que la sincérité de l'évaluation du coût des Opex constitue en réalité la seule vraie solution à cette difficulté chronique . Comme le relève la Cour des comptes ; « au fur et à mesure que progressera cette sincérité, la justification même de ce mécanisme disparaîtra dans son principe ».

Votre rapporteur spécial note, à cet égard, que la hausse progressive de la provision Opex et Missint prévue dans le projet de loi de programmation militaire, qui passera de 650 millions d'euros en 2018 à 850 millions en 2019 puis à 1,1 milliard d'euros à compter de 2020 - qui répond à une demande constante de votre commission des finances - va dans le bon sens . Compte tenu des niveaux constatés au cours des dernières années, et sauf réduction significative des engagements français à l'étranger et sur le territoire national, cette hausse ne devrait cependant pas permettre de couvrir l'intégralité des surcoûts. La prévision reste, en effet, largement inférieure à la moyenne des dépenses constatées en la matière depuis 2018.

Provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures prévue par la loi de programmation militaire 2019-2025 104 ( * )

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Une exécution du schéma d'emplois inférieure aux prévisions, traduisant les difficultés de recrutement et de fidélisation des armées...

Le schéma d'emplois exécuté au 31 décembre 2018 s'établit à + 346 ETP, en retrait de 172 ETP par rapport à la loi de finances pour 2018 (+ 518 ETP). Cet écart résulte essentiellement des départs de personnels militaires supérieurs aux prévisions.

Concernant le personnel militaire, ce sous-effectif est porté essentiellement par les sous-officiers et les militaires du rang des trois armées. Il relève de départs supplémentaires, imputables à une forte concurrence du secteur privé, alors même que les recrutements sont portés à des niveaux élevés (environ 26 000, hors volontaires du service militaire volontaire et hors apprentis). Ce constat a d'ailleurs incité votre rapporteur spécial à mener actuellement un contrôle budgétaire sur la gestion des ressources humaines du ministère des armées.

En gestion, afin de réduire le sous-effectif prévisionnel, la DRH-MD a autorisé certains employeurs à dépasser leurs cibles, en compensation des sous-effectifs portés par d'autres. Ce sous-effectif de personnel militaire est en partie compensé par le sureffectif de personnel civil, porté par le SRHC, la DGSE et la DGA, tandis que le SSA présente également un sous-effectif.

Schémas d'emplois de la mission « Défense »

(en ETP)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023-2025

Prévisions

LPM
2019-2025

450

300

300

450

1500

LFI

464

518

466

Exécution

760

346

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

En prenant en compte le retard accumulé sur les exercices précédents, le sous-effectif ministériel s'élève à - 583 ETPE, au regard d'un schéma d'emplois cible de 929 ETPE.

3. ... en partie responsable d'une sous-exécution exceptionnelle des dépenses de personnel

Contribution au CAS « Pensions » incluse, les dépenses de personnel (titre 2) se sont élevées à 20,4 milliards d'euros en 2018 , contre 20,1 milliards d'euros en 2017, soit un niveau de consommation inférieur à la prévision inscrite en loi de finances (20,6 milliards d'euros). Hors CAS « Pensions », les dépenses de titre 2 ont progressé de 100 millions d'euros, passant de 12 milliards d'euros en 2017 à plus de 12,1 milliards d'euros en 2018 .

Dépenses de personnel de la mission « Défense »

(en euros, en AE/CP)

Catégorie

Exécution 2017

Prévision
LFI 2018

Exécution 2018

Écart

Rémunération d'activité

10 254 964 704

10 182 506 544

10 393 836 178

211 329 634

Cotisations et contributions sociales

9 568 196 881

9 788 089 977

9 688 551 858

-99 538 119

Prestations sociales et allocations diverses

299 116 188

316 359 412

282 572 445

-33 786 967

Total Titre 2 (y.c. CAS Pensions)

20 122 277 773

20 286 955 933

20 364 960 481

78 004 548

Total Titre 2 (hors CAS Pensions)

12 004 906 007

11 936 213 730

12 114 525 406

178 311 676

FDC et ADP prévus

275 331 079

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Ainsi, hors redéploiements pour couvrir les surcoûts Opex et Missint, le ministère des armées aurait présenté un excédent en T2 (rémunération hors CAS « Pensions ») de 211 millions d'euros.

Des marges d'environ 150 millions d'euros ont été identifiées au cours de la gestion, liées pour une part significative (environ les deux tiers 105 ( * ) ) à la sous-réalisation des cibles en effectifs du personnel militaire . Par ailleurs, les départs de l'institution ont été plus importants que les prévisions alors que les recrutements, intervenus plus tardivement dans l'année, n'ont compensé que partiellement ces départs. On constate en outre de moindres dépenses d'indemnisation au titre du chômage, des aides aux restructurations (moindres attributions en pécules réalisées afin de limiter le dépassement des cibles en sorties définitives) et un niveau de réalisation inférieur à 2017 en indemnités de départ du personnel non-officier, en accidents du travail et maladies professionnelles - par nature difficiles à prévoir 106 ( * ) .

Ces marges ont été redéployées en fin de gestion vers le financement des Opex et des Missint : 38 millions d'euros vers des dépenses de masse salariale et 111 millions d'euros vers les dépenses hors masse salariale portées par le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Un mouvement de fongibilité asymétrique de 2,5 millions d'euros a également été réalisé au profit des ressources hors T2 du programme 212 « Soutien et emploi des forces », dans le cadre du plan « Familles ». Sur l'exercice, les crédits de personnel hors CAS « Pensions », présentaient un reliquat non consommé de 2,8 millions d'euros.

S'il peut être compréhensible qu'en phase de recrutement et de « remontée en puissance », des sous-consommations soient observées 107 ( * ) (celles de l'an dernier, déjà significatives, représentaient 88 millions d'euros), votre rapporteur spécial reste préoccupé par une telle différence entre la prévision et l'exécution . Il a toutefois pu constater, lors des auditions du secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense que la mesure du problème avait été pleinement prise. Le ministère des armées a ainsi veillé à modifier sa méthode de construction budgétaire, qui sera dorénavant fondée sur les exercices passés et les départs observés, plutôt que sur un modèle purement prévisionnel comme c'était le cas jusqu'alors.

4. Une poursuite de l'augmentation des restes à payer, traduisant l'effort d'investissement de la mission

Le montant des restes à payer de la mission « Défense » au 31 décembre 2018, s'élevait, selon le compte général de l'État, à 53,4 milliards d'euros , soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2017.

Évolution des restes à payer

(en millions d'euros)

Par ailleurs, ce montant devrait mécaniquement croître du fait de l'augmentation des investissements prévue par nouvelle loi de programmation militaire, en matière d'armement, d'infrastructure et de maintenance. Votre rapporteur spécial ne peut, par conséquent, une nouvelle fois, que se féliciter du revirement opéré par le Gouvernement, qui a prévu dans la loi de programmation militaire 2019-2025 108 ( * ) que l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 109 ( * ) , qui plafonne le montant des restes à payer de l'État à son niveau de 2017, ne s'applique pas au ministère des armées .

5. Un taux de réalisation insuffisant pour certains équipements pourtant majeurs pour les armées

Le taux de réalisation des principales opérations d'armement - qui mesure l'état d'avancement des commandes, des livraisons, des jalons techniques ou des étapes importantes du programme à franchir dans l'année considérée - s'est élevé à 62 % en 2018, pour une cible et une prévision fixées à 85 % .

Taux de réalisation des équipements

(en pourcentage)

2015

2016

2017

2018

2018

2018

Réalisation

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2018

Réalisation

Écart

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces dissuasion

100

100

90

100

10

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces commandement et maîtrise de l'information

71,6

49,7

53

80

44,4

- 35,6

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces projection- mobilité- soutien

85

93,3

81,4

80

76,7

- 3,3

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces engagement et combat

69,8

84,4

72,8

85

65,2

- 19,8

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales du système de forces protection et sauvegarde

78

66,7

75

85

62,6

- 22,4

Progression dans la réalisation des opérations d'armement principales

75,4

67,2

65,8

85

62

- 23

Taux de réalisation des livraisons valorisées

62,7

93,3

79,1

85

84,1

- 0,9

Source : rapport annuel de performances pour 2018

Les systèmes de force « Commandement et maîtrise de l'information » et « protection et sauvegarde » sont marqués par des taux de réalisation particulièrement éloignés des cibles.

Pour le système de forces « Commandement et maîtrise de l'information », la progression dans la réalisation des équipements en 2018 atteint 44,4 %, soit - 35,6 points par rapport à l'objectif de 80 %. Cet écart est lié au non franchissement des jalons suivants : la livraison d'un radar HMA rénové, du 1 er radar tactique 3D, de 200 kits de numérisation SI Terre, de SIA V1, du 1 er niveau de capacité (SIA terre NC1), de 17 stations segment sol COMCEPT, de 300 TEOTAB, de 5 modules projetables SIA, de la fin de la composante PARADOS et du 1 er ALSR ; les commandes du centre ACCS de remplacement et de 46 modules projetables SIA ; le lancement des stades de réalisation CUGE et CONTACT intégration véhicule.

Pour le système de forces « Protection et sauvegarde », la progression dans la réalisation des équipements atteint 62,6 %, soit - 22,4 points par rapport à l'objectif de 85 %. L'écart avec l'objectif est lié à l'absence de livraison de l'installation SECOIA, de 12 missiles Aster 15, de 25 missiles MIDE et d'un B2M.

Votre rapporteur spécial ne peut que regretter les retards pris sur certains programmes , en particulier les livraisons de trois hélicoptères Tigre, de trois Rafale, de 2 Rafale rétrofités, de 10 Mirage 2000D rénovés (sur une commande de 50 aéronefs) et de 50 chars Leclerc rénovés, alors que ces derniers sont majeurs pour les armées .

MISSION « DIRECTION DE L'ACTION
DU GOUVERNEMENT » ET BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES
ET INFORMATION ADMINISTRATIVE » - M. Michel Canévet, rapporteur spécial

I. MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe diverses entités rattachées au Premier ministre : outre les services du Premier ministre à proprement parler (programme 129 - Coordination du travail gouvernemental), y figurent neuf autorités administratives indépendantes et assimilées (programme 308 - Protection des droits et libertés), ainsi que divers services interministériels déconcentrés (programme 333 - Moyens mutualisés des administrations déconcentrées).

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait, hors fonds de concours et attributions de produits, 1,61 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,48 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) au titre de la mission.

La consommation des crédits de la mission s'est élevée à 1,34 milliard d'euros en AE et 1,39 milliard d'euros en CP , soit un taux d'exécution de 83 % en AE et 94 % en CP .

Cette faible exécution s'inscrit dans la continuité du précédent exercice , où respectivement 89 % et 93 % des crédits en AE et en CP prévus par la loi de finances initiale pour 2017 avaient été consommés.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en euros)

Programme

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits ouverts en 2018

Crédits exécutés en 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Taux d'exécution 2018 par rapport à la prévision LFI

Taux d'exécution 2018 par rapport aux crédits ouverts

Coordination du travail gouvernemental

AE

605 818 473

684 075 912

656 126 922

615 198 828

+ 1,4%

90 %

94 %

CP

619 386 383

712 190 615

685 611 323

635 356 025

+ 2,6%

89 %

93 %

Protection des droits et libertés

AE

84 819 968

96 515 815

102 016 867

91 873 368

+ 8,2%

95 %

90 %

CP

90 148 777

97 416 805

97 441 753

92 798 035

+ 3,3%

95 %

95 %

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

AE

746 091 713

826 377 919

818 910 664

630 141 986

- 15,5%

76 %

77 %

CP

655 907 134

670 836 851

669 601 609

658 179 232

+ 0,3%

98 %

98 %

Total de la mission

AE

1 436 730 154

1 606 969 646

1 577 054 453

1 337 214 182

- 7%

83 %

85 %

CP

1 365 442 294

1 480 444 271

1 452 654 685

1 386 333 292

+ 1,5%

94 %

95 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La baisse de 7 % en AE constatée entre l'exécution 2017 et l'exécution 2018 est principalement due à une importante sous-consommation (76 %) des crédits alloués (826 millions d'euros) par la loi de finances pour 2018 au programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées (cf. B.1. infra ).

L' augmentation de 1,5 % de la consommation en CP entre 2017 et 2018 résulte quant à elle principalement :

- d'une part, de la hausse des dépenses de titre 6, consécutives à des crédits (11 millions d'euros) attribués dans le cadre du programme d'investissements d'avenir à la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) ;

- d'autre part, de l'accroissement des indemnisations (4 millions d'euros) versées par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) à la suite de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer (dite « EROM »), qui a introduit une nouvelle méthodologie d'appréciation des dossiers des demandeurs.

Évolution des crédits de paiement de la mission
« Direction de l'action du Gouvernement » depuis 2013

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

L'exécution budgétaire de la mission s'est en outre caractérisée par une mise en réserve (3 % hors titre 2) moins importante qu'en 2017 (8 % hors titre 2). Comme habituellement, la réserve du programme 129 Coordination du travail gouvernemental a principalement servi à couvrir les besoins pour les fonds spéciaux, qui se sont élevés à un total de 88 millions d'euros (contre 67 millions en 2017). Les besoins en matière de financement de projets liés à la sécurité de l'État se sont également traduits, comme les autres années, par d'importants transferts sortants du SGDSN au profit des missions « Défense » et « Sécurités » . Comme le soulignait déjà votre rapporteur spécial dans son précédent rapport, ces besoins importants et par nature imprévus en matière de sécurité sont sources de difficultés pour estimer avec fiabilité les besoins du programme 129 en LFI et porter une appréciation sur l'exécution budgétaire en cours d'année.

L'exercice 2018 s'est enfin caractérisé par un écart significatif entre le plafond d'emplois prévisionnel et le plafond d'emplois réalisé , notamment sur le programme 129 (- 228 ETPT). Cet écart s'explique en partie par d'importantes vacances frictionnelles, liées notamment aux difficultés de recrutement de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) concernant certains profils hautement spécialisés , en dépit de la revalorisation du régime indemnitaire intervenue en 2018. Votre rapporteur spécial avait déjà attiré l'attention sur ce point dans sa communication du 18 avril 2018 relative à la montée en puissance de l'ANSSI.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une sous-exécution récurrente qui interroge sur le montant des crédits alloués à la mission en loi de finances initiale

Comme les années précédentes, le taux global d'exécution de la mission (83 % en AE et 94 % en CP) s'est avéré relativement faible, démontrant ainsi la pertinence des amendements de diminution de crédits proposés par votre rapporteur spécial lors de l'examen des précédentes lois de finances initiales.

La marge de manoeuvre budgétaire semble ainsi particulièrement importante s'agissant du programme 129 Coordination du travail intergouvernemental , pour lequel le taux d'exécution ne s'élève qu'à 90 % en AE et 89 % en CP.

S'agissant du programme 308 Protection des droits et libertés , la légère hausse des crédits alloués et exécutés en 2018 (+ 3,3 % en CP) a notamment permis aux autorités administratives rattachées au programme de faire face à l'accroissement de leurs activités. Le taux d'exécution des crédits (95 % en AE comme en CP) semble toutefois indiquer là-aussi l'existence d'une réserve budgétaire. Votre rapporteur spécial salue par ailleurs les efforts de mutualisation engagés entre les services du Premier ministre et certaines autorités administratives dans le cadre du nouveau site Ségur-Fontenoy (cf. B.3. infra ) ou dans le cadre de recours à des marchés mutualisés, et les encourage à poursuivre dans cette voie.

Le constat de la sous-exécution est également vrai en ce qui concerne le programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées , pour lequel le taux d'exécution ne s'élève en AE qu'à 76 % des crédits alloués (826 millions d'euros) par la loi de finances pour 2018 110 ( * ) . Comme le souligne la Cour des comptes, cette importante sous-consommation trouve principalement son origine dans une estimation excessivement prudente, en loi de finances initiale, des dépenses liées au renouvellement des baux et des marchés associés au programme 333.

Cette situation récurrente interroge ainsi votre rapporteur spécial sur la qualité de la budgétisation initiale et le conduit à préconiser une nouvelle fois, à périmètre constant, un réajustement à la baisse des crédits de la mission dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale.

2. Le programme 129 : une forte hausse inexpliquée des frais de déplacement du Premier ministre

Votre rapporteur spécial note une hausse importante des frais de fonctionnement (hors dépenses de personnel) des services et des cabinets rattachés au Premier ministre , en particulier s'agissant des frais de déplacement (+ 2 millions d'euros par rapport à 2017 , pour un total de 7,1 millions d'euros en CP). Cette hausse explique ainsi en majeure partie la surconsommation de 8,5 millions d'euros de CP, au-delà de la prévision de la loi de finances initiale, constatée pour l'action n° 10 « Soutien » du programme 129 Coordination du travail gouvernemental .

À cet égard, votre rapporteur spécial tient à souligner le manque de précision des informations fournies par les documents budgétaires , en particulier en comparaison de celles fournies concernant les frais de déplacement de la présidence de la République. S'agissant du Premier ministre, les annexes budgétaires se contentent ainsi d'indiquer que les frais de déplacement « intègre[nt] notamment le coût des vols gouvernementaux, pour un montant de 3,87 millions d'euros ». À l'inverse, les frais de déplacement de la présidence de la République sont détaillés de manière exhaustive au sein des annexes budgétaires de la mission Pouvoirs publics ,  mentionnant par exemple le nombre et la destination des vols effectués et distinguant les frais de transport de ceux d'hébergement.

Sur ce point, votre rapporteur spécial suggère ainsi , pour les prochains exercices budgétaires, que les informations fournies concernant la mission Direction de l'action du Gouvernement s'inspirent de celles contenues dans les annexes de la mission Pouvoirs publics .

3. Le programme 308 : une baisse significative des dépenses dans le cadre du nouvel ensemble immobilier Ségur-Fontenoy

L'année 2018 étant la première année de fonctionnement complet du nouveau site Ségur-Fontenoy, on retrouve pour la première fois cette année les effets de la mutualisation des locaux et des dépenses d'équipement permise par le regroupement, engagé en 2017, de plusieurs services du Premier ministre (SGMAP, DSAF...) et autorités administratives indépendantes (CADA, CNIL, Défenseur des droits, CNCDH) sur le site.

Les dépenses exceptionnelles liées aux différentes opérations de déménagement ont ainsi fortement baissé (-11 millions d'euros) entre 2017 et 2018 et demeurent principalement liées à la mise en place de divers projets informatiques (3,2 millions d'euros en AE et 4,6 millions d'euros en CP). Elles dépassent toutefois de près de 200 000 euros (soit 3,7 %) le montant initialement prévu par les services du Premier ministre pour l'année 2018.

En termes d'effectifs, la mutualisation des fonctions support (logistique, finances, documentation) a d'ores et déjà permis un transfert de 39 ETPT du programme 129 vers le programme 308 et devrait permettre, d'ici 2022, une économie totale de 52 ETPT, soit 10 % du total des effectifs des fonctions support concernées.

Le déménagement des autorités administratives susmentionnées s'est par ailleurs traduit par une baisse, entre 2017 et 2018, de 1,1 million d'euros de restes à payer pour le programme 308 , en raison notamment de la fin des baux privés des anciens locaux du Défenseur des droits et de la CNIL.

Sous réserve de ne pas dépasser les prévisions pour l'année 2019, le coût global de l'opération Ségur-Fontenoy sur les années 2015-2019 devrait donc respecter le montant total de 35 millions d'euros initialement prévu.

4. Programmes 129 et 308 : des indicateurs rendant difficile la mesure de la performance réelle

L'hétérogénéité des organismes composant la mission, notamment les programmes 129 et 308, complique la mise en place d'objectifs et d'indicateurs communs pertinents. Leur nombre limité et leur manque de finesse n'est toutefois pas de nature à permettre un suivi attentif de l'ensemble de la mission.

Votre rapporteur spécial appelle notamment à revoir les trois indicateurs les plus représentatifs de la mission, à savoir le taux d'application des lois, le taux de déficit de transposition des directives européennes et le niveau de sécurité des systèmes d'information de l'État. Outre le fait que ces indicateurs dits représentatifs ne relèvent tous trois que d'un seul des trois programmes de la mission et soient imparfaitement renseignés 111 ( * ) , ce que votre rapporteur spécial ne peut que déplorer, leur faible lisibilité et leur manque d'objectivité ne permet pas à votre rapporteur spécial d'apprécier la réalité de la performance de la mission.

À titre d'exemple, l'indicateur global relatif au niveau de sécurité des systèmes d'information de l'État (du point de vue de l'usager) masque ainsi en réalité un niveau très hétérogène de sécurité des systèmes d'information selon les ministères , ce qu'avait déjà souligné votre rapporteur spécial dans sa communication du 18 avril 2018 relative à l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Ces indicateurs ne présentent en outre qu'un lien ténu avec la budgétisation des crédits alloués. Ainsi, comme le souligne la Cour des comptes, « si les résultats [concernant la démarche de performance] sont globalement satisfaisants, ils ne sont pas liés à l'exercice annuel de prévision budgétaire ».

II. BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATIONS ADMINISTRATIVES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE EN 2018

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » est géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), qui a pour principales missions la diffusion légale, l'édition publique et l'information administrative.

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait 183,29 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 173,29 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Le taux d'exécution pour l'exercice 2018 s'est élevé à 81 % en AE (149,15 millions d'euros) et 85 % en CP (146,55 millions d'euros), soit un taux légèrement inférieur à l'exercice précédent (où ils étaient respectivement de 83 et 87 % en AE et en CP).

Exécution des dépenses
du budget annexe en 2018

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prévision LFI

183,29

173,29

Consommation

149,15

146,55

Taux d'exécution (par rapport à la prévision LFI)

81 %

85 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Comme l'an passé, la moindre consommation des crédits du budget, en AE (81 %) comme en CP (85 %), est notamment liée à une sous-exécution particulièrement importante des crédits du programme 623 Edition et diffusion (60 % en AE et 67 % en CP), qui regroupe l'ensemble des activités dites « métiers » de la DILA (imprimerie, documentation, action commerciale, maintenance des outils de production, etc.). Cette sous-exécution tient notamment aux moindres dépenses de l'action n° 2 Information administrative, édition publique et promotion , qui a mobilisé seulement 58 % (- 23,2 millions d'euros par rapport aux prévisions) des crédits prévus en LFI en AE et 68 % en CP (- 14,8 millions d'euros).

D'après les informations fournies dans les documents budgétaires, cette moindre consommation provient :

- d'une part, du retard pris par certains projets informatiques (plateforme éditoriale et site unique « La Documentation française » notamment) ;

- d'autre part, d'économies ayant pu être réalisées via des achats externes.

Exécution des crédits du budget annexe par programme en 2018
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits exécutés en 2018

Taux d'exécution par rapport à la prévision LFI

Edition et diffusion

AE

42,14

62,54

37,62

60 %

CP

43,03

52,84

35,60

67 %

Pilotage et ressources humaines

AE

112,77

120,75

111,53

92 %

CP

111,43

120,45

110,96

92 %

Total du budget annexe

AE

154,91

183,29

149,15

81 %

CP

154,46

173,29

146,55

85 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi que le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, « la sous-exécution constatée chaque année du budget voté en LFI devrait conduire la DILA à revoir le socle sur lequel elle fonde ses prévisions budgétaires ». Telle est également l'opinion de votre rapporteur spécial.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une soutenabilité des recettes qui pourrait être remise en cause à moyen terme par les récentes modifications législatives et règlementaires

La soutenabilité du présent budget annexe demeure, par essence, dépendante de l'évolution de ses recettes, lesquelles devraient être amenées à diminuer fortement dans les prochaines années, malgré une hausse ponctuelle de 3,3 % en 2018.

Après des baisses successives de 2013 à 2017, les recettes du budget annexe se sont en effet élevées à 196,4 millions d'euros en 2018, soit une hausse de 6,5 millions d'euros par rapport à l'année 2017 et de 10,6 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette hausse est principalement liée à la hausse des recettes d'annonces, à savoir celles du bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (+ 4,1 millions d'euros par rapport à 2017) et du bulletin officiel des annonces de marchés publics (+ 2,2 millions d'euros par rapport à 2017).

Elle intervient alors même que les prévisions anticipaient une nette baisse des recettes , liée à la mise en place de deux mesures en 2018 : la possibilité pour les acheteurs publics de publier des annonces sur d'autres supports que le BOAMP pour les marchés en-dessous des seuils européens d'une part, la dématérialisation des marchés publics d'autre part.

Si le niveau des recettes reste ainsi pour l'heure amplement suffisant pour faire face à des dépenses globalement maîtrisées, votre rapporteur spécial s'interroge néanmoins sur la pertinence du modèle économique de la DILA, tant en raison du caractère volatil de ses recettes que de l'excédent toujours important (35 millions d'euros en 2017, 50 millions en 2018) dégagé par le budget annexe, qui vient simplement alimenter de manière continue le compte de trésorerie de la DILA (qui s'élevait à 579,8 millions d'euros fin 2018) 112 ( * ) .

2. Un nécessaire maintien des efforts sur la masse salariale et la gestion des emplois

Les dépenses de personnel de la DILA se sont avérées en 2018 moins élevées qu'en 2017 (- 2,7 millions d'euros) , en raison de la poursuite de la politique de réduction des effectifs engagée depuis 2015, notamment dans le cadre du plan de cessation anticipée volontaire d'activité (CAVA), applicable aux personnels de droit privé de la DILA nés avant 1964. En 2018, le taux de remplacement s'établit ainsi à un niveau de 1 sur 3.

Les effectifs de la DILA ont diminué de 73 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018 , contre 66 prévus par le schéma d'emploi, permettant une économie de 4 millions d'euros. Cette baisse est supérieure à celle réalisée en 2017 (- 68 ETPT). Elle résulte non seulement de la mise en oeuvre du plan CAVA, mais également d'une politique sélective de recrutement externe. La DILA a également transféré 8 ETPT et la masse salariale correspondante (soit 0,7 million d'euros) au programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement , dans le cadre de la mutualisation des fonctions support des services du Premier ministre au sein du nouveau site Ségur-Fontenoy.

Évolution du nombre d'ETPT de la DILA
depuis 2013

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (prévision)

Nombre d'ETPT

743

744

731

703

653

580

526

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Votre rapporteur spécial salue ainsi les efforts de gestion menés par la DILA et l'encourage à poursuivre la réduction de ses effectifs , dans un contexte de diminution quasi-continue de ses recettes et de transformation numérique. Il appelle néanmoins l'attention sur le glissement des dépenses sous plafond vers les dépenses hors plafond qui est en train de s'opérer. Ainsi que le souligne la Cour des comptes, « si la réduction des effectifs génère une baisse des rémunérations et charges de personnel, la mise en oeuvre du plan CAVA et la participation de l'État au déficit des caisses de pensions contribuent à l'augmentation des dépenses hors plafond ».

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES », CAS « AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES », « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE » ET « FACÉ » - M. Jean-François Husson, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une augmentation des crédits de la mission par rapport à 2017, résultant en partie de plusieurs mesures de périmètre

En loi de finances initiale pour 2018, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » bénéficiait de 12,7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 12,8 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), soit près d'1 milliard d'euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à 2017.

Exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »
par programme en 2018, y compris fonds de concours et attributions de produits

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / exéc. 2017

(en %)

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

203 «Infrastructures et services de transport »

AE

4 648,5

4 566,6

4 950,1

6,49 %

8,40 %

CP

4 632,8

4 620,7

5 399,1

16,54 %

16,85 %

205 «Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

172

161,8

160,4

- 6,74 %

- 0,87 %

CP

168,3

161,8

162,8

- 3,27 %

0,62 %

113 «Paysages, eau et biodiversité»

AE

256,4

170,6

150,1

- 41,46 %

- 12,02 %

CP

266

170,6

150,8

- 43,31 %

- 11,61 %

159 «Information géographique et cartographique»

AE

479,8

516,2

512,2

6,75 %

- 0,77 %

CP

479,8

515,2

507,4

5,75 %

- 1,51 %

181 «Prévention des risques»

AE

153,6

854

794,6

417,32 %

- 6,96 %

CP

146,8

842,6

792,9

440,12 %

- 5,90 %

174 «Énergie, climat et après-mines»

AE

410,3

426,5

442,8

7,92 %

3,82 %

CP

635,7

426,5

502,6

- 20,94 %

17,84 %

345 « Service public de l'énergie »

AE

2 545

3 043,9

3 096,1

21,65 %

1,71 %

CP

2 543,9

3 043,9

2 976,7

17,01 %

- 2,21 %

217 «Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables»

AE

2 946,4

3 014,5

2 979,6

1,13 %

- 1,16 %

CP

3 022,8

3 057,5

3 025,2

0,08 %

- 1,06 %

Total

AE

11 612

12 754,1

13 085,9

12,69 %

2,60 %

CP

11 896,1

12 838,8

13 517,5

13,63 %

5,29 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si cette hausse traduisait en partie l'augmentation des moyens alloués aux politiques portées par la mission en 2018, plusieurs évolutions des modalités de financement des opérateurs ont en réalité fait substantiellement évoluer le périmètre de la mission 113 ( * ) :

- le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a fait l'objet d'une budgétisation : une subvention pour charges de service public est ainsi versée à l'ADEME par le programme 181, en lieu et place de l'affectation d'une fraction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ;

- à l'inverse, les principaux opérateurs de la biodiversité (agence française pour la biodiversité, office national pour la chasse et la faune sauvage, parcs nationaux) reçoivent désormais une contribution (de façon directe ou indirecte) des agences de l'eau ; en conséquence, les subventions pour charge de service public qui leur étaient versées via le programme 113 ont été supprimées.

La neutralisation de ces mesures de périmètre révèle que l'augmentation des crédits alloués à la mission en loi de finances initiale pour 2018 a principalement profité au programme 345, qui a enregistré la généralisation du chèque énergie.

Les dépenses de la mission en 2018 s'élèvent, en exécution, à 13,1 milliards d'euros en AE et à 13,5 milliards d'euros en CP, ce qui représente des augmentations respectives de 12,7 % et de 13,6 % par rapport à l'exécution 2017. Le taux de consommation des crédits s'élève donc à 102 % des AE et 105 % des CP votés.

Certains programmes enregistrent une sous-exécution des crédits votés. S'agissant du programme 113, la sous-exécution des AE est notamment due, pour 11 millions d'euros, à des retraits d'engagements sur exercices antérieurs - il s'agit de retraits d'engagements n'ayant pas fait l'objet d'un recyclage ; les reliquats non consommés, en AE et en CP, sont constitués de fonds de concours. En ce qui concerne le programme 181, 41,4 millions d'euros de crédits de paiement ont été annulés par la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018 114 ( * ) .

Néanmoins, avec le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » (cf. infra ), le programme 203 est un des seuls à présenter une consommation de CP supérieure aux crédits votés , en raison des fonds de concours en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui sont venus abonder le programme.

a) Une mission peu concernée par des mesures de régulation budgétaire en 2018

Contrairement aux années précédentes, le taux de mise en réserve initiale des crédits de la mission est relativement faible : il s'élève à 2,7 % hors titre 2 en CP, contre 8 % en 2017 ; à 0,5 % pour le titre 2 en AE et en CP, comme en 2017. Dès lors, les crédits votés présentent un taux de consommation plus important, renforcé par les moindres annulations de crédits en cours de gestion.

Ainsi, alors que 231 millions d'euros en CP hors titre 2 ont été gelés en début d'année, 24 % ont été libérés en cours de gestion. En AE, hors titre 2,45 % des 232 millions d'euros gelés ont été libérés. Contrairement aux années précédentes, les crédits réservés n'ont pas fait l'objet d'une annulation intégrale au cours de la gestion 2018.

En outre, la mission n'a fait l'objet d'aucun décret d'avance ou d'annulation : les crédits ont été annulés uniquement via la loi de finances rectificative, et au surplus, ces annulations n'ont porté que sur les crédits mis en réserve.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2018

LFR 2018

Reports de la gestion précédente

Mouvements réglementaires

FDC et ADP

Total des crédits de paiement ouverts

Exécution 2018

Programme 205

158,1

- 2,3

2,3

0,0

5,5

163,6

162,8

Programme 217

3 037,0

- 6,5

5,8

14,9

15,4

3 066,7

3 025,0

Programme 174

426,5

85,5

2,5

0,1

0,0

514,6

502,6

Programme 159

515,1

- 5,5

0,5

- 2,3

0,2

508,1

507,4

Programme 203

3 141,5

- 89,9

297,2

- 4,4

2 186,3

5 530,7

5 399,0

Programme 113

147,8

- 4,4

26,3

- 2,7

14,5

181,5

150,8

Programme 181

839,1

- 41,4

21,0

- 5,9

6,2

819,0

792,9

Programme 345

3 043,9

- 50,1

1,1

0,0

0,0

2 995,0

2 976,7

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement ; ils peuvent donc légèrement différer des données présentées dans le rapport annuel de performances de la mission.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

51,6 millions d'euros d'AE hors titre 2 ont été annulés en 2018 et 114,6 millions d'euros de CP hors titre 2, ce qui représente 1 % des crédits disponibles.

Par comparaison, le décret d'avance du 20 juillet 2017 115 ( * ) avait annulé 194 millions d'euros de CP sur le seul programme 203. S'agissant du décret d'annulation de la même date 116 ( * ) , la mission avait supporté la moitié du schéma d'annulation en AE et 74 % en CP.

Votre rapporteur spécial s'associe au constat de la Cour des comptes : « ce niveau d'annulation est faible par rapport aux années précédentes, premier indice d'une gestion apaisée à l'échelle de la mission » 117 ( * ) . Le faible niveau d'annulation permet un meilleur accomplissement des missions du ministère et des opérateurs autant qu'il renforce la sincérité de la budgétisation initiale.

Tous les programmes ont toutefois eu à supporter des annulations, sauf le programme 174, pour lequel 25,5 millions d'euros d'AE et 85,5 millions de CP ont été ouverts afin, notamment, de couvrir les problèmes de financement liés aux demandes de prime à la conversion 118 ( * ) (cf. infra ).

b) Un dépassement du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques en 2018

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe à 10,39 milliards d'euros le plafond des crédits de la mission pour 2018 (hors CAS Pensions). L'exécution 2018 s'élève à 10,55 milliards d'euros, soit 167,2 millions d'euros de plus que le plafond fixé par la LPFP .

Les crédits du programme 345 apparaissent en effet en forte augmentation : entre la LFI 2017 et la LFI 2019, les crédits ont augmenté de 25 % en AE et de 16 % en CP.

Les perspectives de dépenses pour les années à venir appellent à une grande vigilance car toutes les actions du programme connaissent une dynamique haussière - les mesures en faveur des zones non interconnectées, le chèque énergie, le soutien à la cogénération. S'agissant du chèque énergie, la Cour indique ainsi que « d'après les projections de la DGEC, les dépenses pourraient atteindre 875,5 millions d'euros en 2022, en augmentation de 54 % par rapport à la LFI 2018 ».

2. Un plafond d'emplois bien respecté

Les dépenses de personnel ( titre 2 ), qui représentent 20,9 % des CP exécutés de la mission, sont réparties entre le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement durable et de la mer » et le programme 181 « Prévention des risques », auquel sont rattachées les dépenses de personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La quasi-totalité des crédits et des emplois sont imputés sur le programme 217 (2,79 milliards d'euros sur 2,82 milliards d'euros) .

Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) a quasiment été respecté. La loi de finances initiale prévoyait un PAE de 40 328. Or, en exécution, il s'est élevé à 40 250 ETPT , soit une sous-exécution de 78 ETPT (moins de 1 % des emplois exécutés), contre une sous-exécution de 970 ETPT en 2017.

Partant, le schéma d'emplois est également respecté, alors qu'il faisait l'objet d'une sur-exécution depuis quelques années : l'exécution atteint donc - 801 équivalents temps plein (ETP) contre une prévision de - 828, ramenée en gestion à 797 ETP. La sur-exécution n'est donc que de 4 ETP.

Votre rapporteur spécial partage cependant une nouvelle fois les inquiétudes formulées par la Cour des comptes 119 ( * ) s'agissant de la déqualification de la structure des emplois du ministère .

Depuis 2014, la sur-exécution des schémas d'emplois est allée de pair avec un moindre recrutement d'agents de catégories A et B et davantage de recrutements d'agents de catégorie C. Si ce procédé permet une moindre consommation de crédits de personnel, il participe d'un processus de « dépyramidage » dont les effets en matière de perte de compétences sont particulièrement dommageables en termes de gestion des ressources humaines. La Cour estime ainsi que depuis 2014, 521 emplois de catégorie A ont été détruits au-delà des cibles pour « créer » 873 emplois de catégorie C.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un transfert de crédits depuis le programme 174 à destination du compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres »

Le programme 174 présente une surconsommation de près de 18 % des crédits de paiement inscrits en loi de finances initiale pour 2018 120 ( * ) (502,6 millions d'euros exécutés, contre 426,5 millions d'euros prévus en loi de finances initiale).

En effet, 38 millions d'euros en AE et en CP ont été transférés sur le CAS en septembre 2018 (cf. infra ) 121 ( * ) . 38 millions d'euros en AE et CP ont été d'abord été imputés sur l'action « Gestion économique et sociale de l'après-mines » en dépenses de fonctionnement avant d'être transférés sur le programme 792 du CAS.

Au total, ce transfert de charges a nécessité à la fois la levée de la réserve sur le programme 174, à hauteur de 12,4 millions d'euros en AE et CP, et une ouverture de crédits en loi de finances rectificative de 25,5 millions d'euros en AE et CP.

Ce transfert visait à couvrir l'impasse budgétaire liée aux demandes de primes à la conversion excédant les prévisions réalisées en loi de finances initiale et les crédits disponibles (cf. infra l'analyse détaillée de l'exécution des crédits du CAS).

Le programme enregistre par ailleurs les seules ouvertures de crédits du schéma voté en loi de finances rectificative : celle-ci a en effet ouvert 25,5 millions d'euros d'AE et 85,5 millions d'euros de CP sur ce programme.

D'après le rapport annuel de performance de la présente mission, « associé au dégel de la réserve de précaution, ces crédits complémentaires (de LFR) ont d'une part permis de couvrir les 38 millions d'euros en AE et CP ouverts parallèlement sur le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres » afin de financer les dépenses supplémentaires liées au succès de la prime à la conversion ; d'autre part, 65 millions d'euros de CP ont été ouverts pour couvrir les engagements au titre de l'enveloppe spéciale de transition énergétique ».

2. Un coût des dépenses fiscales multiplié par deux depuis 2015, et qui atteint 4,7 milliards d'euros en 2018

Les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission s'élèvent à 4,7 milliards d'euros . Ce montant représente 37 % des crédits de paiement votés de la mission, soit une hausse de 1 milliard d'euros par rapport à 2017 (+29 %).

Évolution des principales dépenses fiscales rattachées à la mission depuis 2015

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

2015

2016

2017

2018

Évolution 2018/2015

800403

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers

375

425

645

1 098

723

800404

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun des voyageurs

51

84

109

167

116

110222

CITE

874

1 678

1 682

1 953

1 079

800207

Réduction de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel

158

155

156

165

7

800203

Taux réduit de taxe intérieur de consommation pour les butanes et propanes utilisés comme carburant

102

102

102

104

2

800210

Taux réduit de taxe intérieure de consommation au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre

110

228

307

487

377

Total des dépenses fiscales
rattachées à la mission

2 100

3 300

3 700

4 725

2 625

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Après une stabilisation du coût du CITE en 2017 du coût du CITE , ce dernier enregistre une augmentation en 2018 (+ 271 millions d'euros).

Son coût devrait pourtant initier une décrue dès 2019, grâce au recentrage opéré en loi de finances pour 2018 122 ( * ) , à la suite du rapport de la mission IGF-CGDD remis au Parlement à l'automne 2017 123 ( * ) .

Alors que le CITE devait être transformé en prime en 2019, la loi de finances pour 2019 a élargi le champ du CITE, en réintroduisant notamment les fenêtres, qui avaient été exclues au 1 er juillet 2018, avec toutefois des conditions plus strictes.

D'après la Cour des comptes, à partir de 2020, le CITE ne devrait plus être déterminé en fonction du prix des travaux mais en fonction des économies d'énergie et de la production de chaleur et de froid renouvelable. Le CITE serait maintenu sous la forme d'un crédit d'impôt (grille de montants d'aide en euros en fonction du type de travaux), sauf pour les ménages bénéficiaires des aides de l'ANAH, qui se verraient verser cette aide sous forme de prime.

L'augmentation du coût des dépenses fiscales découle par ailleurs des dépenses reposant sur les taxes intérieures de consommation de produits énergétiques (TICPE).

En effet, la montée en charge de la « contribution climat-énergie » (CCE ou « taxe carbone »), liée à l'évolution du prix de la tonne du CO 2 , entraîne un renchérissement du coût des remboursements et tarifs réduits de TICPE . Le coût des dépenses fiscales augmente ainsi à mesure que l'écart se creuse entre le taux de TICPE de droit commun et les mécanismes dérogatoires.

La suppression de la hausse de la « taxe carbone » à compter du 1 er janvier 2019, mesure prise à l'initiative du Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 , entraînera mécaniquement une stabilisation du coût de ces dépenses fiscales à leur niveau de 2018 - le prix de la tonne de carbone étant stabilisé en 2019 à son niveau de 2018.

En tout état de cause, le pilotage de ces dépenses fiscales semble particulièrement défaillant . Aucune dépense fiscale n'a ainsi fait l'objet d'une évaluation particulière en 2018. L'initiative de « revue » des dépenses fiscales lancée en 2018, saluée l'année dernière par votre rapporteur, était particulièrement bienvenue : le Parlement ne dispose en effet que d'une information restreinte sur l'efficacité et l'évolution de certaines de ces dépenses, qu'il est amené à créer ou à prolonger, aux montants parfois importants.

Mais d'après la Cour des comptes, cette initiative « porte à ce stade davantage sur les dispositifs fiscaux en eux-mêmes que sur les dépenses fiscales : alors que le ministère était invité dans le cadre de ces conférences à proposer le maintien, l'aménagement ou la suppression des dépenses fiscales relevant de son périmètre, aucune suppression n'a été proposée ».

Enfin, comme rappelé par le rapporteur général dans son rapport sur l'efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable, « si certaines dépenses fiscales ont été explicitement créées dans un objectif de protection de l'environnement, à l'instar de celles visant à une amélioration de la performance énergétique des logements, d'autres dispositifs créés pour soutenir certaines activités économiques peuvent avoir des effets environnementaux défavorables parfois peu connus, ou mal évalués » 124 ( * ) .

Les exonérations sectorielles de taxes intérieures de consommation sont, d'après le CGDD, les principales subventions dommageables à l'environnement 125 ( * ) . Or, plus de 50 % des dépenses fiscales de la mission concernent la TICPE.

Le dispositif de remboursement de TICPE protège principalement le secteur des transports , en ciblant les entreprises qui utilisent beaucoup de carburants, comme le transport routier ou encore le transport routier en commun de voyageurs, afin de préserver la compétitivité des entreprises françaises de ces secteurs face à la concurrence internationale.

Toutefois, votre rapporteur spécial partage le constat du Commissariat général au développement durable (CGDD), qui, dans une étude récente, affirmait : « apporter une aide à des secteurs peut s'avérer légitime, mais il serait plus efficace que cette aide transite par d'autres canaux (qu'une dépense fiscale) : ainsi, elle ne jouerait pas pour les entreprises de ces secteurs comme une désincitation à limiter leur consommation de carburant, en raison des exonérations qui s'appliquent » 126 ( * ) .

3. Les dépenses extrabudgétaires prennent le pas sur les crédits budgétaires pour le financement des politiques publiques portées par la mission

Les 36 opérateurs rattachés à la présente mission ont bénéficié en 2018 de 7,1 milliards d'euros de financement, contre 7,8 milliards d'euros en 2016, soit une diminution 9 %.

Les 14 opérateurs percevant des ressources en provenance du budget général ont bénéficié d'un montant supérieur à celui de 2017 - 1,98 milliard d'euros , contre 1,4 milliard d'euros en 2017 (+ 39 %) -, découlant de la rebudgétisation du financement de l'ADEME.

Les impôts et taxes affectés aux opérateurs diminuent et s'élèvent à 5,1 milliards d'euros (contre 6,4 milliards d'euros en 2017) - en raison de la rebudgétisation de l'ADEME et de l'évolution du financement de l'Agence française pour la biodiversité.

D'après la Cour des comptes , les dépenses des opérateurs rattachés à la mission se sont élevées à 10,8 milliards d'euros en 2018 , soit une augmentation de 13 % par rapport à 2017. Cette hausse résulte en partie de la dynamique des dépenses de la Société du Grand Paris.

Cette évolution conduit à ce que pour la première fois, en 2018, « les dépenses des opérateurs deviennent prépondérantes (43 %) par rapport aux dépenses budgétaires directes nettes (39 %) » 127 ( * ) . Le poids des dépenses fiscales augmente lui aussi, et atteint 18 % du coût complet de la mission.

Au total, 61 % des dépenses concourant à la politique publique portée par la mission relève désormais de dépenses extrabudgétaires.

Répartition des dépenses concourant
à la politique publique par la mission

(en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

III. LES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE : LE PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Dans le cadre de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) , l'article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a créé le programme 345 « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » pour retracer l'ensemble des charges de service public de l'énergie qui contribuent à la transition énergétique de la France.

Le montant total de ces charges, évalué par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), a atteint près de 7,5 milliards d'euros en 2018, dont 68 % sont portées par le CAS et 32 % par le programme 345.

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques concentrent une partie importante des charges de service public.

Or, si leur montant a légèrement reculé de - 2,3 % en 2018 pour atteindre 4 ,8 milliards d'euros , ces dépenses devraient augmenter de 35 % d'ici 2020 en raison d'engagements hérités du passé, ce qui nécessite un suivi particulièrement attentif .

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial, à l'instar de la Cour des comptes 128 ( * ) , considère qu'il est indispensable que le Gouvernement procède rapidement à une évaluation des coûts des différentes filières de production d'énergies renouvelables , de sorte que les dispositifs de soutien puissent être mieux adaptés et représentent une charge financière moins importante pour les comptes publics.

Comme il l'a déjà écrit les années précédentes, il lui paraît également nécessaire de prévoir que le Parlement puisse se prononcer en amont sur les montants engagés en faveur de ces dispositifs de soutien , au lieu d'être systématiquement placé devant le fait accompli.

1. Un programme 345 « Service public de l'énergie » marqué en 2018 par la généralisation du chèque énergie

Le programme 345 « Service public de l'énergie » regroupe :

- les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées ;

- les crédits du chèque énergie destiné à protéger les ménages en situation de précarité énergétique ;

- le soutien à la cogénération ;

- le budget du médiateur de l'énergie ;

- la compensation du déficit accumulé par l'ancien mécanisme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

2 976,8 millions d'euros ont été consommés au titre de ce programme en 2018, ce qui représente 22 % des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » .

Cette somme est en forte augmentation de +17,0 % par rapport aux 2 543,9 millions d'euros consommés en 2018, en raison de la généralisation du chèque énergie à l'ensemble du territoire (voir infra ).

Le taux d'exécution des crédits est de 97,8 % .

Exécution des crédits votés du programme 345 « Service public de l'énergie » en 2018 (CP)

(en euros)

2017
(exécuté)

2018

(LFI)

2018

(exécuté)

Exécution 2018 / exéc. 2017

(en %)

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

01- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

1 490 784 466

1 506 778 171

1 516 242 177

+ 1,1 %

+ 0,5 %

02- Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

470 787 736

753 639 487

669 467 680

+ 42,2 %

- 11,2 %

03- Soutien à la cogénération

456 530 547

691 467 824

698 949 021

+ 53,1 %

+ 1,1 %

05- Frais de support

120 756 889

87 238 970

87 220 196

- 27,8 %

-

06- Médiateur de l'énergie

5 000 000

4 796 000

4 796 000

- 4,0 %

-

07- Fermeture de la centrale de Fessenheim

-

-

-

-

-

Total programme

2 543 859 638

3 043 920 452

2 976 675 074

+ 17,0 %

- 2,2 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme indiqué supra , l'exécution du programme 345 en 2018 a surtout été marquée par l'extension du chèque énergie à l'ensemble du territoire , après deux années d'expérimentation dans quatre départements pilotes.

Pour mémoire, le chèque énergie, qui a été créé par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2018 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte, est une aide sociale attribuée automatiquement sur la base d'un critère fiscal unique qui tient compte à la fois du niveau du revenu fiscal de référence (RFR) et de la composition des ménages (nombre d'unités de consommation, UC). Il remplace les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz .

En 2018, le coût total du dispositif du chèque énergie a représenté 557,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 437,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en incluant les frais de gestion versés à l'Agence de services et de paiement (ASP).

Sur cette somme, 539,7 millions d'euros correspondent aux 3,6 millions de chèques qui ont été émis et envoyés à leurs bénéficiaires au mois d'avril 2018. Environ 2,5 millions de chèques ont été utilisés et payés en 2018 par l'ASP pour un montant d'environ 384 millions d'euros . Le montant moyen du chèque perçu par les ménages bénéficiaires a atteint 152,2 euros , sachant que cette somme pouvant varier de 48 euros à 227 euros en fonction du revenu et de la composition du ménage.

Au 7 mars 2019, le taux d'usage du chèque énergie s'élevait à 75,33 % . Si ses destinataires se sont plutôt approprié ce nouveau dispositif, le taux réalisé demeure inférieur au taux de 82 % d'utilisation atteint lors de l'expérimentation du chèque énergie : des marges de progrès subsistent donc.

Le poste majeur de dépenses du programme 345 demeure la solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain , qui permet d'offrir aux consommateurs qui vivent dans ces territoires des prix de l'électricité comparables à ceux de la France métropolitaine. Si les crédits consacrés à ce mécanisme de péréquation ont connu une hausse limitée de 1,1 % entre 2017 et 2018, passant de 1 490,8 millions d'euros à 1 516,2 millions d'euros , ces dépenses devraient augmenter rapidement pour atteindre 1 594,9 millions d'euros dès 2019 et 1 775 millions d'euros en 2022.

S'il est difficile d'agir sur certains paramètres de ces dépenses (prix des combustibles, taux de recours aux installations thermiques, etc.), il est en revanche nécessaire, comme le propose la Commission de régulation de l'énergie (CRE), de procéder rapidement à une baisse de la rémunération des capitaux investis dans les ZNI , aujourd'hui fixée à 11 % par un arrêté du 23 mars 2006, ce qui paraît excessif dans le contexte actuel.

Les dépenses relatives au soutien à la cogénération ont considérablement augmenté puisqu'elles sont passées de 456,5 millions d'euros en 2017 à 698,9 millions d'euros en 2018, soit une hausse de +53,1 % en un an.

Cette rapide augmentation devrait se poursuivre en 2019 et les dépenses relatives au soutien à la cogénération représenter quelque 919 millions d'euros en 2020. Elles devraient toutefois diminuer après cette date avec l'arrivée à échéance de contrats coûteux qui prévoyaient un tarif d'achat, alors qu'est désormais prévu un dispositif de complément de rémunération limité aux installations de moins de 1 mégawatt (MW).

2. Les crédits consommés du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ont poursuivi leur progression en 2018

Le compte d'affectation spéciale, dont les dépenses relèvent exclusivement du titre 6 « Dépenses d'intervention », comporte deux programmes.

L e programme 764 « Soutien à la transition énergétique » , d'une part, finance :

- le soutien aux énergies renouvelables électriques , c'est-à-dire la compensation aux opérateurs du service public de l'électricité des charges imputables à leurs missions de service public, liées aux contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération conclus avec des installations de production électrique à partir d'une source renouvelable ;

- le soutien à l'effacement de consommation électrique , c'est-à-dire les primes d'effacement versées aux entreprises lauréates d'appels d'offres incitant au développement des effacements de consommation ;

- le soutien à l'injection de bio-méthane , soit la compensation des charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel au titre de l'obligation d'achat de biogaz.

Le programme 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique » , d'autre part, finance :

- le remboursement du déficit de compensation des charges de service public de l'électricité accumulé auprès d'EDF au 31 décembre 2015 ;

- les versements au profit de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) correspondant à des demandes de remboursement partiel au profit des entreprises qui bénéficiaient du plafonnement de l'« ancienne » CSPE 129 ( * ) au titre de leurs consommations pour les années 2013 à 2015.

Le compte d'affectation spéciale est principalement financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) . La loi de finances initiale avait prévu d'affecter au CAS 7 166,3 millions d'euros de TICPE mais ce montant a été abaissé à 6 588,7 millions d'euros en loi de finances rectificative pour tenir compte d'une consommation de crédits inférieure aux prévisions.

Comme prévu, le CAS a perçu 1 million d'euros au titre d'une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes, dite « taxe charbon ».

Il n'a en revanche pas perçu les 17 millions d'euros de revenus tirés de la mise aux enchères de garanties d'origine, les premières mises aux enchères n'étant prévues qu'à compter de 2019.

Les dépenses du CAS ont représenté en 2018 quelques 6 571,2 millions d'euros , soit une hausse de 182,6 millions d'euros (+ 2,9 %) par rapport aux 6 388,6 millions d'euros de dépenses de 2017.

S'il est en augmentation par rapport à l'année précédente, le montant des dépenses du CAS est toutefois inférieur de 613,1 millions d'euros aux 7 184,3 millions d'euros qui avaient été prévus en loi de finances initiale, ce qui correspond à un taux d'exécution de 91,5 %, analogue à celui qui avait été constaté pour l'exercice 2017.

Exécution des crédits votés du compte d'affectation spéciale
« Transition énergétique » par programme en 2018 (AE = CP)

(en euros)

2017

(exécuté)

2018

(LFI)

2018

(exécuté)

Exécution 2018 / exéc. 2017

(en %)

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

Soutien aux énergies renouvelables électriques

4 993 562 556

5 424 947 056

4 844 966 070

-3,0 %

-10,7 %

Soutien à l'effacement de consommation électrique 130 ( * )

-

17 900 000

16 408 337

-

-8,4 %

Soutien à l'injection de bio-méthane

52 337 058

99 470 167

82 038 729

+56,8 %

-17,5 %

Total programme 764

5 045 093 376

5 542 317 223

4 943 204 324

-2,0 %

-10,8 %

Désendettement vis-à-vis des opérateurs supportant des charges de service public de l'électricité

1 228 513 919

1 622 000 000

1 622 000 000

+32,1 %

-

Remboursement et dégrèvements de CSPE

-

-

-

-

-

Remboursements d'anciens plafonnements de CSPE

114 980 963

20 000 000

5 992 004

-94,8 %

-70,5 %

Total programme 765

1 343 494 882

1 642 000 000

1 627 992 004

+21,1 %

-0,1 %

TOTAL CAS

6 388 588 258

7 184 317 223

6 571 196 328

+2,9 %

-8,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte diminution par rapport à la prévision de la loi de finances initiale s'explique avant tout par une réévaluation à la baisse des charges de service public de l'électricité pour 2018 et pour 2017 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération n° 2018-156 du 12 juillet 2018.

Cette baisse est directement liée à la hausse des prix de marchés de gros de l'électricité . En outre, les coûts d'achat prévisionnels des filières photovoltaïque, biomasse et biogaz ont également été revus à la baisse .

En conséquence, 594,6 millions d'euros ont été annulés en loi de finances rectificative sur les crédits du programme 764, ce qui explique que son taux d'exécution ne soit que de 89,2 % .

Au total, on constate même une baisse des dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques , qui ont diminué en 2018 de - 3,0 % à 4,8 milliards d'euros .

Ces dépenses ont accompagné la poursuite de la montée en puissance de la production d'électricité renouvelable , avec une hausse de + 30 % pour la filière hydraulique (l'année 2017 avait été marquée par une pluviométrie défavorable) mais surtout des hausses de + 15,1 % pour la filière éolienne et de + 11,3 % pour la filière solaire .

À la fin de l'année 2018, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité avait atteint 22,7 % , soit un objectif proche de celui qui était fixé dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Les crédits de soutien à l'injection de bio-méthane ont également fortement augmenté de + 56,8 % , passant de 52,3 millions d'euros en 2017 à 82,0 millions d'euros en 2018. Si les résultats obtenus sont inférieurs aux prévisions, le volume de bio-méthane injecté a néanmoins fortement crû de + 76 % en 2018.

Les crédits du programme 765, et en particulier les versements au titre du désendettement vis-à-vis d'EDF, ont été exécutés conformément aux prévisions, avec un taux de consommation de 99,1 % .

IV. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES »

Le dispositif incitatif du bonus-malus automobile , décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement et renforcé par le Plan Automobile de 2012, se traduit actuellement par l'octroi d'aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) et par l'application d'une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » , également connu sous le nom de « CAS bonus-malus », retrace en dépenses l'attribution des aides et en recettes le produit du « malus » .

Le CAS finance deux types d'aides :

- les « bonus », portés par le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » ;

- les primes à la conversion , retracées par le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » .

C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres , dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides dont le financement repose sur les crédits du compte d'affectation spéciale et qui assure leur versement .

1. L'explosion du nombre de demandes de primes à la conversion en 2018 a nécessité une hausse de 142 % des crédits affectés au compte d'affectation spéciale en cours de gestion

L'exercice budgétaire 2017 avait été marqué par un écart significatif entre prévision et exécution, avec une exécution de seulement 85 % des crédits (80 % en 2016).

La situation a radicalement changé en 2018, puisque cet exercice budgétaire a été marqué par une exécution de 142,0 % des crédits du compte d'affectation spéciale .

Ce chiffre recouvre toutefois deux réalités très différentes selon les programmes, puisque les crédits du programme 791 n'ont été exécutés qu'à 69,8 % alors que ceux du programme 792 l'ont été à 299,2 % , ce qui montre que le Gouvernement est encore moins bien parvenu que les années précédentes à évaluer correctement le nombre de bonus et de primes à la conversion que l'ASP aurait à distribuer.

Exécution des crédits du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »
par programme en 2018

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Taux de consommation (en %)

791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres »

258 873 298

266 000 000

185 818 093

69,8 %

792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants »

35 999 772

122 000 000

365 000 000

299,2 %

Total

294 873 070

388 000 000

550 818 093

142,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au total, on constate donc que les dépenses du CAS avaient été nettement sous-évaluées , puisque seuls 388 millions d'euros avaient été prévus par la loi de finances initiale pour 2018.

Or il a fallu verser 550,8 millions d'euros à l'ASP afin de financer les bonus et surtout les primes à la conversion, dont le nombre a été multiplié par plus de 32 . Les dépenses du CAS ont ainsi connu une hausse de 255,9 millions d'euros (soit + 86,8 % ) par rapport aux 294,9 millions d'euros exécutés en 2017.

2. En dépit de recettes du malus beaucoup plus dynamiques que prévu, il a fallu transférer au CAS des crédits provenant d'autres programmes

Le Gouvernement, surpris par l'ampleur des besoins financiers générés par la hausse exponentielle des demandes de primes à la conversion, qui constituent des dépenses de guichet, a dû mobiliser des ressources supplémentaires très significatives en faveur du compte d'affectation spéciale, et plus spécifiquement du programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants ».

Pour financer les 200 000 primes qu'il n'avait pas anticipées, il a pu bénéficier des recettes supplémentaires du malus , qui se sont révélées beaucoup plus dynamiques que prévu en raison d'une hausse particulièrement marquée des ventes de véhicules neufs de type « SUV » émettant beaucoup de CO 2 .

Rappelons en outre que le seuil de déclenchement du malus avait été abaissé à compter du 1 er janvier 2018 à 120 g de CO 2 /km (contre 127 g de CO 2 /km en 2017) et que son montant maximal avait été relevé à 10 500 euros .

La part des achats de voitures affectées d'un malus a ainsi atteint 29,9 % en 2018, soit une hausse de près de 12 % par rapport à 2017 : 640 030 véhicules ont été concernés par un malus en 2018 contre 366 647 en 2017.

Le produit du malus a ainsi atteint 558,9 millions d'euros en 2019, soit 170,9 millions d'euros de plus que le montant attendu (+ 44,0 %), lequel était de 388,0 millions d'euros .

Pour mémoire, le produit du malus avait représenté 351,8 millions d'euros en 2017 et 265,6 millions d'euros en 2016.

Les recettes du malus automobile de 2016 à 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si cette hausse des recettes du malus était particulièrement bienvenue en 2018, ce phénomène tend à démontrer que cette taxe censée dissuader les automobilistes d'acheter des véhicules polluants a perdu son caractère désincitatif .

De fait, les émissions des véhicules vendus se sont stabilisées aux alentours de 110 g CO2/km depuis 2016 et ont augmenté en 2018 à 112 g CO 2 /km . Ce constat préoccupant a justifié le nouveau durcissement du malus entré en vigueur en 2019 , lequel prévoyait notamment un abaissement du seuil de déclenchement à 117 g CO 2 /km.

Comme il pensait que les recettes du malus risquaient de ne pas suffire à couvrir les dépenses du CAS en 2018, le Gouvernement avait également décidé de lui transférer 38 millions d'euros de crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » par un arrêté du 21 septembre 2018.

Au total, et pour tenir compte tant de la dynamique des dépenses que de celle des recettes du malus, les crédits du compte d'affectation spéciale ont été abondés à hauteur de :

85,6 millions d'euros par un arrêté du 21 septembre 2018 ;

37 millions d'euros par un arrêté du 19 octobre 2018 ;

43 millions d'euros par un arrêté du 4 décembre 2018.

Ces sommes demeurant insuffisantes, 77,5 millions d'euros supplémentaires ont été ouverts en loi de finances rectificative pour 2018.

Compte tenu de ces différentes ouvertures de crédits, le solde final de crédits s'est révélé positif avec 46,1 millions d'euros de crédits non consommés.

Solde du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Solde du CAS

- 4,9

+ 141

+ 75,7

+ 30,1

+ 57,0

+46,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À noter enfin que la loi de finances pour 2019 a décidé de rattacher la prime à la conversion au programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En conséquence, les programmes 791 et 792 ont été supprimés , deux nouveaux programmes étant créés pour porter respectivement les dépenses relatives au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers (P797) et des personnes morales (P798).

Il n'existe donc plus de lien depuis le 1 er janvier 2019 entre le malus automobile et la prime à la conversion .

Si cette modification de la maquette budgétaire permettra de faire face plus facilement aux besoins de financement de la prime à la conversion, elle soulève des interrogations quant à la pérennité du compte d'affectation spéciale .

3. Des bonus toujours sous-utilisés en raison d'immatriculations de véhicules électriques décevantes

Plusieurs modifications des aides à l'acquisition de véhicules propres portées par le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » sont intervenues en 2018 .

Ces dernières années, le Gouvernement a progressivement resserré les critères permettant de bénéficier d'un bonus pour l'achat d'un véhicule.

Il avait ainsi supprimé en 2017 tout bonus pour l'achat d'un véhicule hybride puis a mis fin en 2018 aux bonus pour les véhicules hybrides rechargeables .

Il avait en revanche maintenu en 2018 le bonus pour les véhicules électriques neufs (voitures ou camionnettes), qui prévoit une aide de 27 % du coût d'acquisition , dans la limite de 6 000 euros pour les véhicules électriques émettant moins de 20 grammes de CO 2 par kilomètre (véhicules à 100 % électriques).

En ce qui concerne le bonus versé pour l'achat des deux ou trois roues et des quadricycles à moteur électrique d'une puissance supérieur ou égale à 3kW , le montant maximum de l'aide versé était passé de 1 000 euros en 2017 à 900 euros en 2018.

Nombre de « bonus » automobile versés entre 2015 et 2018

Véhicules électriques

Véhicules hybrides rechargeables

Véhicules hybrides

Total

2015

18 286

3 326

37 461

59 073

2016

27 131

3 921

35 572

66 624

2017

24 595

3 648

0

28 234

2018

39 398

0

0

39 398

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Si le nombre de bonus demandés à la suite de l'immatriculation d'un véhicule électrique a augmenté, passant de 32 000 véhicules en 2017 à 39 398 véhicules en 2018, cette progression s'est avérée nettement inférieure aux prévisions, lesquelles prévoyaient 54 000 bonus distribués en 2018

Cet écart explique que seuls 69,8 % des crédits du programme 791 aient été consommés en 2018.

De toute évidence, le bonus ne parvient pas encore à compenser pour les ménages le coût d'achat très élevé des véhicules électriques . Une véritable évolution sur ce plan ne devrait intervenir que lorsque les constructeurs automobiles seront en mesure de proposer des véhicules aux prix plus abordables pour les ménages .

4. Le succès de la prime à la conversion a dépassé toutes les attentes en 2018

La prime à la conversion, portée par le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants », a été mise en place le 1 er avril 2015 pour accélérer le retrait des vieux véhicules les plus polluants .

Elle a connu un démarrage très décevant , puisque il n'y a eu que 3 230 primes versées en 2015, 9 652 en 2016 et 7 907 en 2017.

Le Gouvernement a décidé de revoir en profondeur le dispositif à compter du 1 er janvier 2018, tout en l'inscrivant dans le cadre de l'initiative n° 3 « Accompagner le remplacement des véhicules polluants » du volet « Transports mobilités » du Grand Plan d'Investissement (GPI) .

Il a tout d'abord considérablement élargi la liste des véhicules susceptibles d'être mis au rebut .

Alors que n'étaient auparavant éligibles que les véhicules qui fonctionnaient au diesel et avaient été immatriculés avant le 1 er janvier 2001 (avant le 1 er janvier 2006 pour les ménages non imposables) 131 ( * ) , les véhicules à essence immatriculés avant 1997 132 ( * ) sont désormais eux aussi éligibles à la prime à la conversion.

Dans le même temps, il a significativement renforcé la prime pour l'achat d'un véhicule thermique peu polluant (Crit'Air 0, 1 ou 2, neuf ou d'occasion, essence ou diesel, émettant moins de 130 grammes d'émissions de CO 2 par kilomètre) ou d'un véhicule électrique d'occasion . Tous les ménages, sans conditions de ressources, ont pu bénéficier d'une prime de 1 000 euros à partir du 1 er janvier 2018, les ménages non imposables bénéficiant d'une surprime de 1 000 euros .

Enfin, le Gouvernement a créé une prime de 100 euros sans conditions de ressources pour l'acquisition d'un 2-3 roues motorisé ou d'un quadricyle motorisé électrique , les ménages non imposables bénéficiant en outre d'une surprime de 1 000 euros .

Dans le projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement s'était fixé pour objectif la distribution de 100 000 primes à la conversion en 2018 et 500 000 primes distribuées sur la durée du quinquennat , ce qui paraissait ambitieux compte tenu des résultats constatés les années précédentes.

Or, l'assouplissement des critères d'attribution de la prime à la conversion et son caractère beaucoup plus attractif ont entraîné une montée en charge extrêmement rapide de ce dispositif que le Gouvernement n'avait pas du tout anticipée.

En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion ont finalement été enregistrées et plus de 255 000 primes ont été distribuées , ce qui représente une multiplication par 32 du nombre de primes attribuées .

L'explosion du nombre de primes à la conversion
distribuées en 2018

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si l'on peut regretter que le ministère de la transition écologique et solidaire ne soit pas parvenu à évaluer correctement le nombre de primes à distribuer en loi de finances initiale pour 2018, il convient de se réjouir que ce dispositif , jusqu'ici très peu efficace, ait enfin trouvé son public .

Le Gouvernement, désireux d'offrir des contreparties aux automobilistes victimes des coûts élevés du carburant, a annoncé à l'automne 2018 qu'il allait encore renforcer la prime à la conversion . Toujours dans le cadre du GPI, il est désormais prévu que un million de primes seront versées au cours du quinquennat, comme l'a rappelé le Premier ministre dans son discours de politique générale du 12 juin 2019. 600 millions d'euros de crédits ont été prévus à cet effet pour 2019, avec un objectif de distribution de 400 000 primes au cours de l'année.

Ce chiffre significatif, s'il devait être atteint, permettrait que soit véritablement amorcé le verdissement du parc automobile français , qui constitue un enjeu majeur pour permettre à l'économie française d'atteindre la neutralité carbone en 2050 .

V. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

1. Le compte d'affectation spéciale FACÉ permet le financement d'aides à l'électrification rurale

Créé en 2011, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace, en dépenses, les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ) , en l'occurrence les collectivités ou syndicats d'électrification ayant la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

Ces dépenses sont financées par une contribution versée par les gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité , et assise sur le nombre de kilowattheures (kwh) distribués à partir d'ouvrages exploités en basse tension l'année précédente. Fixé par arrêté 133 ( * ) , le taux de cette contribution est plus élevé en zone urbaine - 0,1891616 centime d'euro par kilowattheure - qu'en zone rurale - 0,037832 centime d'euro par kilowattheure - permettant ainsi une péréquation dans le financement des aides .

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre 98 % des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du CAS , vise à financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

Par définition, le FACÉ n'intervient que dans les zones rurales .

Or, la politique de regroupement des communes et la création de communes nouvelles a conduit certaines d'entre elles à dépasser les 5 000 habitants , seuil à partir duquel une commune n'est plus automatiquement éligible aux aides du FACÉ. Pourtant, beaucoup d'entre elles continuent à présenter les mêmes caractéristiques rurales que par le passé .

C'est pourquoi des modifications réglementaires prévues dans le cadre de la loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 relative aux communes nouvelles devront rapidement établir une nouvelle définition de la ruralité . Il est notamment envisagé de donner davantage de latitude au préfet pour étendre le bénéfice des aides du FACÉ aux communes dont la population est comprise entre 5 000 et 10 000 habitants si leur densité est très faible.

2. Un solde excédentaire mais qui ne permet d'apurer que légèrement le déficit dont le CAS a hérité lors de sa création

La consommation des crédits du compte d'affectation spéciale a augmenté de 16,9 % en AE et de 1,8 % en CP par rapport à la consommation des crédits observée en 2017.

Si les crédits consommés en AE ont été supérieurs de 7,6 % aux crédits votés en loi de finances pour 2018, le montant des crédits exécutés en CP a en revanche été inférieur de - 2,9 % aux prévisions.

On observe ainsi une surconsommation de + 9,8 % en AE mais une sous-consommation de - 1,2 % en CP par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale des crédits du programme 793. Ces chiffres sont en nette progression par rapport à ceux qui avaient été enregistrés en 2017 et en 2016. La surconsommation des AE s'explique par le report de 56,9 millions d'euros d'engagements qui n'avaient pas pu être réalisés en fin de gestion 2017 en raison de l'arrivée tardive des demandes de subventions.

À noter que 294,5 millions d'euros de CP avaient également été reportés mais qu'ils n'ont pas été consommés en 2018 en raison des modalités de paiement qui prévoient que les opérations sont financées sur un intervalle de trois ans à partir de l'année de programmation, pouvant être étendu à quatre ans sur décision du ministre chargé de l'énergie.

Le programme 794 demeure quant à lui gravement sous-exécuté , puisque l'écart entre les crédits votés et les crédits consommés atteint - 102,3 % en AE et - 86,1 % en CP .

Exécution des crédits du CAS par programme en 2018

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / exéc. 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

330 130 855

352 800 000

387 517 668

+17,4 %

+9,8 %

CP

342 302 865

352 800 000

348 443 455

+1,2 %

-1,2 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

1 182 241

7 200 000

-200 758

-117,0 %

-102,3 %

CP

916 829

7 200 000

999 939

+9,1 %

-86,1 %

Total

AE

331 313 096

360 000 000

387 316 910

+16,9 %

+7,6 %

CP

343 219 694

360 000 000

349 443 394

+1,8 %

-2,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

Les recettes du compte d'affectation spéciale ont atteint en 2018 376,8 millions d'euros , soit 16,8 millions d'euros (+ 4,6%) de plus que les 360,0 millions d'euros que prévoyait la loi de finances initiale. Ces recettes supplémentaires ont permis de commencer à apurer le déficit hérité du passé (voir infra ).

Ce montant n'en demeure pas moins légèrement inférieur aux 378,5 millions d'euros dont avait bénéficié le compte en 2017.

Conséquence de cette bonne rentrée des recettes, mais également de la très faible consommation des crédits du programme 784, le solde du CAS en 2018 est nettement positif , puisqu'il représente 27,4 millions d'euros , contre 35,3 millions euros en 2017. Le solde cumulé du CAS a ainsi atteint 339,2 millions d'euros au 31 décembre 2018.

Si ce montant est en augmentation, il demeure très insuffisant pour faire face à l'ensemble des engagements souscrits dans le cadre du CAS et non couverts par des paiements à la fin 2018, puisque ce montant s'élève à 663 millions d'euros .

Ce déficit de 323,0 millions d'euros constitue un héritage lié à la reprise en 2012 d'engagements pris avant cette date par EDF. Il serait nécessaire de vérifier si certains de ces engagements concernent des projets toujours valides , et, si c'est le cas, de prévoir des crédits nécessaires pour les honorer.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2018 (en crédits de paiement)

(en euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « Électrification rurale »

348 443 455

764 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

999 939

Total

376 847 596

349 443 394

+27 404 202

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

3. Le taux d'exécution élevé des crédits du programme 193 témoigne d'une amélioration constante de la gestion du FACÉ

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, les actions du programme 793 ont été exécutées à des taux relativement variables, correspondant en moyenne à 98,8 % du montant initialement prévu en loi de finances en crédits de paiement . Il s'agit là d'un progrès significatif, puisque le taux de consommation des crédits était de 92,0 % en 2017.

Ces chiffres viennent appuyer ce que le prédécesseur de votre rapporteur spécial, le sénateur Jacques Genest, relevait dans son rapport de contrôle sur la gestion et l'utilisation des aides aux collectivités pour l'électrification rurale : sept ans après sa création, « le FACÉ semble aujourd'hui avoir trouvé un certain rythme de croisière » dans l'instruction des dossiers et le paiement des aides 134 ( * ) .

Ce bon résultat s'explique indéniablement par une amélioration de la gestion du FACÉ dont témoigne notamment l'envoi durant l'été 2018 d'un courrier à toutes les AODE leur indiquant le niveau de leurs engagements ainsi que la consommation de leurs crédits de paiement et les incitant à faire preuve de vigilance.

Exécution du programme 793 par action en 2018

(en euros et en %)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

3 Renforcement des réseaux

164 200 000

172 436 571

105,0 %

164 200 000

164 439 704

100,1 %

4 Extension des réseaux

40 800 000

39 228 095

96,1 %

40 800 000

40 664 937

99,6 %

5 Enfouissement et pose en façade

42 500 000

45 258 899

106,5 %

42 500 000

43 938 936

103,4 %

6 Sécurisation des fils nus (hors faible section)

48 700 000

52 625 242

108,1 %

48 700 000

45 692 545

93,8 %

7 Sécurisation des fils nus de faible section

52 500 000

57 666 469

110,0 %

52 500 000

47 133 813

89,8 %

8 Fonctionnement

1 200 000

302 392

25,2 %

1 200 000

235 424

19,6 %

9 Déclaration d'utilité publique (Très haute tension)

500 000

-

-

500 000

128 512

25,7 %

10 Intempéries

2 400 000

20 000 000

833,3 %

2 400 000

6 209 584

258,7 %

Total

352 800 000

387 517 668

109,8 %

352 800 000

348 443 455

98,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

Les crédits de l'action 3 « Renforcement des réseaux » représentent à seuls 47,1 % des crédits du programme . L'écart de 8 millions d'euros en AE entre la loi de finances initiale et l'exécution provient pour 23,9 millions d'euros des demandes de subvention non traitées en fin d'année 2017 et du financement du Programme exceptionnel d'investissements (PEI) de la collectivité territoriale de Corse , également par des reports de crédits, pour un montant de 2,9 millions d'euros .

Les autres actions ont également quasiment toutes bénéficié de reports de crédits , ce qui explique que plusieurs d'entre elles présentent des taux d'exécution en AE supérieurs à 100 %.

La diminution des crédits liés au frais de fonctionnement du CAS portés par l'action 8 « Fonctionnement » s'explique par la fin des mises à disposition du personnel d'EDF au cours de l'année 2018 . La gestion du CAS est désormais exclusivement effectuée par des fonctionnaires de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

L'action 10 « Intempéries » a fait l'objet d'une sur-exécution très importante, puisque 20 millions d'euros en AE et 6,2 millions d'euros en CP ont été consommés en 2018, alors que la loi de finances n'avait prévu que 2,4 millions d'euros pour cette action.

Cet écart de 17,6 millions d'euros en AE et de 3,8 millions d'euros en CP s'explique par le financement du programme de reconstruction du réseau électrique de Saint-Martin et Saint-Barthélémy , touchés par l'ouragan Irma en septembre 2017. Il a été financé par 16 millions d'euros de reports de crédits non consommés en 2017.

4. Le problème de la sous-exécution systématique des crédits du programme 794 n'a pas été résolu en 2018

Si la consommation des crédits du programme 793 est désormais très satisfaisante, il n'en est pas de même pour le programme 794 , qui est systématiquement marqué par une très forte sous-consommation de ses crédits depuis la création du CAS.

Cette situation s'est de nouveau produite en 2018, avec un taux d'exécution des crédits de paiement du CAS de seulement 13,4 % .

Cette sous-utilisation chronique des aides du programme 794 correspond à un faible nombre de demandes de subvention déposées par les AODÉ , celles-ci ayant des difficultés dans le montage des dossiers ainsi que pour les mener à bien dans les délais impartis 135 ( * ) .

Si l'on peut convenir avec la Cour des comptes de la nécessité de mieux adapter les aides de ce programme aux collectivités concernées 136 ( * ) - Corse et outre-mer en particulier - votre rapporteur spécial considère que le maintien des crédits du programme 794 au même niveau depuis la création du FACÉ pose problème.

Le passage de 7,2 millions d'euros à 4,8 millions d'euros des crédits destinés à ce programme dans le cadre de la loi de finances pour 2019 devrait limiter un peu ce phénomène de sous-consommation .

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » ET CAS « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS » - PROGRAMMES TRANSPORTS TERRESTRES ET AFFAIRES MARITIMES - Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT » ET 205 « AFFAIRES MARITIMES »

1. Le programme 203 « Infrastructures et services de transport » a bénéficié de l'apport de fonds de concours particulièrement significatifs en 2018

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait 3 209,1 millions d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et 3 141,5 millions d'euros de crédits de paiement (CP) pour le programme 203 « Infrastructures et services de transport ».

Toutefois, ce programme présente la particularité de recevoir d'importants fonds de concours de la part de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et des collectivités territoriales (dans une proportion moindre).

Si ces fonds de concours sont présentés de manière évaluative dans les documents annexés au projet de loi de finances et ne font donc pas partie des crédits adoptés par le Parlement, ils viennent s'imputer, en cours de gestion, sur le programme et sont compris dans les crédits ouverts et consommés.

Au total, en ajoutant ces fonds de concours ainsi que les attributions de produits, la loi de finances initiale prévoyait 4 566,6 millions d'euros en AE et 4 620,7 millions d'euros en CP pour le programme 203.

La consommation des AE du programme 203 s'est élevée à 4 950,1 millions d'euros tandis que celle des CP atteignait 5 399,1 millions d'euros , soit des niveaux supérieurs aux prévisions de la loi de finances initiale , en raison de l'apport de 1 886,4 millions d'euros en AE et de 2 186,2 millions d'euros en CP de fonds de concours par l'AFITF, soit des montants nettement plus importants que ce qui avait été initialement anticipé.

Ces crédits supplémentaires ont permis d'augmenter les dépenses en faveur de l'entretien et de la rénovation des réseaux ferroviaire et routier.

Le responsable du programme 203, cité par la Cour des comptes dans la note d'exécution budgétaire consacrée à la mission, note toutefois que si les conditions de la gestion 2018 plus favorables ont permis de « mieux répondre aux engagements pris au plan interministériel et ministériel pour les politiques de transports, le niveau des crédits mis en oeuvre reste insuffisant pour répondre pleinement aux besoins recensés et confirmés par les audits tant internes qu'externes ».

Les crédits ouverts pour 2018 représentant au final 5 721,9 millions d'euros en AE et 5 530,7 millions d'euros en CP, les taux d'exécution du programme s'élèvent à 94,4 % en AE et 97,6 % en CP, ce qui témoigne en effet d'une gestion budgétaire améliorée par rapport aux exercices précédents.

Au total, et même s'ils peuvent apparaître insuffisants au regard de l'ampleur des besoins suscités par des décennies de sous-investissements chroniques dans l'entretien et la rénovation des réseaux existants , les crédits de paiement consommés du programme 203 représentent à eux seuls 39,9 % des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », témoignant d'un réel effort consenti par l'État en faveur des infrastructures et services de transports en 2018.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Infrastructures et services de transport

LFI 2018

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

3 141,5

297,2

- 89,9

- 4,4

2 186,2

5 530,7

5 399,1

97,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2018, la réserve de précaution du programme 203 a représenté 89,9 millions d'euros en CP, soit environ 2,86 % de la dotation initiale du programme .

Pour parvenir à ce résultat, un taux de réserve de 3 % a été appliqué aux dépenses du programme, à l'exception de certaines dépenses jugées prioritaires telles que le dragage des grands ports maritimes , les aides à la pince pour le transport combiné ainsi que les concours ferroviaires pour les TER et les TET .

En outre, il a été appliqué le taux réduit de mise en réserve de 0,5 % pour les dépenses de personnel à la subvention pour charges de service public versée à Voies navigables de France (VNF).

2. Le programme 205 « Affaires maritimes » a vu sa réserve de précaution partiellement dégelée

Le programme 205 « Affaires maritimes » porte les crédits budgétaires qui financent l'action maritime de l'État dans ses différentes dimensions : sécurité maritime, protection de l'environnement, formation des gens de mer, soutien au pavillon français, etc.

En loi de finances initiale pour 2018 le programme 205 bénéficiait de 158,1 millions d'euros en AE et en CP, auxquels se sont ajoutés 5,5 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits. Les 2,5 millions d'euros de fonds de concours correspondaient à des remboursements de projets cofinancés par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Les 3,0 millions d'euros d'attributions de produits provenaient de la participation des collectivités ou des ports à l'entretien du balisage maritime.

Le total des crédits ouverts du programme s'élevait donc à 163,5 millions d'euros (AE=CP). Sur cette somme, 160,4 millions d'euros ont été consommés en AE (soit un taux d'exécution de 98,1 % ) et 162,8 millions d'euros en CP (soit un taux d'exécution de 99,6 % ).

Ces chiffres sont en recul de - 6,7 % en AE et de - 3,3 % par rapport à 2017, puisque 172,0 millions d'euros en AE et 168,3 millions d'euros en CP avaient été consommés cette année-là.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture

LFI 2018

Reports entrants

Mouvements en cours de gestion

(LFR et DA)

Virement ou transfert

Reports sortants

FDC / ADP

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

158,1

2,3

-2,3

-

-

5,5

162,8

99,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La réserve de précaution initiale représentait 4,4 millions d'euros , soit 3 % des crédits du programme, contre 8 % précédemment. Cette réserve de précaution a bénéficié d'un dégel partiel en fin d'année de 2,1 millions d'euros . Les crédits restant - soit 2,3 millions d'euros - ont été supprimés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2018.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La situation financière de l'AFITF demeure très préoccupante, en raison de recettes insuffisantes pour couvrir les dépenses annoncées

Comme il a été rappelé supra , le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF ), qui bénéficie à cette fin de l'affectation du produit de plusieurs taxes.

Dans la programmation annexée au projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) dont l'Assemblée nationale vient d'achever l'examen en première lecture, le Gouvernement prévoit que l'AFITF sera dotée de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022 pour investir dans les infrastructures de transport, soit un peu moins de 2,7 milliard d'euros par an , puis de 14,3 milliards d'euros sur la période 2023-2027, soit un peu moins de 2,9 milliards d'euros par an .

Or, cette trajectoire paraît à ce jour extrêmement fragile en raison d'un déficit de recettes pour l'AFITF , qui s'est paradoxalement aggravé en 2018, alors même que le Gouvernement mettait en avant sa volonté de relancer l'investissement en faveur des transports.

De fait, l'AFITF n'a perçu en 2018 que 2 231,0 millions d'euros de recettes affectées, alors que son budget initial prévoyait 2 440,0 millions d'euros de recettes et qu'elle avait perçu 2 400,0 millions d'euros en 2017. Comme l'indique le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) dans son rapport, l'agence a dû en conséquence « prioriser et optimiser ses dépenses sur les dispositifs obligatoires ainsi que les créanciers les plus sensibles » (voir infra ).

Ce recul très significatif de - 7,0 % des recettes de l'AFITF par rapport à 2017 s'explique par la division par deux des recettes attendues en provenance des amendes des radars automatiques . Alors que le budget initial de l'AFITF avait été construit sur une prévision de 457,5 millions d'euros de recettes d'amendes radars, celles-ci n'ont finalement atteint que 248,2 millions d'euros , soit 209,3 millions d'euros de recettes non perçues. Il s'agit là d'un recul de - 39,3 % par rapport aux 408,9 millions d'euros que l'AFITF avait perçus en 2017 au titre des amendes radars.

Selon le ministère de l'intérieur, cette situation problématique qui a conduit à réviser le budget de l'AFITF en cours d'année, s'explique par des évolutions du comportement des automobilistes mais également par la dégradation d'un grand nombre de radars automatiques survenue au cours de l'automne 2018. Pour mémoire, l'agence ne bénéficie que du solde du produit des amendes radars , d'autres missions étant prioritaires dans sa répartition : elle a donc subi de plein fouet la forte diminution des montants perçus par l'État.

Le produit des autres taxes affectées à l'AFITF a été davantage conforme aux prévisions avec 1 028,2 millions d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), contre 1 124 millions d'euros en 2017, 347,5 millions d'euros au titre de la redevance domaniale (contre 351,0 millions d'euros en 2017) et 472,0 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire (contre 515,8 millions d'euros en 2017). Il convient toutefois de noter que les montants perçus, s'ils sont conformes à ce que prévoyait la loi de finances initiale, ont été systématiquement inférieurs à ceux de 2017 .

En compensation, l'AFIFT a perçu en 2018 la troisième et dernière tranche de 100 millions d'euros au titre de la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes prévue dans le cadre du premier plan de relance autoroutier. Ce versement aurait dû intervenir en 2017 mais avait été reporté à 2018. Pour mémoire, le montant total de cette contribution est de 1,2 milliard d'euros , dont 100 millions d'euros par an entre 2016 et 2018, le solde étant étalé d'ici la fin des concessions, au moyen de 20 annuités de 60 millions d'euros .

L'AFITF a enfin perçu en 2018 35 millions d'euros de recettes exceptionnelles correspondant au reversement de trop perçus par SNCF Réseau et la région Normandie dans le cadre du financement du nouveau matériel roulant des lignes de train d'équilibre du territoire (TET) de cette région.

La diminution des recettes de l'AFITF
entre 2017 et 2018

Source : AFITF

Alors que le Gouvernement avait annoncé que le budget de l'AFITF s'élèverait à 2 683,0 millions d'euros en 2019 puis à 2 982,0 millions d'euros pour se conformer à la trajectoire de la LOM, la nécessité de trouver rapidement au minimum 500 millions d'euros de recettes nouvelles pérennes constitue un sujet de préoccupation majeur.

Plusieurs pistes sont actuellement à l'étude et pourraient être examinées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 : nouveau recours à la TICPE , création d'une redevance temporelle ou d'une vignette pour certaines catégories d'usagers , en particulier les poids lourds, mise en place de péages ou bien encore des formes de taxation locales pour le financement de certains projets .

Sur le plan des dépenses, l'AFITF a consommé en 2018 2 477,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit un montant quasiment conforme à celui qui avait été prévu dans son budget initial.

Ce montant est en forte hausse de 533,2 millions d'euros par rapport aux 1 944,2 millions d'euros engagés en 2017 et renoue avec le niveau d'engagements des années antérieures ( 2 474,4 millions d'euros d'engagements nouveaux en 2016). La « pause » sur les grands projets d'infrastructure qu'avait annoncée le Président de la République le 1 er juillet 2017 n'aura donc duré qu'un an .

Pour mémoire, cette pause avait principalement conduit à reporter l'engagement de l'autoroute A45 entre Lyon et Saint-Etienne mais également à reporter un certain nombre d'engagements des projets du tunnel de la liaison ferroviaire Lyon-Turin et du canal Seine Nord Europe .

Quasiment tous les modes de transport ont bénéficié de la reprise des engagements de l'AFITF en 2018. C'est en particulier le cas du transport ferroviaire , puisque les engagements en sa faveur sont passés de 826,3 millions d'euros en 2017 à 1 291 millions d'euros en 2018, soit une très forte augmentation de 465 millions d'euros (+56,3 %). Cette évolution s'explique notamment par l'engagement de :

- 736 millions d'euros destinés à l'achat de matériel roulant pour des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) transférés aux régions 136 ( * ) , soit 370 millions d'euros de plus qu'en 2017, témoignant des efforts financiers consentis par l'État en faveur de ces lignes ;

- 270 millions d'euros pour le projet de liaison Lyon-Turin et ses accès, soit 137 millions d'euros de plus qu'en 2017 ;

- 216 millions d'euros pour les opérations du volet ferroviaire des CPER, soit 56 millions d'euros de plus qu'en 2017.

S'ajoutent à ces sommes 52 millions d'euros pour la sécurité sur le réseau existant, 14 millions d'euros pour le fret et 5 millions d'euros pour les lignes à grande vitesse (LGV).

À noter que les engagements en faveur des routes sont passés de 728 millions d'euros en 2017 à 774 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 46 millions d'euros (+ 6,3 %). Sur cette enveloppe, 474 millions d'euros concernent les interventions de sécurité et de régénération sur le réseau existant et 275 millions d'euros les interventions inscrites aux CPER.

Les engagements en faveur du mode fluvial ont également augmenté de 10 millions d'euros (+ 14,1 %), passant de 71 millions d'euros à 81 millions d'euros , afin de régénérer le réseau.

En ce qui concerne les crédits de paiement, la montée en puissance de l'AFITF, très nette ces dernières années, s'est poursuivie en 2018 puisque l'agence a dépensé 2 572,5 millions d'euros , soit 465,7 millions d'euros supplémentaires consommés par rapport à l'année précédente, ce qui représente une hausse considérable de + 22,1 % .

Les crédits de paiements consommés par l'AFITF
de 2014 à 2018 (en millions d'euros)

Source : AFITF

Cette hausse aurait dû toutefois être plus importante encore, puisque le budget initial de l'AFITF prévoyait des dépenses de 2 767,0 millions d'euros en 2018.

Les recettes inférieures aux prévisions (voir supra ) ont conduit l'agence à réduire sa consommation de crédits de 191,0 millions d'euros , dont :

- 153 millions d'euros de moins pour le mode ferroviaire (- 37 millions d'euros pour le Lyon-Turin, - 23 millions d'euros pour le fret ferroviaire, - 38 millions d'euros pour le matériel roulant et - 91 millions d'euros pour les conventions de financement des nouvelles LGV) ;

- 12 millions d'euros de moins pour le transport fluvial ;

- 25 millions d'euros de moins pour les transports collectifs.

La forte hausse des crédits de paiement exécutés par l'AFITF en 2018 malgré tout constatée s'explique principalement par la dépense exceptionnelle de 326 millions d'euros correspondant au remboursement en une seule fois des dettes Dailly du contrat de partenariat relatif à l'écotaxe poids lourds.

Mais elle est également liée aux dépenses en faveur des routes et des transports collectifs d'agglomération (TCA) .

En matière routière, les crédits de paiement consommés ont atteint 942 millions d'euros , soit 131 millions d'euros de plus qu'en 2017 (+ 16,2 %) et 163 millions d'euros de plus qu'en 2016 (+ 20,9 %).

Sur cette somme, 485 millions d'euros ont été consacrés aux interventions de sécurité et de régénération du réseau existant, 303 millions d'euros aux opérations inscrites aux CPER et 154 millions d'euros à des infrastructures nouvelles, en particulier la nouvelle route littorale à La Réunion, la L2 à Marseille et la route Centre-Europe-Atlantique non concédée.

La hausse a été particulièrement significative pour les TCA, puisque les crédits qui leur sont consacrés sont passés de 182 millions d'euros en 2017 à 246 millions d'euros en 2018, soit une hausse de 64 millions d'euros (+ 35,2 %), un montant sans précédent supérieur au précédent point haut de 2016 ( 231 millions d'euros ).

Les dépenses en faveur du mode ferroviaire ont en revanche diminué de 62,5 millions d'euros , passant de 964,5 millions d'euros en 2017 à 902 millions d'euros en 2018.

Sur cette somme, 255 millions d'euros ont été consacrés aux subventions d'investissements ou aux loyers immobiliers des lignes LGV (LGV Sud Europe Atlantique, LGV Bretagne Pays-de-la-Loire, contournement Nîmes-Montpellier), 233 millions d'euros au renouvellement des trains d'équilibre du territoire (TET), 224 millions d'euros aux CPER, 116 millions d'euros aux interventions de sécurité sur le réseau existant, 63 millions d'euros au projet de liaison Lyon-Turin et 11 millions d'euros au fret.

En 2018, l'AFITF n'a que peu réduit son endettement vis-à-vis de SNCF Réseau au titre du financement de la LGV Sud Europe Atlantique, puisque ses charges à payer sont passées de 229 millions d'euros à la fin de l'année 2017 à 220 millions d'euros à la fin de l'année 2018.

Fin 2018, les restes à payer de l'AFITF représentaient encore 11,9 milliards d'euros , en baisse de 100 millions d'euros seulement par rapport à 2017. Ce montant représente entre cinq et six années de recettes .

67,2 % de ces restes à payer sont concentrés sur le transport ferroviaire et sont pour l'essentiel liés aux contrats de partenariat public-privés conclus pour la construction des lignes à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique, Bretagne Pays-de-la-Loire et Nîmes-Montpellier. Alors que ces infrastructures sont entrées en service en 2017, elles continueront à peser longtemps sur les comptes publics.

2. Les crédits en faveur de l'entretien du réseau routier non concédé ont augmenté fortement dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI)

Alors que le réseau routier non concédé subissait un vieillissement de plus en plus préoccupant , les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience ces dernières années de la nécessité de faire de l'entretien et de la régénération des chaussées une véritable priorité . Des efforts financiers importants ont été consentis dans ce sens à partir de 2012.

Mais, alors que les dépenses de l'État en faveur du mode de transport routier avaient atteint 1 322,2 millions d'euros en AE et 1 362,2 millions d'euros en CP en 2016, elles n'avaient représenté que 1 241,6 millions d'euros en AE et 1 299,2 millions d'euros en CP en 2017, soit une baisse de 80,6 millions d'euros en AE et de 62,8 millions d'euros en CP dont s'était inquiété la rapporteure spéciale Fabienne Keller, précédemment en charge du suivi du programme 203.

Prenant conscience à son tour que la rénovation du réseau routier constitue un enjeu de première importance, le nouveau Gouvernement s'est engagé à lui consacrer 700 millions d'euros supplémentaires au cours de la période 2018-2022 dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI) , dont 100 millions d'euros dès 2018.

Cette promesse a été tenue, puisque 1 358,1 millions d'euros en AE et 1 502,8 millions d'euros en CP ont été consacrés à la route en 2018, soit 116,5 millions d'euros supplémentaires en AE et 203,6 millions d'euros en CP.

Sur cette somme, les dépenses en entretien routier et régénération ont connu une nette hausse , passant de 450 millions d'euros en AE en 2017 à 487,6 millions d'euros en 2018 et de 443,6 millions d'euros en CP en 2017 à 507,7 millions d'euros en 2018.

Rappelons pour mémoire que le Gouvernement a annoncé, dans le cadre de la programmation financière annexée au projet de loi d'orientation des mobilités, que le réseau routier national non concédé devrait bénéficier de 31 % de moyens supplémentaires sur la décennie 2018-2027 par rapport à la décennie précédente.

La crédibilité de cet engagement devrait principalement dépendre de la possibilité de dégager , ou non, de nouvelles recettes pour l'AFITF .

3. La Société du Grand Paris, confrontée à la réévaluation des coûts du Grand Paris Express, a poursuivi sa montée en puissance en 2018 en investissant plus de 1,7 milliard d'euros

Les dépenses de la Société du Grand Paris en crédits de paiement, qui étaient de 292 millions d'euros en 2014, de 563 millions d'euros en 2015, de 909 millions d'euros en 2016 et de 1 782 millions d'euros en 2017, se sont élevées en 2018 à 2 657 millions d'euros , soit une hausse d'environ + 50 % par rapport à l'année précédente.

Pour financer ses dépenses, la SGP a pu compter sur ses recettes fiscales affectées, qui se sont élevées à 566 millions d'euros , en croissance de + 5,0 % par rapport aux 539 millions d'euros perçus en 2017.

Ces recettes correspondent à une fraction de la taxe sur les locaux à usage de bureaux ( 382 millions d'euros ), à la taxe spéciale d'équipement ( 117 millions d'euros ) et à une composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau ( 67 millions d'euros ). À ces recettes fiscales sont venues s'ajouter 64 millions d'euros d'autres recettes correspondant à la refacturation du matériel roulant à Île-de-France Mobilités.

En 2017, la SGP avait été confrontée à l'épuisement de son fonds de roulement, ce qui l'avait conduit à souscrire un premier emprunt de 700 millions d'euros pour faire face à l'augmentation très rapide de ses dépenses. Elle a souscrit 2 365 millions d'euros d'emprunts nouveaux en 2018, dont 1,75 milliard d'euros au titre de sa première émission obligataire.

Les dépenses d'investissement de la SGP ont fortement augmenté, de + 60,7 % en 2018, pour atteindre 1 765 millions d'euros , soit 337 millions d'euros de plus que ce qui était prévu dans le budget initial de la SGP, il est vrai relativement prudent dans l'attente des annonces du Premier ministre (voir infra ).

Des investissements qui ont été multipliés par neuf depuis 2014
(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces dépenses d'investissement comprennent pour 1,0 milliard d'euros les dépenses liées aux chantiers de génie civil de la ligne 15 Sud (creusement de 1,8 kilomètre de tunnel, arrivée d'un troisième tunnelier à Bagneux) et pour 500 millions d'euros les premiers travaux préparatoires de la ligne 16 (acquisitions foncières, études de maîtrise d'oeuvre, déviation des réseaux, etc.).

La réévaluation à l'automne 2017 des coûts à la charge de la SGP à 38,5 milliards d'euros en valeur 2012 a conduit le Gouvernement à annoncer le 22 février 2018 un décalage de la mise en service de certaines lignes ou portions de ligne entre 2024 et 2030. Il est dorénavant prévu que les dépenses de la SGP représentent 16 milliards d'euros sur la période 2018-2022 .

Le rapport remis par notre collègue député Gilles Carrez (Les Républicains, Val-de-Marne) au Gouvernement le 6 septembre 2018 a mis en lumière le besoin d'affecter entre 200 et 250 millions d'euros de recettes nouvelles pour financer le projet . Diverses mesures fiscales adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019 ont d'ores et déjà permis de dégager environ 100 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires au profit de la SGP.

4. Voies navigables de France a augmenté ses investissements en 2018, mais ses moyens demeurent insuffisants eu égard à l'ampleur des besoins de régénération du réseau fluvial

Voies navigables de France (VNF) , établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé des transports, a pour mission la gestion des voies navigables au nom de l'État . Il bénéficie à ce titre d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 203.

Alors que la loi de finances initiale avait prévu que cette somme s'élèverait à 251,0 millions d'euros en 2018, elle s'est finalement élevée à 248 millions d'euros , soit un niveau supérieur de 3,6 millions d'euros à celui de 2017, grâce à une réserve de précaution moins importante que les années précédentes. Celle-ci représentait toutefois 3,2 millions d'euros, lesquels ont fait l'objet d'une annulation en cours de gestion.

VNF a perçu en 2018 seulement 113 millions d'euros au titre de la taxe hydraulique, soit un montant très inférieur aux 132,8 millions d'euros qui lui avaient été affectés en 2017 et également loin d'atteindre le plafond de 127,8 millions d'euros qui avait été adopté en loi de finances initiale pour 2018. Le rendement net de la taxe hydraulique, dont la suppression a été décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2019 (elle est remplacée par une redevance pour services rendus) a nettement diminué en raison d'un litige avec Électricité de France , son principal contributeur.

VNF a également perçu en 2018 31 millions d'euros de redevances domaniales (28,2 millions d'euros en 2017) ainsi que 14 millions d'euros de recettes de péages (13,6 millions d'euros en 2017).

VNF a bénéficié en 2018 de 80 millions d'euros de subventions de l'AFITF au titre de la restauration et de la modernisation du réseau fluvial , soit 10 millions d'euros de plus qu'en 2017. S'il faut saluer cette hausse, ce chiffre demeure néanmoins en recul par rapport aux 94,5 millions apportées par l'AFITF à VNF en 2016 .

Plusieurs épisodes de crues survenues ces dernières années ont mis en évidence les fragilités du vieillissant réseau de voies navigables géré par VNF, avec notamment la rupture d'une digue sur le Loing en 2016.

La ministre chargée des transports a demandé à la direction de l'établissement de faire réaliser un audit qui a mis en évidence l'insuffisance des investissements réalisés ces dernières années en matière de voies navigables, compte tenu de l'état du réseau.

Il fait ainsi état d'un besoin d'investissement de 245 millions d'euros par an pendant dix ans 137 ( * ) , dont 120 millions d'euros pour le réseau à grand gabarit .

Le niveau d'investissements consenti en faveur des infrastructures demeure loin de cette somme puisqu'il n'a atteint que 164 millions d'euros en 2018, un montant il est vrai plus élevé que les 135,8 millions d'euros de 2017. Ces crédits sont venus financer la remise en état du réseau à grand gabarit , la modernisation des méthodes d'exploitation ainsi que la protection de l'environnement et la sécurité .

La programmation des investissements dans les transports annexée au projet de loi d'orientation des mobilités prévoit que VNF devra consentir dans les années à venir un montant d'investissement total moyen de 190 millions d'euros par an et bénéficiera dans cette perspective de subventions annuelles de l'AFITF de 113 millions d'euros par an, soit 33 millions d'euros de plus que la subvention reçue en 2018.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS » A FINANCÉ EN 2018 LES COMPENSATIONS DUES À SNCF MOBILITÉS AU TITRE DES EXERCICES 2017 ET 2018

1. Les trains d'équilibre du territoire ont été profondément réformés depuis 2015

Depuis 2011, l'État est devenu l'autorité organisatrice des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) , qui jouent un rôle important en matière d'aménagement du territoire , et sont exploitées depuis le 1 er janvier 2012 sous la dénomination « Intercités ».

En tant qu'autorité organisatrice, l'État détermine le plan de transport que doit réaliser SNCF Mobilités (fréquence des trajets par lignes, nombres d'arrêts à réaliser par gares).

En contrepartie, il verse chaque année à l'opérateur ferroviaire des compensations pour financer une partie de son déficit résultant de l'exploitation des TET ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération de leur matériel roulant .

Entre 2015 et 2018, ces trains Intercités, dont le déficit d'exploitation s'était dangereusement creusé dans la période précédente, ont fait l'objet d'une profonde réforme destinée à redynamiser l'offre proposée aux voyageurs . Cette réforme s'est notamment traduite pas la fermeture de lignes de nuit et par le transfert aux régions de nombreuses lignes de jour (voir encadré ci-dessous).

La réforme des lignes de Trains d'équilibre du territoire (TET)

Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche avait mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui avait confié la mission d'étudier les dysfonctionnements de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration . Sur la base du diagnostic de cette commission, il avait établi le 7 juillet 2015 une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains d'équilibre du territoire » visant à réformer profondément les lignes Intercités .

À la suite d'un important travail de concertation, le Gouvernement a décidé de cesser progressivement de financer six lignes de nuit entre le 1 er octobre 2016 et le 1 er octobre 2017 138 ( * ) , seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol restant en activité, à raison d'un aller-retour quotidien , en tant que lignes d'aménagement du territoire .

D'autre part, il a signé des accords de reprise de lignes Intercités avec de nombreuses régions . Ainsi, la région Normandie , par un accord signé le 25 avril 2016, a accepté de devenir l'autorité organisatrice des cinq lignes TET qui la desservent 139 ( * ) et d'en supporter les déficits , à compter du 1 er janvier 2020 au plus tard, en contrepartie d'un financement de l'État de 720 millions d'euros pour renouveler le matériel roulant , largement vétuste, des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre.

À la Normandie sont ensuite venues depuis s'ajouter les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, Occitanie et Centre-Val de Loire. Au total, 18 lignes ont été transmises aux régions , selon des modalités spécifiques pour chacune d'entre elles, et l'État s'est engagé à investir plus de 1,4 milliard d'euros au total pour l'acquisition de matériels neufs.

En revanche, l'État est resté l'autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse , Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille . Il s'est engagé à acquérir d'ici 2025 des rames neuves adaptées aux besoins des voyageurs sur ces lignes, pour un montant d'environ 1,2 milliard d'euros .

Par ailleurs, ont également été maintenues sous l'autorité de l'État , au titre de l'aménagement du territoire les trois lignes Nantes-Bordeaux , Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon .

Source : commission des finances du Sénat

Les obligations respectives de l'opérateur ferroviaire et de l'État sont formalisées dans des conventions d'exploitation. La convention actuellement en vigueur, valable pour la période 2016-2020 , a été adoptée le 27 février 2017 . Elle traduit les profondes évolutions de l'offre TET survenues depuis quatre ans et la volonté de reconquête commerciale portée conjointement par l'État et SNCF Mobilités.

Les premiers résultats de cette réforme sont plutôt encourageants, puisque les taux de remplissage des trains Intercités sont passés de 38 % en 2017 à 40 % en 2018 , grâce notamment à la politique de « petits prix » mise en place par l'opérateur ferroviaire.

Si la régularité des trains a diminué en 2018 avec 83,4 % des trains à l'heure seulement contre 87,1 % en 2017, ces mauvais chiffres sont principalement dus aux effets du mouvement social du deuxième trimestre 2018.

2. En 2018, le CAS a financé les compensations dues à SNCF Mobilités au titre des exercices 2017 et 2018

Les compensations versée par l'État à SNCF Mobilités , mais également celles qui sont désormais prévues pour les régions dans le cadre du transfert de certaines lignes TET, sont portées par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » , qui a été créé par l'article 65 de la loi de finances pour 2011.

Le CAS perçoit diverses taxes affectées (contribution de solidarité territoriale-CST, fraction de la taxe d'aménagement du territoire-TAT et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires-TREF) qui lui permettent de reverser une dotation à SNCF Mobilités afin de financer le déficit qu'elle constate au titre de l'exploitation des lignes TET (programme 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés ») et de renouveler leur matériel roulant (programme 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés »).

La loi de finances initiale pour 2017 prévoyait que les ressources du CAS s'élèveraient à 383,2 millions d'euros , dont 226 millions d'euros au titre de la TREF, 141,2 millions d'euros au titre de la TAT et 16 millions d'euros au titre de la CST.

Mais à ces sommes sont venues s'ajouter 226 millions d'euros de TREF et 40 millions d'euros de CST perçues au titre de l'année 2017, les arrêtés autorisant leur prélèvement ayant été publiés trop tardivement, ce qui n'a pas permis de les percevoir en 2017.

En raison de ce contretemps technique, le CAS a donc perçu en 2018 452 millions d'euros de TREF, 141,2 millions d'euros de TAT et 56 millions d'euros de CST, soit des recettes totales de 649,3 millions d'euros. À cette somme est venu s'ajouter le report du solde du CAS constaté à la fin de l'année 2017, soit 91,4 millions d'euros .

Au titre de l'exercice 2018, il était prévu en loi de finances initiale que les dépenses du compte s'élèveraient à 383,2 millions d'euros en AE et en CP, à raison de 301,9 millions d'euros (AE=CP) au titre de l'exploitation et de 81,3 millions d'euros (AE=CP) pour la contribution de l'État aux investissements relatifs à la maintenance et à la régénération du matériel roulant .

À l'issue de la gestion, le compte fait apparaître des dépenses de 576,4 millions d'euros en AE et 545,4 millions d'euros en CP au titre de l'exploitation (programme 785) et de 162,6 millions d'euros au titre du matériel roulant (programme 786), soit un montant total pour le CAS de 739,0 millions d'euros en AE et de 708,0 millions d'euros en CP.

Ces dépenses correspondent en premier lieu au paiement à SNCF Mobilités de la compensation conventionnelle pour l'exploitation des lignes TET au titre de l'année 2017, pour un montant de 351 millions d'euros , dont 269,7 millions d'euros imputés sur le programme 785 et 81,3 millions d'euros sur le programme 786.

Ces dépenses comprennent également le paiement à SNCF Mobilités de la compensation conventionnelle pour l'exploitation des lignes TET au titre de l'année 2018, dont le montant a été évalué à 308,5 millions d'euros , dont 227,2 millions d'euros sur le programme 785 et 81,3 millions d'euros sur le programme 786.

Alors que la convention 2016-2020 conclue entre l'État et SNCF Mobilités prévoyait une compensation de 330,7 millions d'euros , les travaux menés pour la révision de la trajectoire financière de cette convention ont abouti à ce nouveau chiffre revu à la baisse 140 ( * ) .

Enfin, ces dépenses comprennent les versements des contributions prévues au titre de la participation de l'État aux frais d'exploitation des lignes TET qui ont été transférées aux régions, pour un montant de 73,2 millions d'euros . Sur cette somme, 49 millions d'euros ont été attribués au Centre-Val de Loire, 6,7 millions d'euros à la Nouvelle-Aquitaine, 4,5 millions d'euros à l'Occitanie et 13 millions d'euros à la région Grand Est.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » PROGRAMME « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » ET BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » - M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2018

La mission « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) retrace dans le cadre d'un budget annexe les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) .

Elle est l'un deux seuls budgets annexes qui subsistent depuis la loi de finances pour 2007, avec le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Elle rassemble trois programmes : le programme 613 « Soutiens aux prestations de l'aviation civile » (consacré aux fonctions supports de la DGAC), le programme 612 « Navigation aérienne » et le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification ».

1. Le contexte : un trafic aérien en forte hausse de 5,2 % en 2018

Comme les années précédentes, le trafic aérien a connu une forte croissance en 2018 , ce qui a eu un impact tant sur l'activité de la DGAC (contrôle aérien, surveillance et certification, etc.) que sur ses recettes (redevances de la navigation aérienne, taxe de l'aviation civile, taxe de solidarité sur les billets d'avion).

En premier lieu, le nombre de passagers a augmenté de 5,2 % pour atteindre le chiffre de 172,5 millions de passagers transportés .

Les survols du territoire ont également augmenté de + 6,4 % et les vols internationaux au départ et à l'arrivée des aéroports français ont augmenté de + 2,4 % . Les vols intérieurs au territoire français ont en revanche continué à diminuer, avec une baisse de - 0,3 % .

Comme les années précédentes, 2018 a établi de nouveaux records de trafic pour les services de la navigation aérienne, avec plus de 3,2 millions de vols contrôlés (soit une hausse de 2,8 % par rapport à 2017) et 117 jours de pointe dépassant les 10 000 vols contrôlés.

La tendance à la saisonnalité des vols ainsi que les phénomènes de pointe se sont encore accentués, avec un nouveau record journalier de 11 105 vols pris en charge le 7 juillet 2018 , ce qui a mis à rude épreuve les équipes de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA).

2. La croissance du trafic aérien a permis au BACEA de dégager un important excédent d'exploitation

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) est présenté en équilibre . Ses dépenses sont financées principalement par des taxes et redevances , par le produit des recettes tirées de l'activité de ses services et, le cas échéant, par la variation de son endettement .

Le projet annuel de performances 2018 prévoyait pour le BACEA des dépenses de 2 131,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) . Compte tenu des reports de crédits, des fonds de concours et des attributions de produits, le total des crédits disponibles s'élevait à 2 233,6 millions d'euros en AE et à 2 201,0 millions d'euros en CP.

En exécution, ces dépenses se sont élevées à 2 178,9 millions d'euros en AE et 2 174,3 millions d'euros en CP, soit des taux d'exécution de respectivement 97,6 % et 98,8 % .

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

LFI 2018

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 556,3

0,1

-15,9

-10,6

2,0

1 532,0

1 517,4

99,0 %

612- Navigation aérienne

531,9

18,6

15,9

10,6

41,0

618,0

606,8

98,2 %

614 Transports aériens, surveillance et certification

43,4

2,1

-

-

5,5

51,1

50,0

97,8 %

Total BACEA

2 131,6

21,0

-

-

48,5

2 201,0

2 174,3

98,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

À noter que 26,5 millions d'euros en AE et en CP ont été redéployés du programme 613 vers le programme 612 pour financer l'apparition en gestion d'un besoin d'investissement supplémentaire . Cette somme a été financée grâce à des économies sur la masse salariale (9,3 millions d'euros) et un moindre remboursement de l'emprunt (17,2 millions d'euros).

Toujours en exécution, le BACEA a enregistré 2 204,0 millions d'euros de recettes , alors que le montant attendu en loi de finances initiale était de 2 038,0 millions d'euros , soit un supplément de recettes de 166,0 millions d'euros .

Conséquence de la maîtrise de ses dépenses et du dynamise de ses recettes, le BACEA a enregistré un excédent d'exploitation de 417,5 millions d'euros , en baisse de 29,5 millions d'euros par rapport à celui de 2017 ( 446,9 millions d'euros ). Le résultat obtenu est toutefois supérieur de 64 millions d'euros à la prévision réalisée en loi de finances initiale pour 2018 ( 353 millions d'euros ).

3. Des redevances de navigation aérienne affectées par le mécanisme de restitution aux compagnies aériennes de trop-perçus

Ainsi qu'il a été indiqué supra , le BACEA a enregistré en 2018 2 204,0 millions d'euros de recettes, un montant supérieur de 166,0 millions d'euros à la prévision.

Si le rendement des redevances de la navigation aérienne a été meilleur que prévu, c'est surtout le produit des taxes affectées au BACEA qui s'est révélé particulièrement dynamique en 2018 .

Les redevances de navigation aérienne constituent 75 % des ressources du BACEA. Elles comprennent la redevance de route, la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) métropole ainsi que les redevances de navigation aérienne outre-mer.

Le montant total de ces redevances a représenté en exécution 1 610,9 millions d'euros , soit un montant supérieur de 2,6 % à la prévision de la loi de finances initiale pour 2018, qui s'élevait à 1 570 millions d'euros . Cette évolution favorable s'explique par une hausse de + 2,9 % des unités de service en route (survols compris) plus forte que ce qui avait été anticipé.

Ce montant de 1610,9 millions d'euros est toutefois inférieur aux 1 635,1 millions d'euros exécutés en 2017, en raison de la restitution de 60 millions d'euros aux compagnies aériennes au titre des sur-recouvrements constatés en 2016.

Les recettes de la redevance de route ont atteint 1 351,2 millions d'euros , soit 33,2 millions d'euros de plus que prévu. Ce montant est toutefois en baisse de 1,6 % par rapport à 2017, en raison de la diminution de 5,3 % du taux unitaire de la redevance de route due au mécanisme de restitution susmentionné. À noter que l'année 2018 a donné lieu à un nouveau sur-recouvrement estimé à 63,5 millions d'euros . Celui-ci fera à son tour l'objet d'une restitution en 2020.

Les recettes perçues au titre de la RSTCA métropole ont atteint 213,9 millions d'euros , soit un montant légèrement supérieur à la prévision initiale de 211,0 millions d'euros . Les résultats de la RSTCA outre-mer ont été supérieurs de 18,2 % aux attentes, avec 33,1 millions d'euros en exécution contre une prévision de 28 millions d'euros .

Les recettes des redevances de surveillance et certification ont pour leur part représenté 29,76 millions d'euros , soit 1,3 million d'euros de plus que la prévision, une hausse qui s'explique là encore par le dynamisme du trafic.

4. Des recettes de la taxe de l'aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion supérieures de 73 millions d'euros aux prévisions

Les recettes de la taxe d'aviation civile (TAC) , intégralement perçues par le BACEA depuis le 1 er janvier 2016, ont été beaucoup plus favorables qu'espéré , puisque son produit a atteint 464,3 millions d'euros , soit 47,9 millions d'euros de plus (+ 11,5 %) que les 416,4 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale : cet écart résulte de la croissance du trafic et de la hausse du nombre de passagers par rapport à l'assiette prévisionnelle.

Au total, le montant des recettes perçues au titre de la TAC a augmenté de 27,7 millions d'euros en 2018, soit une hausse de + 6,3 % par rapport à 2017 (436,6 millions d'euros).

En exécution, la taxe de Bâle-Mulhouse 141 ( * ) a également dépassé la prévision initiale de 6 millions d'euros , atteignant 7,6 millions d'euros .

Mais c'est surtout le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion excédant le plafond de 210 millions d'euros , affecté pour la deuxième année consécutive au BACEA 142 ( * ) , qui a largement déjoué les prévisions de la DGAC.

Le produit de cet excédent a en effet atteint 31,6 millions d'euros en 2018 (contre 14,6 millions d'euros en 2017, soit une hausse de 116,4 % ), alors que le montant inscrit en loi de finances initiale n'était que de 6,6 millions d'euros : l'écart entre la prévision et la réalisation est donc de 25 millions d'euros , soit une hausse imprévue de 379 % , ce qui peut à tout le moins conduire à mettre en doute la qualité de la prévision initiale.

Au total, la DGAC a donc perçu près de 73 millions de recettes supplémentaires au titre des taxes qui lui sont affectées , ce qui a plus que compensé la diminution par rapport à 2017 des recettes perçues au titre des redevances de la navigation aérienne.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le désendettement du budget annexe s'est accéléré en 2018, ce qui a permis d'effacer définitivement les effets de la crise économique de 2008-2009

Alors que la dette du BACEA avait connu une augmentation très forte dans les années qui avaient suivi la crise du transport aérien de 2009 pour atteindre un pic à 1,28 milliard d'euros au 31 décembre 2014 , son encours a diminué de 172,8 millions d'euros en 2018, soit une baisse de - 17,8 % supérieure de 70 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale, pour s'établir à 805,1 millions d'euros au 31 décembre 2018.

Le niveau suffisant de trésorerie et la bonne exécution des recettes ont en effet permis de ne pas procéder au tirage d'emprunt de 87,2 millions d'euros prévu dans le budget du BACEA pour 2018. Rappelons pour mémoire que le BACEA avait emprunté 102,6 millions d'euros en 2017.

La dynamique de résorption de la dette du BACEA s'amplifie donc : l'encours a baissé de 37 % depuis 2015 et a retrouvé son niveau antérieur à la crise économique de 2008-2009, à l'origine de sa très forte augmentation.

Évolution de l'endettement du budget annexe de 2008 à 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, alors que le ratio de l'endettement sur les recettes d'exploitation du BACEA , qui constitue l'un des principaux indicateurs de performance de la mission, s'élevait encore à 44,9 % en 2017, il a significativement reculé en 2018 pour atteindre 36,8 % , un résultat nettement plus favorable que celui qui avait été prévu par la DGAC, qui s'était fixé pour objectif un ratio de 43,4 % . Outre les efforts de réduction de l'encours de dette, ce bon résultat s'explique avant tout par le dynamisme des recettes de la DGAC , et en particulier celles de la taxe de l'aviation civile (TAC).

La poursuite du recul de la dette du BACEA , dont l'augmentation continue avait pu paraître un temps menacer la soutenabilité financière de la DGAC, constitue une bonne nouvelle pour nos finances publiques .

Elle devra se poursuivre dans les années à venir et ce d'autant plus que la DGAC va devoir veiller à maîtriser ses dépenses en matière de masse salariale tout en maintenant à un haut niveau ses dépenses d'investissements dans le cadre de la construction du Ciel unique européen.

2. La masse salariale de la DGAC demeure en augmentation, compte tenu du poids des protocoles sociaux

Les dépenses de personnel de la DGAC , qui représentent 54,4 % des dépenses du BACEA , se sont élevées à 1 182,9 millions d'euros en 2018 (contre 1 163,9 millions d'euros en 2017), soit 20,6 millions d'euros de moins que la prévision de la loi de finances initiale, qui s'élevait à 1 203,5 millions d'euros (soit un taux d'exécution des crédits de 98,3 % ).

Cette sous-exécution s'explique par des dépenses liées au protocole social plus faibles que prévues, le non-paiement de jours de grèves (45 jours de grèves en 2018) ou bien encore par des économies liées au schéma d'emploi et à la suppression progressive de l'indemnité de compensation exceptionnelle de la contribution sociale généralisée (CSG) un peu plus fortes que ce qui avait été anticipé.

À la suite de cette sous-exécution, 9,3 millions d'euros de crédits de titre 2 ont été annulés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2018 et ont été affectés au financement des programmes de modernisation de la navigation aérienne (voir infra ). Par ailleurs, 1,9 million d'euros ont fait l'objet d'une fongibilité asymétrique.

Hors CAS pensions, les dépenses de personnel de la DGAC sont passées de 897,7 millions d'euros en 2017 à 914,2 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de 1,8 % sur un an. Selon la Cour des comptes, le coût moyen par ETPT 143 ( * ) de la DGAC a connu une nouvelle hausse significative de 2,0 % en 2018 après une hausse de 2,6 % en 2017.

Le schéma d'emploi (0 ETP par an pour la période 2016-2019, contre - 100 ETP par an pour la période 2013-2105) a une nouvelle fois été strictement respecté, ce qui a permis à la DGAC de réaliser des économies de 0,51 million d'euro par rapport à 2017.

Toutefois, la conformité du solde à la prévision - soit 0 ETP supplémentaire en 2018 - ne doit pas occulter l'existence d'écarts très importants entre les entrées et les sorties programmées et celles qui sont effectivement constatées. Ainsi, 440 sorties et 440 entrées se sont produites en 2018 , alors que seules 339 entrées et sorties avaient été prévus. Cet écart très significatif de 101 ETP montre qu'il est nécessaire d'améliorer rapidement la programmation du schéma d'emploi , l'existence de tels écarts se produisant chaque année (écart de 161 ETP en 2017, de 84 ETP en 2016, etc.).

Si l'application du schéma d'emploi a permis de réaliser des économies, celles-ci n'ont pas empêché la masse salariale du BACEA de continuer à augmenter , les mesures prévues par les protocoles sociaux de la DGAC ayant représenté des dépenses supplémentaires de 15,9 millions d'euros (contre 18,2 millions d'euros en 2017).

De fait, le caractère onéreux de ces protocoles est régulièrement mis en avant par la Cour des comptes, qui a calculé que les dépenses au titre des mesures prévues par les protocoles sociaux successifs s'élevaient à 67 millions d'euros depuis 2013 , à comparer avec les économies de 19,1 millions d'euros réalisées grâce au schéma d'emploi.

Pour mémoire, le coût pour les finances publiques du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 dans un contexte social tendu est évalué à 55 millions d'euros sur la période, comprenant environ 45 millions d'euros de mesures catégorielles et 10 millions d'euros correspondant à l'application du protocole interministériel « parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR). Ces différentes mesures devraient représenter des dépenses de 13,8 millions d'euros pour la DGAC en 2019.

Les mesures catégorielles susmentionnées impliquaient des contreparties demandées aux personnels de la DGAC , et en particulier aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), en matière de productivité et d'adaptation du temps de travail , qui doivent leur permettre de faire face à la hausse continue du trafic et à sa saisonnalité de plus en plus marquée .

Selon le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018, les gains en capacité supplémentaires susceptibles d'être induits par ces aménagements des conditions de travail des contrôleurs aériens seraient compris entre 10 et 20 % à compter de 2019 .

Alors que la négociation d'un nouveau protocole social devrait débuter dans les prochains mois, votre rapporteur spécial souhaite que ces résultats puissent faire l'objet d'une évaluation précise et quantifiée , et que celle-ci soit communiquée au Parlement.

3. La hausse des crédits consacrés aux grands programmes de modernisation de la navigation aérienne doit s'accompagner d'une amélioration de leur pilotage

Les dépenses d'investissement revêtent une grande importance pour la DGAC, car elles sont indispensables pour assurer le passage au « Ciel unique européen » , initiative de la Commission européenne qui vise à moderniser la gestion de l'espace aérien européen , en particulier grâce au coûteux programme technologique SESAR .

Or la DGAC a pris du retard dans son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne , ainsi que votre rapporteur spécial l'a mis en lumière dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » 144 ( * ) présenté devant la commission des finances du Sénat le 13 juin 2018.

Afin de tenter de combler ce retard, la DGAC n'a cessé d'augmenter ses dépenses d'investissement depuis 2013, année où ces dépenses avaient atteint un point bas inquiétant à 138,3 millions d'euros .

Ce mouvement s'est poursuivi en 2018, puisque les dépenses d'investissement exécutées ont augmenté de 12 % en un an , passant de 205,9 millions d'euros en 2017 à 230,8 millions d'euros en 2018, soit un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2009.

Des dépenses d'investissement en forte augmentation depuis 2013

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Sur cette somme, 214,8 millions d'euros (soit 93,1 % du total), un montant en progression de 11,5 % par rapport à 2017, ont été dévolus au programme 612 « Navigation aérienne », et notamment aux grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4-Flight, Coflight, Sysat, etc.) qui doivent permettre à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de faire face à la hausse à venir du trafic dans de bonnes conditions de capacité, de sécurité et de respect des normes environnementales.

À noter que la passation d'un avenant relatif au programme 4-Flight signé avec Thalès en cours d'année a suscité un besoin d'investissement imprévu dès 2018 de 26,5 millions d'euros . Ces dépenses ont été financées par des redéploiements de crédits du BACEA par décret de virement (à hauteur de 10,6 millions d'euros ) ainsi qu'en loi de finances rectificative pour 2018 (à hauteur de 15,9 millions d'euros ).

Cet avenant est censé sécuriser la mise en service de 4-Flight dans les centres de contrôle en-route d'Aix-Marseille, Paris et Reims à l'horizon 2021-2022. Il intègre des spécifications renforcées en termes de qualité du logiciel et de cyber sécurité.

Comme votre rapporteur spécial l'avait indiqué dans son rapport susmentionné, les difficultés rencontrées par la DSNA pour faire aboutir ses grands programmes de modernisation ne tenaient pas uniquement à une insuffisance des crédits alloués mais également à des carences dans leur pilotage .

Ces remarques commencent, semble-t-il, à être prises en compte, puisque le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018 indique qu' « une démarche globale de modernisation du management de la DSNA s'appuyant sur ces recommandations [celles du rapport d'information sénatorial] est d'ores et déjà engagée » : un nouveau directeur a été nommé à la tête de la direction de la technique et de l'innovation (DTI) en mars 2019, l'adjoint du DSNA est désormais chargé de superviser directement les grands programmes et un comité de surveillance externe du programme 4-Flight a été mandaté par la ministre chargée des transports.

Votre rapporteur spécial demeurera très attentif à la mise en oeuvre de cette démarche de modernisation , qui lui paraît primordiale pour la réussite des projets de la DSNA.

Au total, la DGAC devra encore renforcer la maîtrise de l'ensemble de ses dépenses hors investissements - en particulier les dépenses de personnel - afin de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour faire face aux importants efforts d'investissements qu'elle devra continuer à consentir dans les années à venir tout en poursuivant ses efforts de désendettement (cf. supra ).

4. L'augmentation des retards liés au contrôle aérien reste préoccupante

À l'instar des exercices précédents, l'indicateur de performance relatif à la sécurité aérienne reste satisfaisant, avec 0,09 croisement hors norme pour 100 000 vols contrôlés , mais légèrement moins bon que le chiffre de 0,06 croisement hors norme réalisé en 2017.

Les retards dus aux services de la navigation aérienne ont en revanche beaucoup augmenté en 2018 pour atteindre près de 2 minutes par vol .

Ces retards sont imputables pour 24 % au défaut de capacité , 30 % à l'organisation du service , 20 % à la météo (épisodes neigeux en février et mars, forte activité orageuse en mai-juin) et 18 % aux mouvements sociaux (4 jours de grèves nationales et 8 week-ends de grèves locales dans le centre de contrôle en-route d'Aix-en-Provence au printemps).

Il s'agit là d'un résultat préoccupant eu égard aux objectifs fixés à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) par la Commission européenne dans le cadre de la régulation prévue par le Ciel unique européen. Pour mémoire, la France demeure responsable de 33 % des retards dus au contrôle aérien en Europe , alors qu'elle ne contrôle que 20 % du trafic du continent.

Comme l'avait relevé votre rapporteur spécial dans le rapport d'information susmentionné, il importe de consentir au plus vite les efforts nécessaires pour résorber ces retards , grâce à la modernisation des systèmes de la navigation aérienne mis à la disposition des contrôleurs aériens ainsi qu'à une meilleure adaptation de leurs tours de services aux caractéristiques nouvelles du trafic aérien (hausse et saisonnalité accrue).

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ECOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Depuis 2017, le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma).

Depuis le projet de loi de finances 2018, le programme 159 porte également les moyens du commissariat général du développement durable (CGDD) 145 ( * ) ainsi que les crédits destinés aux actions en matière d'économie sociale et solidaire et d'innovation sociale (Haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation sociale (HCESSIS) et dispositifs locaux d'accompagnement (DLA)) 146 ( * ) .

Comme le montre le tableau ci-dessous, la somme de ces différentes actions représentait 516,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 515,1 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en loi de finances initiale pour 2018. Les crédits exécutés se sont finalement élevés à 512,2 millions d'euros en AE et 507,4 millions d'euros en CP , soit un taux d'exécution élevé de 99,2 % en AE et de 98,5 % en CP .

La mise en réserve initiale représentait 5,5 millions d'euros . Elle a été intégralement annulée par la loi de finances rectificative pour 2018.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2018

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

515,1

0,6

-5,5

- 2,2

0,2

508,1

507,4

98,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Si sa subvention pour charges de service public a été légèrement supérieure à celle de 2017, Météo France a poursuivi en 2018 ses efforts pour augmenter ses ressources propres et réduire ses effectifs

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'établissement public Météo France s'est élevée en 2018 à 187,1 millions d'euros , soit 1,7 million d'euros de moins que ce que prévoyait la loi de finances initiale.

Il convient toutefois de souligner que cette somme est supérieure de 2,4 millions d'euros (+ 1,3 %) aux 184,7 millions d'euros consommés en 2017. Elle demeure en revanche inférieure aux montants de crédits exécutés en 2016 ( 190,2 millions d'euros ) ainsi qu'en 2015 ( 195,6 millions d'euros ), témoignant de la poursuite des efforts de réductions des dépenses de l'établissement.

Sur les 187,1 millions d'euros de subvention perçus par l'opérateur, 20,6 millions d'euros ont été consacrés à la recherche dans le domaine météorologique , dont la qualité est attestée par la bonne tenue de l'indicateur de performance relatif au nombre de publications scientifiques réalisées par Météo France dans les domaines du changement climatique et de ses impacts ( 30 publications en 2018, soit 1,77 publication par chercheur).

Les 166,6 millions d'euros restant ont pour leur part financé les missions de service public de Météo France en matière d'observation et de prévision météorologique.

Les indicateurs relatifs à la qualité des prévisions météorologiques présentent des résultats positifs , grâce au modèle global Arpège et au modèle à maille fine Arome : 90 % pour le pourcentage d'évènements détectés avec une anticipation supérieure à 3 heures alors que l'objectif était de 86 % et 79,3 % pour la fiabilité de la prévision du modèle Arome, contre un objectif de 78,5 % .

Votre rapporteur spécial regrette que l'indicateur relatif aux recettes commerciales de l'établissement sur le marché des prestations météorologiques ait été supprimé : il s'agit pourtant là d'une priorité pour l'établissement, qui doit diversifier ses ressources.

Il se trouve que ces recettes ont connu une nouvelle embellie en 2018, après celle qui avait déjà été observée en 2017 : elles ont atteint 31,8 millions d'euros , soit 7 % de plus que l'année précédente.

Cette amélioration tend à montrer que la stratégie commerciale de l'opérateur , qui a amélioré la valorisation des espaces publicitaires vendus sur son site Internet, va dans le bon sens.

En 2018, l'opérateur Météo France a poursuivi la réduction de ses effectifs .

La loi de finances initiale prévoyait pour Météo France un schéma d'emplois de - 95 ETP. Mais comme l'établissement avait exécuté en 2017 - 36 ETP au-delà de l'effort prévu en loi de finances initiale, du fait d'un nombre de départs à la retraite supérieur aux prévisions initiale et du report de plusieurs recrutements, le schéma d'emploi effectif demandé en 2018 s'élevait à - 59 ETP. Il a été réalisé au niveau de - 71 ETP , soit - 12 ETP au-delà de l'effort demandé.

L'établissement comptait en conséquence 2 868 ETP au 31 décembre 2018.

À noter que les dépenses de personnel ont été inférieures de près de 3,2 millions d'euros à l'autorisation budgétaire, en raison des reports à 2019 du versement de la prime d'intéressement due au titre de 2017 et de la mise en oeuvre du dispositif Régime indemnitaire tenant compte des Fonctions, des Sujétions, de l'Expertise et de l'Engagement professionnel (RIFSEEP).

Si la masse salariale a diminué de - 2,2 % pour atteindre 246,4 millions d'euros , elle représente toujours 60,5 % des dépenses de l'opérateur (contre 66 % en 2016 et 63 % en 2017).

2. L'IGN, un opérateur confronté au développement de l'open data

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 147 ( * ) .

L'IGN a une triple vocation :

- assurer la connaissance continue de la surface du territoire national et de l'occupation de son sol , accessible depuis un site dédié (Geoportail) ;

- actualiser l'inventaire permanent des ressources forestières nationales qui était auparavant assuré par l'IFN ;

- concevoir et commercialiser des produits et services à partir des données recueillies dans le cadre de ses missions de service public.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'IGN s'est élevée en 2018 à 89,4 millions d'euros , soit un montant quasiment identique à celui de 2017 et inférieur de 2,2 millions d'euros (- 2,4 %) à la prévision de la loi de finances initiale.

Sur cette somme, 75,3 millions d'euros ont été consacrés aux missions de production d'information géographique et cartographique, et notamment à l'entretien et à la mise à jour des bases de données sur lesquelles s'appuient les politiques publiques liées aux territoires. Dans le même temps, 13,3 millions d'euros sont venus financer les activités de recherche et de développement menées au sein de l'Institut.

Le plafond d'emplois avait été fixé en loi de finances initiale à 1 507 ETPT . Il a finalement été sous-exécuté de 14 emplois puisque la réalisation 2018 est de 1 493 ETPT .

Le schéma d'emploi , quant à lui, a été réalisé à hauteur de - 38 ETP .

La question du développement du principe des données publiques ouvertes et gratuites open data ») représente un enjeu très important pour l'IGN car les pertes de recettes pour l'opérateur en termes de redevances, licences ou ventes de données pourraient représenter à terme environ 10 millions d'euros par an , même s'il bénéficie des dispositions de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public 148 ( * ) .

L'indicateur relatif au financement de l'établissement par des ressources propres montre l'ampleur des défis que celui-ci va devoir relever pour compenser cette réduction de ses recettes . Le pourcentage des ressources propres tirées de la vente de données a ainsi représenté 34,3 % des recettes de l'IGN en 2018 contre 38,2 % en 2017. Il semblerait toutefois que ces résultats décevants puissent en partie s'expliquer par des décalages de facturation et d'encaissement sur l'année 2019.

3. Le Céréma, fragilisé par l'attrition de ses moyens, doit mettre en place un nouveau projet stratégique mobilisateur

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires .

Il apporte à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire. Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État au Cérema s'est élevée en 2018 à 204,3 millions d'euros , en léger retrait de 1,7 million d'euros par rapport à la somme prévue en loi de finances initiale, qui s'élevait à 206,0 millions d'euros et à un niveau proche des 205,6 millions d'euros exécutés en 2017.

97,5 % de cette somme est consacrée au financement des dépenses de personnel du Cérema . Le reste de la subvention permet de couvrir ses charges d'exploitation.

La loi de finances initiale prévoyait pour le Céréma un schéma d'emplois de - 103 ETP . Mais comme l'établissement avait exécuté en 2017 - 34 ETP au-delà de l'effort prévu en loi de finances initiale, le schéma d'emploi effectif demandé en 2018 s'élevait à - 69 ETP. Il a été réalisé au niveau de - 88 ETP , soit - 19 ETP au-delà de l'effort demandé.

L'établissement comptait en conséquence 2 712 EPT au 31 décembre 2018.

Depuis sa création, la baisse continuelle des moyens du Céréma associée à l'absence de réflexion stratégique de l'État pour l'établissement a considérablement fragilisé un opérateur au sein duquel le malaise social est palpable, comme en témoignent les démissions de son président et de son directeur général survenues à l'automne 2017.

Toutefois, votre rapporteur spécial avait considéré dans son rapport consacré au projet de loi de finances pour 2018 que le problème ne venait pas tant de la baisse des ressources du Céréma que de l'absence de vision stratégique de l'État pour un établissement qu'il convient de réinventer en profondeur.

L'audition du nouveau directeur général de l'établissement qu'il a réalisée dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2019 l'a plutôt rassuré à cet égard , puisque celui-ci lui paraît avoir jeté les bases d'un projet stratégique à même de remobiliser les agents de son opérateur et être en mesure de faire de la contrainte financière que subit le Céréma une opportunité de transformation .

MISSION « ÉCONOMIE » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » - Mme Frédérique Espagnac et m. Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux

I. MISSION « ÉCONOMIE »

A. EXÉCUTION DE LA MISSION EN 2018

La mission « Économie » rassemble les crédits de politiques publiques visant à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Elle est composée de quatre programmes permanents :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME), de l'industrie, de commerce, de l'artisanat et - en partie - du tourisme . Il porte également les crédits des administrations en charge de ces politiques publiques, de deux autorités administratives indépendantes (AAI) et de trois opérateurs ;

- le programme 343 « Plan France très haut débit », créé en 2015, porte les financements de l'État en vue d'assurer la couverture intégrale du territoire par le réseau de fibre optique d'ici 2022 ;

- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte principalement les crédits de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) ;

- le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » porte essentiellement les crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, les crédits de la direction de la législation fiscale (DLF), ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et la subvention versée à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État ;

Le programme 134 représente environ la moitié des crédits de la mission « Économie » à périmètre constant , le reste étant partagé à peu près à égalité entre le programme 220 et le programme 305.

La mission « Économie » porte en outre une part importante des dépenses fiscales du budget de l'État, les 77 dépenses fiscales représentant au total 28,5 milliards d'euros. Le crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE) représente une part prépondérante de ces dépenses (70,5 %).

Exécution des crédits de la mission « Économie »
par programme en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exé. 2018 / Exé. 2017

Exé. 2018 / LFI 2018

Total

dont T2

Total

dont T2

Total

dont T2

Total

dont T2

Total

dont T2

[134] Développement des entreprises et du tourisme

AE

2 504

395

1 027

400

981

397

- 60,81 %

0,51 %

- 4,42 %

- 0,64 %

CP

2 575

395

982

400

951

397

- 63,08 %

0,51 %

- 3,19 %

- 0,64 %

[220] Statistiques et études économiques

AE

453

373

463

374

457

371

0,92 %

- 0,56 %

- 1,37 %

- 0,84 %

CP

448

373

454

374

449

371

0,22 %

- 0,56 %

- 1,05 %

- 0,84 %

[305] Stratégie économique et fiscale

AE

430

151

430

156

425

149

- 1,14 %

- 1,57 %

- 0,98 %

- 4,50 %

CP

434

151

429

156

423

149

- 2,59 %

- 1,57 %

- 1,46 %

- 4,50 %

TOTAL 134 + 220 +305

AE

3 387

920

1 919

930

1 863

918

- 44,98 %

- 0,27 %

- 2,92 %

- 1,37 %

CP

3 457

920

1 865

930

1 823

918

- 47,27 %

- 0,27 %

- 2,27 %

- 1,37 %

[343] Plan France Très haut débit

AE

410

208

159

- 61,22 %

- 23,65 %

CP

8

- 11

- 11

- 234,57 %

TOTAL MISSION

AE

3 796

920

2 127

930

2 022

918

- 46,73 %

- 0,27 %

- 4,94 %

- 1,37 %

CP

3 465

920

1 854

930

1 812

918

- 47,71 %

- 0,27 %

- 2,28 %

- 1,37 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires).

Les crédits de la mission « Économie » exécutés en 2018 sont inférieurs de près de moitié aux crédits exécutés en 2017, soit 1,8 milliard d'euros en 2018 contre 3,5 milliards d'euros en 2017.

Toutefois, cette diminution très marquée tient pour l'essentiel au niveau inédit de la dépense en 2017, résultant en particulier de la recapitalisation du groupe Areva (1,5 milliard d'euros pour la sous-action 20 du programme 134 ) mais également de la consommation exceptionnelle de crédits de paiement du dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs. Ceux-ci ont en effet atteint 268,8 millions d'euros en 2017 149 ( * ) , contre 98,7 millions d'euros en 2018.

Cependant, si la fin de la recapitalisation d'Areva, comptabilisée en dépense d'intervention sur le programme 134 explique l'essentiel de la baisse des crédits de la mission, il y a lieu de relever que les moyens se trouvent globalement réduits, en particulier les dépenses d'intervention, en baisse de 37 % en AE et de 29,8 % en CP entre 2017 et 2018 .

Exécution par titre des crédits de la mission « Économie »

(en millions d'euros)

Titre

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018/Exécution 2017

Exécution 2018/LFI 2018

Titre 2 -Personnel

AE

920

930

918

- 0,27 %

- 1,37 %

CP

920

930

918

- 0,27 %

- 1,37 %

Total hors Titre 2

AE

2 861

1 208

1 104

- 61,40 %

- 8,59 %

CP

2 545

946

894

- 64,86 %

- 5,45 %

Titre 3-Fonctionnement

AE

2 036

616

601

- 70,48 %

- 2,40 %

CP

2 040

563

554

- 72,86 %

- 1,60 %

Titre 6-Intervention

AE

821

583

517

- 37,03 %

- 11,33 %

CP

503

374

353

- 29,81 %

- 5,70 %

Titre 5 et 7- Investissement et Ops. financières

AE

3

9

- 14

- 532,27 %

- 257,78 %

CP

2

9

- 12

- 616,61 %

- 237,57 %

Total mission

AE

3 781

2 138

2 022

- 46,52 %

- 5,45 %

CP

3 465

1 876

1 812

- 47,71 %

- 3,43 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires).

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les moyens de la mission « Économie » continuent de se réduire, suivant une logique constante de rabot budgétaire

Outre la différence résultant du niveau exceptionnel de dépenses de l'exercice 2017, les actions de la mission « Économie » font encore une fois l'objet d'une approche gestionnaire et d'une logique de rabot. Ainsi, la Cour des comptes relève qu'à périmètre constant, les crédits consommés sont en baisse de 12,6 % en AE et de 8,8 % en CP, la baisse étant particulièrement marquée pour les dépenses d'intervention . Si la baisse des dépenses d'intervention apparaît moins importante une fois prise en compte la consommation exceptionnelle de crédits du dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs en 2017, elle est toutefois bien réelle une fois corrigée des évolutions de périmètre .

La mission porte en effet de nouvelles dépenses, en particulier une subvention de 15 millions d'euros versée au commissariat aux communications électroniques de défense (CCED) ainsi que plusieurs dépenses supplémentaires en exécution. En particulier, le contentieux SARA a représenté un coût de 15,5 millions d'euros en 2018, auxquels s'additionnent la participation pour plus de 2 millions d'euros à des évènements internationaux, ainsi que 1,5 million d'euros financés par virement depuis le programme 145 pour contribuer au financement de l'installation de l'Autorité Bancaire Européenne à Paris (ABE).

Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer l'absence de vision stratégique qui caractérise cette mission et l'approche gestionnaire qui consiste à appliquer d'une année sur l'autre une logique de rabot . Cette absence de vision est également la conséquence du caractère composite de la mission. Le seul programme 134 est réparti entre 9 budgets opérationnels de programmes (BOP) et en 95 unités opérationnelles (UO). Le pilotage, réparti entre six structures différentes (directions centrales et autorités indépendantes) est sans doute trop complexe pour les gestionnaires qui se contentent de satisfaire à des exigences de diminution des budgets.

2. L'année 2018, dernière année avant la mise en extinction du FISAC

En dépit d'une réforme en profondeur du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) en 2014, qui était censée relancer le dispositif en passant d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, les montants engagés pour le FISAC n'ont cessé de diminuer, passant d'une consommation d'AE de 85,7 millions d'euros en 2010 à 13,3 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 84,5 % .

Cette baisse massive des moyens du FISAC en AE a été annonciatrice de la fin du FISAC, placé en « gestion extinctive » à partir de 2019. Le programme « Action coeur de ville », présenté comme plus efficace, concerne 222 villes moyennes et laisse en réalité de côté un grand nombre de communes rurales.

3. La baisse de la plupart des dépenses d'intervention du programme 134 s'est poursuivie en 2018 tandis que les dépenses de fonctionnement ont dû intégrer des dépenses imprévues

Les dispositifs en faveur des entreprises relevant du programme 134
« Développement des entreprises et du tourisme »

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Dispositif d'intervention

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution 2017-2018

Évolution 2014-2018

Aide au départ des commerçants

6,2

8,2

3,1

- 100,00 %

Associations de consommateurs

9,9

8,6

9,5

8,2

8

- 2,44 %

- 19,19 %

FISAC

34

12,3

21,5

3,6

10,6

194,44 %

- 68,82 %

Développement des PME

8,5

7,3

8,2

4,6

0,6

- 86,96 %

- 92,94 %

Mission des services à la personne

2,6

1

1

0,4

0,5

25,00 %

- 80,77 %

Subventions tourisme

3,1

2,6

1,4

6,1

0,7

- 88,52 %

- 77,42 %

Subventions CTI

19,1

17,4

15,9

13,1

9,5

- 27,48 %

- 50,26 %

Subventions AFNOR

9,8

8,9

8,2

8,2

9,5

15,85 %

- 3,06 %

Subventions APCE

2,9

2,6

0,8

0

0

- 100,00 %

Agence France Entrepreneur

1,8

12

3,8

- 68,33 %

Subv. politique industrielle

35,2

30

22,2

17,8

15,3

- 14,04 %

- 56,53 %

Subventions à la Poste

1,4

1,4

1,3

1,4

1,8

28,57 %

28,57 %

Subv. organismes internationaux

11,4

9,8

13,7

5,1

10,9

113,73 %

- 4,39 %

Mutations industrielles-constructions navales

0

2,2

0,6

0

0

COFRAC

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

0,00 %

- 33,33 %

Bpifrance

40

26

23

26,7

87,2

226,59 %

118,00 %

CCED

0

0

15,3

Économie sociale et solidaire

3,6

3,3

0

- 100,00 %

Divers

10

2,7

0,4

0

- 100,00 %

- 100,00 %

Aide au transport à la presse

100

130

119

121

111,5

- 7,85 %

11,50 %

TOTAL à périmètre constant

294,4

268,5

257,7

232,1

285,4

22,96 %

- 3,06 %

Les PIA

133

100

36

0,1

0,3

200,00 %

- 99,77 %

Compensation carbone

228,8

98,7

- 56,86 %

Aide d'urgence à Saint Martin, Calais et Corse

8,7

10

14,94 %

TOTAL

427,4

368,5

293,7

469,7

394,4

- 16,03 %

- 7,72 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les principaux dispositifs d'intervention du programme 134 ont été en constante réduction depuis 2014. L'année 2018 n'a pas fait exception, malgré les mesures de périmètre qui masquent en réalité une diminution des crédits par action.

Évolution des principaux dispositifs en faveur des entreprises
relevant du programme 134

(crédits de titre 6 exécutés, en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

D'une manière générale, l'effort fourni par le programme 134 ne montre pas de volonté réelle de rationalisation des dispositifs d'aide qui ont chacun des objectifs différents et des modalités d'intervention variées (subventions directes et indirectes, prêts, actions de communication, etc.).

Vos rapporteurs spéciaux déplorent que le programme 134 soit le lieu de la sédimentation de dispositifs mal coordonnés et aux objectifs mal évalués. L'absence de vision globale conduit à ce que le pilotage du programme se résume à une simple logique de réduction des moyens et des ambitions pour chacun des dispositifs.

À l'inverse, les crédits de fonctionnement ont été surconsommés. La consommation d'AE s'est élevée à 40,9 millions d'euros contre 25,5 millions d'euros prévus en LFI et la consommation de CP à 20,9 millions d'euros contre 5,5 millions d'euros. Cette surconsommation reflète principalement l'issue du contentieux SARA, soit un versement de 15,5 millions d'euros en AE et en CP à Électricité de France (EDF) engendré par la condamnation sur les réquisitions de fioul en Martinique en 2009.

4. Les dépenses de personnel : les schémas et plafonds d'emploi sont globalement respectés

Les dépenses de personnel représentent à elles seules 50,6 % des crédits de paiement de la mission « Économie » , soit 917,7 millions d'euros en exécution pour l'année 2018. Elles sont réparties entre les programmes 220 et 305, qui portent les moyens humains de grandes structures administratives (l'Insee et la DG Trésor), et le programme 134, qui est un programme d'intervention mais porte aussi les crédits de personnel relatifs aux multiples structures chargées de mettre en oeuvre les différents dispositifs .

En 2018, les plafonds d'emplois sont respectés : 12 018 ETPT en prévision et 11 690 ETPT en exécution pour l'État, et 2 591 ETPT en prévision et 2 507 ETPT en exécution pour les opérateurs.

Plafond d'emplois de la mission « Économie »
pour les services de l'État

(en ETPT)

Programme

Exécution

2017

LFI

2018

Exécution 2018

Écart 2017/2018

Écart exécution/prévision

[134] Développement des entreprises et du tourisme

4 929

5 056

4 862

- 1,36%

- 3,84%

[220] Statistiques et études économiques

5 381

5 339

5 263

- 2,19%

- 1,42%

[305] Stratégie économique et fiscale

1 581

1 623

1 565

- 1,01%

- 3,57%

TOTAL MISSION

11 891

12 018

11 690

- 1,69%

- 2,73%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le plafond et le schéma d'emplois sont respectés pour la mission et les dépenses de personnel sont en légère baisse . Le report en 2018 de la mise en oeuvre du dispositif « parcours professionnels carrières et rémunérations » (PPCR) pour les cadres A de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a représenté une hausse de coût de 2,5 millions d'euros n'a pas remis en cause cette baisse globale des dépenses de personnel .

En outre, l'indemnité de résidence à l'étranger des agents de la direction générale du Trésor concernés qui avait augmenté en 2017 du fait des évolutions de taux de change, a diminuée de 1,73 % entre 2017 et 2018 (1,8 million d'euros).

On constate cependant une hausse tendancielle de la part relative des dépenses de titre 2 au sein de la mission à périmètre constant, le rythme de diminution des autres dépenses (hors investissement) étant supérieur au rythme de diminution des dépenses de personnel . En 2012, les dépenses de personnel représentaient en effet 47,1 % des crédits de la mission, soit3 points de moins qu'en 2018. Vos rapporteurs spéciaux estiment que la réduction des dépenses d'intervention devrait pourtant s'accompagner d'une réduction des effectifs qui en ont la charge, et de la masse salariale correspondante, en particulier pour le programme 134.

5. Les économies sur les dépenses de fonctionnement ont subi un coup d'arrêt en 2018

Hors programme 343 et après neutralisation de la recapitalisation d'Areva, les dépenses de fonctionnement de la mission « Économie » affichent une hausse de 7,1 % en AE et de 0,7 % en CP .

Cette légère hausse trouve plusieurs facteurs d'explication, en particulier le déménagement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP) qui doit cependant permettre des économies à plus long terme. De même, les dépenses de fonctionnement de l'INSEE sur le programme 220 sont en hausse du fait notamment de l'emménagement du centre de statistique de Metz dans des nouveaux locaux.

Les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux opérateurs accusent également une légère augmentation, encore que celle-ci soit légèrement inférieure à l'augmentation votée en LFI.

Évolution des subventions aux opérateurs du programme 134

(crédits de titre 3) (en CP) (en millions d'euros)

Exécution 2017

LFI

Exécution 2018

Exé 2018 / Exé 2017

Exé 2018 / LFI 2018

2018

ANFr - Agence nationale des fréquences

30,6

32

31,6

3,3 %

- 1,3 %

Business France (fusion AFII et Ubifrance)

92,1

95,3

93,8

1,8 %

- 1,6 %

EPARECA - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

5,7

6

5,8

1,8 %

- 3,3 %

Total SCSP :

128,4

133,3

131,2

2,2 %

- 1,6 %

Seules sont mentionnées les subventions pour charges de service public (SCSP) du programme 134.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

6. Une nouvelle baisse de la subvention à la Banque de France en 2018 permise par des gains de compétitivité

La subvention à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État notamment au titre du secrétariat des commissions de surendettement 150 ( * ) , qui avait augmenté en 2017 après plusieurs années consécutives de baisse, est à nouveau en baisse en 2018.

Évolution de la subvention versée à la Banque de France

(en millions d'euros) (titre 3) (en AE = CP)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

316,64

316,73

304,62

290

279,5

251,56

259,84

249,16

Source : documents budgétaires et questionnaire budgétaire

Cette nouvelle baisse montre que des gains de productivité sont encore possibles sur les missions confiées par l'État à la Banque de France. Celle-ci doit poursuivre ses efforts de dématérialisation des procédures et l'accélération du traitement des dossiers les moins complexes, permise par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

7. Le plan « France très haut débit » : des moyens effectivement mobilisés mais insuffisants au regard de l'ambition affichée

Le programme 343 porte une partie de la participation de l'État au financement du plan « France très haut débit » , qui s'élève à 3,3 milliards d'euros d'ici 2022 au total, soit la moitié du financement public engagé 151 ( * ) .

Le plan « France très haut débit »

Annoncé par le Premier ministre le 28 février 2013 dans le cadre de la feuille de route numérique du Gouvernement, le plan « France très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers couverts en 2017 . Sont considérés comme des réseaux « très haut débit » les réseaux offrant un débit supérieur à 30 Mbits/seconde, y compris avec des technologies « cuivre » ou « câble coaxial » traditionnelles. Seuls les réseaux entièrement en fibre optique ( Fiber to the Home - FttH ) offrent un débit supérieur à 100 mégaoctets. Le plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2022, ainsi répartis :

- 6 à 7 milliards d'euros dans les « zones d'initiative privée » , financés par les opérateurs. Ces zones dites « conventionnées » couvrent environ 10 % du territoire mais 57 % de la population dans les 3 600 communes les plus denses, et donc les plus rentables. Les opérateurs s'engagent à y déployer sur fonds propres des réseaux privés mutualisés entre tous les opérateurs ;

- 13 à 14 milliards d'euros dans les « zones d'initiative publique » . Ces zones moyennement ou peu denses, dites « non conventionnées », couvrent 43 % de la population. Y seront déployés des réseaux publics ouverts à tous les opérateurs, en FttH ou avec des technologies intermédiaires. Les réseaux d'initiative publique (RIP) seront financés à moitié par les opérateurs eux-mêmes (dans le cadre de co-financements), et à moitié par des subventions publiques (État, collectivités territoriales, Union européenne).

Sur le plan budgétaire , la participation de l'État au plan « France Très haut débit » a d'abord été portée, à hauteur de 900 millions d'euros, par le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Depuis 2014, les crédits restants, soit un total de 2,5 milliards d'euros, sont inscrits sur le programme 343 « Plan France très haut débit » .

La loi de finances initiale pour 2018 a prévu 208 millions d'euros en AE et aucun CP . Les montants effectivement engagés ont été légèrement moins importants, à 158,5 millions d'euros en AE. Le programme 343 n'étant destiné à porter que des autorisations d'engagement jusqu'en 2019, l'exécution du programme est conforme aux projections initiales du plan France très haut débit. En LFI 2019, le programme a porté les premiers CP à hauteur de 175,9 millions d'euros.

Des mesures spécifiques ont été annoncées en cours d'exécution, en particulier pour répondre au cas par cas aux difficultés rencontrées dans les Outre-Mer et pour mettre en place des solutions de substitution à la fibre optique y compris des technologies non filaires dans certains territoires ruraux. Cette dernière annonce intervient alors que la Cour des comptes avait estimé en 2017 que les objectifs du plan risquaient de ne pas être atteints, du fait que « l'insuffisance du co-investissement privé compromet l'atteinte de l'objectif de 100 % en 2022. » 152 ( * )

En 2018, 100 millions d'euros ont ainsi été fléchés vers la mise en place du guichet « Cohésion numérique » qui devrait être opérationnel en 2019. Celui-ci doit permettre aux usagers d'obtenir une subvention de 150 euros pour l'achat d'un appareil de réception satellite ou 4G fixe . Les opérateurs mobiles Orange et SFR se sont engagés à adapter leur offre « 4G fixe » en déployant 500 nouveaux sites d'émission dans les zones définies par le Gouvernement.

Vos rapporteurs spéciaux saluent le recours à des technologies hertziennes alternatives telles que la « 4G fixe » ou la réception par satellite pour les zones où le déploiement de réseaux physiques serait trop onéreux. Ils s'interrogent néanmoins sur l'évaluation des montants nécessaires, la somme de 100 millions d'euros ne faisant l'objet d'aucune justification précise . D'autre part, une vigilance particulière devra être maintenue sur la politique tarifaire des opérateurs , ceux-ci pouvant faire le choix à moyen terme d'augmenter leurs tarifs.

II. COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

L'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. (...) Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé ».

Au titre de l'année 2016, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est composé de cinq programmes d'ampleur très inégale . En 2018, deux nouveaux programmes ont été ajoutés, le premier relatif aux prêts de la BPI pour l'export avec l'Iran et le second à la nouvelle liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport de Roissy. Le programme 863 « Prêts à la filière automobile » a quant à lui été supprimé du compte de concours.

En 2018, le compte de concours financiers affiche un solde négatif de 31,3 millions d'euros . La forte variabilité du solde d'une année sur l'autre s'explique par l'horizon pluriannuel du compte, qui a par construction vocation à retracer des prêts octroyés dont le remboursement est étalé sur plusieurs années. Le solde négatif du compte s'explique en effet principalement par deux prêts réalisés l'un en 2010 (création d'Oséo) et l'autre en 2014 (organismes de prêt du PIA) pour un montant de près d'un milliard d'euros chacun.

Le programme 868 relatif aux prêts à Bpifrance pour le développement du crédit-export vers l'Iran n'a pas pu être mis en activité . En effet, la reprise des sanctions des États-Unis contre l'Iran a interrompu l'amorçage de ce nouvel outil de financement souverain des échanges commerciaux avec l'Iran . Pour tenir compte des sanctions américaines, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont mis en place le mécanisme INSTEX ( Instrument in Support of Trade Exchanges ) structure dédiée pour faciliter certaines transactions commerciales avec l'Iran. Il devra d'abord porter sur les produits médicaux et agro-alimentaires . Celui-ci n'est cependant pas encore pleinement opérationnel.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le logement des agents de l'État : un poste de dépenses marginal

Le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » permet d'octroyer des prêts à 1 % aux agents de l'État servant à l'étranger, afin de faciliter les démarches relatives à la location d'un logement dans les environs de leur poste d'affectation . Les crédits demandés en loi de finances initiale étaient de 250 000 euros, un montant en forte baisse (-55%) par rapport à 2017. En pratique , ce dispositif d'avance n'a donné lieu qu'à trois prêts en 2018, pour un montant total de 87 359 euros .

Il s'agit cependant d'un niveau d'exécution supérieur aux deux dernières années, respectivement 34 000 euros et 2016 et 12 240 euros en 2017. Cette sous-exécution s'explique par le caractère difficilement prévisible de la dépense, qui dépend des marchés locaux, du rythme de départ des agents à l'étranger, ainsi que du choix des agents de recourir ou non à ce type d'avances.

Vos rapporteurs spéciaux estiment une nouvelle fois que le choix d'un programme de compte de concours financier apparait surdimensionné relativement au très faible niveau des montants en jeu .

2. Le Fonds de développement économique et social (FDES) : un outil subsidiaire qui a cependant pu à nouveau être mobilisé

Le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » permet à l'État d'octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration et rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit, via le fonds pour le développement économique et social (FDES) , créé en 1955 et « réactivé » en loi de finances pour 2014 dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 12 novembre 2013.

La doctrine d'emploi a été précisée par la circulaire du 9 juin 2015 relative aux modalités d'accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement, qui précise que le recours à ces prêts est « exceptionnel, subsidiaire et suppose un effet de levier sur d'autres sources de financement », l'objectif cible de cet effet de levier étant la mobilisation de cinq euros privés pour un euro public investi. En outre, le taux des prêts ne peut pas être inférieur au taux de référence publié par la Commission européenne , correspondant au taux de marché.

En pratique, l'exécution 2018 s'est élevée à 92,5 millions d'euros en AE et à 67,5 millions d'euros en CP, soit une consommation très supérieure au niveau de 2017 (132 000 euros). Le FDES a en effet été mobilisé pour soutenir plusieurs entreprises, l'essentiel des montants prêtés (97 %) ayant permis le sauvetage du distributeur de journaux Presstalis . La réactivation du FDES pour soutenir un groupe de distribution de presse pourrait ouvrir la voie à de nouvelles interventions.

3. Le programme relatif à la ligne ferroviaire Paris-Roissy a été exécuté conformément aux prévisions

Le programme 869 permet d'octroyer des prêts à la société concessionnaire de la ligne « Charles de Gaulle Express ». La mise en service a été retardée fin 2025, soit deux années de plus que la prévision initiale. Le contrat de prêt a été signé le 20 décembre 2018, pour une durée de 40 ans à partir du 11 février 2019, à un taux fixe de 3,2 % suivant des échéances semestrielles, à partir de 2024 .

Ce contrat a consommé l'intégralité des autorisations d'engagement dédiée ( 1,7 milliard d'euros ), les crédits de paiement n'étant consommés qu'à partir des premiers versements, qui ont dû intervenir en avril 2019. Ce programme représentera désormais une part prépondérante du compte de concours financier et devra donc faire l'objet d'un suivi approfondi, notamment au regard des objectifs de mise en service de la ligne express Paris-Roissy.

MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » ET DIVERS COMPTES SPÉCIAUX - Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DES COMPTES SPÉCIAUX EN 2018

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

1. Un seul programme concentre la quasi-totalité des crédits de la mission

La mission « Engagements financiers de l'État » porte l'ensemble des crédits destinés à permettre à l'État de respecter ses obligations financières . Elle se compose de sept programmes , de poids budgétaires inégaux :

Répartition des crédits de paiement
de la mission « Engagements financiers de l'État » par programme en 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

- le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » (crédits évaluatifs) doit répondre au besoin de financement de l'État et lui permettre de gérer sa dette et sa trésorerie en conciliant sécurité et intérêt des contribuables. Représentant 98 % des crédits de la mission , le programme joue un rôle prépondérant dans sa bonne exécution. À noter toutefois que, conformément à l'article 22 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 153 ( * ) , les crédits ne sont pas directement versés aux acteurs financiers mais transitent par le compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État » ;

- le programme 114 « Appels en garantie de l'État » (crédits évaluatifs) porte les crédits destinés à couvrir la mise en jeu des garanties octroyées par l'État, notamment pour les dettes émises par des tiers ;

- le programme 145 « Épargne » répond à deux grands objectifs : (i) le pilotage des dispositifs de financement du logement, à la fois pour les organismes de logement social et pour les particuliers et (ii) le pilotage des systèmes de l'épargne réglementée ;

- le programme 168 « Majoration de rentes » , qui permettait à l'État de rembourser partiellement certains organismes débirentiers du coût de majorations des rentes viagères, connaissait son dernier exercice en 2018 154 ( * ) ;

- le programme 336 « Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES) » correspond à la contribution française au MES ;

- le programme 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI) » n'a été abondé qu'une seule fois, en 2013, pour porter la contribution française à l'augmentation en capital de la BEI ;

- le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » porte les aides financières destinées aux collectivités territoriales et à leurs établissements ayant contracté des emprunts dits « toxiques ».

2. L'exécution proche de la prévision à l'échelle de la mission masque des disparités fortes entre les programmes

À l'échelle de la mission , l'exécution est, à l'instar des années 2016 et 2017, légèrement supérieure à la prévision inscrite en loi de finances initiale (+ 0,82 % en CP), mais inférieure à l'exécution constatée en 2017 (- 0,55 %). Votre rapporteur spécial note que, pour la troisième année consécutive et après plusieurs années de sous-exécution d'ampleur, les écarts sont globalement maîtrisés.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

( en millions d'euros )

Programme

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2017 / Exécution 2018

Exécution 2018 / LFI 2018

[ 117 ] Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs)

AE

41 697,19

41 197,00

41 541,28

- 0,37%

0,84%

CP

41 697,19

41 197,00

41 541,28

- 0,37%

0,84%

[ 114 ] Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs)

AE

34,98

104,09

44,63

27,58%

- 57,12%

CP

34,98

104,09

44,63

27,58%

- 57,12%

[ 145 ] Épargne

AE

97,08

149,99

101,00

4,04%

- 32,66%

CP

97,05

149,99

101,00

4,07%

- 32,66%

[ 168 ] Majoration de rentes

AE

260,90

141,80

142,48

- 45,39%

0,48%

CP

260,90

141,80

142,48

- 45,39%

0,48%

[ 336 ] Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité

AE

86,71

0,00

100,00

15,32%

CP

86,71

0,00

100,00

15,32%

[ 338 ] Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

[ 344 ] Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

AE

-49,96

0,00

- 249,98

400,32%

CP

174,00

183,92

189,90

9,13%

3,25%

TOTAL MISSION

AE

42 126,90

41 592,88

41 679,42

- 1,06%

0,21%

CP

42 350,84

41 776,80

42 119,30

- 0,55%

0,82%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce bilan plutôt positif est, en réalité, tiré par l'exécution satisfaisante du programme 117 et masque des disparités importantes au sein de la mission :

- l'écart constaté sur le programme 114 entre l'exécution en 2017 et la prévision en 2018 (+ 280 %) provenait de l'abondement plus important de l'action 04 « Développement international de l'économie française ». Toutefois, les sous-exécutions constatées sur les actions 02 « Soutien au domaine social, logement et santé » (- 34,71 %) et 04 (- 71,18 %) expliquent le moindre écart finalement constaté entre les années 2017 et 2018 et l'écart important entre la prévision et l'exécution en 2018 ;

- le programme 145 présente également une sous-exécution importante (- 32,66 %), à l'instar des années précédentes. En effet, les taux d'intérêts attractifs des PEL et des CEL n'incitent pas les particuliers à les clôturer, alors même que les conditions des prêts d'épargne-logement sont moins intéressantes que celles aujourd'hui offertes par le réseau bancaire. Si la direction du budget a toujours mis en avant un principe de prudence dans l'évaluation des crédits du programme, votre rapporteur spécial note avec satisfaction que la prévision en loi de finances pour 2019 est plus en ligne avec l'exécution constatée en 2018 ;

- le programme 344 était le seul programme avec un reliquat important de restes à payer. L'écart observé pour les AE en 2018 s'explique par le retrait de près de 250 millions d'euros en AE, pour tenir compte du montant réel des conventions signées entre le fonds de soutien et les collectivités ;

- sur le programme 336, votre rapporteur spécial regrette que, cette année encore, un décret ait dû être pris le 26 décembre 2018 pour ouvrir des crédits à hauteur de 100 millions d'euros pour la dotation en capital du MES . Comme le soulignent nos collègues MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », le recours au programme « dépenses accidentelles et non prévisibles » de la mission « Crédits non répartis » est d'autant plus critiquable que cette dépense, sans être certaine, était très probable . Cela nuit donc à la sincérité de la budgétisation. Votre rapporteur spécial n'est pas convaincue par la justification du Gouvernement, qui explique l'absence de budgétisation initiale par l'absence d'engagement réciproque de l'Allemagne au moment de l'élaboration de la loi de finances initiale 155 ( * ) . Votre rapporteur spécial regrette ainsi que le Gouvernement ait encore une fois fait le choix de ne pas inscrire de crédits sur le programme 336 dans la loi de finances pour 2019.

Ainsi, le plafond (hors dette) inscrit dans la loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP 2018-2022) pour la mission « Engagements financiers de l'État » a tout juste été respecté en 2918 (578,01 millions d'euros en exécution, contre 580 millions d'euros en prévision).

Le programme 117 lui-même n'est pas exempt de tout reproche . Des crédits supplémentaires ont dû être ouverts, notamment par le biais de la loi de finances rectificative du 28 décembre 2017. Cette exécution, supérieure à la prévision initiale, s'explique par la majoration des charges des obligations indexées, du fait d'une inflation plus forte qu'anticipée . Cette charge supplémentaire n'a pas été totalement compensée par le niveau des taux.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2018

( CP, en millions d'euros )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE »

Le CAS 156 ( * ) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » reprend une initiative destinée à aider à la réduction de la dette grecque et au rétablissement de sa soutenabilité . Elle se compose de deux programmes « miroirs » :

- le programme 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs » comprend, sur deux actions, les versements des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre (ANFA) et au titre du programme pour les marchés de titre (PMT) ;

- le programme 796 « Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France » permet de rembourser la Banque de France si la Grèce ne respecte pas ses engagements. La Grèce doit en effet satisfaire aux conditions inscrites dans le programme d'assistance financière du Fonds européen de stabilité financière pour pouvoir bénéficier du versement des revenus tirés du PMT.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » en 2018

(en millions d'euros)

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

[795] Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

0

148

0

CP

0

167

0

[796] Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0

0

0

CP

0

0

0

Total des dépenses

AE

0

148

0

CP

0

167

0

Recettes

183

148

148

Solde annuel

CP

183

-19

148

Solde cumulé

CP

1029,8

1010,5

1177,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2018, à l'image de l'année 2017, aucune dépense n'a été enregistrée sur ce CAS . Cela s'explique par la décision de suspendre les restitutions à la Grèce dans le cadre de la fin de son deuxième programme d'assistance financière en 2015. Toutefois, les versements au titre du programme 795 vont reprendre en 2019 , l'Eurogroupe étant parvenu à un accord le 22 juin 2018 après la quatrième évaluation de la mise en oeuvre du programme par la Grèce et ayant ensuite approuvé ces transferts de revenus le 26 avril 2019.

Restitutions prévues des revenus perçus par la France sur les titres grecs

( en millions d'euros )

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

SMP

450

399

309

233

183

148

118

ANFA

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

Total

198,7

599

500,8

432,5

325,6

239

167,3

125,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Compte tenu de son objet, ce CAS ne fait l'objet d'aucune démarche d'évaluation de la performance.

C. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS »

Le CCF « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » fait l'objet d'un pilotage à « deux têtes » : la directrice générale du Trésor en étant la responsable et l'Agence France Trésor (AFT) en assurant la gestion, les deux sont donc chargées d'examiner les demandes d'avances. Le CCF retrace ainsi les avances du Trésor octroyées à quatre types d'organismes, par le biais de quatre programmes :

- l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821) . Avec cette avance, l'ASP couvre une partie de ses besoins en trésorerie au titre des aides agricoles versées le quatrième trimestre et dans l'attente de leur versement par l'Union européenne, qui intervient seulement au début de l'année suivante ;

- des organismes distincts de l'État gérant des services publics : établissements publics nationaux, services concédés, sociétés d'économie mixte, organismes divers de caractère social (programme 823 ). Ces organismes peuvent bénéficier des crédits du programme pour couvrir leurs besoins de financement lorsqu'ils ne peuvent recourir au marché bancaire.

- d'autres services de l'État : budgets annexes, services autonomes (programme 824) . Aujourd'hui, ce programme ne profite qu'au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ;

- l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825) . Ce programme, destiné à verser une éventuelle avance aux victimes du « médiator » n'a fait l'objet d'aucune dépense en 2018.

Exécution des dépenses et des recettes du CCF « Avances à divers services
de l'État ou organismes gérant des services publics »

( en millions d'euros )

Programme

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

[ 821 ] Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

AE

15 100,00

16 000,00

14 012,82

-7,20 %

-12,42 %

CP

13 954,31

16 000,00

14 859,09

6,48 %

-7,13 %

[ 823 ] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

AE

179,76

366,30

143,38

-20,24 %

-60,86 %

CP

116,83

366,30

137,10

17,35 %

-62,57 %

[ 824 ] Avances à des services de l'État

AE

102,60

87,24

-6,00

-105,85 %

-106,88 %

CP

102,60

87,24

0,00

-100,00 %

-100,00 %

[ 825 ] Avances à l'ONIAM au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

AE

0,00

15,00

0,00

CP

0,00

15,00

0,00

TOTAL MISSION

AE

15 382,36

16 468,54

14 150,19

-8,01 %

-14,08 %

CP

14 173,74

16 468,54

14 996,19

5,80 %

-8,94 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après plusieurs années de hausse, les dépenses du programme 821, le plus important du CCF, sont en baisse en 2018. La sous-exécution constatée en 2018 s'explique par la volonté du Gouvernement de conserver une marge de manoeuvre suffisante pour couvrir le versement des aides agricoles .

Solde du CCF « Avances à divers services de l'État ou organismes
gérant des services publics »

(en millions d'euros)

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Dépenses

14 173,74

16 468,54

14 996,19

Recettes

14 226,67

16 364,81

15 099,25

Solde annuel

52,94

-103,73

103,06

Solde cumulé

-1 999,56

-2 103,29

-1 896,50

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si le solde cumulé du CCF demeure largement négatif, le solde annuel est, contrairement à la prévision inscrite en loi de finances pour 2018, positif. Cela résulte principalement du non-versement d'une avance pour le BACEA et d'une importante sous-exécution du programme 823. Toutefois, les recettes ont elles aussi été inférieures à la prévision (- 7,8 %), plusieurs remboursements ayant été reportés.

Quant à la gestion de certaines avances du CCF, votre rapporteur spécial regrette que les règles n'aient toujours pas été clarifiées : alors que les normes comptables de l'État limitent à deux ans, renouvelable une fois, les avances, certaines d'entre elles ont été octroyées pour des durées supérieures à dix ans (pour le BACEA, le Fonds national pour la société numérique). Elles devraient donc être considérées comme des prêts, auxquels l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances confère une durée déterminée. En renouvelant des avances, la durée est, de fait, indéterminée. Ce manque de clarté est d'autant plus dommageable que la mission utilise, pour sa démarche de performance, des indicateurs mesurant la conformité juridique du CCF. Toutefois, le programme 821, le plus important en termes de crédits, respecte cette règle ; le versement et le remboursement intégral de l'avance ayant lieu au cours du même exercice budgétaire.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. MALGRÉ LA DIMINUTION DE SON POIDS AU SEIN DU BUDGET DE L'ÉTAT, LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » DEMEURE L'UN DES PRINCIPAUX POSTES DE DÉPENSES

1. La mission « Engagements financiers de l'État » est la troisième mission du budget général en termes de dépenses

Après plusieurs années à la deuxième place, la mission « Engagements financiers de l'État » représente, en 2018, la troisième mission du budget général en termes de dépenses , derrière les missions « Enseignement scolaire » et « Défense », mais loin devant la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Cette « rétrogradation » est principalement due aux taux bas, qui diminuent la charge de la dette.

Évolution de la part des cinq plus grandes missions du budget général
ces cinq dernières années

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La diminution de son poids au sein du budget général s'explique principalement par le maintien de taux bas

En 2018 , le besoin en financement de l'État a été de 10,7 milliards d'euros inférieur à la prévision inscrite en loi de finances initiale . Trois facteurs, de sens contraire, ont eu un effet particulièrement important sur ce besoin : un déficit de l'État moindre que celui anticipé en LFI (-9,7 milliards d'euros) ; une augmentation très forte des fonds déposés au Trésor (9,8 milliards d'euros, contre 1 milliard d'euros en LFI) ; une majoration des charges sur les obligations indexées plus élevée que prévue (+ 0,9 milliard d'euros).

La France observe, depuis plusieurs années, une baisse continue de la charge de sa dette . Cependant, cette baisse vient moins d'une meilleure maîtrise de la dépense publique , l'encours de la dette continuant d'augmenter (2 315,3 milliards d'euros fin 2018 contre 2 258,7 milliards d'euros en 2017, à 98,4% du PIB), que d'un contexte de taux très favorable . Le 17 juin 2019, l'AFT a émis une OAT à 10 ans au taux historiquement bas de 0,10 %, passant même temporairement en taux négatif le 18 juin. Le cas français n'est pas isolé au sein de l'Union européenne, l'Allemagne bénéficiant également de cette amélioration sensible des conditions d'emprunt. Si votre rapporteur spécial admet que cela ne peut qu'être positif pour la France, qui doit emprunter près de 200 milliards d'euros en 2019, elle rappelle que le Gouvernement ne peut se contenter de s'appuyer sur des facteurs exogènes pour maîtriser la charge de la dette publique . Dans une note publiée en décembre 2018, la Banque de France estime que la charge de la dette au sein du PIB français devrait poursuivre sa baisse jusqu'en 2021 au moins (de 1,9 % du PIB en 2017 à 1,3 % en 2021) 157 ( * ) . Ces estimations ne prenaient pas en compte les mesures annoncées dans le cadre du grand débat national.

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner que ce contexte de financement, qui nous est aujourd'hui favorable, expose la France à un risque de taux très important : sans effort sur la dépense publique, la remontée des taux pèsera fortement sur la charge de la dette. Le FMI s'est également alarmé du poids de la dette française, jugée trop élevé et inquiétant, et qui pourrait rendre la France plus vulnérable aux chocs économiques 158 ( * ) .

Impact d'une hausse des taux de 100 points de base
sur la charge d'intérêts

( en milliards d'euros )

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'État » pour l'année 2019

B. LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES AU PROGRAMME « ÉPARGNE » NE SONT PAS CORRECTEMENT ÉVALUÉES

Les 31 dépenses fiscales (trente principales et une subsidiaire) sur impôts d'État attachées au programme 145 « Épargne » de la mission « Engagements financiers de l'État » se sont élevées à près de six milliards d'euros en 2018 . Les deux premières, qui représentent plus de la moitié de ce total, visent à encourager certains placements, que ce soit les plans d'épargne salariale (dépense fiscale n° 120108 - 1,74 milliard d'euros) ou l'assurance vie (dépense fiscale n° 140119 - 1,56 milliard d'euros). Contenu ces cinq dernières années, le coût total de ces dépenses fiscales connait en 2018 sa première hausse depuis 2014 .

Évolution du coût total* des dépenses fiscales rattachées
au programme 145 « Épargne » ces dix dernières années

( en millions d'euros )

* Le coût total correspond au chiffrage actualisé des trente dépenses fiscales principales sur impôts d'État disponible dans le rapport annuel de performance. Il exclut les trois dépenses fiscales inférieures à 0,5 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Votre rapporteur spécial ne peut que constater l'absence de progrès réalisés sur le chiffrage et l'évaluation de ces dépenses fiscales . Comme en 2017, dix dépenses fiscales ne sont pas chiffrées tandis qu'une seule est jugée très bien évaluée. Sur les 20 restantes, l'évaluation de 11 d'entre elles, dont les deux plus importantes, relève « d'un ordre de grandeur » , qui n'apporte donc aucune garantie sur la fiabilité du chiffre donné en loi de finances initiale. Il est d'ailleurs frappant de constater que, pour la plupart d'entre elles, on constate un écart à la hausse entre les chiffres annoncés en LFI pour 2018 et les chiffres actualisés dans le rapport annuel de performance . Cette absence de chiffrage nuit à l'évaluation de l'efficience de chacune de ces dépenses fiscales. Enfin, votre rapporteur spécial note la certaine inertie de ces dépenses fiscales : pas de suppression depuis 2014, des créations intervenues surtout dans les années 1970 et 1980, avec quelques modifications dans les années 2000, pas de date de fin du fait générateur... Le projet de loi de finances pour 2020 pourrait donc être l'occasion de passer en revue l'ensemble de ces dépenses fiscales, et notamment les trois qui sont d'un montant inférieur à 0,5 million d'euros .

C. CERTAINS INDICATEURS DE PERFORMANCE DONNENT UNE IMAGE INSATISFAISANTE DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE GOUVERNEMENT ET DEVRAIENT DONC ÊTRE RÉVISÉS

Au sein de la mission « Engagements financiers de l'État », plusieurs indicateurs ne donnent pas aujourd'hui au Parlement une vision claire des objectifs donnés aux responsables de programme , ce qui nuit à l'évaluation de leur action. Par exemple, si le nombre d'incidents d'exécution des opérations de dette et de trésorerie (programme 117) a diminué de près de moitié entre 2017 et 2018, votre rapporteur spécial ne peut ni savoir si cela provient d'incidents intervenus dans les systèmes de l'AFT ou de ses partenaires, ni quel en a été l'impact sur le solde du compte de l'État à la Banque de France. Cet indicateur devrait d'ailleurs être révisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, un point sur lequel votre rapporteur spécial sera vigilante.

Sur le programme 145, les indicateurs ne prennent sens que dans le long-terme et après plusieurs cycles économiques, il semble donc difficile de tirer une conclusion sur sa performance d'année en année, alors même que, par exemple, le fléchage de l'épargne réglementée vers le financement du logement social est retenu comme un indicateur de mission.

Enfin, votre rapporteur spécial souhaite attirer l'attention sur les indicateurs du programme 114, et notamment ceux relatifs à l'action n° 04 « Développement international de l'économie française », la deuxième plus importante en termes de dépenses. En effet, la part des moins bons risques parmi les entreprises bénéficiaires de garanties du risque exportateur augmente sensiblement entre 2017 et 2018. Pour la soutenabilité du programme, il convient de conserver un équilibre entre bons et moins bons risques.

MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE » - M. Gérard Longuet, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

En 2018, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 71,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en autorisation d'engagement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart à la prévision

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart à la prévision

Taux de consommation

Évolution 2017-2018

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

21 526

21 574

48

100,22 %

22 036

22 001

- 35

99,84 %

1,98 %

141 - Enseignement scolaire public du second degré

32 463

32 437

-4

99,92 %

32 752

32 916

165

100,50 %

1,48 %

230 - Vie de l'élève

5 077

5 169

95

101,81 %

5 412

5 418

6

100,08 %

4,82 %

139 - Enseignement privé du premier et second degré

7 439

7 477

43

100,52 %

7 553

7 564

11

100,15 %

1,16 %

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 336

2 229

50

95,43 %

2 427

2 327

-100

94,36 %

4,41 %

143 - Enseignement technique agricole

1 418

1 396

-21

98,50 %

1 448

1 430

-18

98,75 %

2,42 %

Total de la mission

70 258

70 283

211

100,03 %

71 629

71 658

29

99,98 %

1,96 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart à la prévision

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart à la prévision

Taux de consommation

Évolution 2017-2018

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

21 526

21 574

48

100,22 %

22 036

22 001

-35

100,00 %

1,98 %

141 - Enseignement scolaire public du second degré

32 463

32 436

-5

99,92 %

32 917

32 917

0

99,50 %

1,48 %

230 - Vie de l'élève

5 000

5 168

171

103,35 %

5 412

5 418

6

100,04 %

4,85 %

139 - Enseignement privé du premier et second degré

7 439

7 477

42

100,51 %

7 553

7 565

12

100,00 %

1,17 %

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 353

2 278

82

96,81 %

2 357

2 331

-26

101,66 %

2,35 %

143 - Enseignement technique agricole

1 418

1 396

-21

98,50 %

1 448

1 430

-19

100,00 %

2,38 %

Total de la mission

70 198

70 329

317

100,19 %

71 723

71 661

-62

99,83 %

1,89 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution est conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, les taux de consommation s'élevant, respectivement, à 100 % en AE et 99,8 % en CP.

Toutefois, en crédit de paiement, on constate une légère sous-exécution de l'ordre de 256 millions d'euros par rapport au montant des crédits effectivement ouverts conduisant à une consommation finale de 99,6 %.

Enfin, on observe que le niveau des autorisations ouvertes par la loi de finances initiale a été moins fortement modifié au cours de l'exécution 2018 (+ 316 millions d'euros) que durant l'exercice 2017 (+ 621 millions d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros, en CP)

CP ouverts en LFI (hors FDC et ADP)

CP ouverts en LFI (y.c FDC et ADP)

Virement ou transfert

Reports

FDC et ADP

Décret d'avance

LFR

Solde des O/A

Total des crédits ouverts

Exécution

Écart consommé / prévu

Écart consommé / ouvert

140

22 036

22 036

2

1

0

0

-2

1

22 037

22 001

-36

- 36

141

32 917

32 753

3

20

6

0

157

186

32 939

32 917

164

- 22

230

5 412

5 414

3

4

2

0

6

16

5 430

5 418

4

- 12

139

7 553

7 553

0

1

0

0

14

15

7 568

7 565

12

- 3

214

2 357

2 396

2

117

8

0

-21

105

2 501

2 331

- 65

- 170

143

1 448

1 448

0

0

0

0

-7

-7

1 442

1 430

- 19

- 12

Total

71 723

71 601

10

143

15

0

147

316

71 917

71 661

60

- 256

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Entre 2017 et 2018, les dépenses ont augmenté, en AE comme en CP, de 1,4 milliard d'euros, soit une hausse inférieure à 2 % . Cette évolution marque un ralentissement de la progression en valeur et en volume des dépenses de la mission par rapport à l'exercice 2017 . En effet, sur le précédent exercice, les dépenses avaient crû de 2,6 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,8 %.

Bien que l'ensemble des programmes de la mission aient connu une augmentation du montant des crédits consommés en CP, les programmes « Enseignement scolaire du premier degré » (programme 140) et « Enseignement scolaire du second degré » (programme 141) représentent, à eux-seuls, 65,7 % de l'augmentation constatée .

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre
(y.c CAS « Pensions »)

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart à la prévision

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart à la prévision

Taux de consommation

Évolution 2017-2018

Titre 2

64 893

65 170

277

100,43 %

66 446

66 535

89

100,13 %

2,09 %

Titre 3

787

811

24

103,00 %

843

742

- 101

88,03 %

- 8,46 %

Titre 5

24

-55

-79

- 227,32 %

130

95

-35

73,03 %

- 273,30 %

Titre 6

4 554

4 356

-198

95,66 %

4 253

4 284

32

100,74 %

- 1,64 %

Titre 7

0

1

0

300,00 %

0

2

1

890,14 %

196,71 %

Total

70 258

70 283

24

100,03 %

71 671

71 658

-14

99,98 %

1,96 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart à la prévision

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart à la prévision

Taux de consommation

Évolution 2017-2018

Titre 2

64 893

65 170

277

100,43 %

66 446

66 535

89

100,13 %

2,09 %

Titre 3

795

709

-85

89,28 %

804

748

-56

92,99 %

5,41 %

Titre 5

34

99

65

291,52 %

98

85

- 13

86,53 %

- 13,91 %

Titre 6

4 476

4 350

- 126

97,19 %

4 253

4 292

39

100,93 %

- 1,34 %

Titre 7

0

0

0

182,35 %

0

2

1

890,14 %

388,14 %

Total

70 198

70 329

131

100,19 %

71 601

71 661

60

100,08 %

1,89 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'augmentation du montant des crédits de paiement consommés entre 2017 et 2018 est essentiellement imputable à une hausse de 1,3 milliards d'euros des dépenses de personnel (titre 2). Cette évolution est, toutefois, d'une ampleur moins importante que celle observée entre 2016 et 2017 pour les dépenses du même titre (+ 2,7 milliards d'euros).

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le niveau des créations de postes est mieux maitrisé en 2018 mais demeure supérieur à la cible

L'exécution 2018 se caractérise par le fort ralentissement des créations de postes par rapport aux années antérieures . En effet, alors qu'en 2017 (hors programme 143) la mission avait enregistré une hausse de 9 665 emplois équivalents temps plein, ce niveau a été ramené à +839 en 2018 .

Évolution du nombre de création de postes depuis 2012
(hors programme 143)

(en ETP)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ce résultat a été rendu possible essentiellement par la contraction du nombre d'emplois relevant du programme « Enseignement scolaire public du second degré » (programme 141). En effet, ce dernier a connu une diminution de 2 490 emplois permettant de compenser une part importante de l'augmentation de 3 684 emplois réalisée au titre du programme « Enseignement scolaire public du premier degré » (programme 140).

Contribution des différents programmes au solde de création de postes en 2018 (hors programme 143)

(en ETP)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

On relève que l'objectif du schéma d'emploi (+144 EPT) n'a pas été respecté . L'écart à la cible (+657 ETP) s'explique par plusieurs facteurs . En premier lieu, le programme « Enseignement scolaire du premier degré » (programme 140) a connu une hausse des emplois créés (+884) plus importante que prévue. Cette situation résulte, en majorité, du recrutement des psychologues de l'Éducation nationale et d'un volume des départs moindre qu'escompté. En second lieu , le programme « Soutien à la politique de l'éducation nationale » (programme 214) a connu, à l'inverse, une contraction du niveau des emplois moins intense que prévu . Un nombre d'entrées de personnels d'encadrement et administratifs supérieur à la prévision semble expliquer ce résultat.

Votre rapporteur spécial salue, néanmoins, cet effort de maitrise du nombre des créations de postes qui rompt avec une logique inflationniste inadaptée et insoutenable du point de vue budgétaire . Il espère que le Gouvernement saura le poursuivre alors qu'il s'est engagé, en loi de finances pour 2019, à supprimer 1 850 emplois équivalents temps plein. Il rappelle, également, au Gouvernement la demande qu'il a formulée - dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes de mars 2018 - de permettre le suivi du recours aux personnels contractuels dans les documents budgétaires .

Schéma d'emploi 2018

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départ en retraites

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois - Prévision

Schéma d'emplois Réalisation

Écart

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

Enseignants du 1er degré

8 683

6 055

14 600

0

4 961

5 917

956

Enseignants stagiaires

13 929

0

11 775

11 775

-2 161

-2 154

7

Personnels d'encadrement

239

127

160

0

0

-79

-79

Total du programme

22 851

6 182

26 535

11 775

2 800

3 684

884

141 - Enseignement scolaire public du second degré

Enseignants du 1er degré

307

307

266

0

0 + 120 *

-41

-41

Enseignants du 2nd degré

9 562

7 037

10 901

0

0

1 339

1 339

Enseignants stagiaires

12 575

0

8 865

8 762

-2 600

-3 710

-1 110

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

215

126

205

0

0

-10

-10

Personnels d'encadrement

720

621

820

0

0

100

100

Personnels administratifs, technique et de service

1 460

1 235

1 292

0

0

-168

-168

Total du programme

24 839

9 326

22 349

8 762

-2 480*

-2 490

-10

230 - Vie de l'élève

Enseignants stagiaires

357

0

319

319

0

-37

-37

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

757

523

783

0

0

26

26

Personnels administratifs, technique et de service

46

35

48

0

0

2

2

Total du programme

1 160

1 150

319

0

-9

-9

139 - Enseignement privé du premier et second degré

Enseignants du 1er degré

1 149

942

1 386

0

0 + 24*

-63

-63

Enseignants du 2nd degré

2 626

2 000

2 687

0

0

61

61

Enseignants stagiaires

2 393

0

2 092

2 092

0

-301

-301

Total du programme

6 168

2 942

6 165

2 092

24*

-303

-303

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

35

35

22

0

0

-13

-13

Personnels d'encadrement

54

45

182

0

0

128

128

Personnels administratifs, technique et de service

678

569

520

0

-200

-158

42

Total du programme

767

649

724

0

-200

-43

157

143 - Enseignement technique agricole

A administratifs

38

18

16

0

0

-22

-22

A techniques

40

7

19

1

0

-21

-21

B et C administratifs

152

44

172

32

0

20

20

B et C techniques

16

9

16

1

0

0

0

Enseignants

910

226

895

88

0

-15

-15

Total du programme

1 156

304

1 118

122

0

-38

-38

Total de la mission

56 941

19 403

58 041

23 070

144*

801

657*

* Alors que le Gouvernement prévoyait une cible initiale de 0 création de postes, les amendements introduits à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du PLF 2018 ont conduit à rehausser de 144 postes au total le niveau de cet objectif.

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

2. Une amélioration bienvenue du niveau de consommation des autorisations d'emplois qui résulte, pour partie, des apports de la commission des finances du Sénat et qui doit être consolidée

En loi de finances initiale, le plafond d'emplois adopté pour la mission s'élevait à 1 037 076 équivalents temps pleins travaillés (ETPT) soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2017. Toutefois, près de 45 % de cette hausse concerne une correction technique résultant du placement des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sous le plafond d'emplois , ainsi que votre rapporteur l'avait appelé de ses voeux et qu'il se félicite de voir mis en oeuvre. À périmètre constant, l'augmentation du plafond se limite à 0,76 % contre 1 % en 2017.

En outre, votre rapporteur rappelle que le Gouvernement a su tirer les conséquences de l'introduction, par la commission des finances du Sénat, en loi de programmation des finances publiques 2018-2022, d'un mécanisme limitant l'augmentation du plafond d'emplois d'un exercice budgétaire à l'autre. En effet, la commission des finances avait souhaité favoriser l'endiguement du phénomène de sous-consommation qui caractérisait, notamment, les emplois de la mission. Elle avait, dès lors, prévu que la hausse du plafond des autorisations d'emplois spécialisé par ministère ne pourrait excéder 1 % du niveau de la consommation constatée par la dernière loi de règlement. Ainsi, en loi de finances rectificative, il a été procédé à une correction à la baisse du plafond (3 466 ETPT) pour ramener le niveau de son évolution en-dessous de 1 % « hors incidence des schéma d'emplois des mesures de transfert et de périmètre intervenus ou prévus » .

Niveau de la sous-consommation du plafond des autorisations
d'emplois en 2018

(en pourcentage par rapport au plafond prévu en lois de finances)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Votre rapporteur, à l'instar de la Cour des comptes, constate que la sous-consommation des emplois par rapport au plafond d'autorisation demeure en 2018 (1,33 %). Toutefois, il observe qu'elle est moins importante qu'en 2017 (1,64 %) et qu'elle est d'autant plus réduite que les apports précités de la commission des finances du Sénat ont permis d'ajuster le niveau des prévisions . En effet, sans correction en loi de finances rectificative, le niveau de sous-consommation se serait élevé à 1,66 % et aurait donc augmenté par rapport à 2017.

Si votre rapporteur spécial se réjouit du placement des AESH sous plafond d'emplois et de l'amélioration de la qualité de la prévision et du niveau d'exécution global , il estime que les efforts doivent être consolidés . Ainsi, près des deux-tiers des sous-consommations sont imputables au programme « Enseignement scolaire public du second degré ». Pour votre rapporteur spécial, cette situation plaide, d'une part, pour réduire durablement le niveau prévu du plafond et, d'autre part, pour adapter les obligations réglementaires des enseignants aux besoins du service . Ces préconisations sont celles que votre rapporteur spécial a portées lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019.

3. La forte diminution des mesures générales et catégorielles contribue à ralentir la croissance des dépenses de personnel

Contrairement aux exercices antérieurs, l'année 2018 se caractérise par l'importante diminution de la contribution des mesures générales et catégorielles à la hausse des dépenses de personnel .

Ainsi, le coût des mesures générales s'est élevé à 22 millions d'euros, en 2018 , principalement porté par les effets de la variation du point de la fonction publique. À l'occasion de l'exercice 2017, ce coût avait atteint 386 millions d'euros. De même, l'impact des mesures catégorielles s'est limité à 232 millions d'euros contre 758 millions d'euros en 2017.

La maitrise de l'évolution du coût de ces mesures contribue notablement à un ralentissement de la croissance annuelle de la masse salariale . En effet, alors qu'elles s'élevaient en 2017, hors CAS pension, à 45,4 milliards d'euros et avaient connu une hausse de 4,5 % par rapport à l'année précédente, les dépenses de personnel, en 2018, n'augmentent que de 1,8 % pour s'établir à 46,2 milliards d'euros .

Comme cela avait été indiqué en loi de finances initiale, l'exercice 2018 affiche une légère augmentation (+ 18 millions d'euros) de la contribution du glissement vieillesse technicité (GVT) à la hausse globale de la masse salariale. Celle-ci résulterait, d'une part, d'un nombre moins important que prévu de départs en retraite et, d'autre part, d'effets persistants du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) à hauteur de 24 millions d'euros malgré le recul de sa mise en oeuvre . Sur ce point, votre rapporteur spécial rappelle qu'il a constamment estimé que ce dispositif était « ravageur » pour la maitrise, à long terme, des dépenses d'une mission constituée à 92 % de crédits de titre 2. Il ne peut que redire son inquiétude en raison de la reprise du PPCR en loi de finances pour 2019 pour un coût, pensions comprises, de l'ordre de 134 millions d'euros.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances à partir des documents budgétaires

Pour l'exercice 2018, votre rapporteur spécial constate et salue les importants efforts consentis pour assurer la soutenabilité des dépenses de personnel . Il alerte, toutefois, le Gouvernement sur la persistance d'une pratique qui n'est respectueuse ni de la représentation nationale ni de l'impératif de crédibilité budgétaire : le dépassement des plafonds votés en loi de programmation des finances publiques .

Ainsi, et alors que sur la période 2014-2017 ces dépassements avaient déjà excédé les plafonds prévus de près de 3 milliards d'euros, la Cour des comptes et votre rapporteur spécial constatent un dépassement de 160 millions d'euros en 2018 . Si comme la loi de finances pour 2019 semble l'indiquer, de tels dépassements devaient perdurer, votre rapporteur spécial ne pourrait qu'estimer que le Gouvernement actuel n'a pas su rompre avec les dérives de ses prédécesseurs .

4. Des dispositifs dans le premier et le second degré dont l'efficience est difficile à évaluer

Comme l'indiquent les documents budgétaires, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse s'est fixé l'objectif d'assurer « 100 % de réussite à l'école primaire » . Cet objectif ambitieux s'appuie, notamment, sur une division par deux des effectifs des classes de CP et CE1 dans les établissements relevant des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et REP+ depuis 2018 .

Du point de vue budgétaire et sur le périmètre de la mission, cette mesure se traduit par une hausse des besoins en personnel dans les établissements concernés. Elle a impliqué, pour favoriser les recrutements nécessaires, l'octroi progressif d'une prime de 3 000 euros nets annuels . En loi de finances initiale, le coût de cette mesure pour la mission « Enseignement scolaire » avait été estimé à 158 millions d'euros pour l'année 2018 . Il conviendrait d'y ajouter la part de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) qui a été, effectivement, consacrée à la construction, l'adaptation ou la rénovation des bâtiments . La Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) indique que sur les 83 millions d'euros de dépenses dans le domaine scolaire supportée par la DSIL, près de 11 millions d'euros ont bénéficié au financement de ces opérations .

Évolution du taux d'encadrement

(en nombre d'élèves par classe)

Source : Commission des finances à partir des documents budgétaires

Les premiers éléments d'évaluation fournis par l'administration paraissent indiquer une amélioration progressive du taux d'encadrement tant en REP qu'en REP+ qui serait imputable au dédoublement des classes. Toutefois, l'efficacité de la prime évoquée n'est pas encore démontrée . En effet, on constate plutôt le maintien d'un processus d'érosion du nombre d'enseignants ayant plus de 5 ans d'expérience et exerçant au sein du REP. Or, s'il est indéniable que les recrutements opérés au sein du programme « Enseignement public du premier degré » (programme 140) sont importants (+ 5 917 pour les seuls enseignants ), le maintien d'un vivier de professionnels expérimentés apparait comme un facteur essentiel de la réussite des élèves

Évolution de la part d'enseignants en REP/REP+
ayant une expérience supérieure à 5 ans

(en pourcentage)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au surplus de ce dispositif de soutien à la réussite des élèves en école primaire , le ministère de l'Éducation nationale promeut des actions dans l'enseignement secondaire . Votre rapporteur spécial avait déjà eu l'occasion, au cours de l'examen des précédentes lois de finances, de présenter les contours des dispositifs « devoirs faits » et « stages de la réussite ».

Évolution du taux de redoublement par classe au collège

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

Les indicateurs de performances présentés au rapport annuel ne permettent pas, en l'état, de mesurer l'efficacité de ces deux dispositifs . Pire, si tel était le cas, la lecture de ces indicateurs pourrait même conduire à estimer que les mesures d'accompagnement sont sans effets tant la dégradation de certains résultats est évidente . Ainsi , tant en REP qu'en REP+, on observe une chute de la part d'élève réussissant le brevet . En dehors de ces réseaux, les résultats de succès à l'examen du brevet sont en quasi-stagnation. En outre, le taux de redoublement s'est accru entre 2016 et 2018 dans les classes de 6 ème , 5 ème et 3 ème .

Évolution du taux de réussite
au diplôme national du brevet (DNB)

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

Votre rapporteur spécial continue d'estimer que ces mesures vont dans le bon sens. Tout en plaidant pour qu'elles soient pérennisées et, le cas échéant, améliorées, il estime nécessaire, toutefois, de renforcer l'évaluation et le suivi de ces dispositifs . De telles améliorations doivent conduire à revoir les indicateurs de performances retenus.

5. Des opérateurs dont le suivi est en passe d'être mieux assuré

Le programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » (programme 214) implique la coordination de plusieurs opérateurs pour sa mise en oeuvre , sous la responsabilité du secrétariat général du ministère :

- le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ;

- le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ;

- le Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

- l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ;

- le réseau de création et d'accompagnement pédagogique (CANOPE).

Comme l'a rappelé la Cour des Comptes dans sa note d'exécution budgétaire, le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse a, conformément à la lettre de cadrage préalable au projet de loi de finances pour 2018, associé les opérateurs à l'objectif de maitrise des dépenses publiques . Aux fins d'assurer une gestion et un suivi efficace des opérateurs du point de vue budgétaire, la Cour avait appelé en 2017 à finaliser le processus de contractualisation d'objectifs et de performances alors en cours. Ce dernier est sur le point d'être achevé et votre rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir . En effet, de tels contrats, sous réserve d'être communiqués au Parlement, constitueront à l'avenir des sources d'informations utiles .

Le montant des subventions pour charges de service public versé aux opérateurs s'est élevé, en 2018, à 163,7 millions d'euros en crédits de paiement soit une augmentation de 4,7 % .

Plusieurs constats peuvent être dressés. D'une part, la croissance du montant des subventions par rapport à l'exercice antérieur est notable . Elle dépasse, ainsi, l'augmentation moyenne des dépenses de l'ensemble de la mission de 2,7 points. D'autre part, l'écart par rapport à la prévision de près d'un million d'euros que votre rapporteur spécial avait déjà eu l'occasion de pointer en 2017 a été aggravé en 2018 .

La justification de cet écart à la prévision initiale repose, notamment, sur :

- l'absence de dégel d'une mise en réserve à hauteur de 1,8 millions d'euros ;

- des versements au titre du financement de dispositifs spécifiques à hauteur de 3,14 millions d'euros dont le tiers a bénéficié au CNED pour sa contribution au dispositif « devoirs faits ».

Du point de vue de la gestion des emplois, votre rapporteur spécial constate la persistance d'une sous-consommation par rapport au plafond. Alors que ce dernier, prévu en loi de finances initiale, s'élevait à 3 359 ETPT, l'exercice affiche une consommation déficitaire de 253 ETPT. Comme en 2017, cette situation résulte, pour la Cour des comptes, de la vacance de postes liée à des difficultés de recrutement dans les délais et de mesures de gel visant à assurer une maitrise de la masse salariale .

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES », MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS », MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » ET CAS « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » - MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein,
rapporteurs spéciaux

I. MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Des crédits principalement portés par deux programmes

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les politiques publiques relevant du ministère de l'action et des comptes publics, ainsi que l'essentiel des effectifs des ministères économiques et financiers. Elle se compose de quatre programmes.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » sont mis en oeuvre par les deux grandes directions à réseaux du ministère que sont la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Ils représentent près de 90 % des crédits et 95 % des dépenses de personnel.

Les programmes 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » et 148 « Fonction publique » correspondent à des politiques de coordination et de pilotage à dimension interministérielle.

Le programme 218 correspond aux crédits et effectifs des cabinets des ministres et secrétariats d'États, des directions et services en charge de missions transversales (le budget, l'administration et la fonction publique, les achats de l'État...), de l'Inspection générale des finances, du secrétariat général du ministère et, enfin, de toutes les directions et entités exerçant des missions nécessaires au pilotage des politiques publiques ministérielles transversales ou interministérielles (expertise, conseil, contrôle). Ce programme est placé sous la responsabilité de la secrétaire générale des ministères économiques et financiers.

Le programme 148 correspond aux crédits alloués à la formation et à l'apprentissage dans la fonction publique de l'État (École nationale d'administration, instituts régionaux d'administration), ainsi qu'à l'action sociale interministérielle. Il est placé sous la responsabilité du Directeur général de l'administration et de la fonction publique.

2. Globalement, une exécution proche de la prévision

Exécution par programme des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Exécution 2018/LFI 2018

[ 156 ] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

AE

8 048,8

8 130,9

8 103,6

0,68%

-0,34%

CP

8 056,9

8 073,4

8 020,1

-0,46%

-0,66%

[ 218 ] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

1 185,4

987,6

931,3

-21,44%

-5,71%

CP

1 176,8

1 006,2

1 009,4

-14,22%

0,31%

[ 302 ] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 510,6

1 567,1

1 535,9

1,67%

-1,99%

CP

1 515,4

1 572,0

1 530,8

1,02%

-2,62%

[ 148 ] Fonction publique

AE

168,8

241,6

203,0

20,27%

-15,95%

CP

194,0

241,6

201,6

3,92%

-16,53%

TOTAL MISSION

AE

10 913,6

10 927,2

10 773,8

-1,28%

-1,40%

CP

10 943,1

10 893,2

10 761,9

-1,66%

-1,20%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour le programme 156, qui regroupe le montant de crédits le plus important de la mission, l'exécution s'est révélée quasiment conforme aux prévisions de la loi de finances initiale. Les écarts sont moins élevés qu'en 2017 (respectivement - 2,7 % pour les AE et - 0,7 % pour les CP). À l'échelle de la mission, l'exécution est également satisfaisante, quoique l'écart soit supérieur à celui observé en 2017 (0,4 %).

Exécution par titre des crédits de la mission « Gestion des finances publiques
et des ressources humaines »

(en millions d'euros)

Titre

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Exécution 2018/LFI 2018

Titre 2 - Personnel

AE

8 669,6

8 690,7

8 627,2

-0,49%

-0,73%

CP

8 669,6

8 690,7

8 627,2

-0,49%

-0,73%

Titre 3 - Fonctionnement

AE

1 854,4

1 940,4

1 930,0

4,07%

-0,54%

CP

1 860,3

1 905,3

1 914,5

2,91%

0,48%

Titre 5 - Investissement

AE

286,8

191,7

123,0

-57,10%

-35,83%

CP

306,0

192,8

126,4

-58,69%

-34,44%

Titre 6 - Intervention

AE

102,4

104,0

93,2

-9,06%

-10,45%

CP

106,9

104,0

93,4

-12,58%

-10,20%

Titre 7 - Opérations financières

AE

0,4

0,3

0,4

8,25%

30,70%

CP

0,4

0,3

0,4

7,95%

30,70%

TOTAL MISSION

AE

10 913,6

10 927,2

10 773,8

-1,28%

-1,40%

CP

10 943,1

10 893,2

10 761,9

-1,66%

-1,20%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnel, qui représentent 80,2 % des crédits de la mission, sont légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale et à celles observées en 2017 . Les plus grands écarts s'observent pour les dépenses d'investissement : alors que l'exécution en AE et en CP avait été deux fois supérieure aux prévisions en 2017, la situation s'est inversée en 2018.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2018

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les mouvements de crédits ont représenté 1,64 % du total des crédits consommés en 2018, contre 2,2 % en 2017 . La différence entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution n'est que de - 0,11 %, ce qui témoigne d'un pilotage rigoureux. À l'image des autres missions, le taux de mise en réserve s'est élevé à 3 %, ce qui s'est traduit par de plus grandes marges de manoeuvres pour les directeurs départementaux du réseau de la DGFiP.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. L'année 2018 est marquée par une baisse des crédits en exécution plus forte que prévue, après une année de hausse en 2017

Alors que l'année 2017 avait été marquée par une exécution des crédits en hausse de 2 %, l'année 2018 renoue avec les années antérieures de baisse , avec une diminution plus forte que celle initialement prévue en loi de finances initiale (- 1,66 % contre - 0,77 % en LFI).

Trois raisons principales expliquent cette baisse :

- des dépenses de personnel inférieures à la prévision (cf. infra ) ;

- des aides moins élevées que prévu pour les débitants de tabac , même si les aides à la sécurité des débits de tabac ont augmenté par rapport à l'année 2017. À cet égard, vos rapporteurs spéciaux rappellent à nouveau que ces aides n'ont que peu à voir avec les missions de la DGDDI et devraient plutôt être rattachées à la mission « Économie » ;

- le report de dépenses d'investissement pour les programmes 302 (immobilier, informatique et moyens de surveillance aériens) et 218 (immobilier).

Ainsi, alors que le plafond des crédits de paiement (hors CAS « Pensions ») alloués à la mission dépassait celui inscrit dans la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (LPFP 2018-2022), cette exécution inférieure à la prévision lui a permis de le respecter.

Plafond des crédits de paiement inscrits
dans la LPFP 2018-2022 et exécution 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La mission contribue à l'objectif de réduction de la masse salariale de l'État

Les dépenses de personnel constituent le premier enjeu de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » puisqu'elles représentent plus de 80 % des crédits de la mission. En termes de rémunération, le programme 156 est le sixième plus grand programme du budget de l'État, mais le seul, parmi ceux qui dépassent le milliard d'euros, à constater une baisse entre 2017 et 2018 (- 24 millions d'euros).

La mission continue ainsi de contribuer à la réduction de la masse salariale de l'État . Le schéma d'emplois inscrit en loi de finances initiale prévoyait une baisse de 1 450 ETP, un objectif similaire à la cible atteinte en 2017 (1 488 ETP). La réalisation de ce schéma d'emplois reposait principalement sur la DGFiP (- 1 600 ETP) , même si près de 500 ETP avaient été préservés dans la perspective de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. A contrario , il était prévu que les effectifs de la DGDDI augmentent de 200 ETP, dans la lignée des années précédentes (250 ETP en 2017, 285 en 2016). Ces créations nettes, dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT) et de la préparation à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, devraient se prolonger en 2019 (+ 250 ETP selon la loi de finances initiale).

La sur-exécution du schéma d'emplois (- 1 902 ETP) est principalement due à la DGFiP (438 emplois supprimés en plus). Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes souligne que cette sur-exécution est inédite, la DGFiP ayant eu tendance ces dernières années à recruter en fin d'année pour saturer son schéma d'emplois. Le schéma d'emploi du programme 218 a également été sur-exécuté (15 emplois supprimés en plus), du fait de difficultés de recrutement. Quant à la DGDDI, elle a respecté, à un emploi supplémentaire près, son schéma d'emplois. Vos rapporteurs spéciaux regrettent toutefois que les besoins en équipement de ces recrutements aient été mal anticipés, conduisant à des dépenses de fonctionnement supérieures de 8,3 % aux prévisions inscrites en LFI. Elles ont cependant été contenues par la diminution de la surface d'occupation par agent, la DGDDI faisant partie des quelques services de l'État à respecter le ratio d'occupation de 12 m². Au total, la réduction des effectifs ayant été partiellement compensée par des mesures salariales, la baisse des dépenses de personnel est néanmoins demeurée relativement modeste (- 0,5 %).

Enfin, alors que vos rapporteurs spéciaux avaient constaté une meilleure anticipation des départs en retraite en 2015 et en 2016, 2018 poursuit la tendance observée en 2017, celle d'un écart de plus en plus élevé entre prévision et exécution, à nouveau majoritairement dû à la DGFiP. Ainsi, il y a eu 11,9 % de départs à la retraite en plus que prévu en 2018.

Écart entre les prévisions et réalisations des départs en retraite
au sein de la mission

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Conséquence, pour partie seulement, de cette sur-exécution des schémas d'emplois, l'écart structurel qui existe depuis 2014 entre les plafonds d'emplois prévu et exécuté (en ETPT) s'est légèrement accru en 2018 . Si vos rapporteurs notent que l'article 11 159 ( * ) de la LPFP 2018-2022, adopté à l'initiative de la commission des finances du Sénat, a conduit le ministère a abaissé dès la loi de finances rectificative pour 2018 le plafond des emplois, de sorte que l'écart entre le plafond révisé et la consommation effective ne se soit finalement élevé qu'à 1,6 %, ils recommandent à nouveau de mieux adapter les plafonds d'emplois aux crédits ouverts.

Plafonds d'emplois de la mission « Gestion des finances publiques
et des ressources humaines »

( en ETPT )

2014

2015

2016

2017

2018

Plafond d'emplois de la mission prévu en LFI

134 746

131 862

129 296

128 023

126 356

Plafond d'emplois de la mission exécuté

131 575

128 875

126 699

125 370

123 493

Écart

- 2,35 %

-2,27 %

-2,01 %

-2,07 %

-2,27 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Le développement des projets informatiques pose des enjeux de pilotage et de personnel pour les ministères économiques et financiers

La mise en oeuvre du prélèvement à la source (PAS), grand projet de l'année 2018 pour la DGFiP, a nécessité la mobilisation du personnel, l'adaptation de ses procédures et la conduite de lourdes opérations sur les systèmes d'information. Le coût total de ce projet s'élèverait à 178 millions d'euros à la fin de l'année 2018, soit 25 % de plus que le coût estimé au printemps 2017 et 8 % de plus qu'à l'automne 2017, après le report de la réforme. Vos rapporteurs spéciaux estiment que ce dépassement est relativement contenu, eu égard à l'ampleur de la réforme menée et compte tenu de son exécution globalement satisfaisante . Pour la Cour des comptes, qui a examiné les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI, ces résultats plutôt positifs sont dus à la mise en place d'un dispositif de pilotage spécifique et d'un suivi de haut niveau.

Toutefois, vos rapporteurs spéciaux souhaitent attirer l'attention sur la conduite des autres projets informatiques de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui connaissent eux des dépassements de délais et de coûts relativement élevés , alors même que la plupart d'entre eux sont beaucoup plus modestes. Cela montre que la DGFiP, la DGDDI et le secrétariat des ministères économiques et financiers connaissent quelques difficultés à mener à bien ces projets en tenant les budgets et les délais impartis. Ainsi, on constate un dépassement moyen des délais de 33 % et un dépassement moyen des coûts de 83 %. À cet égard, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes la réalisation, en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, d'une enquête portant sur le pilotage par l'État des grands projets informatiques (mai 2020). Vos rapporteurs spéciaux réitèrent donc leur appel à la vigilance , alors que la mission représente à elle seule 15 % des projets informatiques de l'État et 20 % des dépenses.

Projets informatiques : délais prévus et délais actualisés

( en mois )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Projets informatiques : coûts prévus et coûts actualisés

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Vos rapporteurs spéciaux s'étaient également inquiétés de la capacité de l'administration à attirer et à fidéliser les profils de haut niveau dans le domaine informatique et deux amendements au projet de LFI pour 2018 avaient ainsi été déposés. Le rapport de la Cour des comptes sur les systèmes d'information de la DGFiP et de la DGDDI confirme le constat de vos rapporteurs spéciaux : 35 % et 80 % des postes d'informaticiens ouverts à la DGFiP et à la DGDDI ces trois dernières années n'ont pas pu être pourvus d'autant que, en raison de freins internes, les deux directions n'ont pu recourir que marginalement à des contractuels. Le recrutement de personnels compétents pour conduire les projets informatiques des deux directions qui supportent la collecte de la majorité des recettes publiques demeure donc un enjeu essentiel, que vos rapporteurs spéciaux suivront avec attention.

4. L'amélioration des indicateurs de performance doit être poursuivie

Au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les indicateurs du programme 156 avaient fait l'objet d'une révision à l'occasion de l'exercice 2018. Vos rapporteurs spéciaux regrettent toutefois que la mission ait retenu un indicateur portant sur le taux de déclaration et de recouvrement spontané, constamment supérieur à 99 %, et non un indicateur portant sur le taux net de recouvrement des droits et pénalités sur les créances de contrôle fiscal, qui stagne autour des 65 % depuis plusieurs années. Cela aurait été d'autant plus pertinent que vos rapporteurs spéciaux relèvent que les indicateurs ayant trait à la lutte contre la fraude, s'ils atteignent pour la plupart leurs cibles, stagnent voire diminuent par rapport aux années antérieures. C'est pourtant dans ces actions que se mesure la capacité des administrations de réseaux des ministères économiques et financiers à remplir leurs missions.

Depuis 2015, la Cour des comptes recommande dans ses notes d'analyse de l'exécution budgétaire d'harmoniser les trois indicateurs portant sur la fiscalité des entreprises des programmes 156 et 302. Un tel rapprochement n'a été opéré que pour un seul indicateur, celui du coût de collecte des recettes douanières et fiscales. Des divergences de périmètre et de modalités de calcul demeurent pour les indicateurs relatifs au civisme fiscal et au contrôle des fraudes graves, ce qui rend plus difficile une appréciation globale de l'action de la DGFiP et de la DGDDI. Toutefois, un indicateur commun sur le civisme fiscal est annoncé pour le projet de loi de finances pour 2020, une évolution qui sera suivie par vos rapporteurs spéciaux.

Vos rapporteurs spéciaux regrettent enfin qu'il n'y ait pas d'indicateur permettant de mesurer les efforts de réorganisation de la DGFiP et de la DGDDI, un chantier de long-terme pour réduire la dépense publique. Ces efforts ont pourtant un impact sur l'ensemble des titres de dépenses de la mission. 188 postes comptables ont été fermés en 2018, un nombre similaire aux années précédentes (198 en 2016, 179 en 2017). Toutefois, ces fermetures se décident bien souvent au gré des circonstances (ex. départs en retraite), sans qu'il n'y ait parfois d'effets sur les coûts, par exemple immobiliers. Le ministère de l'action et des comptes publics a fait part de son attention de modifier son approche, en adoptant une démarche qui serait davantage pluriannuelle et concertée, afin de donner plus de visibilité aux acteurs du réseau et aux collectivités territoriales. C'est le sens, en tout cas, du courrier envoyé par le ministre de l'action et des comptes publics aux élus le 6 juin 2019, qui doit marquer le lancement de cette nouvelle étape dans la réorganisation de la DGFiP ; un processus que vos rapporteurs spéciaux suivront avec attention . Selon le ministre, il s'agit de concilier les nouveaux modes d'organisation du travail (ex. dématérialisation des démarches, travail à distance) et l'évolution des missions de la DGFiP (prélèvement à la source, réforme de la fiscalité locale) aux exigences d'accessibilité des services publics et d'amélioration des prestations offertes tant aux particuliers qu'aux collectivités locales . Vos rapporteurs spéciaux souhaiteraient en outre que l'impact de cette réorganisation sur les crédits de la mission soit mieux documenté. Les objectifs de la DGDDI en termes de réorganisation ont quant à eux été décalés à 2020.

II. MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une consommation inégale des crédits de paiement et des autorisations d'engagement

Sur les deux programmes de cette mission, seul le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » a fait l'objet d'une ouverture de crédits en loi de finances pour 2018 . En effet, les crédits initialement inscrits pour le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » avaient été répartis avant la promulgation de loi de finances pour 2018. Ainsi, la mission « Crédits non répartis » était in fine dotée de 124 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 424 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE).

Les crédits consommés s'élèvent à 113,35 millions d'euros , soit une nette progression par rapport à l'exécution 2017, correspondant à l'augmentation de la dotation du programme 552 pour 2018. La LFI pour 2018 avait en effet majoré de 100 millions d'euros le montant de ces crédits, fixé à 24 millions d'euros en 2017.

Consommation des crédits pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Programmes

Crédits exécutés en 2017

Crédits ouverts en LFI 2018

Crédits répartis en exécution 2018

Taux d'exécution

551 « Provision relative aux rémunérations publiques »

AE

0

0

0

-

CP

0

0

0

-

552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles »

AE

17,2

424

113,35

26,73 %

CP

17,2

124

113,35

91,41 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si les crédits de paiement ont fait l'objet d'une consommation très proche de la prévision, à 91,4 %, les autorisations d'engagement sont une nouvelle fois sous-exécutées, avec une consommation de 27 %. De même qu'en 2017, cette sous-consommation s'explique par l'inutilisation de la provision de 300 millions d'euros d'AE destinée à couvrir d'éventuelles prises à bail privées en vue de relocalisation d'urgence.

Cette provision est fixée depuis 2012 au même montant et n'a fait l'objet d'un recours qu'à trois reprises depuis lors. Le montant de 300 millions d'euros fait régulièrement l'objet d'une réserve de vos rapporteurs spéciaux tant sa sous-consommation est importante et récurrente. Il est pourtant justifié par le ministère de l'économie et des finances afin de couvrir la totalité des dépenses de location, le bail pouvant durer de 6 à 9 ans et, dans de très rares cas, 25 ans.

2. La répartition de la quasi-totalité des crédits de paiement du programme 552

Cinq décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles ont été pris afin de procéder à la répartition de 91,4 % des CP et 27 % des AE associées, contre deux décrets l'an dernier pour la répartition de 71 % des CP et 5 % des AE.

Mouvements réglementaires de répartition des crédits en 2018

(en millions d'euros)

Référence du décret

Annulation de crédits sur le programme 552

Ouverture de crédits sur les autres programmes

Programme 129 - « Coordination du travail intergouvernemental »

Décret du 4 juin 2018, non publié

- 2,5

+ 2,5

Décret du 31 août 2018, non publié

- 4,45

+ 4,45

Décret du 15 novembre 2018, non publié

-1,9

+1,9

Programme 105 - « Action de la France en Europe et dans le monde »

Décret n° 2018-1114 du 10 décembre 2018

- 4,5

+ 4,5

Programme 336 - « Dotation du mécanisme européen de stabilité»

Décret n° 2018-1241 du 26 décembre 2018

- 100

+ 100

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les trois décrets ouvrant des crédits sur le programme 219 « Coordination du travail intergouvernemental » n'ont pas été publiés en raison de leur destination au profit des « fonds spéciaux ».

Si cette absence de publication demeure contraire à l'article 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), elle est justifiée, comme les autres années, en raison de la sensibilité et la confidentialité des opérations financées par ces mouvements de gestion .

Ainsi que vos rapporteurs spéciaux l'avaient souligné lors de l'examen de la loi de finances pour 2018, « l'augmentation des crédits non répartis pour 2018 [...] laiss[ait] penser qu'un plus grand nombre de décrets pour dépenses accidentelles et imprévisibles soit pris [...], sans pour autant qu'ils concernent des opérations financées par les fonds spéciaux », auquel cas leur publication se faisait nécessaire.

Les deux autres décrets ont ainsi bien été publiés au Journal officiel . Ils ont ouvert en fin de gestion un total de 104,5 millions d'euros en CP et en AE sur deux autres programmes du budget général. Ces différents mouvements de répartition appellent cependant plusieurs observations, en raison de doutes sérieux quant à leur régularité.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une nouvelle utilisation de la dotation au bénéfice des fonds spéciaux

Trois mouvements de crédits en provenance du programme 552 ont majoré d'un total de 8,84 millions d'euros les crédits disponibles de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 « Coordination du travail intergouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Cet abondement s'inscrit dans une pratique systématique depuis 2008, comme le relève la Cour des comptes. 160 ( * ) Ce faisant, le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » est devenu une réserve de droit commun palliant les difficultés de gestion financière des opérations couvertes par les fonds spéciaux , malgré une budgétisation plus élevée ces deux dernières années, et le recours aux autres mesures en cours de gestion.

Origine et répartition des crédits alloués en exécution
à la sous-action « Fonds spéciaux »

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2018

Si le recours fréquent aux crédits non répartis se justifie compte tenu de l'imprévisibilité inhérente aux opérations financées par les fonds spéciaux, il suscite néanmoins plusieurs critiques de la Cour des comptes. Vos rapporteurs spéciaux partagent notamment sa réserve quant à la chronologie des abondements réalisés du programme 552 vers le programme 129.

Réalisés entre juin et novembre, ces transferts de crédits semblent contraires au critère de « dernier recours » de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Ils ont effectivement eu lieu après utilisation des mesures « classiques » de régulation (transfert d'un autre programme, dégel etc.), lesquelles sont survenues fin novembre.

2. Une répartition contestable de la dotation du programme 552 au bénéfice des programmes 105 et 336 du budget général

La spécificité et le caractère dérogatoire du programme 552 au principe de spécialité budgétaire ont été assortis d'une doctrine d'emploi précise , afin d'éviter d'éventuels recours à ce programme pour compenser des sous-budgétisations ou financer « des mesures nouvelles décidées de manière discrétionnaire en gestion », comme le rappellent les documents budgétaires. La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles doit ainsi faire l'objet d' « un dernier recours quand tous les autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles ont été mobilisés », conformément au principe d'auto-assurance .

Ce principe, réaffirmé dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022, implique que chaque ouverture de crédits au sein d'une mission doit être d'abord compensée par des annulations de crédits au sein de la même mission, en puisant notamment sur les crédits mis en réserve.

Le seuil de mise en réserve des crédits a néanmoins été abaissé de 8 % à 3 %, dans un effort de sincérisation budgétaire à partir de 2018. Aussi les crédits du programme 552 en 2018 ont-ils été augmentés de 24 millions d'euros 161 ( * ) à 124 millions d'euros afin d'accompagner partiellement cette baisse du taux de mise en réserve.

Ces 100 millions d'euros supplémentaires n'ont manifestement pas suffi, puisque 104,5 millions d'euros ont été prélevés sur le programme 552 pour financer deux mesures de fin gestion. Ces mouvements sont par ailleurs contestables au regard de la doctrine d'emploi évoquée supra.

a) Un transfert au profit des dépenses de personnel du ministère des affaires étrangères, sujettes à une sous-budgétisation chronique

Les crédits de titre 2 du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État » se sont révélés insuffisants en fin de gestion, alors que de la LFR pour 2018 était déjà promulguée. 4,5 millions d'euros en CP et AE ont donc été transférés par le décret n° 2018-1114 du 10 décembre 2018 du programme 552 vers le programme 105. Le rapport relatif à ce décret justifie ce mouvement en raison des opérations de pré-liquidation de la paie de décembre, qui n'ont pu être prévues au moment de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2018. Par ailleurs, un virement depuis un autre programme de la même mission n'a pu être réalisé car il aurait excédé le seuil de 2 % autorisé par l'article 12 de la LOLF.

Ce mouvement de fin gestion suscite plusieurs doutes quant à sa conformité avec les principes encadrant le recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Nos collègues MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux de la mission « Action extérieure de l'État », soulignent en effet dans leur contribution 162 ( * ) que le titre 2 de cette même mission fait l'objet d'une surconsommation chronique depuis 2007 , à l'exception de l'année 2014, notamment du fait de de l'incidence du taux de change dans la rémunération des agents en poste à l'étranger et des agents de droit local.

Face à ce constat, l'imprévisibilité de ce besoin est donc à relativiser et le montant des dépenses de personnel aurait fort bien pu être réévalué en amont, notamment dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018.

Par ailleurs, bien que la totalité des crédits du programme 552 soit concentrée sur le titre 3 à titre conservatoire , la régularité du transfert d'une partie de ces crédits pour abonder des crédits de titre 2 d'une autre mission se questionne au regard du principe de « fongibilité asymétrique » établi par l'article 12 de la LOLF 163 ( * ) . Il faut ajouter que la mission « Crédits non répartis » inclut par ailleurs une seconde dotation, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » , destinée précisément à couvrir les dépenses de personnel dont la répartition par programme ne peut être déterminée au cours de la discussion du projet de loi de finances. Par définition, seuls des crédits de titre 2 peuvent être ouverts sur ce programme. Si cette dotation était nulle en 2018, il serait à l'avenir plus judicieux d'y inscrire en titre 2 une part du total des crédits de la mission plutôt que de les concentrer sur le titre 3 du programme 552 .

Une meilleure budgétisation des dépenses de personnel de la mission « Action extérieure de l'État » reste néanmoins préférable pour éviter la reproduction d'un tel mouvement, qui, d'ailleurs, a déjà eu lieu en 2007 et que votre rapporteur spécial de l'époque, M. Jean-Pierre Demerliat, avait dénoncé. 164 ( * )

b) Un abondement du programme 336 destiné à financer une mesure prévisible

Le programme 336 « Dotation du mécanisme européen de stabilité », de la mission « Engagements financiers de l'État » n'avait fait l'objet d'aucune dotation en LFI 2018. Le décret n° 2018-1241 du 26 décembre 2018 a permis d'ouvrir 100 millions d'euros de crédits en AE et CP sur ce programme tout en annulant un montant équivalent de la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles ». Le rapport relatif à ce décret précise que cette ouverture était destinée au financement de la rétrocession par la France des intérêts négatifs perçus 165 ( * ) en 2018 sur la fraction du capital du mécanisme européen de stabilité (MES) placée à la Banque de France.

En effet, par un courrier du 10 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances s'était engagé à rétrocéder les intérêts perçus sous la condition d'un engagement réciproque de l'Allemagne, du fait du placement de la fraction complémentaire du capital du MES à la Bundesbank. Le rapport poursuit en justifiant l'absence de dotation du programme 336, en LFI 2018 ou en LFR 2018 , l'engagement de l'Allemagne n'ayant été confirmé qu'après l'adoption du PLFR 2018.

Partageant l'analyse de la Cour des comptes, vos rapporteurs spéciaux contestent ce recours à un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles en vue de couvrir une dépense qui ne semblait ni accidentelle ni imprévisible .

En effet, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2017, notre collègue Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Engagement financiers de l'État », 166 ( * ) avait déjà identifié une opération similaire de rétrocession, pour un total de 86,7 millions d'euros en crédits de paiement, alors que la budgétisation initiale était nulle . Cette consommation a été possible grâce à une inscription de ces crédits dès le dépôt du texte du second projet de LFR pour 2017, le 15 novembre 2017. À cette date, le PLF pour 2018 était encore en discussion et il était donc loisible au Gouvernement d'ouvrir sur le programme 336 un montant de crédits proche de la consommation réalisée en 2017. Une ouverture en cours de gestion aurait également pu avoir lieu dans le cadre du PLFR pour 2018 , compte tenu de de l'observation de la Cour des comptes préconisant, dès l'été 2018, une inscription de 100 millions d'euros de crédits 167 ( * ) .

***

En conclusion, vos rapporteurs spéciaux estiment que les règles d'utilisation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ont été contournées, sinon détournées, afin de compenser à la fois l'engagement du Gouvernement de ne plus avoir recours aux décrets d'avance et le raccourcissement du délai d'examen du PLFR 2018 168 ( * ) .

Il est pour le moins paradoxal que ces deux innovations mises en oeuvre à l'automne 2017 et destinées à améliorer la procédure budgétaire, notamment dans une visée plus respectueuse du débat parlementaire, ont finalement conduit à de tels mouvements de gestion sur lesquels le Parlement ne peut émettre aucun avis préalable.

III. MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une mission créée en 2018

La mission « Action et transformation publiques », créée par la loi de finances pour 2018, constitue le bras financier du comité Action publique 2022. Elle participe au grand plan d'investissement (GPI), à travers deux de ses objectifs (accélérer la transition écologique et construire l'État de l'âge numérique), et représente ainsi 3% des crédits totaux du GPI.

La mission se compose en 2018 de deux programmes :

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » finance des opérations de restructuration immobilières, d'acquisition ou de construction de bâtiments nouveaux et des travaux lourds. Il doit répondre à trois objectifs : améliorer la performance énergétique de ce parc immobilier ; améliorer l'accueil des usagers et notamment l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ; améliorer les conditions de travail des agents. La direction de l'immobilier de l'État est responsable de ce programme.

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP) doit financer des projets de transformation de l'État et de ses opérateurs, là-encore en répondant à trois objectifs : réaliser des économies (un euro investi devra conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans) ; améliorer la qualité du service public ; améliorer les conditions de travail des agents. La direction du budget est responsable de ce programme.

Deux autres programmes ont été créés par la loi de finances pour 2019 :

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines » cofinancera la mise en oeuvre de réformes structurelles ayant un fort impact sur les agents publics (ex. mobilité géographique et fonctionnelle).

- le programme 352 « Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État » soutiendra des start-up d'État.

2. Une exécution largement inférieure à la prévision

Pour son premier exercice, la mission « Action et transformation publiques » présente une exécution bien en-deçà des prévisions de la loi de finances initiale .

Exécution par programme des crédits de la mission « Action et transformation publiques »

( en millions d'euros )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Exécution par titre de dépenses des crédits de la mission « Action et transformation publiques »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 348 porte seulement des dépenses de fonctionnement et d'investissement. Le programme 349 avait été doté de 50 millions d'euros en AE sur chacun des titres de dépenses du tableau ci-dessus, alors même que le titre 7 n'a par exemple fait l'objet d'aucune dépense en 2018.

Il n'y a eu aucun mouvement de crédits en cours d'exercice.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La sous-exécution des crédits de la mission s'explique par sa démarche essentiellement programmatique en 2018

D'ici 2022, les programmes 348 et 349 seront dotés de respectivement un milliard d'euros et 700 millions d'euros. Les financements de la mission n'ont pas vocation à être poursuivis au-delà de 2022 . Cette démarche pluriannuelle explique que les crédits attribués à la mission aient été limités en 2018, année essentiellement programmatique et consacrée au lancement d'appels à projet .

Sur le programme 348, il s'agissait de compléter la connaissance technique du parc immobilier, notamment par le biais d'audits énergétiques et bâtimentaires et par la réalisation d'études de projets. Les premiers projets ont été approuvés par la conférence nationale de l'immobilier public (CNIP) en novembre 2018. Le programme 349 devait, lui, accompagner les deux premiers lauréats de l'appel à projet. Toutefois, la structure de gouvernance du FTAP, le « comité de pilotage du fonds », a mis plus longtemps que prévu à se mettre en place, ce qui explique la forte sous-consommation des AE constatée sur ce programme. Cette sous-consommation a été accentuée par le retard également pris dans la contractualisation avec les porteurs de projets. Sur 32 lauréats, seuls huit d'entre eux avaient signé un contrat de transformation en 2018 et seuls trois ont fait l'objet d'une consommation de crédits. Vos rapporteurs spéciaux relèvent que les deux premiers appels à projet se sont traduits par un fort déséquilibre au détriment des administrations déconcentrées , situation qui a conduit à assouplir les règles de sélection pour la troisième campagne.

2. La montée en charge des crédits devra se concrétiser pour que la mission puisse remplir ses objectifs

Du fait du caractère non-pérenne de ses financements, la mission « Action et transformation publiques » devra connaitre une forte montée en charge si elle veut que les projets financés répondent aux objectifs fixés à chacun des programmes . Dès 2019, la mission devrait connaitre une forte augmentation de ses crédits, avec 1 002 millions d'euros en AE (+ 355 %) et 312 millions d'euros en CP (quinze fois plus qu'en 2018).

Alors que la mission doit encore monter en charge, vos rapporteurs spéciaux feront preuve d' une vigilance particulière sur la programmation des AE et des CP ces prochaines années , et ce pour deux raisons. En effet, l'étiquetage de certains crédits budgétaires au titre du GPI peut parfois être opportuniste, ce qui incite à regarder la programmation avec prudence. Ensuite, le GPI est soumis au principe de réallocation des crédits, ce qui veut dire que des crédits pourraient être réalloués à d'autres actions. Or, au vu des besoins exprimés, notamment pour la rénovation des cités administratives, sanctuariser les sommes initialement prévues pour ces deux programmes paraît essentiel à vos rapporteurs spéciaux .

La directrice de l'immobilier de l'État, responsable du programme 348, avait affirmé lors de son audition devant la commission le 21 mai 2019 que des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » pourraient être au besoin mobilisés pour financer les projets de rénovation qui ne rentreraient pas dans le cadre du programme 348 (ex. absence de gains énergétiques) 169 ( * ) . La Cour des comptes estime en effet qu'il pourrait manquer jusqu'à 300 millions d'euros pour couvrir les projets de rénovation des cités administratives et que les sites multi-occupants, pourtant éligibles au programme, en seront de fait exclus. Vos rapporteurs spéciaux y sont plutôt réticents : le CAS souffre d'ores et déjà d'une diminution de ses recettes, qui le limite dans son objectif de valoriser le patrimoine de l'État. En outre, si le Gouvernement a choisi de créer un nouveau programme, au sein d'une nouvelle mission, pour la rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants, il doit en tirer les conséquences dans sa programmation.

Enfin, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes indique que plusieurs incertitudes entourent cette montée en charge. Les calendriers sont notamment très contraints, tant pour la passation des marchés publics pour la rénovation des cités administratives que pour le lancement des projets lauréats financés par le FTAP. A cela s'ajoute, pour le programme 348, une difficulté supplémentaire puisqu'il est conseillé aux pouvoirs adjudicateurs régionaux de recourir à un contrat qu'elles connaissent parfois mal, les marchés globaux de performance. Récent, ce type de marché ne fait pas encore l'objet d'une doctrine et d'un guide de bonnes pratiques bien établis.

3. Les indicateurs de performance ne sont pas adaptés au caractère temporaire et aux objectifs de la mission

Le GPI impose des procédures de sélection et d'évaluation, en amont et en aval des projets. Cela s'inscrit dans une démarche de « pilotage par la performance ». Si vos rapporteurs spéciaux soutiennent une telle approche, force est de constater que les indicateurs de performance mis à disposition dans les documents budgétaires sont inadaptés aux caractéristiques de la mission. En ce sens ils ne répondent pas aux critères de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Il est par exemple impossible d'apprécier à court ou à moyen terme la performance énergétique des cités administratives rénovées . De même, si l'un des indicateurs du programme 348 apprécie la consommation des AE, il ne donne dans les faits aucune indication sur l'avancement des projets, alors même que le respect d'un calendrier très contraint est l'un des enjeux essentiels de la mission . Les mêmes difficultés sont relevées par vos rapporteurs spéciaux sur le programme 349 : la sélectivité des projets et le délai d'instruction des projets ne donnent que peu d'information sur la contribution du programme aux objectifs de la mission et, plus largement, du GPI.

En outre, la Cour des comptes souligne une divergence entre les indicateurs inscrits dans les documents budgétaires et les instruments de pilotage et de suivi utilisés par les administrations responsables de ces programmes. Bien que ces derniers soient sans doute plus cohérents avec les objectifs de la mission et plus fournis, ce ne sont pas ceux utilisés dans les projets et rapports annuels de performance.

IV. COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU CAS EN 2018

1. L'instrument de la politique immobilière de l'État

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance les opérations immobilières dites structurantes : acquisition, restructuration, construction, entretien lourd des bâtiments. Son périmètre et sa structure ont été régulièrement modifiés, en 2016, avec l'ajout en recettes des redevances domaniales, mais aussi en 2018, avec la fusion des programmes 723 et 724. Le CAS, sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), se compose ainsi de deux programmes :

- le (nouveau) programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » regroupe les anciens programmes 723 et 724, qui portaient respectivement les opérations immobilières des administrations centrales et des administrations déconcentrées.

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » n'est pas doté en crédits en 2018. S'il ne semble plus avoir vocation à être abondé, il devrait être maintenu ; l'existence d'un CAS étant conditionnée selon la LOLF à l'existence d'au moins deux programmes.

En 2018, 35% des crédits du CAS devaient contribuer au GPI, à la fois dans son objectif d'accélérer la transition énergétique et pour contribuer à la réduction de la dépense publique. Cela ne s'est pas traduit par l'ouverture de crédits supplémentaires mais plutôt par un étiquetage de crédits existants jugé plutôt opportuniste par vos rapporteurs spéciaux. Ces crédits font toutefois l'objet d'un suivi spécifique sur le plan budgétaire.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent, à nouveau, que le CAS ne joue qu'un rôle modeste dans la politique immobilière de l'État . Cette dernière est portée par plus de 70 programmes et les crédits alloués au CAS ne représentent qu'une petite partie des dépenses de l'État propriétaire.

2. Un exercice à nouveau déficitaire en 2018

La baisse des recettes du CAS constatée en 2017 se poursuit en 2018, malgré la hausse des redevances domaniales.

Les recettes du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine
immobilier de l'État »

( en millions d'euros )

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / LFI 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Produit s des cessions immobilières

339,6

491,7

255,6

- 48,1 %

- 24,8 %

Produits des redevances domaniales

86,3

90,0

89,1

- 1 %

+ 3,2 %

Versements du budget général

3,9

0,00

10,5

-

+ 170 %

Fonds de concours

4,0

0,00

15,2

-

+ 280 %

Total

433,8

581,7

370,5

- 46,3 %

- 14,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La chute des recettes tirées des cessions immobilières, que ce soit par rapport à l'année 2017 ou par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale, explique que les dépenses du CAS aient, elles aussi, étaient sous-exécutées.

Les dépenses du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

(en millions d'euros)

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018/LFI 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Programme 723*

AE

563,5

524,6

362,6

- 30,9%

- 35,7%

CP

457,6

581,7

480,6

- 17,4%

+ 5%

* Pour 2017, sont pris en compte les crédits des programmes 723 et 724 (« opérations immobilières déconcentrées »).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'équilibre du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine
immobilier de l'État » en 2018

(en millions d'euros)

Programme 723

Recettes

Dépenses en CP

Solde

Prévision LFI

581,7

581,7

0

Exécution

370,5

480,6

-110,1

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'écart important entre les dépenses prévues et exécutées en 2018 n'a toutefois pas suffi, face à la baisse des recettes, à maintenir le CAS à l'équilibre. Celui-ci constate ainsi, pour la deuxième année consécutive, un solde négatif.

Les soldes annuels et le solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » depuis 2008

(en millions d'euros)

Si le solde constaté en 2018 s'observait à chaque exercice, le CAS pourrait s'assécher en six ans environ. Vos rapporteurs spéciaux estiment donc qu'il est légitime de s'interroger sur la soutenabilité du compte alors que, dans le même temps, le montant tiré des cessions diminue.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La sous-exécution des crédits s'explique en partie par le caractère contraignant du CAS

Comme en 2017, les prévisions de dépenses et de recettes inscrites en loi de finances initiale se sont révélées très ambitieuses au regard de leur exécution réelle . Cette sous-exécution était attendue par vos rapporteurs spéciaux, qui avaient par exemple relevé que la cible des cessions était de 45% supérieure à l'exécution 2017. Il semblait alors illusoire d'atteindre un tel objectif sans réforme d'envergure.

Les dépenses d'investissement sont à nouveau en recul, ce qui contraste avec l'objectif du CAS de financer la modernisation du parc immobilier. Toutefois, conformément aux annonces de la DIE, la part consacrée aux dépenses d'entretien a augmenté (de 33,4 % à 41,1 % en AE et de 30,5 % à 33,4 % en CP), une évolution que vos rapporteurs spéciaux juge positive, si elle se pérennise. La sous-exécution des dépenses d'investissement vient pour partie des contraintes propres au CAS : aucune opération lourde ne peut être engagée tant que les ministères n'ont pas encaissé le produit de la cession. Cette ouverture des crédits au fil de l'eau ne peut que pénaliser les gestionnaires.

2. Il est urgent de définir un nouveau modèle économique pour soutenir la politique immobilière de l'État

Vos rapporteurs spéciaux ne cessent de plaider pour une réforme du modèle économique soutenant la politique immobilière de l'État. L'année 2018 a encore une fois montré l' essoufflement d'un système fondé quasi-exclusivement sur les cessions . Ces dernières ont diminué de près de 25 % entre 2017 et 2018, alors même que l'année 2017 avait marqué une baisse de près de 40 % par rapport à 2016. Au total, sur ces cinq dernières années, les produits tirés des cessions immobilières ont diminué de 30 %.Ce sont pourtant elles qui conditionnent les dépenses visant à valoriser le parc immobilier de l'État, en vue notamment de faciliter les cessions. Un cercle vicieux pourrait donc s'installer entre chute des recettes et dégradation de l'état du parc immobilier de l'État, d'autant que l'attribution en recettes des produits tirés des redevances domaniales ne compense pas la chute des cessions immobilières.

Évolution des produits de cessions immobilières
et de redevances domaniales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Vos rapporteurs spéciaux rappellent qu' il sera de plus en plus difficile pour l'État d'accroître le produit des cessions immobilières : les biens les plus attractifs ont déjà tous été vendus, ne restent plus que les biens « complexes ». La DIE considère ainsi que près des trois quarts des biens remis au Domaine à la fin de l'année 2018 sont difficiles à céder. Recourir à d'autres formes de valorisation du parc immobilier (occupation temporaire, mise en location), tel que l'avaient recommandé, dans leur rapport d'information 170 ( * ) , les rapporteurs spéciaux Thierry Carcenac et Michel Bouvard, devient donc urgent.

3. Si les indicateurs de performance ont été révisés, la direction de l'immobilier de l'État doit encore les clarifier

Le principal objectif du CAS est « d'optimiser le parc immobilier de l'État », c'est-à-dire d'offrir une adéquation optimale entre les besoins des services de l'État et les surfaces disponibles. À ce titre, vos rapporteurs spéciaux notent que, cette année encore, l'indicateur du rendement d'occupation des surfaces présente des résultats décevants . Alors que la cible de mètres carrés de surface utile par poste est, à terme, de 12 m², le ratio constaté en 2018 est de 14,63 m², bien au-delà de la prévision de 13,8 m² en LFI. La gestion des surfaces utiles doit mieux s'articuler à la réorganisation des services publics et à la réduction de la masse salariale voulues par le Gouvernement.

Comme vos rapporteurs spéciaux ont pu l'indiquer à plusieurs reprises, le CAS participe aussi à la valorisation du patrimoine immobilier de l'État. Il n'y a pourtant aucun indicateur permettant de bien mesurer les efforts d'entretien du parc immobilier (et leurs résultats) dans les documents budgétaires relatifs au CAS. Seul un ratio entre les dépenses d'entretien lourd et la surface utile brute du parc est présentée dans le document de politique transversale présentant la politique immobilière de l'État. Vos rapporteurs spéciaux regrettent également qu' aucune mesure de performance n'ait été mise en place sur la contribution du CAS au GPI , alors même que, d'après les documents budgétaires, le CAS a contribué à hauteur de 192 millions d'euros en CP au GPI en 2018, soit près de 52 % de ses dépenses totales.

MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » - M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Immigration, asile et intégration » n'a pas vu, en 2018, son architecture connaître de modification. Elle reste ainsi composée de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont la dynamique est, du fait du niveau historiquement élevé de la demande d'asile, en forte hausse ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ou les dotations aux associations.

Votre rapporteur spécial rappelle que les crédits de la mission ne regroupent qu'une part très minoritaire du budget de l'État relatif à l'immigration. Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la mission « Immigration, asile et intégration ». Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration est de 5,8 milliards d'euros en 2018 et 6,2 milliards d'euros en 2019.

Ce coût est issu du document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au projet de loi de finances pour 2019, auquel contribuent 9 ministères, en plus du ministère de l'intérieur. Il ne prend en réalité en compte que les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Par ailleurs, l'immigration suscite également des dépenses de la part des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale, dont la comptabilisation se heurte à d'importantes difficultés.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

303

AE

1 419,1

1 109,3

1 221,1

- 13,95 %

110,08 %

CP

1 272,2

1 140,1

1 251,9

- 1,60 %

109,81 %

104

AE

188,4

322,8

303

60,83 %

93,87 %

CP

188,5

322,8

303,5

61,01 %

94,02 %

Mission

AE

1 607,50

1 432,10

1 524,10

- 5,19 %

106,42 %

CP

1 460,75

1 462,90

1 554,90

6,45 %

106,29 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exercice budgétaire 2018 est marqué par une sur-exécution des crédits votés en loi de finances, aussi bien en AE qu'en CP . Comme lors des exercices précédents, le programme 303 « Immigration et asile » est marqué par une importante sur-exécution, de près de 110 % en AE et en CP, liée principalement à la sous-évaluation de dépenses de guichet (allocation pour demandeur d'asile et hébergement de demandeurs d'asile), tandis que le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui avait pourtant fait l'objet d'une priorité importante du Gouvernement, est en sous-exécution.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exercice 2018 est en outre marqué par l'importance des mesures prises en cours de gestion. La mission « Immigration, asile et intégration » a ainsi bénéficié d'importants mouvements de crédits au cours de l'exécution 2018. Afin de financer la sur-exécution des dépenses d'allocation pour demandeur d'asile, le décret du 29 octobre 2018 171 ( * ) est intervenu pour abonder le programme 303 « Immigration et asile », à hauteur de 21,4 millions d'euros en AE et 22 millions d'euros en CP.

La loi de finances rectificative pour 2018 a également ouvert 86,6 millions d'euros en AE et 83,7 millions d'euros en CP afin de financer les dépenses du programme 303 « Immigration et asile ».

Mouvements de crédits en cours de gestion sur l'exercice 2018

(en CP, en millions d'euros)

Programme 303

Programme 104

Total mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

1 068,33

1 099,10

281,72

281,69

1 350,06

1 380,79

LFR

86,6

83,73

- 6,97

- 6,97

79,62

76,76

Autres mouvements de crédit

22,14

23,73

- 5,77

- 5,56

16,51

18,31

Reports

0,77

1,75

0,21

0,77

1,96

Décrets de virement

21,37

21,98

- 5,63

- 5,63

15,73

16,35

Fonds de concours et attributions de produits

61,48

70,97

54,64

54,81

116,13

125,78

Total des crédits ouverts

1 238,55

1 277,53

323,63

323,97

1 562,31

1 601,64

Gel initial

30,8

31,73

6,97

6,97

37,78

38,7

Dégels en gestion

30,8

31,73

30,8

31,73

Annulation de crédits gelés

6,97

6,97

6,97

6,97

Crédits disponibles

1 238,55

1 277,53

323,63

323,97

1 562,31

1 601,64

Crédits consommés

1 221,10

1 251,88

302,99

303,04

1 524,09

1 554,92

Solde

17,46

25,66

20,63

20,93

38,22

46,72

Source : commission des finances (d'après la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un dépassement inéluctable de la programmation triennale

Les plafonds de l'année 2018 coïncidant avec ceux présentés dans le cadre de la LFI 2018, cette sur-exécution conduit mécaniquement à un dépassement du plafond fixé par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 172 ( * ) de 86,4 milliards d'euros en CP et hors fonds de concours. Votre rapporteur spécial avait estimé, l'an dernier, que cette programmation était irréaliste, eu égard à l'augmentation prévisible des flux en 2018 (cf. infra ). Il estimait en outre que cette programmation prenait le risque de ne pas donner de marge de manoeuvre budgétaire suffisante pour renforcer certains aspects fondamentaux de la mission, comme la lutte contre l'immigration irrégulière, ou le nécessaire renforcement du parcours d'intégration des étrangers primo-arrivants 173 ( * ) .

Plus largement, cette sous-estimation traduit une volonté du Gouvernement de masquer le coût pourtant prévisible de la politique migratoire.

Comparaison de l'exécution 2018 avec les prévisions
du budget triennal 2018-2022

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Une poursuite de la sur-exécution chronique des dépenses d'asile, traduisant l'incapacité du Gouvernement à maîtriser les flux

Les dépenses de l'action 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » concentrent à elles seules plus de 78 % des crédits de paiement de la mission. L'exécution de cette action s'élève à 1 062,2 millions d'euros en AE et à 1 094,6 millions d'euros en CP. Les crédits prévus s'élevant à 958,9 millions d'euros en AE et à 991,3 millions d'euros en CP, les insuffisances de cette action ont atteint 103,4 millions d'euros en AE et 103,3 millions d'euros en CP. Ces insuffisances ont concerné en premier lieu le dispositif le plus sensible à l'impact des flux de demande d'asile, à savoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).

Les dépenses relatives à l'ADA, qui a remplacé, à compter du 1 er novembre 2015 l'allocation temporaire d'attente, connaissent ainsi pour la troisième année consécutive une sur-exécution massive, de plus de 30 % en 2018.

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes à l'allocation
pour demandeur d'asile en 2018

(en AE/CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Selon le Gouvernement, cette sur-exécution admet quatre explications principales :

- la hausse de la demande d'asile plus élevée que celle retenue en budgétisation (+ 17 % à l'Ofpra en 2017 et + 22 % en 2018 en lieu et place des + 10 % retenus pour la budgétisation) ;

- l'impact de la revalorisation du montant additionnel versé aux personnes non hébergées (+ 2 euros par jour) à la suite de l'annulation contentieuse du Conseil d'État (+ 30 millions d'euros) 174 ( * ) ;

- l'impact de la grève des rapporteurs et des avocats à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) :

- les délais d'instruction de l'Ofpra qui, malgré une baisse, n'ont pas atteint les objectifs prévus dans la budgétisation.

Votre rapporteur spécial estime que cette sur-exécution était totalement prévisible . Ainsi, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur spécial relevait par exemple que la dotation de l'ADA était « inférieure à la prévision de dépenses pour 2017 qui s'élèv[ait], selon les données disponibles au 31 août, à 355 millions d'euros » 175 ( * ) alors même que la croissance prévue du nombre de demandeurs d'asile, elle-même sous-évaluée, était de 10 %.

Les dépenses d'asile font, en outre, l'objet d'une sur-exécution chronique, particulièrement importante depuis le début de la crise migratoire, en 2015.

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes
à l'allocation temporaire d'attente (ATA)
et à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA)

(en CP, en millions d'euros)

ATA

ADA

LFI

Exécution

LFI

Exécution

2009

30

68,4

2010

53

105

2011

54

157,8

2012

89,7

149,8

2013

140

149,2

2014

129,8

169,5

2015

93,3

81

2016

0

30

148,8

316,1

2017

0

177,3

220

348,8

2018

0

9,9

317,7

424,23

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Ensuite, l'hypothèse retenue par le Gouvernement en matière de délai de traitement des demandes d'asile, fixé à 60 jours, apparaissait également beaucoup trop optimiste . Il s'agit pourtant d'un facteur important puisqu'il permet de limiter le coût budgétaire de l'ADA en limitant sa durée de perception. Votre rapporteur spécial avait jugé cet objectif irréaliste lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, relevant que la prévision actualisée la fixait à 140 jours, et qu'un stock important de demandes était en instance à l'Ofpra 176 ( * ) .

De manière générale, votre rapporteur général estime que ces sous-budgétisations chroniques s'assimilent davantage à une volonté délibérée, de la part des gouvernements successifs, de masquer le niveau réel des dépenses afférentes à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile .

3. Une sur-exécution des dépenses d'asile entrainant une éviction des dépenses d'intégration

Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » fait l'objet d'une sous-exécution à hauteur de 20 millions d'euros en AE et en CP. Cette sous-exécution est aggravée après intégration des fonds de concours et s'établit à 33,4 millions d'euros en AE et 33,5 millions d'euros en CP. La sous-exécution hors fonds de concours a pour raison principale la mobilisation de crédits au bénéfice du programme 303 « Immigration et asile », afin de couvrir les dépassements d'ADA. La sous-évaluation de cette dernière est donc à l'origine d'un effet d'éviction des dépenses manoeuvrables de la mission.

Prévision et exécution des crédits du programme 104
« Intégration et accès à la nationalité française »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Plusieurs dispositifs du programme sont affectés par l'anticipation de la sur-exécution de la dépense d'ADA. Les mouvements en gestion ont ainsi conduit à l'annulation de crédits destinés au financement du parc de centres provisoires d'hébergement et des activités d'intégration des réfugiés et des étrangers en situation régulière (- 5,6 millions d'euros en AE et en CP), alors même que ces dépenses conditionnent l'acceptabilité sociale de l'immigration .

Devant la récurrence des dépassements d'ADA, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » constitue une réserve de crédits pour le financement de l'asile, et fragilise structurellement l'ensemble des dispositifs financés par ce programme.

MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR » - M. Jean Bizet, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. En 2018, le PIA 3 a été intégré dans le « Grand plan d'investissement » sans remise en cause de la structure de la mission « Investissements d'avenir »

Le troisième programme d'investissement d'avenir (PIA 3) repose sur une mission budgétaire propre , la mission « Investissements d'avenir », créée par la loi de finances initiale pour 2017. Cette mission est composée de trois programmes distincts , dont le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) est responsable :

- le programme 412 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » ;

- le programme 422 « Valorisation de la recherche » ;

- le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

La mise en oeuvre des actions du PIA3, et en conséquence, la gestion des crédits, n'est pas confiée aux ministères mais à des opérateurs , au nombre de quatre : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les relations entre l'État et chaque opérateur sont formalisées par voie conventionnelle , tant pour les modalités de gestion que d'utilisation des fonds.

La mission avait pour particularité en 2017 de bénéficier uniquement de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, sans aucun crédit de paiement, le précédent Gouvernement n'ayant pas assumé le coût budgétaire du programme qu'il lançait alors.

Le nouveau Gouvernement a néanmoins confirmé en septembre 2017 le maintien du PIA 3, tout en l'intégrant dans son « Grand plan d'investissement » (GPI) : parmi les 57 milliards d'euros identifiés pour ce plan sur la durée du quinquennat, 10 milliards d'euros restent ainsi alloués au PIA 3. La mission « Investissements d'avenir » demeure identique à la structure qui prévalait en 2017 s'agissant des programmes et actions qui la composent.

Les crédits de la mission « Investissements d'avenir » ne sont pas soumis à régulation budgétaire et ne peuvent donc faire l'objet de mise en réserve .

2. Les autorisations d'engagement votées en 2017 ne sont toujours pas totalement exécutées à la fin 2018

Les autorisations d'engagement votées en loi de finances initiale pour 2017 n'avaient été consommées que pour moitié en fin d'année 2017 (50,8 %). 4,92 milliards d'euros d'autorisations d'engagement avaient donc fait l'objet d'un report anticipé 177 ( * ) . Cette situation résultait principalement du ralentissement des engagements entre juin et septembre 2017, période durant laquelle le nouveau Gouvernement s'interrogeait sur la pérennité de la mission.

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été consommés en 2018, soit 81 % des AE reportées de 2017 à 2018. Au total, 9,1 milliards d'euros des 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement votées en 2017 ont été consommés à la fin 2018, soit un taux de consommation à la fin 2018 de 91 %.

Exécution des autorisations d'engagement de la mission « Investissements d'avenir »
en 2018

(en millions d'euros)

Programme

AE votées LFI 2017

AE ouvertes 2017

AE exécutées 2017

AE reportées à 2018

AE exécutées 2018

Taux de consommation des AE reportées

p . 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche »

2 900

2 900

2 000

900

650

72 %

p. 422 « Valorisation de la recherche »

3 000

3 000

880

2 120

2 370

112 %

p. 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

4 100

2 200

1 900

984

52 %

TOTAL

10 000

10 000

5 080

4 920

4 004

81 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2018, des mouvements de crédits sont intervenus dans le cadre de la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018 :

- l'ouverture de 250 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour le financement du plan Nano 2022 sur le volet « technologies numériques » de l'action « Accélération du développement des éco-systèmes d'innovation performants » du programme 422, à partir des actions « Accompagnement et transformation des filières (50 millions d'euros) et « Industrie du futur - Fonds de garantie » (200 millions d'euros) du programme 423 ;

- l'ouverture de 33,5 millions d'euros (en AE et en CP) en faveur du volet Bpifrance du « Concours d'innovation » porté par le programme 423, afin, d'après le rapport annuel de performance, « d'utiliser des reliquats correspondant aux anciens dispositifs « Concours mondial d'innovation » - programme 343 et « Programme de soutien à l'innovation majeure » - programme 192 - remplacés par les concours d'innovation du PIA, pour financer les sessions 2018 et 2019 » 178 ( * ) , augmentant l'enveloppe totale du PIA 3 .

Hors ces 283,5 millions d'euros, ce sont donc 700 millions d'euros qui ont donc été reportés en 2019 sur le programme 423 et 250 millions d'euros sur le programme 421.

S'agissant des crédits de paiement, aucun n'avait été prévu en loi de finances initiale pour 2017. En loi de finances initiale pour 2018, 1,08 milliard d'euros ont été inscrits pour couvrir les besoins de l'année , et ont été totalement consommés.

Exécution des crédits de paiement de la mission « Investissements d'avenir »
en 2018

(en millions d'euros)

Programme

CP votés LFI 2017

CP votés LFI 2018

CP ouverts 2018

CP exécutés 2018

Taux de consommation des CP/crédits votés

p. 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche »

0

142,5

142,5

142,5

100 %

p. 422 « Valorisation de la recherche »

0

227

227

227

100 %

p. 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

0

710

743,5

743,5

105 %

TOTAL

0

1 079,5

1 113

1 113

103 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une nouvelle fois, les crédits d'engagements de l'action « Grands défis » sont reportés

Exécution des autorisations d'engagement par programme
en 2018

(en millions d'euros)

PLF 2017

Exécution 2017

Exécution 2018

Après redéploiement

Taux de consommation des AE 2017

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

action 01 «Nouveaux cursus à l'université»

250

250

-

100 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche »

400

400

-

100 %

action 03 «Équipements structurants de recherche »

350

350

-

100 %

action 04 «Soutien des grandes universités de recherche»

700

700

-

100 %

action 05 «Constitution d'écoles universitaires de recherche»

300

300

-

100 %

action 06 «Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques»

400

0

400

100 %

action 07 «Territoires d'innovation pédagogique»

500

0

250

50 %

Sous-total

2 900

2 000

650

91 %

PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE »

action 01 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs »

150

0

150

100 %

action 02 « Fonds national post-maturation « Frontier venture » »

500

0

500

100 %

action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »

1 500

500

1 000

100 %

action 04 « Nouveaux écosystèmes d'innovation »

230

230

-105

-

action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants »

620

150

825

157 %

Sous-total

3 000

880

2 370

108 %

PROGRAMME 423

« ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

550

550

50

109 %

02 « Accompagnement et transformation des filières »

1 000

1 000

-100

-

03 « Industrie du futur »

350

150

0

43 %

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

100

0

100

100 %

05 « Concours d'innovation »

300

300

33,5

101 %

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

500

0

500

100 %

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

200

200

-

100 %

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

400

0

400

100 %

09 « Grands défis »

700

0

-

0 %

Sous-total

4 100

2 200

984

78 %

TOTAL

10 000

5 080

4 004

91 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018

S'agissant du programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », 91 % des autorisations d'engagement votées en 2017 ont été consommées à la fin de l'année 2018. 400 millions d'euros ont ainsi été engagés sur l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques », et 250 millions d'euros sur l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique ».

Un report de 250 millions d'euros d'autorisation d'engagement a toutefois été décidé en 2018 pour 2019 au titre de l'action « Territoires d'innovation pédagogique » , afin de « permettre le financement de nouvelles initiatives en cours de finalisation » 179 ( * ) .

Le programme 422 a bénéficié de transferts sur l'action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants » , résultant de deux mouvements 180 ( * ) :

- un redéploiement de crédits, opéré dans le cadre du schéma de fin de gestion et traduit par la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018 : 105 millions d'euros ont ainsi été redéployés depuis le volet « Instituts hospitalo-universitaire » de l'action « Nouveaux éco-systèmes d'innovation » vers le volet « Recherche hospitalo-universitaire » de l'action « Accélération du développement des éco-systèmes d'innovation performants » ;

- l'ouverture précitée de 250 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour le financement du plan Nano 2022 sur le volet « technologies numériques » de l'action « Accélération du développement des éco-systèmes d'innovation performants », à partir des actions « Accompagnement et transformation des filières (50 millions d'euros) et « Industrie du futur - Fonds de garantie » (200 millions d'euros) du programme 423.

Sur ce programme, la mise en oeuvre de plusieurs actions a commencé en 2018 et s'est poursuivie en 2019 - appels à projets lancés en 2018 par exemple sur l'action « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » ; s'agissant de l'action 2 « fonds national post-maturation `Frontier Venture' », le fonds « French Tech Seed », constitué sous la forme d'un fonds d'investissement direct, géré par Bpifrance, a également été créé en juin 2018.

Quant au programme 423, 1,9 milliard d'euros d'autorisations d'engagement avaient été reportés en 2018, qui n'ont été consommés qu'à hauteur de 984 millions d'euros (grâce notamment à l'adoption de nouvelles conventions, tel « French Tech ticket et diversité » de l'action « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »).

Le mouvement de fin de gestion précité (ponction de 250 millions d'euros sur deux des actions du programme) explique en partie cette moindre consommation des AE sur le programme 423.

Le projet annuel de performance annexé à la présente mission précise cependant que « 700 millions d'euros d'AE resteront donc à consommer en 2019 , soit par rattachement à des actions préexistantes, soit via la publication de nouvelles conventions ».

En réalité, cette sous-consommation découle principalement de l'absence de publication de la convention « Grands défis », qui « devrait notamment être publiée en 2019 ». Cette action vise à soutenir des entreprises innovantes par la prise de « gros tickets » de 100 à 200 millions d'euros, en particulier dans les secteurs des nouvelles technologies en matière de santé ou de finance. Votre rapporteur spécial s'interroge sur le devenir de cette action, alors même que le Fonds pour l'innovation et l'industrie créé en 2018 comprend également une enveloppe consacrée aux « Grands défis ».

Il existe toujours un risque que cette action du PIA 3 soit utilisée pour contribuer au financement de la rénovation du Grand Palais , ce qui constituerait un vrai détournement de l'esprit du PIA . Votre rapporteur spécial s'associe à la Cour des comptes, qui affirme que « le caractère d'investissement avisé ne paraît pas clairement établi, non plus que ses effets en termes de soutien à la croissance potentielle, qui constitue en principe l'objectif premier des PIA » 181 ( * ) .

Au total, 950 millions d'euros d'AE ont été reportés en gestion pour 2019 - 250 millions d'euros au titre de l'action « Territoires d'innovation pédagogique » et 700 millions d'euros au titre de l'action « Grands défis ».

2. Une consommation des crédits de paiement conforme aux prévisions et au budget triennal 2018-2020

La consommation des crédits de paiement inscrits en loi de finances initiale pour 2018 s'élève à 103 % au niveau de la mission, en raison exclusivement de l'ouverture de 33,5 millions d'euros de crédits de paiement en fin de gestion sur le programme 423.

L'analyse de la consommation des crédits de paiement par programme révèle que le programme 421 » Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » , qui tend à soutenir l'investissement dans l'enseignement , principalement dans l'enseignement supérieur, et la recherche, enregistre un taux de consommation des crédits de 100 % : 142,5 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés sur le programme 421, conformément aux prévisions de la loi de finances initiale, et intégralement versés à l'Agence nationale de recherche et à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Il en va de même du programme 422, dont l'exécution est conforme aux prévisions faites en loi de finances initiale : 227 millions d'euros sont consommés et intégralement versés aux quatre opérateurs du PIA 3.

Exécution des crédits de paiement
en 2018

(en millions d'euros)

AE votées en 2017

PLF 2018

Exécution 2018

Après redéploiement

Taux de consommation des crédits 2018

PROGRAMME 421
« SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

action 01 « Nouveaux cursus à l'université »

250

12,5

12,5

100 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche »

400

20

20

100 %

action 03 « Équipements structurants de recherche »

350

0

0

-

action 04 « Soutien des grandes universités de recherche »

700

10

10

100 %

action 05 « Constitution d'écoles universitaires de recherche »

300

20

20

100 %

action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques »

400

50

50

100 %

action 07 « Territoires d'innovation pédagogique »

500

30

30

100 %

Sous-total

2 900

142,5

142,5

100 %

PROGRAMME 422 « VALORISATION DE LA RECHERCHE »

action 01 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs »

150

10

10

100 %

action 02 « Fonds national post-maturation « Frontier venture » »

500

100

100

100 %

action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »

1 500

70

70

100 %

action 04 « Nouveaux écosystèmes d'innovation »

230

10

6

60 %

action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants »

620

37

41

111 %

Sous-total

3 000

227

227

100 %

PROGRAMME 423

« ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

550

60

60

100 %

02 « Accompagnement et transformation des filières »

1 000

25

25

100 %

03 « Industrie du futur »

350

0

0

-

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

100

25

25

100 %

05 « Concours d'innovation »

300

50

83,5

167 %

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

500

250

250

100 %

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

200

100

100

100 %

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

400

200

200

100 %

09 « Grands défis »

700

0

0

-

Sous-total

4 100

710

743,5

105 %

TOTAL

10 000

1 079,5

1 113

103 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Hors cette ouverture de crédits « technique », l'exécution de la mission en 2018 respecte l'enveloppe prévue par la programmation triennale 2018-2020.

3. La soutenabilité de la mission est, pour l'heure, assurée, mais fera l'objet d'une attention particulière

Comme l'avait souligné le rapporteur au cours de l'examen des crédits de la mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, la trajectoire des décaissements retenue par le Gouvernement a été réalisée en tenant compte de la contrainte budgétaire.

Ainsi, en 2018, seul 1,08 milliard d'euros de crédits de paiement ont été ouverts - et consommés -, ce qui représente une couverture d'à peine 10 % des engagements. Votre rapporteur partage donc le constat de la Cour des comptes 182 ( * ) , qui indique que « dans ces conditions, la mission est porteuse, par construction, de restes à payer importants ».

Le fait de ne pas décaisser simultanément les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, au-delà des contraintes en termes de trésorerie qui en découle pour les opérateurs, pouvait générer des craintes quant au bon déroulement du PIA 3. Si, pour l'heure, tel n'est pas le cas, une attention particulière sera apportée, au cours de l'examen des prochains projets de loi de finances, au respect des échéanciers de crédits de paiement proposés dans le triennal 2018-2020.

MISSION « JUSTICE » - M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

S'agissant de la mission « Justice », la loi de finances pour 2018 a ouvert 9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 8,7 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Le taux d'exécution des AE s'élève à 94 %, contre 84 % en 2017 et 91 % en 2016 ; s'agissant des CP, il atteint 99 %, soit légèrement plus qu'en 2017 (98 %) et au même niveau qu'en 2016.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

3 273,7

3 291,9

3 456,1

3 452,6

3 354,0

3 432,5

2,5%

4,3%

97%

99%

Administration pénitentiaire

4 247,4

3 532,0

3 478,7

3 548,3

3 405,3

3 497,6

-19,8%

-1,0%

98%

99%

Protection judiciaire de la jeunesse

821,8

812,9

869,2

851,1

835,9

824,9

1,7%

1,5%

96%

97%

Accès au droit et à la justice

380,7

379,3

438,0

438,0

430,1

430,1

13,0%

13,4%

98%

98%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

329,0

355,0

774,5

437,0

424,0

416,7

28,9%

17,4%

55%

95%

Conseil supérieur de la magistrature

3,3

4,2

4,5

4,8

4,0

4,1

21,2%

-2,4%

89%

85%

Mission Justice

9 055,9

8 375,3

9 021,0

8 731,8

8 453,3

8 605,9

-6,7%

2,8%

94%

99%

Source : commission des finances du Sénat

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018, hors dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

1 001,6

1 019,8

1 107,0

1 103,5

1 034,7

1 113,2

3,3%

9,2%

93%

101%

Administration pénitentiaire

1 911,6

1 196,2

1 039,5

1 109,1

975,4

1 067,7

-49,0%

-10,7%

94%

96%

Protection judiciaire de la jeunesse

321,1

312,2

352,1

334,0

328,3

317,3

2,2%

1,6%

93%

95%

Accès au droit et à la justice

380,7

379,3

438,0

438,0

430,1

430,1

13,0%

13,4%

98%

98%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

179,9

205,9

597,2

259,7

258,5

251,2

43,7%

22,0%

43%

97%

Conseil supérieur de la magistrature

0,9

1,8

1,8

2,1

1,6

1,7

77,8%

-5,6%

89%

81%

Mission Justice

3 795,8

3 115,2

3 535,6

3 246,4

3 028,6

3 181,2

-20,2%

2,1%

85,7%

98%

Source : commission des finances du Sénat

Par rapport à 2017, les moyens consacrés à la justice ont augmenté de 2,8 % en crédits de paiement et ont diminué de 6,7 % en autorisations d'engagement . Les crédits de paiement augmentent toutefois à périmètre constant de plus de 5 % par rapport à 2017 : en effet, la budgétisation 2018 comportait une mesure de périmètre consistant à transférer à la sécurité sociale 135,9 millions d'euros de crédits correspondant aux dépenses de santé des personnes détenues.

À périmètre courant, si les dépenses de personnel ont augmenté de 3,1 %, les dépenses hors personnel ont diminué de 20,2 % en autorisations d'engagement et ont augmenté de 2,1 % en crédits de paiement .

La diminution des autorisations d'engagement entre 2017 et 2018 est notable pour le programme 107 « Administration pénitentiaire », mais comme le relève la Cour des comptes, cette baisse « n'a pas affecté la poursuite des opérations immobilières (notamment la réalisation du programme de création de 15 000 places de prison) car les reports d'AE au titre de 2017 ont été très importants, s'élevant à plus de 1,6 milliard d'euros » 183 ( * ) .

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018,
uniquement dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2017

(AE = CP)

LFI 2018

(AE = CP)

Exécution 2018

(AE = CP)

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

Justice judiciaire

2 272,1

2 349,1

2 319,3

2,1%

99%

Administration pénitentiaire

2 335,8

2 439,2

2 429,9

4,0%

99,6%

Protection judiciaire de la jeunesse

500,7

517,1

507,6

1,4%

98%

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

149,1

177,3

165,5

11,0%

93%

Conseil supérieur de la magistrature

2,4

2,7

2,4

0,0%

89%

Mission Justice

5 260,1

5 485,4

5 424,7

3,1%

99%

Source : commission des finances du Sénat

L'exécution de la mission en 2018 est marginalement supérieure à l'enveloppe prévue par la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 184 ( * ) (40 millions d'euros de dépassement par rapport au plafond fixé, soit un montant très faible au regard des crédits portés par la mission).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un retour à la hausse des frais de justice

Les frais de justice constituent l'un des enjeux budgétaires de la mission « Justice », du fait des difficultés à les piloter, de leur montant (un demi-milliard d'euros) et d'une sous-budgétisation récurrente.

Ainsi, la dotation initiale pour 2018 était inférieure à l'exécution constatée en 2017. Votre rapporteur estimait que cette prévision des frais de justice était ambitieuse , notamment en ce qui concerne les économies permises par le recours à la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) (estimées à 50 millions d'euros par an), même si le recours à la PNIJ permet de supprimer les frais de location de matériel d'interception et de bénéficier d'un tarif 33 % inférieur auprès des opérateurs de communication électronique par rapport à l'utilisation d'un autre outil de réquisition.

En 2018, les frais de justice ont représenté 527,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 32,4 millions d'euros par rapport à 2017 (+ 6,5 %).

Évolution des frais de justice depuis 2011

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En outre, le montant exécuté est supérieur de près de 50 millions d'euros aux prévisions faites en loi de finances initiale pour 2018 (478,5 millions d'euros), ce qui représente une sur-exécution supérieure à celle de l'an dernier (27 millions d'euros).

Pour la première fois depuis 2012, les frais de justice s'orientaient véritablement à la baisse en 2017 . L'exécution 2018 marque donc un nouvel infléchissement à la hausse des frais de justice .

S'ils ne retrouvent pas leur niveau de 2016 (550 millions d'euros), il s'agit toutefois du montant le plus important depuis 2011.

Alors que les frais de justice civile et commerciale diminuent de 12,6 % entre 2017 et 2018, la dépense afférente aux frais de justice pénale augmente de 9 % . Le rapport annuel de performance met en exergue plusieurs facteurs de hausse : « une activité pénale importante » qui a notamment « entraîné une augmentation forte des besoins en interprétariat et traduction » (+4,8 millions d'euros) ; « une intensification de la lutte anti-terroriste » ; les analyses génétiques (+4,6 millions d'euros) et toxicologiques (+5,4 millions d'euros), ainsi que les examens et expertises médicales (+12,2 millions d'euros).

À l'inverse, des économies ont été réalisées grâce à la mise en place de la plate-forme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ) (26 millions d'euros d'économies en 2018, soit moins que les économies escomptées).

2. Une moindre hausse des effectifs pour la justice judiciaire

Les dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » ont augmenté de 2,1 % , atteignant 2,32 milliards d'euros.

Le projet annuel de performance prévoyait la création nette de 148 emplois ; au total, 126 postes nets ont été créés , contre 568 en 2017 et 751 en 2016. 105 postes de magistrats ont été créés contre 209 l'année précédente. Le schéma d'emploi concernant les métiers du greffe a été sous-exécuté (85 postes créés contre 108 prévus), cette sous-exécution étant liée, d'après le rapport annuel de performance, au plan de charge de l'École nationale des greffes, qui n'a pas permis d'atteindre les objectifs 2018.

Évolution comparée du plafond d'emplois et de la réalisation
sur le programme 166 « Justice judiciaire »

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le plafond d'emplois (33 327 ETPT) a quant à lui été respecté.

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 166 « Justice judiciaire »

(en millions d'euros) (en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le taux d'exécution des dépenses de personnel est quasiment identique à celui de 2017 et atteint 99 %.

En 2018, les suppressions de postes concernent uniquement les personnels de catégorie C, tandis que les créations de postes permettent un renforcement des effectifs de magistrats et de personnels de catégorie B et principalement de personnels des greffes. Comme le rapporteur l'avait souligné lors de l'examen de la budgétisation initiale, cette tendance conduit un repyramidage des effectifs, avec des conséquences importantes à terme sur la masse salariale, en raison des écarts de rémunération entre ces différentes catégories de personnels .

3. La mise en oeuvre du protocole de sortie de crise dans l'administration pénitentiaire a entraîné une sur-exécution du schéma d'emplois

Les dépenses de personnel sont en hausse de 4 % sur le programme « Administration pénitentiaire » et atteignent 2,43 milliards d'euros . Leur taux d'exécution par rapport à la loi de finances s'élève à 99,6 %.

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 107 « Administration pénitentiaire »


(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le début de l'année 2018 a été marqué par un conflit social qui a paralysé plusieurs établissements pénitentiaires et s'est achevé par la signature d'un protocole entre les représentants des personnels pénitentiaires et l'administration, le 29 janvier, comprenant outre l'amélioration de la gestion des détenus radicalisés et violents, un objectif d'accélération des recrutements et de fidélisation, par le renforcement des dispositifs indemnitaires 185 ( * ) . La mise en place de la prime de fidélisation a toutefois été repoussée en 2019, principalement en raison des contraintes budgétaires.

Alors que la loi de finances initiale pour 2018 prévoyait la création de 732 emplois, la réalisation globale du schéma d'emplois du programme est de 873 ETP. En gestion, le schéma d'emplois a été porté à 954 ETP pour intégrer le rattrapage de la sous-exécution 2017 (122 ETP) et les 100 recrutements supplémentaires autorisés dans la cadre du relevé de conclusions du 29 janvier 2018 : le schéma d'emploi est donc sous-exécuté de 81 ETP par rapport à cette cible ajustée.

Cependant d'après le rapport annuel de performance, « ce résultat traduit un progrès significatif par rapport à la sous-exécution constatée en 2017. Le schéma d'emplois initial et le recrutement des 100 emplois supplémentaires ont été intégralement réalisés, tandis que le rattrapage de la sous-exécution 2017 a été partiellement effectué ».

Toutefois, la sous-exécution porte notamment sur les surveillants pénitentiaires. Face à la difficulté à pourvoir les postes de surveillant pénitentiaire, l'administration pénitentiaire a engagé une réforme de la formation des surveillants, qui devrait permettre d'accélérer et de rendre plus régulier le rythme des arrivées de stagiaires sur le terrain.

Réalisation du schéma d'emploi des surveillants pénitentiaires
en 2016, 2017 et 2018

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

4. L'aide juridictionnelle : une augmentation moins élevée qu'anticipé

L'aide juridictionnelle est financée principalement par des crédits budgétaires et, de plus en plus, par des ressources extrabudgétaires. La contribution pour l'aide juridique (CPAJ) a ainsi été remplacée par un panier de ressources : la taxe spéciale sur les contrats de protection juridique (45 millions d'euros en 2017) ou le produit de certaines amendes pénales (38 millions d'euros en 2017).

Le protocole d'accord signé le 28 octobre 2015 par le ministère de la justice et les représentants de la profession d'avocat a modifié le fonctionnement de l'aide juridictionnelle : en particulier, l'unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats a été augmentée, la modulation géographique de cette rétribution a été supprimée et le barème de cette rétribution a été revu. De plus, la présence d'un avocat lors de la garde à vue d'un mineur est désormais obligatoire.

Partant, les dépenses au titre de l'aide juridictionnelle sont en hausse. Elles ont ainsi augmenté de 13 % en 2018 par rapport à 2017 et atteignent 388,8 millions d'euros . Cette évolution a cependant été relativement bien anticipée lors de la budgétisation : les crédits de la loi de finances initiale étaient en hausse de 7 %.

Évolution des crédits budgétaires consacrés à l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La hausse des crédits budgétaires de l'aide juridictionnelle a toutefois été moins élevée que prévue, d'où l'annulation de 7 millions d'euros d'AE et de CP par la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

5. Des restes à payer importants s'agissant du programme 107

Au niveau de la mission, les reports de crédits de paiement sont en diminution par rapport à 2017 (10,9 millions d'euros, contre 75,5 millions d'euros en 2017), tout comme les charges à payer (386,4 millions d'euros, contre 428,7 millions d'euros en 2017).

Toutefois, l'exécution 2018 interroge sur la soutenabilité de la mission à moyen terme, en particulier s'agissant de dépenses constituant des charges pérennes.

Ainsi, le montant des restes à payer , qui correspondent aux AE engagées en 2018 n'ayant pas entraîné de consommation de crédits, s'élève à 6,5 milliards d'euros, en nette augmentation par rapport aux années précédentes - dont 4,6 milliards d'euros portés par le programme 107 « Administration pénitentiaire ».

D'après le rapport annuel de performances, ceux-ci concernent notamment les loyers dus au titre des contrats de partenariat, les marchés de gestion déléguée des centres pénitentiaires, les opérations immobilières.

Le montant des restes à payer sur le programme 107 est plus élevé que les crédits de paiement exécutés du programme en 2018 (3,5 milliards d'euros). Votre rapporteur spécial partage le constat de la Cour des comptes, qui estime que cela « obère nettement les marges de manoeuvre du responsable de programme sur ses nouveaux engagements », d'autant que « 3,25 milliards d'euros devront être ouverts au-delà de 2021 pour honorer les engagements antérieurs à 2019 ».

MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC » - M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

L'exécution des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » a été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2018 . Les dépenses de la mission s'élèvent ainsi pour l'année 2018 à 515,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 547,4 millions d'euros en crédits de paiement, avec un taux d'exécution respectivement de 94,43 % et 98,7 %. Cette exécution est également conforme à la loi de programmation des finances publiques , qui prévoyait un montant de 550 millions d'euros pour la mission en 2018.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
de la mission « Médias, livre et industries culturelles »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Depuis 2016, la mission « Médias, livre et industries culturelles » ne comprend plus de crédits budgétaires destinés à France Télévisions, ce qui a entraîné la suppression du programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique ». Les deux programmes de la mission qui subsistent sont de volume équivalent :

- le programme « Presse et médias » regroupe les relations financières avec l'Agence France Presse (AFP) et les aides à la presse. L'exécution 2018 représente 263,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 279,6 millions d'euros en crédits de paiement ;

- le programme « Livre et industries culturelles » a été exécuté en 2018 à hauteur de 276,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 274,1 millions d'euros en crédits de paiement.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Exécution
2017

Prévision
LFI 2018

Exécution
2018

Taux d'exécution

Comparaison 2018/2017

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

180 - Presse et médias

281,61

274,55

283,95

283,95

263,92

279,60

92,95%

98,47%

-6,28%

1,84%

334 - Livre et industries culturelles

276,82

274,13

261,91

270,66

251,51

267,80

96,03%

98,94%

-9,14%

-2,31%

Total

558,43

548,68

545,86

554,61

515,43

547,40

94,43%

98,70%

-7,70%

-0,23%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Néanmoins, la Bibliothèque nationale de France (BNF) est l'un des deux opérateurs du ministère de la culture, avec le Musée du Louvre, qui gérait en 2018 directement ses emplois. Les crédits correspondants sont donc inscrits dans la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur et correspondent à des crédits de titre 3 du programme « Livre et industries culturelles ».

Ce modèle de gestion directe des emplois par les opérateurs a été étendu par la loi de finances pour 2019 à de nouveaux établissements :

- à compter du 1 er avril 2019, le Centre des monuments nationaux (CMN) ;

- à compter du 1 er janvier 2020 l'établissement public du château, du musée du domaine national de Versailles (EPV) et l'établissement public du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie (EPMOO).

Les dépenses de personnel de la BNF s'élèvent à 139,76 millions d'euros en 2018 et représentent ainsi à elles seules plus de la moitié des crédits de paiement du programme « Livre et industries culturelles ».

Un plan de rattrapage indemnitaire en faveur des personnels de la Bibliothèque nationale de France est en cours. Il a bénéficié, en 2018, d'une subvention complémentaire de 840 000 euros en cours de gestion.

L'intégralité des dépenses d'investissement de la mission a été consommée au bénéfice du projet de réhabilitation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, le quadrilatère Richelieu. Le coût total du projet était jusqu'à présent évalué à 233,2 millions d'euros 186 ( * ) , mais des travaux complémentaires 187 ( * ) , d'un montant de 7,7 millions d'euros, sont désormais nécessaires pour finaliser le projet. Pour le seul programme « Livre et industries culturelles », le montant pris en charge pour l'ensemble des travaux est estimé à 163,8 millions d'euros.

Crédits du programme « Livre et industries culturelles » consacrés au financement de la rénovation et de l'aménagement du Quadrilatère Richelieu

(en millions d'euros)

AE

CP

Avant 2018

151,4

103,1

Exécution 2018

4,9

16,8

Après 2018

7,7

44,1

Total

164,0

164,0

Source : rapport annuel de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles »

Deux opérateurs rattachés au programme « Livre et industries culturelles » ne sont pas financés par des crédits budgétaires. Ils bénéficient de l'affectation du produit de taxes.

Il s'agit pour le Centre national du livre (CNL) du dernier exercice pour lequel le financement de l'établissement est assuré par le produit de la taxe sur l'édition des ouvrages de librairie et de la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression. En 2018, alors que le produit de la taxe était estimé à 29,2 millions d'euros, le rendement effectif n'a été que de 27,9 millions d'euros, entrainant pour le CNL une perte de recettes par rapport au budget initial. Celle-ci a été compensée en gestion afin de ne pas aggraver le déficit initial. Néanmoins, cette imprévisibilité du financement du Centre national du livre ainsi que l'érosion du produit des deux taxes ont conduit à la budgétisation des ressources du CNL en loi de finances initiale pour 2019 et à la suppression des deux taxes correspondantes.

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a quant à lui bénéficié en 2018 d'un montant total de 705,9 millions d'euros de fiscalité affectée, supérieur au rendement attendu qui était évalué en loi de finances initiale à 690 millions d'euros. Les différentes taxes affectées au Centre national du cinéma ne sont pas, contrairement au principe général, soumises à un plafond d'affectation. Il s'agit de la taxe sur les entrées en salle de cinéma, de la taxe sur les services de télévision et de la taxe sur les ventes de vidéo.

Le coût des dépenses fiscales de la mission est évalué en 2018 à 509 millions d'euros selon le chiffrage actualisé, cette estimation étant supérieure de 15 millions d'euros au chiffrage initial proposé par la loi de finances pour 2018. Ce montant élevé est proche du montant total des crédits de la mission ( cf. infra ).

Montant des dépenses fiscales comparé au montant total
des crédits de paiement de la mission en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Depuis la suppression de la dotation sur crédits budgétaires de France Télévisions, auparavant inscrite au programme « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » de la mission, le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » comprend l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public . Il retrace donc :

- en recettes , les remboursements d'avance correspondants au produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État et la part de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France télévisions depuis 2016. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;

- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Évolution de la répartition des crédits des sociétés
de l'audiovisuel public de 2014 à 2018

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

France Télévisions (CAP)

2 432

2 369

2 560

2 598

2 568

France Télévisions (P313)

104

160

-

-

-

Arte France

266

267

270

280

285

Radio France

613

614

619

625

609

France Médias Monde

169

247

249

257

263

Institut national de l'audiovisuel

71

91

91

91

90

TV5 Monde

-

78

79

80

79

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La loi de finances pour 2018 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,89 milliards d'euros, en diminution de 36 millions d'euros ( cf. infra ). En 2018, le mécanisme de garantie des ressources de l'audiovisuel public n'a pas été activé 188 ( * ) . En effet, les recettes issues des encaissements de contribution à l'audiovisuel public (CAP) ont été supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale et devraient s'élever à 3,22 milliards d'euros, supérieures de 5,8 millions d'euros aux prévisions. Contrairement aux deux années précédentes 189 ( * ) , le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par l'État n'a donc pas été relevé.

Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public, composent les dépenses du compte de concours financiers. Il s'agit de France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde.

Pour chacun de ces programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale.

Évolution du montant des crédits des programmes du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 2014 à 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une lisibilité des moyens consacrés aux politiques publiques de la mission toujours perfectible

Comme votre rapporteur spécial l'avait souligné l'année dernière à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2017, la présentation de l'exécution des crédits consacrés aux politiques portées par la mission « Médias, livre et industries culturelles » ne permet pas d'avoir une vision exhaustive des moyens qui y sont consacrés .

C'est tout d'abord le cas, à nouveau en 2018, pour les crédits consacrés aux aides à la presse . En effet, les crédits dédiés au transport postal de la presse ne figurent pas aux côtés des autres aides à la presse inscrites dans le programme « Presse et médias ». Ils sont inscrits au programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».

Par ailleurs, compte tenu de l'existence d'exonérations et d'exemptions sociales dont bénéficie le secteur, qui sont retracées dans les documents annexes au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande que le rapport annuel de performance de la mission soit complété par un « tableau récapitulatif de l'ensemble des aides à la presse, tous dispositifs confondus », afin de disposer d'une vision globale du soutien financier public à ce secteur et de permettre d'avoir les outils nécessaires pour une évaluation de l'efficacité combinée de ces dispositifs.

Les crédits consacrés à la politique en faveur du livre , et plus particulièrement aux bibliothèques, constituent la seconde source d'amélioration de la lisibilité des moyens en faveur des politiques du ministère de la culture portées par la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les subventions d'investissement versées aux collectivités territoriales afin de les aider à développer et moderniser leurs bibliothèques constituent la majeure partie des crédits consacrés à la politique en faveur des bibliothèques. Ils s'élèvent, en 2018, à 88,4 millions d'euros. Or, ceux-ci sont portés par le programme « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », tandis que le reste des crédits en faveur du livre et de la lecture sont inscrits au programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », et notamment les moyens accordés à la Bibliothèque nationale de France. Par souci de cohérence, il conviendrait là encore de disposer d'un outil de contrôle global de cette politique publique , que constituerait un document récapitulatif de l'ensemble des moyens publics consacrés à la politique en faveur du livre et de la lecture.

2. L'année 2018 marquée par l'adoption du plan de transformation de l'Agence France Presse

Les difficultés financières persistantes de l'Agence France Presse (AFP), sur lesquelles votre rapporteur spécial avait appelé à une vigilance particulière, ont trouvé à l'occasion de l'année 2018 des premiers éléments de réponse, dont il conviendra de suivre la mise en oeuvre et l'effectivité sur la situation de l'Agence.

M. Fabrice Ries a été désigné en avril 2018 Président directeur général de l'AFP et a présenté, à la suite de sa désignation, un plan de transformation . Ce plan repose sur deux axes :

- un développement des recettes qui s'appuierait sur le renforcement de la partie de l'activité de l'Agence consacrée à la vidéo ;

- une meilleure maîtrise des charges , en particulier des charges de personnel.

Le rapport annuel de performances indique que le soutien de l'État à ce plan de transformation prendra la forme d'un financement exceptionnel de 11 millions d'euros pour l'année 2019 et de 6 millions d'euros en 2020. En 2018, une subvention exceptionnelle de 3,87 millions d'euros avait été versée en fin d'exercice, après la présentation du plan de transformation au Conseil d'administration de l'AFP et par anticipation sur 2019. Ces montants prennent en compte, à la demande de l'AFP, la sous compensation des missions d'intérêt général (MIG) de l'Agence depuis plusieurs années . Ces aides resteront donc compatibles avec les obligations de financement imposées par le droit européen, dans la mesure où elles n'excéderont pas la compensation des MIG. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens étant en cours de négociation, une nouvelle trajectoire de financement sera déterminée pour la prochaine période de cinq années.

Votre rapporteur spécial suivra avec attention la mise en oeuvre du plan de transformation et ses conséquences sur un retour à une situation financière assainie de l'Agence . Dans le contexte de forte concurrence mondiale des agences américaines, britanniques, mais également russes et chinoises, il apparaît nécessaire de donner les moyens à cet acteur clé du secteur, garant d'une information fiable et de qualité, de faire évoluer son modèle et son fonctionnement pour s'inscrire dans la durée.

3. L'exécution 2018 : une année de transition pour l'audiovisuel public

Concernant l'audiovisuel public, l'exécution 2018 constitue une année de transition, dans la mesure où les grandes lignes de la réforme du secteur ont été annoncées par Françoise Nyssen, ministre de la culture, en juillet 2018, sans que la traduction législative n'ait été jusqu'à ce jour présentée aux assemblées. Cependant, pour la première année après une hausse annuelle continue des dotations versées aux sociétés de l'audiovisuel public, la loi de finances pour 2018 avait demandé à celles-ci un effort financier, sans attendre que les perspectives d'évolution d'ensemble soient dressées.

Les orientations fixées par le Gouvernement dans le cadre de la réforme annoncée en juillet dernier consistent, selon les termes du rapport annuel de performances, à « remettre le citoyen au coeur du projet de la télévision publique, de renforcer la valeur ajoutée de ses contenus et son utilité sociale et de s'adapter à la révolution numérique pour s'adresser à tous les publics . Quatre priorités ont été définies pour concrétiser ce projet de transformation : la culture et l'éducation ; la proximité ; l'information ; et la création française et européenne. »

Votre rapporteur spécial avait souligné la difficulté que peut constituer l'exercice qui consiste à demander aux opérateurs de l'État de diminuer leurs dépenses préalablement à une discussion sur le périmètre de leurs missions. Pour les plus petites sociétés de l'audiovisuel public, qui ont généralement procédé à des réformes de structure importantes et démontré une capacité à maîtriser leurs charges en poursuivant leurs missions, réaliser de nouvelles économies sans orientations permettant de concentrer leur action sur certaines de leurs activités uniquement paraît relever de l'équation impossible. Les deux sociétés les plus importantes, France Télévisions et Radio France, doivent quant à elle s'atteler au chantier de réduction des charges de structure qui implique inévitablement une maîtrise de la masse salariale.

Votre rapporteur spécial estime que les économies demandées au secteur de l'audiovisuel public, si elles sont nécessaires, ne doivent pas avoir pour conséquence de diminuer la qualité des contenus ou de renoncer à des missions stratégiques, comme l'est par exemple la présence de l'audiovisuel extérieur dans certaines régions du monde. Il appelle une nouvelle fois à ouvrir au plus vite la discussion sur les contours du service public audiovisuel, qui devra permettre de rendre effectif l'objectif d'économies annoncé par le Gouvernement pour l'audiovisuel public : la trajectoire pluriannuelle doit conduire à 190  millions d'euros d'économies à l'horizon 2022 , dont 160 millions d'euros pour France Télévisions.

L'inertie liée à l'absence de calendrier et d'annonce concernant le contenu de la future loi audiovisuelle risque de conduire à ce que cette trajectoire d'économies annoncée en 2018 reste lettre morte, après un effort d'une trentaine de millions demandés à France Télévisions en 2018 et en 2019. La dotation du groupe reste, encore en 2019, supérieure d'une dizaine de millions d'euros à celle accordée en 2015. Il ne serait donc pas admissible que les économies envisagées ne soient pas réalisées, d'autant que le niveau des efforts demandés, en comparaison des efforts que les collectivités locales ont dû réaliser ces dernières années notamment, n'est pas insurmontable.

Enfin, la question du devenir de la contribution à l'audiovisuel public, liée notamment à la suppression progressive de la taxe d'habitation, n'a toujours pas trouvé de réponse. Votre rapporteur spécial s'interroge là encore sur les choix du Gouvernement, qui devront impérativement être dévoilés au plus tard lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2020.

MISSION « OUTRE-MER » - MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Outre-mer » regroupe une partie des moyens budgétaires alloués aux territoires ultramarins :

- le programme 138 « Emploi outre-mer » porte les crédits relatifs au soutien aux économies ultramarines, à travers notamment des exonérations spécifiques de charges sociales et des actions en faveur de l'insertion et de la qualification professionnelle des jeunes ultramarins ;

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » porte principalement les crédits en faveur du logement social et du soutien aux collectivités dans leur politique d'investissements structurants.

Elle ne permet toutefois pas d'appréhender globalement la politique de l'État en faveur des outre-mer.

Selon le document de politique transversale outre-mer 190 ( * ) , le montant des autorisations d'engagement (AE), qui mesure l'effort budgétaire et financier total (dépenses de personnel, de fonctionnement, d'investissement et d'intervention) consacré par l'État (toutes missions confondues) aux territoires d'outre-mer, s'élève à 17 milliards d'euros en 2018. Hors dépenses de personnel, la mission « Outre-mer » concentre 21,3 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de ces territoires.

Par rapport à l'année précédente, les crédits consommés augmentent de 8,9 % en AE et de 4 % en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros, en %)

Crédits exécutés 2017

Crédits votés 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2017 / exécution 2018

Exécution 2018 / LFI 2018

Conditions de vie

AE

724,52

796,75

784,15

7,60%

98,42%

CP

732,58

733,56

683,53

- 7,18%

93,18%

Emploi outre-mer

AE

1 295,64

1 322,97

1 433,33

9,61%

108,34%

CP

1 297,17

1 349,67

1 430,00

9,29%

105,95%

Total

AE

2 020,16

2 119,72

2 217,48

8,90%

104,61%

CP

2 029,75

2 083,23

2 113,53

3,96%

101,45%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est marqué par une légère sous-exécution , les crédits consommés s'élevant à 93,2 % en CP. Le programme 138 « Emploi outre-mer », constitué principalement de dépenses non-manoeuvrables, est en sur-exécution , les crédits consommés s'élevant à 106 % en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation 2018 dépasse la programmation pluriannuelle 191 ( * ) de près de 100 millions d'euros. Ce risque de dépassement avait été soulevé par vos rapporteurs spéciaux à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, en raison, notamment, de son incompatibilité avec un certain nombre d'engagements présidentiels et de la tenue des Assises des outre-mer, entrainant une réévaluation des besoins de la mission 192 ( * ) .

Exécution des crédits de la mission
par rapport à la programmation pluriannuelle

(en milliards d'euros, en CP)

LPFP

2,02

Exécution

2,10

Écart

0,08

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exécution 2018 est marquée par le montant élevé de crédits mis à disposition en cours de gestion, et l'importante sous-exécution par rapport aux crédits disponibles. Les crédits finalement exécutés sont ainsi inférieurs de 159 millions d'euros aux crédits disponibles en AE et de 179 millions d'euros en CP.

Cette sous-exécution par rapport aux crédits effectivement disponibles en gestion est essentiellement portée par le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Mouvements intervenus en cours de gestion sur l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Programme 123

Programme 138

Total mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

796,6

733,4

1 306,60

1 333,30

2 103,20

2 066,70

Mouvements de crédits

9,3

-4,4

28,7

17,5

38,1

13,1

dont Reports

20,8

1,6

19,5

12,4

40,3

14,1

dont Virements

-8,6

-4,4

8,6

4,4

0

0

dont Transferts

-2,9

-1,6

0,6

0,6

-2,3

-1

Fongibilité asymétrique

-1,2

-1,2

-1,2

-1,2

Fonds de concours et attributions de produits

65,6

65,6

33,9

33,9

99,5

99,5

LFR

33,6

33,4

100

78,1

133,6

111,5

Total des crédits ouverts

905,1

828,1

1 469,30

1 462,70

2 374,40

2 290,80

Crédits disponibles

905,1

828,1

1 471,20

1 464,70

2 376,40

2 292,80

Crédits consommés

784,2

683,5

1 433,30

1 430,00

2 217,50

2 113,50

Sous-consommation par rapport aux crédits disponibles

-120,9

-144,6

-37,9

-34,7

-158,9

-179,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Selon le Gouvernement, cette sous-exécution est liée à des « difficultés de réalisation des projets portés par plusieurs collectivités , qui n'ont pas permis une exécution optimale en termes de crédits de paiement. [...] Cette difficulté, inédite, est un indicateur de l'incapacité de certaines collectivités à assurer leur part de cofinancement et incite la mission à renforcer sa vigilance, notamment quant à l'aptitude des collectivités à assurer la bonne exécution des projets que l'État finance à leurs côtés » 193 ( * ) . D'autres justifications plus exceptionnelles, comme le référendum en Nouvelle-Calédonie ou la crise sociale à Mayotte, viennent s'y ajouter. À cet égard, vos rapporteurs spéciaux se félicitent que ce constat conduise l'État à accélérer la « mise en place de mécanismes d'accompagnement des collectivités en termes d'ingénierie, de maîtrise d'ouvrage ou de restauration de leur capacité financière , au travers par exemple des travaux sur la nouvelle organisation territoriale de l'État en Guyane, ou le renforcement des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage confiées à l'AFD dans le cadre de la bonification des prêts qu'elle accorde ».

De manière générale, vos rapporteurs spéciaux en appellent toutefois à une amélioration de la capacité d'adaptation et d'anticipation de la direction générale des outre-mer (DGOM). Ils souhaitent, ainsi, que les reports de l'exercice 2018 sur 2019 engendrés par cette sous-consommation, s'élevant respectivement à 85,4 millions en AE et 103,5 millions d'euros en CP soient effectivement consommés et consacrés au développement des territoires ultramarins.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une sous-exécution alarmante des dépenses relatives au logement, affectant la construction de logements sociaux et la résorption de l'habitat insalubre, malgré des besoins toujours prégnants

Le taux de consommation de la ligne budgétaire unique, qui concentre l'ensemble des crédits de la mission destinés au logement est, cette année, particulièrement faible. Il s'élève à 71% en AE comme en CP. Cette sous-exécution se produit alors même que les crédits prévus pour le logement par la loi de finances pour 2018 étaient en diminution par rapport à ceux prévus pour 2017.

Évolution des crédits de l'action n°01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, les dépenses engagées en faveur du logement n'ont jamais été aussi basses. Cette évolution est regrettable, alors même que les besoins restent particulièrement importants . Vos rapporteurs spéciaux estiment ainsi que le nombre de demandeurs de logements sociaux s'élève à 62 699, et les besoins s'élèvent à 21 500 logements neufs par an (dont plus de la moitié en logements sociaux et en accession). Cette problématique est particulièrement prégnante pour certains territoires ultramarins, comme la Guyane ou encore Mayotte, qui fait face à d'importants flux migratoires, et dont l'insalubrité des logements est de plus en plus alarmante.

Cette baisse des crédits consommés est d'autant plus préoccupante qu'elle se conjugue avec les dispositions fiscales de la loi de finances pour 2019 194 ( * ) . La suppression de la réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements dans le logement locatif social dans les départements d'outre-mer 195 ( * ) à compter de 2019 devrait en effet entrainer une baisse de la construction de logements sociaux. Cette suppression ne devrait pas être pleinement compensée par la montée en puissance des crédits d'impôt, faute, notamment, de mécanismes de préfinancement suffisamment efficaces.

Cette sous-exécution résulte de la faiblesse des engagements en Guadeloupe et à la Réunion, et pour l'ensemble des territoires de la suppression de l'allocation logement. Par ailleurs, le gouvernement indique que les difficultés rencontrées dans le déroulement de chantiers ont eu pour conséquence le dépôt tardif des demandes d'acompte ou de solde.

Cette sous-consommation emporte toutefois des conséquences importantes et néfastes pour les territoires. L'année 2018 a ainsi connu une baisse en termes de logements locatifs sociaux et très sociaux financés par rapport à 2017 : 4 366 en 2018 contre 4 844 en 2017, soit une baisse de 9,9 %.

L'effort de l'État en matière de résorption de l'habitat insalubre (RHI) connait également une baisse importante , de plus de 20 % en AE comme en CP.

Évolution des crédits affectés à la résorption de l'habitat insalubre

(en millions d'euros, en AE)

2017

2018

Évolution

Guadeloupe

6,73

2,46

- 63%

Martinique

0,1

4,97

4870%

Guyane

2,47

0,001

- 100%

Réunion

11,47

1,59

- 86,10%

Mayotte

0,26

7,68

2853,80%

Total

21,03

16,7

- 20,60%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La Réunion connaît ainsi une baisse significative des crédits consommés en AE (- 86%), du fait de l'arrêt des programmes de RHI en cours de réalisation, au titre des propriétaires occupants. Vos rapporteurs spéciaux déplorent ainsi qu'aucune nouvelle opération n'ait pu y être lancée, malgré des besoins toujours importants (17 500 logements indignes ou insalubres recensés en 2018).

2. Face à la sous-budgétisation chronique des exonérations de cotisations sociales patronales, la nécessité de fiabiliser les estimations présentées par l'ACOSS

Les exonérations de charges sociales sont le poste de dépenses le plus important de la mission (et plus de 80 % des AE et CP du programme 138 « Emploi outre-mer ») et constituent à ce titre un enjeu majeur. Elles connaissent cette année une surconsommation de 112 millions d'euros en AE et de 93,5 millions d'euros en CP, tandis que le montant total des charges à payer à l'ACOSS constitué au titre de l'année 2018 s'élève à 67,9 millions d'euros.

Évolution des crédits de l'action n°01 « Soutien aux entreprises »
du programme 138 « Emploi outre-mer»

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette surconsommation récurrente, mais d'une importance particulière cette année, a plusieurs explications. Ainsi, le dispositif d'exonérations de charges sociales outre-mer « comporte une complexité inhérente au regard de l'ensemble des autres dispositifs d'exonération : multiple barèmes sectoriels, niveau de raffinement législatif et réglementaire, récurrence d'erreurs dans les déclarations d'employeurs générant des rejets et des besoins fréquents de correction » 196 ( * ) . En début d'année 2018, 63 millions d'euros de corrections ont ainsi été passées par l'ACOSS, concernant les exercices 2015 à 2018.

La fiabilisation des estimations présentées par l'ACOSS constitue le principal axe permettant d'améliorer la sincérité du budget de la mission « Outre-mer » à l'avenir. À ce titre, vos rapporteurs spéciaux se joignent à la recommandation de la Cour des comptes, qui souhaite que la nouvelle convention entre l'État et l'ACOSS 197 ( * ) , actuellement en cours de négociation, comporte un volet relatif à la fiabilisation des estimations que cette dernière présente aux responsables de programme, avec un partage des surcoûts liés aux éventuelles inexactitudes.

3. Une sous-exécution des dépenses du FEI, que le Gouvernement s'est pourtant engagé à faire monter en puissance, particulièrement préoccupante pour la suite du quinquennat

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a pour objet d'apporter une aide financière aux personnes publiques qui réalisent dans les départements et collectivités d'outre-mer des investissements portant sur des équipements publics collectifs structurants.

Les crédits consommés par ce dernier sont inférieurs en 2018 de 3,2 millions d'euros en AE et de 6,78 millions d'euros en CP à la prévision.

Évolution des crédits affectés à la résorption de l'habitat insalubre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette sous-consommation des crédits du FEI sur l'exercice 2018 est particulièrement préoccupante, car ce dernier devrait être appelé à « monter en puissance » à partir de 2019 en contrepartie de la suppression de dépenses fiscales rattachées à la mission « Outre-mer » , conformément aux préconisations du Livre bleu des outre-mer et comme le prévoit la loi de finances pour 2019 198 ( * ) . En contrepartie de ce rabotage, le Gouvernement s'est en effet engagé à augmenter significativement la dotation du FEI pour les années 2019 à 2022 qui s'élèverait à 110 millions d'euros par an en AE et à 65 millions d'euros en CP au lieu 40 millions d'euros en AE et 36 millions d'euros en CP.

Vos rapporteurs spéciaux avaient fait part de leur vigilance quant à la crédibilité de cet engagement à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 199 ( * ) . La sous-exécution des crédits du FEI en 2018 n'est pas de nature à les rassurer , surtout que les raisons invoquées par le Gouvernement pour la justifier n'apparaissent pas opérantes (mouvements sociaux à Mayotte début 2018, à la Réunion fin 2018, retard pris dans la passation de marchés...) et masquent en réalité l'application du principe d'auto-assurance aux dépenses du FEI , qui a servi de « variable d'ajustement » pour la mission « Outre-mer » malgré son utilité.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent donc leur volonté de rester particulièrement attentifs quant à la bonne exécution des crédits du FEI , et ce d'autant plus qu'il est, à partir de 2019, la contrepartie de la suppression de dépenses fiscales. Leur sous-exécution constituerait une perte financière nette injustifiée pour le développement des territoires ultramarins.

CAS « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT » - M. Victorin Lurel, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation 200 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 201 ( * ) .

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

De ce fait, le compte spécial présente une particularité : la prévision de la loi de finances initiale, tant pour les recettes que pour les dépenses, est fixée conventionnellement à cinq milliards d'euros. Cette spécificité rend peu pertinente la comparaison de l'exécution à la prévision.

2. Une forte baisse des recettes du compte, symptôme d'un exercice de transition avant les cessions programmées par la loi « PACTE »

Pour l'exercice 2018, le total des recettes s'élève à 2,6 milliards d'euros, contre 7,9 milliards d'euros en 2017 , comme le détaille le tableau ci-après.

Deux éléments expliquent la forte diminution des recettes du compte en 2018 :

- d'une part, la diminution de 64 % du produit des cessions 202 ( * ) entre les deux exercices 203 ( * ) , reflétant une pause conjoncturelle dans la politique de cessions engagée par le Gouvernement, pour laquelle la loi dite « PACTE » du 22 mai 2019 204 ( * ) supprime les seuils législatifs de détention de capital de trois entreprises - Aéroports de Paris (ADP), la Française des jeux (FDJ) et Engie ;

- d'autre part, la division par deux des versements du budget général , confirmant l'issue de la refondation du secteur nucléaire français initiée et conduite par le précédent Gouvernement entre 2015 et 2017.

Évolution des recettes du compte spécial entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

2017

2018

Cessions

3 976,7

1 433,8

Reversement de produits

20,3

21,0

Reversement de dotations en capital

1 912,9

84,3

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

480,0

220,0

Autres remboursements de créances

20,9

91,8

Versements du budget de l'État

1 500,8

760,8

Total

7 911,6

2 611,7

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. La diminution des dividendes versés s'amplifie en 2018

Le montant des dividendes versés diminue de 14 % par rapport à 2017.

Malgré une stabilisation entre 2010 et 2013, il s'agit d'une tendance de fond puisque les dividendes versés sont en recul de 57 % depuis 2008 (5,6 milliards d'euros).

Une évolution doit toutefois être relevée à l'appui du graphique ci-après.

Entre 2014 et 2016, la baisse des dividendes perçus traduisait essentiellement le biais sectoriel des participations financières de l'État, marquées par la prédominance des valeurs énergétiques, dans un contexte conjoncturel défavorable de réorganisation de la filière nucléaire.

Au contraire, l'attrition enregistrée depuis 2017 correspond à une évolution structurelle , résultant de la réduction du portefeuille de l'État actionnaire décidée par le Gouvernement et appelée à se poursuivre.

Au-delà des interrogations sur les leviers d'action de l'État, la conséquence immédiate de ce choix correspond à une perte durable de recettes budgétaires .

Évolution comparée des cessions enregistrées et des dividendes versés depuis 2008

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

4. Le retour transitoire des dépenses à un niveau traditionnel

S'agissant des dépenses, le montant total s'élève à près de 4 milliards d'euros au titre de l'année 2018 , soit moins de la moitié des dépenses enregistrées en 2017 (8,6 milliards d'euros). Le montant exceptionnel enregistré en 2017 s'expliquait par la concrétisation de la refondation de la filière nucléaire.

Comme le détaille le tableau ci-après, deux opérations expliquent près de 60 % du total des dépenses du compte en 2018 :

- d'une part, la libération du capital de Bpifrance souscrit par l'État en 2013 pour un montant de 684,5 millions d'euros en 2018, conformément à l'accord conclu avec la Caisse des dépôts et consignations en 2017,

- d'autre part, le versement de 1,6 milliard d'euros au fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) créé par l'arrêté des ministres de l'économie et des finances ainsi que de l'action et des comptes publics du 15 janvier 2018.

Cette dotation en numéraire est complétée par un prêt de titres de participation détenus par l'État au sein du capital de la société EDF, représentant 13,3 % du capital, et au sein du capital de la société Thalès, soit 25,8 % du capital. Cette dotation hybride revêt toutefois un caractère temporaire , les titres prêtés ayant vocation à être récupérés par l'État et la dotation en numéraire complétée pour atteindre 10 milliards d'euros une fois les cessions d'ADP et de la FDJ, autorisées par la loi « PACTE », effectuées.

Par conséquent, le retour des dépenses du compte à un niveau conforme à la tendance constatée au cours de ces dernières années ne devrait être que transitoire.

Par ailleurs, la dépense de 100 millions d'euros en faveur du désendettement de l'État correspond à une dotation au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) afin de le désendetter vis-à-vis d'Areva 205 ( * ) . De fait, ainsi neutralisé de cette opération, aucune contribution réelle au désendettement n'est enregistrée pour l'exercice 2018, comme au cours des deux exercices précédents . La poursuite de la pause initiée en 2016 est conforme à l'intérêt patrimonial de l'État, compte tenu du faible coût de refinancement actuel.

Dépenses du compte spécial en 2018

(en millions d'euros)

Dépenses

Augmentations de capital

2 761

dont...

Périmètre APE

Dotation initiale du Fonds pour l'innovation et l'industrie

1 600

Libération du capital de Bpifrance souscrit par l'État

684,5

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

78

Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies

40

Hors APE

Banques multilatérales de développement

134,85

Agence française de développement

120

PIA3

100

Achats ou souscriptions de titres

467,6

dont...

ORANO SA (auprès du CEA)

267,36

EDF (auprès de l'EPIC Bpifrance)

121

Chantiers de l'Atlantique - ex STX France

80

Autres

660,1

Prestations de services

3,4

Désendettement de l'État

100

Total

3 992

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

5. Le déséquilibre du compte s'amplifie, ce qui conduit à s'interroger sur sa soutenabilité

Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde négatif (- 1 380,2 millions d'euros), quasiment doublé par rapport à 2017 (- 751,3 millions d'euros).

Solde des exercices 2017 et 2018

(en millions d'euros)

2017

2018

Recettes

7 911,6

2 611,7

Dépenses

8 662,9

3 992,0

Solde de l'exercice

- 751,3

- 1 380,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu des excédents précédemment enregistrés, le solde cumulé du compte spécial faisant l'objet d'un report en fin d'exercice s'élève à 1,5 milliard d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2012

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Solde de l'exercice

- 494

1 220

- 418

30

1 275,7

- 751,3

- 1 380,2

Solde cumulé

1 567

2 787

2 369

2 399

3 675

2 924

1 543,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le solde cumulé du compte atteint un niveau exceptionnellement faible, inédit depuis 2012 et correspond seulement à 111 % du déficit enregistré en 2018.

Cette situation impose un retour rapide à l'équilibre du compte. Surtout, elle rigidifie considérablement la conduite de la politique de l'État actionnaire , la rendant davantage dépendante d'un versement du budget général et donc des contingences budgétaires annuelles.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un projet de privatisation d'Aéroports de Paris à combattre

Les articles 130 à 136 de la loi « PACTE » organisent la privatisation de la société Aéroports de Paris .

À l'occasion du débat parlementaire, votre rapporteur spécial s'est opposé à cette cession .

Sur le fond , la privatisation de la société gestionnaire des aéroports franciliens s'inscrit à rebours des intérêts patrimoniaux et stratégiques de l'État. Elle privera celui-ci des dividendes annuels versés par l'entreprise, pour un montant de 173,4 millions d'euros en 2017, soit 70 % du rendement espéré du fonds pour l'innovation et l'industrie . Elle rendra plus complexe la gestion des frontières de la France, alors qu'il s'agit de la voie d'accès privilégiée à la France depuis l'étranger, avec 90 millions de visiteurs accueillis en 2018.

Sur la forme, les modalités retenues pour céder l'entreprise soulèvent plusieurs difficultés . Les relations entre l'État et l'entreprise sont renvoyées à un cahier des charges rénové, sans garantie sur les pouvoirs réels de l'État à l'égard de l'investisseur privé.

La situation de l'aéroport de Toulouse-Blagnac , cédé en avril 2015 par l'État à un investisseur chinois, doit servir d'alerte . Alors que le nouvel actionnaire majoritaire chinois, qui n'a pas réalisé les investissements sur lesquels il s'était engagé, a fait part de son intention de céder ses parts à un prix nettement supérieur à celui d'acquisition, la Cour administrative d'appel de Paris a, le 16 avril dernier, annulé l'autorisation de céder les parts de l'État pour des questions de procédure 206 ( * ) . Dans un rapport publié en novembre 2018, la Cour des comptes a vivement critiqué cette opération, estimant que « le processus de privatisation de l'aéroport de Toulouse a révélé de graves insuffisances et demeure inabouti » 207 ( * )

Dans ces conditions, convaincu que le projet de cession d'ADP ne répond pas aux attentes des Français, votre rapporteur spécial s'est engagé dans la procédure de référendum d'initiative partagée visant à le soumettre au suffrage populaire 208 ( * ) . Depuis l'ouverture de la plateforme de recueil des signatures le 13 juin dernier, le processus se poursuit jusqu'au 13 mars 2020.

2. Une réorientation de l'État actionnaire risquée, au profit d'un mécanisme critiquable

Le projet de privatisation d'Aéroports de Paris s'inscrit plus largement dans le cadre d'une attrition de l'État actionnaire .

En 2017, le Gouvernement a revu la doctrine d'investissement de l'État actionnaire en écartant l'accompagnement des secteurs et filières stratégiques pour la croissance économique nationale.

Trois axes concentrent désormais l'intervention publique par prise de participation financière, pour trois types d'entreprises : celles qui contribuent à la souveraineté de la France, celles pouvant entraîner un risque systémique et celles participant à des missions de service public ou d'intérêt général national ou local, sous réserve que d'autres leviers non actionnariaux ne suffisent pas à préserver les intérêts publics.

L'actualisation de la doctrine d'investissement s'inscrivait dans un projet de réorientation des capitaux investis , au profit de la création d'un fonds pour l'innovation dite « de rupture ». Effectivement créé en janvier 2018, le fonds pour l'innovation et l'industrie est placé sous la responsabilité de l'EPIC Bpifrance. Comme le permet la loi du 22 mai 2019 dite « PACTE » 209 ( * ) , une dotation en numéraire de 10 milliards d'euros lui sera attribuée une fois les participations de l'État dans ADP et la FDJ cédées. Dans l'attente, il a reçu dès 2018 une dotation de 1,6 milliards d'euros en numéraire et un prêt de titres EDF et Thalès par l'État.

Votre rapporteur spécial estime que ce projet est critiquable à trois égards.

D'abord, le mécanisme proposé contrevient au droit budgétaire.

Dès les premières esquisses de ce projet, votre rapporteur spécial s'était montré sceptique quant à son intérêt patrimonial pour l'État et à sa plus-value réelle pour le financement de l'innovation. À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, il relevait à cet effet que « le fonds pour l'innovation procède d'un palliatif à la diminution d'une dépense budgétaire », dont « l'intérêt budgétaire peut être mis en doute » 210 ( * ) .

La Cour des comptes en livre un constat analogue , indiquant que le fonds « permettra une affectation directe, en dehors du budget de l'État, de recettes de cessions de titres et de dividendes pour réaliser des actions qui auraient pu être financées par des programmes budgétaires » 211 ( * ) .

Ensuite, le projet pourrait porter préjudice aux finances publiques.

De façon immédiate, le recentrage du portefeuille de participations de l'État se traduit par u ne perte des recettes annuelles au titre des dividendes. À titre de comparaison, entre l'année 2014 et l'année 2018, la chute des dividendes versés atteint 1,6 milliard d'euros, soit l'équivalent des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer », soutenant le développement économique et la création d'emplois dans les territoires ultramarins.

Cette perte de recettes non fiscales versées au budget général est accentuée compte tenu de la dotation transitoire du fonds. Pendant cette période, les dividendes des titres prêtés par l'État au fonds sont perdus. Or, étant donné les aléas constatés pour la cession d'Aéroports de Paris (ADP) - cf. supra -, cette situation pourrait se prolonger.

À moyen terme, la forte mobilisation du solde cumulé du compte, réduit à un niveau exceptionnellement faible en 2018, rigidifie considérablement les marges d'action de l'État actionnaire .

Ce sont les disponibilités financières du compte qui conditionnent la capacité de réaction de l'État actionnaire en cas de besoin d'intervention rapide en capital dans une entreprise en difficulté. À défaut, seuls deux moyens de financement subsistent :

- un versement du budget général , assujettissant ainsi l'État actionnaire aux contingences budgétaires annuelles ;

- une cession de participation rapide , au risque d'une opération conclue dans des conditions préjudiciables aux intérêts patrimoniaux de l'État.

Enfin, la mise en oeuvre concrète du fonds pour l'innovation et l'industrie s'est révélée plus complexe qu'annoncée par la Gouvernement. Depuis 2017, ce dernier insistait sur la nécessité d'aller vite, écartant d'emblée les alternatives proposées, en particulier par votre rapporteur spécial . L'impératif était de permettre de dégager rapidement un rendement de 250 millions d'euros, susceptible de soutenir des projets dès 2018.

Or, force est de constater que cet objectif n'a guère été concrétisé . Ainsi que le relève la Cour des comptes, « la constitution du fonds pour l'innovation a conduit à des opérations complexes , pour partie mal anticipées, qui ont retardé la mise en oeuvre des finalités poursuivies par le fonds, par rapport à un financement budgétaire classique . [...] En 2018, faute d'avoir été opérationnel, le fonds n'a pas été en mesure de contribuer au financement de la moindre entreprise » 212 ( * ) . Même, au début de 2019, la mise en oeuvre du fonds demeure incomplète et son schéma comptable n'est toujours pas arrêté. De fait, il est pour le moins incongru d'observer qu'en 2019, le fonds pour l'innovation et l'industrie soutiendra certaines actions du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » via des fonds de concours

Par ailleurs, la question du traitement de l'équilibre de l'opération de prêt de titres par l'État au fonds demeure non traitée . Lors de la substitution entre les titres EDF et Thalès et le numéraire, la valeur des titres pourrait être différente de celle enregistrée au moment de leur prêt. La façon dont cet écart sera traité du point de vue comptable entre l'État et l'EPIC Bpifrance n'est pas arrêtée.

Une solution rapide doit être définie .

Dans l'immédiat, la dotation transitoire du fonds conduit à constater une hausse nette des immobilisations financières de près de 6 milliards d'euros au bilan de l'État entre 2017 et 2018.

3. Une organisation budgétaire et fonctionnelle de l'État actionnaire à revoir

De façon plus générale, votre rapporteur spécial considère que le mécanisme auquel le Gouvernement a choisi de recourir reflète l'inadéquation de l'organisation budgétaire et fonctionnelle de l'intervention de l'État en capital.

D'un point de vue budgétaire, la structure actuelle contribue à éclater l'État actionnaire , incarné par l'Agence des participations de l'État (APE), entre différents vecteurs.

Le compte retrace à la fois des opérations relevant du périmètre de l'APE et des opérations qui n'en relèvent pas 213 ( * ) . Certes, en 2018, les dépenses enregistrées hors du champ de l'APE étaient minoritaires, mais la proportion était inverse au cours des précédents exercices : depuis 2010, seulement 37 % des dépenses du compte relèvent de l'État actionnaire.

Parallèlement, l'APE ne perçoit pas les dividendes en numéraire , versés au budget général, tandis que ses moyens humains sont intégrés au sein du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Économie ».

Il en résulte une triple difficulté :

- budgétaire , puisque l'ensemble des moyens relatifs à la politique de l'État actionnaire ne sont pas regroupés , tandis que l'analyse de la performance est dénuée de portée pratique , compte tenu d'une programmation conventionnelle et d'une maquette de performance exclusivement concentrée sur les participations cotées et renseignée a posteriori ;

- comptable , dans la mesure où, comme le relève la Cour des comptes, « l'information fournie à la représentation nationale au moment du vote du compte est lacunaire et ne permet pas de disposer d'une vision dynamique de chaque entreprise publique en particulier pour anticiper d'éventuels besoins de capitaux susceptibles d'advenir », ce que « l'approche budgétaire par le compte ne permet pas » 214 ( * ) ;

- politique , étant donné que l'éclatement de la gestion des participations financières de l'État ne permet pas d'appréhender l'importance de ce levier d'action publique et son rendement budgétaire , au risque d'arbitrages défavorables aux intérêts patrimoniaux de l'État.

C'est pourquoi votre rapporteur spécial renouvelle sa recommandation d'une réorganisation de l'État actionnaire, au profit d'une APE dotée de la personnalité morale et chargée d'une véritable mission de gestion du portefeuille de participations de l'État 215 ( * ) .

MISSION « POUVOIRS PUBLICS » - M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial

En application de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances 216 ( * ) , « une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics ». Il s'agit des crédits relevant du 1° du I de l'article 5 de la même loi, dits crédits de titre 1, actuellement destinés au financement de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, du Conseil constitutionnel, de même que de la Cour de justice de la République. La spécificité de ces crédits se justifie au regard des principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie des pouvoirs publics constitutionnels. À cet égard, dans sa décision du 25 juillet 2001, le juge constitutionnel avait souligné que ce dispositif devait assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 217 ( * ) .

Récapitulation des crédits par dotation

(en euros)

Numéro et intitulé de la dotation ( prévision /consommation) (AE=CP)

2016

2017

2018

Variation 2018/2017 (en %)

Variation 2018/2016 (en %)

501 - Présidence de la République

Pr.

100 000 000

100 000 000

103 000 000

3,0 %

3,0 %

Cons.

100 000 000

100 000 000

103 000 000

3,0 %

3,0 %

511 - Assemblée nationale

Pr.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0 %

0,0 %

Cons.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0 %

0,0 %

521 - Sénat

Pr.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0 %

0,0 %

Cons.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0 %

0,0 %

541 - La Chaîne parlementaire

Pr.

35 489 162

34 887 162

34 687 162

- 0,6 %

- 2,3 %

Cons.

35 489 162

34 887 162

34 687 162

- 0,6 %

- 2,3 %

531 - Conseil constitutionnel

Pr.

9 920 462

13 696 974

11 719 229

- 14,4 %

18,1 %

Cons.

9 920 462

13 696 974

11 719 229

- 14,4 %

18,1 %

533 - Cour de justice de la République

Pr.

861 500

861 500

861 500

0,0 %

0,0 %

Cons.

861 500

861 500

861 500

0,0 %

0,0 %

TOTAL

Pr.

987 745 724

990 920 236

991 742 491

0,1 %

0,4 %

Cons.

987 745 724

990 920 236

991 742 491

0,1 %

0,4 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de règlement pour 2018, calculs de la commission des finances du Sénat

Les dépenses des pouvoirs publics s'illustrent à nouveau en 2018 par une grande stabilité, puisqu'elles s'établissent à un niveau très légèrement supérieur de 0,1 % à celui de l'année précédente. Le montant alloué en 2018 aux chambres parlementaires, de même que celui de la dotation à la Cour de justice de la République, est identique à celui de 2017. Les crédits des chaînes parlementaires diminuent de 0,6 % par rapport à l'exercice précédent. Le montant de la dotation du Conseil constitutionnel est plus nettement en diminution, de 14,4 % par rapport à 2017. Enfin, seuls les crédits de la dotation allouée à la Présidence de la République sont en légère augmentation, de 0,3 %.

I. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation à la présidence de la République était stabilisée à hauteur de 100 millions d'euros de 2015 à 2017. Elle a été augmentée de 3 millions d'euros en 2018. Cette dotation a été intégralement consommée, les charges totales de la présidence s'élevant à 110,3 millions d'euros (soit une progression de 6,89 % par rapport au niveau constaté en 2017).

La différence entre le montant total des dépenses et celui de la dotation de l'État a été financée par des ressources propres pour 1,63 million d'euros et par un prélèvement sur la trésorerie pour le reliquat (soit 5,66 millions d'euros).

Le rapport annuel de performances de la mission précise que les dépenses de déplacement ont significativement progressé en 2018, passant de 17,68 millions d'euros à 20,01 millions d'euros, en raison notamment d'une activité internationale soutenue pour le Président de la République et d'une augmentation du coût du dispositif sécuritaire.

II. LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

La loi de finances initiale pour 2018 prévoyait à nouveau, pour 2018, la stabilité en valeur des dotations de l'État, qui ont été reconduites à leur niveau des années antérieures (517,9 millions d'euros pour l'Assemblée nationale ; 323,6 millions d'euros pour le Sénat).

À l'Assemblée nationale, le montant total des dépenses de 2018 s'établit à 543,16 millions d'euros, soit 6,9 millions d'euros de moins que la prévision initiale, en diminution de 5,75 % par rapport à 2017.

Extrait du rapport du collège des Questeurs à la commission spéciale
chargée de vérifier et d'apurer les comptes de l'Assemblée nationale

Le budget initial de l'Assemblée nationale pour 2018, approuvé par le Collège des Questeurs le 11 juillet 2017 et adopté par le Bureau de l'Assemblée nationale le 19 juillet 2017, s'établissait à 550 062 839 euros. La dotation de l'État restant fixée au montant qui est le sien depuis 2012, soit 517 890 000 euros, et les recettes budgétaires propres étant évaluées à 3 713 840 euros, le résultat budgétaire prévisionnel s'établissait à - 28 458 999 euros.

Plusieurs décisions prises en réunion de Questure en début d'exercice, visant notamment au renforcement des moyens mis à la disposition des députés, ont conduit à l'adoption d'un budget rectificatif par le Bureau au cours de ses réunions des 24 janvier et 7 février 2018. Le budget rectifié adopté s'élevait à 568 415 079 euros et l'estimation du résultat budgétaire prévisionnel s'établissait à - 46 617 239 euros.

Le résultat budgétaire pour 2018 s'élève finalement à - 17,67 millions d'euros, en nette amélioration par rapport aux prévisions établies lors de l'adoption du budget rectifié. Le déficit constaté est ainsi proche de celui de 2012, année de renouvellement de l'Assemblée. Sur les sept derniers exercices, seul le résultat de 2014 a été positif (+ 3,37 millions d'euros).

Des facteurs « mécaniques » expliquent la meilleure tenue du budget 2018 par rapport aux prévisions, avec le décalage de grosses opérations immobilières ou informatiques et le report sur 2019 de la facturation d'autres opérations d'envergure.

Mais c'est surtout la difficulté à extrapoler les charges parlementaires qui a conduit à surestimer le déficit budgétaire prévisionnel.

Il était en effet difficile de prévoir avec exactitude les comportements des députés vis-à-vis des nouveaux moyens accordés pour l'exercice de leur mandat (crédit collaborateur et charges sociales associées, dotation matérielle du député [DMD], frais d'hébergement, crédit informatique, recours à un expert-comptable, quota augmenté des droits à transport des collaborateurs, etc.). Dans l'incertitude sur ces comportements, les postes concernés avaient donc été budgétés à leur niveau théorique maximum. Or les taux de consommation de la plupart de ces postes ont été modérés, voire réduits. Ils sont cependant susceptibles d'augmenter dans les années à venir en fonction de la montée en charge progressive des dispositifs mis en place. Des outils de reporting seront mis en place en 2019 pour suivre la consommation de certaines de ces dépenses mois par mois afin de suivre mieux les comportements de consommation et d'ajuster si possible les prévisions.

Les dépenses totales du Sénat se sont établies en 2018 à 327,81 millions d'euros, contre 345,12 millions d'euros en 2017, soit une diminution de 5,02 %. Hors dépenses liées au Jardin du Luxembourg et au Musée, les dépenses se sont établies à 316,6 millions d'euros contre 333,3 millions d'euros en 2017.

Extrait du rapport de la commission spéciale chargée d'apurer
les comptes du Sénat, sur les comptes du Sénat de l'exercice 2018

Un exercice budgétaire en baisse notable par rapport à 2017 et soumis aux aléas de l'exécution d'un ambitieux programme d'investissements

Le budget 2018 du Sénat s'inscrivait en forte augmentation par rapport au budget de l'année 2017, en raison notamment de la poursuite des opérations pluriannuelles de rénovation immobilière engagées afin de moderniser le cadre de travail offert aux Sénateurs et à leurs collaborateurs et d'améliorer les conditions d'exercice du mandat parlementaire, ainsi que du report de dépenses d'investissement liées à ces opérations et non consommées l'année précédente. Il s'élevait à 362,5 millions d'euros, contre 345,1 millions d'euros exécutés au cours de l'exercice 2017 (+5 %).

Toutefois, comme en 2017, le taux d'exécution de ces dépenses d'investissement, qui étaient fixées à 38 millions d'euros, est faible et ne s'élève qu'à 51,5 %, en raison principalement du retard pris par les différents chantiers immobiliers et de difficultés rencontrées dans certains projets informatiques. Elles atteignent toutefois un niveau très élevé (19,6 millions d'euros dépensés), qui n'avait été dépassé, au cours des dix dernières années, qu'en 2017.

Au final, l'exécution du budget 2018 fait apparaitre une sous-exécution de 34,7 millions d'euros , soit un taux d'exécution de 90,43 %, pour une dépense totale de 327,81 millions d'euros , en baisse de 5 % par rapport à 2017.

Une forte diminution des dépenses de fonctionnement dans le cadre de la première année d'application du nouveau régime de prise en charge des frais de mandat des Sénateurs.

À compter du 1 er janvier 2018, l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et divers forfaits (informatique, hébergement, réception) ont été remplacés par des avances de frais de mandat (avance générale, avances spécifiques hébergement, représentation, informatique), dont l'utilisation s'accompagne d'une obligation de déclaration des dépenses qui y sont imputées, par le biais d'une application informatique, et d'un contrôle de celles-ci par le Comité de déontologie parlementaire.

La mise en oeuvre de ce nouveau régime faisait peser une incertitude sur le montant des dépenses liées à l'exercice du mandat durant l'année 2018. Alors que le projet de budget prévoyait de reconduire en euros courants les crédits de fonctionnement, ceux-ci ont diminué de 3,9 % pour atteindre 308,2 millions d'euros, contre 323,24 millions d'euros inscrits au budget.

Cette sous-exécution est pour une très large part imputable à la mise en oeuvre du nouveau mécanisme de prise en charge des frais de mandat, qui s'est notamment accompagnée du reversement au Sénat du solde d'IRFM non consommé par les Sénateurs au 31 décembre 2017.

Par ailleurs, les efforts de maîtrise de la masse salariale du personnel du Sénat se sont poursuivis et les dépenses d'honoraires divers, versés en particulier à des bureaux d'études, ont été bien moindres qu'anticipé en raison des retards des chantiers de rénovation immobilière.

Un exercice budgétaire traditionnel en matière de produits.

Contrairement à 2017, le Sénat n'a pas procédé à des cessions d'actifs en 2018 et son budget n'a donc pas été abondé du produit de leur vente.

Toutefois, la réalisation du budget de produits, à 7,7 millions d'euros, est supérieure aux attentes (5,4 millions d'euros ; + 42 %). Cet écart est imputable au reversement de l'excédent des régimes complémentaires de sécurité sociale (1,94 million d'euros) et à des produits non budgétés initialement. Il retrouve ainsi son niveau moyen, hors opération exceptionnelle.

La consommation intégrale de la dotation de l'État, complétée par les ressources propres du Sénat.

Depuis 2012, la dotation que l'État verse au Sénat pour assurer son financement est gelée, en euros courants, à 323,58 millions d'euros. En 2018, investissement et fonctionnement cumulés, les dépenses de l'institution se sont élevées à 327,81 millions d'euros, ce qui conduit à la consommer dans son intégralité.

Le solde de dépenses d'investissement qu'elle ne couvre pas, qui s'élève à 4,22 millions d'euros, est financé par des produits budgétaires. En 2018, en raison du faible taux d'exécution de ces dépenses, aucun prélèvement sur disponibilités n'a été nécessaire, contrairement à ce qui était anticipé (33,5 millions d'euros) et à ce qui avait été effectué en 2017 (8,45 millions d'euros).

En 2018, la gestion rigoureuse du budget du Sénat a permis, comme les années précédentes, de financer ses dépenses de fonctionnement au moyen de la dotation, dont le gel conduit à amplifier les efforts de maîtrise de l'évolution de leurs différentes composantes, tout en ne sollicitant pas de financement de l'État pour prendre en charge les besoins du Sénat en matière d'investissement, qui vont croissant en raison notamment des contraintes que fait peser l'entretien du patrimoine historique dont il est affectataire.

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation de l'État au Conseil constitutionnel a été inférieure de 14,4 % à celle versée en 2017 (11,7 millions d'euros contre 13,7 millions d'euros), après l'augmentation importante constatée l'année dernière, en raison des dépenses prévues au titre de l'élection présidentielle notamment.

Les dépenses du Conseil constitutionnel ont cependant été supérieures de 1,36 million d'euros au montant de la dotation versée par l'État, notamment en raison de dépenses à caractère exceptionnel dans le cadre de la transformation numérique. Le rapport annuel de performance indique que le solde budgétaire au 31 décembre 2018 est déficitaire du même montant.

Le budget consacré aux membres a été consommé quasi intégralement et représente 2,3 millions d'euros en 2018.

La Cour de Justice de la République a reçu une dotation de 861 500 euros et a dépensé 686 724 euros. Elle a donc reversé au budget de l'État 174 723 euros par trois versements intervenus en novembre et décembre 2018, puis en janvier 2019.

MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » - MM. Philippe Adnot et Jean-François Rapin,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont fait l'objet d'une consommation conforme à la prévision initiale, respectant l'autorisation budgétaire votée par le Parlement, avec un taux d'exécution de 99,2 % en autorisations d'engagement (AE) et 99,46 % en crédits de paiement (CP). Les crédits consommés , au titre de l'exercice 2018, s'élèvent ainsi à 27,47 milliards d'euros en AE et à 27,58 milliards d'euros en CP .

Le plafond des crédits de paiements (CP) de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 218 ( * ) était fixé à 27,40 milliard d'euros 219 ( * ) , hors contribution au CAS « Pensions ». Les crédits exécutés en 2018 ont respecté ce plafond , atteignant 27,316 milliards d'euros hors contribution de la mission au CAS « Pensions », laquelle s'élève à 262,5 millions d'euros .

Entre 2017 et 2018, les dépenses constatées sur la mission sont en hausse de 2,8 % en AE et 1,4 % en CP . L'effort budgétaire en faveur de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'est donc poursuivi en 2018.

Évolution des crédits votés et exécutés entre 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

En sus des crédits budgétaires mentionnés, la mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficie, en 2018, de financements extra-budgétaires au titre des programmes d'investissement d'avenir (PIA) - à hauteur de 339,5 millions d'euros en AE et CP pour le PIA 3.

Par ailleurs, quinze dépenses fiscales sont rattachées à la mission à titre principal, dont le coût est estimé à 7,068 milliards d'euros pour 2018, dont 6,0 milliards d'euros au titre du crédit d'impôt recherche (CIR).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018 (y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart exécution 2018 / exécution 2017

Écart exécution 2018 / LFI 2018

150

Formation supérieure

AE

13 147,54

13 467,80

13 420,74

2,08 %

- 0,35 %

CP

13 133,58

13 459,18

13 404,38

2,06 %

- 0,41 %

231

Vie étudiante

AE

2 642,66

2 699,50

2 643,75

0,04 %

- 2,07 %

CP

2 643,73

2 706,71

2 650,57

0,26 %

- 2,07 %

Total « Enseignement supérieur »

AE

15 790,20

16 167,30

16 064,49

1,74 %

- 0,64 %

CP

15 777,31

16 165,89

16 054,96

1,76 %

- 0,69 %

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 537,21

6 721,68

6 649,81

1,72 %

- 1,07 %

CP

6 596,29

6 767,60

6 696,86

1,52 %

- 1,05 %

193

Recherche spatiale

AE

1 453,44

1 618,10

1 597,66

9,92 %

- 1,26 %

CP

1 453,44

1 618,10

1 597,66

9,92 %

- 1,26 %

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable

AE

1 570,73

1 761,45

1 743,90

11,03 %

- 1,00 %

CP

1 902,52

1 734,15

1 717,52

-9,72 %

- 0,96 %

192

Recherche et enseign.sup. en matière économique et industrielle

AE

767,86

770,56

793,54

3,34 %

+ 2,98 %

CP

862,34

810,68

886,21

2,77 %

+ 9,32 %

191

Recherche duale

AE

161,09

179,52

174,68

8,43 %

- 2,70 %

CP

166,70

179,52

174,68

4,79 %

- 2,70 %

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

111,91

113,97

110,88

-0,92 %

- 2,71 %

CP

113,38

113,89

110,89

-2,20 %

- 2,64 %

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

330,20

345,12

339,17

2,72 %

- 1,72 %

CP

329,68

345,98

339,85

3,08 %

- 1,77 %

Total « Recherche »

AE

10 932,45

11 510,41

11 409,66

4,37 %

- 0,88 %

CP

11 424,35

11 569,94

11 523,67

0,87 %

- 0,40 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. PHILIPPE ADNOT)

1. La poursuite de l'effort budgétaire en faveur de l'enseignement supérieur

La loi de finances pour 2018 a doté les programmes « Enseignement supérieur » (programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et programme 231 « Vie étudiante ») de crédits en progression de 1,02 % en AE et 1,29 % en CP par rapport à 2017 , pour atteindre 16,11 milliards d'euros en AE et 16,12 milliards d'euros en CP .

Cette hausse d'ensemble correspond, en réalité, à une progression significative des crédits alloués au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », compensée par une relative stabilité des moyens dévolus au programme 231 « Vie étudiante ».

En effet, en loi de finances pour 2018 , les crédits accordés au programme 150 ont progressé de 203 millions d'euros en AE (+ 1,53 %) et 233 millions d'euros en CP (+ 1,76 %) , pour tenir compte de l'augmentation de la masse salariale des universités, tandis que le programme 231 n'a bénéficié que d'une très légère hausse de l'ordre de 8 millions d'euros en AE (+ 0,2 %) et 18 millions d'euros en CP (+ 0,66 %) . Cette relative stabilité résulte d'un ajustement sur les crédits relatifs à l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) dont la prévision avait été surestimée en 2017.

Ces tendances se trouvent confirmées en exécution , puisque les crédits consommés par le programme 150 progressent de 2,08 % en AE et 2,06 % en CP, tandis que les dépenses constatées sur le programme 231 varient de seulement 0,04 % par rapport à l'exécution 2017, pour atteindre un niveau quasiment identique, de l'ordre de 2,64 milliards d'euros .

Exécution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur en 2018

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart exécution 2018 / exécution 2017

Écart exécution 2018 / LFI 2018

150

Formation supérieure

AE

13 147,54

13 467,80

13 420,74

2,08 %

- 0,35 %

CP

13 133,58

13 459,18

13 404,38

2,06 %

- 0,41 %

231

Vie étudiante

AE

2 642,66

2 699,50

2 643,75

0,04 %

- 2,07 %

CP

2 643,73

2 706,71

2 650,57

0,26 %

- 2,07 %

Total « Enseignement supérieur »

AE

15 790,20

16 167,30

16 064,49

1,74 %

- 0,64 %

CP

15 777,31

16 165,89

16 054,96

1,76 %

- 0,69 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Si ces résultats permettent de conclure à l'absence de tout dérapage budgétaire, ils témoignent néanmoins d'une sous-consommation des crédits dévolus au programme 231 par rapport aux prévisions initiales, de l'ordre de 2,1 %, correspondant à un taux d'exécution de 97,9 % (voir infra ).

S'agissant de la gestion budgétaire, les annulations de crédits par voie réglementaire en cours de gestion se sont révélées moins importantes que les années précédentes, ce dont votre rapporteur se félicite. Par ailleurs, en loi de finances rectificative, seuls 20,1 millions d'euros de crédits ont été ouverts en AE et en CP, au titre des dépenses de personnel du programme 150.

Mouvements de crédits opérés au sein des programmes 150 et 231 en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du ministère du budget

Votre rapporteur relève enfin que le programme 150 a de nouveau bénéficié, en 2018, de règles dérogatoires du droit commun concernant la réserve de précaution . En effet, les subventions pour charge de service public versées aux opérateurs, qui représentent 12,5 milliards d'euros (AE=CP), soit plus de 92 % des AE et des CP inscrits sur le programme en loi de finances initiale, se sont vu appliquer non pas un taux de réserve mais une mise en réserve forfaitaire, dont le montant a été abaissé, entre 2017 et 2018, de 70 millions d'euros à 30 millions d'euros .

Conformément aux prévisions établies en loi de finances initiale, le différentiel de 40 millions d'euros résultant de cette baisse a été redéployé pour couvrir une partie du glissement vieillesse technicité (GVT) des établissements n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE), dont le montant annuel atteint 60 millions d'euros.

Néanmoins, dans sa note d'exécution budgétaire sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », la Cour des comptes souligne que cette dérogation « exonère les opérateurs de l'essentiel de leur effort en matière de réserve » 220 ( * ) , dans la mesure où l'application des règles de droit commun aurait conduit à mettre en réserve près de 100 millions d'euros de crédits. Cependant, au regard de la charge accumulée pour les établissements au titre du GVT depuis le 1 er janvier 2012, et à l'obligation de couvrir cette dépense contrainte, votre rapporteur estime parfaitement acceptable le recours à un moindre niveau de mise en réserve.

2. Un taux de mise en réserve dérogatoire et fortement préjudiciable pour l'enseignement privé

Tandis que le taux de réserve appliqué au programme 150 lui est favorablement dérogatoire, votre rapporteur relève que les crédits alloués aux établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG), portés par l'action 04 du programme, se voient appliquer, cette année encore, un taux de réserve de 7 % . En exécution 2018, cette mise en réserve représente près de 5,03 millions d'euros , qui n'ont fait l'objet d'aucun dégel en cours de gestion.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le taux de réserve affiché par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demeure bien de 3 %. Néanmoins, pour compenser le taux extrêmement faible appliqué sur les dotations aux établissements publics (0,2 %), les autres actions du programme 150 verraient le niveau de réserve majoré à 7 ou 8 % .

Cette situation interpelle votre rapporteur à plusieurs titres. En premier lieu, s'il est loisible au ministère, dans le cadre de la gestion de son budget, de pratiquer des taux de réserve différenciés pour parvenir à un taux global de 3 %, la représentation nationale doit impérativement en être a minima informé au moment du vote sur le projet de loi de finances . Tel n'est pas le cas actuellement, ce qui contrevient au principe de sincérité budgétaire, le montant réel des crédits alloués ne correspondant pas au budget présenté dans les documents budgétaires et soumis au vote des parlementaires.

Par ailleurs, votre rapporteur déplore l'ampleur de l'effort financier demandé aux EESPIG, au regard notamment de leur poids au sein du programme 150 . Ainsi, tandis que les crédits dédiés aux établissements privés représentent un peu moins de 0,6 % de l'enveloppe budgétaire globale pour le programme 150, le montant de la réserve qui leur est appliquée équivaut à 8 % de la réserve de ce même programme.

Cette situation est d'autant plus inacceptable que les crédits consacrés à l'enseignement privé ont perdu plus de 10 % du montant total de leur dotation entre 2012 et 2018 , tandis que les crédits du programme 150 ont augmenté de plus de 7 % sur la même période. Alerté par les représentants des fédérations de l'enseignement privé sur le contexte financier difficile que connaissent les établissements, votre rapporteur relevait, dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, le paradoxe suivant : tandis que les effectifs d'étudiants en formation initiale accueillis par les EESPIF ont doublé entre 2008 et 2018, l'effort budgétaire consenti par ces établissements a augmenté de 8 %, avec pour conséquent une baisse drastique de 45 % du soutien de l'État par étudiant, passant de 1 130 euros en moyenne par étudiant et par an en 2008 à seulement 625 euros en moyenne par étudiant en 2018.

Ce constat a conduit votre rapporteur, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, à présenter un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements de 14 millions d'euros en autorisation d'engagements et en crédits de paiement .

Non seulement cet amendement n'a pas été conservé par l'Assemblée nationale, mais en plus, la dotation allouée aux établissements privés s'est trouvée amputée de près de 5 millions d'euros, en raison d'un taux de mise en réserve particulièrement élevé, ce que votre rapporteur ne peut que dénoncer.

Dans ce contexte, votre rapporteur plaide pour que l'action 04 se voie désormais appliquer le taux de réserve normé de 3 % , ce qui représenterait un gain non négligeable de près de 3 millions d'euros pour les établissements contractualisés .

3. La mise en oeuvre de la loi orientation et réussite des étudiants : des surcoûts maitrisés

Le 30 octobre 2017, le Premier ministre a présenté le « Plan étudiants » pour répondre à l'afflux massif d'étudiants dans l'enseignement supérieur et à l'échec massif des étudiants en licence. Des moyens financiers conséquents, de l'ordre d'un milliard d'euros, ont été annoncés pour accompagner la mise en place du plan, dont 450 millions d'euros au titre du Grand plan d'investissement et 500 millions d'euros de crédits budgétaires sur le quinquennat. Portés par le programme 150, ces crédits supplémentaires devaient permettre d'ouvrir des places et de créer des postes dans les filières en tension .

Traduction législative du « Plan étudiants », la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants 221 ( * ) , dite loi ORE, a conduit à une augmentation des moyens budgétaires dévolus aux universités.

Principales mesures de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE) du 8 mars 2018

- Nouvelles modalités d'accès au 1 er cycle (Parcoursup)

- Extension de l'accès prioritaire des meilleurs bacheliers

- Création d'un observatoire de l'insertion professionnelle dans chaque université

- Suppression du régime de sécurité sociale au profit d'un régime d'ayants-droits autonomes au régime de protection de leurs parents

- Instauration de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC)

- Année de césure

- Organisation de la première année d'accès aux études de santé (PACES)

Source : Cour des comptes

En 2018, ces crédits supplémentaires ont permis l'ouverture de 30 000 places dans l'enseignement supérieur. Afin de développer l'offre de formation dans les cursus les plus demandés, 17 000 places ont notamment été créées à l'université et 4 000 en BTS.

La loi de finances initiale pour 2018 a prévu 15 millions d'euros de crédits additionnels pour la mise en oeuvre de la loi ORE, pour des besoins estimés à 25,4 millions d'euros en tiers d'année (à partir de la rentrée de septembre 2018). Cependant, en réalité, près de 44,6 millions d'euros ont été nécessaires pour couvrir le plan. En effet, la ministre de l'enseignement supérieur a annoncé en mars 2018 l'ouverture d'une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros, dont 8 millions d'euros consacrés au recrutement ou au paiement d'heures supplémentaires pour les équipes pédagogiques chargées des parcours personnalisés et de l'accueil des étudiants et 2 millions d'euros pour l'indemnisation des enseignants-chercheurs et personnels mobilisés.

Ces dépenses supplémentaires, auxquelles se sont ajoutés les surcoûts générés par les blocages étudiants 222 ( * ) , ont nécessité l'annulation de près des deux tiers de la réserve de précaution initiale , auxquels se sont ajoutés des redéploiements internes de crédits de l'ordre de 28,68 millions d'euros (soit 0,2 % des crédits exécutés).

Si, in fine , les dépenses supplémentaires afférentes à la mise en oeuvre de la loi ORE ont pu être couvertes, votre rapporteur note que la trajectoire financière du programme 150 pourrait à nouveau être bouleversée en 2019, dans le cadre de la poursuite du « Plan étudiants », appelant à une vigilance accrue dans l'exécution budgétaire .

4. Le suivi des emplois et de la masse salariale, un enjeu majeur pour le programme 150

Le suivi de la masse salariale des opérateurs financés par le programme 150 demeure un des principaux enjeux de la mission « Enseignement supérieur ».

En effet, la subvention pour charge de service public versée aux opérateurs a représenté, en loi de finances pour 2018, 12,54 milliards d'euros, soit 92,4 % des 13,55 milliards d'euros de crédits ouverts au titre du programme 150 . La masse salariale des universités, représentant 92 % de cette subvention, constitue donc in fine le premier poste d'augmentation des crédits « Enseignement supérieur » entre 2017 et 2018.

Le suivi de cette dépense appelle trois remarques de votre rapporteur .

En premier lieu, l'évolution tendancielle de la dépense demeure très dynamique, en raison des mesures nationales appliquées au service public d'une part, et aux besoins spécifiques de la filière d'autre part .

Impact financier des mesures « fonction publique » en prévision 2018

(en millions d'euros)

Mesure concernée

Impact financier

Poursuite de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR)

61,4

Couverture d'une partie du glissement vieillesse technicité GVT au titre des établissements n'ayant pas accédé au RCE

10

Impact 2018 de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique de 0,6 %

5,4

Total « mesures fonction publique »

76,8

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Par ailleurs, la gestion budgétaire 2018 semble traduire certaines difficultés dans le pilotage de la masse salariale des établissements n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE) . En effet, le ministère ne dispose d'aucun levier de régulation autre que la détermination du plafond d'emploi pour ces établissements, ce qui complexifie la budgétisation et les prévisions d'exécution de leur masse salariale. En témoigne l'ouverture, en loi de finances rectificative, de crédits supplémentaires de dépenses de personnel à hauteur de 20,1 millions d'euros, pour une consommation finalement bien inférieure, de l'ordre de 11,1 millions d'euros .

Votre rapporteur suivra donc avec intérêt les travaux de la mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) relative au respect des plafonds de masse salariale.

Enfin, à l'instar des constats dressés les années précédentes, les plafonds d'emploi fixés par la loi de finances initiale n'ont pas été atteints .

La réalisation totale des emplois sous plafond État s'élève à 160 651 ETPT en 2018 , soit une sous-consommation de 12 141 ETPT , contre 11 498 ETPT en exécution 2017. Concernant les emplois rémunérés par les opérateurs, cette sous-consommation s'explique principalement, de façon structurelle, par un taux de vacance frictionnel des emplois .

Concernant le plafond des emplois ministériels rémunérés sur le titre 2, la sous-consommation provient de la méthode retenue pour piloter les effectifs, qui se fonde sur le schéma d'emploi (c'est-à-dire le plafond en personnes physiques) tandis que le plafond d'emploi s'applique à des équivalents temps plein travaillé ( ETPT) .

Néanmoins, selon la Cour des comptes, cet écart entre les plafonds d'emploi et leur exécution devrait être amené à se réduire , dans la mesure où l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 223 ( * ) , introduit à l'initiative du Sénat, prévoit qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, (...) ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ». Concrètement, cette mesure se traduirait par une baisse du plafond d'emploi de 659 ETPT pour le programme 150, le nouveau plafond corrigé atteignant 7 357 ETPT (contre un plafond initial de 8 016 ETPT).

Compte-tenu de cet ajustement, la sous-consommation des plafonds d'emploi ministériels rémunérés sur le titre 2 devrait être fortement réduite à l'avenir, ce dont votre rapporteur se félicite .

5. Des difficultés récurrentes dans la budgétisation des crédits consacrés aux aides directes

Les aides directes aux étudiants , dont les crédits sont regroupés au sein de l'action 01 « Aides directes » du programme 231 « Vie étudiante » , représentent près de 84 % des crédits du programme .

Or, pour la deuxième année consécutive, les dépenses d'intervention versées au titre de cette action (2 191 millions d'euros) se révèlent inférieures à la budgétisation initiale (2 235 millions d'euros). L'écart constaté entre les crédits alloués et les crédits consommés atteint donc 44,08 millions d'euros en 2018, contre 29,69 millions d'euros en 2017, en progression de 48 % sur un an .

Évolution de la consommation des crédits de l'action 01 « Aides directes »

(en millions d'euros)

Intitulé

Montants prévus (AE=CP)

Écart

Montants prévus

(AE=CP)

Écart

Crédits prévus en LFI 2017

Crédits consommés en 2017

Crédits prévus en LFI 2018

Crédits consommés en 2018

Bourses sur critères sociaux

2 051,90

2 041,62

- 10,28

2 070

2 043,57

- 26,43

Aides au mérite

44,11

49,94

+ 5,83

44,17

44,79

+ 0,62

Aides à la mobilité internationale

25,70

24,19

- 1,51

25,7

24,93

- 0,77

Aides spécifiques

48,78

41,87

- 6,91

48,78

47,32

- 1,46

Aide à la recherche du premier emploi (ARPE)

58,00

33,66

- 24,34

43,0

21,01

- 21,99

Aide à la mobilité en Master

0,00

6,00

+ 6,0

2,05

7

+ 4,95

Grande école du numérique

0,00

1,50

+ 1,5

2

2,44

+ 0,44

Total

2 228,49

2 198,78

- 29,7

2 235,7

2191,06

- 44,64

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du ministère du budget

Votre rapporteur relève qu'à l'instar de l'année précédente, l'écart entre la prévision et l'exécution s'explique principalement par :

- une sous-consommation des crédits dédiés aux bourses sur critères sociaux , en raison d'un effectif réel de boursiers inférieur aux prévisions ;

- un surdimensionnement de l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) , créée par la loi du 8 août 2016 224 ( * ) à compter de la rentrée universitaire 2016, et supprimée par la loi de finances pour 2019 225 ( * ) . La sous-consommation de cette enveloppe était cependant prévisible ; dans son rapport sur projet de loi de finances pour 2018 , votre rapporteur, qui s'est depuis prononcé en faveur de la suppression de ce dispositif, évoquait déjà une « surbudgétisation manifeste de l'ARPE » .

En tout état de cause, les écarts constatés entre la prévision et l'exécution de ces crédits révèlent des difficultés persistantes à correctement évaluer et anticiper le montant de ces dépenses de guichet. Ces difficultés sont d'autant plus problématiques que l'enseignement supérieur sera confronté, dans les années à venir, à un afflux très important d'élèves, complexifiant vraisemblablement les prévisions.

Dans ce contexte, votre rapporteur encourage l'administration à poursuivre l'amélioration du chiffrage des aides directes, dans un souci de bonne gestion et de transparence.

6. La CVEC, nouvelle taxe affectée dont le suivi doit être renforcé

La loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants a instauré, à compter de la rentrée 2018, une contribution vie étudiante et de campus (CVEC), d'un montant de 90 euros par an, en contrepoint de la suppression de la cotisation sociale étudiante de 217 euros .

Destinée à financer des actions de vie de campus, notamment dans le domaine de la prévention et de la santé des étudiants, la CVEC doit être payée par chaque étudiant non boursier auprès du CROUS. Son produit est affecté aux opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche et aux CROUS .

Dans la mesure où elle constitue une taxe affectée, la CVEC a fait l'objet d'un plafonnement à hauteur de 95 millions d'euros en loi de finances pour 2019, sur la base d'un taux de recouvrement de 70 % - le différentiel entre le montant collecté et le plafond étant versé au budget général de l'État.

Au 8 février 2019, la collecte s'élevait à 146 millions d'euros, soit 30 millions d'euros de plus que dans les prévisions d'octobre 2018 ; néanmoins, selon la Cour des comptes, ce montant devrait être revu à la baisse, d'environ 15 millions d'euros, en raison de versements indus.

Ainsi, près de 36 millions d'euros seront reversés au budget général de l'État, et ce, alors même que la situation financière des opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche demeure fortement contrainte. Comme votre rapporteur l'a déjà souligné lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, il est éminemment regrettable que les sommes collectées ne soient pas intégralement affectées à la vie étudiante.

Si, dans ce contexte, le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation se sont engagés, dans un communiqué commun du 23 octobre 2018 à réviser à la hausse le plafond de cette taxe au cours de l'année 2019, force est de constater que cette révision n'a toujours pas eu lieu. Votre rapporteur appelle donc le Gouvernement à tenir ses engagements, et à revoir à la hausse le taux de plafonnement de la CVEC.

Par ailleurs, votre rapporteur prend note des efforts réalisés par le ministère pour garantir un meilleur suivi de l'affectation de cette ressource. En effet, le décret du 19 mars 2019 226 ( * ) relatif aux modalités de programmation et de suivi des actions financées par la CVEC prévoit que les établissements affectataires de cette taxe devront établir, chaque année, une programmation et un bilan des actions financées . De surcroît, la circulaire du 21 mars 2019 précise et encadre le champ des actions éligibles à un financement par la CVEC.

Dans la mesure où la création d'une taxe affectée déroge au principe d'universalité budgétaire et de ce fait, échappe au contrôle de la représentation parlementaire, votre rapporteur sera particulièrement attentif à la publication annuelle du bilan des actions financées , veillant à l'exhaustivité des informations transmises, de manière à permettre un suivi tangible de l'usage de ces fonds .

7. Une prise en compte encore insuffisante de la performance

Comme votre rapporteur a déjà eu l'occasion de le souligner, la mesure de la performance budgétaire de la mission « Enseignement supérieur » demeure très lacunaire.

En effet, les 23 indicateurs et 49 sous-indicateurs se rapportant aux 9 objectifs des programmes 150 « Enseignement supérieur » et 231 « Vie étudiante » présentent de nombreuses limites , que votre rapporteur a déjà pointées à plusieurs reprises.

Ainsi, la plupart des indicateurs du programme 231 sont appréhendés sous l'angle de la performance sociale ou de la satisfaction des étudiants ; il demeure donc difficile d'en déduire une déclinaison opérationnelle .

Par ailleurs, un nombre important d'indicateurs et de sous-indicateurs restent non renseignés pour l'année concernée ; cela concerne 17 des 35 sous-indicateurs du programme 150 pour 2018, soit plus de la moitié. À titre d'exemple, l'indicateur 2.1 du programme 150, « part des sortants du supérieur sans diplôme post-bac », n'est pas renseigné pour les années 2016 à 2018, en raison du mode de calcul retenu. Ce décalage temporel limite considérablement l'intérêt et la portée des indicateurs, qui ne peuvent être mobilisés pour mesurer la performance de politiques ponctuelles ou expérimentales .

À ce titre, votre rapporteur serait favorable à la création d' indicateurs « temporaires » (sur quelques années), directement liés au suivi de la mise en oeuvre d'une politique développée par le gouvernement en place .

Au demeurant, votre rapporteur déplore que les indicateurs actuels ne permettent pas de réellement évaluer la performance des enseignements supérieurs . Pour remédier à cette situation, votre rapporteur réfléchit actuellement, dans le cadre de son contrôle budgétaire en cours sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités , à la mise en place d'indicateurs pertinents permettant de mesurer la performance des établissements, s'agissant notamment de la réussite étudiante.

Parmi les indicateurs qui pourraient être pertinents , figurent la mesure de l'insertion professionnelle des étudiants dès six mois après leur diplôme, en complément des données déjà disponibles à 36 mois, mais également la mesure d'objectifs plus qualitatifs, tels que l'adéquation entre l'insertion professionnelle et la formation initiale de l'étudiant, ou la qualité des enseignements et des enseignants . Des indicateurs pertinents permettront ainsi une comparaison plus aisée des établissements, et in fine une prise en compte facilitée de leur performance dans la répartition de leur dotation.

Votre rapporteur regrette, en effet, l'absence de corrélation entre l'atteinte des cibles et le niveau des moyens alloués par l'État . En effet, comme l'a relevé la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire : « Pour la répartition des moyens alloués par l'État aux universités, la France ne dispose toujours pas d'un modèle d'allocation à la performance ». En pratique, seules les écoles d'ingénieurs bénéficient d'un modèle appelé MODAL , système de répartition d'une enveloppe de moyens entre établissements, établie également à partir de critères d'activité et de performance, tandis que le système SYMPA (Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité) - mis en oeuvre en 2009 afin de répartir les moyens alloués par l'État aux universités selon des critères liés à l'activité et la performance de l'établissement - n'est plus utilisé que pour identifier les établissements bénéficiant de financements supplémentaires au titre des 5 000 créations d'emplois .

Pourtant, votre rapporteur relève que l'expérimentation d'un dialogue stratégique et de gestion , lancée à la rentrée 2018 avant d'être généralisée en 2019, constitue une opportunité unique d'impulser une démarche de performance . Ce dispositif a d'ores et déjà permis de retenir 40 projets « à la fois structurant pour les établissements et cohérents avec les politiques nationales », qui bénéficieront de 4,5 millions d'euros. Ce mode de sélection pourrait à terme faciliter le passage vers une allocation des moyens fondée sur la performance.

En tout état de cause, le contrôle budgétaire en cours de votre rapporteur conclura à des propositions et recommandations sur ce sujet .

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN)

1. Une progression stable des crédits alloués à la mission « recherche »

En 2018, les programmes « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont bénéficié, pour la seconde année consécutive, d'une hausse notable des crédits alloués en loi de finances initiale .

La somme des crédits des programmes « Recherche » votés par le Parlement s'élève ainsi à 11,51 milliards d'euros en AE et 11,57 milliards d'euros en CP , soit une hausse de 3,76 % en AE et 4,85 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2017.

Les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale » sont les principaux bénéficiaires de cette augmentation.

Les crédits du programme 172 enregistrent la plus forte progression en valeur absolue , avec une augmentation de 207,8 millions d'euros en AE (+ 3,2 %) et 343,7 millions d'euros en CP (+ 5,35 %) pour atteindre 6,72 milliards d'euros en AE et 6,77 milliards d'euros en CP. Cette hausse notable s'explique notamment par l'augmentation des crédits de paiement alloués à l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui progressent de 133,9 millions d'euros.

En 2018, les crédits du programme 193 ont également connu une progression très substantielle de 10,4 % (+ 152,1 millions d'euros en AE et en CP), pour atteindre 1 618,10 millions d'euros . A contrario , l'érosion des crédits alloués à certains dispositifs, comme la dotation budgétaire versée à l'opérateur Universcience, portée par le programme 186, ou la dotation d'intervention au Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) du programme 192, se poursuit.

Exécution des crédits des programmes « recherche » en 2018
(y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart exécution 2018 / exécution 2017

Écart exécution 2018 / LFI 2018

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 537,21

6 721,68

6 649,81

+ 1,72%

- 1,07%

CP

6 596,29

6 767,60

6 696,86

+ 1,52%

- 1,05%

193

Recherche spatiale

AE

1 453,44

1 618,10

1 597,66

+ 9,92%

- 1,26%

CP

1 453,44

1 618,10

1 597,66

+ 9,92%

- 1,26%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable

AE

1 570,73

1 761,45

1 743,90

+ 11,03%

- 1,00%

CP

1 902,52

1 734,15

1 717,52

- 9,72%

- 0,96%

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

767,86

770,56

793,54

+ 3,34%

+ 2,98%

CP

862,34

810,68

886,21

+ 2,77%

+ 9,32%

191

Recherche duale

AE

161,09

179,52

174,68

+ 8,43%

- 2,70%

CP

166,70

179,52

174,68

+ 4,79%

- 2,70%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

111,91

113,97

110,88

- 0,92%

- 2,71%

CP

113,38

113,89

110,89

- 2,20%

- 2,64%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

330,20

345,12

339,17

+ 2,72%

- 1,72%

CP

329,68

345,98

339,85

+ 3,08%

- 1,77%

Total « Recherche »

AE

10 932,45

11 510,41

11 409,66

+ 4,37%

- 0,88%

CP

11 424,35

11 569,94

11 523,67

+ 0,87%

- 0,40%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette tendance se confirme en exécution, avec une hausse de 4,37 % en AE et 0,87 % en CP des crédits consommés par les programmes « Recherche » . L'écart de 42,27 millions d'euros entre les crédits votés et les crédits consommés s'explique par l'annulation, en loi de finances rectificative, de la quasi-totalité des crédits mis en réserve .

2. Une budgétisation sincère, se traduisant par une bonne gestion en cours d'exercice

Comme le montre le tableau suivant, les taux d'exécution par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale des programmes « Recherche » demeurent légèrement inférieurs à 100 % , à l'exception du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » , caractérisé par une sur-exécution en AE et en CP (voir infra ).

Taux d'exécution des crédits des programmes « Recherche »

(en %)

Intitulé du programme

Taux d'exécution par rapport aux crédits votés en LFI 2018

Taux d'exécution par rapport aux crédits ouverts

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

98,93 %

99,97 %

CP

98,95 %

99,99 %

193

Recherche spatiale

AE

98,74 %

100,00 %

CP

98,74 %

100,00 %

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

99,00 %

99,80 %

CP

99,04 %

99,85 %

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

102,98 %

95,84 %

CP

109,32 %

99,59 %

191

Recherche duale

AE

97,30 %

100,00 %

CP

97,30 %

100,00 %

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

97,29 %

99,18 %

CP

97,36 %

98,26 %

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

98,28 %

79,06 %

CP

98,23 %

99,62 %

Total « Recherche »

AE

99,12 %

98,85 %

CP

99,60 %

99,92 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi, l'exécution 2018 traduit une remise à niveau importante des moyens alloués aux programmes « Recherche » , puisque les crédits consommés demeurent inférieurs de 0,4 % aux crédits votés en loi de finances initiale. Cette amélioration globale s'explique par une budgétisation adéquate, en 2018, de l'enveloppe dévolue aux programmes 172 et 190 , dont les taux d'exécution entre 2017 et 2018 ont respectivement chuté de 102,7 % à 99,0 % et de 111,1 % à 99,0 %.

Variation du taux d'exécution des crédits de paiement des programmes « Recherche » entre 2017 et 2018

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En pratique, la budgétisation de la contribution aux organismes scientifiques internationaux du programme 172 et du programme 193 a été effectuée, en 2018 , à un niveau plus satisfaisant, en raison notamment des efforts engagés pour résorber le déficit cumulé de la France auprès de l'Agence spatiale européenne . Le ministère anticipe désormais une résorption complète du déficit dès 2020, comme votre rapporteur l'a exposé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2019.

Par ailleurs, certaines lignes budgétaires traditionnellement en tension - crédits d'intervention de l'ANR, dotations aux infrastructures de recherche - ont été relevées dans la loi de finances initiale.

Votre rapporteur salue l'effort ainsi réalisé, permettant de rompre avec la sous-budgétisation constatée sur l'exécution 2017 - les crédits consommés étant alors supérieurs de 3,53 % aux crédits votés.

La rebudgétisation opérée en 2018 se traduit également par une gestion exempte de toute mesure de rabots ou de surgels . Ainsi, hormis pour les programme 192 et 191, l'écart entre les crédits votés et les crédits consommés en 2018 demeure inférieur à 2 %. Le schéma de gestion de 2018 se différencie donc nettement de celui de 2017, marqué par de nombreuses annulations de crédits aux conséquences délétères pour la recherche française , ce dont votre rapporteur ne peut que se féliciter.

Les demandes de dégel pour l'année 2018 sont relativement peu nombreuses , et liées à des dépenses non pilotables et inéluctables ; c'est notamment le cas des contributions aux organismes internationaux , pour lesquelles les montants appelés en loi de finances initiale font l'objet d'un gel uniforme en début de gestion alors qu'ils correspondent exactement aux sommes à verser. À cet égard, si le rebasage de ces contributions est appréciable, après plusieurs années marquées par des impasses budgétaires de grande ampleur, votre rapporteur regrette que le ministère continue à appliquer une réserve sur ces crédits, créant une difficulté de gestion préjudiciable et tout à fait évitable .

Finalement, en loi de finances rectificative, plus de 183 millions d'euros en AE et 178 millions d'euros en CP de crédits mis en réserve ont ainsi restitués à l'État , ce qui correspond à l'annulation de 94 % des crédits mis en réserve initialement. Toutefois, seul le programme 186 procède à l'annulation intégrale des crédits mis en réserve, tandis que le programme 142 se voit appliquer une annulation nette de crédits supérieure à la réserve initiale (4,8 millions d'euros annulés pour un montant de réserve de 2,9 millions d'euros).

Si votre rapporteur salue la rigueur ayant présidé à cette bonne gestion, il regrette toutefois que les crédits mis en réserve n'aient pas davantage été consacrés au soutien financier des organismes de recherche, dont les marges de manoeuvre ont été considérablement réduites ces dernières années.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les efforts entrepris pour sanctuariser, en cours d'année, les moyens alloués aux programmes « Recherche » méritent donc d'être relevés, tant cette stabilité budgétaire se révèle cruciale pour le développement des activités de recherche sur le territoire national .

Cependant, pour nécessaire qu'elle soit, cette stabilité budgétaire annuelle n'est pas suffisante, au regard des spécificités propres aux dépenses de recherche. En effet, étant donné l'ampleur des investissements consentis et, par conséquent, la durée nécessaire pour les rentabiliser, la programmation en matière de recherche doit impérativement intégrer une dimension pluriannuelle, de manière à offrir autant de visibilité que possible aux chercheurs .

Au demeurant, comme votre rapporteur l'avait relevé dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, plusieurs situations d'impasse budgétaire se présentent à long terme, comme le financement de la construction du Réacteur Jules Horowitz pour le CEA ou les investissements à venir pour renouveler la flotte océanographique de l'Ifremer, appelant à une gestion plus prospective des crédits dédiés aux organismes de recherche.

Votre rapporteur, qui avait émis l'idée d'une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, se félicite dès lors que cette proposition ait été reprise par le Premier ministre, et suit dès à présent avec un grand intérêt les travaux préludant à l'élaboration de cette loi.

3. La constitution d'une marge de gestion : une initiative du ministère à mieux encadrer

En 2018, le taux de réserve applicable en 2018 a été ramené de 4,85 % à 3 % pour les crédits hors dépenses de personnels, tandis qu'il a été relevé de 0,35 % à 0,5 % pour les dépenses de fonctionnement portées par le titre 2. Pour l'ANR et les groupements d'intérêt public, le taux appliqué en 2017 s'élevait à 8 % sur les dépenses d'intervention et sur les crédits de fonctionnement.

Arguant de la stabilité des moyens notifiés aux opérateurs en 2017 - la notification n'intégrant pas la baisse de la réserve au taux normé -, le ministère a donc pris l'initiative de constituer une « marge de gestion » , correspondant à la différence entre le taux de réserve normé de 2018 et le taux de réserve applicable en 2017, afin de permettre un redéploiement interne des crédits disponibles .

Selon la Cour des comptes, cette marge de gestion s'est élevée à 63,3 millions d'euros en CP en 2018, dont 59,7 millions d'euros en provenance du programme 172 et 3,6 millions d'euros issus du programme 193.

Constitution de la marge de réserve des programmes « Recherche » en CP

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la Cour des comptes

La marge de gestion a principalement été mobilisée pour le renforcement les moyens des laboratoires (25 millions d'euros) et le financement des plans Santé confiés à l'Inserm (6,5 millions d'euros), tandis que 9,5 millions d'euros sont revenus à l'ANR.

Utilisation des crédits composant la marge de gestion (en CP)

(en millions d'euros)

Bénéficiaire

Montant

ANR Carnot

3,00

ANR complément

9,50

Renforcement des moyens aux laboratoires

25,00

Régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP)

3,07

Jouvence de la flotte océanographique française

3,00

Système d'informations Recherche

3,20

CNRS Saclay - Déménagement des Labos

3,90

INSERM

6,50

Expositions Dubai, Esof, Cofund

1,0

“Make our planet great again”

0,75

Dispositifs innovations

3,34

Divers sujets - action 1 du programme 172

0,49

Total programme 172

59,75

CNES

3,63

Total programme 193

3,63

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la Cour des comptes

La manière dont cette marge de gestion a été constituée, d'une part, ainsi que l'utilisation des crédits ainsi dégagés, d'autre part, appellent plusieurs remarques de votre rapporteur.

En premier lieu, votre rapporteur déplore que cette marge de gestion soit composée, à près de 60 % (soit 37,74 millions d'euros en CP), de crédits d'intervention de l'ANR , dans la mesure où depuis 2016, la budgétisation des moyens alloués à l'Agence a constamment été revue à la hausse, afin d'apurer le stock de projets plus anciens , et d'honorer les versements liés à la hausse des engagements depuis 2016.

Dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, votre rapporteur s'est ainsi félicité de la progression de l'enveloppe d'intervention allouée à l'ANR , de 32,7 millions d'euros en AE et 86,2 millions d'euros en CP, notant que « cet effort budgétaire bienvenu devrait permettre à l'ANR de retrouver un niveau de crédits comparable à celui de 2010 et de renouer avec un taux de succès plus acceptable, de l'ordre de 14,9 % en 2017 ».

Dans ce contexte, le choix de constituer une marge de gestion au détriment des capacités d'intervention de l'ANR paraît pour le moins paradoxal , et en tout état de cause, incompatible avec l'objectif affiché par le Gouvernement d'améliorer le taux de sélection des appels à projets génériques.

Par ailleurs, votre rapporteur s'interroge sur le redéploiement de crédits opéré par le ministère.

En effet, si la constitution d'une marge de gestion peut être considérée comme une mesure prudente, destinée à prévenir tout dérapage budgétaire, force est de constater qu'elle conduit les gestionnaires à s'affranchir du respect des autorisations votées en loi de finances initiale . En pratique, les crédits non répartis qui composent la marge de gestion peuvent être mobilisés de manière discrétionnaire, sans aucun contrôle, ni même aucune information du Parlement. De surcroît, l'utilisation réelle des crédits ne correspond plus, in fine , à la présentation qui en a été faite dans les documents budgétaires , et sur laquelle les parlementaires ont été amenés à se prononcer. Enfin, selon les informations transmises à votre rapporteur, le ministère aurait laissé aux opérateurs une grande marge de manoeuvre pour l'emploi de ces crédits, ne prévoyant pas de suivi spécifique du dispositif.

Dès lors, votre rapporteur émet quelques réserves quant à cette initiative, limitant le contrôle exercé par le Parlement sur l'emploi des crédits votés . Au demeurant, l'utilisation détaillée des crédits constituant la marge de gestion devrait figurer de manière claire et lisible dans le rapport annuel de performance .

4. Le programme 192 : une sur-exécution désormais récurrente des crédits, dont les déterminants sont bien connus

Tandis que tous les autres programmes rattachés à la mission « Recherche » sont caractérisés par une légère sous-exécution, le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » se distingue en 2018 par un taux d'exécution de 103 % en AE et 109 % en CP par rapport aux crédits votés.

Cette sur-exécution, désormais récurrente, résulte principalement du dépassement constaté pour le dispositif « Jeunes entreprises innovantes » 227 ( * ) , se traduisant par un besoin de financement en fin d'année de 51,7 millions d'euros. En effet, tandis que la loi de finances initiale a budgété une dotation de 178 millions d'euros pour le dispositif, la prévision a été actualisée plusieurs fois au cours de l'année 2018, pour atteindre 223,9 millions d'euros.

Pour lever cette impasse budgétaire, le programme 192 a obtenu le dégel de la totalité de sa réserve de précaution (hors titre 2) en fin de gestion ; en parallèle, des transferts de crédits en provenance des dotations de BPI Innovation et du Fonds pour la compétitivité des entreprises (FCE), ainsi que des redéploiements de crédits au sein du programme ont été réalisés.

Si le changement des modalités de déclaration afférentes au dispositif a pu contribuer au dépassement constaté, la récurrence des impasses budgétaires met en exergue les difficultés de l'administration à anticiper l'ampleur des dépenses qui s'y rattachent . En tout état de cause, votre rapporteur regrette que l'inexactitude des prévisions se traduise par une situation de tension budgétaire pour les autres actions portées par le programme 192.

5. Un pilotage toujours insuffisant du crédit d'impôt recherche

Le crédit impôt recherche (CIR), deuxième dépense fiscale de l'État, représente à lui seul un peu plus de la moitié des dépenses fiscales de la MIRES et 6,1 % de la totalité des dépenses fiscales , un chiffre stable depuis 2014.

Évaluée à 6,0 milliards d'euros en exécution 2018 , la dépense fiscale associée au CIR se caractérise par une progression très dynamique , de l'ordre de 95,4% entre 2011 et 2018 .

Évolution de la dépense fiscale associée au CIR entre 2010 et 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Pour votre rapporteur, cette hausse continue n'est problématique que dans la mesure où l'efficacité du CIR au regard de son objectif principal, à savoir l'augmentation de la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE) est longtemps demeurée sujette à caution.

À cet égard, votre rapporteur a pris connaissance avec la plus grande attention du rapport de la commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), publié le 7 mars 2019, selon lequel la réforme du CIR de 2008 aurait atteint sa première cible , permettant aux dépenses de recherche et de développement de croître dans une période pourtant marquée par la crise économique et la poursuite du mouvement de désindustrialisation de l'économie française .

Le CNEPI avance par ailleurs que les effets indirects du CIR demeurent relativement mal appréhendés, dans la mesure où les différentes études récentes se sont focalisées sur la mesure des effets directs sur les bénéficiaires du CIR. Dans ce contexte, votre rapporteur étudiera avec intérêt les résultats de la seconde phase d'évaluation du CIR, lancée début 2019 .

Votre rapporteur note, par ailleurs, que la créance fiscale associée au CIR a systématiquement été sous-évaluée entre 2010 et 2012 , puis plus récemment, entre 2017 et 2018 comme le montre le graphique supra . Ainsi, le chiffrage initial du montant du CIR pour 2018 a été revu à la hausse en exécution, passant de 5,8 milliards d'euros à 6,0 milliards d'euros (+ 3,4 %).

Certes, le montant du CIR demeure par nature difficile à anticiper , dans la mesure où la dépense fiscale dépend de la dynamique de la créance, mais aussi de l'impôt sur les sociétés et des demandes de remboursement immédiat des entreprises, dont les règles ont varié depuis 2008. Ainsi, la part des entreprises bénéficiaires du droit au remboursement immédiat et en demandant l'application peut fluctuer selon les exercices et expliquer les variations de la dépense fiscale constatées en exécution.

Votre rapporteur appelle cependant l'administration à poursuivre l'amélioration du chiffrage du CIR , afin d'assurer un meilleur pilotage des dépenses associés à ce crédit d'impôt et in fine , garantir une gestion plus rigoureuse et fidèle des programmes « Recherche » .

MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET CAS « PENSIONS » - Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » EN 2018

La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les subventions versées par l'État à certains régimes spéciaux en déséquilibre démographique et dont les règles de retraite comportent des particularités. Les dépenses de la mission ne financent pas la totalité des prestations servies par les régimes spéciaux mais seulement les déséquilibres financiers, assez différenciés selon les cas, entre les prestations qu'ils servent et leurs ressources propres.

Ces régimes correspondent à des entreprises (SNCF, RATP, SEITA...) ou à des professions (marins, mineurs, exploitants agricoles...) considérées comme dotées de caractéristiques particulières du fait d'une diversité de facteurs propres à leur histoire, leurs équilibres, la nature des professions exercées justifiant l'existence de règles particulières de constitution et de valorisation des droits à retraite des affiliés.

Certains sont « ouverts » c'est-à-dire qu'ils renouvellent leur population quand d'autres, « fermés », n'accueillent plus de nouveaux cotisants et sont appelés à s'éteindre plus ou moins rapidement.

Les dépenses budgétaires en provenance de la mission, qui ne couvre que certains des régimes spéciaux de la galaxie du système de retraite, s'élèvent en 2018 à 6,447 milliards d'euros .

À titre d'illustration, cette somme représente 11 % des dépenses de pensions portées par le compte d'affectation spéciale « Pensions » ou encore 3,2 % des dépenses du régime général des salariés et des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO.

Au niveau de la mission, qui comporte trois programmes d'importance inégale, les dépenses ont été sensiblement supérieures aux crédits initialement programmés pour 2018 , à hauteur de + 2,6 %, donnée globale s'accompagnant d'évolutions propres à chaque programme.

La hausse substantielle des dépenses par rapport à l'exercice précédent (+ 1,9 %) a ainsi démenti les prévisions budgétaires qui tablaient sur une quasi-stabilisation des besoins de couverture des déséquilibres des régimes spéciaux.

Toutefois, cette déconvenue, qui s'est matérialisée sur le seul programme 198, le plus lourd en enjeux budgétaires, peut être attribuée à des motifs assez largement non récurrents, de sorte que, sauf profondes modifications des comportements de départ en retraite, l'exercice 2019 devrait se traduire par une réduction des dépenses de la mission, réduction qui est d'ailleurs programmée (- 163 millions d'euros par rapport aux dépenses de 2018).

A. DES DÉPENSES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS DU FAIT DE FACTEURS NON RÉCURRENTS

Au cours de l'exercice 2018, les crédits programmés n'ont pas suffi à couvrir les dépenses de la mission. Ces dernières ont excédé de 116 millions d'euros, les crédits votés en loi de finances initiale, moyennant des évolutions diversifiées selon le programme considéré.

Une fois encore, les besoins de financement du déficit du régime de la SNCF, fréquemment sous-estimés en loi de finances initiale ont pesé. Il en est allé de même pour le régime de la RATP.

Par ailleurs, le règlement d'un contentieux a joué.

La surconsommation des crédits a contraint les gestionnaires à lever la réserve de précaution, qui, au demeurant, apparaît comme d'application largement virtuelle s'agissant d'une mission budgétaire chargée de financer des droits sociaux insuffisamment couverts par les ressources ordinaires des régimes.

Dans ces conditions, la contribution de la mission au bouclage des objectifs macro-financiers publics a été légèrement négative.

1. Des dépenses globales supérieures aux crédits programmés couvertes au moyen d'ajustements diversifiés

L'écart entre la prévision de dépenses et l'exécution avait été très faible ces quatre dernières années. À titre d'exemple, pour l'exercice 2017, un léger dépassement des crédits ouverts en loi de finances initiale avait occasionné une consommation en excédent de 23 millions d'euros (0,4 % des crédits initiaux).

En 2018, l'écart entre les crédits de la mission et les dépenses est nettement plus conséquent (2,6 % de plus que les crédits ouverts).

Les dépenses de l'État au bénéfice des caisses de retraite couvertes par le programme 198 ont excédé de 127 millions d'euros les prévisions. La sous-consommation des crédits de la loi de finances initiale constatée sur le programme 195 (- 11 millions d'euros), qui concerne très majoritairement le régime minier ne compensant pas les besoins complémentaires des régimes des entreprises et professions des transports terrestres.

Données d'exécution des crédits de la mission entre 2016 et 2018

(en millions d'euros)

Exécution 2016

Exécution 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits ouverts en 2018

Exécution 2018

Dépenses 2018/2017

Dépenses 2018/ crédits votés en 2018

Programme 198 « Régimes sociaux de retraite et transports terrestres »

4 066

4 075

4 120

4 247

4 247

+ 172

+ 127

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

825

828

824

824

824

-4

0

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 429

1 427

1 388

1 377

1 377

-50

- 11

Total

6 320

6 330

6 282

6 448

6 448

+ 118

+ 116

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexé au projet de loi de règlement pour 2017 et 2018

a) Une ouverture massive de crédits en loi de finances rectificative et des mouvements réglementaires discutables

Les charges non provisionnées ont été couvertes par des mouvements divers en gestion principalement marqués par l'ouverture de 115,5 millions d'euros de crédits en loi de finances rectificative.

Les besoins de financement supplémentaires du programme 198 (127,5 millions d'euros au total pour les deux régimes de la SNCF et de la RATP) ont été couverts par une série d'ajustements.

Une partie des crédits du programme 198 correspondant à l'action 05 du programme a été sollicitée dans le cadre d'une opération de fongibilité interne à ce programme. Mais sa contribution a été minime de sorte qu'un décret de transfert (n° 2018-1023 du 22 novembre 2018) du programme 195 de la mission « Régimes de retraite, des mines, de la SEITA et divers » est intervenu pour un montant de 11,5 millions d'euros, complété par la loi de finances rectificative n° 2018-1104 du 10 décembre 2018, qui a ouvert 115,5 millions d'euros au programme 198.

En ce qui concerne le transfert entre le programme 195 et le programme 198, votre rapporteure spéciale rappelle que, dans son analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes s'interroge régulièrement sur la conformité de ce type de transfert aux dispositions de la loi organique sur les lois de finances (article 12-2° de la loi organique) dans la mesure où les objets, initial et final, des crédits transférés pourraient être considérés comme différents. Elle en conclut que ces mouvements de crédits devraient passer par la voie de décrets d'avance ou d'une loi de finances rectificative.

Votre rapporteure spéciale prend acte de l'observation de la Cour des comptes et, comme l'an dernier, recommande qu'à l'avenir, si les conditions en sont réunies, des mouvements de crédits de cette nature empruntent les voies prévues par la loi organique.

b) Une réserve de précaution intégralement levée, mais obstinément maintenue

La mise en réserve des crédits de la mission a été intégralement levée.

Compte tenu de son volume budgétaire, c'est le programme 198 qui avait, en montant, connu la mise en réserve la plus significative (123,6 millions d'euros) quoiqu'à un taux plus bas que dans la précédente loi de programmation, de 3 % contre 8 %.

L'application d'un taux de réserve aussi élevé que celui prescrit par la précédente loi de programmation à des crédits dont la vocation, même si elle est moins directe que lorsque celui-ci verse directement des prestations représentatives de créances des administrés, est d'honorer des engagements de l'État, suscitait une réelle perplexité. Prise à la lettre, elle jetait une sorte de suspicion sur la parole de l'État, qui, convenons-en était particulièrement fâcheuse.

La diminution du taux de réserve est ainsi particulièrement heureuse pour la mission, mais elle n'élimine pas les inconvénients signalés. Sa seule justification pourrait provenir d'ajustements sur les recettes propres des régimes dont l'État garantit les équilibres financiers. Or, cette variable est peu flexible, se trouvant l'objet d'une programmation réglementaire qui est au coeur des réformes des régimes spéciaux de retraite mises en oeuvre depuis 2007.

Au demeurant, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes de 2017, la décision de maintien de la réserve sur les dotations de la mission, bien que prise à l'initiative du ministère de l'économie et des finances, avait conduit son organe de contrôle, le contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à émettre un avis favorable, mais avec réserve sur les documents prévisionnels de gestion.

Cette situation offre des perspectives étonnantes sur l'application de certaines règles budgétaires.

En tout cas, elle altère la crédibilité de la réserve de précaution constituée dans le cadre d'ensemble du budget de l'État comme moyen de flexibilité budgétaire destiné à répondre à des imprévus.

2. Un écart avec les prévisions dû principalement à un événement exceptionnel

Le dépassement des crédits initialement ouverts peut être attribué à la combinaison d'un événement exceptionnel aux conséquences mal anticipées lors de la programmation des besoins de financement de la caisse de retraites des personnels de la SNCF (CPRP-SNCF) complété par un besoin de financement de certains régimes plus élevé que prévu.

a) Un besoin de financement de la CPRP-SNCF supérieur à la prévision

En ce qui concerne la SNCF, lors des trois exercices précédents, des abondements en gestion avaient déjà dû intervenir.

En 2015, un déficit supplémentaire de près de 81 millions d'euros par rapport aux prévisions budgétaires avait dû être financé. En 2016, 51 millions d'euros avaient, à nouveau été dégagés pour combler le déficit de la programmation initiale, dont 16 millions d'euros prélevés sur la dotation prévisionnelle programmée au bénéfice de la caisse de la RATP. En 2017, la consommation des crédits a excédé de 18,3 millions d'euros les dotations de la loi de finances.

Après des excédents de dépenses totalisant 150,3 millions d'euros au cours de la période 2015-2017, l'exercice 2018 a enregistré une nouvelle surcharge de 125 millions d'euros par rapport aux besoins estimés en loi de finances initiale au titre du régime ferroviaire, soit un surcroît de dépenses de 3,8 % par rapport au prévisionnel, portant à 275,3 millions d'euros les excédents de charges budgétaires par rapport aux prévisions au cours de la période 2015-2018.

La surcharge constatée par rapport à la prévision a été tributaire du règlement d'une dette de l'État envers la CPRP-SNCF résultant du dénouement d'un contentieux portant sur la fixation du taux de cotisation employeur T1, qui a suscité une dépense de 104,6 millions d'euros.

Le contentieux entre l'État et la SNCF
sur les taux des cotisations employeurs « T1 »

Le taux de cotisation des établissements constituant le Groupe public ferroviaire (GPF) est égal à la somme d'un taux T1 représentant les cotisations qui seraient versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun et d'un taux T2 destiné à financer les droits spécifiques du régime spécial.

À plusieurs reprises, la SNCF a demandé l'annulation de l'arrêté de la direction du budget fixant le taux T1, remettant en cause l'assiette de calcul de ce taux au motif que la répartition des effectifs (entre cadres et non cadres) n'était pas conforme à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres, la détermination des cadres par l'arrêté de fixation du taux de cotisation ayant excédé le périmètre légal.

Le Conseil d'État a annulé, par décision du 20 mai 2016 et du 11 juillet 2016, les arrêtés ministériels du 16 juillet 2014 et du 27 juillet 2015 fixant les composantes T1 définitives pour 2013, 2014 et provisoire pour 2015.

À la suite des annulations prononcées par le Conseil d'État en 2016, il a fallu attendre un arrêté du 2 mai 2017 pour que le taux T1 des années 2013 à 2015 soit revu à la baisse dans les conditions suivantes précisées par l'arrêté susmentionné.

T1

2013

2014

2015

Taux initial

23,19%

23,60%

23,86% (prévisionnel)

Taux corrigé

22,49%

22,89%

23,42%

Variation

- 0,70%

- 0,71%

- 0,44%

Au-delà du délai d'ajustement du taux T1 il convient de prendre en compte un nouveau délai, celui s'étant écoulé entre l'arrêté de mai 2017 et le règlement financier du litige, le cumul de ces deux délais ayant aggravé la charge budgétaire du contentieux.

À la suite de l'annulation prononcée par le Conseil d'État, les taux d'appel des cotisations employeur T1 ont été minorés. En conséquence, une régularisation de cotisations de la CPRP-SNCF en faveur du groupe public ferroviaire a été effectuée en juin 2017 pour 99,3 millions d'euros. La CPRP-SNCF a alors compensé cette baisse de ressources par une provision de 99,3 millions d'euros sur l'exercice 2017. Finalement, les délais mis pour régulariser la dette de l'État ont en accru la charge pour ce dernier, qui a dû consentir 104,6 millions d'euros de dépenses pour régler sa dette.

Il est heureux de constater que l'issue des contentieux entre la SNCF et l'État n'est pas toujours aussi défavorable. Ainsi la réestimation du taux T2 revu à la hausse à compter du 1 er mai 2017 de 11,81 % à 13,85 % (décret n° 2017-691 du 2 mai 2017), pour un total de 90 millions d'euros en année pleine ayant suscité une requête en annulation du Groupe public ferroviaire (GPF) auprès du Conseil d'État, ce dernier a estimé en juillet 2018 que le GPF n'était pas fondé à demander l'annulation du décret.

À ce motif d'évolution des besoins s'en ajoutent d'autres de sens contraires mais qui se sont traduits par un léger alourdissement du besoin de financement de caisse.

Du côté des économies, l'absence de revalorisation des retraites décidée en loi de financement de la sécurité sociale aurait allégé le besoin de financement de la caisse de l'ordre de 14 millions d'euros tandis que le retour à une situation de créancière nette de la caisse au titre de la compensation lui a apporté 15 millions de ressources supplémentaires.

Du côté de la dégradation du besoin de financement, l'impact de la longue période de grève de l'an dernier est estimé à 23 millions d'euros de pertes de cotisations, entièrement compensés par la dépense budgétaire.

b) Le régime de la RATP, moins de recettes qu'anticipé

De son côté, le régime de la RATP a suscité environ 3 millions d'euros de dépenses de plus que les dépenses programmées, soit un alourdissement de 0,4 %.

Les cotisations ont été moins dynamiques que prévu et l'inflexion des charges par rapport aux anticipations n'a pas permis de financer les moins-values de recettes.

Déterminants de l'évolution du besoin de financement
de la caisse de retraites de la RATP par rapport aux prévisions

Source : rapport annuel de performances 2018

L'ampleur prise par le déficit des recettes de cotisations par rapport aux prévisions (près de 5 %) doit être soulignée.

En outre, les moins-values de recettes sont attribuables à un différend entre la RATP et l'État sur les modalités de détermination de la cotisation employeur. Ce différend a conduit l'entreprise à refuser de verser 3 millions d'euros qu'elle considère comme indus.

c) La cristallisation attendue d'une charge « provisoire »

L'exercice 2017 avait été marqué par l'ouverture de 55 millions d'euros pour couvrir les besoins financiers du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) consécutive à un amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Cette mesure alors présentée comme provisoire car devant combler un déficit de trésorerie ponctuel, en lien avec le processus de revalorisation des retraites agricoles, et devant être remplacée par l'inscription de ressources supplémentaires au titre des taxes affectées, a finalement été prolongée par la loi de finances pour 2018.

Il vaut d'être relevé, dans le contexte actuel d'élaboration d'une réforme du régime des retraites supposée consacrer l'adoption d'un régime en points plutôt qu'en annuités afin d'assurer une plus étroite relation entre les revenus d'activité et les droits acquis pour la retraite, dans la perspective de renforcer la dimension contributive du régime des retraites, que le régime complémentaire des exploitants agricoles est précisément un régime en points.

Le choix de revaloriser les pensions de retraite des exploitants agricoles à partir de leur régime complémentaire plutôt qu'en sollicitant les équilibres du régime de base a conduit à faire peser sur ce régime des charges non finançables autrement que par la sollicitation de la solidarité nationale, sauf à imposer aux exploitants en activité des surcharges considérables.

Dans ce contexte, l'alternative entre une augmentation des taxes affectées, qui, avec le produit de la taxe sur les farines et celui de la taxe sur les huiles, représentait la majeure partie des recettes non contributives du régime, et un financement sur crédits budgétaires a été récusée au profit d'une combinaison de ces produits.

Les 55 millions d'euros de crédits budgétaires consommés en 2018 accentuent, pour le régime complémentaire des exploitants agricoles, l'entorse au principe contributif que les régimes en points sont censés incarner à l'avenir. Ils apportent la démonstration que le principe de réalité, en particulier, les contraintes de la démographie, impose des compositions avec des principes abstraits aux conséquences potentiellement très injustes. Par-là, l'on voit qu'un régime en points n'est pas nécessairement un régime contributif dès lors que l'équation entre le niveau de la cotisation et le niveau des points obtenus en contrepartie n'est plus strictement respectée.

Quant au choix entre un financement par fiscalité affectée et un financement sur crédits budgétaires, il engage des considérations opposées. Du point de vue du pilotage de la solidarité nationale, un financement sur crédits paraît plus satisfaisant ; ce type de financement est plus respectueux des principes budgétaires et de l'intégrité de l'autorisation parlementaire. À ces considérations, s'oppose une vision qui fait valoir que la responsabilité financière des régimes serait plus effective si le financement de la solidarité nationale reposait sur une certaine automaticité, dépendant de la dynamique des recettes affectées. Cet argument, qui est quelque peu en porte-à-faux avec les critiques qu'inspirent en général les affectations de recettes, cède devant une réalité qui n'empêche nullement les régimes massivement affectataires de taxes de bénéficier au surplus de subventions d'équilibres en provenance de diverses entités (État ou autres régimes de retraites).

Que la mission « Régimes sociaux et de retraite » prenne en charge une part croissante des subventions d'équilibre des régimes, que ce soit pour compenser des déséquilibres économiques et démographiques ou pour financer des droits non contributifs n'a rien d'extravagant aux yeux de votre rapporteure spéciale.

Cette option est susceptible d'apporter des clarifications par rapport à un mécanisme de transferts plus opaque reposant sur des taxes affectées. Par ailleurs, elle ouvre la voie à une structure de financement plus en harmonie avec la nature des charges à couvrir puisqu'aussi bien il n'existe pas de justification à ce que les consommateurs de produits céréaliers ou d'huiles végétales soient les seuls contributeurs aux besoins d'équilibre du régime complémentaires des exploitants agricoles.

En second lieu, l'adoption de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ayant pour effet de priver l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) de 15 millions d'euros de recettes correspondant aux droits sur les tabacs (dont la moitié versée au régime de retraite) n'avait pas été anticipé par la loi de finances. Dans ces conditions, la trésorerie de l'établissement a dû être sollicitée (6 millions d'euros) pour couvrir le surcroît de besoin de financement associé à cette mesure.

Ce palliatif ne fait que prolonger une tendance par laquelle à la dépense budgétaire est substituée la mobilisation du fonds de roulement de l'établissement. Celui-ci qui atteignait 98 millions d'euros à fin 2015 n'est plus que de 30,7 millions d'euros au terme de l'exercice 2017 (soit une économie budgétaire de 67,3 millions d'euros en deux ans).

d) Peu de mouvements internes aux programmes, mais des transferts à partir de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Alors que des redéploiements de moyens importants avaient caractérisé l'exécution interne du programme 198 en 2016, l'année 2018 n'a été marquée que par peu de transferts entre les différentes actions du programme : 2 millions d'euros au total au profit de la CPRP-SNCF et du gestionnaire du régime de fin d'activité des conducteurs routiers.

En revanche, la subvention d'équilibre prévue au projet du programme 195 pour couvrir le besoin de financement du régime minier a été ponctionnée à hauteur de 11,5 millions d'euros sur la base d'opérations comptables réalisées par la CANSSM qui ont permis de réduire son besoin de financement de 7,3 millions d'euros.

B. UNE RÉDUCTION TENDANCIELLE DES CHARGES DE LA MISSION CONTRARIÉE À COURT TERME ET AU-DELÀ ?

Les dépenses de la mission s'inscrivent sur une trajectoire régulièrement baissière dont la pente devrait s'accentuer à mesure de l'entrée en vigueur de l'ensemble des réformes apportées aux régimes spéciaux de retraite, dont le calendrier a été conçu comme devant être progressif et subir un décalage par rapport à son application aux autres régimes de retraite, notamment à celui de la fonction publique de l'État.

À court terme, cette tendance apparaît toutefois contrariée.

Appréciées par rapport à l'exécution des crédits de 2016, les dépenses de 2018 marquent une augmentation de 128 millions d'euros, la réduction de 107 millions d'euros des charges du programme 195 ayant été compensée par un changement de périmètre de la mission (programme 195) par lequel elle supporte depuis 2017 une subvention d'équilibre de 55 millions d'euros au profit du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) et par l'alourdissement des charges du programme 198 (+ 181 millions d'euros, dont 76,4 millions d'euros hors règlement de la dette de l'État).

L'essentiel de cette augmentation concerne l'exercice 2018.

En 2017, à périmètre constant, les dépenses avaient baissé de 45 millions d'euros (- 0,6 % par rapport à 2016) ; elles s'accroissent de 116 millions d'euros en 2018 (+1,9 %), moyennant toutefois des évolutions contrastées.

Les limites d'un raisonnement à périmètre constant

L'analyse des dépenses budgétaires à périmètre constant tend à neutraliser l'impact de certaines évolutions de charges sur l'analyse de leur dynamique. Or, cette neutralisation est plus ou moins justifiée selon la nature des charges nouvellement rattachées à une mission.

Le raisonnement à périmètre constant est justifié si l'on souhaite apprécier le devenir d'engagements constitués dans le passé. Il s'agit de voir comment la « photographie » évolue.

Néanmoins, ce raisonnement ne doit pas conduire à négliger les évolutions du réel, à « prendre l'image pour la réalité ».

Sauf lorsque le rattachement d'une charge à une mission budgétaire ne résulte que d'un simple jeu d'écritures, on ne peut considérer autrement que comme une charge bien réelle l'inscription d'une nouvelle dotation dans une mission budgétaire.

La création d'une nouvelle action dans le programme 195 correspondant au besoin d'équilibre du RCO ne saurait être traitée autrement.

Tant que des recettes particulières n'auront pas été dégagées pour financer complètement cette amélioration bienvenue des retraites des exploitants agricoles, la solidarité nationale ne manquera pas d'être sollicitée pour assurer ce financement.

L'alourdissement des dépenses de la mission correspondant, de 55 millions d'euros en 2017, doit donc être considéré, à ce stade, comme pleinement représentatif d'une charge nouvelle et, jusqu'à preuve du contraire, pérenne.

À plus long terme, les charges d'équilibrage des régimes spéciaux de retraite devraient décliner. Toutefois, le profil temporel de ce repli sera modifié du fait de la réforme ferroviaire qui conduit à en décaler la survenue dans le temps, tout en renforçant l'ampleur, mais à long terme.

1. Après avoir dégagé des économies supérieures à celles prévues dans les récentes programmations triennales, l'exécution 2018 excède le plafond de la nouvelle loi de programmation sans qu'il faille attribuer à cet excédent une signification durable

Le bilan de la programmation pluriannuelle annoncé dans le rapport annuel de performances de la mission n'est pas exposé, ce qu'il faut regretter. Toutefois, force est d'observer que les dépenses constatées excèdent le plafond de dépenses fixé par la nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Ce résultat, sans signification durable, contraste avec les évolutions passées, qui ont vu la mission contribuer plus que prévu à la réduction des dépenses de l'État, pour des raisons, il est vrai, essentiellement passives.

a) Ces dernières années, la modération de l'inflation a été une manne pour la mission...

Ces dernières années, la mission peut être considérée comme ayant participé à la maîtrise des dépenses publiques programmée à moyen terme, au-delà même de l'objectif d'économie fixé dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques.

Excepté pour le régime de la RATP, les dépenses financées par la mission ont été à peu près stables en valeur courante entre 2012 et 2018, les dernières années de cette période permettant même de dégager des économies.

Exécution en nominal des crédits de la mission entre 2012 et 2018

(base 100 en 2012)

Champ : périmètre constant 2018

Source : Cour des comptes à partir CHORUS

Mais , force est de relever que ces économies budgétaires ont été largement passives, résultant d'une surestimation de l'inflation au moment du calibrage de la programmation.

En 2016, l'exécution avait dégagé une marge de l'ordre de 76 millions d'euros sous le plafond de la programmation pluriannuelle.

En 2017, si la marge était en apparence plus faible (66 millions d'euros), une fois retraitée du changement de périmètre de la mission (principalement l'intégration d'une subvention d'équilibre à destination du régime complémentaire des exploitants agricoles), elle ressortait comme supérieure encore (121 millions d'euros).

Dépassement et respect des dernières lois de programmation

(en millions d'euros de crédits de paiement)

2015

2016

2017

Triennal 2015-2017 (au format 2015)

6 414

6 396

6 396

Exécution

6 452

6 320,3

6 330

LFI

6 414

6 320,3

6 307

* Programmation initiale, à périmètre courant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances de la mission et de la loi de programmation pour 2014-2019)

Ces « performances » ont été tirées par des facteurs exogènes portant, en particulier, sur l'évolution du nombre des pensionnés des régimes fermés mais aussi sur le coefficient de revalorisation des pensions dont la répétition est, aux décisions politiques près (voir infra ), soumise aux aléas de l'inflation.

De fait, le résultat acquis lors de la dernière période couverte par la programmation pluriannuelle a profité d'une inflation plus faible que celle sur laquelle avait été construite la programmation budgétaire.

Un différentiel de 1 % d'inflation se traduit par une économie structurelle de l'ordre de 90 millions d'euros sur une période de douze mois.

Ces économies sont susceptibles de se cumuler au cours d'une période pluriannuelle finissant par dégager de substantielles économies (ou, à l'inverse, en cas d'inflation supérieure à la prévision, des surcoûts importants) au terme de la période.

La chronique des modifications apportées avant le PLFSS 2018
à l'indexation des pensions

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions était égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N, corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013, la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N était égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites », la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année 228 ( * ) .

Dans ces conditions, aucune revalorisation n'est intervenue en 2014 compte tenu de l'application du correctif destiné à compenser les effets d'une surestimation du rythme de l'inflation en 2012 (0,7 % effectif contre une prévision de 1,2 %) dans un contexte où cet écart s'était révélé juste égal à l'inflation prévue dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année (0,5 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015, soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 a conduit à ne pas appliquer le correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

Compte tenu du nouveau calendrier d'application des revalorisations des pensions, l'effet en année pleine de la revalorisation des pensions en 2015 peut être estimé à un équivalent-revalorisation entre 0,015 % et 0,025 %.

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont apporté de nouvelles évolutions. Elles prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite sont revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fonde désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles. En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantit le maintien des prestations à leur niveau antérieur.

Source : commission des finances du Sénat

b) ... que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, opérant une rupture du pacte social sur les retraites, a amplifiée...

Si les modifications apportées aux conditions de revalorisations des pensions exposées ci-dessus n'avaient, pour l'essentiel, que consolidé la réforme de 1993, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a franchi une étape supplémentaire dans la mobilisation des conditions d'indexation des retraites pour réaliser des économies budgétaires.

En reportant la revalorisation des pensions de l'exercice d'octobre 2018 à janvier 2019, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a opéré une rupture avec un principe d'indexation des prestations de retraite sans lequel ces dernières sont vouées à perdre sourdement de leur pouvoir d'achat.

L'économie de charges résultant de cette décision s'élève en 2018 à environ 23 millions d'euros, compte tenu d'une revalorisation de 1 % en octobre.

c) ... sans que les dépenses de 2018 puissent pour autant respecter le plafond d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques...

Le plafond de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-2022 bornait les dépenses de la mission à 6,330 milliards d'euros.

L'exécution dépasse ce plafond de 117 millions d'euros.

Pour l'essentiel cet excédent provient du règlement de la dette de l'État envers la caisse de retraites de la SNCF.

Même si, en dehors de cet événement, la dépense aurait été supérieure au plafond fixé pour 2018, l'écart aurait été alors négligeable et inférieur aux moins-values de recettes occasionnées par la longue grève de la SNCF de 2018.

Le dépassement du plafond de la loi de programmation en 2018 ne peut donc être considéré comme revêtant une signification durable.

d) ... d'ores et déjà périmée

L'adoption du pacte ferroviaire en cours d'exercice devrait conduire à la fermeture du régime de la SNCF à partir de 2020. Le régime n'accueillerait plus de nouveaux salariés sous statut de sorte que, même si les conditions sociales appliquées aux nouveaux entrants demeurent incertaines, en l'absence de conclusion d'une nouvelle convention collective, ceux-ci ne cotiseront plus au régime spécial, devant être affiliés, dans des conditions à définir au régime général de sécurité sociale.

Cette évolution, qui est appelée à modifier les conditions financières du régime de la SNCF avec des effets massifs pour la mission (voir infra ) conduit à prévoir que le plafond des dépenses de la mission fixé en 2020 à 6,30 milliards d'euros devrait être difficile à respecter.

À cet égard, les annonces du Président de la République consécutives au « grand débat » devraient encore compliquer l'équation prévue.

La rupture du pacte social sur les retraites apporté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avait trouvé son prolongement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui a borné à 0,3 % la revalorisation des pensions appliquée au 1 er janvier 2019 et prévu d'étendre cette sous-indexation à 2020 229 ( * ) .

On sait que depuis le Président de la République, dans la foulée du « grand débat », a annoncé son intention de mettre fin à la sous-indexation des retraites, synonyme de perte de valeur réelle de ces prestations, et, ainsi, de perte de pouvoir d'achat d'une composante essentielle des revenus des personnes retraitées 230 ( * ) .

Il faut prendre acte de cette annonce qui représente une évolution majeure par rapport aux conditions de pilotage de l'équilibre des régimes de retraite qu'avait souhaité instaurer le Gouvernement.

Ce dernier, tenant compte de l'épuisement des effets des réformes des retraites passées, tablait sur l'amplification de la décorrélation entre les dynamiques de la base de contribution aux régimes de retraite et leurs dépenses pour compenser une partie de la dégradation du rapport démographique.

Moyennant une érosion du pouvoir d'achat des pensionnés il s'agissait de redresser, plus encore que dans l'équation précédemment appliquée, la trajectoire financière des caisses de retraite.

L'annonce par le Président de la République d'un retour à une indexation des pensions sur l'inflation, à supposer qu'elle soit prolongée au-delà de 2020 et redevienne la norme d'indexation des retraites, n'a pas de quoi renverser complètement la donne. Le pilotage financier des régimes spéciaux continuera à tirer profit d'une décorrélation entre les dynamiques des revenus d'activité cotisés et de pensions indexées sur la seule inflation.

Toutefois, le différentiel sera moindre et la correction des déséquilibres engendrés par la dégradation du rapport démographique sera également moins significative.

En outre, une certaine prudence doit entourer les commentaires relatifs à la programmation à moyen terme des besoins d'équilibrage des régimes sociaux, prudence renforcée dans le cas des régimes spéciaux.

De façon générale, la sensibilité des dépenses sociales à l'inflation est forte. Pour la mission, comme on l'a indiqué 1 point d'inflation supplémentaire augmente les dépenses de 90 millions d'euros. À cet aléa, il faut ajouter ceux concernant les perspectives économiques des entreprises concernées auxquelles il n'est pas sûr que puissent s'appliquer les scenarios macroéconomiques globaux, qui servent de cadrage aux prévisions des soldes sociaux.

L'une des caractéristiques fortes des régimes spéciaux réside dans leur situation démographique. Déjà dégradée, elle est appelée à connaître une détérioration au moins transitoire pour certains régimes fermés tandis que, pour les grands régimes retracés par la mission, les perspectives sont inévitablement placées sous l'influence des gains de productivité recherchés par les entreprises concernées dans un contexte où les dynamiques des pensions peuvent présenter une certaine inertie.

D'un point de vue plus économique, les situations particulières aux entreprises ou aux secteurs couverts par les régimes subventionnés par la mission ne laissent pas nécessairement présager la complète déclinaison d'un scénario de reprise économique à leur niveau.

2. Au-delà du dépassement du plafond de la loi de programmation pour 2018, une nouvelle (légère) augmentation des dépenses de la mission

En dehors de la charge occasionnée par le règlement de la dette de l'État envers le régime de la SNCF, les dépenses de la mission auraient excédé celles de l'an dernier de 13,8 millions d'euros, soit, même modéré, un alourdissement (+ 0,2 %) par rapport à l'an dernier.

Comme on l'a mentionné, les modalités de revalorisation ont été à nouveau ajustées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui a décalé la date de revalorisation des pensions de retraite du 1 er octobre au 1 er janvier, à partir du 1 er janvier 2019 de sorte que seul l'effet en année pleine de la revalorisation d'octobre 2017 a joué en 2018, pour un taux de revalorisation de 0,6 %.

Les autres composantes de l'équilibre de la mission ont joué dans le sens d'une atténuation de ce supplément très modéré de charges mais moins qu'on ne pouvait l'anticiper.

a) La faible indexation des pensions de retraite en 2017 et en 2018 a considérablement freiné la dynamique des dépenses tout en alourdissant les charges de la mission de 0,8 %

Après l'absence de toute revalorisation des pensions en 2016 (les évolutions des prix ayant conduit à « passer » la revalorisation initialement prévue de 0,6 % au 1 er octobre 2016) une revalorisation des pensions est intervenue au 1 er octobre 2017 à hauteur de + 0,8 %.

Cette revalorisation, inférieure à l'inflation pour 2017 (+1 %), a été équivalente, compte tenu du calendrier suivi, à une majoration annuelle des pensions en stocks de 0,2 % en 2017. Elle aurait engendré pour 2017 un supplément de charges de 18,4 millions d'euros pour les régimes couverts par la mission.

Compte tenu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, aucune revalorisation n'a été mise en oeuvre en cours d'année.

Toutefois, l'application en année pleine de l'indexation d'octobre 2017 a engendré des charges supplémentaires pour la mission. Elles peuvent être estimées à 53 millions d'euros, selon la répartition suivante.

Impact de la revalorisation des pensions de 2017 en 2018
(supplément de charges pour la mission)

(en millions d'euros)

Année

2017

2018

Date de revalorisation

1 er Oct.

1 er Oct.

Revalorisation instantanée

0,8%

sans

Taux de revalorisation annuelle moyen (année N+1 / année N)

0,2%

0,6%

Enjeu financier pour la mission RSR

+53

dont SNCF

+ 32

dont RATP

+ 7

dont l'ENIM

+ 6

dont CANSSM

+ 8

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale, projet de loi de finances pour 2019

Le supplément de charges s'est concentré sur le régime de la SNCF, conformément au poids relatif de ce régime dans les charges de la mission.

Au total, cumulées sur 2017 et 2018, les charges supplémentaires résultant des indexations des pensions ont atteint 71,4 millions d'euros.

Une indexation des pensions sur l'inflation effectuée selon la séquence de l'année calendaire aurait entraîné un surcroît de charges de 161,9 millions d'euros.

Les économies engrangées par la sous-indexation des pensions par rapport à ce scenario de référence s'élèvent à 35 millions d'euros en 2018.

Au niveau individuel, la perte de pouvoir d'achat cumulée sur 2017 et 2018 atteint 2 %.

b) Les autres composantes de l'équilibre des charges de la mission ont atténué le supplément de charges résultant de l'indexation mais moins que prévu

Pour les quatre caisses principales couvertes par la mission, le tableau ci-dessous expose la différence entre les besoins nés de l'application en année pleine de l'indexation des pensions d'octobre 2017 et la variation des subventions d'équilibre versées à ces caisses à partir de la mission.

Différences entre le supplément de charges résultant de l'indexation
des pensions et la variation des subventions d'équilibre
(hors règlement de la dette SNCF)

(en millions d'euros)

Indexation

Variation de la subvention d'équilibre

Différence

SNCF

32

32

0

RATP

7

31,7

24,7

ENIM

6

- 4,1

10,1

CANSSM

8

- 44,8

52,8

Total

53

14,8

38,2

Source : commission des finances du Sénat

L'essentiel de l'atténuation de charges peut être attribué à l'ENIM et au régime minier, qui malgré un cumul de charges nouvelles de 14 millions d'euros occasionnées par l'indexation ont vu leurs subventions d'équilibre réduites de 48,9 millions d'euros.

Les facteurs déterminant les charges de la mission autres que l'indexation des pensions ont conduit à alléger les charges de la mission de 38,2 millions d'euros, allègement insuffisant pour effacer l'impact de l'indexation, même très modeste, des pensions.

L'analyse des équilibres des régimes spéciaux, nécessairement complexe du fait de la diversité des paramètres en jeu, doit être resituée dans le cadre de l'application des réformes des retraites passées à ces régimes.

Les réformes des régimes de retraite inaugurés en 2003 ont touché les régimes spéciaux moyennant un calendrier d'application décalé (de quatre ans) par rapport à leur application aux fonctionnaires de l'État.

Par ailleurs, des régimes ont été exemptés de ces réformes : les régimes fermés et le régime des marins.

Principales composantes de la réforme des régimes spéciaux de 2008

La durée de cotisation

La durée de cotisation nécessaire pour atteindre un taux plein de liquidation a été augmentée si bien que le rendement des cotisations a, toutes choses égales par ailleurs, été réduit. Cette mesure est appelée à entrer en vigueur progressivement.

- Avant réforme : 37 ans et demi

- Après réforme : augmentation progressive de la durée de cotisation pour une pension à taux plein (75 % du salaire de référence) depuis le 1 er juillet 2008 pour passer de 150 trimestres (37,5 années) à 166 trimestres (41,5 années) en 2018 (suppression des bonifications). Le nombre de trimestres varie selon la date de naissance et la nature de l'emploi, sédentaire ou agent de conduite. La bonification de 5 ans d'annuités maximum est supprimée pour les agents d'exploitation et de maintenance recrutés après le 1 er janvier 2009.

Le choix de l'âge de départ en retraite

- Avant réforme : à l'initiative de l'agent ou de l'entreprise.

- Après réforme : à l'initiative de l'agent seulement (la clause « couperet » autorisant l'employeur à recourir à la mise à la retraite d'office a été supprimée).

L'instauration d'une décote et d'une surcote

- Avant réforme : ni décote si surcote.

- Après réforme : décote à partir du 1 er juillet 2010 et surcote à partir du 1 er juillet 2008 ; les assurés qui cotiseront au-delà de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de 75 % verront leur pension majorée et, à l'inverse, ceux qui cesseront leurs fonctions avant de remplir ces conditions verront leur pension minorée.

L'indexation des pensions

- Avant réforme : les pensions évoluent comme les salaires.

- Après réforme : les pensions évoluent comme l'indice des prix à la consommation hors tabac à compter du 1 er janvier 2009, moyennant des ajustements éventuels en loi de financement de la sécurité sociale

L'année 2018 a été la deuxième étape du relèvement progressif des seuils d'âge prévu par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 (plus deux ans en respectant les différences existantes entre les catégories sédentaires et les catégories actives, à raison de quatre mois par génération).

Par ailleurs, elle a prolongé un certain nombre de dispositions déjà entrées en vigueur : relèvement des taux de cotisation salariales et employeurs, décote, décalage de l'échéance de l'indexation des pensions..., tandis que les mesures de carrière négociées dans le cadre des réformes, (comme la création d'échelons supplémentaires de fin de carrière) exercent des effets sur les comportements de départ en retraite.

Ces mesures modifient le système dans le sens d'une hausse des recettes des régimes qu'elles touchent (par le biais de la hausse des taux de cotisations) et d'une modération de la progression des dépenses (du fait du relèvement de l'âge légal de départ en retraite et des dispositions relatives à la décote).

À contexte donné 231 ( * ) , elles tendent à réduire structurellement les besoins de financement des régimes.

Néanmoins, ces enchaînements sont tributaires de changements de comportement, qui peuvent les contrarier temporairement, en particulier dans les périodes de transition.

Comme 2017, l'exercice 2018 traduit la complexité des logiques à l'oeuvre.

Compte tenu de l'influence attendue des réformes successives sur les équilibres des régimes spéciaux, qui conditionnent le niveau des subventions budgétaires versées à ces régimes, il est souhaitable que les projets de loi de finances comportent systématiquement une présentation de leur impact.

C'est au demeurant de façon beaucoup plus générale que l'information donnée sur la cohérence entre l'exécution budgétaire et les besoins d'équilibre des différents régimes devrait progresser.

À tout le moins, des éléments saillants devraient être plus systématiquement explicités. C'est tout particulièrement le cas en ce qui concerne les comportements de départ en retraite, qui, ces dernières années, s'agissant des régimes de la SNCF et de la RATP notamment, paraissent déjouer assez systématiquement les prévisions.

(1) Le régime des marins géré par l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM)

En ce qui concerne le régime des marins (ENIM), l'information budgétaire est gravement insatisfaisante dans la mesure où les différentes branches de protection sociale gérées par l'établissement de la marine ne sont pas rigoureusement distinguées. Cette situation paraît tenir aux délais nécessaires pour produire des comptes qui ne sont publiés qu'à mi-juin.

Dans ce contexte, on doit se contenter de relever que la baisse de la subvention d'équilibre (- 4,1 millions d'euros) s'expliquerait notamment par une baisse des pensions versées aux affiliés (- 9 millions d'euros) malgré l'impact de l'indexation de 2017 sur les charges de pensions de l'ENIM.

Au total, le volume des pensions recule d'un peu plus de 1 % ainsi que les charges corrélatives. Le rapport annuel de performances précise que l'effet de composition, qui voit les pensions de droit dérivé, moins onéreuses, renforcer leur place dans le total des droits, produit une économie de l'ordre de 0,6 %.

Quant aux cotisations et autres ressources de la caisse, elles auraient connu une quasi-stabilisation malgré la réduction du nombre des cotisants (- 1 %), la compensation démographique versée au régime diminuant légèrement.

Au total, la subvention versée par la mission n'aurait pas empêché de constater une perte au compte de résultat de l'établissement de sorte que son fonds de roulement serait désormais à l'étiage.

Résultat et trésorerie de l'ENIM
(2012-2018)

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019

(2) Le régime de retraite des Mines géré par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Pour le régime minier, la baisse des volumes de pensions est le principal déterminant d'une réduction continue de la subvention d'équilibre versée à la caisse.

Elle a été plus forte que prévu en 2018, comme en 2017. La déformation de la population des pensionnés qui regroupe de plus en plus de pensions de droit dérivé pèse sur le niveau unitaire des droits servis.

(3) Les régimes de la RATP et de la SNCF

En ce qui concerne les deux régimes des transports terrestres, l'année 2018 a été la deuxième année de mise en oeuvre plus complète des réformes de retraite qui, pour ces régimes, avait été décalée à 2017.

Le régime de la RATP a sollicité en 2018 une subvention d'équilibre à nouveau supérieure (de près de 32 millions d'euros) à celle de l'année précédente, comme cela avait été le cas en 2016 et en 2017.

Les charges de la caisse de retraites du personnel de la RATP ont connu une certaine dynamique (+ 2,5 % soit 28 millions d'euros de plus qu'en 2017) tandis que les cotisations sociales ont rétrogradé de 11,8 millions d'euros (- 2,5 %), malgré la légère augmentation du taux de cotisation salariale mise en oeuvre en application de la réforme des retraites de 2014 (de 12,50 % à 12,55 %).

La hausse des pensions semble résulter d'une augmentation du nombre des pensionnés, qui devrait se prolonger jusqu'en 2050, associée à une augmentation de la valeur liquidative des pensions. Celle-ci résulte d'un gain structurel des salaires au fil des générations, qui a pu se trouver accéléré par les mesures d'accompagnements adoptées lors des réformes des retraites, qui ont réduit l'impact de la réforme des droits (notamment de l'augmentation des bornes d'âge). Selon une estimation déjà un peu ancienne, cette dernière aurait dû permettre de dégager une économie supplémentaire de 21 millions d'euros (en euros constants de 2011) en 2018. Par ailleurs, la proportion de cadres dans les nouvelles liquidations serait plus importante qu'auparavant.

Des mesures salariales analogues avaient concerné la SNCF et elles contribuent également à la dynamique des pensions versées par la caisse des retraites de l'entreprise ferroviaire.

Elles progressent de 18,7 millions d'euros en 2018, soit moins que l'impact en année pleine de l'indexation des pensions d'octobre 2017. Sur la base des informations disponibles, l'on ne peut que supposer que les variations nettes de retraités ont modéré l'évolution de la dépense.

Le rapport annuel de performances mentionne un pic de départs en retraite constaté en 2017, évocation qui contraste avec les données publiées sur ce point par la commission des comptes de la sécurité sociale, qui faisait état d'une augmentation limitée à 0,5 % du nombre des pensionnés de droit direct.

Ces discordances appellent une clarification ainsi que l'écart allégué entre le nombre des départs en retraite anticipés et les départs constatés d'autant que ces incertitudes paraissent se renforcer à mesure que les modifications apportées aux bornes d'âge du régime entrent en vigueur.

Il serait intéressant de pouvoir apprécier dans quelle mesure les comportements des affiliés s'ajustent face au resserrement progressif des conditions de liquidation de leurs retraites à taux plein.

Du point de vue des recettes, les cotisations ressortent en baisse de 11,8 millions d'euros, malgré la hausse du taux des cotisations salariales (de 8,52% à 8,79 % (soit une hausse de 3,2 %).

Cette diminution est expliquée par une baisse du nombre des cotisants et par la réduction de la masse salariale, partiellement due à la longue grève de 2018, qui aurait déprimé les cotisations sociales de 23 millions d'euros. Par ailleurs, le salaire moyen des entreprises ferroviaires continuerait à baisser.

C. UN TAUX ÉLEVÉ DE SUBVENTIONNEMENT DES RÉGIMES SUR LES CRÉDITS DE LA MISSION À L'AVENIR TRÈS INCERTAIN

Malgré la quasi-stabilisation des dépenses de la mission, les taux de subventionnement des régimes spéciaux demeurent élevés.

Néanmoins, l'exécution des crédits en 2018 peut être considérée comme une étape supplémentaire vers une réduction des dépenses destinées à équilibrer les régimes spéciaux.

Celle-ci reste toutefois entourée d'incertitudes. Par ailleurs, elle s'accompagne du maintien d'une perspective d'appel aux contributions publiques pour couvrir un besoin de financement persistant, même à un horizon très long marqué par l'amplification des effets de rééquilibrage attendus d'une désindexation des pensions, dont la soutenabilité au long cours peut susciter une certaine perplexité.

1. Les taux de subventionnement des régimes spéciaux par la mission sont très élevés...

Taux de subventionnement des plus importants régimes spéciaux par la mission

SNCF 232 ( * )

RATP

Marins 233 ( * )

Mines

Total

Subvention de la mission
(A)

(en millions d'euros)

3 303,4

712,3

813,2

1 167,9

6 007,9

Pensions
(B)

(en millions d'euros)

5 327

1 152,8

1 052

1 359

8 800,8

A/B

63,1 %

61,8 %

77,3 %

85,9 %

68,3%

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission

La contribution des crédits de la mission au financement des pensions servies par les régimes spéciaux de retraite est variable selon le régime considéré, mais elle dépasse 60 % pour les plus grands de ces régimes.

Si l'on considère que la plupart des régimes spéciaux correspondent à des entreprises opérant sur des champs plus ou moins concurrentiels, on pourrait juger que cette situation revient à subventionner par appel aux contribuables une partie des coûts sociaux de l'exploitation, conduisant à des perturbations de concurrence.

Cette conclusion serait probablement hâtive dans la mesure où la subvention accordée par l'État résulte en réalité de deux facteurs agissant dans des proportions variables selon le régime considéré.

En effet, la contribution versée par l'État vient, d'une part, pallier les effets de l'isolement de régimes aux ratios démographiques défavorables, et, d'autre part, compenser les avantages de retraites supposés constituer une contrepartie à la pénibilité particulière de certains métiers. C'est le volet « solidarité » de la subvention qui est alors en cause.

Parmi ces derniers figurent les facultés de départs à la retraite plus précoces que dans les régimes de droit commun, qui même si elles sont en passe d'être durcies et ne sont déjà plus entièrement exploitées du fait de l'allongement de la durée de cotisation nécessaires à une liquidation au taux plein et sans décote, voient les salariés de ces entreprises liquider leurs droits à retraite beaucoup plus tôt que dans le cas général.

Les âges de départ en retraite constatés à la SNCF et à la RATP

SNCF

En 2017, l'âge de départ en retraite des agents de conduite est en hausse sur la période observée. Ainsi, l'âge moyen de départ en retraite de cette population augmente de plus 3 ans depuis 2008 pour passer de 50 ans et 3 mois en 2008 à 53 ans et 4 mois en 2017.

L'âge de départ à la retraite des « autres agents » augmente également. En effet, l'âge moyen de départ augmente de 2 ans et 7 mois sur la période observée pour passer de 55 ans et 2 mois en 2008 à 57 ans et 9 mois en 2017.

RATP

Au sein du régime RATP, toutes catégories confondues, l'âge moyen de départ à la retraite constaté en 2017 se situe à 55,46 ans.

Selon le rapport d'activité 2017 de la caisse, l'âge diffère selon le sexe et la catégorie professionnelle.

Source : Caisse de retraite de la RATP

On pressent que la réforme des retraites en voie de définition, qui devrait se traduire par l'adoption d'un régime universel en points fondé sur une uniformisation de la contrevaleur des contributions retraites en points (soit la mise en oeuvre du principe « pour un euro cotisé les mêmes droits de retraite pour tous »), modifiera en profondeur les conditions dans lesquelles pourrait être déterminée une éventuelle subvention publique des régimes de retraite.

Cette perspective demeurant à vérifier, on se bornera à indiquer, qu'en l'état actuel de l'information budgétaire, ni la justification fine des subventions versées aux différents régimes spéciaux couverts par la mission, ni une quelconque analyse de leurs impacts économiques et sociaux ne sont accessibles.

2. ... mais les charges de la mission devraient baisser...

Le compte général de l'État présente une projection à long terme (horizon 2050 et 2118) des besoins de financement cumulés, et actualisés, des principaux régimes spéciaux de retraite qui fait ressortir les montants d'engagements implicites correspondant à différentes hypothèses de taux d'intérêt.

La fourchette va de 176,7 milliards d'euros à 133,7 milliards d'euros en 2050 et de 376,1 milliards d'euros à 210,1 milliards d'euros en 2118.

La structure des engagements de long terme de l'État au titre des retraites des régimes spéciaux n'est pas le simple miroir des dépenses actuelles de la mission. Ces dernières sont encore fortement impactées par les dépenses nécessaires à l'équilibre des régimes fermés, en particulier celui des mines. Ces dépenses sont vouées à se contracter progressivement à mesure que les pensionnés de ces régimes décèderont. Pour le régime des mines qui en 2018 absorbe 18 % des dépenses de la mission, dès l'horizon 2050 les engagements cumulés de l'État au titre de ce régime ne pèsent plus que 11 % des besoins totaux.

Dans ces conditions, l'essentiel des engagements provient du régime de la SNCF qui en représente plus de la moitié. La RATP suit (23,1 %), le régime des marins continuant à représenter un montant élevé d'engagements (17,5 %) à l'horizon 2118.

Les résultats en projection ressortent comme très sensibles au choix du taux d'actualisation 234 ( * ) , ce qui reflète la sensibilité de l'équilibre financier des régimes de retraite aux conditions de la croissance économique.

La comparaison des valorisations des engagements de l'État au titre de la SNCF entre 2017 et 2018 indique également l'impact que peuvent avoir des réformes des entreprises ou professions concernées.

Projection à moyen terme des besoins de financement cumulé actualisé
des grands régimes spéciaux de retraite financés par la mission

(en millions d'euros de 2018)

Source : compte général de l'État en 2018

Projection à moyen terme des besoins de financement cumulé actualisé
des grands régimes spéciaux de retraite financés par la mission

(en millions d'euros de 2017)

Source : compte général de l'État en 2017

Comme l'avait annoncé votre rapporteure spéciale l'an dernier, les engagements de l'État au titre de la couverture des besoins de financement du régime de retraite de la SNCF ont été fortement alourdis par la réforme de l'entreprise ferroviaire. À l'horizon de 2050, sur la base d'une hypothèse de taux d'actualisation de 0 %, le besoin de financement passe de 78,2 milliards d'euros à 99,7 milliards d'euros (+ 21,5 milliards d'euros, soit un alourdissement de 27,5 %).

La fermeture du régime de la SNCF du fait de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire explique cette évolution puisque, progressivement le nombre des cotisants de ce régime diminuera aggravant le déséquilibre démographique, et, par conséquent, financier du régime. Ce n'est que lorsque les pensionnés actuels et futurs du régime et leurs ayants droit s'éteindront que les engagements de l'État propres au régime spécial cesseront.

Les résultats des projections des engagements de l'État au titre des régimes spéciaux de retraite sont de nature à impressionner mais il convient de garder à l'esprit qu'ils expriment des besoins de financement cumulés à long, voire très long, terme 235 ( * ) , le haut de la fourchette étant au surplus fondé sur une hypothèse de forte contraction des conditions économiques.

Même dans cette dernière hypothèse, le graphique ci-dessous illustre la réduction à terme des besoins de financement des régimes spéciaux, la réforme de la SNCF suscitant toutefois une forte déformation du profil temporel suivi par cette évolution.

Dans la situation antérieure à la réforme, la décrue du besoin de financement des régimes spéciaux était plus rapidement franche. Le besoin de financement des régimes spéciaux se réduisait très fortement en début de période pour connaître une relative stagnation après 2065 autour d'un besoin de financement de 1,5 milliard d'euros constants.

La réforme de l'entreprise ferroviaire bouleverse ce séquencement. La baisse des cotisations, qui s'accentue en début de période, pèse sur l'équilibre du régime, le besoin de financement étant supérieur de près de 1 milliard d'euros en 2040 par rapport à la situation antérieure. Cependant, à terme la réduction du besoin de financement s'accentue à mesure que le régime de la SNCF poursuit son extinction.

Dans ces conditions, si s'offre la perspective de très long terme d'une plus forte réduction des charges de la mission 236 ( * ) , la réforme ferroviaire lui imposera un supplément de dépenses significatif à un horizon de moyen-long terme.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA)

Source : compte général de l'État pour 2018

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA)

Source : compte général de l'État pour 2017

3. ... au prix d'une (probable) réduction des revenus de remplacement sur le cycle de vie et d'un décrochage (certain) du taux de remplacement assuré par les régimes spéciaux

Dans ces évolutions l'application des réformes des retraites aux régimes spéciaux joue un rôle important malgré l'hypothèse d'un maintien des limites d'âge dérogatoires ménagées au profit de certaines catégories des entreprises de transport, maintien dont la portée est toutefois suspendue au durcissement des conditions de durée de cotisation dans les régimes. Ce dernier implique que soit progressivement repoussé l'âge « utile » de départ en retraite (dit aussi « âge pivot »), mais cependant pas aussi loin que pour le régime général et ceux des fonctionnaires de l'État.

Une nouvelle modification des bornes d'âge de ces catégories accentuerait la baisse du besoin de financement des régimes. Même si elle supposerait sans doute des évolutions de toutes sortes, comme l'expérience a pu le montrer dans un passé récent, il est assez peu probable qu'elle n'intervienne pas au cours de la très longue période considérée ici.

La réduction du besoin de financement des régimes serait alors plus forte que ne le montrent les projections.

Sous les conditions de celles-ci, à législation constante, c'est l'impact du différentiel entre l'indexation des pensions et la dynamique économique qui joue principalement sur les résultats de la projection ainsi que l'illustrent les écarts entre les résultats de long terme selon l'hypothèse de croissance.

Tout comme pour le régime de la fonction publique d'État pris en charge par le compte d'affectation spéciale « Pensions » (voir ci-dessous), on peut s'interroger sur la soutenabilité d'un modèle d'équilibre des régimes de retraite basé sur un décrochage des revenus des pensionnés par rapport à celui des actifs .

Une dernière observation conduit à mettre en relief les disparités de rendements des régimes spéciaux de retraite entre les générations. En effet, pour la partie qui correspond au différentiel d'indexation des pensions et des assiettes contributives, la réduction du besoin de financement peut être lue comme recelant la perspective d'un allègement structurel des contributions des générations futures aux pensions des retraités.

D. LA SUPERPOSITION DES RÉGIMES SPÉCIAUX CRÉE DES SURCOÛTS DE GESTION DONT LA JUSTIFICATION N'APPARAÎT PAS CLAIREMENT

Le suivi de la performance de la mission est conduit exclusivement à partir d'indicateurs de gestion dont la responsabilité échappe assez largement aux responsables de programmes.

Certes, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) conclues avec les différents organismes chargés de la gestion des régimes, auxquelles les responsables de programme peuvent être associés, comportent des cibles visant à optimiser les coûts d'administration des régimes spéciaux subventionnés par l'État.

Il n'empêche que ce sont les organismes gestionnaires qui disposent d'une maîtrise, au demeurant relative, des conditions de gestion des prestations qu'ils servent.

C'est dans ce contexte et sous ces réserves que votre rapporteure spéciale prend acte des commentaires, plutôt satisfaits, qui accompagnent ce volant du suivi de la performance.

Certaines observations ne s'en imposent pas moins.

En premier lieu, force est de constater que les données fournies manquent d'homogénéité et d'exhaustivité. À titre d'exemple, le déficit d'homogénéité peut être illustré par le recensement des coûts de gestion des régimes administrés par la Caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas présentés, seule étant exposée la rémunération versée par l'État à la Caisse des dépôts et consignations en contrepartie de sa gestion de la caisse des mines, la correspondance entre les coûts supportés par la Caisse des dépôts et la rémunération versée à cette dernière par la CANSSM n'étant pas documentée.

En deuxième lieu, les performances extériorisées par les indicateurs apparaissent très disparates.

Éléments de comparaison des coûts de gestion
de quelques régimes spéciaux de retraite

Coût de gestion

(en millions d'euros)

Coût de gestion rapporté au volume des prestations (euros/1 000 euros de prestations)

SNCF

24,30

4,6

RATP

4,88

4,2

Marins

9,30

9

Mines

13,20

9,7

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances 2018 de la mission

Selon les données fournies par le rapport annuel de performances de la mission, les coûts de gestion des différents régimes vont du simple au double entre le régime de la SNCF et celui des marins, le régime des mines ressortant comme le plus coûteux, situation paradoxale puisqu'il est en voie d'extinction. De même, l'écart entre les coûts de gestion unitaire des régimes des transports terrestres (SNCF et RATP) atteint près de 10 %, les coûts de gestion de la caisse de SNCF représentant près de cinq fois ceux de la caisse de la RATP.

Ces différences sont difficilement explicables. Les pensions déjà liquidées suscitent normalement de plus faibles coûts de gestion si bien que la valeur de l'indicateur suivi devrait être sensible aux flux de liquidation. Or, cette corrélation est loin d'être systématique, suggérant une forme d'inertie des coûts de gestion des caisses dans un environnement de réduction des volumes d'activité. Par ailleurs, l'écart entre le coût d'une primo liquidation par la caisse de retraite de la SNCF et la même donnée pour la caisse de la RATP (en faveur de la seconde) témoigne de l'existence d'un différentiel de performances qui mériterait une évaluation.

Enfin, il convient de s'interroger sur la rationalité d'une gestion séparée, entité par entité, des régimes sociaux. Il est peu douteux que cette organisation puisse conduire à des duplications de coûts qui, pour ne représenter qu'un enjeu relativement mineur au regard de la masse des prestations servies, et même des subventions accordées par l'État, s'élèvent pour les quatre régimes mentionnés dans le tableau ci-dessus à plus de cinquante millions d'euros.

Une appréciation plus systématique de la justification de ces éventuels, mais probables, surcoûts s'impose dans la perspective d'une meilleure utilisation des ressources.

À ce stade, il n'est pas possible d'associer à la prochaine réforme du système de retraite, orientée vers l'institutionnalisation d'un régime universel de retraite (et non d'un régime unique) une rationalisation des coûts de gestion des prestations versées par les régimes spéciaux.

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS », UNE EXÉCUTION 2018 QUI ILLUSTRE UN RÉGIME FINANCIER PLUS STRUCTUREL DE RÉDUCTION DE L'EMPREINTE DES RÉGIMES DE FONCTIONNAIRES SUR LE SYSTÈME DE RETRAITES

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État. Doté en loi de finances initiale de 58,4 milliards d'euros 237 ( * ) en 2018, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État (SRE), créé en 2009. Il a mobilisé en 2018 93,5 % des crédits initiaux du CAS (54,6 milliards d'euros) ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Les dotations de loi de finances initiale correspondantes (1,9 milliard d'euros) représentaient 3,2 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir reflétant les crédits correspondants ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits initiaux du CAS « Pensions » tend à diminuer (3,2 % en 2018, soit 1,9 milliard d'euros).

Les deux derniers programmes cités voient leurs crédits reculer tendanciellement.

Conformément à la vocation du compte d'affectation spéciale, les crédits sont ouverts moyennant des prévisions de recettes concourant au financement des charges particulières portées au compte.

Généralement, ces recettes doivent avoir un lien « naturel » avec les charges qu'elles financent si bien qu'un plafond de 10 % des crédits initiaux est imposé aux versements que le budget général peut effectuer au profit des comptes d'affectation spéciale.

Toutefois, le compte « Pensions » bénéficie d'une dérogation à cette règle qui s'explique par la structure de financement du CAS. Celle-ci comporte en effet des cotisations salariales et des contributions des employeurs qui se trouvent inévitablement versées à partir du budget général, ces recettes étant incontestablement, par leur nature, en lien avec les charges à financer, comme pour n'importe quel régime de retraite suivant les principes de la répartition et appliquant en outre des mécanismes de solidarité économique, sociale et démographique.

Par ailleurs, les dépenses effectuées à partir des crédits du compte doivent être couvertes par des ressources suffisantes, ce qui ne signifie pas que les recettes d'une année doivent couvrir les dépenses de la période mais que l'addition de ces recettes et des ressources disponibles en trésorerie ne soit pas inférieure aux dépenses.

Autrement dit, le CAS « Pensions » peut présenter un déficit prévisionnel sous la condition que sa trésorerie, issue des opérations effectuées lors des exercices précédents couvre ses dépenses.

Ces dernières années, cette faculté n'a pas été utilisée dans la gestion globale du CAS, bien au contraire, même si certains programmes composant le compte ont pu être votés en situation de déficit prévisionnel.

L'exercice 2018 n'a pas dérogé à cette tendance.

Il a été marqué par la poursuite d'une gestion du CAS marquée par la constitution d'excédents, les recettes continuant à excéder les dépenses. Cet équilibre qui prévaut depuis déjà plusieurs années, traduit un choix de gestion consistant à maintenir la pression d'une contrainte de financement des retraites sur les ministères et autres employeurs publics obéissant à des principes de prudence mais poursuivant également des finalités pouvant apparaître, pour certaines, un peu « périphériques » par rapport à la problématique du financement des pensions en elle-même.

L'exercice déroge toutefois à la tendance observée ces dernières années, à un rythme de progression des recettes supérieur à celui des dépenses du compte.

Ce différentiel tendanciel a pu être attribué principalement aux réformes des retraites publiques adoptées depuis 2003, qui accroissent les prélèvements obligatoires appliqués aux rémunérations des agents publics et modèrent la dynamique des dépenses, en modifiant les comportements de départ des agents, qui ont reculé l'âge de liquidation de leurs droits. Il n'est pas certain que cette dernière dynamique conserve l'ampleur qu'elle a revêtue dans le passé, même si le recul de l'âge de départ en retraite est inscrit dans les projections de comportement des fonctionnaires.

Dans ces conditions, dans un contexte de poursuite de la dégradation du rapport démographique 238 ( * ) des régimes des fonctionnaires de l'État, le bouclage financier du compte pourrait devoir être encore plus sensible aux différentiels concernant les dynamiques respectives des bases de cotisation, d'un côté, et de constitution et de valorisation des droits à retraite des affiliés de l'autre.

Cette sensibilité ne semble pas particulièrement redoutable même s'il faut tenir compte du fait que, si l'équilibre global du compte d'affectation spéciale est mieux que respecté à court et plus encore à long terme, une période plus incertaine pourrait être traversée à moyen terme sous l'effet d'une dégradation transitoire du rapport démographique.

En outre, force est d'observer que l'excédent des régimes de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État, pour paraître structurel au vu des projections réalisées sur ce point (voir infra ), dépend évidemment d'un grand nombre d'hypothèses plus ou moins robustes, mais surtout plus ou moins soutenables.

Cette problématique de soutenabilité ouvre sur des questions plus larges.

Les régimes de retraite n'ont pas qu'une dimension macro-financière ; ce sont également des « véhicules d'informations », reflets de préférences collectives plus ou moins explicitées, susceptibles d'orienter les choix individuels, et passibles, sous cet angle, d'évaluation en termes d'efficacité et d'équité .

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE « NOMINALE » DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN 2018

Les dépenses du compte (58,5 milliards d'euros) ont été à peu près (0,2 % de plus) équivalentes aux crédits ouverts en loi de finances initiale (58,4 milliards d'euros).

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2018 ont été abondés par des reports de crédits d'un montant de 1 289,3 millions d'euros complétant les ouvertures de début d'année principalement pour le programme 741 (1,2 milliard d'euros).

Cependant, après ces reports, les dotations finalement disponibles n'ont pas été toutes consommées, un surplus de l'ordre de 1,3 milliard d'euros (analogue à celui de l'an dernier) soit environ une semaine de dépense de pension ayant été laissé disponible,

Les reports de crédits intervenus en début d'année (arrêté du 22 mars 2018) n'auront finalement été que partiellement utiles permettant pour l'essentiel d'envisager de nouveaux reports sur l'exercice 2019.

Ainsi, la sur-exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale a atteint 93 millions d'euros (0,2 % des crédits initiaux) avec une polarisation sur le programme 741 (116 millions d'euros).

Dans ce contexte, il convient de remarquer que les dépenses de pension ne sont pas responsables de la surconsommation des crédits ouverts en début d'année. Elles ont été globalement en ligne avec la prévision. En ce qui concerne les charges du programme 741, une légère surestimation des dépenses de pension par la loi de finances initiale peut même être constatée, de l'ordre de 15 millions d'euros.

Ce sont les dépenses de compensation démographique (395 millions d'euros en excédent de 98 millions d'euros par rapport aux prévision) et les transferts au profit de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) avec un excédent de dépenses de 25 millions d'euros, pour un total de charges de 361 millions d'euros qui sont en cause. En outre, s'agissant des militaires, l'affiliation rétroactive aux régimes général et de l'IRCANTEC des personnels ayant quitté la fonction publique prématurément 239 ( * ) , avec un total de dépenses de 225 millions d'euros, a suscité des dépenses en excédent de 12 millions d'euros par rapport à la prévision.

Équilibre en recettes et en dépenses du CAS « Pensions » en 2018

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Recettes

Dépenses

Écart dépenses 2018 par rapport à

Solde

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Exécution 2017

LFI 2018

Prévision LFI 2018

Exécution 2018

Programme 741
« Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

56 697

56 139

53 880

54 627

54 743

+ 1,6 %

+0,2 %

+ 2 069,8

+ 1 396,4

Programme 742
« Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 951

1 971

1 903

1 922

1 918

+0,8 %

-0,2 %

+ 29,7

+ 52,6

Programme 743
« Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

1 863

1 853

1 924

1 863

1 844

- 4,2%

- 1,1 %

0

+ 9

Total mission

60 511

59 963

57 707

58 412

58 505

+ 1,4 %

+ 0,2 %

+ 2 0 99,5

+ 1 457,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Pensions » annexé au projet de loi de règlement pour 2018)

Pour les recettes , les prévisions pour 2018 se montaient à 60,511 milliards d'euros. Les recettes finalement encaissées ont été légèrement inférieures à cette prévision , faisant apparaître, avec 59,963 milliards d'euros, un déficit de réalisation de 548 millions d'euros.

La moins-value de recettes n'est pas négligeable puisqu'elle atteint ainsi près de 1 % de la prévision.

L'essentiel des moins-values de recettes a été constaté sur le premier programme du compte (- 558 millions d'euros), ce qui n'a rien que de normal compte tenu de son importance relative.

Les assiettes de contribution ont été moins dynamiques que prévu dans la fonction publique d'État civile.

Dans ces conditions, l'équation de la réalisation des opérations du compte a permis de constater un excédent, mais en baisse par rapport à l'exercice précédent et moins élevé qu'escompté.

La programmation budgétaire extériorisait un excédent prévisionnel du compte de 2 099,5 millions d'euros. Avec 1 457,9 millions d'euros , il s'est avéré inférieur de 641,6 millions d'euros au solde prévisionnel (un niveau inférieur de 30,6 % par rapport à la prévision).

B. DES MASSES FINANCIÈRES DONT LA LÉGÈRE ACCÉLÉRATION NE REMET PAS EN CAUSE LES INFLEXIONS PROFONDES DUES NOTAMMENT AUX RÉFORMES APPLIQUÉES AUX RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES

Les masses financières retracées dans le CAS connaissent une certaine accélération.

Mais, celle-ci reste modérée par rapport aux tendances observées sur longue période qui ont connu une rupture après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite de la fonction publique.

1. Les recettes, freinées par le gel indiciaire, ont été peu dynamiques malgré l'alourdissement des cotisations salariales qui a pesé sur les salaires nets des fonctionnaires

En ce qui concerne les recettes, la déception enregistrée par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2018 (548 millions d'euros de moins-values), s'est soldée par une croissance très modérée, de 0,5 % (contre plus de 3 % l'an dernier).

Le supplément de recettes par rapport à 2017 s'élève à 316 millions d'euros.

Il se trouve réparti entre le programme 741 (+ 263 millions d'euros contre + 1 968 millions d'euros en 2017), et le programme 742 (+ 119 millions d'euros alors qu'une baisse des recettes avait été constatée l'an dernier), pour lequel les recettes présentent une forte singularité 240 ( * ) .

Comme pour ce dernier programme, les recettes du programme 743 sont d'une nature tout à fait particulière puisqu'elles sont déconnectées de tout lien avec une quelconque base contributive ne reflétant que la charge budgétée dans le cadre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » au titre des différentes allocations de reconnaissance financées par cette mission budgétaire.

Évolution des recettes du compte entre 2017 et 2018

Exécution 2017

Exécution 2018

Écart (en %)

Écart (en valeur)

Programme 741

55 875

56 138

0,5

264

Programme 742

1 852

1 971

+6,4

119

Programme 743

1 919

1 853

- 3,4

- 66

Total

59 647

59 963

+0,5

316

Source : commission des finances du Sénat à partir des données des rapports annuels de performances pour 2017 et 2018

Le rapport annuel de performances de la mission ne présente pas les facteurs d'évolution des recettes de façon exhaustive, mais il met en exergue certains points saillants.

Principales contributions à l'augmentation des recettes du CAS
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Relèvement du taux de cotisation salariale (0,27 point en 2018)

162

Augmentation des assiettes de contributions des employeurs

271

dont :

civils

254

militaires

17

Augmentation des « recettes » du programme « Ouvriers et établissements industriels de l'État »

119

Diminution des subventions versées par la mission Anciens combattants au programme 743

- 66

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des annexes budgétaires (2018)

On relève une fois encore, mais en creux, l'importance du rôle joué par la politique de ressources humaines de l'État, dans ses composantes numérique et rémunératoire, pour la dynamique des recettes du compte, variable-clef à laquelle il faut ajouter toutefois la considération de données plus structurelles.

En 2018, la dynamique des recettes du programme 741 (+263 millions d'euros ; soit + 0,4 %) résulte pour 62 % de la croissance des cotisations salariales et, pour le reste (31 %), essentiellement de l'augmentation des cotisations sociales employeurs.

Ces deux évolutions sont tributaires de facteurs différents.

Compte tenu de la stabilité du taux de contribution de l'État aux régimes de retraite, seule l'évolution des assiettes de cotisation agit sur les contributions employeurs tandis que pour les cotisations retenues sur les salaires des agents, il faut également tenir compte de l'alourdissement des cotisations sociales vieillesse.

En ce qui concerne les assiettes de cotisations , l'absence de revalorisation indiciaire en 2018 couplée avec la réduction de l'emploi public affilié au régime de la fonction publique, qui résulte notamment de la progression de la part des emplois contractuels dans les effectifs de la fonction publique, devait laisser à des facteurs un peu seconds la responsabilité d'assurer le dynamisme des cotisations.

Compte tenu de la suspension du PPCR décidée par le Gouvernement, qui a asséché une source possible d'élargissement des assiettes de cotisation, il a fallu ne compter que sur le seul « glissement-vieillesse technicité solde » (« GVT solde ») pour assurer une certaine dynamique spontanée des recettes, un faible effet en année pleine de l'augmentation indiciaire de 0,6 % intervenu en février 2017 constituant un très minime ajout.

Compte tenu d'un effet du « GVT solde » de l'ordre de 300 millions d'euros, force est de constater que l'attrition des assiettes de cotisation du fait des facteurs exposés plus avant a déprimé le rythme d'accroissement des recettes des régimes de retraite de la fonction publique .

En bref, l'année 2018 a illustré, du côté des recettes, les effets de la combinaison d'une faible dynamique des salaires et d'une baisse du nombre des cotisants.

Il a fallu ainsi compter sur le relèvement du taux de cotisation sur les rémunérations d'activité des fonctionnaires (+ 2,6 %) programmé dans le cadre du rattrapage désormais presque total 241 ( * ) du taux de cotisation salariale des fonctionnaires avec celui des salariés du secteur privé pour éviter une baisse des recettes des régimes récapitulés dans le programme 741.

Évolution des taux de cotisation salariale dans la fonction publique d'État
et dans les régimes des salariés du secteur privé

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2018

Les évolutions des recettes du programme 741 détaillées ci-dessous illustrent le dynamisme différencié des deux principales catégories de recettes finançant les pensions civiles et militaires en 2018.

Évolution des différentes catégories de recettes du programme 741
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Exécution 2017

Exécution 2018

Variation entre 2017 et 2018 (en %)

Variation entre 2017 et 2018 (en valeur)

Cotisations salariales

6 589

6 751

2,5

162

Contributions des employeurs

48 412

48 493

0,2

81

Autres

874

895

2,4

21

Total

55 875

56 139

0,4

263

Source : commission des finances du Sénat

La croissance des cotisations correspondant à des retenues sur les traitements des fonctionnaires a suivi un rythme plus de dix fois plus soutenu que les contributions des employeurs.

2. Une progression mesurée des dépenses

La progression des dépenses a été plus forte que celle des recettes (autour de 1,4 %, soit un supplément de dépenses de 798 millions d'euros par rapport à 2017).

Elle a été un peu plus rapide (+ 1,6 %) pour les seules dépenses du programme 741 (+863 millions d'euros), qui concentre près de 94 % des dépenses du CAS, et est responsable de la totalité de l'alourdissement des dépenses du compte.

Les deux autres sections du compte enregistrent, de leur côté, une réduction structurelle de leurs charges, contrariée cette année pour le programme 742.

Dans ce cadre général, l'augmentation des seules dépenses de pensions du programme 741 a atteint 968 millions d'euros 242 ( * ) , en progression de 1,8 % (2,1 % pour les pensions civiles ; 0,5 % pour les pensions militaires).

Dépenses du programme 741 en 2017

Source : RAP 2017

Dépenses du programme 741 en 2018

Source : RAP 2018

Même si elles ont été supérieures aux prévisions, les autres dépenses du compte ont dégagé quelques économies par rapport à l'an dernier. Il en est allé ainsi tout particulièrement pour les charges de compensation démographique qui ont reculé de 146 millions d'euros. En revanche, les charges associées aux transferts de l'État vers la CNRACL ont progressé (+ 34 millions d'euros), conformément à la logique des relations entre l'État et cette caisse de retraites.

La dynamique des charges peut être attribuée à l'indexation des pensions en stock et, principalement, aux effets produits par les entrées en pension nettes des sorties au cours de l'année.

a) Les charges de pensions ont été freinées par la sous-indexation des pensions, 2018 ayant été une année blanche

Sur le premier point, l'année 2018 a été une année blanche pour la revalorisation des pensions. Toutefois, il a fallu compter avec la revalorisation de 0,8 % appliquée au 1 er octobre 2017. En 2017, cette dernière avait entraîné une dépense supplémentaire de l'ordre de 84 millions d'euros pour les seules pensions civiles de l'État 243 ( * ) du programme 741, pour un supplément total de charges de l'ordre de 104 millions d'euros.

En 2018, son application en année pleine pourrait avoir occasionné 320 millions de dépenses supplémentaires.

Ce supplément de dépenses compte pour 33 % du surcroît de charges observé sur le programme 741 du compte (soit une contribution inflationniste sur les dépenses de l'ordre de 0,6 %).

Dans ce contexte, on peut illustrer les effets des modalités de revalorisation des pensions suivies en 2017 et 2018 par rapport à un scenario alternatif d'indexation des pensions sur l'inflation retenant, conventionnellement, une indexation au 1 er juillet d'une année sur l'inflation de l'année considérée.

Avec une telle règle, les pensions auraient été revalorisées de 1 % en juillet 2017 (pour un effet de 0,5 % en année calendaire) et de 1,8 % en juillet 2018 (pour un effet de 0,9 % en année calendaire).

Toutes choses égales par ailleurs, le niveau des dépenses de pension du programme 741 aurait été supérieur de 156 millions d'euros en 2017 et de 316 millions d'euros en 2018 soit un supplément de charges de 472 millions d'euros à fin 2018 laissant un reliquat de charges supplémentaires de 316 millions d'euros pour 2019.

Au total, le scenario alternatif ici envisagé se serait traduit par un alourdissement des charges du programme de l'ordre de 788 millions d'euros, dont 60 % dès 2018.

Ces éléments permettent d'approcher l'impact d'une indexation des pensions sur les prix, les économies acquises du fait de la désindexation mise en oeuvre en 2017 et 2018, mais également de mesurer l'incidence d'une résurgence éventuelle de l'inflation sur les charges de pensions civiles et militaires de l'État. En l'état, 1 % d'inflation supplémentaire équivaut potentiellement à une surcharge de 533 millions d'euros.

Il convient enfin de souligner que les charges du programme 743, qui correspondent aux prestations versées aux anciens combattants, sont tributaires d'un autre mécanisme d'indexation que pour les pensions civiles et militaires. Leur indexation est liée à « l'indice de traitement brut-grille indiciaire de la fonction publique » dans le cadre du mécanisme dit du « rapport constant ». Cette formule, comparativement favorable lorsque l'évolution de l'inflation conduit à geler les pensions civiles et militaires, peut, en revanche peser sur la dynamique des pensions d'anciens combattants quand la politique salariale aboutit à un gel de l'indice.

b) L'effet de noria a alourdi les charges de pension

Les autres facteurs d'évolution des charges de pension ont exercé un effet à la hausse sur ces dernières de l'ordre de 1,2 % pour les pensions civiles et militaires de l'État.

L'information budgétaire ne permet pas de décomposer finement cette composante de la dynamique des dépenses.

Selon les données disponibles, les entrées en pension auraient assez nettement décliné, en particulier pour les personnels de l'éducation nationale, et pour les liquidations de pensions des agents de moins de 62 ans.

Évolution des liquidations de pensions de droit direct
des personnels civils de l'État

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2018

Cette évolution a pu être amplifiée par un nombre de sorties de pensions de droit direct plus important, mais la revalorisation de la pension moyenne en stock résultant du flux de pensions nouvellement liquidées d'une valeur supérieure à celle des pensions en service (effet de noria) a joué dans un sens opposé.

L'information budgétaire gagnerait à présenter plus systématiquement le détail d'évolutions complexes d'autant qu'elles se situent dans un contexte marqué par les modifications des règles des régimes de retraite des fonctionnaires selon un processus qui voit les conditions de liquidation des pensions progressivement resserrées.

L'année 2018 porte la marque d'un nouveau décalage de l'âge de liquidation de leurs droits par les fonctionnaires dont les effets sur les dépenses du CAS mériteraient d'être explicités.

Par ailleurs, l'effet noria mérite d'être suivi dans le temps dans la mesure où les conditions qui en déterminent l'ampleur ont nettement évolué depuis que la politique salariale de l'État s'applique à contenir la dynamique indiciaire.

On rappelle qu'en 2017, le « coût unitaire budgétaire » des nouvelles pensions (14 672 euros) avait été plus élevé que pour la pension moyenne du stock (9 108 euros) de l'ordre de 60 %, en dépit d'une augmentation de la part des nouveaux retraités concernés par la décote. Cette dernière avait considérablement augmenté, passant de 12,54 % à 14,11 % tandis que ceux bénéficiant de la surcote avait baissé (de 29,86 % à 27,66 %) dans un contexte où, pourtant, le coût de la décote augmentait (le bénéfice de la surcote se dévalorisant). Le premier s'établit à 163,18 euros par mois (soit 16,4 millions d'économies de dépenses publiques en année pleine pour les entrants de 2017).

À cet égard, lors de l'exercice 2018, le nouveau décalage de l'âge de départ en retraite des fonctionnaires pourrait s'être traduit par un supplément d'augmentation de la valeur unitaire des nouvelles pensions.

C. UN SOLDE MOINS EXCÉDENTAIRE EN 2018 MAIS UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE

Sur longue période, tant les recettes que les charges du CAS ont connu une progression continue et forte.

Mais, comme l'illustre le graphique ci-dessous, une inflexion s'est produite après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite dans les fonctions publique, les masses financières impliquées par les régimes de retraite des fonctionnaires progressant sur un rythme nettement modéré.

Évolution des recettes et des dépenses du CAS
(2009-2017)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017

En outre, depuis 2013, les recettes affectées au financement des pensions avaient augmenté régulièrement plus vite que celles-ci.

De 2013 à 2017, les recettes du CAS ont progressé de 6,8 % tandis que les dépenses se sont alourdies de 3,8 % aboutissant à la constitution d'un excédent à partir de 2013 dont l'ampleur n'avait depuis cessé de croître.

L'exercice 2018 marque une inversion de ce processus.

En dépit de la stabilité du taux de contribution employeur observée depuis 2014, et qui se poursuit en 2018, et malgré une nouvelle hausse du taux de cotisation salariale de 2,6 %, les recettes du compte ont subi un essoufflement. Malgré une progression modérée des dépenses du compte « Pensions » (+ 1,4 % au total), le différentiel entre les recettes et les dépenses a entraîné une réduction du résultat, demeuré positif, de l'exercice

L'inversion du différentiel en 2018 a entraîné une inversion de cette trajectoire, tout en laissant subsister un excédent, qui a accru le solde cumulé du compte.

Malgré des perspectives plus incertaines à moyen terme, le régime de retraite de la fonction publique d'État ressort en projection de long terme comme sur-financé.

1. Un excédent réduit mais qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte

Les dynamiques effectives des recettes et des dépenses du compte en 2018 ont conduit à un solde d'exécution inférieur au niveau envisagé par la loi de finances initiale mais aussi au résultat de l'exercice précédent.

L'excédent a atteint 1 457,9 millions d'euros (contre 2 099, 5 millions en prévision) en repli de près de 500 millions d'euros par rapport au solde de l'exercice 2017.

Cependant, le niveau du solde de 2018 reste près de deux fois plus élevé que celui de 2016 et permet d'atteindre un niveau d'excédents cumulés de 6,6 milliards d'euros compte tenu des résultats dégagés depuis 2006.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : rapport annuel de performances 2018

En dix ans, depuis 2008, le compte a accumulé des excédents de 5,8 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 580 millions d'euros, le résultat pour 2018 excédant cette moyenne de près de un milliard d'euros.

Il atteint en 2018 l'équivalent d'une année de cotisations salariales.

Ce niveau, techniquement excessif par rapport aux normes usuelles, doit cependant être apprécié en fonction de considérations plus structurelles.

Parmi celles-ci doit d'abord être mentionné le processus de convergence des cotisations salariales de retraite des fonctionnaires avec celles en vigueur dans le régime général qui aboutit à une élévation du taux de contribution des fonctionnaires au financement du régime, même à contribution inchangée des employeurs.

Compte tenu de l'objectif de parité des systèmes de prélèvement entre public et privé, la réduction du taux de contribution des employeurs apparaît comme la seule variable d'ajustement mobilisable pour limiter la progression du solde du compte.

Or, deux éléments au moins rendent cette variable peu maniable :

- la nature de la « contribution employeur » affectée au compte ne correspond pas strictement à une cotisation sociale vieillesse employeur, mais, destinée à équilibrer les dépenses du compte, elle intègre partiellement la contrainte de financement correspondant à des « avantages » non contributifs. Dans ces conditions, une baisse de cette contribution ne saurait être entreprise sans qu'une clarification des déterminants divers de son taux n'intervienne ;

- et, probablement surtout, l'atténuation de la contrainte budgétaire appliquée aux ministères dans la gestion de leurs personnels qu'induirait une baisse de la contribution des employeurs.

2. Un excédent structurel ?

Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, doté d'un excès de financement en 2018 semble également doté d'un excédent structurel à moyen et, surtout, à long terme.

Ce résultat permet (aux réserves près développées dans la section suivante) de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .

a) Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages...

Ces engagements 244 ( * ) , qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 2 212 milliards d'euros à la fin de l'année 2017 .

Le compte général de l'État pour 2018 les chiffre entre 1 413,5 milliards d'euros et 2 080,4 milliards d'euros.

Engagements de retraites de l'Etat

Source : compte général de l'État pour 2018

La fourchette d'estimation est large selon le taux d'actualisation envisagé.

Le passage entre l'estimation de 2017 et l'évaluation de 2018 met en évidence la sensibilité des estimations au taux d'actualisation de référence. Du taux de - 0,55 % utilisé l'an dernier au taux le plus défavorable (- 0,33 %) du nouveau compte général de l'Etat, l'estimation des engagements de retraite se réduit de 131 millions d'euros. Moyennant quelque simplification, 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau de l'ordre de 380 millions d'euros.

Passage de l'évaluation des engagements de retraite de l'État
de 2017 à celle de 2018

Source : compte général de l'État pour 2018

La réduction des engagements de l'État résulte, en outre, d'une différence positive entre les droits éteints au cours de l'année et ceux nés en 2018. La différence atteint 21,4 milliards d'euros et illustre la décrue attendue des charges de pension qui devrait caractériser les régimes des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat.

Etant observé que l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retaite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse des comportements d'épargne des ménages, on doit en nuancer l'intérêt pour ce qui concerne la soutenabilité du régime.

Celle-ci est nettement mieux appréciable à partir d'un raisonnement sur le besoin de financement du régime de retraite.

b) ... mais une capacité de financement durable du système de pensions de la fonction publique d'État

Dans les évaluations publiées jusqu'à présent, le besoin de financement 245 ( * ) actualisé à l'horizon de 2050 était plus ou moins négatif en fonction des perspectives de croissance économique, mais il était toujours négatif, ce qui signifie que le régime dégage une capacité de financement.

L'estimation des besoins de financement actualisés pour 2050 présentée dans le compte général de l'Etat pour 2018 vient nuancer, mais légèrement, ce panorama.

Dans l'hypothèse d'un taux d'actualisation négatif (- 0,33 %), les nouvelles estimations des besoins de financement actualisés à l'horizon 2050 extériorisent un besoin de financement net très modéré au vu des masses financières en jeu, de 1 milliard d'euros.

Projection du besoin de financement à l'horizon 2050

Source : compte général de l'État pour 2018

Dans tous les autres scenarios, le besoin de financement actualisé des régimes sous revue serait négatif, la capacité de financement pouvant atteindre près de 6 milliards d'euros sous l'hypothèse d'un taux d'actualisation positif de 1,5 %.

Les perspectives à 2050 sont l'aboutissement d'une séquence de soldes financiers des régimes que présente le graphique ci-dessous.

Projection des soldes financiers des régimes de retraite
de la fonction publique d'État (2019-2050)

Source : compte général de l'État pour 2018

Le solde cumulé des régimes de fonctionnaires augmenterait jusqu'à atteindre un pic en 2030. Au-delà une longue période de déficits modérés viendrait entamer les « réserves » accumulées au point que le solde actualisé cumulé du régime passerait quelques années dans le rouge avant de se redresser en fin de période.

Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans nouvelle augmentation des taux de prélèvements obligatoires jusqu'en 2044.

À plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé, du moins si l'on se reporte aux informations publiées dans le compte général de l'État pour 2015 246 ( * ) .

La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres du graphique colorées en rouge, qui figurent les excédents annuels du régime. À l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteignait 437 milliards d'euros .

Les résultats de la projection publiée en 2015, qui reposait sur la législation en vigueur, montraient qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite les régimes concernés étaient équilibrés structurellement.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

On doit cependant insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées.

Les projections publiées par le COR, mises en regard de la projection présentéé ci-dessus, illustrent les écarts pouvant apparaître en fonction des hypothèses posées sur les différents paramètres gouvernant l'équilibre des régimes de retraite de la fonction publique.

Dans les projections du COR, le solde de ces régimes est moins bien orienté en début de période et s'il se redresse par la suite cette amélioration est plus ou moins forte selon le scenario envisagé.

Projection du solde technique du régime de retraite
des fonctionnaires de l'État à l'horizon 2070

(en milliards d'euros)

Source : rapport du COR, novembre 2017

D. UNE EXÉCUTION 2018 QUI ILLUSTRE CERTAINES PARTICULARITÉS DU PILOTAGE DES RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT

Dans la présentation qu'en propose le COR, le pilotage financier du régime global de retraite repose, à législation inchangée, sur trois leviers essentiels : la variation de la valeur de la pension moyenne relative au revenu moyen d'activité, la hausse du taux de prélèvement obligatoire, le relèvement de l'âge de départ en retraite.

Si l'application de ces leviers aux régimes des fonctionnaires présente des particularités, elle pose également des problèmes de même nature que pour les autres régimes.

1. Les régimes de retraite de la fonction publique d'État ont mobilisé les leviers disponibles pour assurer les besoins de financement liés au vieillissement de la population

Dans son dernier rapport, le COR présente les contributions respectives de ces trois leviers dans le cadre de trois scenarios de croissance différents.

Projections des besoins de financement liés au vieillissement et des contributions à leur résorption dans trois scenarios de croissance économique

Les deux principaux leviers agissant à législation inchangé seraient le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu d'activité et la hausse de l'âge de départ en retraite.

Quant au décrochage de la valeur relative de la pension moyenne par rapport aux revenus d'activité , il jouerait d'autant plus, en général, que le taux de croissance économique serait fort ce qui suppose de raisonner à partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits inchangé. Il s'agit d'une hypothèse implicite, dont la cohérence peut être discutée 247 ( * ) .

Le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu d'activité exerce un effet d'équilibrage des comptes de retraite en augmentant le différentiel entre la dynamique des recettes et celle des charges de pension.

En ce qui concerne les régimes de fonctionnaires, l'impact sur les recettes paraît devoir être assez limité, voire peu désiré (voir infra ). Une certaine rigidité des recettes à la croissance semble se constater ces dernières années, rigidité illustrée par l'exécution 2018. Ni l'emploi public, ni la politique salariale de l'État ne paraissent répondre nécessairement au taux de croissance économique.

En revanche, pour les régimes de retraite de la fonction publique, l'impact du décrochage entre les revenus d'activité et les pensions en termes de dynamique des dépenses est fort et paraît être désormais structurel, aux évolutions de la composition catégorielle des personnels publics près.

Ce dernier facteur peut être illustré par l'évolution dans le temps des indices servant à la liquidation des pensions. Ainsi pour les fonctionnaires de l'État, l'indice moyen de liquidation est passé de 498 en 1992 à 612 en 2010. Il est de 649 en 2017.

Une inflexion de la dynamique en volume de la base indiciaire s'est produite au fil du temps, amplifiée par la modération des revalorisations appliquées au point d'indice.

Dans ces conditions, si la valeur des pensions aujourd'hui liquidées est structurellement supérieure à celle des pensions en stock c'est à des facteurs déjà anciens qu'on le doit globalement, l'inertie produite par ces facteurs étant appelée à s'atténuer au fil du temps.

D'ores et déjà, les pensions nouvellement liquidées dans de nombreux compartiments de la fonction publique semblent avoir décroché depuis 2000 par rapport à l'inflation.

Croissance de la pension moyenne nouvellement liquidée par rapport
à l'inflation dans les différents compartiments de la fonction publique

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Ces évolutions ouvrent une perspective de réduction continue du poids des retraites des fonctionnaires dans le PIB, plus ou moins forte selon le scenario de croissance économique, malgré la perspective d'un repyramidage des emplois publics.

Évolution du poids des pensions de droit direct du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Évolution du poids des pensions de droit dérivé du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Ce résultat, obtenu moyennant une indexation des pensions sur l'inflation, repose sur la poursuite d'un décrochage des pensions de retraite de la fonction publique nouvellement liquidées par rapport au salaire moyen.

Il est également tributaire d'une stabilisation du rapport démographique des régimes de fonctionnaires.

Dans cette perspective, le second levier d'équilibrage financier des dépenses de retraites, le relèvement de l'âge de départ en retraite a joué un rôle important ces dernières années.

Entre 2010 et 2017, l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires de l'État progresse tous les ans, en lien avec le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite.

En 2017, il s'élevait à 61 ans et 5 mois avec une augmentation annuelle moyenne de plus de 3 mois depuis 2010.

La hausse de l'âge conjoncturel entre 2010 et 2017 a été plus importante chez les actifs que chez les sédentaires : pour les actifs elle a été de 2 ans et 1 mois (pour atteindre 58 ans et 9 mois en 2017), contre 1 an et 8 mois chez les sédentaires (pour atteindre 62 ans et 5 mois en 2017, soit davantage que l'âge légal d'ouverture des droits).

Relèvement de l'âge effectif de départ à la retraite depuis 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

2. L'impact des instruments d'équilibrage des régimes de retraite sur les régimes de la fonction publique, quelques observations
a) Le décrochage de la pension moyenne par rapport aux revenus d'activité, un paradoxe propre aux régimes de fonctionnaires et une interrogation plus générale

Si du point de vue financier l'équilibre des régimes de retraite est d'autant mieux assuré que les recettes croissent davantage que les dépenses, condition à laquelle le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu moyen d'activité contribue par hypothèse, il est probable que l'inélasticité des évolutions salariales dans la fonction publique au rythme de la croissance économique conduise à limiter l'impact du décrochage de la pension par rapport aux salaires d'activité.

Ce constat n'est pas prolongé dans les projections réalisées par le COR, qui ouvrent sur une sensibilité des recettes du CAS « Pensions » à la croissance économique.

Entre un scenario de croissance à 1 % et un scenario de croissance à 1,8 %, l'écart spontané de recettes atteint environ 35 milliards d'euros en 2050.

Recettes du CAS
selon les scenarios de croissance

Source : service des retraites de l'État, calculs du COR

Cette partie des projections du COR semble reposer sur une évolution de l'élasticité des recettes du CAS à la croissance économique par rapport aux observations les plus récentes. On ne peut ainsi la considérer comme tendancielle 248 ( * ) .

En ce qui concerne la fonction publique, la contrainte financière, même contrariée par des dynamiques spontanées des rémunérations publiques, est un déterminant spécifique qui incline à limiter la dynamique des recettes des régimes de fonctionnaires, puisque l'État contribue fortement à ces dernières.

L'augmentation de la contribution employeur suscite autant de dépenses supplémentaires pour le budget général. Cet enchaînement n'équivaut pas à une augmentation des dépenses publiques puisqu'aussi bien cette dernière dépend exclusivement de l'évolution des dépenses de pension à la charge du compte. Seule cette dernière importe en réalité.

Or, sous cet angle, les projections dessinent une tendance baissière qui, loin d'impliquer une augmentation des contributions au compte, ouvre la perspective d'une réduction des dépenses publiques et, logiquement, d'une baisse de la contribution du budget général aux ressources du compte spécial « Pensions ».

Il est vrai que ces équilibres sont tributaires d'un décrochage soutenu des pensions par rapport aux revenus d'activité qui, tout comme dans les autres compartiments du régime de retraite, pose certains problèmes.

Le taux de remplacement assuré par les pensions devrait se replier considérablement à l'avenir.

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un non-cadre du secteur privé

Source : rapport annuel du COR, 2019

Pour un agent de la fonction publique de catégorie B, la dynamique serait analogue compte tenu d'un taux de remplacement net de départ inférieur.

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire de catégorie B non sédentaire
(part de primes inchangée) non-cadre du secteur privé

Source : rapport annuel du COR, 2019

À terme, le taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie assuré par les régimes de retraite de la fonction est appelé à atteindre un faible niveau et impliquerait une baisse du niveau de vie relatif des retraités d'autant plus prononcé que l'écart entre la croissance économique et l'indexation des pensions serait fort. Dans un tel modèle d'équilibre des comptes de la retraite, l'attractivité des régimes obligatoires de retraite tend à se détériorer par rapport à des alternatives où les créances constituées par les épargnants se trouvent implicitement indexées sur le PIB.

La baisse du taux de couverture du risque viager par les régimes de retraite créera un besoin de revenus complémentaires dont les conditions de réunion n'ont aucune raison d'être équivalentes à celles dont dépendent les pensions versées par les régimes.

La perspective d'une baisse des taux de rendement offerts par ceux-ci au niveau desquels la subvention de la collectivité publique contribue aujourd'hui fortement, posera la question de la distribution entre les différents niveaux de revenu des transferts publics alternatifs qui peuvent bénéficier à certaines formes d'épargne de précaution.

b) Le relèvement de l'âge de liquidation des droits, quelle faisabilité ?

Le levier du report du départ de l'âge de liquidation des pensions est censé assurer une part importante du financement du besoin de financement supplémentaire engendré par le vieillissement démographique, à législation inchangée.

D'ores et déjà, les fonctionnaires partent généralement à la retraite après l'âge légal qui leur est applicable, l'âge effectif de liquidation des pensions ayant significativement augmenté.

Les générations encore en activité devraient continuer à décaler leur départ en raison du durcissement des conditions d'obtention d'une pension à taux plein.

Dans la fonction publique, ce paramètre ne pose pas les mêmes problèmes que dans le secteur privé où le taux d'activité aux abords de l'âge légal de départ en retraite, pour avoir nettement augmenté, demeure très bas. En revanche, il se heurte à des difficultés particulières. Les premières sont liées à l'importance des catégories actives et super-actives dans la fonction publique, catégories de personnels qui sont en diminution après les reclassements opérés dans le passé, mais qui représentent une proportion importante d'effectifs pour lesquels la prolongation de la vie active peut poser de réels problèmes fonctionnels. Les secondes sont relatives à la gestion des ressources humaines relevant de la fonction publique. L'objectif d'augmenter la productivité dans le secteur public semble passer par une réduction du format des effectifs. Dans ce contexte, l'allongement de l'activité des fonctionnaires en place réduit les possibles et se traduit par une rigidification au moins transitoire des emplois publics et des rémunérations.

MISSION « RELATIONS AVEC
LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES» - MM. Charles Guené et Claude Raynal,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2018

1. La mission « Relations avec les collectivités territoriales »

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace, pour plus de 90 % des crédits de paiement consommés en 2018, les dotations versées aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences ou pour soutenir l'investissement local. Toutefois, les principaux transferts de l'État au profit des collectivités territoriales, notamment la dotation globale de fonctionnement, constituent des prélèvements sur recettes et ne sont pas retracés par la présente mission .

Place de la mission au sein des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Au titre de l'exercice 2018, les crédits exécutés sur la mission se sont élevés à 3,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) . L'exécution est marquée par une sous-consommation de l'ordre de 2,5 points de pourcentage par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale. En outre, elle se caractérise par un important recul en AE (- 15,7 %) et une progression en CP (+ 3,8 %) par rapport à l'exercice 2017.

Évolution et exécution des crédits de la mission en 2018

(en millions d'euros)

Nature

Exécution 2017

LFI 2018 (y.c FDC et ADP)

Exécution 2018

Évolution 2017-2018

Taux d'exécution 2018

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

AE

3 935,12

3 607,91

3 495,82

-11,16 %

96,89 %

CP

2 930,04

3 412,36

3 304,83

3,74 %

96,85 %

122 - Concours spécifiques et administration

AE

437,63

184,76

190,83

-56,39 %

103,29 %

CP

458,98

249,48

267,03

4,70 %

107,03 %

Total de la mission

AE

4 372,76

3 792,67

3 686,65

-15,69 %

97,20 %

CP

3 389,02

3 661,84

3 571,86

3,81 %

97,54 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le recul de la consommation des crédits en AE est majoritairement imputable à la dynamique du programme 119 (- 439 millions d'euros entre 2017 et 2018). Au sein de ce programme, la baisse de 472 millions d'euros au titre de l'action n°3 « Soutien aux projets des départements et des régions » est déterminante .

Contribution des actions du programme 119 à la baisse du volume
de crédits consommés (AE)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Malgré certaines faiblesses sur lesquelles vos rapporteurs spéciaux s'exprimeront, les documents budgétaires permettent d'identifier les facteurs les plus explicatifs de la baisse des engagements réalisés au sein de l'action n° 3 . À titre principal, elle résulte du passage en deuxième partie de cycle du dispositif de fonds exceptionnel de soutien à la compétence « développement économique » des régions . En effet, dans sa première phase, en 2017, le fonds avait été doté de 450 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 200 millions d'euros en crédits de paiement, qui ont tous été consommés sur l'exercice précédent. En 2018, pour la seconde phase, seule une dotation de 250 millions d'euros en crédits de paiements était prévue. À titre secondaire, cette baisse s'explique pour 12,1 millions d'euros par la contraction de la dotation globale d'équipement des départements (DGE), laquelle s'est élevée à 197,9 millions d'euros (AE) en 2018.

Deux autres actions ont connu des contractions significatives en AE, quoique d'une ampleur moindre . En l'espèce, l'action n° 5, qui retrace la dotation générale de décentralisation (DGD) dans ses trois composantes (aux régions, à la collectivité de Corse et à Île-de-France Mobilités), affiche une diminution des autorisations consommées de près de 98 millions d'euros par rapport à 2017, soit 10,7 % de l'enveloppe totale . Cette situation s'explique quasi-exclusivement par la baisse de la « DGD Corse » résultant de son intégration au dispositif d'attribution d'une fraction de TVA aux régions . Enfin, la baisse constatée de l'action n° 7 - « Soutien à l'investissement - part métropoles » - s'explique par un changement de maquette en 2017. En effet, la part de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) qui y était retracée apparait désormais au sein de l'action n° 1. Les montants enregistrés dans cette action constituent, en réalité, des « erreurs d'imputation comptable » .

Mouvements des crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

LFI

Reports entrants

Transferts et virements

Décrets d'avance

LFR 2018

Reports sortants

FDC/ADP rattachés

Crédits disponibles

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

AE

3 607,91

2,20

4,71

-

115,00

-

-

3 729,81

CP

3 412,36

1,50

4,71

-

112,62

-

-

3 531,19

122 - Concours spécifiques et administration

AE

184,67

65,64

-0,03

-

50,00

-

0,06

300,34

CP

249,40

50,50

-0,03

-

-2,02

-

0,06

297,90

Total de la mission

AE

3 792,58

67,84

4,68

-

165,00

-

0,06

4 030,15

CP

3 661,76

52,00

4,68

-

110,60

-

0,06

3 829,09

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales »

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » retrace, principalement, les versements aux collectivités et à leurs groupements du produit des impôts locaux perçus pour leur compte ou à leur profit par l'État . De plus, il assure le suivi des avances consenties aux collectivités et établissements publics, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie , lorsqu'ils « connaissent des difficultés momentanées de trésorerie ». Enfin, depuis 2014 et dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité, il retrace le versement des avances sur frais de gestion des divers impôts locaux transférés aux départements et aux régions .

En 2018, la consommation de crédits s'élève à 103,9 milliards d'euros , soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2017 .

La totalité de la consommation des crédits est portée par le programme 833 . En effet, si la loi de finances initiale avait prévu 6 millions d'euros de crédits au titre du programme 832, aucun n'a été consommé.

En 2018, le solde du compte est excédentaire de 583 millions d'euros , soit un montant comparable au solde moyen de 552 millions d'euros constaté entre 2011 et 2017. Ce montant est en progression de 421 millions d'euros par rapport à l'année précédente et il est supérieur de 93 millions d'euros à la prévision initiale.

Évolution du solde du compte de concours financiers entre 2006 et 2018

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les recettes du compte, en 2018, concernent uniquement le programme 833 . Elles sont constituées des recouvrements de fiscalité et des compensations versées par le budget général au titre des dégrèvements accordés aux contribuables et des rôles non recouvrés . En majorité, elles proviennent des versements dus au titre des recouvrements et remboursements de fiscalité locale (92,7 % des recettes totales) et, particulièrement, de la taxe foncière (40,2 % des recettes totales).

Comme indiqué précédemment, les dépenses du compte sont exclusivement portées par le programme 833 . De même que pour les recettes, elles concernent à plus de 90 % des versements liés à la fiscalité locale .

Prévision et exécution des recettes et des dépenses du compte de concours financiers en 2018

(en milliards d'euros, en CP)

Recettes

Dépenses

Nature de la recette ou de la dépense

Prévision

Exécution

Écart

Part dans les recettes totales

Prévision

Exécution

Écart

Part dans les dépenses totales

Taxe d'habitation

23,295

23,368

0,31 %

22,36 %

23,421

96,091

-0,15 %

92,46 %

Taxe foncière

42,231

42,043

-0,45 %

40,23 %

42,252

Taxes professionnelle, pylônes et balayage

0,458

0,441

-3,71 %

0,42 %

0,42

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

18,989

19,215

1,19 %

18,39 %

18,055

Contribution foncière des entreprises et imposition forfaitaire des entreprises de réseau

10,882

11,026

1,32 %

10,55 %

11,127

Taxe sur les surfaces commerciale

0,772

0,776

0,52 %

0,74 %

0,958

Sous-total fiscalité locale

96,812

96,869

0,06 %

92,69 %

96,233

TICPE

5,824

5,714

-1,89 %

5,47 %

5,903

5,911

0,14 %

5,69 %

Frais de gestion de la TFPB

0,95

0,958

0,84 %

0,92 %

0,959

0,958

-0,10 %

0,92 %

Frais de gestion CFE, CVAE, TH et fraction TICPE

0,968

0,971

0,31 %

0,93 %

0,964

0,969

0,52 %

0,93 %

Marge prudentielle

3

0

3

Total

107,554

104,512

-2,83 %

100,00 %

107,059

103,929

-2,92 %

100,00 %

Solde du programme

0,583

Source : Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une augmentation en trompe-l'oeil des dotations d'investissement

Évolution des crédits des principales dotations d'investissement au bloc communal et métropolitain

(en millions d'euros, en AE)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Comme vos rapporteurs spéciaux l'avaient, malheureusement, identifié lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, l'accroissement des engagements formés au titre des trois principales dotations (+7 %), présente un caractère artificiel. En effet, ce phénomène s'explique par la révision, en loi de finances initiale, du périmètre des dépenses supportées par l'enveloppe de la DSIL. Ainsi, à champ constant par rapport à 2017, il apparait que la DSIL a diminué de 124 millions d'euros pour s'établir à 426 millions d'euros (-23 %). En tenant compte de ce nouveau montant, vos rapporteurs spéciaux déplorent une diminution de 4,7 % des dotations d'investissement du bloc communal et métropolitain.

Comparaison de l'évolution de la DSIL à champ constant par rapport à 2017

(en millions d'euros, en AE)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Alors que l'exercice 2017 avait été marqué par des écarts d'exécution importants en crédits de paiement et en autorisations d'engagement , vos rapporteurs spéciaux constatent une relative amélioration en 2018 . Toutefois, ils s'alarment de la persistance d'une forte sous-consommation des crédits ouverts en autorisations d'engagement au titre de la DSIL . Ainsi, en 2018, l'écart constaté s'élève à près de 15 %. S'il y a lieu de saluer sa réduction par rapport à 2017 (50,6 % d'écart constaté), cette situation demeure largement insatisfaisante.

Évolution des taux d'exécution des crédits (AE) des principales dotations d'investissement du bloc communal et métropolitain

Source : Commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Une amélioration de la date de mise en ligne des dotations

Les montants de la dotation forfaitaire et des dotations de péréquation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ont été mises en ligne le 3 avril 2018, soit avant la date observée en 2017. Si cette réalisation dépasse de 3 jours l'objectif fixé au projet annuel de performance, vos rapporteurs spéciaux considèrent que l'effort produit par l'administration doit être salué.

Date de mise en ligne des dotations

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

3. Un manque de lisibilité de l'information budgétaire lié à la divergence des montants retenus par les différentes directions.

Vos rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de constater que les montants des autorisations d'engagement exécutées en 2018, indiqués dans les documents budgétaires, différaient selon que l'on se reporte aux tableaux de synthèse ou aux justifications au premier euro. Au niveau de la mission, l'écart cumulé s'élève à 90,3 millions d'euros.

L'administration a indiqué à vos rapporteurs que ces écarts s'expliquaient par les retraitements opérés par la direction générale des collectivités locales (DGCL) afin de neutraliser les effets des minorations d'autorisations d'engagement enregistrées par CHORUS en début d'exercice. Vos rapporteurs spéciaux entendent cette explication . En effet, il est compréhensible que pour rendre compte de son action au cours de l'exercice budgétaire, la DGCL se reporte au montant des autorisations d'engagement qu'elle a effectivement exécutées.

Écarts constatés entre les montants des autorisations d'engagements exécutées en 2018 indiqués aux tableaux de synthèse ou aux « justifications au premier euro »
du rapport annuel de performance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Toutefois, vos rapporteurs spéciaux considèrent que la coexistence de deux montants au sein d'un même document budgétaire n'est pas satisfaisante . Ils plaident pour que la DGCL explicite plus amplement et clairement le recours à de tels retraitements . D'une façon plus générale, ils estiment que l'accessibilité des données budgétaires et comptables de la DGCL - dont ils saluent l'accroissement - devrait être encore renforcée . Le Parlement pourrait, ainsi, procéder à des analyses et des contre-expertises plus avancées et indépendantes.

MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS » - M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

Exécution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Programmes

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018*

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018/ exéc. 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

(en %)

Programme 200

AE

96 960

104 755

110 022

11,87 %

5,03 %

CP

99 909

104 755

110 022

9,19 %

5,03 %

Programme 201

AE

12 664

15 212

15 705

19,36 %

3,24 %

CP

12 664

15 212

15 706

19,36 %

3,24 %

Total

AE

109 624

119 967

125 727

12,81 %

4,80 %

CP

112 573

119 967

125 727

10,46 %

4,80 %

Source : commission des finances, d'après les données fournies dans le rapport annuel de performance

L'année 2018 s'est caractérisée par une hausse globale des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». L'exécution est en augmentation de 10,46 % pour les crédits de paiement (CP) et de 12,81 % pour les autorisations d'engagement (AE). Bien que cette hausse ait partiellement été anticipée en loi de finances initiale, les crédits votés se sont révélés insuffisants et ont été dépassés de 5,8 milliards d'euros en exécution.

1. L'augmentation du niveau des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État est allée bien au-delà de la hausse votée en loi de finances initiale

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses en atténuation de recettes relatives aux impôts d'État. Le montant global des crédits consommés en 2018 s'est élevé à 110,02 milliards d'euros, en hausse de 10,11 milliards d'euros par rapport à 2017 et de 5,27 milliards par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale . Si le titre de l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) précise bien que les crédits de la mission sont seulement évaluatifs, il y a lieu de relever la récurrence de dépassements très importants en exercice.

La première action du programme (l'action 11) retrace les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt. L'action permet ainsi de mettre en évidence les mouvements de crédits relatifs à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les restitutions d'impôt sur les sociétés représentent 17,5 milliards d'euros tandis que les opérations relatives à la TVA (principalement des restitutions) s'élèvent à 52,5 milliards d'euros . Ces deux postes représentent les deux tiers des crédits du programme 200 . La troisième sous-action concerne le plafonnement des impositions directes (bouclier fiscal), qui continue à produire ses effets et qui a couté 5 millions d'euros en 2019.

La deuxième action (12) concerne les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques spécifiques tandis que la troisième action (13) concerne la gestion des produits de l'État, principalement les dégrèvements et restitutions de sommes indûment perçues, les remboursements des créances et des intérêts liés aux impôts.

Exécution par action du programme 200

(en millions d'euros)

Programme 200

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018/ exéc. 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

(en %)

Action 11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

AE

65 660

67 758

70 211

6,93%

3,62%

CP

65 660

67 758

70 211

6,93%

3,62%

Action 12- Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

AE

16 208

21 132

21 897

35,10%

3,62%

CP

16 208

21 132

21 897

35,10%

3,62%

13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits d'État

AE

18 041

15 865

17 915

- 0,70%

12,92%

CP

18 041

15 865

17 914

- 0,71%

12,91%

Total programme

AE

99 909

104 755

110 022

10,12%

5,03%

CP

99 909

104 755

110 022

10,12%

5,03%

Sources : commission des finances, d'après les données fournies dans le rapport annuel de performance

En loi de finances initiale 2018, les crédits du programme 200 ont été votés en hausse par rapport à 2017. Il s'agissait notamment de prendre en compte différentes mesures relatives aux crédits d'impôts, d'une part la hausse du taux de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) de 6 à 7 % et d'autre part la transformation en crédit d'impôt de la réduction d'impôt pour les salariés à domicile. La montée en charge du CICE a coûté 4,5 milliards d'euros supplémentaires en 2018 et le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a représenté une augmentation d'un milliard d'euros pour le programme .

En exécution, l'importance du dépassement par rapport aux crédits votés en LFI résulte à la fois de la sous-estimation initiale des restitutions d'impôt sur les sociétés liés à la mécanique de l'impôt (REIS) et des restitutions de crédits de TVA (RCTVA) mais également du niveau très élevé des décharges d'impôt sur les sociétés .

Les crédits du programme ont en conséquence dû être relevés, la LFR 2018 procédant à une ouverture de crédits de 4,6 milliards d'euros . Cette hausse n'a pas suffi à couvrir les dépassements du programme. En fin d'année, la différence entre les crédits ouverts et les crédits consommés s'est établie à 1,4 milliard d'euros .

En revanche, le coût des remboursements de la taxe sur les dividendes, invalidée par le Conseil constitutionnel en octobre 2017 249 ( * ) , a été inférieur aux prévisions . En effet, les remboursements de trop perçu sur les impôts directs hors impôt sur les sociétés ont porté sur des montants inférieurs de plus d'un quart aux montants projetés lors de la LFI, soit 4,94 milliards d'euros au lieu de 6,78 milliards d'euros.

2. Le niveau des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux en 2018 augmente significativement et plus fortement que prévu

L'exécution des crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » en 2018 est marquée par une hausse de 24 % (+ 3,04 milliards d'euros) .

Exécution des crédits de paiement de la mission en 2018

(en millions d'euros)

Action

Exécution 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits ouverts ou annulés en 2018

Exécution 2018

Évolution 2017-2018

Programme 201

"Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux"

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle

6 970

6 490

-

6 800

- 2,43 %

02 - Taxes foncières

1 508

1 161

-

1 660

10,09 %

03 - Taxe d'habitation

3 674

7 030

-

6 708

82,59 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

513

531

-

538

4,81 %

Total du programme

12 664

15 212

753 250 ( * )

15 706

24,01 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette augmentation est presque exclusivement imputable à la mise en oeuvre du dégrèvement de taxe d'habitation au profit de 80 % des ménages prévu par l'article 5 de la loi de finances initiale pour 2018. L'action n °2 du programme, qui retrace les compensations versées au titre des exonérations et dégrèvements de taxe d'habitation, affiche ainsi un résultat en 2018 supérieur de 82,6 % à celui de 2017 .

Évolution des crédits consommés au titre du programme 201
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les mouvements constatés pour les autres actions du programme 201 s'expliquent comme suit :

- d'abord, l'action n°1 (- 170 millions d'euros en 2018) subit une contraction résultant du dégrèvement barémique de CVAE au profit des entreprises dont le chiffre d'affaire n'excède pas 50 millions d'euros, du plafonnement de la CET et du transfert de la comptabilisation des restitutions de CVAE vers le programme 833 ;

- ensuite, l'action n°2 (+ 152 millions d'euros en 2018) est marquée par une augmentation des dépenses incitatives pour l'accessibilité des personnes handicapées et pour la prévention des risques technologiques ainsi que des dépenses de compensation pour la perte de récoltes ou de bétail qui prennent la forme d'allégements de taxe foncière sur la propriété non-bâtie ;

- enfin, l'action n°4 (+ 25 millions d'euros) démontre l'échec de l'administration à réitérer l'effort de réduction du montant des admissions en non-valeur d'impôts constaté en 2017 (- 3,4 %).

Si les crédits de la mission sont évaluatifs aux termes de l'article 10 de la LOLF, l'exécution en 2018 met à jour d'importants défauts dans les prévisions retenues en loi de finances initiale . En effet, à l'exception des dépenses liées au dégrèvement de taxe d'habitation, l'ensemble des actions sont marquées par une forte sous-budgétisation qui se répercute au niveau du programme.

Taux de consommation des crédits évaluatifs inscrits en loi de finances initiales

Action

Taux de consommation

Programme "Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux"

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle

104,78 %

02 - Taxes foncières

143,01 %

03 - Taxe d'habitation

95,41 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

101,25 %

Total du programme

103,24 %

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires

Les résultats d'exécution de l'action relative aux compensations de dégrèvements de taxes foncières sont significatifs sur ce point. En effet, la consommation de crédits y est supérieure de 43 % à la prévision en loi de finances initiale (LFI) . La persistance d'un important phénomène de contentieux expliquerait ce résultat. Essentiellement relatif à des mauvaises attributions de taxe foncière résultant, par exemple, d'un changement de propriétaire, il pourrait se réduire dans les années à venir à la faveur du déploiement d'un nouveau système d'information.

À l'inverse, les transferts relatifs aux dégrèvements de taxe d'habitation ont fait l'objet d'une sous-exécution de l'ordre de 4,6 points de pourcentage que les documents budgétaires se contentent de constater sans l'expliquer. Pourtant, en valeur absolue (322 millions d'euros), cet écart à la prévision est le deuxième plus important après celui de l'action n°1.

Il convient de rappeler que les faiblesses de la prévision initiale avaient justifié, en loi de finances rectificative, une importante ouverture de crédits de l'ordre de 753 millions d'euros, soit 4,9 % de l'enveloppe prévue en LFI .

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le programme 200, un programme dont les coûts augmentent significativement depuis plusieurs années sans que cette tendance ne semble maîtrisée

Croissance par année des crédits de paiement du programme 200
et contributions à cette évolution

(en %, en points de %)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les crédits du programme 200 ont augmenté de moitié depuis 2013 (passant de 74,5 milliards d'euros en 2013 à 110 milliards d'euros en 2018 de crédits de paiement consommés, soit une hausse de 48 %). Cette tendance à la hausse ne semble pas être remise en cause, hors l'exception notable de 2016. En effet, entre 2017 et 2018, l'augmentation représente plus de 10 % des CP .

Cependant, à la différence de l'augmentation de 10,25 % des crédits du programme en 2017, due à hauteur de 80 % aux conséquences de l'inconstitutionnalité de la taxe sur les dividendes, la forte hausse de 2018 ne résulte pas d'un évènement particulier mais de plusieurs facteurs. Elle s'explique en effet pour moitié par la hausse des REIS et des RCTVA et pour l'autre moitié par les dégrèvements et restitutions d'impôt sur les sociétés de sommes indûment perçues .

Compte tenu de l'importance du niveau des crédits du programme (110 milliards d'euros de CP en 2018), il est indispensable que le Gouvernement affine le pilotage de celui-ci et informe plus complètement le Parlement sur les causes des écarts en exécution . En effet, une consommation supérieure de 4 % aux crédits évalués en LFI pour la seule action 11 (mécanique de l'impôt) représente in fine un écart de 2,5 milliards d'euros .

2. Les trop-perçus d'impôt sur les sociétés dépassent de 2,4 milliards d'euros les prévisions de la loi de finances initiale

Les restitutions de sommes indûment perçues d'impôt sur les sociétés ont représenté près de quatre fois les montants estimés en LFI 2018 pour la sous-action 13-02 . Ce dépassement correspond à un coût total de 3,23 milliards d'euros au lieu des 839 millions d'euros initialement prévus.

Ce surcroît de dépenses est d'autant plus inquiétant que le Gouvernement n'apporte au Parlement aucun facteur d'explication précis. La direction générale des finances publiques (DGFiP) ne précise en effet ni la nature des contentieux individuels relatifs à l'impôt sur les sociétés à l'origine de ce surcoût, ni les raisons qui ont fait que le nombre de contentieux sur l'IS ait été en hausse de 20 % en 2018 .

Pour remédier à cette difficulté, la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire, recommande de mettre en place une analyse des causes des contentieux unitaires relatifs à l'IS portant sur des montants supérieurs à 50 millions d'euros .

Votre rapporteur spécial ne peut que se joindre à cette recommandation et insister sur la nécessité d'informer le Parlement sur des contentieux qui grèvent les recettes de l'État à hauteur de 3,23 milliards d'euros. Les services de la DGFiP ont en effet indiqué ne pas être en mesure d'apporter d'informations plus précises sur ce dépassement .

3. Les remboursements et dégrèvements liés aux politiques publiques en faveur des entreprises sont en constante augmentation depuis 2013, principalement du fait du CICE

La sous-action 12-03 retrace l'ensemble des remboursements et dégrèvements liés aux politiques publiques relatives à l'impôt sur les sociétés. Ceux-ci sont en constante augmentation depuis 2013 au point qu'ils ont été multipliés par plus de 8 sur la période .

Montants des remboursements et dégrèvements
liés à des politiques publiques en faveur des entreprises

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En 2018, les créances liées au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ont représenté un peu plus de 10 milliards d'euros, tandis que le crédit impôt recherche (CIR) a donné lieu à 4,13 milliards d'euros de restitutions . Ces dispositifs de crédits d'impôt représentent un coût considérable pour les finances publiques, alors même que leur efficacité est contestable. En particulier, les effets du CIR sur le niveau de dépenses en recherche et développement étant incertains, votre rapporteur spécial estime qu'il serait préférable de conditionner ce crédit d'impôt à des objectifs déterminés contractuellement avec les entreprises .

De plus, il apparaît nécessaire de mieux informer le Parlement sur les bénéficiaires des différents crédits d'impôts, en particulier sur leur efficacité et leur répartition territoriale .

4. Votre rapporteur spécial déplore également les limites de l'information au Parlement concernant la fraude à la TVA

Les documents budgétaires fournis par le Gouvernement sur le programme 200 ne permettent pas d'apprécier les efforts de l'administration dans la lutte contre la fraude à la TVA . Le coût annuel de ce type de fraude a pourtant été estimé par la Commission européenne à 20,9 milliards d'euros en France 251 ( * ) .

Votre rapporteur spécial estime que la présentation des restitutions de crédits de TVA (RCTVA) au sein d'une sous-action du programme 200 devrait constituer l'occasion pour le Gouvernement d'assurer l'information du Parlement sur les moyens et les résultats de la lutte contre la fraude à la TVA . Ainsi, les indicateurs de performance du programme ne devraient pas se limiter à mesurer les délais de remboursement de la TVA mais bien prendre en compte les efforts fournis dans la lutte contre la fraude .

Le rapport remis au Parlement en application de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 252 ( * ) sur les écarts de TVA conteste l'évaluation de la Commission européenne sans offrir d'estimation plus précise du niveau des différents types de fraude . Votre rapporteur spécial déplore l'insuffisance des informations fournies dans ce rapport. En effet, les informations chiffrées y sont trop limitées, le Gouvernement se limitant pour l'essentiel à présenter l'état du droit et des considérations méthodologiques.

De plus, la dernière estimation par les comptables nationaux du niveau de la fraude à la TVA par les entreprises ayant une existence juridique date de 2009-2010. Compte tenu de l'ampleur du sujet, une mise à jour prochaine de cette estimation apparait hautement souhaitable .

5. L'examen du programme 201 révèle combien la mesure de la performance est lacunaire, la réforme de la taxe d'habitation inopportune et la fiscalité locale, comme la gouvernance financière, sur le chemin d'une étatisation inquiétante

C'est en s'inscrivant, à nouveau, dans les pas de notre ancienne collègue Marie-France Beaufils , que votre rapporteur spécial dénonce l'inadaptation du dispositif de performance . Que dire de la pertinence d'une unique mesure du « taux net de réclamations contentieuses (...) traitées dans les 30 jours » pour suivre l'efficacité d'un programme qui retrace près de 15,7 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ? La nécessité d'une révision de cette maquette relève de l'évidence même .

Votre rapporteur spécial estime que la réforme de la taxe d'habitation ne remplit pas l'objectif affiché par le Gouvernement d'être un instrument de soutien au pouvoir d'achat. Si votre rapporteur spécial juge essentiel d'aider les ménages modestes , il estime que la suppression de la taxe d'habitation n'était pas le moyen le plus adéquat . En effet, une exonération en fonction du revenu avait déjà été mise en place pour un montant, en 2017, de 2,8 milliards d'euros. Celle-ci visait spécifiquement les catégories les moins aisées et constituait, ainsi, une mesure de justice .

Aujourd'hui, votre rapporteur spécial constate que le Gouvernement a perdu la maitrise de la réforme de la taxe d'habitation. Il en va désormais du respect des décisions du Conseil Constitutionnel 253 ( * ) que le dégrèvement soit étendu aux ménages les plus aisés . Dans ces conditions, la réforme de la taxe d'habitation est devenue un cadeau fiscal fait aux plus riches dont les conséquences - notamment pour les collectivités locales - seront financées par l'ensemble des contribuables.

Sur ce sujet, votre rapporteur spécial entend réitérer ses critiques relatives à l'absence de compensations crédibles du dégrèvement de taxe d'habitation . Il réaffirme qu'une révision des bases locatives cadastrales eut été bien plus utile . Elle aurait, ainsi, évité de plonger les collectivités territoriales - bloc communal comme départements - dans une incertitude dommageable .

Alors que les décisions ont sans cesse été reculées , votre rapporteur spécial prend acte de la promesse du Premier ministre de présenter, en projet de loi de finances pour 2020, un dispositif de compensation pérenne. Il espère sincèrement que ces mesures seront à la hauteur du désordre généré par la réforme et de l'importance des collectivités territoriales dans la vie sociale, économique et quotidienne des français.

Votre rapporteur spécial souhaite, également, dénoncer un mouvement d'étatisation de la fiscalité locale . En effet, si la part des recettes des impôts économiques locaux pris en charge par l'État s'est stabilisée autour de 22 % depuis 2015, il n'en va pas de même pour les impôts dits « ménages ». À terme, ce sont près de 31 % de ces recettes qui pourraient relever directement de l'État , essentiellement sous l'effet de l'élargissement du dégrèvement de taxe d'habitation.

Part des recettes des impôts locaux prise en charge par l'État
(dégrèvements et compensations)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'OFGPL

Aux yeux de votre rapporteur spécial, cette étatisation de la fiscalité locale ne peut pas être détachée de l'évolution des modalités par lesquelles l'État assure la contrainte des finances des collectivités. Dans cette perspective, votre rapporteur spécial s'alarme des satisfécits donnés par le ministre de l'action et des comptes publics et le ministre chargé des collectivités territoriales s'agissant des « contrats de Cahors ».

Votre rapporteur spécial s'interroge : habillés d'une prétendue nature contractuelle - comme si l'État et les collectivités étaient à égalité dans la négociation - les « contrats de Cahors » seront-ils les chevaux de Troie sonnant la fin de l'autonomie financière des collectivités ?

MISSION « SANTÉ » - M. Alain Joyandet, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une augmentation de 7 % des crédits de paiement de la mission entre 2017 et 2018

La mission « Santé » du budget général concourt à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

La plupart des dépenses publiques en matière de santé restant financées par la sécurité sociale, le périmètre de la mission est donc limité. Elle est composée de deux programmes, coordonnés par le ministère des Solidarités et de la Santé :

- Le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, dont l'ambition affichée est de contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé. Il vise également à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires graves tout en prévenant le développement de pathologies graves. Le programme regroupe enfin les subventions pour charge de service public accordées aux agences sanitaires ;

- Le programme 183, dédié à la protection maladie, tend essentiellement à financer l'aide médicale de l'État (AME), destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont insuffisantes pour une prise en charge au titre de la couverture maladie complémentaire universelle. Le programme 183 contribue également, depuis 2015, au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Les dépenses de la mission relèvent exclusivement du titre 3 « Dépenses de fonctionnement » (25 %) et du titre 6 « Dépenses d'intervention » (75 %). Elles ne comprennent pas les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre de la mission. Ceux-ci sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

En 2018, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 337,8 millions d'euros, soit 2,8 % de moins que la prévision faite en loi de finances initiale mais 7,1 % au-dessus de l'exécution 2017.

Le niveau des dépenses de la mission restent cependant à un niveau inférieur au plafond défini dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2002 (1 380 millions d'euros).

Exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme à périmètre courant en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits ouverts 2018

Crédits exécutés 2018

Évolution exécution 2018 / 2017

Écart exécution 2018 / LFI 2018

P. 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

AE

441,4

484,8

463

424,7

- 3,8%

- 12,4%

CP

436,9

486,1

464,3

426,7

- 2,3%

- 12,2%

P. 183 Protection maladie

AE

811,7

889,7

911,1

911,1

+ 12,2%

+ 2,4%

CP

811,7

889,7

911,1

911,1

+ 12,2%

+ 2,4%

TOTAL

AE

1253,1

1 374,6

1 374,1

1 335,8

+ 6,6%

- 2,8%

CP

1248,6

1 375,9

1 375,3

1 337,8

+ 7,1%

- 2,8%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Une évolution de nouveau contrastée

Après un exercice 2017 marqué par une exécution des deux programmes relativement conforme à la budgétisation fixée en loi de finances initiale, les taux d'exécution des crédits des deux missions s'écartent de nouveau des prévisions. Le taux de consommation des crédits de paiement du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » atteint 87,8 % contre 99 % lors de l'exercice précédent. À l'inverse, le taux d'exécution du programme 183 « Protection maladie » renoue avec les dépassements observés entre 2012 et 2016 pour atteindre 102,4 % (contre 98,5 % en 2017).

Ces taux d'exécution ne sont pas sans susciter d'interrogations. Votre rapporteur spécial ne peut que constater une nouvelle fois la faiblesse de la stratégie de pilotage de la mission et le manque de sincérité des prévisions budgétaires transmises au Parlement. La soutenabilité de la mission apparaît clairement remise en cause.

Évolution du taux d'exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme

(en %)

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2018

Décrets de transfert

Décrets d'avance

Décrets de virement

Arrêtés de report

Lois de finances rectificatives

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2018

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P204

AE

484,8

- 0,03

-

- 9,7

- 12,1

- 21,8

463

424,7

- 12,4%

CP

486,1

- 0,03

-

- 9,7

0,2

- 12,3

- 21,8

464,3

426,7

- 12,2%

P183

AE

889,7

-

-

9,7

-

-

9,7

911,1

911,1

+ 2,4%

CP

889,7

-

-

9,7

-

-

9,7

911,1

911,1

+ 2,4%

Total mission

AE

1 374,6

- 0,03

-

-

-

- 12,1

- 12,1

1362,5

1 335,8

- 2,8%

CP

1 375,9

- 0,03

-

-

-

- 12,3

- 12,1

1 363,8

1 337,8

- 2,8%

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement ; ils peuvent donc légèrement différer des données présentées dans le rapport annuel de performances de la mission.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une baisse des crédits consommés par les opérateurs de santé en trompe-l'oeil

Le programme 204 enregistre une baisse relative des crédits de paiement consommés en 2018 par rapport à 2017 (- 2,3 %, cf. tableau supra ), principalement en raison de mesures de périmètre. La baisse de la consommation de crédits de paiement observée au sein de du programme 204 est, en effet, en large partie imputable à la diminution de ceux exécutés au titre des subventions pour charges de service public aux opérateurs de santé qui passent de 329,6 millions d'euros en 2017 à 324 millions d'euros en 2018. La loi de finances pour 2018 a constitué, à ce titre, la dernière étape en matière de rationalisation de la participation de l'État au financement des opérateurs de santé. Elle prévoit ainsi la suppression du financement de l'École des hautes études en santé publique (7,4 millions d'euros consommés en 2017) et de l'Agence de la biomédecine - ABM (cofinancement à hauteur de 13 milliards d'euros en 2017). Les parts de financement par l'État de ces deux organismes ont été transférées à l'assurance-maladie en 2018.

Le programme 204 ne finance plus désormais que quatre opérateurs de l'État dédiés à la prévention et à la sécurité sanitaire, contre dix en 2015. Reste que ce recentrage tarde à produire ses effets en termes de coûts puisque les crédits consommés ont augmenté pour chacun des quatre opérateurs. À périmètre constant, les crédits consommés par les opérateurs de santé ont ainsi augmenté de 4,8 % entre 2017 et 2018.

Votre rapporteur spécial relève ainsi que les gains d'efficience attendus du regroupement de trois opérateurs au sein de l'Agence nationale de Santé publique (ANSP) ne sont pas encore avérés puisque les crédits de paiement consommés ont progressé de près de 5 % entre 2017 et 2018. Si une baisse des dépenses de fonctionnement est bien observée (4,2 millions d'euros), la réduction des effectifs apparaît moins conséquente qu'initialement attendue, une augmentation des dépenses de personnel étant même observée (+ 1,2 million d'euros).

L'augmentation des crédits consommés par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Institut national du cancer (INCa) peut s'inscrire, quant à elle, dans le contexte de l'élargissement de leurs missions prévu par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Votre rapporteur note, cependant, qu'en dépit des réductions de personnels observées en 2018, les masses salariales de l'ANSM et de l'INCa continuent d'augmenter :

- 80,7 millions d'euros pour 947 équivalents temps plein - ETP en 2018 contre 79,8 millions d'euros pour 953 EPT en 2017 à l'ASMN ;

- 13,6 millions d'euros pour 139,4 ETP en 2018 contre 11,8 millions d'euros pour 149 ETP en 2017 pour l'INCa.

Votre rapporteur spécial rappelle que les opérateurs de santé représentent un gisement d'économies que le pilotage resserré de la mission et de son périmètre n'ont pas permis, à ce jour, de mobiliser. Il apparaît ainsi indispensable que soit approfondie la mutualisation de leurs moyens. L'ANSP et l'INCa ont poursuivi dans cette voie, via la signature d'une convention permettant le groupement de commandes relatives à la conception, l'organisation et la réalisation de divers événements (colloques, séminaires, journées scientifiques etc.). Une convention de groupement de commandes inter-agences pour les achats informatiques a également été adoptée.

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2016

Exécution 2017

LFI 2018

Exécution 2018

Écart crédits consommés/ alloués en LFI

Écart 2018/2017

Agence de biomédecine (ABM)

13

12,9

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

111,8

109,8

118,1

116,6

-1,3 %

+ 6,2 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

12,7

13,3

14,2

14,2

+ 0,6 %

+ 7,1 %

École des hautes études en santé publique (EHESP)

7,1

7,4

Institut national du cancer (INCa)

31,4

41,1

42,4

41,2

- 2,6 %

+ 0,7 %

Agence nationale de santé publique (ANSP)

82,9

145,1

151,3

151,9

+ 0,4 %

+ 4,7 %

Total

258,9

329,6

325,9

324

- 0,6%

- 1,7%

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des projet et rapport annuels de performances de la mission « Santé » pour 2018)

2. Un écart manifeste entre la loi de finances et l'exécution : les cas de l'indemnisation de la Dépakine et de l'Agence de santé de Wallis et Futuna.

Plusieurs actions du programme 204 semblent avoir fait l'objet d'une surévaluation ou, au contraire, d'une minoration excessive au moment de l'élaboration du projet de loi de finances. La loi de finances pour 2018 ne prévoyait pas, ainsi, les frais de jury de certification des diplômes sanitaires, pourtant pris en charges au sein de l'action 19 du programme 204 depuis 2015. Ces frais ont conduit à une dépense de fonctionnement de l'ordre de 2,47 millions d'euros en 2018.

Le cas de l'indemnisation des victimes de la Dépakine est, par ailleurs, particulièrement éclairant quant à l'absence de fiabilité de certaines prévisions budgétaires.

Votre rapporteur relève ainsi que la loi de finances pour 2018 prévoyait au sein de l'action 11 « Pilotage de la santé publique » un montant de 92 millions d'euros, affecté aux dépenses d'intervention. Les crédits effectivement consommés se sont élevés à 26,2 millions d'euros. La loi de finances pour 2018 prévoyait une dotation de 81,4 millions d'euros affectée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui assure, pour le compte de l'État, l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux. 3,7 millions d'euros devaient être dédiés à l'indemnisation des victimes d'accidents vaccinaux survenus depuis le 1 er janvier 2006. 77,7 millions d'euros devaient abonder le dispositif d'indemnisation de victimes de valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine). L'annexe budgétaire transmise au Parlement justifiait cette somme au regard du nombre potentiel de dossiers, de la ventilation des dommages par pathologies et par gravité et des frais de fonctionnement du dispositif. Rappelons que la loi de finances pour 2017 avait inscrit 9,2 millions d'euros pour les victimes de la Dépakine. 500 000 euros ont été réellement consommés en raison du temps d'instruction nécessaire à chacun des dossiers et du retard pris dans l'installation du comité d'experts, institué par un décret publié seulement en mai 2017. En 2018, seuls 15,3 millions d'euros ont été dédiés à cette indemnisation et 4,90 millions d'euros aux victimes d'accidents médicaux. On peut dès lors s'interroger sur les éléments dont disposait le ministère de la santé pour évaluer le nombre de dossiers.

Le montant de l'indemnisation, entièrement prise en charge par l'État, est estimé à 424,2 millions d'euros sur six ans, soit en moyenne 77,7 millions d'euros par an, chiffre retenu par la loi de finances pour 2018. La direction générale de la santé avait indiqué à la Cour des comptes en 2016 que cette estimation constituait une « fourchette basse », réalisée sur des hypothèses de nombre de bénéficiaires remplissant les critères d'indemnisation. Le coût en année pleine de l'indemnisation des victimes de la Dépakine a été estimé sur la base d'un effectif de 10 290 bénéficiaires remplissant les critères d'indemnisation, sur un total de 30 000 à 40 000 demandes.

Reste que cette estimation est intervenue bien avant que ne soit présentée la première étude scientifique sur le nombre de victimes. Le rapport de l'ANSM n'a en effet été publié qu'en juin 2018. Il évalue le nombre d'enfants touchés entre 16 600 et 30 400. Jusqu'alors, l'ANSM n'avait communiqué que sur les malformations congénitales graves provoquées par la Dépakine et ses dérivés, en évaluant entre 2 150 et 4 100 le nombre d'enfants victimes. Ces chiffres de malformations et ceux des troubles mentaux et du comportement ne peuvent cependant pas être additionnés, car certains enfants peuvent cumuler plusieurs handicaps.

Si l'on ne peut reprocher au Gouvernement d'anticiper un éventuel aléa à venir pour les finances publiques, une approche plus rationnelle du sujet aurait pu être adoptée lors de l'élaboration de la loi de finances, compte-tenu, notamment, des retards déjà enregistrés dans ce dossier courant 2017.

Sur les 77,7 millions d'euros prévus pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine, 12,4 millions ont finalement été utilisés pour financer des mouvements internes au programme 2004, en particulier pour financer les dépenses de l'Agence de santé de Wallis et Futuna. La question de la sous-budgétisation est posée concernant cette agence, dont le financement, faute de ressources propres, repose exclusivement sur l'État. 40,25 millions d'euros en crédits de paiement ont été consommés en 2018 alors que les crédits ouverts en loi de finances initiale s'élevaient à 32,45 millions d'euros. Votre rapporteur spécial rappelle que les dépenses de cette agence ne cessent de croître depuis 2013 , les dépenses de fonctionnement étaient alors établies à 27,5 millions d'euros. La principale difficulté de l'Agence tient au coût des évacuations sanitaires (EVASAN) vers la Nouvelle Calédonie ou les établissements métropolitains voire australiens, qui reste, de l'avis du Gouvernement, difficilement maîtrisable. Votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la dotation initiale prévue en loi de finances quasi équivalente à celle de 2017 - 31,8 millions d'euros - alors même qu'un écart avait déjà été constaté lors des exercices précédents. Dans ses notes d'analyse de l'exécution budgétaire 2016 et 2017, la Cour des comptes avait pourtant recommandé à l'État de mieux déterminer la dotation destinée à cette agence afin de couvrir ses dépenses et éviter un recours à l'endettement. La dette cumulée de l'Agence atteignait en effet 21,57 millions d'euros fin 2014 avant d'être apurée via un prêt à taux bonifié accordé en 2015. La sincérité de la programmation de dépenses et la soutenabilité du programme 204 sont, en tout état de cause, remis en question par de tels écarts répétés.

3. Les indicateurs : entre crise de performance et manque de pertinence

L'analyse détaillée de l'exécution du programme 204 n'est pas sans générer une certaine inquiétude sur l'efficacité de la dépense publique en matière de prévention. Deux des trois indicateurs de l'objectif n° 1 assignés à la mission « Améliorer l'état de santé de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé » ne sont ainsi pas atteints (dépistage du cancer colorectal) ou marquent un retard au regard de la cible définie par l'Organisation mondiale de la Santé - OMS (couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 5 ans ou plus).

Les prévisions en matière de dépistage n'ont, en effet, pas été atteintes en 2018 , avec seulement 51 % de personnes de 65 ans et plus vaccinées contre la grippe alors que l'OMS table sur un objectif de 75 %. S'agissant de détection du cancer colorectal pour les personnes de 50 à 74 ans, où le taux de participation s'élève à 32,1 %, le Gouvernement ayant initialement prévu un taux de 42,8 % pour 2018 et un objectif de 50 % à horizon 2020.

Plus largement, il convient de s'interroger sur l'indicateur « état de santé perçue » introduit par le projet annuel de performances 2016. Il correspond au pourcentage de la population de 16 ans et plus se déclarant en bonne ou en très bonne santé générale. Aucune cible n'a cependant été indiquée pour 2018. Il est dès lors très difficile d'apprécier sa pertinence. Il en va de même sur celui concernant l'espérance de vie, stable en 2016 et 2017 mais non renseigné en 2018. Votre rapporteur s'interroge sur l'intérêt de suivre un tel indicateur dont les variations à court terme apparaissent imperceptibles.

L'indicateur relatif au délai de traitement des autorisations de mises sur le marché (AMM) nationales n'est pas assorti de chiffres, un processus optimisé devant être opérationnel en septembre 2019. Dans ces conditions, il apparaît très difficile d'apprécier l'utilité de l'indicateur et l'efficacité de la stratégie mise en oeuvre.

4. L'aide médicale d'État (AME) une nouvelle fois sous-budgétée

En 2018, 903,3 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés au titre de l'Aide médicale d'État (AME), soit une augmentation de 98,9 millions d'euros par rapport aux crédits consommés en 2017 (+ 12,3 %).

La loi de finances pour 2018 avait bien anticipé une majoration des dépenses mais celle-ci s'est avérée une nouvelle fois insuffisante. Un décret de virement du 23 novembre 2018 et la loi de finances rectificative pour 2018 ont permis de combler cet écart. Le décret vise un virement de 9,7 millions d'euros à partir du programme 204.

Cela étant, contrairement à 2017, le recours au virement et à l'ouverture de crédits a évité d'augmenter la dette de l'État vis-à-vis de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM).

Celle-ci avance en effet le remboursement des dépenses des bénéficiaires de l'AME. La dette de l'État vis-à-vis de la CNAM, établie à 49,8 millions d'euros fin 2017, a même diminué pour revenir à 35,3 millions d'euros fin 2018. À cette dette s'ajoute celle résultant de l'écart entre la dotation forfaitaire de 40 millions d'euros au titre des soins urgents de l'AME et les dépenses effectivement prises en charge par l'assurance maladie (47,4 millions d'euros en 2017).

Le remboursement de la dette permet, toutefois, au Gouvernement d'afficher une réalisation des dépenses d'AME en 2018 inférieure de 14,5 millions d'euros aux prévisions.

Crédits consommés au titre de l'AME

(en millions d'euros)

2017

2018

Évolution 2018/2017

AME

AME de droit commun

763

862

+ 12,9 %

Soins urgents

40

40

-

Autres

0,99

1,3

+ 31,3%

Total

804,3

903,3

+ 12,3 %

Source : commission des finances du Sénat

Votre rapporteur spécial estime cependant que cet effort de maîtrise reste en large partie cosmétique, si l'on compare les montants dépensés de l'exécution 2018 à ceux de 2017 et si l'on prend en compte un certain nombre d'indicateurs. L'effectif moyen de bénéficiaires a augmenté de 0,5 % pour atteindre 314 447 personnes. Dans le même temps, le coût moyen par bénéficiaire a progressé de 5,1 % entre 2017 et 2018, passant de 641 à 674 euros. Cette majoration est principalement imputable aux dépenses hospitalières : + 7 % en 2018 contre + 1,9 % en 2017 et + 3 % en 2016.

L'exécution du budget 2019 devait constituer un véritable test pour la maîtrise de la dépense, compte-tenu de l'importante majoration des crédits enregistrée dans la loi de finances. Un montant de 934,9 millions d'euros a ainsi été prévu. L'effet d'annonce - + 53,1 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2018 - est cependant déjà fragilisé par l'exécution 2018. L'écart entre les crédits consommés en 2018 et ceux prévus par la loi de finances 2019 n'est plus que de 31 millions d'euros, soit à peine un tiers de plus que l'écart constaté entre les montants prévus par la loi de finances pour 2018 et ceux constatés en fin d'exercice. De fait, comme le relevait la Cour des comptes dans sa note de 2017, en l'absence de mesure structurelle, tout effort en la matière paraît condamné. L'augmentation des contrôles, 10,8 % des dossiers contrôlés en 2018 contre 10 % en 2017, peut apparaître encore trop faible. Le rapport annuel de performance table désormais sur un objectif de 12 % à l'horizon 2020, facilité par la centralisation attendue cette année de l'instruction des demandes d'AME au sein des caisses d'assurance maladie de Paris, Bobigny et Marseille.

Les réponses au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur au moment de l'examen de la loi de finances pour 2019 traduisent cependant un certain fatalisme quant à la maîtrise des dépenses, la direction de la sécurité sociale indiquant que « les effets des flux migratoires sur l'AME sont incertains ... ».

MISSION « SÉCURITÉS »
- PROGRAMMES « GENDARMERIE NATIONALE » ET « POLICE NATIONALE » - M. Philippe Dominati, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » regroupent 97,2 % des crédits de paiement (CP) consommés en 2018 au sein de la mission « Sécurités ».

Pour ces deux programmes, l'année 2018 est marquée par le maintien d'une activité opérationnelle importante, avec différentes manifestations et revendicatives (« Gilets jaunes ») et le début de la mise en oeuvre du plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes annoncé par le président de la République sur le quinquennat. A l'inverse, les différents plans d'action ou de renforcement, notamment le pacte de sécurité (PDS) et le plan de lutte anti-terroriste (PLAT) 254 ( * ) ont expiré . Les crédits des deux programmes poursuivent leur augmentation tendancielle, de 4,48 % en AE et de 3,83 % en CP.

Exécution des crédits en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2016

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Évolution des crédits exécutés

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

(en %)

Police nationale

AE

9 927,10

10 397,90

10 868,52

10 808,82

3,95%

99,45%

CP

9 957,80

10 311,20

10 582,40

10 595,74

2,76%

100,13%

Gendarmerie nationale

AE

8 490,40

8 844,22

9 011,74

8 916,24

0,81%

98,94%

CP

8 308,30

8 653,63

8 756,01

8 734,98

0,94%

99,76%

Total

AE

18 417,50

19 242,12

19 880,26

19 725,06

2,51%

99,22%

CP

18 266,10

18 964,83

19 338,41

19 330,72

1,93%

99,96%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette priorité explique les taux d'exécution élevés des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » , qui s'établissent respectivement à 100,13 % et 99,76 % en crédits de paiement (CP) et 99,45 % et 98,94 % en autorisations d'engagement (AE).

Évolution des crédits des programmes « Police nationale »
et « Gendarmerie nationale »

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour l'ensemble de la mission « Sécurités », l'exécution des CP en 2018 est marquée par un respect de la loi de programmation des finances publiques 255 ( * ) . La consommation s'élève ainsi à 13,22 milliards d'euros, soit 0,1 milliard en dessous de la norme pluriannuelle fixée.

Évolution des crédits des programmes « Police nationale »
et « Gendarmerie nationale »

(en CP, en millions d'euros)

2018

2019

2020

Norme fixée par la LPFP

13,32

13,48

13,66

Exécution

13,22

Écart

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022)

Alors que les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » avaient fait l'objet d'une importante annulation de crédits sur le précédent exercice par décret d'avance 256 ( * ) , les mouvements de crédits ont entrainé une légère augmentation des crédits disponibles sur l'exercice 2018.

Mouvements de crédits intervenus en gestion sur l'année 2018

(en millions d'euros)

Police nationale

Gendarmerie nationale

AE

CP

AE

CP

LFI

10 841,92

10 555,80

8 880,66

8 625,01

LFR

- 12,22

-3,63

-48,07

-16,4

Total des mouvements de crédits,

99,56

45,74

153,58

147,08

Reports

51,36

0,34

6,61

0,13

Virements

-3,07

-2,49

2,07

2,05

Transferts

5,05

1,67

2

2

Fonds de concours

29,07

29,07

8,85

8,85

Attributions de produits

17,15

17,15

134,05

134,05

Total des crédits disponibles

10 929,27

10 597,91

8 986,17

8 755,69

Crédits consommés

10 808,82

10 595,75

8 916,24

8 734,98

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une poursuite de l'augmentation des dépenses de personnel, malgré l'insuffisance des crédits disponibles, permise par une pratique budgétaire fortement contestable

Les dépenses de rémunération représentent 86,65 % des crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » exécutés en 2018, augmentent de 1,48 % en montant par rapport à 2017.

Évolution des dépenses de personnel de la « Police nationale » et de la « Gendarmerie nationale » en 2018

(en crédits de paiement)

2016

2017

PLF 2018

Exécution 2018

Évolution 2017-2018

Gendarmerie nationale

Titre 2

8 837,90

9 174,20

9 369,52

9 400,80

2,47%

Total

9 957,80

10 311,20

10 582,40

10 595,74

2,76%

Titre 2 / Total

88,80%

88,97%

88,54%

88,72%

Police nationale

Titre 2

6 998,10

7 331,60

7 380,34

7 348,70

0,23%

Total

8 308,30

8 653,60

8 756,01

8 734,99

0,94%

Titre 2 / Total

84,20%

84,72%

84,29%

84,13%

Total

Titre 2

15 836

16 505,80

16 749,86

16 749,50

1,48%

Total

18 266,10

18 964,80

19 338,41

19 330,73

1,93%

Titre 2 / Total

86,70%

87,03%

86,61%

86,65%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En outre, le niveau élevé des taux d'exécution des crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ne doit pas masquer la différence existant entre les dépenses de personnel et les dépenses hors titre 2. Si l'ensemble des dépenses affichent des taux d'exécution proches de 100 %, les dépenses de crédits de personnel de la police nationale présentent une surconsommation, atteignant 100,3 % .

Taux d'exécution des crédits des programmes « Police nationale »
et « Gendarmerie nationale » en 2018

(en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce niveau particulièrement élevé des taux d'exécution témoigne d'une aggravation des tensions dans l'exécution des dépenses de personnel, déjà récurrentes pour les deux principaux programmes de la mission.

Pour le programme « Gendarmerie nationale », la Cour des comptes relève 257 ( * ) que le responsable de programme a dû faire face à une impasse budgétaire de 43 millions d'euros (hors CAS « Pensions ») sur les dépenses de rémunération, après dégel de la réserve de précaution . À cet égard, votre rapporteur spécial regrette que ces dépenses aient été couvertes grâce à des mesures contestables tant sur le plan de la sincérité budgétaire que de la pertinence opérationnelle . Le ministre de l'intérieur a en effet décidé de décaler le calendrier des incorporations et de réduire la durée de formation initiale (- 15 millions d'euros), ainsi que par une diminution des crédits alloués à la réserve opérationnelle (- 28 millions d'euros), dont votre rapporteur spécial regrette qu'elle serve, une année de plus, de variable d'ajustement, alors même qu'elle constitue un soutien indispensable en période de forte mobilisation. Le ministre de l'intérieur ayant souhaité le maintien d'une mobilisation des réservistes, il a été décidé, dès l'été 2018, que leur rémunération serait différée à l'exercice 2019 à hauteur de 19 millions d'euros, et, comme le relève la Cour des comptes, « en contradiction avec le principe d'annualité de l'autorisation budgétaire ».

La police nationale a rencontré des difficultés de même nature, l'insuffisance des crédits disponibles s'étant élevée à 61 millions d'euros (hors CAS « Pensions »), et a fait appel aux mêmes remèdes. Pour financer les recrutements de gardiens de la paix, la responsable de programme a notamment procédé au décalage des recrutements en fin d'année 2018
(-13,6 millions d'euros) et à la diminution de la mobilisation des crédits affectés à la réserve civile (-9,2 millions d'euros). Malgré ces mesures et l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative (cf. supra ), une sur-exécution des dépenses de personnel de plus de 25 millions d'euros (hors CAS- Pensions) n'a pas pu être évitée.

Au total, la gravité de ces pratiques serait atténuée si elle était exceptionnelle et ne constituait pas le symptôme de problèmes structurels, mettant en cause la soutenabilité même des moyens et du fonctionnement de la police et de la gendarmerie nationales .

2. Des dépenses de personnel dopées par les recrutements et les mesures indemnitaires, mettant en cause la soutenabilité des dépenses de la police et de la gendarmerie nationales

L'augmentation des dépenses de personnel provient du schéma d'emploi et des mesures indemnitaires prises par le Gouvernement. Pour la police nationale, l'impact des schémas d'emploi 2017 et 2018 explique ainsi 60 % de l'augmentation des dépenses de personnel.

Structure de la variation des dépenses de personnel des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » en 2018

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

Gendarmerie nationale

Police nationale

Exécution 2017 hors CAS- Pensions

3 986,40

6 144,90

+/- Impact des mesures de transfert et de périmètre

- 1,5

- 5,7

- Débasage de dépenses atypiques

- 33,2

- 41

+/- Impact du schéma d'emplois 2017

- 3,8

25,8

+/- Impact 2018 du schéma d'emplois

0,9

17,1

+ Mesures générales

1,8

3,2

+ Mesures catégorielles

27,9

30,1

+ GVT positif

56,4

67,4

- GVT négatif

- 68,4

- 46,3

Rebasage de dépenses atypiques

0,2

45,9

+/- Mesures diverses

57,3

75,1

Total : Montant exécuté 2018

4 024,10

6 316,60

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le schéma d'emplois réalisé en 2018 par la mission « Sécurités » (1 902 ETP) excède celui prévu en loi de finances initiale (1 870 ETP). Il se situe à un niveau intermédiaire en comparaison des schémas de plus faible envergure réalisés en 2014 et 2015, et du schéma en nette rupture de 2016 (4 730 ETP).

La réalisation du schéma d'emplois de 2017 est principalement imputable au programme « Police nationale » (1 404 ETP), le programme « Gendarmerie nationale » ayant réalisé un schéma d'emplois de moindre importance (463 ETP).

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées en 2018

(en ETP)

Gendarmerie nationale

Police nationale

LFI

Exécution

LFI

Exécution

Sorties

11 695

10 880

7 414

9 248

Entrées

12 154

11 343

9 790

10 652

Schéma d'emplois

459

463

1 376

1 404

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les plans de recrutement importants décidés par le gouvernement sont sources de risques importants. Comme pour l'exercice 2017, un risque de sous-exécution du schéma d'emplois est apparu en cours d'année 2018 du fait d'un nombre de sorties et de mobilités supérieur aux prévisions, notamment dans la catégorie des adjoints de sécurité. En outre, des difficultés à pourvoir des postes de commissaires subsistent, qui témoignent de la fragilité de ces plans de recrutement massifs en l'absence de vivier suffisant. Le schéma d'emplois n'a pu être rempli qu'en ouvrant des recrutements supplémentaires de gardiens de la paix et d'adjoints de sécurité, qui constituent, selon la Cour des comptes « la variable permettant la réalisation des schémas d'emploi ».

Si l'exercice est, globalement, marqué par le respect des annonces gouvernementales et des mesures votées en loi de finances initiale, ces importants recrutement ont, comme en 2017, « nécessité un effort particulier des filières de formation » 258 ( * ) . Votre rapporteur rappelle que cette mise sous tension des filières de formation n'est à terme, pas soutenable. Il est à cet égard symptomatique que les durées de scolarité aient été réduites de 12 à 8 mois pour les gendarmes et de 12 à 9,5 mois pour les policiers, dans un contexte où les difficultés opérationnelles sont accrues et le matériel utilisé de plus en plus exigeant (utilisation de fusils d'assaut HK, par exemple).

Outre les plans massifs de recrutement (cf. supra ), l'augmentation des dépenses de personnel s'explique par les mesures de revalorisation générales (point d'indice) et catégorielles, dont l'évolution n'apparaît ni maîtrisée ni soutenable .

Les policiers et les gendarmes ont obtenu, en avril 2016, la signature de deux protocoles leur accordant d' importantes mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations 259 ( * ) . Les coûts supplémentaires liés à ces protocoles sont estimés par le ministère de l'intérieur à 470 millions d'euros en 2022, hors contribution au CAS « Pensions ». En outre, ainsi que le relevait la Cour des comptes 260 ( * ) , l'ensemble de ces mesures catégorielles a un coût annuel élevé et mal maîtrisé, puisqu'ils prévoient également des avancements massifs par repyramidage des corps, augmentant mécaniquement la part des gradés les plus élevés, et les dépenses de personnel associées.

Votre rapporteur spécial tient, au surplus, à manifester son inquiétude quant aux conséquences financières du protocole conclu le 19 décembre 2018 261 ( * ) dans le contexte de la forte activité générée par le mouvement des « gilets jaunes ». Ce protocole été négocié à la suite de l'adoption d'un amendement du gouvernement par l'Assemblée nationale majorant de 33,3 millions d'euros les crédits de personnel de la mission « Sécurités », qui visait, aux termes de son objet, à « financer une prime exceptionnelle de 300 € qui sera versée aux 111 000 policiers et militaires qui ont participé aux récentes opérations [de maintien de l'ordre] » 262 ( * ) . En réalité, le protocole en question qui prévoit de nouvelles mesures de revalorisation indemnitaire pérennes 263 ( * ) , dont le coût certain s'élève, pour 2019, à 109,7 millions d'euros 264 ( * ) , dont plus de 76,1 millions d'euros ne sont d'ailleurs pas financés.

Des axes d'économie ont été proposés en contrepartie par le ministère de l'intérieur sur le chantier de l'organisation du temps de travail dans la police nationale, sur la problématique des heures supplémentaires et sur la fidélisation fonctionnelle ou territoriale des policiers. Leur issue, fût-elle positive, ne saurait toutefois être suffisante pour inverser cette tendance, de dérapage des dépenses de personnel des deux forces, qui devrait s'aggraver fortement dans les prochaines années et constituent, à ce titre, une préoccupation majeure de votre rapporteur spécial. Le directeur général de la police nationale a confirmé, lors de son audition devant votre rapporteur spécial, que l'exercice en cours devrait également être marqué par une importante sur-exécution des dépenses de personnel.

La soutenabilité des dépenses de rémunération des deux forces est également obérée par deux principales évolutions sur lesquelles votre rapporteur spécial a d'ores et déjà émis d'importantes réserves 265 ( * ) : l'accumulation d'un stock d'heures supplémentaires dans la police nationale, qui atteignait 21,2 millions d'heures au 31 décembre 2017 (l'équivalent de 13 000 ETPT) et la diminution du nombre d'heures travaillées par les agents des deux forces.

Au total, la perte opérationnelle liée à la mise en place de la « vacation forte » au sein de la police nationale n'a pas dépassé 500 ETP en 2018. À cet égard, votre rapporteur spécial souhaite que ce cycle horaire, coûteux en effectifs et déstabilisant le fonctionnement des services, soit définitivement abandonné. Dans la police, la mise en place dans l'ensemble des services de sécurité publique de ce nouveau cycle horaires nécessiterait la mobilisation de 3 000 à 4 000 emplois supplémentaires de policiers.

De même, depuis le 1 er septembre 2016, la directive européenne de 2003 relative au temps de travail 266 ( * ) est applicable à la gendarmerie nationale. Son application dans les groupements départementaux a d'ores et déjà entraîné une diminution de la durée moyenne du travail représentant l'équivalent de 4 000 ETPT.

3. Une éviction des dépenses de fonctionnement et d'investissement par les dépenses de personnel entrainant une baisse des moyens accordés à l'équipement des forces

Alors que les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 30 % en 12 ans, les dépenses de fonctionnement et d'investissement ont connu une baisse de 2,26 % sur la période.

Évolution comparée des dépenses de personnel
et des autres dépenses depuis 2006

(en millions d'euros)

2006

2018

Évolution 2006 / 2018

Titre 2

12 685

16 749,50

32,04%

Hors titre 2

2 641

2 581

-2,26%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au sein de ces dernières, les dépenses d'équipement 267 ( * ) revêtent une importance particulière puisqu'elles conditionnent très directement la capacité opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationales.

À cet égard, l'exécution 2018 constitue un revirement regrettable par rapport aux évolutions constatées depuis 2012. Ainsi, les dépenses d'équipement, qui avaient augmenté de 181 % entre 2012 et 2017 (+ 181 %) 268 ( * ) , dans le cadre de plans successifs de renforcement , connaissent une baisse de 10,2 % en 2018 par rapport à 2017, passant de 194 à 186 millions d'euros.

Évolution comparée des dépenses d'équipement
depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

Votre rapporteur spécial estime que cette baisse illustre le risque lié à l'augmentation tendancielle des dépenses de personnel dans un contexte d'assainissement des dépenses publiques, créant inévitablement un effet d'éviction des dépenses de fonctionnement et d'investissement.

MISSION « SÉCURITÉS » - PROGRAMME « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES -
ET CAS « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS » - M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial

Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » retrace les dépenses réalisées par l'État pour réduire le nombre d'accidents de la route à travers des mesures de prévention, d'information et d'éducation routières. Les dépenses liées au volet répressif de la politique de sécurité routière (radars et gestion des points des permis de conduire) sont, quant à elles, financées par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

I. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »

1. Une exécution conforme à la budgétisation

Les taux de consommation demeurent élevés sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières », tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP). Au regard des crédits ouverts, les taux demeurent très hauts et s'établissent respectivement à 97 % et 100 %. En comparaison des crédits votés en loi de finances initiale (LFI), les taux de consommation poursuivent leur redressement amorcé en 2017 (96,1 % pour les AE et 98,7 % pour les CP).

Évolution des taux de consommation des AE et des CP
du programme 207

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Le tableau ci-dessous retrace les principaux chiffres de l'exécution 2018 pour le programme :

Récapitulation de l'exécution 2018
du programme 207

(en millions d'euros)

Type de crédit

Exécution 2017

Crédits ouverts
en LFI

Total des crédits ouverts

Exécution 2018

Écarts exécution 2018/

Exéc. 2017

LFI

AE

35,12

39,83

39,48

38,28

+ 9,00 %

- 3,89 %

CP

35,33

39,83

38,64

38,64

+ 9,37 %

- 2,99%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2018

Prog.

Type de crédit

LFI 2018

Reports entrants

Décrets d'avance

Décrets d'annula-tion

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Reports
sortants

Fonds de concours et attributions de produits

Ajustements 2018 et DDAI 1

Exécution 2018

Écart consommé/ prévu

207

AE

39,83

0,85

0

-1,20

1,0

0

38,28

96,11 %

CP

39,14

0

-1,20

1,0

0

38,64

98,72 %

(en millions d'euros)

1 Dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités » de la Cour des comptes pour 2018

Les mouvements enregistrés en gestion s'avèrent limités.

0,85 million d'euros en AE, correspondant à des reports 269 ( * ) de crédits non consommés en 2017 sont venus abonder le montant des crédits ouverts.

Comme l'an passé, la réserve de précaution - qui s'élevait à 1,19 million d'euros en 2018 en AE et CP -, n'a pas été utilisée . Les crédits correspondants ont été annulés par la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

2. Des dépenses en hausse, marquées par la progression des dépenses de communication et la reprise des dépenses d'investissement

En exécution, les dépenses hors personnel 270 ( * ) se sont élevées à 38,64 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un montant nettement supérieur - de 3,52 millions d'euros, soit 10 % - à celui de 2017, mais qui demeure inférieur aux montants dépensés annuellement entre 2013 et 2015.

Évolution des dépenses hors personnel
du programme 207 (2013-2018)

(en millions d'euros)

Montant des dépenses hors personnel

Année

AE

CP

2013

42,66

44,02

2014

42,04

43,12

2015

41,03

39,61

2016

31,59

31,91

2017

35,33

35,12

2018

38,28

38,64

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Comme en 2017, cette augmentation profite surtout aux dépenses de fonctionnement : les crédits exécutés augmentent de 9,3 % par rapport à 2017, et se montent à 30,5 millions d'euros en CP. Cette progression s'explique surtout par une augmentation des dépenses de communication , qui ont notamment servi à justifier l'abaissement de la vitesse à 80 km/heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central.

S'agissant des dépenses d'intervention, elles s'élèvent à 6,8 millions d'euros en 2018. L'écart important par rapport à la programmation initiale (9,4 millions d'euros) s'explique notamment par la sous-réalisation du dispositif du « permis de conduire à un euro par jour ». À plusieurs reprises, notamment lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur spécial s'était déjà interrogé sur le niveau des sommes allouées à ce dispositif qui semble en perte de vitesse, et notamment sur la surestimation du nombre de prêts qu'il permettrait de financer.

Enfin les crédits d'investissement , principalement consacrés à la rénovation, à la mise aux normes et à la construction de centres d'examen du permis de conduire, sont en forte progression par rapport à 2017 , mais demeurent bien inférieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2018 (1,1 million d'euros en AE et 0,9 million en CP exécutés, au lieu de 1,5 million d'euros et 1,4 million d'euros ouverts en loi de finances).

3. Les résultats encourageants de la sécurité routière

D'après le bilan de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en 2018, 3 488 271 ( * ) personnes ont perdu la vie sur les routes françaises (3 248 en France métropolitaine, 144 dans les 5 DOM et 96 dans les COM et TOM), soit un niveau légèrement inférieur au minimum de 2013 (3 495 tués dont 3 268 en France métropolitaine et 159 dans les DOM). Seul le nombre de tués dans les COM et TOM continue de progresser (92 tués, soit une hausse de 14,3 % par rapport à 2017).

Évolution du nombre de tués à 30 jours sur les routes françaises
(2010-2018)

Source : Bilans de l'observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR)

Après trois années consécutives de hausse, de 2014 à 2016 - une première depuis 45 ans - la mortalité routière diminue pour la deuxième année de suite. Jamais le nombre de tués sur les routes françaises n'a été aussi peu élevé.

Si la mortalité automobiliste (- 7 %) et celle des piétons (- 3 %) reculent en 2018 par rapport à 2017, celle des motocyclistes (+ 17 %) et des cyclistes (+ 1 %) continue cependant d'augmenter.

La mortalité diminue en revanche pour toutes les classes d'âge. Les baisses les plus importantes sont observées chez les jeunes (0 à 24 ans) et les 25-34 ans, pour lesquels le nombre de tués à 30 jours régresse respectivement de 9,4 % et de 11 %. La mortalité des 45-64 ans (- 1,7 %) et des plus de 75 ans (- 3 %) recule enfin.

L'évolution des autres indicateurs de l'accidentalité est également encourageante : le nombre d'accidents corporels baisse (de 4,9 % en 2018) : 55 766 accidents en métropole en 2018 contre 58 613 en 2017. De même, le nombre de blessés (- 4,7%) diminue. Ce constat vaut également pour l'outre-mer, bien que les baisses enregistrées soient moins prononcées : le nombre d'accidents corporels fléchit de 1 %, celui des blessés, de 2,6 %.

4. Le permis de conduire : des délais d'attente qui s'allongent, un coût d'obtention qui augmente

Votre rapporteur spécial renouvelle son constat de 2017 : les indicateurs de performance relatifs au permis de conduire semblent atteindre leur limite .

La réduction du délai moyen d'attente pour un candidat entre sa première et sa deuxième présentation à l'examen pratique marque un coup d'arrêt . Après avoir diminué fortement - de 27 jours - entre 2014 (90 jours) et 2016 (63 jours), en raison, d'une part, de l'augmentation du nombre de passages d'examens pratiques B par jour, et d'autre part, du transfert de l'organisation de l'examen pratique général à des organismes agréés en 2016, il augmente de nouveau pour atteindre 66 jours . Dans la mesure où le délai moyen d'attente d'une place d'examen au permis de conduire dépend de la volonté même du candidat, qui peut hésiter à se représenter pour des raisons personnelles ou financières, la délégation à la sécurité routière admet que « l'objectif fixé par la loi de 45 jours en délais moyens semble difficilement atteignable, et ce, quels que soient les moyens employés. ».

Le rapport « Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée » 272 ( * ) remis au Premier ministre le 12 février 2019, préconise à cet égard de suivre plutôt l'évolution du délai médian qui s'avérerait plus pertinent.

De même, le coût unitaire d'obtention du permis de conduire pour l'administration continue d'augmenter pour la troisième année consécutive ( 65 euros en 2018, contre 61,50 euros en 2017, 61,30 euros en 2016 et 60,60 euros en 2015) alors que la prévision 2018 était de nouveau de 59,50 euros. Cette hausse est, d'une part, justifiée, comme l'an passé, par le recrutement plus important d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR), d'autre part, par l'augmentation du coût de formation des IPCSR qui inclut désormais le passage du permis moto et du niveau supérieur moto, et la baisse du nombre de permis délivrés .

II. LE COMPTE SPÉCIAL « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

1. Un compte spécial en léger déficit

Le compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » se caractérise par une sur-exécution des dépenses, qu'il s'agisse des autorisations d'engagement (l'écart constaté s'élève à 157 millions d'euros , soit + 11,74 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale) ou des crédits de paiement ( 129,24 millions d'euros , soit + 10,35%), comme l'illustre le tableau suivant qui retrace les principaux chiffres de l'exécution 2018 du compte spécial :

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits
exécutés
2018

Exécution 2018
/exéc. 2017

Exécution 2018
/ LFI 2018

Section 1 - Contrôle automatisé

AE

251,44

307,83

292,18

+ 16,20

-5,09

CP

227,76

307,83

263,75

+ 15,80

- 14,32

751 - Structures et dispositifs de sécurité routière 273 ( * )

AE

251,44

307,83

292,18

+ 16,20

-5,09

CP

227,76

307,83

263,75

+ 15,80

- 14,32

752 - Fichier national du permis de conduire

AE

CP

Section 2 - Circulation et stationnement routiers

AE

1 135,29

1 029,33

1 201,98

+ 5,87

+ 16,77

CP

1 134,53

1 029,33

1 202,65

+ 6,00

+ 16,84

753 - Contrôle

et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

AE

26,20

26,20

26,20

0

0

CP

26,20

26,20

26,20

0

0

754 - Contribution
à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

AE

670,31

516,56

689,21

+ 2,82

+ 33,42

CP

669,55

516,56

689,88

+ 3,04

+ 33,55

755 - Désendettement de l'État

AE

438,78

486,57

486,57

+ 10,89

0

CP

438,78

486,57

486,57

+ 10,89

0

Total

AE

1 386,73

1 337,16

1 494,16

+ 7,75

+ 11,74

CP

1 362,29

1 337,16

1 466,40

+ 7,64

+ 9,67

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Comme l'illustre ce graphique, les taux d'exécution du compte spécial ont fortement progressé au cours des cinq dernières années :

Évolution du taux d'exécution des crédits du CAS
« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

(en %)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

Pour la première fois depuis 2014, le compte spécial enregistre, au terme de l'exercice 2018, un solde très légèrement négatif . De l'ordre de 3,55 millions d'euros , il résulte de l'écart entre les dépenses en crédits de paiement (près de 1,466 milliard d'euros) et les recettes affectées au compte, soit 1,463 milliard d'euros (83,6 % du produit total des amendes).

Le montant cumulé du solde du compte spécial , depuis son ouverture en 2006 , demeure cependant nettement positif et s'élève désormais à 1,04 milliard d'euros .

Évolution des recettes et dépenses du CAS
depuis 2011

(en millions d'euros)

Année

Produit total des amendes

Recettes affectées au CAS

Dont contrôle automatisé

Dépenses en CP du CAS

Solde budgétaire du CAS

2011

1 515,60

1 299,60

641,80

683,90

615,70

2012

1 623,90

1 296,09

730,70

1 375,40

- 79,31

2013

1 597,50

1 382,30

708,30

1 315,10

67,20

2014

1 562,80

1 315,10

740,10

1 332,90

- 17,80

2015

1 607,70

1 329,60

789,00

1 285,60

44,00

2016

1 817,90

1 421,40

920,30

1 342,00

79,40

2017

1 978,20

1 527,70

1 013,20

1 362,30

165,40

2018

1 750,90

1 462,85

864,30

1 466,40

- 3,55

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

2. Des recettes en baisse, conséquence de la diminution du produit des amendes

La progression des recettes du compte d'affectation spéciale, qui ont augmenté trois années de suite, marque un coup d'arrêt . Après s'être établies à 1,527 milliard d'euros en 2017, elles enregistrent une baisse de 4,24 % et atteignent 1,463 milliard d'euros, un montant qui s'avère néanmoins supérieur de 9,6 % au montant programmé (1,337 milliard).

Pour mémoire, le produit total des amendes de stationnement et de la circulation routière - 1,751 milliard d'euros en 2018 - n'est pas intégralement affecté au CAS .

D'une part, seule une partie du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie des radars - qui s'élève à 682,70 millions d'euros en 2018 - lui est affectée . Cette fraction a été plafonnée 274 ( * ) à un montant fixé dans la loi de finances rectificative pour 2018, à 439,61 millions d'euros . 269,61 millions d'euros sont affectés à la section 1 « Contrôle automatisé » (programme 751) tandis que 170 millions d'euros bénéficient à la section 2 « Circulation et stationnement routiers » (programmes 753, 754 et 755).

Quant au solde des amendes « radars » - soit 243,09 millions d'euros, montant nettement inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale (450 millions) -, il est affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

D'autre part, l'intégralité du produit des amendes forfaitaires hors radars et des amendes forfaitaires majorées de toute nature - qui s'élève à 1,068 milliard d'euros - n'est pas affectée au CAS . En effet, une fraction, inférieure à 4 % - soit 45 millions d'euros en 2018 - est versée au budget général. Le montant affecté au CAS pour ces types d'amende est donc de 1,023 milliard d'euros.

Au total, près de 83,6 % du produit total des amendes de toute nature est donc affecté au CAS. Cette proportion augmente nettement par rapport à 2017, où ce ratio atteignait 77,2 %.

Contrairement aux deux exercices précédents, le produit total des recettes issues des amendes de la circulation et du stationnement routiers (radars et hors radars) a, en 2018, été surestimé : 1,833 milliard d'euros en loi de finances initiale 2018 contre 1,751 milliard d'euros réalisés (dont versement à l'AFITF et au budget général). L'écart entre prévision et réalisation (82 millions d'euros) est cependant moins élevé que celui observé en 2017 (130 millions).

Les seules recettes liées aux radars, après avoir atteint un niveau record en 2017, s'élèvent en 2018 à 864,3 millions d'euros (amendes forfaitaires et amendes forfaitaires majorées) - et enregistrent une nette baisse : - 14,7% par rapport à 2017.

Contribuent à cette évolution :

- la rétractation du parc de radars qui, après avoir augmenté deux années de suite, compte, au 31 décembre 2018, 4 446 équipements, soit 18 radars de moins qu'un an auparavant. Ce nombre s'avère bien inférieur à la prévision inscrite en loi de finances initiale (4 700), conforme aux orientations fixées par le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 2 octobre 2015. Cette diminution s'explique par une vague d'actes de vandalisme sans précédent fin 2018 et le retard pris par le déploiement de nouveaux types de radars (radars embarqués, radars tourelle) ;

- la dégradation constante du taux de disponibilité des radars automatiques depuis le début de l'année 2018, qui s'est nettement aggravée à partir de novembre. Ce taux atteint 73,1 % en décembre 2018 alors qu'il s'élevait à 93,2 % en janvier 2018 ;

- la nette dégradation du pourcentage d'avis de contravention émis par rapport au nombre de « flashs » qui s'élève désormais à 66,5 % contre 75,8 % en 2017 (pour les immatriculations françaises). Cette baisse de 9,3 points est largement due à la hausse du nombre de photos noires transmises par les radars vandalisés.

Il convient cependant de souligner que la diminution des recettes a été continue pendant toute l'année 2018, et pourrait donc être imputée à une évolution du comportement des conducteurs. La limitation de la vitesse à 80 km/heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, entrée en vigueur le 1 er juillet 2018, a engendré, d'après le bilan de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), une réduction de la vitesse pratiquée sur ces routes. De même, l'infraction de non-désignation du conducteur responsable d'une infraction routière avec un véhicule appartenant à une personne morale, entrée en vigueur le 1 er janvier 2017, semble produire un impact, comme prévu, sur le nombre d'infractions, dans la mesure où la verbalisation pour infraction avec une voiture de société a diminué de 10 %.

Enfin, la dépénalisation du stationnement payant , entrée en vigueur au 1 er janvier 2018, contribue aussi à la baisse du produit des amendes. En effet le défaut de paiement d'un stationnement ne donne plus lieu à amende mais à l'établissement d'un forfait post stationnement (FPS), dont le montant est décidé par la commune et encaissé directement par elle.

La loi de finances initiale pour 2018 chiffrait l'impact de cette réforme en anticipant une diminution de 100 millions d'euros des recettes issues des amendes forfaitaires « PVé » et des amendes forfaitaires majorées par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. La perte de recettes réelle a finalement été moindre que prévu - 85,5 millions d'euros - alors que les recettes ont été nettement supérieures aux prévisions de la loi de finances initiale (163,9 millions d'euros) 275 ( * ) .

3. Un parc de radars affecté par les actes de vandalisme et les retards de déploiement

Si les montant des crédits exécutés des programmes 753 - Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers - et 755 - Désendettement de l'État - sont identiques aux montants votés en loi de finances initiale , cela est loin d'être le cas des programmes 751 - Structures et dispositifs de sécurité routière - et 754 - Contribution à l'équipement des collectivités territoriale pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières.

Le graphique suivant permet de constater ces décalages :

Crédits de paiement exécutés en 2017, prévus initialement
et exécutés en 2018, rattachés au CAS « Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers »

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2018

En 2018, 236,75 millions d'euros - soit le total des crédits alloués aux actions 01, 02 et 03 du programme 751 -, ont été consommés pour maintenir en état et étendre le parc et pour traiter les messages d'infraction envoyés par les équipements de contrôle automatisé . Ces dépenses sont en nette augmentation (+ 17,7 % par rapport à 2017) mais s'avèrent bien inférieures aux prévisions de la loi de finances initiale (276,25 millions d'euros).

Comme en 2017, des écarts importants entre les crédits de la loi de finances initiale et les crédits consommés caractérisent certaines dépenses de l' action 01 « Dispositifs de contrôle » du programme 751 - Structures et dispositifs de sécurité routière - dont les crédits constituent la majeure partie de ceux alloués au programme.

Le coût du déploiement de nouveaux dispositifs - consistant à remplacer des radars existants par des équipements plus « intelligents » - s'élève à 32,35 millions d'euros en crédits de paiement en 2017, soit un montant très nettement inférieur à celui prévu en loi de finances initiale - 70,88 millions. Cet écart conséquent est justifié par le « retard observé dans le déploiement des radars tourelles pour des raisons techniques ».

De même, les crédits consommés pour le maintien en condition opérationnelle , s'élèvent à 51,95 millions d'euros contre 79,19 millions en loi de finances initiale, cet écart conséquent étant justifié par le retard de l'externalisation des prestations de conduite des « radars mobiles », facteur qui avait déjà été avancé l'an passé pour expliquer cette sous-consommation.

Une nette augmentation des dépenses de réparation des radars , due à la vague de dégradations, est également observée ( 23 millions d'euros en 2018 contre 9,3 millions d'euros en 2017). À l'inverse, les dépenses de « pilotage », définies comme « des dépenses transversales à la fois au déploiement et à la maintenance des dispositifs de contrôle », s'élèvent à 58 millions d'euros, soit un montant nettement supérieur aux 20,08 millions prévus en loi de finances initiale. L'écart est expliqué - comme l'an passé - par la notification de plusieurs nouveaux marchés.

Comme lors des trois exercices précédents, le programme 751 se distingue par des restes à payer importants et en nette augmentation (140,5 millions d'euros contre 123 millions d'euros fin 2017), liés, pour l'essentiel, à l'action 01 « Dispositifs de contrôle » et résultant principalement de l'étalement sur plusieurs mois des travaux de déploiement et de maintenance des radars .

La récurrence de ces restes à payer conduit à préconiser , à l'instar de la Cour des comptes, une programmation différenciée des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP).

4. Un programme 754 « Collectivités territoriales » difficilement maîtrisable

À l'instar du programme 755 - Désendettement de l'État , le programme 754 « Collectivités territoriales » s'apparente davantage à un support budgétaire permettant de reverser des recettes, qui ne sont plafonnées que par la loi de finances, qu'à un véritable programme.

Or, la règle de détermination et de répartition de la part du produit des amendes imputée en avril aux communes et aux groupements de communes, a pour effet de décaler la consommation de crédits (en AE et en CP) à l'exercice suivant celui où ils étaient disponibles , ce qui engendre un report de plus de 600 millions d'euros chaque année.

Alors qu'en 2017, les collectivités territoriales avaient reçu un montant légèrement supérieur - de plus de 32 millions d'euros - aux prévisions de la loi de finances initiale, en 2018, la sur-exécution s'est aggravée. Elles ont reçu un montant de 172,65 millions d'euros, supérieur d'un tiers aux crédits programmés dans la loi de finances initiale pour 2018.

5. L'ANTAI : un fonds de roulement préoccupant

Le budget de l 'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) dont les attributions ont été élargies en 2017 276 ( * ) , est alimenté par deux sources.

Dans le cadre de l'action 02 « Centre national de traitement » du programme 751 , l'agence a reçu, en 2018 , au titre du traitement des messages d'infraction émis par les radars, 82 millions d'euros , soit un montant identique à celui prévu en loi de finances initiale. Ce budget, identique à celui versé en 2017, est complété par une « dotation pour charges de services publics » de 26,2 millions d'euros - au montant inchangé par rapport à 2017 - provenant du programme 753 .

Le montant de ce programme 753 stagne depuis plusieurs années alors que les dépenses excédentaires - qui se montent à 5 millions d'euros soit environ un cinquième des dépenses -, requises par l'entretien du bâtiment de Rennes qui héberge le centre national de traitement (CNTS) et les frais d'éditique, sont supportés par le programme 751 - Structures et dispositifs de sécurité routière. À l'instar de celle du programme 752 -Fichier national du permis de conduire, désormais intégré au programme 751, sa suppression permettrait au compte spécial de gagner en lisibilité.

Le fonds de roulement de l'agence continue d'augmenter sensiblement. Son montant s'élève en 2018 à 52,5 millions d'euros (soit 11,2 millions de plus qu'en 2017), ce qui représente 5,8 mois d'activité , soit quasiment le double de la cible de 3 mois prévue dans le contrat d'objectifs et de performance (COP).

L'importance du fonds de roulement était justifiée en 2017 par la délégation à la sécurité routière par la nécessité de pouvoir anticiper dans de bonnes conditions l'impact de la décentralisation du stationnement payant prévue par la loi MAPTAM 277 ( * ) , entrée en vigueur le 1 er janvier 2018, et des éventuels décalages de paiement des collectivités locales. Or, en 2018, les recettes attendues de collectivités locales se sont élevées à 11,9 millions alors que les recettes encaissées ont atteint 8 millions d'euros. L'écart constaté est donc nettement inférieur à l'augmentation du fonds de roulement.

Il convient donc de rester très vigilant quant à l'évolution de l'agence, dont le mode de fonctionnement et les flux financiers font actuellement l'objet d'un contrôle budgétaire de votre rapporteur spécial.

6. Un compte d'affectation spéciale en contravention avec le principe de spécialité

L' article 21 de la loi organique portant loi de finances 278 ( * ) dispose que les comptes d'affectation spéciale (CAS) « retracent (...) des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

Dans la mesure où plus de la moitié des recettes du CAS ne financent pas directement la politique de sécurité routière, son fonctionnement actuel contrevient au principe de spécialité dicté par la loi.

En effet, en 2018, 531,6 millions d'euros ont bénéficié au budget de l'État, ce qui représente environ un peu moins d'un tiers des recettes des amendes de la circulation et du stationnement routiers affectées au CAS. En outre, dans la mesure où 243,41 millions d'euros ont été versés à l'AFITF, il apparaît qu'environ 44 % du produit total des recettes des amendes ne sont pas directement affectés à la mission.

À cet égard, le contenu du rapport annexé au projet de loi de finances pour 2018 279 ( * ) sur « l' utilisation par l'agence de financement des infrastructures de transport de France et par les collectivités territoriales du produit des recettes qui leur est versé par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » », s'avère toujours perfectible.

En effet, en ce qui concerne l' AFITF , bien que ce rapport indique que « l'agence contribue de façon significative à la lutte contre l'insécurité routière par les investissements qu'elle finance, bien au-delà des recettes issues du CAS », il n'isole pas les travaux réduisant spécifiquement l'insécurité routière et ne mesure pas leur contribution effective à la politique de sécurité routière.

S'agissant des collectivités territoriales, l'étude se limite à celles comptant moins de 10 000 habitants. Certes le rapport atteste que celles-ci utilisent les crédits du programme 754 pour financer des opérations de sécurité routière, mais il exclut les collectivités de plus de 10 000 habitants qui concentrent 85 % des crédits versés aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

MISSION « SÉCURITÉS » - PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » - M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2018

1. Une sous-exécution plus importante qu'en 2017

De même que l'ensemble des crédits de la mission « Sécurités », les crédits du programme 161 « Sécurité civile » étaient inscrits en hausse dans la loi de finances pour 2018, avec une progression des crédits de paiement (CP) de 3,9 % par rapport à 2017, tandis que les autorisations d'engagement (AE) connaissaient une augmentation considérable , afin de financer le programme pluriannuel de renouvellement de la flotte d'avions de la sécurité civile, auquel 404,1 millions d'euros d'AE étaient affectés (voir infra ).

Exécution des crédits en 2018 pour le programme 161 « Sécurité civile »

(en millions d'euros)

Montant total des crédits (incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés en LFI 2018

Crédits exécutés en 2018

Écart entre l'exécution 2018 et l'exécution 2017

Écart entre l'exécution 2018 et la LFI 2018

AE

483

866,8

768,5

+59,11%

-11,34%

CP

507,7

545,3

515,1

+1,46%

-5,54%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exécution pour 2018 est très en-deçà du montant des crédits ouverts , avec une consommation des CP à hauteur de 515,1 millions d'euros et des AE de 768,5 millions d'euros . 94,5 % des CP votés ont donc été consommés, correspondant un écart de plus de 30 millions d'euros. Malgré cet écart à la prévision, les crédits de paiement sont tout de même légèrement supérieurs à l'exécution 2017 , laquelle était marquée par une consommation de la quasi-totalité des crédits disponibles, liée à une mobilisation accrue des moyens de la Sécurité civile en raison d'une saison des feux de forêts très dense et des sinistres de fin d'année causés par l'ouragan Irma.

L'année 2018 marque ainsi une singularité dans l'exécution annuelle des CP du programme 161, ce dernier étant plutôt sujet à de faibles écarts par rapport à la budgétisation.

L'exécution des AE laisse apparaître une importante différence par rapport à la prévision, de - 98,3 millions d'euros (fonds de concours et attributions de produits compris) . Cette différence est principalement le résultat d'une sous-consommation des AE de titre 5, 351 millions d'euros d'AE ayant été exécutés sur les 440,8 millions d'euros prévus initialement.

2. Mouvements de régulation intervenus en 2018

Une mise en réserve de 0,93 million d'euros a été appliquée sur le montant total des crédits de titre 2 . Les crédits disponibles ont été minorés de deux transferts au profit du ministère des armées au titre du remboursement de la participation des armées à la prévention et à la lutte contre les feux de forêts dans la zone Méditerranée (en application du protocole Héphaïstos) en 2016 et en 2017 pour un montant total de 0,28 million d'euros.

Hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » 280 ( * ) , les dépenses de personnel ont été majorées d'un montant total de 0,41 million d'euros, en faveur des apprentis et au titre du remboursement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères des indemnités de sujétions pour service à l'étranger (Népal et Haïti notamment).

En ce qui concerne les dépenses autres que celles de personnel, un gel de 3 % a été appliqué à ces crédits , soit 19,2 millions d'euros en AE et 9,5 millions d'euros en CP.

Un surgel est intervenu pour un montant global de 32,7 millions d'euros en AE et 17,3 millions d'euros en CP, portant le total des crédits mis en réserve à 50,1 millions d'euros en AE et 25,9 millions d'euros en CP.

14,2 millions d'euros en AE et 6 millions d'euros en CP ont été dégelés dans le cadre du schéma de fin de gestion. Ce dégel a permis le financement des besoins de maintien en condition opérationnelle (MCO) des avions et des hélicoptères de la sécurité civile et des besoins d'investissements dans les infrastructures de transmission (ANTARES notamment) d'une part, et le versement de crédits d'extrême urgence en réponse aux inondations dans l'Aude d'autre part.

Le reste des crédits gelés a été annulé par la LFR, pour un total de 19,9 millions d'euros de CP et 36,7 millions d'euros des AE hors titre 2. Au total, 70,8% des CP et 69,3 % des AE gelés ont été annulés en LFR .

Aucun mouvement de fongibilité asymétrique n'est à constater pour la gestion 2018.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Crédits de paiements

Titre 2 - Dépenses de personnel

Autres titres - Autres dépenses

Total

LFI

186,0

346,2

532,2

Fonds de concours et attributions de produits

0,0

15,5

15,5

LFR

-5,7

-19,9

-25,6

Reports de la gestion précédente

0,0

2,4

2,4

Mouvements réglementaires

0,2

-4,3

-4,1

Total des crédits de paiement ouverts

180,1

339,9

520,0

Dépenses constatées

175,2

339,9

515,1

Ouvertures

0,0

0,0

0,0

Annulations

4,9

0,0

4,9

Reports à la gestion suivante

0,0

0,03

0,03

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Une exécution du plafond d'emplois à son plus haut niveau depuis 5 ans

Alors même que les autres programmes de la mission « Sécurités » (gendarmerie et police) bénéficiaient d'une progression du nombre d'emplois, amorcée en 2013 dans le cadre du « Pacte de sécurité », le programme 161 a connu une baisse continue de son plafond d'emplois. L'année 2017 s'est distinguée par une augmentation notable du plafond autorisé, le rapprochant de celui de 2013.

Pour 2018, le schéma d'emplois fixé à +35 ETP a été respecté , avec le recrutement de 26 démineurs, 7 personnels administratifs et 2 personnels techniques, et permet d'atteindre 2 444 ETPT exécutés, soit le plafond réalisé le plus élevé depuis 2013 .

Le plafond autorisé pour 2018 n'en demeure pas moins sous-consommé, puisqu'on observe un écart de - 39 ETPT par rapport à la prévision (2 483 ETPT). Compte tenu de l'encadrement fixé par l'article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 281 ( * ) , la LFR pour 2018 a abaissé ce plafond à 2 469 ETPT . La sous-exécution nette s'élève donc à -25 ETPT.

L'application de l'article 11 devrait de la même façon conduire à un abaissement du plafond d'emplois en gestion 2019, ce qui relativise l'augmentation prévue en LFI 2019. Cette dernière avait porté le plafond d'emplois à près de 2 500 ETPT, compte tenu d'une prévision de schéma d'emplois à +15 ETPT.

La minoration attendue du plafond d'emplois pour 2019 ne devrait toutefois pas contraindre la pleine réalisation de ce schéma d'emplois.

Évolution de l'exécution du plafond d'emplois

(en ETPT)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Plafond d'emplois autorisé

Plafond d'emploi corrigé

2465

2440

2404

2 402

2 450

2 483

2469

2 498

Plafond d'emplois réalisé

2 422

2 395

2 382

2 379

2 411

2 444

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dépenses d'investissements en progression, quoiqu'inférieures au montant prévu, liées au remplacement d'aéronefs

L'augmentation du budget 2018 découlait d'une forte hausse des dépenses de titre 5 , en AE (440,7 millions d'euros contre 46,6 millions d'euros en 2017) comme en CP (97,8 millions d'euros contre 65,7 millions d'euros en 2017). Cette hausse s'expliquait par la notification en 2018 du marché d'acquisition de 6 Dash 8 Q400 MR en remplacement des Tracker vieillissant, de façon échelonnée entre 2019 et 2024.

L'impact budgétaire du renouvellement de la flotte de la Sécurité civile sur le budget pour 2018

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, votre rapporteur spécial avait constaté que le budget total du programme 161 était en baisse de 3,8 % en AE et de 6,7 % en CP, si l'on neutralisait les conséquences financières de l'acquisition des nouveaux avions Dash 8 au titre du projet de loi de finances pour 2018. Hors titre 2, le programme « Sécurité civile » était stable en AE (+ 0,3 %) et en baisse en CP (- 5 %).

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
du programme « Sécurité civile » à périmètre courant, avec neutralisation des crédits affectés au renouvellement de la flotte de Tracker

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses prévues pour l'acquisition de ces 6 avions multi-rôles, étaient manifestement surdotées. En effet, les crédits votés en loi de finances pour 2018, à hauteur de 404,1 millions d'euros en AE et 61,4 millions d'euros en CP ont été ramenés à 370,37 millions d'euros en AE et 34,36 millions d'euros en CP après l'attribution du marché en janvier 2018 pour un coût nettement plus faible qu'attendu. Cet abaissement des coûts de la commande explique pour l'essentiel la sous-exécution des AE et des CP en 2018.

Le premier avion multi-rôles devrait être livré en juillet 2019 alors que les Tracker Firecat seront retirés progressivement jusqu'en 2022. D'ici là, la diminution du nombre de bombardiers d'eau - 6 avions commandés contre 9 avions retirés - ne devrait pas générer de rupture capacitaire. En effet, le Dash 8 Q400 est un modèle d'avion pouvant assurer davantage de missions que le Tracker, étant plus rapide (450 km/h contre 300 km/h) et doté d'un emport supérieur (10 tonnes contre 3,3 tonnes).

Échéancier prévisionnel des acquisitions d'avions multi-rôles

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2018-2023

Commande

6

6

Livraison

1

2

1

1

1

6

AE

322,08

10,77

5,5

10,76

8,86

12,4

370,37

CP

34,48

64,24

66,28

80,52

61,08

63,77

370,37

Source : Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

Les autres dépenses d'investissement concernent essentiellement les grands projets informatiques et les projets de modernisation des autres équipements de la Sécurité civile. Ces derniers ont mobilisé davantage de crédits qu'en 2017, notamment du fait du nécessaire remplacement des moteurs des trois avions Beechcraft, non prévu dans le projet de loi de finances pour 2018.

Principaux investissements de la sécurité civile

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

Nature

Montant 2017

Part dans le total des investissement réalisés (2017)

Montant 2018

Part dans le total des investissement réalisés (2018)

Achat d'avions

0

0%

34,4

54,4%

Modernisation des avions

3,9

10,8%

6,5

10,3%

Projet SAIP

6,6

18,3%

4,1

6,5%

Projet ANTARES

5,2

14,4%

4,1

6,5%

Véhicules et équipements spécialisés des UIISC 282 ( * )

2,9

8%

2,1

4%

Modernisation des hélicoptères

0,9

2,5%

2,5

3,3%

Équipement du déminage

0,8

2,2%

1,7

2,7%

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

2. L'arrêt du volet « mobile » pour le projet SAIP en mai 2018

Les dépenses d'investissement autorisées pour 2018 recouvraient notamment la poursuite du déploiement du système d'alerte et d'information des populations (SAIP). 4,1 millions d'euros ont été consommés en 2018 en vue de ce projet, alors que 5,2 millions d'euros étaient prévus en loi de finances.

Votre rapporteur spécial a déjà exprimé à plusieurs reprises ses doutes sur la pertinence des choix stratégiques ayant guidé ce projet de modernisation du système d'alerte, dont 80 % des crédits sont réservés à la rénovation du réseau des sirènes. Plus particulièrement, dans un rapport d'information consacré au SAIP 283 ( * ) , il recommandait notamment l'abandon du volet « mobile » de ce projet.

Le volet « mobile » du SAIP : un choix contestable de recourir
à l'application smartphone

Le ministère de l'intérieur a préféré recourir à une application smartphone plutôt qu'au Cell Broadcast. Pourtant, cette technologie présente plusieurs inconvénients qui conduisent à douter de sa pertinence :

- son activation nécessite un téléchargement de la part de l'utilisateur, ainsi qu'une activation des notifications et de la géolocalisation. Elle doit, par ailleurs, être conservée en tâche de fond sous iOS ;

- elle n'est, par définition, disponible que sur smartphone. Par ailleurs, elle n'est disponible que pour les smartphones fonctionnant sous Android et iOS (ce qui exclut notamment les téléphones de la marque BlackBerry et ceux fonctionnant sous le système d'exploitation de Windows) ;

- elle s'appuie sur des données transmise par internet. Or ce réseau peut être vulnérable en cas de crise (saturation, comme en cas de sur-sollicitation imprévue d'internet après un attentat, endommagement des antennes-relais suite à un phénomène naturel, etc.) ;

- elle entre en concurrence avec d'autres applications poursuivant le même objet, ou celle des médias traditionnels et des réseaux sociaux, également susceptibles de générer des « notifications push » en cas d'alerte. Par ailleurs, elle ne devrait être téléchargée en nombre significatif que par les personnes habitant régulièrement en France, et exclut de fait les personnes en voyage en France, ces dernières n'ayant qu'un faible intérêt à procéder à un téléchargement. Cette lacune revêt une gravité particulière s'agissant des alertes concernant des lieux touristiques fréquentés par des étrangers.

Au contraire, le Cell Broadcast aurait sans doute mérité de plus amples réflexions avant d'être abandonné si promptement. Déjà utilisé dans de nombreux pays, tels que les États-Unis, le Chili, le Japon, ou encore les Pays-Bas, il permet la diffusion rapide d'un message intelligible et facilement identifiable à l'ensemble des téléphones situés dans un espace géographique donné.

Extrait du rapport d'information de M. Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances n° 595 (2016-2017) - 28 juin 2017

Cette recommandation a été suivie par le ministère de l'intérieur qui, après une évaluation d'inspection générale de l'administration , a décidé, en mai 2018, d'abandonner l'application SAIP au profit d'une diffusion des messages d'alerte sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Google), et sur les canaux de communication de la RATP, Vinci Autoroutes, Radio France et France Télévisions. Votre rapporteur spécial avait déjà souligné la pertinence d'un recours aux réseaux sociaux dans son rapport . Cependant, il aurait été préférable de conserver, en plus des réseaux sociaux, un moyen d'alerte et d'information des populations par smartphone dont l'État aurait eu la pleine maîtrise, à l'image de la technologie Cell Broadcast.

Le rapport annuel de performance pour 2018 mentionne que le développement de l'application liée au SAIP a coûté 1,4 million d'euros en 2016 et 2017, avant son arrêt en 2018.

3. La création d'un opérateur en appui des SDIS au titre du projet « NexSIS 18-112 »

L'exécution 2018 est marquée par la création d'un unique opérateur pour le programme 161 . Il s'agit de l'Agence du numérique de la Sécurité civile (ANSC), créée par le décret n° 2018-856 du 8 octobre 2018 . Ayant le statut d'établissement public administratif, cette agence est responsable du développement du programme « NexSIS 18-112 » (ex-programme SGA-SGO), lequel consiste en la mise en place d'un système d'information et de commandement unifié des services d'incendie et de secours (SDIS) et de la sécurité civile.

Une subvention d'1,75 million d'euros a été versée à cette agence pour l'année 2018 . En 2019, cette agence mobilisera les crédits jusqu'alors imputés sur la dotation de soutien aux investissements structurants (DSIS) des SDIS, soit 9 millions d'euros, dont 7 issus du programme 161 et 2 en provenance des SDIS.

L'impact de la création de cet opérateur en termes d'emplois est nul pour 2018, mais en 2019 lui sont affectés 12 ETPT, non rémunérés par le programme, mais placés sous son plafond d'emplois autorisés.

Si votre rapporteur spécial soutient ce projet de système unifié qui viendra utilement moderniser les équipements des SDIS, il réitère cependant son observation formulée à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2018 . 284 ( * ) Il est en effet regrettable que ce projet concentre 70 % des crédits de la DSIS, par ailleurs en nette diminution (10 millions d'euros en 2018 contre 25 millions d'euros en 2017), alors même que les besoins d'investissements des SDIS sont croissants et que leur budget global d'investissement est en diminution.

4. Une activité opérationnelle moindre en raison de la faible intensité de la saison des feux

Le bilan des incendies de forêts est plutôt encourageant en 2018, avec 5 124 hectares de consumés contre 24 500 en 2017. Dans la forêt méditerranéenne, principale zone de départs de feux, 1 034 feux ont parcouru 2 979 hectares en 2018, ce qui représente le record minimal de surfaces brûlées depuis 1973 , année de la création de la base de données « Prométhée » 285 ( * ) . S'il est difficile d'isoler ce qui relève de l'aléa météorologique et ce qui tient à l'efficacité des moyens de prévention, la direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) précise tout de même que ces derniers ont permis de limiter l'ampleur du danger d'incendie.

En effet, l'un des deux indicateurs de performance mesurant l'efficacité du dispositif de protection contre les feux de forêts prend en compte cet aléa climatique et traduit un résultat bien meilleur qu'escompté en 2018 286 ( * ) :

Évolution de l'indicateur 1.1 - nombre d'hectares brûlés en fonction
de l'intensité de l'aléa climatique pendant la campagne « saison feux »

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les conséquences de cette « modeste » saison des feux sont visibles au niveau de l'activité opérationnelle de la sécurité civile et des dépenses qui y sont associées . En effet, le montant des dépenses de fonctionnement ou d'intervention affectées aux moyens opérationnels d'attaque des feux est en baisse, ce qui souligne l'importance des dispositifs de prévention tels que le guet aérien armé (GAAr) par exemple. Certes, l'objectif de ces dispositifs dépasse largement l'enjeu financier puisqu'il s'agit davantage de protéger les vies humaines, les habitats et l'écosystème forestier. Votre rapporteur spécial aura l'occasion de développer ces observations dans un prochain rapport à l'issue de sa mission de contrôle sur la lutte contre les feux de forêts.

Ainsi, le coût du MCO des avions est inférieur à la prévision et l'exécution 2017 , ne mobilisant que 35,2 millions d'euros sur les 47,6 millions d'euros prévus. Celui des hélicoptères est cependant en hausse de 5 millions d'euros. Il faut souligner que le déploiement de ces derniers, contrairement aux avions, dépend également de la survenance d'autres sinistres que les feux de forêts, tels que les inondations.

La consommation de produits retardants a aussi été nettement plus faible par rapport à la prévision, 82,5 % des 2,4 millions d'euros de CP ayant été consommés, contre 6,6 millions d'euros en 2017.

Les remboursements des « colonnes de renfort » , réalisés au profit de personnes publiques ou privées dont les moyens ont été mobilisés par le préfet en réponse aux risques naturels, sont stables en apparence, à 5,8 millions d'euros en 2018, contre 5,7 millions d'euros en 2017 . En effet, ces dépenses auraient dû en principe s'approcher de la prévision, de 2,4 millions d'euros , mais ont été affectées par le report de charges issu de la saison opérationnelle de 2017, qui explique la quasi-totalité de l'écart à la prévision.

À cet égard, l'observation de votre rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2018 au sujet d'une possible sous-budgétisation du montant alloué aux colonnes de renfort peut être renouvelée. En effet, les dernières exécutions faisaient état de surconsommations et de reports de charges réguliers, d'un montant non négligeable. Or, depuis 2013, la prévision de remboursement oscille entre 2 et 2,5 millions alors que les exécutions des trois dernières années rendent compte d'une consommation moyenne de 5,5 millions d'euros.

Si ces dépenses sont par nature difficilement prévisibles compte tenu de l'intensité variable des risques naturels, votre rapporteur spécial suggère néanmoins d'améliorer la budgétisation de la dotation pour les colonnes de renfort en la rapprochant des derniers montants exécutés, ce qui permettrait sans doute d'éviter de tels reports de charges sur les prochains exercices.

MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » - MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

1. Une exécution des crédits supérieure à la prévision budgétaire...
a) Une exécution qui dépasse de près de 200 millions d'euros la prévision de la loi de finances pour 2018

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - a été dotée de 19,65 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en loi de finances pour 2018. Toutefois, les crédits exécutés sont, comme en 2018, supérieurs à cette prévision et s'établissent à 19,83 milliards d'euros en AE et 19,85 milliards d'euros en CP.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / LFI 2018

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

6 760,6

6 987,3

3,2 %

CP

6760,6

6 985,8

3,2 %

157 - Handicap et dépendance

AE

11 341,2

11 332,2

-0,1 %

CP

11 341,2

11 332,6

-0,1 %

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

29,9

29,4

-1,8 %

CP

29,9

29,1

-2,7 %

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

AE

1 514,1

1 477,0

-2,5 %

CP

1 521,2

1 499,2

-1,5 %

Total

AE

19 645,8

19 825,9

0,9 %

CP

19 652,9

19 846,6

1,0 %

* Crédits votés en LFI 2018 y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits exécutés en 2018 - hors CAS Pension et fonds de concours - d'un montant de 19,64 milliards d'euros sont ainsi supérieurs à la norme fixée par la loi de programmation des finances publiques qui s'élevait, à périmètre constant, à 19,44 milliards d'euros pour 2018.

b) Une exécution marquée par le dynamisme des dépenses d'intervention, notamment de la prime d'activité et de l'AAH
Ce dépassement budgétaire est principalement dû au dynamisme des dépenses d'intervention financées par cette mission, qui sont structurellement orientées à la hausse, en raison des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population, et notamment le faible taux de sortie du dispositif de l'AAH.

Par ailleurs, la conjoncture économique et les mesures de revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH ont également contribué à l'augmentation de ces dépenses.

Les crédits consommés pour l'allocation aux adultes handicapés (5,6 milliards d'euros) et la prime d'activité (9,69 milliards d'euros) représentent près de 80 % des crédits consommés pour l'ensemble de la mission.

La prime d'activité et l'AAH : des revalorisations...et des économies

Derrière les revalorisations annoncées par le Gouvernement, l'exécution des crédits de la mission sur 2018 atteste de plusieurs sources d'économies sur ces prestations, comme l'avaient d'ailleurs souligné vos rapporteurs spéciaux dans leurs rapports budgétaires pour les projets de loi de finances pour 2018 et 2019.

Les revalorisations annoncées de la prime d'activité et de l'AAH sur 2018 :

- revalorisation du montant forfaitaire de la prime d'activité de 20 euros au 1 er septembre 2018 (coût pour 2018 : 239 millions d'euros) ;

- revalorisation de l'AAH à 860 euros par mois au 1 er décembre 2018 (coût pour 2018 : 40 millions d'euros).

Les sources d'économies réalisées sur ces prestations en 2018 :

- abaissement du plafond de 2 à 1,8 SMIC pour les couples bénéficiaires de l'AAH (économie sur 2018 : 13 millions d'euros) ;

- suppression de la prise en compte des rentes « accident du travail/maladie professionnelle » et des pensions d'invalidité dans le calcul de la prime d'activité (économie sur 2018 : 20 millions d'euros) ;

- diminution de 62 à 61% de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime d'activité (économie sur 2018 : 70,7 millions d'euros) ;

- impact de la baisse des cotisations, qui a pour effet d'augmenter le revenu professionnel des personnes en emploi et donc de diminuer le montant dû au titre de la prime d'activité (économie sur 2018 : 70 millions d'euros).

2. ...qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, d'un montant toutefois plus limité que les années précédentes

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros et en %)

Programme

LFI 2018

Reports entrants

Décrets d'avance

Virement ou transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Crédits ouverts

Crédits consommés

Taux d'exécution consommé/prévu

304

6 760,61

1,99

261,45

7 024,05

6 985,81

103,3 %

157

11 341,21

4,98

11 346,65

11 332,55

99,9%

137

29,87

-0,35

0,05

29,61

29,08

97,3%

124

1 521,23

4,84

0,48

-13,13

2,45

1 513,53

1 499,19

98,6%

Total mission

19 652,92

6,82

0,00

0,12

248,32

7,48

19 913,83

19 846,63

101,0%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Malgré des efforts réalisés en loi de finances initiale visant à une budgétisation plus sincère de la prime d'activité et de l'AAH notamment, le dynamisme des dépenses a rendu nécessaire en cours de gestion :

- un dégel quasi-complet de la réserve de précaution (98,7 % des crédits mis en réserve) : sur les 558 millions d'euros gelés initialement, seuls 7,04 millions d'euros figurent en fin de gestion, restant gelés. Comme ils l'avaient pointé dans leur précédente contribution à la loi de règlement, vos rapporteurs estiment que cette réserve revêt un caractère largement artificiel s'agissant de la mission qui comporte quasi-exclusivement des dépenses d'intervention, dont on connait le dynamisme structurel. L'abaissement du taux de mise en réserve de 8 à 3 % 287 ( * ) , dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, n'a, au final, que peu d'impact sur la mission, puisque les crédits sont quasi-complétement dégelés chaque année .

Mise en réserve des crédits de la mission ( en CP )

(en millions d'euros)

Programme

304

157

137

124

Total

Gel initial

202,74

339,87

0,90

14,17

557,68

Surgels

0

0

0

6,01

6,01

Dégels en gestion

202,74

339,87

0,90

0,01

543,52

Annulation de crédits gelés

0

0

0

13,13

13,13

Réserve en fin de gestion

0

0

0

7,04

7,04

Source: commission des finances du Sénat d'après Cour des comptes

- L'ouverture de 261,45 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative 288 ( * ) sur le programme 304 pour le financement de la prime d'activité.

Toutefois, le montant des crédits ouverts est largement inférieur aux années précédentes et notamment à celui de 2017, qui s'est élevé à 1,2 milliard d'euros. Cette diminution des ouvertures de crédits s'explique par une budgétisation plus sincère en loi de finances initiale, que vos rapporteurs appelaient de leurs voeux.

Pour la première fois, en cinq ans, aucune ouverture de crédits n'a été réalisée pour le programme 157 « Handicap et dépendance ». En revanche, l'effort de meilleure budgétisation s'agissant de la prime d'activité n'a pas été suffisant. Alors que la prévision de la CNAF d'octobre 2017 s'élevait à 5,56 milliards d'euros, la loi de finances initiale pour 2018 avait prévu 5,38 milliards d'euros de crédits. Vos rapporteurs avaient d'ailleurs souligné ce risque de sous-budgétisation dans leur rapport de projet de loi de finances pour 2018.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une budgétisation sincère de l'AAH, mais une sous-évaluation persistante de la prime d'activité malgré des efforts de meilleure budgétisation en loi de finances initiale

Vos rapporteurs pointent, depuis plusieurs années, les sous-budgétisations massives concernant notamment la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés.

Ils avaient néanmoins salué, lors de l'examen des crédits prévus en loi de finances pour 2018 , une « volonté louable de rendre plus sincère la budgétisation des crédits après des années de sous-budgétisation ». Toutefois, au vu de « l'effet volume » de ces prestations, qui sont extrêmement dynamiques et des revalorisations envisagées, vos rapporteurs estimaient que les risques de dépassement budgétaires étaient encore prégnants, notamment s'agissant de la prime d'activité.

Ainsi, comme indiqué précédemment, si aucune ouverture de crédits n'a été nécessaire pour l'allocation aux adultes handicapés, des crédits supplémentaires ont été nécessaires pour financer les dépenses liées à la prime d'activité.

S'agissant de l'AAH, vos rapporteurs saluent ainsi les efforts entrepris et la budgétisation sincère de la prestation. Les prévisions en loi de finances initiale reposaient, pour la première fois, sur les évaluations faites par la DREES et la CNAF.

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses d'AAH (en CP)

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2014

2015

2016

2017

2018

Crédits demandés

6 234,2

6 938,2

7 515,2

8 400,3

8 513,1

8 605,5

9 052,3

9 734,8

Crédits consommés

6 624,6

7 150,0

7 806,2

8 482,1

8 831,0

9 051,7

9 389,6

9 690,0

Écart

390,4

211,8

291,0

81,8

317,9

446,2

337,3

-44,8

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires et Cour des comptes

S'agissant de la prime d'activité, malgré des efforts visant à rendre plus sincère la budgétisation, une ouverture de crédits de 261,5 millions d'euros de crédits de paiement a été nécessaire . Toutefois, le montant de cette sous-budgétisation s'avère moins important que celui des années précédentes. Vos rapporteurs s'interrogent, à cet égard, sur les prévisions faites pour 2019, au vu de la montée en charge très forte de la prime d'activité sur les premiers mois de l'année.

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses
de la prime d'activité (en CP)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

Crédits demandés

3 938

4 338

5 379,6

Crédits consommés

4458*

5 320

5 599,6

Écart

520

982

220

* à périmètre constant

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires

2. Les mineurs non accompagnés (MNA) et la protection juridique des majeurs demeurent des sujets de tension budgétaire

S'agissant du dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (MNA), les crédits exécutés, en 2018, s'élèvent à 145,1 millions d'euros : 48,9 millions d'euros ont été consommés au titre des dépenses d'évaluation et de mise à l'abri et 96,2 millions d'euros au titre de la prise en charge partielle par l'État des dépenses d'aide sociale à l'enfance.

Les dépenses consacrées aux mineurs non accompagnés ont ainsi été multipliées par 7 entre 2017 (20,2 millions d'euros) et 2018 . Cette hausse s'explique par l'aide « exceptionnelle » apportée par l'État au titre du financement d'une partie des dépenses d'aide sociale à l'enfance et par le nombre croissant de mineurs non accompagnés pris en charge par les conseils départementaux : 10 200 en 2015, et plus de 28 000 en 2018.

Toutefois, comme indiqué dans leur rapport budgétaire à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019, vos rapporteurs craignent que cette enveloppe soit insuffisante, au vu de la croissance exponentielle du nombre de mineurs non accompagnés et du montant dépensé en 2018.

Ils ont ainsi fait part de leurs inquiétudes à la ministre des solidarités et de la santé, Mme Buzyn et sa secrétaire d'État, Mme Dubos, à l'occasion de leur audition par la commission des finances le 26 juin 2019 . Ils les ont alertées sur l'insuffisance de ces crédits et la situation financière particulièrement délicate de certains départements.

De nouvelles modalités de financement des dépenses de mise à l'abri
et d'évaluation des départements

Ce dispositif piloté par les départements a été expérimenté en 2013 et pérennisé par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.

Au titre de ce dispositif - dans le cadre prévu par le décret du 24 juin 2016 - , les départements qui engageaient des actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes mineurs étrangers non accompagnés - c'est-à-dire sans parents et sans adulte titulaire de l'autorité parentale - pouvaient obtenir un remboursement des dépenses engagées sur la base d'un montant forfaitaire fixé à 250 euros par jour et par jeune, dans la limite de cinq jours , via le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE). Désormais, selon les nouvelles modalités prévues par le projet de loi de finances pour 2019, l'aide est augmentée à 500 euros par jeune évalué . Par ailleurs, un remboursement forfaitaire de l'hébergement des jeunes est également prévu, dans la limite de 90 euros par jour pendant les 14 premiers jours puis de 20 euros les 9 jours suivants. Ces financements devront aussi permettre de proposer un bilan de santé et une prise en charge sanitaire de premier recours aux jeunes concernés.

Par ailleurs, la loi de finances pour 2018 prévoyait également le financement par l'État d'une partie des dépenses d'aide sociale à l'enfance, qui s'élevait en 2018, à 12 000 euros par jeune supplémentaire pris en charge par les départements au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. D'après les informations transmises à vos rapporteurs fin 2018, les modalités seraient revues à la baisse, pour 2019, puisque ce ne serait plus 12 000 euros par jeune supplémentaire mais 6 000 euros qui seraient financés par l'État.

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, l'exécution des crédits de la mission sur 2018 confirme également la poursuite de la progression du nombre de mesures de protection des majeurs , qui a augmenté de près 24 % entre 2010 (356 939) et 2018 (467 693).

Les crédits consommés - de 649,5 millions d'euros en 2017 à 646,9 millions d'euros en 2018 - sont relativement stables, en raison d'une réforme du barème de participation des majeurs protégés. Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer cette diminution du financement public compensée par une augmentation de la participation des majeurs protégés.

3. L'aide alimentaire : un dispositif vital souffrant de difficultés de gestion

Le dispositif d'aide alimentaire est financé principalement par des crédits en provenance du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) qui sont complétés à hauteur de 15 % par des crédits nationaux .

Les crédits consommés en 2018 sont en hausse de 12,9 % par rapport à 2017, avec 49,27 millions d'euros de crédits de paiement. Toutefois, à périmètre constant, en neutralisant le remboursement de l'État, en 2017, fait à FranceAgrimer de 12,2 millions d'euros, les dépenses consacrées à l'aide alimentaire diminuent de 11,2 %.

Outre cette diminution des crédits sur 2018, c'est la fin de la programmation du FEAD qui interroge vos rapporteurs . Les dépenses des campagnes 2016, 2017 et 2018 n'ont pas encore fait l'objet d'appels de fonds, selon la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire, alors que des appels de fonds auraient dû être lancés en mars et juin 2019. Vos rapporteurs - qui avaient mis en avant ces difficultés de gestion dans leur rapport d'information sur l'aide alimentaire en octobre 2018 289 ( * ) - s'inquiètent ainsi des conséquences budgétaires de cette fin de programmation, notamment pour FranceAgrimer, à la situation financière délicate.

Par ailleurs, alors que les négociations concernant la prochaine programmation s'engagent, vos rapporteurs jugent essentielle la pérennisation du FEAD et le maintien d'une enveloppe financière équivalente à l'actuelle programmation, comme ils ont pu le rappeler à la Secrétaire d'État, Mme Dubos, lors de son audition le 26 juin dernier devant la commission des finances. Vos rapporteurs demeureront ainsi attentifs à l'évolution des négociations et aux actions du Gouvernement pour défendre le modèle actuel.

4. L'égalité femmes-hommes : des progrès dans l'exécution budgétaire

Le taux d'exécution des crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes s'élève à 97,3 % en crédits de paiement en 2018 , soit un taux en progression par rapport aux années précédentes. Ce programme faisait, en effet, l'objet d'une sous-exécution récurrente depuis 2014 .

Taux d'exécution du programme 137 relatif à l'égalité
entre les femmes et les hommes

Source: commission des finances du Sénat

Néanmoins, les crédits dédiés à l'aide financière à la réinsertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes prostituées ont été largement réduits en cours de gestion . Sur les 2,376 millions d'euros prévus en loi de finances pour 2018, 645 236 euros ont été consommés pour le financement de cette aide. Seules 80 personnes avaient bénéficié du dispositif, fin 2018, sur les 200 prévues. Cette sous-consommation des crédits, résulterait, pour les associations spécialisées, du manque de moyens de celles-ci pour faire vivre le dispositif, comme l'avaient noté vos rapporteurs dans leur rapport budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2019.

Vos rapporteurs rappellent leur attachement à maintenir un niveau de financement suffisant aux associations - qui sont actuellement fragilisées - et souhaitent que le Gouvernement s'attèle à la mise en oeuvre effective du dispositif , en identifiant et levant les facteurs de blocage à la montée en charge de ce dispositif.

5. Les agences régionales de santé : une meilleure consommation de budgets qui restent largement contraints

La subvention pour charges de service public versée aux agences régionales de santé (ARS) a baissé de 0,6 % entre 2016 et 2018. Toutefois, l'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution, sur 2018, est inférieur aux années précédentes, avec une exécution à 584,1 millions d'euros. Cela constitue un taux de consommation des crédits de 99 % par rapport aux crédits ouverts .

Hors dépenses d'intervention, le nombre de jours de fonctionnement courant couverts par la trésorerie s'élève ainsi à 31 jours, contre 12 jours en 2017. Toutefois, dix ARS ont un nombre de jours de fonctionnement couvert inférieur à 31 jours . Surtout, la baisse de la dotation de fonctionnement des ARS s'explique par une baisse des dépenses de personnel . Entre 2016 et 2018, le plafond d`emploi a diminué de 4,3%. Il est, par ailleurs, sous-exécuté, comme en 2017 (- 93 ETPT). En outre, les charges de fonctionnement ont cru de plus de 72 % entre 2017 et 2018.

Vos rapporteurs restent ainsi vigilants sur la situation financière des ARS . Ils seront ainsi attentifs à l'évolution du stock de trésorerie et aux dotations prévues dans le prochain projet de loi de finances, qu'ils souhaitent d'un niveau suffisant afin de ne pas mettre en difficulté ces structures.

6. Des dépenses fiscales évaluées à 14,3 milliards d'euros qui pourraient faire l'objet d'un meilleur pilotage

En sus des crédits budgétaires alloués à la mission, sont rattachées 30 dépenses fiscales , dont la prévision actualisée pour 2018 s'établit à 14,3 milliards d'euros, soit un montant équivalent à 70 % des dépenses budgétaires de la mission. Les quatre dépenses fiscales 290 ( * ) les plus importantes représentent près de 65 % du montant total des dépenses.

Ces dépenses fiscales ont augmenté de 20 % en dix ans. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue ainsi la troisième mission la plus importante en matière de dépenses fiscales derrière les missions « Économie » et « Cohésion des territoires ».

Néanmoins, il semble - comme ont pu le noter vos rapporteurs dans leur rapport à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019 - que le pilotage de ces dépenses fiscales soit insuffisant. Comme la Cour des comptes l'a pointé dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, les prévisions de ces dépenses sont souvent peu fiables et souvent sous-estimées, les évaluations inexistantes et le pilotage interministériel défaillant. À cet égard, vos rapporteurs estiment que la direction générale de la cohésion sociale ne peut mener, seule, cette réflexion sur l'évolution et le pilotage de ces dépenses, et doit être soutenue par la direction de la législation fiscale et la direction du budget dans l'exécution de cette mission.

7. Une maquette de performance perfectible

Vos rapporteurs considèrent que la maquette de performance de la mission peut être améliorée : certains indicateurs mériteraient d'être revus, et d'autres d'être crées .

Ainsi, s'agissant du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », vos rapporteurs regrettent l'absence d'indicateurs de performance pour deux dispositifs budgétairement sensibles de la mission : les ARS et la gestion des mineurs non accompagnés.

Il en va de même pour le programme 157 « Handicap et dépendance », dont la dépense consacrée à l'AAH est croissante, et dont aucun indicateur stratégique n'a été repris au titre du programme pour illustrer les objectifs « les plus représentatifs » de la mission .

Concernant le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », vos rapporteurs s'interrogent d'une part sur la pertinence du nouvel indicateur « mesurer l'impact de la culture de l'égalité » qui semble plus correspondre à un indicateur d'activité que de performance et d'autre part sur la suppression d'un sous-indicateur visant à mesurer le taux d'appels traités par le collectif féministe contre le viol . Cette suppression de la maquette de performance 2019 a été justifiée par le manque de moyens de la structure qui ne permettait pas de faire face à la forte hausse du nombre d'appels. Vos rapporteurs jugent quelque peu surprenante la suppression d'un indicateur au motif qu'il a de mauvais résultats.

MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » - M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est composée de trois programmes :

- le programme 219 « Sport » (35 % des crédits de la mission), qui porte principalement le soutien aux fédérations sportives et l'ouverture à tous de la pratique sportive, ainsi que le soutien aux opérateurs du sport (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance [INSEP], écoles nationales du sport ; l'institut français du cheval et de l'équitation [IFCE] et musée national du sport) ;

- le programme 163 « Jeunesse et vie associative » (60 % des crédits de la mission), qui concerne essentiellement le développement du service civique, par le biais de l'Agence du service civique (ASC), ainsi que le soutien à la vie associative, principalement par le soutien au Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Éducation populaire (FONJEP) ;

- le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 » (5 % des crédits de la mission), qui constitue le vecteur budgétaire du soutien financier de l'État à l'organisation des Olympiades de 2024.

Avec un total de 936 millions d'euros exécutés en 2018 , cette mission représente près de 0,3 % du budget général en termes de crédits budgétaires.

Deux caractéristiques de la mission doivent être relevées :

- d'une part, son accroissement tendanciel au cours des dernières années, puisque ses crédits ont été multipliés par deux depuis 2012, à la faveur de l'universalisation du service civique, qui représente les trois quarts de cette hausse, et de la création du programme dédié aux Olympiades de 2024 ;

- d'autre part, le niveau élevé de dépenses fiscales qui lui sont rattachées et représentent près de 3 milliards d'euros, soit plus de trois fois ses dépenses budgétaires.

L'accroissement des crédits de la mission se poursuivra au cours des prochains exercices compte tenu de la montée en puissance des dépenses relatives aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, tandis que la mise en oeuvre progressive du service national universel devrait entraîner une progression des dépenses.

1. Une exécution de la mission conforme à la prévision et aux exigences du budget triennal...

L'universalisation du service civique en 2015 a profondément marqué l'exécution de la mission au cours des précédents exercices . La multiplication par trois du nombre de jeunes effectuant une mission de service civique entre 2015 et 2018 s'est en effet traduite, sur le plan budgétaire, par une prévision erratique, nécessitant l'ouverture de crédits supplémentaires en fin de gestion.

De ce point de vue, l'année 2018 rompt avec les exercices précédents . L'exécution de la mission est conforme à la prévision en loi de finances initiale , avec une légère sous-exécution de 99,4 % en autorisations d'engagement (AE) et de 97,6 % en crédits de paiement (CP), comme le détaille le tableau ci-après.

Le plafond de crédits fixé par le budget triennal à 960 millions d'euros est respecté.

La comparaison entre 2017 et 2018 pour les crédits du programme 219 « Sport » se trouve affectée par une mesure de périmètre ayant conduit à intégrer au programme des dépenses jusqu'alors portées par le Centre national de développement du sport (CNDS), pour un montant de 72,8 millions d'euros. Cohérente avec le recentrage du CNDS sur son action territoriale, ce transfert a également permis la suppression du fonds de concours versé par le centre à l'État, contraire au principe d'universalité budgétaire et critiqué à ce titre chaque année par la Cour des comptes.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2018

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits ouverts 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / Exécution 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

219

AE

241,4

346,1

344,1

343,0

42,1 %

- 0,9 %

CP

243,5

347,2

336,7

327,7

34,6 %

- 5,6 %

163

AE

540,6

563,9

562,4

560,8

3,7 %

- 0,5 %

CP

540,2

563,9

563,3

560,2

3,7 %

- 0,7 %

350

AE

-

58,0

58,0

58,0

-

=

CP

-

48,0

49,0

48,0

-

=

Total

AE

782

968

964,5

961,8

23,0 %

- 0,6 %

CP

783,7

959,1

949

935,9

19,4 %

- 2,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En gestion, la mission a même consenti un effort de réduction de sa dépense à hauteur de 1,1 % , comme le détaille le tableau ci-après. La loi de finances rectificative procédant au schéma de fin de gestion a conduit à l'annulation de 11,1 millions d'euros sur le programme 219 « Sport ».

Mouvements de crédits intervenus en gestion au cours de l'exercice 2018,
en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Programmes

LFI 2018

Reports entrants

Fonds de concours et attribution de produits

Mouvements de fin de gestion (LFR de décembre)

Transfert

Virement

Total des crédits alloués

Écart crédits alloués / LFI 2018

219

347,2

2,0

0,02

- 11,1

-0,43

-1,0

336,7

- 3 %

163

563,9

0,7

0,9

0

- 2,0

- 0,2

563,3

- 0,1 %

350

48,0

-

-

-

-

1,0

49,0

2,1 %

Total

959,1

2,7

0,92

- 11,1

- 2,43

- 0,2

949

- 1,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. ...qui ne doit pas occulter certains facteurs exceptionnels et non reproductibles

Pour autant, l'exécution des crédits de la mission en 2018 est marquée par deux opérations spécifiques, non reproductibles au cours des prochains exercices.

La première opération concerne la compensation à la sécurité sociale du dispositif des exonérations de charges des juges et arbitres sportifs, dont il a été décidé la compensation à partir de la loi de finances pour 2017. Son évaluation s'est révélée difficile , tandis que les déclarations effectives de ces exonérations dans les comptes des administrations de sécurité sociale ont mis du temps avant d'être mises en place.

De fait, alors qu'un montant de 59 millions d'euros a été prévu en loi de finances pour 2018, seulement 0,5 million d'euros ont été consommés à ce titre, dégageant ainsi 49 millions d'euros de crédits transférés vers le CNDS pour apurer son stock d'engagements (cf. infra ).

En loi de finances pour 2019, 18 millions d'euros ont été prévus pour ce dispositif. Or, comme l'indique la Cour des comptes, « la sécurité sociale estime, sans pouvoir en évaluer le coût prévisible, qu' une régularisation sur les exercices 2017 et 2018 est possible , malgré la quasi-absence de déclarations effectives dans les comptes sociaux. Elle considère en outre que la dépense budgétaire annuelle doit être réévaluée à hauteur de 20 millions d'euros. En conséquence, le risque pourrait être d'une sous-budgétisation de la dépense pour 2019 » 291 ( * ) .

Selon les indications de la direction des sports, un travail de concertation avec la direction de la sécurité sociale est actuellement conduit pour préciser le coût réel du dispositif. La création d'une plateforme déclarative simplifiée des indemnités perçues serait envisagée pour aboutir début 2020 à la production des justificatifs nécessaires à une compensation effective de l'État à la sécurité sociale.

La seconde opération porte sur l'exécution des crédits relatifs au service civique en 2018 . De façon inédite, un prélèvement sur le fonds de roulement de l'Agence du service civique d'un montant de 57,8 millions d'euros a été effectué à l'occasion de la loi de finances rectificative, réduisant de facto le montant de la subvention portée par le programme 163. Les crédits exécutés sur ce programme au titre du service civique ne représentent donc pas l'intégralité de la dépense nécessaire pour les près de 140 000 jeunes ayant réalisé une mission en 2018.

Ces éléments sont susceptibles d'affecter l'exécution des crédits de la mission en 2019.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une dotation au CNDS qui n'épuise pas la question du règlement de ses restes à payer

L'année 2018 marquait une transition dans la gouvernance du mouvement sportif.

La mesure de périmètre relative aux dépenses du CNDS visait à dissocier son rôle en matière de grands évènements sportifs internationaux et de grands équipements nationaux, désormais financés par le programme 219, et sa fonction d'appui au financement des équipements sportifs des collectivités territoriales.

Cette clarification préfigurait plus largement la création d'une nouvelle Agence nationale du sport , effective depuis avril dernier, et composée sous forme de groupement d'intérêt public associant l'État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques.

Cette agence doit absorber le CNDS , dont elle reprend l'ensemble des droits et obligations, dont les restes à payer 292 ( * ) élevés qu'il porte, pour un montant estimé à près de 220 millions d'euros fin 2018.

Pour permettre au CNDS de faire face à ces engagements , les marges de manoeuvre dégagées en fin de gestion sur le programme 219 et détaillées ci-avant ont été utilisées pour verser au centre une dotation de 64,4 millions d'euros en fonds propres.

Si votre rapporteur spécial approuve l'utilisation opportune d'une partie des crédits disponibles sur le programme 219 pour abonder le CNDS, il relève toutefois que cette dotation n'apporte qu'une réponse partielle aux besoins de financement identifiés. Selon la direction du budget, la dette de près de 220 millions d'euros à la fin de l'année 2018 s'échelonne selon une clé de répartition comprise entre 5 ans et 7 ans.

Il est donc indispensable de définir une solution de financement pour honorer ses engagements sans obérer les capacités de soutien au mouvement sportif de la nouvelle agence.

2. Un soutien au mouvement associatif heurté en 2018

L'exercice 2018 se caractérise par la suppression de la dotation d'action parlementaire 293 ( * ) , qui représentait un montant de subvention estimé à près de 51 millions d'euros et bénéficiait à 1 670 associations sportives locales et 2 236 associations 294 ( * ) .

Alors qu'aucune prise en compte du rôle joué par la dotation d'action parlementaire dans le soutien à la vie associative n'était initialement envisagée, en cours d'examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement a finalement proposé d'abonder les crédits du Fonds pour le développement à la vie associative (FDVA) d'un montant de 25 millions d'euros , en modifiant ses missions 295 ( * ) .

Une actualisation de ses missions était donc nécessaire : elle est intervenue uniquement à l'issue du premier semestre , avec le décret du 8 juin 2018 296 ( * ) . Les premiers appels à projet n'ont donc pu être publiés qu'à la fin du mois de juin 2018 , pour une instruction en octobre. Ce sont 23 000 demandes qui ont été reçues, pour 9 500 associations retenues et une subvention moyenne de 2 900 euros 297 ( * ) . La quasi intégralité des crédits a pu être consommée en 2018.

Il n'en demeure pas moins que le choix tardif du Gouvernement de prendre en compte la suppression de la dotation d'action parlementaire s'est traduit par une interruption temporaire du soutien aux associations , ce qui a pu se révéler préjudiciable à certaines petites structures .

Surtout, le mouvement associatif a été profondément affecté par la poursuite de la diminution du nombre de contrats aidés en 2018. Presque deux fois moins de contrats ont été prescrits en 2018 par rapport à 2017 - soit une baisse de 45 %. Cette baisse a particulièrement concerné les associations sportives, puisqu'elles représentent près du quart du total des contrats aidés conclus en 2018.

MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » ET CAS « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » - M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian,
rapporteurs spéciaux

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2018

En 2018 , contribution au CAS « Pensions » incluse, les dépenses de la mission « Travail et emploi » se sont élevées à 11,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 14,95 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de près de 2,5 milliards d'euros en AE et de 700 millions d'euros en CP, par rapport à 2017.

L'exercice 2018 s'inscrit dans la continuité du précédent, qui présentait alors le plus faible taux de consommation des crédits depuis 2009 en AE (82,6 %) et depuis 2014 en CP (95,5 %).

Évolution du niveau de consommation des crédits de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

AE

Prévision

11 426,10

12 425,50

10 143,40

12 519,20

12 332,60

11 958,60

11 547,00

16 851,04

14 167,18

Exécution

14 746,90

12 284,90

10 631,80

12 494,60

11 648,70

12 785,70

16 764,30

15 628,12

11 708,57

Taux de consommation
(en pourcentage)

129,1 %

98,9 %

104,8 %

99,8 %

94,5 %

106,9 %

145,2 %

92,7 %

82,6%

CP

Prévision

11 478,60

11 650,60

10 175,50

10 392,50

11 186,90

11 376,60

11 704,30

15 866,79

15 656,72

Exécution

14 685,80

11 745,60

10 344,30

10 527,10

10 674,00

12 105,30

13 025,80

15 579,63

14 948,75

Taux de consommation
(en pourcentage)

127,9 %

100,8 %

101,7 %

101,3 %

95,4 %

106,4 %

111,3 %

98,2 %

95,5%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En AE, l'écart aux prévisions est principalement imputable à une sous-consommation des crédits du programme 102 « Accès et retour à l'emploi » . L'action 02 « Amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail » enregistre ainsi un écart de 2,155 milliards d'euros par rapport aux prévisions.

La diminution constatée de la consommation de crédits en AE entre 2018 et 2017 - de près de 4 milliards d'euros - relève, quant à elle, des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Le programme 102 voit ainsi les crédits consommés fondre de 2,58 milliards d'euros d'une année sur l'autre alors même que les AE prévues sont restées relativement stables entre les lois de finances 2017 et 2018 (7,1 milliards d'euros pour 2017 contre 7,2 milliards pour 2018). La baisse du nombre de contrats aidés explique largement cet écart (- 3,85 milliards d'euros entre 2017 et 2018).

La baisse constatée au sein du programme 103 s'explique par la diminution de la dotation initiale en loi de finances (6,13 milliards d'euros en 2018 contre 8,97 milliards d'euros l'année précédente) afin de tenir compte de l'extinction de l'aide à l'embauche dans les PME et de la suppression du contrat de génération.

Évolution des dépenses de la mission « Travail et emploi »
en autorisations d'engagement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2018/2017

Évolution 2018/2017

P. 102 « Accès et retour à l'emploi »

7 113

7 442

328

104,62 %

7 190

4 862

- 2 328

67,62 %

- 2 580

- 34,66 %

P. 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

8 970

7 459

- 1 511

83,15 %

6 126

6 026

-100

98,36 %

-1 433

-19,21 %

P. 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

41

44

3

107,71 %

155

140

15

90,35 %

96

217,71 %

P. 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

727

684

- 43

94,02 %

696

681

- 15

97,79 %

- 3

- 0,46 %

Total

16 851

15 628

- 1 223

92,74 %

14 167

11 708

- 2 458

82,6 %

- 3 919

- 25,08 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En CP, les sous-consommations constatées (708 millions d'euros au total) sont principalement issues des programmes 102 (- 212 millions d'euros) et 103 (- 395 millions d'euros). La baisse du nombre de contrats aidés (- 262 millions d'euros) et l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche PME (- 342,7 millions d'euros) justifient ces écarts.

La diminution des crédits consommés entre 2017 et 2018 (- 631 millions d'euros) procède des mêmes raisons : réduction du nombre de contrats aidés (- 1,5 milliard d'euros) et extinction du dispositif d'aide à l'embauche PME (- 807 millions d'euros) que viennent pour partie compenser la montée en puissance du Plan d'investissement pour les compétences (853 millions d'euros sur les programmes 102 et 103).

Évolution des dépenses de la mission « Travail et emploi » en crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2018/2017

Évolution 2018/2017

P. 102 « Accès et retour à l'emploi »

7 664

7 688

24

100,32 %

7 869

7 476

-393

95,01 %

- 212

- 2,75 %

P. 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

7 387

7 120

- 266

96,39 %

7 008

6 724

- 284

95,95 %

-395

-5,56 %

P. 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

79

84

6

107,46 %

87

72

-15

82,72 %

-13

- 15,17 %

P. 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

738

687

- 51

93,09 %

692

676

- 16

97,62 %

- 11

- 1,56 %

Total

15 867

15 580

- 287

98,19 %

15 657

14 949

- 708

95,48 %

-631

- 4,05 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'essentiel des évolutions de dépense concerne les dépenses d'intervention (titre 6) , ces dernières représentant environ 78 % des AE et 83 % des CP de la mission « Travail et emploi » .

Répartition des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi »
par nature de dépense

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2018/2017

Évolution 2018/2017

Titre 2

629

619

- 10

98,40 %

625

611

- 14

97,75 %

- 8

-1,33 %

Titre 3

1 761

1 711

- 49

97,19 %

1 670

1 929

259

115,52 %

271

+ 12,71 %

Titre 5

0,26

-0.26

0,25

-0,25

0

- 3,31 %

Titre 6

14 455

13 291

- 1 163

91,95 %

11 869

9 164

- 2 704

77,21 %

- 4 126

- 31,05 %

Titre 7

6

6

0

95,93 %

3

4

1

133,3 %

-2

- 31,72 %

Total

16 851

15 628

- 1 223

92,74 %

14 167

11 709

- 2 459

82,65 %

- 3 919

- 25,08 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

Prévision 2017

Exécution 2017

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Prévision 2018

Exécution 2018

Écart aux prévisions

Taux de consommation

Évolution 2018/2017

Évolution 2018/2017

Titre 2

629

619

- 10

98,40 %

625

611

- 14

97,75 %

- 8

- 1,33 %

Titre 3

1 775

1 726

- 48

97,27 %

1 666

1 930

264

115,85 %

204

+ 11,82 %

Titre 5

0

0

0

0

0

0

0

+ 44,60 %

Titre 6

13 457

13 228

- 229

98,30 %

13 362

12 402

- 959

92,82 %

- 825

- 6,24 %

Titre 7

6

6

0

95,93 %

3

4

0

133,33 %

- 2

- 31,72 %

Total

15 867

15 580

- 287

98,19 %

15 657

14 949

- 707

95,48 %

- 631

- 4,05%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le bilan des ouvertures et des annulations de CP en cours d'exercice s'élève à + 142 millions d'euros. Au total, l'écart entre crédits consommés et crédits ouverts a donc atteint près de 554,9 millions d'euros .

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2018

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2018 (y.c FDC et ADP)

LFI 2018 (hors FDC et ADP)

Virement ou transfert

Décrets d'avance

Décrets d'annulation

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

LFR de fin de gestion

Ouvertures / annulations

Crédits ouverts

Exécution 2018

Écart consommé/ prévu

Écart consommé/ ouverts

102

7 869,3

7 833,3

0,58

0,0

0,0

114,0

61,4

-358,5

- 237,8

7 5959,5

7 476,7

- 392,5

- 118,8

103

7 008,4

6 758,4

2,5

0,0

- 0,7

214,6

266,7

-117,0

366,2

7 124,5

6 724,4

- 284,0

- 400,2

111

86,5

86,5

0,0

0,0

0,0

2 ,3

0,0

-12,4

- 10,1

76,4

71,6

- 14,9

- 4,9

155

683,6

683,3

0,2

0,0

0,0

8,1

19,2

-3,7

23,8

707,1

676,1

- 7,5

- 31,0

Total mission

15 647,8

15 361,6

3,3

0,0

- 0,7

339,1

347,4

-491,7

142,0

15 503,6

14 948,7

- 699,1

- 554,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial relève que 2018 a constitué une année de transition, marquée par l'extinction de plusieurs dispositifs (contrats aidés, aide à l'embauche dans les PME) et la mise en oeuvre progressive de nouveaux instruments, à l'image du plan d'investissement dans les compétences (PIC) ou de l'expérimentation « emplois francs », qui ne sont pas encore totalement connus des publics concernés. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant d'observer un taux d'exécution des crédits relativement faible.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale regrette la sous-consommation des crédits alors qu'il s'agit majoritairement de crédits d'intervention destinés aux publics les plus fragiles qui ne bénéficient pas de la baisse du chômage, comme en attestent les chiffres de la DARES 298 ( * ) . Ainsi, en janvier 2019, le nombre de demandeurs d'emploi de plus d'un an dans les catégories A, B et C a augmenté de + 5% entre 2017 (2,52 millions de personnes) et 2018 (2,64 millions de personnes). Le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans a également progressé dans les catégories A, B et C : + 2,3% entre 2017 (1,39 million de personnes) et 2018 (1,43 million de personnes).

1. La poursuite de la diminution des contrats aidés

L'année 2018 a été marquée par une refonte complète du dispositif budgétaire couvrant les contrats aidés. Un fonds d'inclusion dans l'emploi a ainsi été créé afin de globaliser les crédits versés au titre des emplois aidés, de l'insertion par l'activité économique (IAE) et des contrats initiative emploi pour les départements d'Outre-mer (CIE-DOM). Cette enveloppe unique, déclinée au niveau régional, devait permettre aux préfets et aux DIRECCTE de fongibiliser une partie des crédits vers le secteur de l'IAE ou en faveur d'initiatives innovantes. Les contrats d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non-marchand (CUI-CAE) ont été, de leur côté, transformés en Parcours emploi compétence (PEC).

La montée en puissance des PEC reste pourtant inférieure à celle prévue en loi de finances initiale. Celle-ci prévoyait en effet 200 000 contrats, 128 256 étant finalement enregistrés, dont 55 % au cours du second semestre. Il en résulte une sous-exécution budgétaire de l'ordre de 75 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP.

Cette sous-exécution est justifiée par trois facteurs :

- le renforcement de conditions exigées pour les employeurs, en particulier en ce qui concerne les actions de formation à assurer sur la durée du contrat ;

- l'abaissement du niveau de prise en charge du contrat par l'État, passé de 73 % pour les CUI-CAE à 50 % en moyenne pour les PEC ;

- 66 millions d'euros en AE comme en CP ont été réorientés vers d'autres actions dans le cadre du fonds d'inclusion, ce qui équivaut à la suppression de 36 000 PEC.

Comme l'avait indiqué l'Association des maires de France à vos rapporteurs spéciaux à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019, le dispositif des PEC apparaît plus contraignant que le dispositif précédent. D'autant que, par ailleurs, la mise en oeuvre du fonds d'inclusion peut conduire à une réduction de l'enveloppe de PEC disponibles.

Dans le même temps, les diminutions plus rapides qu'escomptées en loi de finances initiale du nombre d'emplois d'avenir et de contrats d'accompagnement dans le secteur marchand (CUI-CIE) contribuent également à justifier la sous-consommation constatée en CP (108 millions d'euros non consommés pour les emplois d'avenir en CP et 6,6 millions d'euros pour les CUI-CIE en CP). Les surconsommations constatées en AE tiennent, quant à elles, au renouvellement des contrats et aux modalités de facturation des contrats prescrits en décembre 2017.

Au total, 632,5 millions d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP ont été dépensés en 2018 au titre des contrats aidés, contre respectivement 2,5 milliards d'euros et 2,7 milliards d'euros en 2017.

Il convient d'ajouter à ces sommes les retraits d'engagements effectués à la fin de l'année 2018. Ils correspondent à des contrats terminés ou rompus. 2,037 milliards d'euros ont ainsi été retirés, portant l'exécution pour 2018 à - 1,405 milliard d'euros en AE.

Évolution de la dépense consacrée aux contrats aidés entre 2017 et 2018 (hors retraits d'engagements)

(en millions d'euros)

2017

2018

AE

CP

AE

CP

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

Prévision

Exécution

Écart

CUI-CAE

1 006,06

1 538,44

532,38

1 329,85

1 664,58

334,73

-

126.23

- 126,23

473,29

526,16

- 52,87

CUI-CIE

169,41

120,22

- 49,19

142,89

129,52

- 13,37

-

1,9

- 1,9

-

2,03

6.19

Emplois d'avenir

610,14

797,11

186,97

943,56

921,65

- 21,91

-

15.34

- 15,34

552,88

444,91

107,97

CAE-DOM

0,00

1,84

1,84

0,00

1,93

1,93

0,58

-

0,58

0.58

-

0.58

PEC

-

-

-

-

-

-

764,69

615,13

257,64

401,21

200,93

200,28

Total

1 785,61

2 455,77

670,16

2 416,30

2 715,75

299,45

765,27

632,52

132,75

1 453,72

1 192,15

262,15

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution de la dépense est corroborée par celle du nombre de contrats aidés prescrits. 131 272 contrats ont ainsi été financés en 2018, contre 293 901 en 2016, soit une baisse de 152 629 contrats (- 51,9 %). Cette diminution de plus de moitié vient s'ajouter à la réduction de 167 000 contrats observée lors de l'exercice 2017. En deux ans, le nombre des contrats aidés a été réduit de près de 70 %.

Évolution du nombre de contrats aidés prescrits

2014*

2015**

2016

2017

2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

CUI-CAE puis PEC

290 000

310 000

200 000

289 000

200 000

304 393

200 000

230 000

200 000

128 056

CUI-CIE

40 000

50 000

80 000

91 895

60 000

80 323

45 000

28 301

-

2 530

Emplois d'avenir

50 000

95 000

65 000

87 180

35 000

75 891

35 000

35 600

-

686

Total

380 000

455 000

345 000

468 075

295 000

460 607

280 000

293 901

200 000

131 272

* Après débasage de 40 000 CUI-CAE transformés en aides au poste.

** Après débasage de 100 000 CUI-CAE transformés en aides au poste.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial estime que ces contraintes nouvelles se justifient dès lors qu'elles visent à garantir l'utilité du mécanisme pour les bénéficiaires. Il sera cependant vigilant à ce que ce renforcement des exigences ne s'opère pas au détriment du public visé.

Il rappelle que la sous-consommation observée tient au caractère transitoire de l'exercice 2018, marqué par le développement d'un nouvel instrument - les PEC - insuffisamment ou encore mal maîtrisé par les employeurs. L'exécution du budget 2019 devrait permettre d'affiner son appréciation de ce dispositif et cerner d'éventuelles pistes d'amélioration.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale observe que le plan d'investissement dans les compétences (PIC) ne répondant pas, pour l'instant, à ses objectifs en termes de bénéficiaires, le nombre de personnes en grande difficulté aidées reste très en-deçà des besoins. Elle déplore que le Gouvernement n'ait pas tenu compte des remarques pertinentes de l'AMF qui prédisait la sous-consommation de l'enveloppe de contrats aidés pour 2018, en raison de la complexité excessive du recours aux PEC et à la baisse de prise en charge par l'État. La logique comptable qui prévaut sur les politiques de l'emploi menées par le Gouvernement se fait au nom des exigences d'efficacité au détriment des publics visés.

Votre rapporteure spéciale rappelle les observations formulées en 2017 par le rapport remis au Gouvernement par M. Jean-Marc Borello, aux termes desquelles la création du PEC, devait être combinée à l'accompagnement des employeurs dans leurs pratiques de recrutement, d'intégration de nouveaux salariés, d'adaptation des postes de travail aux compétences des personnes, et dans l'émergence d'offres d'emploi. Le document insistait également sur l'impact positif des contrats aidés sur les activités d'utilité citoyenne : « les contrats aidés ont rendu solvables certains besoins sociaux d'utilité publique qui n'étaient auparavant pas financés » 299 ( * ) .

En attendant, force est de constater que la baisse du PEC combiné à la difficile montée en puissance du PIC qui devait prendre le relais se fait au détriment des publics les plus éloignés de l'emploi.

2. Une montée en puissance relative du plan d'investissement dans les compétences (PIC)

Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) s'inscrit dans le cadre du grand plan d'investissement annoncé par le Premier ministre le 25 septembre 2017. Doté de 13,8 milliards sur l'ensemble du quinquennat, il regroupe notamment les crédits destinés au financement de la Garantie jeunes, de l'allocation Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) et de la rémunération de fin de formation (R2F).

Le montant total des ressources allouées au PIC a été fixé, par la loi de finances pour 2018, à 1 516,3 millions d'euros en AE et 1 181,5 millions d'euros en CP. L'exécution révèle une sous-consommation, particulièrement manifeste en CP : 856,1 millions d'euros de crédits consommés, soit 72,4 % de l'enveloppe initiale. Le taux d'exécution en AE est plus satisfaisant 92 %, soit 1 398,8 millions d'euros consommés .

En ce qui concerne la Garantie jeunes, l'article 46 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels 300 ( * ) prévoyait sa généralisation à compter du 1 er janvier 2017.

Les crédits ouverts en loi de finances au titre de ce dispositif s'élevaient à 514,6 millions d'euros en AE et 503,3 millions d'euros en CP , dont 354,6 millions d'euros en AE comme en CP au titre du financement de l'allocation et 160 millions d'euros en AE et 148,7 millions d'euros en CP au titre de l'accompagnement.

Au total, la dépense s'est élevée à 481,75 millions d'euros en AE et 463,87 millions d'euros en CP, soit une sous-consommation de 50,73 millions d'euros en AE et 39,43 millions d'euros en CP .

Comme l'an dernier, cet écart résulte d'un nombre d'entrées dans le dispositif inférieur à celui prévu en loi de finances : 91 502 jeunes bénéficiaires contre 100 000 escomptés. L'écart constaté est cependant plus faible que celui observé lors de l'exercice précédent, la loi de finances pour 2017 prévoyant 150 000 bénéficiaires, le nombre d'entrées s'avérant in fine très éloigné : 81 329.

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial estime que l'examen de ces chiffres tend à démontrer que la Garantie jeunes semble aujourd'hui mieux appréhendée par les missions locales. Le nombre de jeunes bénéficiaires de la Garantie représente 98 % du volume conventionné avec les missions locales (93 664 jeunes). Une évaluation menée par la DARES en février 2018 tend à souligner, qu'en dépit des inégalités constatées entre les territoires, les acteurs locaux ont mieux cerné le public visé 301 ( * ) .

Si le dispositif n'apparaît pas encore totalement optimal, il est aujourd'hui mieux orienté vers les publics dits fragiles : 3 bénéficiaires sur 4 ont un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat, 1 jeune sur 5 a quitté le système scolaire à l'âge de 16 ans ou avant et plus `un quart des personnes concernées vivent dans un quartier prioritaire de la ville (QPV) ou dans une zone urbaine sensible (ZUS). La part des jeunes pré-identifiés actuellement employés s'élève à 36,3 % contre 29,2 % en l'absence de Garantie jeunes. La part en emploi durable est évaluée à 18,9 % contre 12,5 % si le dispositif n'avait pas été introduit.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale se réjouit de la diminution de l'écart entre le nombre d'entrées prévues et le nombre d'entrées avérées. Ce relatif succès ne saurait occulter les difficultés financières et administratives rencontrées par les missions locales, en particulier par les missions locales franciliennes, pour recenser les publics concernés. Le rapport d'évaluation de la DARES de février 2018 relaie ainsi certaines difficultés :

- Réticence de certains acteurs locaux à orienter vers la Garantie Jeunes, quand ils estiment que cette dernière impose des contraintes (accompagnement collectif, obligations d'assiduité') peu adaptées aux jeunes qu'ils suivent ;

- Risque récurent d'inadéquation du dispositif aux problèmes du jeune ;

- Charges administratives lourdes pour les missions locales, entraînant des situations de surcharge de travail, parfois au détriment des missions de base ;

- Accompagnement insuffisant des acteurs pour une l'appropriation du dispositif et la mise en place des changements organisationnels requis.

Les modalités de financement et de pilotage du dispositif peuvent également contribuer à fragiliser le modèle économique des missions locales au risque d'inciter celles-ci à sélectionner des jeunes plus employables et/ou plus facilement "accompagnables" voire à constituer des cohortes plus nombreuses pour faire des économies d'échelle, au-delà` de la taille optimale en termes de qualité de l'accompagnement.

Les ressources affectées au PIC au titre du programme 103 ont également été sous-consommées mais dans des proportions beaucoup plus larges. La loi de finances pour 2018 prévoyait 1 001,6 millions d'euros en AE et 678,2 millions d'euros en CP. 914,7 millions d'euros ont finalement été consommés en AE - soit un taux d'exécution de 91,3 % - et 390,1 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution de 57,5 %. L'écart en CP est principalement imputable la sous-consommation des crédits affectés aux conventions d'amorçage. Ce dispositif doit permettre le financement de 150 000 formations supplémentaires au bénéfice de personnes non qualifiées en recherche d'emploi au sein de 11 régions métropolitaines et 7 territoires ultra-marins. La loi de finances prévoyait 659,9 millions d'euros. 294,3 millions d'euros ont finalement été consommés. Ils correspondent à l'avance faite à hauteur de 30 % aux régions concernées.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que le PIC devra faire l'objet d'une évaluation complète à la fin de l'exercice 2019, afin de cerner s'il répond aux attentes de ses promoteurs et s'avère suffisamment accessible aux acteurs locaux.

3. Des exonérations de cotisations sociales dépassant les prévisions

La plupart des dispositifs d'exonérations de cotisations sociale mis en oeuvre dans le cadre du programme 103 ont été marqués par une surconsommation des crédits, tant en AE qu'en CP.

Alors que la loi de finances pour 2018 prévoyait 2,79 milliards d'euros pour six dispositifs (heures supplémentaires, emploi à domicile, exonération en zone de revitalisation rurales), les crédits consommés ont in fine atteint 2,9 milliards d'euros soit un taux d'exécution de 104 %. L'écart est principalement imputable à un recours plus marqué aux heures supplémentaires.

Consommation des crédits dédiés à la baisse du coût du travail en 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. L'expérimentation « emplois francs » : un dispositif qui peine à se mettre en place

L'article 175 de la loi de finances pour 2018 prévoit l'expérimentation, entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, d'un dispositif d'« emplois francs ». Il vise les entreprises et les associations implantées en France qui embauchent un demandeur d'emploi résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville en contrat à durée indéterminée ou déterminée d'une durée d'au moins six mois. Il prend la forme d'une prime de 5 000 euros par an sur trois ans maximum pour les embauches en CDI et de 2 500 euros par an sur deux ans maximum pour les embauches en CDD.

200 quartiers métropolitains au sein de sept territoires (département de Seine-Saint-Denis, agglomérations de Roissy-Pays-de-France et de Cergy-Pontoise, territoire de Grand-Paris-Sud, Métropole européenne de Lille, Métropole d'Aix-Marseille-Provence et agglomération d'Angers) ont été choisis pour cette expérimentation. Ces territoires représentent 25 % de la population résidant en QPV et comptent près de 200 000 demandeurs d'emplois de catégories A, B et C pouvant être concernés par le dispositif.

Les crédits prévus par la loi de finances s'élevaient à 180,08 millions d'euros en AE et 11,72 millions d'euros en CP. La dépense s'est finalement élevée à 20,70 millions d'euros en AE et 3,76 millions d'euros en CP, soit une sous-consommation de l'ordre de 88 % en AE et 32 % en CP. Il convient, en outre, de préciser que sur ces sommes, 580 000 euros ont été affectés au développement du système d'information de Pôle emploi.

Malgré les mesures prises afin d'accroitre le recours à ce dispositif -en particulier l'élargissement du nombre d'agences de Pôle emploi le proposant aux entreprises, l'envoi d'un message électronique aux employeurs situés dans les quartiers prioritaires de la ville concernés, etc. - ce dispositif peine à trouver sa place. Vos rapporteurs spéciaux estiment que l'exercice 2019 devrait donc être l'occasion de cerner la plus-value de cette expérimentation, le mécanisme étant désormais clairement établi et connu des acteurs. L'article 175 de la loi de finances pour 2018 prévoit, à cet effet, la remise, au Parlement, de conclusions, au plus tard le 15 décembre 2019, destinées à évaluer l'ensemble du dispositif. Vos rapporteurs spéciaux veilleront, par ailleurs, à ce que cette évaluation comprenne une dimension qualitative afin de mesurer si l'effet d'aubaine n'a pas été majoritaire parmi les emplois francs conclus.

5. Une diminution constante des effectifs et des dépenses de personnels

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les dépenses de personnel ont atteint 611,07 millions d'euros, soit une consommation des crédits inférieure aux prévisions à hauteur de 15 millions d'euros. Le précédent exercice avait déjà été l'occasion de relever la contribution des personnes de la mission à l'effort de redressement des comptes publics.

Hors contribution au CAS « Pensions », les dépenses de titre 2 se sont élevées à 431,2 millions d'euros en 2018, soit une baisse de près de 3 millions d'euros par rapport à 2017 et une sous-consommation de plus de 2,5 millions d'euros par rapport à la prévision (433,8 millions d'euros).

Les principaux facteurs d'évolution de la masse salariale sont les suivants :

- une sous-consommation du plafond d'emploi de 126 ETP (256 ETP par rapport à l'exécution 2017 ), se traduisant par une diminution des dépenses de titre 2 à hauteur de 8,1 millions d'euros ;

- un glissement vieillesse technicité (GVT) solde dont le montant s'élève à 2,4 millions d'euros ;

- un rebasage de dépenses au profil atypique de 2,6 millions d'euros , qui comprend, notamment, le rachat des jours de compte-épargne-temps et le versement de l'indemnité dite de garantie individuelle de pouvoir d'achat (GIPA).

Consommation du plafond d'emploi en 2018

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Plafond emploi LFI +LFR 2018

Transferts de gestion 2018

Réalisation

2018

Écart aux prévisions

Emplois fonctionnels

155

166

+ 11

A administratifs

1 415

9

1409

-15

A techniques

2 608

3

2 736

+ 125

B administratifs

760

858

+ 98

B techniques

1 786

1 554

-232

Catégorie C

2 364

2 254

-113

Total

9 091

12

8 977

-126

Source : rapport annuel de performances 2018

Il convient de relever que le plafond d'emploi défini dans la loi de finances pour 2018 a été révisé à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2018 après application de l'article 11 de la loi de programmation pour les finances publiques 2018-2022 302 ( * ) . Introduit à l'initiative du Sénat, cet article prévoit la mise en place d'un mécanisme destiné à réduire l'écart entre le plafond d'emplois voté par le Parlement et la consommation effective des emplois. Ainsi la hausse du plafond des autorisations d'emplois spécialisé par ministère ne peut excéder 1 % du niveau de la consommation constatée par la dernière loi de règlement. En 2017, la vacance sous plafond s'est élevée à 3 % ce qui a conduit le Gouvernement à réviser le plafond d'emploi fixé en loi de finances pour 2018 à 9 251 ETP. Après prise en compte de l'ouverture de 15 ETP au titre du PIC, le plafond a été ramené à 9 091 ETP en loi de finances rectificative.

Niveau de la sous-consommation du plafond des autorisations d'emplois
de la mission « Travail et emploi »

(en pourcentage par rapport au plafond prévu en lois de finances)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial estime que la diminution des effectifs du ministère participe de sa nécessaire contribution à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Elle ne tend pas, pour autant, à remettre en cause l'efficacité de son action. Votre rapporteur spécial estime cependant nécessaire, dans les années à venir, d'explorer de nouveaux viviers de rationalisation supplémentaires.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale constate que le niveau de sous-consommation reste important, alors même que, notamment concernant l'inspection du travail, le nombre de postes vacants met l'administration en difficulté pour remplir l'objectif affiché en 2018 d'un agent de contrôle pour 9 000 salariés, dans un contexte où, par ailleurs, le droit du travail s'est fortement complexifié ces trois dernières années.

6. La question des maisons de l'emploi

La loi de finances pour 2018 prévoyait une dotation de 12 millions d'euros en AE et en CP pour les maisons de l'emploi (MDE). L'exécution met en avant un taux de consommation de 77,5 % en AE (9,27 millions d'euros) et 86 % en CP (10,33 millions d'euros).

Vos rapporteurs spéciaux avaient dressé, en juillet 2018, un bilan globalement positif de l'action des MDE 303 ( * ) , ces structures ayant fait leurs preuves en vue de coordonner, au niveau local, les différents acteurs de la politique de l'emploi.

Ils avaient, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019, déploré le retrait de l'État du financement des MDE. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale avait permis de dégager une ligne de crédits de 5 millions d'euros. Le Sénat, sur proposition de vos rapporteurs spéciaux, l'avaient portée à 10 millions d'euros. Le montant de 5 millions d'euros a finalement été retenu dans la loi de finances. L'examen du présent projet de loi de règlement vient souligner l'intérêt d'un subventionnement de l'État, tout en rappelant son insuffisance dès lors que plus de 10 millions d'euros ont été consommés en 2018.

7. Une hausse des concours de l'État à Pôle emploi liée à des transferts comptables

Le total des concours de l'État à Pôle emploi a atteint 4,04 milliards d'euros, soit une hausse de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017 (+ 81,1 %). L'écart constaté entre 2017 et 2018 tient au transfert à Pôle emploi du versement, pour compte de tiers, d'allocations pour les demandeurs d'emploi, à l'image de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de la rémunération de fin de formation (R2F). Ces transferts, opérés depuis le programme 102, s'élèvent à 2,46 milliards d'euros.

Ce montant reste cependant inférieur à la somme prévue en loi de finances pour 2018, soit 4,21 milliards d'euros.

La subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi s'élève, quant à elle, à 1 458 millions d'euros, soit un montant proche de celui retenu en loi de finances initiale (1 457,4 millions d'euros). La différence tient au remboursement à l'opérateur des dépenses liées à l'embauche d'apprentis.

Cette subvention est en baisse par rapport à celle enregistrée en 2017 (- 50 millions d'euros). Cette diminution est liée à la réduction du nombre d'emplois rémunérés par l'opérateur : 48 221 ETP en 2018 (dont 46 084 ETP sous plafond) contre 49 590 en 2017 (dont 46 414 sous plafond).

Évolution des effectifs de Pôle emploi 2011-2018

(en ETP)

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Vos rapporteurs spéciaux, partagent les conclusions du rapport publié en novembre 2018 par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui relèvent que des efforts doivent être prioritairement accomplis dans les territoires les plus fragiles. Les moyens sont diversement mobilisés selon les départements et des disparités de moyens au regard des besoins entre les territoires demeurent fortement prononcées. Le rapport de l'IGF et l'IGAS insiste, en outre, sur la nécessité de renforcer le ciblage des formations vers les plus fragiles, la promotion de l'alternance et le partenariat avec des tiers, notamment les régions. Vos rapporteurs spéciaux seront mobilisés pour que la prochaine convention tripartite État Unedic Pôle emploi, actuellement en cours de négociation, permette une adéquation des moyens à ces priorités et la prise en compte de la fragilité des territoires.

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Votre rapporteur spécial partage les conclusions du rapport de l'IGAS et de l'IGF aux termes desquelles la réduction des effectifs de Pôle Emploi, qui succède à une augmentation sensible entre 2012 et 2014, ne semble pas fragiliser ses activités.

Le document insiste sur le haut niveau de performance globale de l'opérateur au regard des objectifs posés par la convention tripartite État Unedic-Pôle Emploi 2015-2018. Entre 2015 et 2017, Pôle emploi a ainsi rempli 82,9 % des cibles de résultats qui lui été assignées. Le mode de pilotage et les adaptations et changements d'organisations opérés sont ainsi salués. Le rapport souligne une amélioration de l'accueil et une spécialisation concomitante des agents. Le temps consacré à l'accompagnement des demandeurs d'emploi a ainsi augmenté de 50 % entre 2014 et 2017. 71 % des usages sont satisfaits de leur suivi et 91 % des services numériques offerts par l'opérateur.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Votre rapporteure spéciale s'étonne des conclusions particulièrement favorables du rapport de l'IGAS et de l'IGF au vu des nombreux témoignages sur la situation actuelle des agents de Pôle emploi. Les conseillers dénoncent en effet depuis des mois l'alourdissement de leur charge de travail. Lors d'une grève, menée en novembre 2018, qui a fortement rassemblé (plus de 30% des agents), l'intersyndicale s'est mobilisée contre les diminutions d'effectifs et contre la détérioration des conditions de travail et du service rendu aux usagers.

Cette « surchauffe » a été confirmée par une communication de M. Stéphane Viry, député (Vosges - Les Républicains) faite au nom de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 19 février 2019 : « Cette grève est indéniablement révélatrice d'un malaise, que nous devons comprendre et corriger. (...) L'exercice imposé par les contraintes budgétaires consistant à faire sans cesse plus ou mieux avec moins est dans une impasse » 304 ( * ) .

Votre rapporteure spéciale partage en conséquence la recommandation suivante du rapport précité : « Parmi les correctifs a` apporter, la question des moyens est à mes yeux cruciale. Je suis bien évidemment conscient des contraintes budgétaires qui pèsent sur l'ensemble des opérateurs de l'État. Mais le retour à l'emploi ne devrait-il pas être la priorité' absolue ? À tout le moins, compte tenu des missions nouvelles de Pôle emploi et des tensions qui pèsent déjà` sur ses effectifs, il est indispensable de cesser l'hémorragie d'effectifs et de les stabiliser pour les années à venir. »

8. Le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA »)

Le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA ») a été créé par l'article 23 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, en remplacement du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage.

Il comporte deux programmes :

- le programme 787 « Répartition de la ressource régionale consacrée au développement de l'apprentissage ». Ce programme vise à répartir la part fixe de la ressource régionale pour l'apprentissage, celle-ci étant constituée d'une fraction des recettes de la taxe d'apprentissage (51 %) et d'une fraction de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE). Le montant de la part fixe est établi à 1 544,09 millions d'euros par le code du travail (article L. 6241-2) ;

- le programme 790 « Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage », affecte l'éventuel solde de la fraction régionale pour l'apprentissage, après versement de la part fixe. Le solde est réparti en fonction du nombre d'apprentis inscrits dans les centres de formations et les sections d'apprentissages régionaux, en prenant notamment en compte ceux qui préparent un diplôme ou un titre à finalité professionnelle. Les critères sont détaillés à l'article L. 6241-2 du code du travail.

Le CAS « FNDMA » est abondé par la fraction régionale pour l'apprentissage ainsi que par des sommes indûment collectées par des établissements en charge de l'apprentissage, reversées en suite au Trésor public.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a, cependant, abouti à une réforme complète du financement de l'apprentissage. Il a été ainsi créé une contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance, acquittée par les entreprises, qui regroupe la taxe d'apprentissage et la contribution à la formation professionnelle. Le taux de ce prélèvement est fixé à 1,23 % pour les entreprises de moins de 11 salariés et à 1,68 % pour les entreprises dépassant ce seuil. Le taux de la taxe d'apprentissage est fixé à 0,68 % : 87 % de son produit sera affecté à l'agence France compétences et le solde (13 %) est destiné à des dépenses libératoires effectuées par l'employeur (concours financier au centre de formation). L'agence France compétences sera, à partir du 1 er janvier 2020, chargée de la répartition de la part de 87 %. Le CAS « FNDMA » sera donc supprimé à cette date.

La cotisation sera collectée par les Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAFF) à compter du 1 er janvier 2021.

Dans le même temps, la loi prévoit la fusion des dispositifs existants (crédit d'impôt apprentissage, prime à l'apprentissage, aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire, aide TPE-Jeunes apprentis) au sein d'une aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme à finalité professionnelle équivalent au plus au baccalauréat.

S'agissant du rôle des régions, ces dernières ne devraient disposer, à terme, que de 250 millions d'euros pour financer des formations en centre de formation d'apprentis et d'un montant qui sera déterminé par décret en matière de dépenses d'investissement.

En attendant, pour l'exercice 2018, les recettes du CAS « FNDMA » se sont élevées à 1 704 millions d'euros , la loi de finances pour 2018 prévoyant initialement un montant de 1 633 millions d'euros. La différence observée tient au dynamisme de la masse salariale sur laquelle est assise la taxe d'apprentissage . La progression de la masse salariale s'étant avérée plus forte que prévue, les recettes du compte ont été supérieures à l'évaluation faite en loi de finances initiales. Une large partie de cet écart a été reversée aux régions.

Exécution des crédits du CAS « FNDMA » par programme en 2018

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits votés LFI 2017

Crédits exécutés 2017

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Exécution 2018 / exéc. 2017

Exécution 2018 / LFI 2018

787 - Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l'apprentissage

AE

1 393,55

1 393,55

1 389,94

1 389,84

99,7 %

100,0 %

CP

1 393,55

1 393,55

1 389,94

1 389,84

99,7 %

100,0 %

790- Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage

AE

179,69

241,46

242,79

299,97

124,2 %

123,5 %

CP

179,69

241,48

242,79

300,00

124,2 %

123,6 %

Total

AE

1 573,24

1 635,01

1 689,94

1 689,90

103,4 %

103,5 %

CP

1 573,24

1 635,03

1 689,94

1 689,94

103,4 %

103,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le CAS « FNDMA » était doté pour 2018 de 1,69 milliard d'euros en AE comme en CP, soit 116,7 millions d'euros de plus que lors de l'exercice précédent. Cette augmentation devait permettre de faire face à une progression du nombre d'apprentis . 437 100 apprentis ont effectivement été recensés en 2018, correspondant à une hausse de 3,6 % par rapport à 2017. Cette augmentation est supérieure aux prévisions. Le succès de l'expérimentation de l'élargissement de l'âge d'entrée en apprentissage à 30 ans justifie pour partie cette progression . Limitée à neuf régions, le dispositif a été étendu à l'ensemble du territoire par la loi du 5 septembre 2018.

Évolution des effectifs d'apprentis

2017

2018

2018

2018

Réalisation

Prévision PAP 2018

Prévision actualisée PAP 2019

Réalisation

Effectif d'apprentis au 31 décembre de l'année considérée

421 700

430 000

436 000

437 100

Part d'entrées supplémentaires en apprentissage au 31 décembre de l'année considérée / nombre d'entrées enregistrées en n-1

(en pourcentage)

+ 2,5 %

+ 3,4 %

+ 3,6 %

Source : rapport annuel de performances 2018

Les crédits du programme 787 ont été établis en loi de finances à 1,390 milliard d'euros en AE comme en CP en 2018. Une fraction de la TICPE s'élevant à 150,4 millions d'euros a également été attribuée aux régions. Couplée au montant du programme 787, elle permet à la part fixe de la ressource régionale pour l'apprentissage d'atteindre 1 544,09 millions d'euros, conformément à l'article L. 6421-2 du code du travail. La clé de répartition de ces sommes entre les régions et la suivante :

Répartition de la part fixe
de la ressource régionale pour l'apprentissage

(en pourcentage)

Régions

Total

Auvergne-Rhône-Alpes

11,1 %

Bourgogne-Franche-Comté

4,4 %

Bretagne

4,4 %

Centre-Val de Loire

4,2 %

Corse

0,5 %

Grand Est

9,2 %

Hauts-de-France

8,7 %

Ile de France

15,4 %

Normandie

5,5 %

Nouvelle Aquitaine

9,4 %

Occitanie

7,4 %

Pays de la Loire

6,4 %

Provence-Alpes-Côte d'azur

6,8 %

Guadeloupe

1,7 %

Guyane

0,4 %

Martinique

1,8 %

Réunion

2,7 %

Mayotte

0 %

France entière

100 %

Source : rapport annuel de performances 2018

Le programme 790 vise à procéder à la répartition du solde dynamique de la ressource régionale pour l'apprentissage, après versement de la part fixe prévue au programme 787. Il était initialement doté pour 2018 de 242,8 millions d'euros . Il a bénéficié de reports de crédits à hauteur de 0,36 million d'euros en AE et 2,72 millions d'euros en CP ainsi que d'une majoration à hauteur de 56,8 millions d'euros en AE et 54,5 millions d'euros en CP à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2018. L'ensemble de ces mouvements se traduit par une augmentation de 57 millions d'euros du versement aux régions.

De fait, si le niveau des recettes réalisé a été supérieur de plus de 71 millions d'euros aux prévisions, les dépenses ont également été supérieures au montant inscrit en loi de finances. Le solde du CAS « FNDMA » est cependant resté positif . Le solde cumulé du compte depuis sa création s'élève désormais à 30,2 millions d'euros.

Évolution de l'équilibre du compte

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Prévision

Exécution

Recettes

688

675,7

774

678,3

1 490,70

1 498,30

1 490,85

1 545,02

1 573,24

1 596,04

1 632,73

1 689,90

Dépenses

825

813,7

865,8

785,4

1 490,70

1 497,10

1 490,85

1 502,19

1 573,24

1 635,03

1 632,73

1 689,94

Solde

- 137

- 138

- 91,8

- 107,1

0

1,2

0

42,83

0

-38 ,9

0

14

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoyait également un montant de 19,9 milliards d'euros pour le PSRUE en 2018.

* 3 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 4 Note d'exécution budgétaire 2018, p.18

* 5 D'après le rapport d'activité de l'OLAF de 2017, publié en juin 2018

* 6 Rapport spécial n° 19 de la Cour des comptes européenne, 2017, intitulé « Procédures d'importation : les intérêts financiers de l'UE pâtissent d'insuffisances au niveau du cadre juridique et d'une mise en oeuvre efficace »

* 7 Note d'exécution budgétaire 2018, p.38

* 8 Rapport d'information n° 651 (2017-2018) fait au nom de la commission des finances par M. Patrice Joly sur les ambitions de l'Union européenne et de la France pour le prochain cadre financier pluriannuel, p.21

* 9 La gestion est partagée entre les États membres et la Commission européenne lorsque les tâches liées à l'exécution budgétaire sont déléguées aux États membres qui remplissent les obligations d'instruction, de contrôle et d'audit

* 10 En excluant le programme 347.

* 11 Rapport d'information n° 689 (2017-2018) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FERAUD, fait au nom de la commission des finances du Sénat, Le réseau de l'enseignement français à l'étranger a-t-il les moyens de ses ambitions ?

* 12 Pour l'ensemble du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, tous programmes confondus.

* 13 Y compris les fonds de concours et les attributions de produits.

* 14 Mission «Aide publique au développement » comprise.

* 15 Article 5 du décret du 28 mars 1967.

* 16 Dont une partie correspond à une évolution de périmètre avec l'imputation à la mission des dépenses nécessaires à l'activité de la commission du contentieux du stationnement payant installée en janvier 2018.

* 17 Au total (cf. infra ,) 4 000 emplois étaient concernés par ce plan.

* 18 Pour les reports de charge, voir ci-dessous.

* 19 La restitution des engagements dans les documents budgétaires paraît un peu existentielle puisqu'aussi bien il semble qu'elle inclut des consommations d'autorisations d'engagement... non engagées au sens de la comptabilité budgétaire.

* 20 Dont une partie (24 millions d'euros) est attribuable à un changement de périmètre de la mission, cette dernière incluant désormais les dépenses destinées à la pêche et à l'aquaculture.

* 21 Aux arrondis près.

* 22 Il faut ajouter aux dépenses sur crédits nationaux les dépenses sur crédit européen, les dépenses fiscales et les dépenses sociales non compensées à partir de la mission.

* 1 Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 31 (2018-2019) - 10 octobre 2018 « Réparer la chaine de paiement des aides agricoles, un devoir pour nos finances publiques et notre agriculture »

* 23 Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation semble considérer que les notifications de refus d'apurement définitifs lui parvenant au-delà de la fin d'un semestre peuvent être payées sur les crédits budgétaires de l'année suivante si bien que la chronique des refus d'apurement à imputer sur un exercice donné est connue assez tôt dans l'année.

* 24 Le référé consacré par la Cour des comptes à la répartition des aides du premier pilier de la PAC n'infirme pas ce constat mais il fait ressortir d'une part le lien entre les aides versées et les surfaces (ce qui matérialise les effets d'un système largement fondé sur des aides à l'hectare) et, d'autre part, un problème d'inégalité du montant des aides à l'hectare en lien avec la cristallisation de valeurs historiques d'aides remontant à 2006. La portée redistributive de la distribution des aides se trouve naturellement modérée par le fait que les exploitations de surface importante, qui, globalement, ont des revenus supérieurs, perçoivent également plus d'aides. Mais, d'autres considérations doivent intervenir parmi lesquelles la compétitivité des exploitations, préoccupation d'autant plus forte que l'agriculture française se trouve doublement concurrencée par les agriculteurs hyper-concentrées et fortement subventionnées à ce titre de nos voisins les plus proches et à plus bas niveaux de vie de pays plus récemment entrés dans l'Union européenne.

* 25 Sur la base du versement de la subvention pour charges de service public de 2017, la perte aurait atteint 23 millions d'euros à comparer avec la perte constatée en 2017 de 8,2 millions d'euros.

* 26 « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments « zéro défaut » ». Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 442 (2016-2017) - 23 février 2017

* 27 Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

* 28 L'aggravation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques observée ces dernières années (+ 10,6 % entre 2008 et 2016) est intervenue alors même que les surfaces converties à l'agriculture biologique ont presque quadruplé. L'essor des surfaces sans pesticides a mobilisé des dépenses publiques en forte croissance mais, surtout, un effort conséquent des consommateurs de produits bio. En réalité sans ce dernier effort, assez paradoxal si l'on y songe, les résultats obtenus sur le front des pesticides auraient été encore pires que ceux relevés année après année.

* 29 La recherche fondamentale financée sur fonds publics est principalement prise en charge par les dispositifs fiscaux ou budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la recherche.

* 30 On rappelle que le paiement de la taxe intervient avec un an de décalage.

* 31 Aux arrondis près jusqu'en 2018

* 32 Il existe actuellement 20 ONVAR financés par le CASDAR, deux ONVAR étant présentés comme « non financés ».

* 33 L'indicateur « Part des financements correspondant aux priorités retenues pour l'évolution quantitative » correspond à la poursuite de l'objectif intitulé « Renforcer l'évolution qualitative des appels à projets et des programmes pluriannuels ».

* 34 D'après la direction du budget.

* 35 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 36 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative.

* 37 Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers.

* 38 Rapport annuel de performances du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », p.16.

* 39 Cf. rapport spécial PLF 2019 p.10.

* 40 Note d'exécution budgétaire 2018.

* 41 Cf. référé de la Cour des comptes S2018-0016, en date du 18 janvier 2018, relatif à la contribution de la France au Fonds européen de développement (FED) - exercices 2008 à 2016.

* 42 Rapport annuel de performance, p.100.

* 43 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 44 D'après les voies et moyens annexés au projet de loi de finances pour 2019 (tome I).

* 45 D'autres problèmes plus fondamentaux pourraient être mentionnés parmi lesquels le faible degré de granularité de la norme dès lors que cette dernière concerne des missions budgétaires, qui ne spécialisent pas suffisamment les autorisations budgétaires.

* 46 Tous les cinq ans, en lien avec le cycle électoral, on relève des évolutions atypiques.

* 47 La loi de programmation des finances publiques fixe un plafond aux dépenses fiscales mais celui-ci est global et, en conséquence, n'est pas décliné par mission au contraire du régime applicable aux crédits de paiement qui sont, de leur côté, plafonnés par mission. Ce hiatus dans le statut des transferts de l'État selon qu'ils passent par des dépenses ou par des faveurs fiscales n'est pas purement arbitraire dans la mesure où les dépenses fiscales sont présumées moins pilotables que les crédits mais, outre que cette présomption n'est pas irréfragable (le plafond de dépenses fiscales fixé par la loi de programmation l'atteste), elle ouvre la perspective d'arbitrages au profit de transferts par les dépenses fiscales plutôt que par des dépenses publiques pouvant aboutir (effet pervers s'il en est) à une plus grande inertie des finances publiques et à une plus faible visibilité des interventions de l'État.

* 48 Selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

* 49 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 550 (2017-2018) - 6 juin 2018 « La commission d'indemnisation des victimes de spoliations antisémites : vingt ans après, redonner un élan à la politique de réparation »

* 50 Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2018, p. 46.

* 51 Dépense fiscale n° 130201, définie à l' article 31 du code général des impôts.

* 52 La loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a ouvert des crédits de 89,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 177.

* 53 La loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018 a ouvert des crédits de 60,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 177.

* 54 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 55 L'intermédiation locative consiste en une aide versée aux associations ou aux organismes de logement social pour prendre à bail des logements du parc privé et les sous-louer à un tarif social à des ménages défavorisés, notamment des ménages hébergés qui sont en capacité d'occuper un logement.

* 56 L'intermédiation locative est également soutenue par le fonds national des aides à la pierre, rattaché au programme 135, ainsi que, au niveau local, par les fonds de solidarité pour le logement et les collectivités territoriales.

* 57 À la fin 2017, le nombre de places en intermédiation locative, avec notamment le dispositif « Solibail », était de 34 358 selon les réponses reçues par votre rapporteur spécial au questionnaire budgétaire envoyé lors de la préparation de l'examen de la loi de finances pour 2019.

* 58 L'hébergement d'urgence sous forte tension : sortir de la gestion dans l'urgence , rapport d'information n° 193 (2016-2017) de Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 décembre 2016.

* 59 M. Nicolas Démoulin, rapporteur du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur l'hébergement d'urgence, communication faite le 19 mars 2019 .

* 60 Source : note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes. L'apparente diminution de 64 hébergements entre la fin 2017 et la mi-2018 correspondrait en fait à une amélioration de la qualité des données.

* 61 Article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 62 Assemblée nationale, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018, amendement n° 543 , présenté par le Gouvernement.

* 63 Voir l'analyse de votre rapporteur spécial dans sa contribution au rapport n° 628 (2017-2018) de fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

* 64 En 2015, le Gouvernement a décidé en fin de gestion de bloquer une partie de la réserve de précaution ainsi que les crédits ouverts en loi de finances rectificative, pour un montant comparable à l'augmentation de la dette du FNAL cette année-là (voir la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 759 (2015-2016) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015).

* 65 Projet de loi de règlement, annexe 1, « Développement des dépenses fiscales », calculs commission des finances.

* 66 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes pour l'exercice 2018, mission « Cohésion des territoires ».

* 67 L'estimation du coût de cette dépense fiscale pour 2019, telle qu'elle figure dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019, est également de 2 450 millions d'euros.

* 68 Le prélèvement « SRU » est défini à l' article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation. La somme des contributions est supérieure au total des versements car le FNAP n'a pas pu consommer la totalité des crédits prévus en 2018 (voir infra ).

* 69 Dans la mesure où la contribution de l'État est versée au budget du FNAP, dont le total des produits a été en 2018 de 492,7 millions d'euros, montant supérieur au niveau des fonds de concours versés au programme 135, on peut considérer que le double compte est légèrement inférieur à 38,8 millions d'euros sur l'exercice 2018.

* 70 Les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale étaient de 308,1 millions d'euros, desquels il convient de retrancher 9,4 millions d'euros annulés dans le cadre de la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 71 Fonds national des aides à la pierre, conseil d'administration du 15 décembre 2017, délibération n° 2017-4.

* 72 Budget rectificatif du FNAP, éléments transmis à votre rapporteur spécial.

* 73 Le compte rendu de cette audition, ainsi que l'enquête de la Cour des comptes, sont annexés au rapport d'information n° 367 (2018-2019) fait par votre rapporteur spécial au nom de la commission des finances.

* 74 « Aides à la pierre : du retrait de l'État à la décentralisation ? » , rapport d'information n° 3 (2018-2019 de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 octobre 2018.

* 75 Agence nationale de l'habitat, communiqué de presse du 29 janvier 2019 .

* 76 Le programme « Habiter mieux » , enquête de la Cour des comptes annexée au rapport n° 399 (2017-2018) de Philippe Dallier, réalisé au nom de la commission des finances du Sénat et déposé le 4 avril 2018.

* 77 Le nouveau dispositif « Agilité » correspond à des travaux de rénovation énergétique mettant en oeuvre un seul des trois travaux préconisés pour le dispositif traditionnel « Sérénité ».

* 78 En particulier, une augmentation des autorisations d'engagement par la loi de finances initiale, d'un montant de 100 millions d'euros, avait été annulée par décret d'avance.

* 79 Le NPNRU a été lancé par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 80 Le PNRU a été lancé par la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 81 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 82 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire de la mission « Cohésion des territoires » en 2018.

* 83 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 84 L'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) est chargé d'assurer l'insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes volontaires, en s'adressant notamment aux populations des QPV. 19 centres de l'EPIDe sont installés dans 15 régions.

* 85 L'indicateur mesure le rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et celui de leurs agglomérations.

* 86 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 87 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 88 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 89 Pour les programmes 164 et 340, la réserve de précaution a été totalement levée dès le 9 mars 2018.

* 90 Indicateur 1.1 de l'objectif n°1 du programme, « Réduire les délais de jugement ».

* 91 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

* 92 Depuis 2016, la Cour doit mener une expérimentation portant sur la certification des comptes de certaines collectivités territoriales et le contrôle des établissements sociaux, médico-sociaux et de santé privés.

* 93 Le plafond d'emploi a été diminué de 44 ETPT en loi de finances rectificative pour 2018.

* 94 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018, Mission Conseil et contrôle de l'État.

* 95 Lettre plafond du Premier ministre du 7 août 2017.

* 96 Indicateur 1.2 de l'objectif n°1, « Effet sur les comptes des travaux de certification ».

* 97 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 98 Une dépense fiscale non rattachée à la mission « Culture » contribue à soutenir le secteur culturel : il s'agit de la réduction d'impôt au titre des dons. Cette dépense fiscale relative au mécénat, qu'elle porte sur les dépenses des entreprises (art. 238 bis du code général des impôts) ou des particuliers (art. 200 du code général des impôts) est rattachée à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

* 99 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Culture » 2018.

* 100 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 101 L'exercice 2017 avait ainsi bénéficié de 714 millions d'euros de reports de crédit de l'exercice précédent.

* 102 Voir le tome 1 du rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances initiale pour 2018, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017, ainsi que l'annexe 3 « Défense » au tome III de ce rapport, par M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.

* 103 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 104 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 105 Audition du secrétaire général pour l'administration et du directeur des ressources humaines du ministère des armées par votre rapporteur spécial.

* 106 Dans sa note relative à l'exécution budgétaire 2018 de la mission, la Cour des comptes donne les explications suivantes aux économies de T2 : de moindres dépenses d'indemnités opérationnelles (54 millions d'euros), l'accélération du rythme des recouvrements d'indus « LOUVOIS » (26 millions d'euros), des encaissements en attributions de produits supérieurs de 15 millions d'euros aux prévisions, de moindres dépenses hors-socle (28 millions d'euros), notamment pour les dépenses de chômage (14 millions d'euros).

* 107 Réciproquement, le secrétaire général pour l'administration du ministère des armées a indiqué en audition que les crédits de personnel de la mission ont connu d'importantes sous-consommations lors des années de déflations d'effectifs.

* 108 Cette disposition, qui ne figurait initialement que dans le rapport annexé, a été inscrite dans le texte de loi par l'Assemblée nationale et complétée par le Sénat en première lecture.

* 109 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022.

* 110 À noter toutefois qu'un transfert de gestion au profit du ministère de l'Intérieur ayant été décidé en 2019, le programme 333 sera, à compter de la loi de finances pour 2020, supprimé de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » pour voir ses crédits transférés au sein du programme 307 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

* 111 L'indicateur « taux d'application des lois » est ainsi non-renseigné pour la prévision du PAP 2018, tandis que certains chiffres fournis pour la réalisation 2018 semblent totalement incohérents au regard des résultats des années 2016 et 2017 (on serait ainsi passé à un total de près de 2500 lois appliquées en 2016 et 2017 à seulement 223 en 2018).

* 112 Bien que cette somme ne soit pas reversée au budget général, elle vient abonder le compte de dépôt de fonds au Trésor et apparaît ainsi dans les comptes de l'État.

* 113 En outre, deux actions ont été rattachées au programme 159 en 2018 : l'action 14 « Économie sociale et solidaire », dont les crédits étaient auparavant rattachés aux programmes 134 et 103 ; l'action 10 « Gouvernance, évaluation, études et prospectives en matière de développement durable », qui regroupe les crédits de fonctionnement du CGDD, auparavant portés par le programme 217.

* 114 Si 16,4 millions d'euros de CP ont été annulés au titre de la réserve de précaution initiale, 25 millions d'euros ont été annulés au titre du redéploiement des crédits des programmes d'investissement d'avenir de l'ADEME, dont le programme 181 est chef de file. Concrètement, au titre d'une décision du Premier ministre portant redéploiement au sein du PIA, l'ADEME a reversé 25 millions d'euros au programme 181 via un rétablissement de crédits, rétablissement suivi d'une annulation en loi de finances rectificative et d'une ouverture de 21 millions d'euros sur le programme 172 et de 4 millions d'euros sur le programme 129.

* 115 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 116 Décret n° 2017-1183 du 20 juillet 2017 portant annulation de crédits.

* 117 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 de la mission.

* 118 En CP, 60 millions d'euros étaient destinés à la couverture des restes à payer des actions de l'enveloppe spéciale transition énergétique.

* 119 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 de la mission.

* 120 Et de 3,8 % des AE

* 121 Arrêté du 21 septembre 2018 portant ouverture de crédits.

* 122 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 123 Aides à la rénovation énergétique des logements privés, IGF-CGEDD, avril 2017 ; ce rapport constatait que le CITE ne ciblait pas les travaux permettant une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

* 124 Rapport d'information n° 110 (2016-2017) du 8 novembre 2016 de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, sur l'enquête de la Cour des comptes sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

* 125 Fiscalité environnementale, un état des lieux, Commissariat général au développement durable (CGDD), janvier 2017.

* 126 Les aides dommageables à l'environnement, une réalité complexe, Commissariat général au développement durable (CGDD), décembre 2017.

* 127 Il s'agit des crédits budgétaires nets des subventions et transferts aux opérateurs de l'État et des fonds de concours en provenance de l'AFITF.

* 128 Cour des comptes, mars 2018, communication au Sénat sur « Le soutien aux énergies renouvelables ».

* 129 Ces dispositifs étaient prévus à l'article L. 121-21 du code de l'énergie.

* 130 Les appels d'offres visant à développer les capacités d'effacement de consommation électrique seront organisés à partir de 2018, d'où un montant nul pour 2016 et 2017. L'ancien dispositif de soutien aux effacements, financé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), perdure en 2017.

* 131 Soit 7 millions de véhicules.

* 132 Soit 3 millions de véhicules.

* 133 Arrêté du 27 septembre 2018 relatif au taux 2018 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 134 « Le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural », Rapport d'information n° 422 (2016-2017) de M. Jacques Genest, fait au nom de la commission des finances le 15 février 2017

* 135 Ibidem

2 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 du CAS « FACÉ ».

* 136 Ce montant correspond à la signature de deux conventions de financement avec la région Centre-Val-de-Loire pour 483,5 millions d'euros et avec la région Hauts de France pour 250,0 millions d'euros.

* 137 Parmi ces 245 millions d'euros par an, les trois cinquième correspondent à la seule gestion hydraulique du réseau, les deux cinquièmes restant correspondant aux investissements pour la navigation.

* 138 La ligne Paris-Tarbes-Hendaye était maintenue jusqu'au 1 er juillet 2017 (ouverture de la ligne Tours-Bordeaux) et Paris-Nice jusqu'au 1 er octobre 2017.

* 139 Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Evreux-Serquigny, Paris-Granville et Caen-Le Mans-Tours.

* 140 Ces travaux se sont traduits par la signature du deuxième avenant à la convention TET le 1 er février 2019.

* 141 Cette taxe résulte de l'application de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse.

* 142 Cette somme était reversée précédemment au budget général mais le Parlement avait décidé de l'affecter au BACEA dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

* 143 Traitement brut, primes, indemnités et cotisations sociales, hors CAS.

* 144 Rapport d'information n° 568 (2017-2018) « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », de Vincent Capo-Canellas au nom de la commission des finances du Sénat.

* 145 Précédemment portés par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

* 146 Précédemment portés par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » et le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

* 147 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 148 En vertu de cette loi, le décret n° 2016-1036 du 28 juillet 2016 relatif au principe et aux modalités de fixation des redevances de réutilisation des informations du secteur public, autorise les organismes publics dont l'activité principale consiste en la collecte, la production, la mise à disposition ou la diffusion d'informations publiques, à établir des redevances lorsque la couverture des coûts liés à cette activité principale est assurée à moins de 75 % par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions.

* 149 La consommation en crédits de paiement en 2017 relevait de dépenses liées à la fois à l'exercice 2016 et à l'exercice 2017. Ce cumul a résulté du report de dépenses causé par les retards de signature de la convention avec l'agence des services de paiement (ASP).

* 150 Le contrat de performance signé en 2011 entre l'État et la Banque de France prévoit un paiement au coût réel des prestations effectuées par la Banque de France pour le compte de l'État. Ces prestations sont : le secrétariat des commissions de surendettement ; la tenue du compte du Trésor ; la mise en circulation des monnaies métalliques neuves ; l'organisation des séances d'adjudication des valeurs du Trésor ; la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers ; le secrétariat du comité monétaire de la zone franc.

* 151 Sur le plan budgétaire, la participation de l'État au plan « France très haut débit » est portée par deux outils :

- jusqu'en 2014, le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA), à hauteur de 900 millions d'euros ;

- depuis 2015, le programme 343 « Plan France très haut débit », qui prend le relais du FSN pour les financements restants, soit 2,1 milliards d'euros à horizon 2022.

* 152 Cour des Comptes, Les réseaux fixes de haut et très haut débit : un premier bilan, 31 janvier 2017.

* 153 Article 22 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce déterminé ».

* 154 L'article 142 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 supprime en effet ce dispositif au 1 er janvier 2018. Toutefois, les versements de l'État correspondant aux remboursements partiels d'une année n étant effectués en année n+1, le programme 168 a été abondé en crédits en 2018.

* 155 Le ministre de l'Économie et des Finances s'est engagé à rétrocéder les intérêts négatifs perçus sur la fraction du capital du MES placée à la Banque de France à la condition que l'Allemagne s'engage à faire de même pour la fraction placée à la Bundesbank.

* 156 Le choix de recourir à un compte d'affectation spéciale (CAS) pour faire transiter ces flux connaît deux justifications. En premier lieu, il convient de rappeler l'interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro par les banques centrales nationales prévue par l'article 123 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). En second lieu, il était nécessaire d'isoler ces opérations spécifiques au sein du budget de l'État.

* 157 Banque de France, « Projections macroéconomiques France » (décembre 2018). Lien vers le document : https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2018/12/13/818421_bmpe_12_2018_fr_vf_avec-signets_v2.pdf

* 158 Fonds monétaire international, « Conclusions de la mission de consultation de 2019 au titre de l'article IV », 3 juin 2019. Lien vers les conclusions : https://www.imf.org/fr/News/Articles/2019/06/03/France-Staff-Concluding-Statement-of-the-2019-Article-IV-Mission

* 159 L'article 11 de la loi 2018-32 de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dispose que « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, conformément à l'article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ».

* 160 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2018.

* 161 Ces dernières années programme 552 était doté d'une vingtaine de millions d'euros afin de majorer en cours de gestion les crédits des fonds spéciaux. (voir supra)

* 162 Voir supra.

* 163 Le IV de cet article dispose en effet qu' « aucun virement ni transfert ne peut être effectué au profit du titre des dépenses de personnel à partir d'un autre titre ».

* 164 Contribution de M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial, au rapport n° 433, tome II (2007-2008) de MM. Philippe Marini, sur le projet de loi de règlement des comptes pour l'année 2007 https://www.senat.fr/rap/l07-433-2/l07-433-2190.html#toc1820

* 165 Les taux d'intérêt à court terme de la Banque de France étant négatifs (- 0,4 %), c'est le déposant qui verse les intérêts à l'institution financière dépositaire des fonds. Or, afin de compenser l'érosion du capital du MES, la France s'est engagée à lui rétrocéder les intérêts perçus sur la fraction de capital déposé à la Banque de France.

* 166 Contribution de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, au rapport n° 628 (2017-2018) de M. Albéric de Montgolfier, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017. http://www.senat.fr/rap/l17-628-2/l17-628-256.html#toc883

* 167 Dans son rapport sur la situation et la perspective des finances publiques de 2018, la Cour des comptes constatait une sous-budgétisation du programme 336 et s'attendait à ce titre « à un dépassement de 0,1 milliard d'euros ».

* 168 Du fait de sa nouvelle configuration excluant les dispositions fiscales, le projet de loi de finances rectificative pour 2018 comprenait 8 articles. M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général estimait à ce titre que le « le PLFR de fin d'année retrouve ainsi son objectif d'origine en se concentrant sur les mesures ayant uniquement un impact sur l'année en cours » au cours de son examen en commission le 14 novembre 2018.

* 169 Audition de Mme Isabelle Saurat, Directrice de l'immobilier de l'État, devant la commission des finances du Sénat, 21 mai 2019. Lien vers le compte-rendu : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20190520/fin.html#toc5

* 170 De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace , MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac (31 mai 2017). Lien vers le rapport : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-570-notice.html

* 171 Décret n°2018-929 du 29 octobre 2018 portant virement de crédits.

* 172 Loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 173 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 174 Le montant moyen versé par individu bénéficiaire est de 259 euros (361 euros en moyenne par mois par ménage bénéficiaire). Depuis le 1 er avril 2017, à la suite de la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2016, le pécule versé aux bénéficiaires n'étant pas hébergés a été revalorisé à 5,40 euros par jour et par adulte bénéficiaire contre 4,20 euros antérieurement (décret n° 2017-430 du 29 mars 2017).

* 175 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 176 Ibid.

* 177 D'une part, par un arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 25 janvier 2018, 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont fait l'objet d'un report anticipé, soit 35 % du montant total des engagements ; ces crédits correspondent principalement à des actions dont les conventions État-opérateur ont été publiées au Journal officiel en fin de gestion ; d'autre part, 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement a été reporté en mars 2018, en raison, d'après le rapport annuel de performance, de la publication de certaines conventions seulement à compter de 2018.

* 178 Les reliquats des PIA et 2 affectés à l'action « Concours d'innovation » du PIA 3 ont été redéployés vers le programme 423 par rétablissement de crédits sur les programmes 343 et 192.

* 179 Rapport annuel de performance annexé à la présente mission.

* 180 Un redéploiement interne au programme est également intervenu, de 50 millions d'euros depuis l'action « Accompagnement et transformation des filières » vers l'action « Soutien à l'innovation collaborative ».

* 181 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir », 2018.

* 182 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir », 2018.

* 183 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Justice », 2018.

* 184 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 185 Comme le rappelle le rapport annuel de performances annexé à la présente mission, « l'indemnité pour charges pénitentiaires des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1 er janvier 2018 pour être portée à 1 400 euros, l'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 euros au 1 er mars 2018 et la prime de sujétions spéciales augmentera pour l'ensemble des personnels de surveillance en plusieurs étapes, dont 0,5 point au 1 er janvier 2018 ».

* 186 Le financement total de 233,2 millions d'euros est assumé à hauteur de 189,8 millions d'euros par le ministère de la culture, dont 155,6 millions d'euros au titre du programme « Livre et industries culturelles ». Le reste de la contribution du ministère de la culture est imputé sur le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », pour la partie monuments historiques. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui exerce la tutelle sur l'École nationale des Chartes et partage la tutelle sur l'Institut national d'histoire de l'art avec le ministère de la culture, participe à hauteur de 42,7 millions d'euros au financement du projet.

* 187 Il s'agit de travaux d'aménagement et de restauration de la salle ovale, la conduite des études et travaux du salon Louis XV, la réalisation des travaux de muséographie.

* 188 Le mécanisme de garantie des ressources consiste à majorer le plafond de remboursement des dégrèvements par des crédits budgétaires à due concurrence d'un éventuel encaissement de CAP inférieur aux prévisions.

* 189 Le mécanisme de garantie des ressources a été activé pour la première fois en 2010. Il a également permis de garantir le niveau de ressources de l'audiovisuel public en 2016 et en 2017.

* 190 Document de politique transversale « Outre-mer » annexé au projet de loi de finances pour 2018, p. 329.

* 191 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 192 Rapport général n° 108 tome 3 annexe 20 (2017-2018) de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, déposé au Sénat le 23 novembre 2017.

* 193 Rapport annuel de performances 2018 annexé au présent projet de loi de règlement.

* 194 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 195 Article 199 undecies C du code général des impôts.

* 196 Cour des comptes, note relative à l'exécution budgétaire 2018.

* 197 Convention financière relative aux modalités de versement des dotations entre l'État et les organismes de sécurité sociale. Cette dernière, datant de 2013, est en cours de renouvellement. Cette nouvelle convention devrait être mise en oeuvre en 2020.

* 198 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 199 Rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 200 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 201 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 202 Les recettes issues des cessions de participations proviennent à 87 % de la cession de titres Safran intervenue en octobre 2018, pour un montant de 1,25 milliard d'euros.

* 203 Cette diminution atteint même 76 % en incluant, pour 2017, la cession par l'État à Bpifrance de la totalité des titres PSA qu'il détenait, retracée en reversement de dotations en capital.

* 204 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 205 Cet endettement résulte du transfert en 2004 vers Areva NC de certaines charges d'assainissement et de démantèlement d'installations du CEA.

* 206 Voir la décision de la Cour administrative d'appel de Paris, 16 avril 2019.

* 207 Voir le rapport de la Cour des comptes, « Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice », novembre 2018.

* 208 Le 10 avril 2019, 248 députés ont cosigné une proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aéroports de Paris, ce qui rendrait impossible la détention majoritaire du capital du groupe ADP par des entités non publiques. Le 9 mai dernier, le Conseil constitutionnel a jugé que la proposition de loi était conforme aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution (décision n° 2019-1 RIP), ce qui a permis d'ouvrir la seconde phase du procédure, à savoir le recueil du soutien des électeurs, fixé à 4 717 396 par le Conseil constitutionnel. Le 13 juin dernier, le ministère de l'intérieur a activé le dispositif de recueil des signatures, qui se poursuivra jusqu'au 13 mars 2020.

* 209 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 210 Projet de loi de finances pour 2018, compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », Rapport général n° 108 (2017-2018) Tome III, Annexe 21 , Victorin Lurel, fait au nom de la commission des finances, 23 novembre 2017.

* 211 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 pour le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », Cour des comptes, juin 2019, p. 40.

* 212 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 pour le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », Cour des comptes, juin 2019, pp. 37-39.

* 213 Le compte intervient alors comme simple véhicule budgétaire auprès des opérateurs en charge des prises de participations, par exemple dans le cadre des plans d'investissement d'avenir.

* 214 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2018 pour le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », Cour des comptes, juin 2019, p. 58.

* 215 Voir l'annexe 21 au tome III du rapport général n° 147 (2018-2019, de Victorin Lurel, faite au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances pour 2019, 22 novembre 2018.

* 216 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 217 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001.

* 218 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 219 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 220 Cour des comptes, Mission « Recherche et enseignement supérieur », Note d'exécution budgétaire, 2018.

* 221 Loi n°2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants.

* 222 Les blocages étudiants ont généré 15,8 millions d'euros de dommages, qui ont intégralement été pris en charge par le ministère.

* 223 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 224 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 225 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

* 226 Décret n° 2019-205 du 19 mars 2019 relatif aux modalités de programmation et de suivi des actions financées par la contribution de vie étudiante et de campus

* 227 Exonérations de charges sociales pour certaines entreprises

* 228 En pratique, compte tenu des délais de paiement, le versement effectif de la pension revalorisée n'intervient qu'en novembre, dans la plupart des cas.

* 229 Disposition censurée par le Conseil constitutionnel pour des motifs essentiellement formels.

* 230 D'autant plus essentielle pour les personnes ne disposant pas d'un patrimoine leur assurant des revenus d'appoint plus ou moins substantiels, c'est-à-dire pour les retraités relativement pauvres et qui ont été également des actifs n'appartenant pas au haut de la distribution des revenus.

* 231 Le contexte des régimes spéciaux est sensible à des évolutions économiques et sociodémographiques pouvant marquer les entreprises auxquelles ils sont associés, sort commun à tous les régimes de retraites mais particulièrement prononcé pour les régimes spéciaux qui, du fait de leur isolement, ne bénéficient pas des effets amortisseurs de régimes plus diversifiés.

* 232 Hors le remboursement de la dette de l'État envers le régime.

* 233 Au titre des seules pensions

* 234 Par ailleurs, compte tenu de l'isolement de ces régimes et du fait que certains d'entre eux concernent des entreprises (plus ou moins) soumises à la concurrence, les hypothèses économico-démographiques sur lesquelles reposent les projections apparaissent d'emblée affectées d'incertitudes qu'il serait utile d'illustrer par des projections établies en variantes. Cette recommandation s'impose d'autant plus que les hypothèses choisies pour réaliser les projections ne sont pas présentées avec un détail suffisant dans le cadre du compte général de l'État. On ne peut qu'ajouter quelques interrogations sur les effets de l'innovation technologique notamment sur les conditions de financement des régimes concernant les entreprises de transport où les progrès de productivité par tête pourraient aboutir à une reconsidération radicale des modalités de financement de la protection sociale dans l'hypothèse où ils seraient captés par le capital.

* 235 Ainsi, un besoin de financement de 346 milliards d'euros en 2117 équivaut grosso modo à un besoin de financement annuel moyen de 3,5 milliards d'euros, résultat à comparer avec les 6,3 milliards d'euros de dépenses de la mission en 2017.

* 236 Les évolutions résultant de la réforme ferroviaire sur les charges d'équilibre supportées par la mission exerceront des effets inverses, du moins un certain temps, sur l'équilibre du régime général, qui devrait « récupérer » de nouveaux cotisants sans charges de pensions immédiates. La négociation de la nouvelle convention collective semble intégrer le maintien des conditions spécifiques de retraite des employés de l'entreprise mais attend confirmation d'autant que la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite fondé sur un principe d'égalité des rendements contributifs paraît très difficilement compatible avec un tel maintien.

* 237 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 238 Le rapport démographique comporte à son numérateur les effectifs de cotisants et à son dénominateur les effectifs de retraités de droit direct ou indirect.

* 239 Ce motif de dépenses concerne principalement la fonction publique militaire du fait des conditions particulières de la carrière de ces personnels, les dépenses d'affiliation rétroactive des personnels civils étant limitées à 15 millions d'euros sur un total de dépenses de 240 millions d'euros.

* 240 Les cotisations sociales ne représentent que 20 % des ressources, la subvention de l'État 72 %.

* 241 La récente augmentation des taux de cotisation aux régimes complémentaires des salariés du secteur privé a induit un nouveau décalage

* 242 Les autres dépenses du programme 741, en particulier les charges de compensation démographique, ont rétrogradé.

* 243 La revalorisation a suscité un alourdissement des pensions militaires de 20 millions d'euros.

* 244 Les différentes évaluations des engagements de retraite de l'Etat pour ses fonctionnaires civils et militaires correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés.

* 245 Le besoin de financement intègre les perspectives de recettes des régimes des fonctionnaires de l'État et décompose les engagements de retraite exposés plus haut par année. Un besoin de financement négatif correspond à une capacité de financement c'est-à-dire à une situation d'excès des recettes par rapport aux dépenses.

* 246 Depuis l'édition 2016, le compte général de l'État pour 2016 ne reprend plus la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte, ce qu'il faut regretter compte tenu de la durée pertinente d'appréciation des équilibres des régimes de retraite.

* 247 On pourrait supposer que le taux d'accumulation du capital est une condition de la croissance qui suppose une déformation plus ou moins forte du partage de la valeur ajoutée ou encore qu'aux horizons de projection utilisés une modification de la fonction de production économisant du travail se produira, toutes supputations qui conduisent à poser la question de la structure de financement de la protection sociale, particulièrement prégnante pour la protection contre le risque viager, dont le financement est essentiellement contributif.

* 248 On ne peut davantage estimer qu'elle est arbitraire tant la soutenabilité d'une rigidité des salaires publics pose problème. Par ailleurs, il existe des facteurs moins économiques qui peuvent modifier la trajectoire tendancielle des recettes du CAS.

* 249 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017

* 250 Ouverture de crédits prévue par la loi de finances rectificative du 10 décembre 2018

* 251 Commission européenne, « VAT Gap report », septembre 2018, p. 31

* 252 Rapport remis par la Gouvernement au Parlement en application de l'article 25 de la loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014

* 253 Décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017

* 254 « Plan de renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme » (PLAT), présenté en avril 2015 ; et « Pacte de sécurité » (PDS), annoncé en novembre 2015 ; « Plan de sécurité outre-mer » (PSOM), annoncé en avril 2016 ; « Plan de sécurité publique » (PSP), annoncé en octobre 2016.

* 255 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

* 256 Le décret d'avance du 20 juillet 2017 avait annulé 133 millions d'AE et 110 millions d'euros de CP sur le programme « Police nationale » ainsi que 111,4 millions d'euros d'AE et 90 millions d'euros de CP sur le programme « Gendarmerie nationale ».

* 257 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités ».

* 258 Rapport IGA-IGF « Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales », février 2017.

* 259 Il s'agit, notamment, de la transposition pour la police et la gendarmerie nationale du protocole de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations.

* 260 Cour des comptes, référé au Premier ministre du 13 mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales.

* 261 Ce protocole fait suite à un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoyait de « de financer une prime exceptionnelle de 300 € qui sera versée aux 111 000 policiers et militaires qui ont participé aux récentes opérations [de maintien de l'ordre] »

* 262 Amendement à l'Assemblée nationale n° 1341 du 18 décembre 2018 sur le projet de loi de finances pour 2019 .

* 263 Revalorisation de l'allocation de maîtrise (AM) pour la police nationale, de l'allocation de mission judiciaire (AMJ) pour la gendarmerie nationale, et de l'indemnité de sujétion spéciale police (ISSP).

* 264 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités ».

* 265 Voir par exemple : Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 266 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 267 Parc automobile, armements, munitions, équipements de sécurité et habillement des personnels en tenue.

* 268 Rapport d'information n°717 (2017-2018) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, Les équipements de la police et de la gendarmerie (acquisition et utilisation).

* 269 Arrêté du 8 février 2018 portants reports de crédits.

* 270 Depuis le 1 er janvier 2015, les dépenses de titre 2 du programme 207 « Sécurité et éducation routières » ont été transférées au programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieure », de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin d'en améliorer la gestion.

* 271 Bilan de l'accidentalité routière en 2018 de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

* 272 Françoise Dumas, député, Stanislas Guérini, député, Marie-Grâce Lux, inspectrice générale de l'administration, et Nicolas Dupas, Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée (rapport au Premier ministre), 12 février 2019.

* 273 Libellé modifié par rapport à 2016 : le programme 751 intègre, depuis le 1 er janvier 2017, les anciens programmes 751 « Radars » et 752 « Fichier national du permis de conduire ».

* 274 En application de l'article 49 modifié de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006.

* 275 Toutefois comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire : « L'évaluation de l'impact de cette réforme est complexe. Il était difficile d'anticiper le nombre de communes qui entreraient dans la réforme et le calendrier de mise en application pour chacune d'entre elles. Selon les données de l'ANTAI, au 31 décembre 2018, 564 des 800 communes qui appliquaient le stationnement payant sont entrées dans la réforme. Il convient par ailleurs de rappeler que ces mouvements de recettes ne produiront pleinement leurs effets qu'en 2019, puisqu'en 2018 les crédits répartis au profit des collectivités territoriales correspondent aux recettes 2017. »

* 276 Le décret n° 2017-1136 du 5 juillet 2017 a assigné de nouvelles missions à l'agence, qui se voit confier le traitement des redevances de stationnement (forfait post-stationnement (FPS)) et les infractions autres que routières mentionnées à l'article R.481 du code de procédure pénale.

* 277 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 278 « I. - Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. »

* 279 En application de l'article 160 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 280 Cette dernière s'élève à 51, 54 millions d'euros pour 2018.

* 281 Introduit par la commission des finances du Sénat par amendement de son rapporteur général, cet article précise qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale [...] ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus » . Le Gouvernement a cependant tenu à l'appliquer dès l'exercice de 2018 à travers l'article 8 de la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 282 Unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile.

* 283 « Le système d'alerte et d'information des populations : un dispositif indispensable fragilisé par un manque d'ambition », rapport d'information de M. Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances n° 595 (2016-2017) - 28 juin 2017.

* 284 Rapport spécial n° 108 (2017-2018) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 285 Alimentée par les SDIS, l'ONF et les DDTM, cette base recense les données statistiques des incendies de forêts dans la zone de sécurité et de défense Sud, l'Ardèche et la Drôme.

* 286 La prévision pour 2018 se fonde sur une moyenne des 11 dernières années. L'indicateur 1.1 a été présenté pour la première fois dans le projet annuel de performance pour 2016.

* 287 Sur les crédits hors titre 2

* 288 Loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018

* 289 Rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat, « Un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver » (octobre 2018).

* 290 Il s'agit de l' abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites (programme 157) : 4 387 millions d'euros ; de l'exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d'accueil du jeune enfant (programme 304) : 1 897 millions d'euros ; de l'exonération de taxe d'habitation en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste (programme 157) : 1 729 millions d'euros, et du crédit d'impôt, sur l'impôt sur le revenu, pour frais de garde des enfants de moins de six ans (programme 304) : 1 200 millions d'euros.

* 291 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », Cour des comptes, juin 2019, pp. 47-48.

* 292 Les restes à payer s'expliquent en raison du décalage entre l'engagement de la dépense et son paiement effectif : les subventions d'équipement n'étant soldées qu'à l'issue de la réalisation conforme de l'opération subventionnée et après vérification du montant des dépenses effectivement exposées par le porteur de projet, elles engendrent un niveau important d'engagements à caractère pluriannuel.

* 293 Suppression résultant de l'article 14 de la loi organique n° 2017-1338 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique.

* 294 Chiffres pour 2016.

* 295 Le FDVA intervenait historiquement pour accompagner le secteur associatif pour financer des plans de formation, essentiellement par voie d'appels à projets nationaux et locaux.

* 296 Décret n° 2018-460 du 8 juin 2018 relatif au fonds pour le développement de la vie associative.

* 297 Selon les données de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.

* 298 DARES indicateurs , janvier 2019 n°003

* 299 Donnons-nous les moyens de l'inclusion, Rapport de M. Jean-Marc Borello à la Ministre du travail, 16 janvier 2018.

* 300 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels.

* 301 Rapport final d'évaluation de la garantie jeunes, DARES, février 2018.

* 302 Loi n°2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 303 Les maisons de l'emploi : renforcer leur gouvernance et pérenniser leur financement pour une politique territoriale de l'emploi vraiment efficace. Rapport d'information de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2017-2018) - 11 juillet 2018.

* 304 Mission « flash » sur Pôle emploi, commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, 19 février 2019.

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