II. L'ANALYSE DE L'EXÉCUTION BUDGETAIRE EN 2007

Votre rapporteur spécial relève que, conformément aux « bonnes pratiques budgétaires » instaurées par le texte mais aussi « l'esprit » de la LOLF, la dotation relative aux rémunérations publiques n'était pas valorisée, tous les crédits de rémunération des agents de l'État ayant été répartis dans les titres 2 des différentes missions.

Aussi, l'analyse suivante ne concerne-t-elle que la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles.

A. DES TAUX DE CONSOMMATIONS ASSEZ FAIBLES...

Votre rapporteur spécial rappelle que, dans la mesure où ces crédits représentent une dotation prévisionnelle, ils n'ont pas vocation à être entièrement consommés. Les taux d'exécution sont donc donnés à titre informatif et ne constituent pas à proprement parler, un élément de la mesure de la performance.

En outre, ce type de dépenses peut aussi être financé au moyen de la fongibilité des crédits à l'intérieur des programmes, du dégel des 5 % de crédits mis en réserve en début d'exercice budgétaire ou encore, en cas « d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national » , par la procédure de l'article 13 de la LOLF qui prévoit l'ouverture de crédits par décret d'avance.

Exercice budgétaire 2007

(en millions d'euros)

Dotation

Inscrits en LFI 2007

Consommés en 2007

Taux de consommation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

551 Provision relative aux rémunérations publiques

0

0

0

0

0

0

552 Dépenses accidentelles et imprévisibles

75.459

75.459

32.800

26.600

43,46 %

35,25 %

Source : rapport annuel de performances pour 2007

Sur les 75,45 millions d'euros votés en loi de finances initiale (LFI), sur le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP), seuls 32,8 millions d'euros d'AE et 26,6 millions d'euros de CP ont fait l'objet d'annulation (soit un taux d'exécution respectivement de 35,25 % et de 43,46 %).

S'il apparaît clairement impossible de « prévoir l'imprévisible », une analyse du montant de l'exécution budgétaire est délicate à formuler. En revanche, pour veiller au respect du principe de sincérité budgétaire, le caractère imprévisible de la nature de la dépense doit être examiné avec attention.

B. ...DONT L'OBJET PEUT INTERROGER L'ESPRIT DE LA LOLF

Le rapport annuel de performances détaille l'objet des deux décrets qui ont autorisé ces annulations de crédits.

Le premier décret, en date du 15 octobre 2007, vise le programme  160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer » de la mission « Outre-mer », qu'il abonde de 17,6 millions d'euros en AE et 11,4 millions d'euros en CP.

L'objet de ce transfert de crédits est le financement des indemnisations des sinistres provoqués par le cyclone « Gamède » à la Réunion, en février 2007, ce qui est parfaitement conforme à la vocation de la présente dotation.

Le second décret, en date du 14 décembre 2007, bénéficie aux trois programmes de la mission « Action extérieure de l'État » (« Action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et étrangers en France » et « Rayonnement culturel et scientifique »). Il porte sur 15,2 millions d'euros tant en AE qu'en CP.

Le but de ce transfert est de financer les opérations de couverture du risque de change en devises des traitements des agents du ministère des affaires étrangères et européennes.

Afin de minimiser l'impact potentiellement négatif des risques de change, et conformément aux souhaits de votre commission des finances 202 ( * ) , le contrat de modernisation triennal (2006-2008) signé entre le Quai d'Orsay et le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique en avril 2006 a prévu des mécanismes de couverture des risques de change par achat de devises à terme par l'intermédiaire du compte de commerce « Couverture des risques financiers de l'État », géré par l'Agence France Trésor.

Or, si le compte de commerce précité retrace bien les opérations de couverture financière des variations de change, qui constituent le risque le plus coûteux (193 millions d'euros en exécution 2007) eu égard aux montants des contributions internationales, la couverture change-prix, qui concerne le personnel expatrié et les agents locaux et tient compte simultanément des variations de change et des différentiels d'inflation, n'a pas été prévue. Il a donc été décidé de recourir à la dotation pour dépenses accidentelles de la mission « Provisions » selon un arbitrage détaillé de manière très claire dans les réponses au questionnaire parlementaire adressés à votre rapporteur spécial par la direction du budget.

En effet, selon la direction du budget, à la fin du mois de novembre 2007, l'insuffisance de crédits constatée sur le titre 2 du ministère des affaires étrangères aurait pu retarder le paiement de certaines indemnités ou avances dues aux personnels rémunérés par ce ministère.

Plusieurs options ont alors été envisagées, telles que le recours à un décret d'avance ou à un amendement à la loi de finances rectificative (options toutes deux écartées en raison des délais qui n'auraient pas assuré une disponibilité des crédits avant la fin du mois de décembre, soit une date trop tardive pour permettre la mise en paiement de la paye du mois de décembre).

« La nécessité d'assurer un support budgétaire à une dépense qui ne pouvait être différée » a conduit au recours à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles .

Dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour 2007, la Cour des comptes a qualifié une telle utilisation de cette dotation de « critiquable » du point de vue de l'esprit de la LOLF, en ce qu'elle contourne la règle de la fongibilité asymétrique en abondant en cours d'année les plafonds du titre 2 des trois programmes concernés, qui plus est au moyen de crédits de titre 3. En outre, la Cour des comptes souligne que, bien qu'incertaines dans leurs montants, ces dépenses ne peuvent pas être considérées, en elles-mêmes, comme imprévisibles. Elle préconise plutôt de recourir à la procédure de décret d'avance (comme ce fut le cas en 2006) ou au compte de commerce « Couverture des risques financiers de l'État ».

Votre rapporteur spécial estime fondées les remarques de la Cour des comptes dans la mesure où la LOLF a expressément prévu une dotation pour rémunérations publiques dont les crédits relèvent du titre 2 et peuvent uniquement majorer des crédits de dépenses de personnel (article 11 alinéa 2 de la LOLF). Néanmoins, celle-ci n'ayant pas été valorisée en loi de finances initiale pour 2007, ces dépenses ont été imputées sur les crédits de la dotation pour dépenses accidentelles, sur laquelle, en revanche, aucune disposition formelle n'interdit d'imputer des dépenses de personnel. Cette pratique n'apparaît donc pas, à proprement parler, contraire à la lettre de la LOLF, bien qu'on puisse considérer qu'elle s'éloigne de son esprit.

Mais la procédure du décret d'avance préconisée par la Cour des comptes lui semble inadaptée, dans la mesure où le caractère d'urgence auquel la LOLF le subordonne n'est pas réellement avéré. En effet, s'il apparaît incontestable à votre rapporteur spécial que les personnels doivent être rémunérés à la date prévue, cette dépense pourrait tout de même être prévue et évaluée par le ministère des affaires étrangères et européennes.

Ainsi, votre rapporteur spécial estime que le risque change-prix devrait être considéré comme prévisible, bien qu'incertain dans son montant, et donc, figurer au compte de commerce « Couverture des risques financiers de l'État », à l'instar des opérations de couverture financière des variations de change, comme l'avait souhaité votre commission des finances lors de l'examen du PLF pour 2006.

A défaut, la mission « Provisions » pourrait financer la couverture de ce risque, à condition que la dotation pour rémunérations publiques soit abondée en ce sens lors de l'élaboration de la loi de finances.

*

* *

En conclusion, votre rapporteur spécial souligne que l'absence de mesure de la performance est liée aux spécificités de la mission « Provisions », mission hors normes dont les crédits non maîtrisables ne s'identifient pas à une politique publique.

S'il considère qu'il n'y a pas lieu, cette année, de mettre en garde contre les éventuels « détournements » dont cette dotation pourrait faire l'objet par imputation inappropriée de certaines dépenses prévisibles, il recommande toutefois, à compter du projet de loi de finances initiale pour 2009, de prévoir l'inscription de crédits de couverture change-prix du ministère des affaires étrangères et européennes sur la dotation relative aux rémunérations publiques dans le cas où cette couverture ne serait pas inscrite sur le compte de commerce correspondant.

* 202 Lors de l'examen du PLF pour 2006, notre collègue rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », M. Adrien Gouteyron, encourageait le Quai d'Orsay « à procéder dès 2006, en recourant à l'agence France Trésor, à des opérations de couverture du risque de change, compte tenu du volume des contributions obligatoires ou volontaires libellées en devises ». Ces recommandations avaient été également formulées par notre collègue rapporteur général Philippe Marini dans son rapport sur le PLF pour 2006.

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